Le cas du mariage homosexuel de Bègles : de l’intimidation à l’approbation
p. 101-132
Texte intégral
1En septembre 2004, Serge Simon publie Homophobie 2004, France. Cet ancien joueur international de rugby propose ce recueil des courriers les plus virulents reçus à la mairie de Bègles dans le cadre du mariage homosexuel, célébré le 5 juin 2004 par Noël Mamère, pour témoigner et rendre publique une haine ordinaire à l’égard des personnes homosexuelles. En tant que rugbyman, il pense participer à cet opprobre car dans ce milieu les pratiques homosexuelles sont perçues comme le « mal absolu » (p. 7). Dans son avant-propos, il ne se pose pas comme simple témoin mais comme participant à cette hostilité par ses paroles et ses actes tous tournés vers la justification d’une non-homosexualité flagrante. Surtout ne pas être considéré comme non-viril voire comme une femme puisque la devise des rugbymen pourrait être : « on n’est pas des pédés ! » (p. 7). C’est suite à des années d’insultes dues à un malencontreux entretien médiatique où il allia les termes « féminité », « homosexualité » et « rugby » qu’il prit conscience qu’il ne pouvait plus être acteur dans cette haine ordinaire et qu’il fallait en témoigner pour que les consciences s’éveillent, d’où l’initiative de cet ouvrage.
2Ce livre a attiré l’attention de notre équipe de recherche en psychologie sociale sur ce corpus. En effet, bien souvent le chercheur recueillant des données produites à sa demande sur des problématiques actuelles telles que l’homophobie se retrouve devant des effets de désirabilité sociale. La correspondance reçue à la mairie de Bègles, à l’occasion du mariage civil de deux hommes, Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier, n’a pas été générée à la demande des chercheurs, elle évite ainsi les écueils de la norme sociale de tolérance. Son étude permet de rendre compte des thèmes, des connotations, des modes argumentaires et de la structuration des discours produits à l’occasion de cet événement.
3Ce chapitre se propose de présenter la première phase du travail entamé par l’équipe fin décembre 2004, c’est-à-dire une description des caractéristiques du corpus, comportant plus de 2000 lettres, courriels et autres télécopies. L’objectif est d’une part, de dégager et d’analyser les variables jugées pertinentes pour appréhender la forme et le contenu de cette collection de correspondances et d’autre part, d’asseoir l’analyse des données textuelles présentée dans le chapitre suivant. Cette analyse des messages ne peut faire l’économie d’une contextualisation historique de l’événement décrite dans la première partie de ce chapitre.
Le contexte historique du mariage homosexuel de Bègles
4Replacer la démarche du maire de Bègles dans son environnement circonstancié est nécessaire non seulement pour appréhender pleinement l’effervescence générée autour de cette action mais aussi pour éviter de penser l’événement avec le regard ambiant de 2011. En effet, les conjonctures globale et nationale aussi bien économique, politique que sociale sont bien différentes de ce que nous connaissons actuellement. Cette partie donne au lecteur une description non exhaustive de faits mondiaux et nationaux dépeignant, à nos yeux, l’année 2004. Certains d’entre eux n’ont que peu ou pas de lien direct avec le mariage homosexuel de Bègles. Néanmoins, ils sont tous le fruit des croyances, des attitudes et des comportements des êtres humains. Ils rendent compte de la façon dont ces derniers construisent et font évoluer leurs sociétés. Ils sont l’ancrage historique des modifications sociétales à l’instar de l’événement qui nous occupe ici.
Le monde et la France en 2004 : les événements
5C’est tout d’abord l’année internationale de commémoration de la lutte contre l’esclavage et de son abolition (1904). C’est aussi le 200e anniversaire de l’Indépendance de la République d’Haïti, première république noire indépendante au monde. Le 28 avril, le conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1540 (chapitre VII) concernant les armes de destruction massive et la prolifération nucléaire. C’est le même jour que la presse révèle la pratique de tortures et d’humiliations dans les prisons irakiennes du fait de soldats américains. La publication de photos de la prison d’Abou Ghraib fait scandale sur une guerre officiellement terminée le 1er mai 2003.
6Avant d’aborder le contexte politique et légal français, voici quelques dates identifiant l’année 2004 dans divers domaines pour notre pays. Par exemple la fermeture, le 23 avril, de la dernière mine de charbon française, celle de La Houve à Creutzwald (Moselle), vient clore une page de l’histoire alors que l’inauguration, le 14 décembre, du plus haut pont du monde, le viaduc de Millau (construit par Eiffage et dessiné par Foster) en ouvre une autre. D’autres constructions humaines allient passé, présent et futur. Ainsi, l’Église Notre-Dame de Toute Grâce du Plateau d’Assy, construite par Novarina de 1937 à 1947, dont la décoration a été réalisée par de grands artistes de la première moitié du XXe siècle, est classée au titre des monuments historiques, le 11 juin, signant le renouveau de l’art sacré. Certains événements sont perpétuels à l’instar de la planète Vénus qui passe devant le disque solaire, le 8 juin, phénomène astronomique rare devant se reproduire en 2012. D’autres reviennent sur les épisodes de notre histoire. C’est le cas du parquet de Paris qui ouvre, le 20 septembre, une information judiciaire pour enquêter sur les conséquences humaines des essais nucléaires menés par la France entre 1960 et 1996 tant dans le Sahara algérien qu’en Polynésie. Enfin, des faits posent des changements de mentalité, des évolutions sociétales. Ainsi, le 2 septembre voit l’assassinat de deux inspecteurs du travail, dans l’exercice de leur fonction, par un agriculteur à Saussignac (Dordogne). Parallèlement, le même trimestre, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité (Halde) est créée le 8 décembre, signant un engagement pris en 2002 par Jacques Chirac pour mettre la France en conformité avec les directives européennes.
7En 2004, Jacques Chirac est président de la République française depuis 1995. Il a été réélu en 2002 en obtenant 82,21 % des voix au second tour des élections présidentielles opposé à Jean-Marie Le Pen (17,79 % de voix). C’est le gouvernement « Raffarin 2 » depuis le 17 juin 2002. Un remaniement a lieu le 30 mars laissant la place au gouvernement « Raffarin 3 » suite aux élections cantonales et régionales des 21 et 28 mars. En effet, les résultats des régionales font apparaître une France « rose » car toutes les régions restent ou basculent à gauche. Seules l’Alsace et la Corse restent à droite. Pour les cantonales, le nombre de conseils généraux à gauche augmente pour atteindre 51 départements (PC, PS, Radicaux et DVG) et 49 à Droite (UDF, UMP, DVD et MPF). D’autres élections ont lieu cette année là. Tout d’abord les européennes (13 juin) qui voient la victoire du PS (28,9 %) alors que l’UMP recule (16,6 %) face à l’UDF (12,0 %), le FN (9,8 %) et les Verts (7,4 %). Le 29 juin, Marie-Noëlle Thémereau est élue à la présidence du cinquième gouvernement de la Nouvelle-Calédonie issu des Accords de Nouméa et le 28 novembre, Nicolas Sarkozy est élu président de l’UMP.
8Dans ce contexte gouvernemental, la législation évolue dans divers domaines : le 9 mars, la loi Perben II1 sur la justice instaure le plaider-coupable et constitue des pôles de grande criminalité ; le 15 mars connaît la promulgation de la Loi sur le port de signes ou de tenues « ostentatoires » et « manifestant une appartenance religieuse » dans les établissements scolaires publics2. L’adoption de la loi sur la bioéthique interdisant le clonage humain3 a lieu le 6 août. Le 13 du même mois c’est la mise en place de la réforme de l’assurance maladie4 avec l’instauration du principe de « médecin traitant ». Le 30 novembre, c’est la Loi sur le « droit au laisser-mourir5 » qui est votée par l’Assemblée nationale.
9C’est donc dans ce paysage, propre à 2004, que le 5 juin, a lieu la célébration du mariage homosexuel entre deux hommes par Noël Mamère, à Bègles (Gironde), ville dont il est le député-maire. à cette époque, en Europe seuls deux pays ont ouvert le mariage aux personnes de même sexe, les Pays-Bas en 2001 et la Belgique en 2003. En France, le Pacte Civil de Solidarité (Pacs) existe depuis 1999, il permet à des couples hétérosexuels ou homosexuels de contracter une union civile légale destinée à encadrer la vie commune. Cet acte politique inédit de l’élu Verts engendre une agitation intense fortement relayée par les médias dans l’opinion publique, les classes politique, intellectuelle et religieuse.
Les prises de position relatives au mariage de Bègles
10La célébration de ce mariage va connaître une forte médiatisation qui aura une incidence certaine sur le nombre de messages reçus à la mairie de Bègles. En effet, l’année 2004 voit une réelle orchestration de cet événement avec une multiplication des prises de position de différentes élites, intelligentsia, classe politique ou encore hommes d’église. Tout commence le soir du 16 janvier où les pompiers interviennent pour secourir Sébastien Nouchet, brûlé vif à divers endroits du corps. Au sortir d’un coma de deux semaines, l’homme se dit victime d’une agression homophobe. Il relate qu’entre 2001 et 2003, il avait été victime avec son compagnon de violences physiques et verbales de la part du voisinage les poussant à déménager pour une autre ville. Pendant le procès, l’un de leurs anciens voisins est condamné à huit mois de prison pour ces faits mais non pour l’immolation. Les deux autres agresseurs présumés désignés par Sébastien Nouchet sont mis hors de cause.
11Cette affaire entraîne un certain émoi. Des manifestations antihomophobie sont organisées par les associations de défense des droits des homosexuels (SOS Homophobie) et des partis politiques comme les Verts ou encore le PC. Le président de la République envoie une lettre de soutien à la victime et son ami. Le 30 décembre 2004, la loi no 2004-1486 dite « loi Nouchet6 » est votée, puis publiée au « Journal officiel » le 31 décembre. Elle a pour objet de condamner la diffamation et les injures envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur orientation sexuelle, de leur sexe ou de leur handicap.
12Sans s’appesantir sur le déroulement rocambolesque du procès clos le 4 octobre 2006 par un non-lieu que le plaignant porte en appel, ce fait divers entraîne une série d’événements qui ne sont pas étrangers à la célébration du mariage homosexuel à Bègles le 5 juin. En effet, le 17 mars, le journal « Le Monde » publie un manifeste pour l’égalité des droits, lancé par le philosophe Didier Eribon et le juriste Daniel Borrillo. Le texte réclame l’ouverture du mariage, de l’adoption et de la procréation médicalement assistée aux couples homosexuels. Le texte commence ainsi : « L’agression dont a été victime Sébastien Nouchet, brûlé vif parce que homosexuel, a soulevé une vague d’émotion et d’indignation. Elle a fait prendre conscience de quelle haine les gays, les lesbiennes, les transsexuel-les pouvaient faire l’objet en France comme ailleurs. » Ce manifeste prône une lutte contre les discriminations commençant par une égalité des droits. « Il nous semble en effet homophobe et discriminatoire de refuser l’accès des gays et des lesbiennes au droit au mariage […]. Nous demandons aux maires des communes de France de suivre l’exemple donné par le maire de San Francisco et de célébrer des unions entre personnes du même sexe. » Cette déclaration, signée par de nombreuses personnalités, inaugure la mise en place d’un groupe de juristes, piloté par Daniel Borrillo, pour soutenir dans leur démarche les couples gays et lesbiens qui voudraient se marier. Ainsi le 31 mars, plusieurs maires et élus municipaux se disent prêts à célébrer des mariages civils homosexuels : Clémentine Autain et Patrick Brazouec (PC), Christophe Girard (PS), Jacques Boutault et Noël Mamère (Verts).
13Sur ce thème du mariage homosexuel, la classe politique va s’animer en un festival de déclarations et autres prises de position7 qui ne sont pas toutes relatées dans notre propos. Le 5 avril, le maire de Paris, Bertrand Delanoë, se prononce en faveur d’un débat sur l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Il se dit contre toute initiative qui se ferait en dehors du droit actuel qui pose que le « mariage est bien conçu pour un homme et une femme ». Il est suivi en cela par Lionel Jospin, qui, le 16 mai dans une tribune parue dans le « Journal du Dimanche », se dit opposé à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Dans le même temps, Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin réaffirment qu’ils sont contre le mariage ouvert aux couples de même sexe mais pour une amélioration du PaCS. Les débats sont réellement lancés le 22 avril, lorsque Noël Mamère annonce qu’il célébrera le 5 juin un mariage homosexuel à Bègles, ville dont il est député-maire. Il ne s’agit plus là de considérations idéologiques mais bien de prendre position sur un cas précis. Ainsi le 28 avril, dans un entretien au « Figaro », le ministre de la Justice, Dominique Perben, se dit opposé à une ouverture du mariage aux couples homosexuels et condamne l’initiative de Noël Mamère. Il demande, le 5 mai, au parquet général de Bordeaux de s’opposer à la célébration du mariage de Bègles. Trois semaines plus tard, le procureur de la République de Bordeaux signifie à l’élu Verts que le mariage entre deux hommes qu’il entend célébrer est interdit par la loi. Début juin viennent les menaces. Le Premier Ministre avertit Noël Mamère des sanctions administratives encourues s’il persiste dans sa démarche. Il déclare à l’Assemblée nationale : « Le code civil ne permet ni n’autorise le mariage de deux personnes d’un même sexe » et ajoute « tout élu qui ne respecterait pas la loi dans ce contexte, qui ne respecterait pas le code civil, encourrait les sanctions prévues par la loi ». Le lendemain, le 3 juin, le procureur de la République de Bordeaux écrit à Noël Mamère qu’il n’a pas la compétence territoriale pour procéder au mariage qu’il a prévu, l’adresse donnée par les deux hommes étant « fictive ». Malgré cette déferlante, Noël Mamère célèbre le mariage des deux hommes, Stéphane Chapin et Bertrand Charpentier dans sa mairie. à l’extérieur, quelques dizaines d’opposants à ce mariage scandent des propos homophobes. Le préfet de Gironde engage une procédure de suspension à l’encontre du maire de Bègles et le ministre de la justice demande qu’une requête en nullité du mariage soit présentée au tribunal de grande instance (TGI) de Bordeaux. Le ministère de l’intérieur annonce, le 15 juin, avoir suspendu pour un mois Noël Mamère de ses fonctions de maire. En juillet, le tribunal administratif de Bordeaux rejette la requête de Noël Mamère demandant l’annulation de la suspension de ses fonctions. Enfin le 27 juillet, le TGI de Bordeaux annule le mariage homosexuel célébré le 5 juin à Bègles.
14Même s’il s’agit d’un mariage civil, l’église à travers ses représentants prend position. L’évêque d’évry, Mgr Dubost, critique le soutien des Verts à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels : « Il est surprenant que les mêmes qui luttent contre les OGM (organismes génétiquement modifiés) au nom du respect de la nature disent avec le même élan que la nature n’a pas d’importance pour l’homme » (5 mai). Le 22 mai, cette opposition est partagée par l’Archevêque de Bordeaux, Mgr Ricard qui se dit contre l’ouverture du mariage aux couples homosexuels. Selon lui, « Notre société ne saurait mettre sur le même plan l’union d’un homme et d’une femme, ouverte sur la naissance de nouveaux êtres, avec celle de deux semblables, qui ne l’est pas. » De son côté, et en réaction, Mgr Gaillot déclare « le mariage homosexuel me paraît aujourd’hui la reconnaissance d’un droit » et il ajoute « faire appel à l’ordre naturel est devenu un combat d’arrière-garde ». Rappelons que Mgr Gaillot, autrefois évêque du diocèse d’évreux, a été relevé de son évêché par Jean-Paul II en 1995 en raison de ses opinions notamment en faveur du mariage des prêtres. Pour conclure sur les positions de l’église, le 10 janvier 2005 Jean-Paul II dénonce les pays qui reconnaissent les unions homosexuelles ou l’homoparentalité.
15Ce rappel du contexte est nécessaire pour rendre compte de la forte médiatisation de cet événement qui peut expliquer en partie l’abondance des courriers reçus et l’intérêt que nous avons porté à cette correspondance. En effet, d’autres demandes de mariage entre personnes de même sexe ont été déposées dans différentes mairies de France mais la couverture médiatique n’a pas suivi. Le 24 juillet à la mairie de Caudebec-lès-Elbeuf (Seine-Maritime), le maire de la ville, Noël Caru (DVG), marie de manière symbolique et non officielle Thierry Decambeaux et Franck Duhamel. Deux mois plus tôt, ce dernier avait été insulté, menacé et frappé par l’un de ses collègues justifiant son acte par la médiatisation de ce futur mariage. Un autre couple d’hommes, Christophe et Mehdi, habitant Bagnolet (Seine-Saint-Denis), dépose une demande de mariage à leur mairie le 30 août. Quelques jours plus tard, le maire de la ville Marc Everbecq (PC) puis le parquet de Bobigny s’y opposent. Enfin, le 19 juin devait être célébré le mariage de Dominique Adamski et Francis Dekens, premiers pacsés en 1999, en mairie de Marseillan (Hérault) par William Meric (PS) mais les événements de Bègles participent à l’annulation de la cérémonie. Ce couple décide donc de s’installer en Belgique et de s’y unir en février 2006.
16La démarche du maire de Bègles ainsi placée dans son contexte historique justifie l’intérêt que nous portons à cette abondante correspondance reçue par l’élu au cours de l’année 2004. En effet, elle signe spontanément un événement inédit en France.
Le contexte de la recherche
17L’objectif principal de ce travail est de caractériser le contenu du préjugé homophobe dans la société française. En effet, si de nombreux éléments laissent à penser que l’homosexualité fait l’objet de plus de tolérance, d’autres éléments indiquent la persistance du préjugé homophobe. Ainsi des sondages IPSOS réalisés sur l’acceptation du mariage homosexuel dans l’opinion publique montrent une évolution favorable des mentalités. En 2000, 48 % des personnes interrogées étaient favorables à l’ouverture du mariage au couple de même sexe. En 2004 ce pourcentage atteint 57 % pour arriver à 61 % en 2006. Cette progression apparaît comme le reflet d’une acceptation plus évidente de l’homosexualité dans notre société. Cependant ces données sont produites à la demande d’une institution reconnue, elles sont donc collectées dans le cadre d’une démarche scientifique, ce qui entraîne des réponses bien souvent référant à une norme de tolérance. Actuellement, il est « bien vu » d’être tolérant, ouvert, compréhensif dans l’acceptation de la différence et de produire un discours emprunt d’un contenu contre-discriminatoire. L’individu connaît l’idéologie ambiante et sait ce qu’il faut répondre pour donner une image en accord avec la société dans laquelle il vit et ce, même si les propos restent anonymes. Il va donc, possiblement, se soumettre à une norme de désirabilité sociale pour apparaître « tolérant ». Et c’est ce que montrent les résultats aux sondages d’opinion sur les attitudes à l’égard des homosexuels et de leur acceptation dans la société. L’homophobie, comme les différents discours de discrimination, fait l’objet d’une censure sociale qui limite son expression. À cet égard, les 2 023 messages reçus à l’occasion du mariage de Bègles représentent un matériel indépendant de la demande du chercheur et évitent ainsi l’écueil de la désirabilité sociale.
18En 2010, nous avons assisté à une levée de boucliers suite à la mise en place par l’éducation Nationale d’un film d’animation « Le baiser de la lune » destiné aux enfants de CM1 et CM2 afin de lutter contre la discrimination homosexuelle dans les écoles. Cette initiative s’inscrit parfaitement dans les directives du ministère et les projets pédagogiques. Il s’agit de faire reculer les discriminations liées à l’orientation sexuelle dans le monde éducatif. De nombreux moyens de communication sont utilisés pour montrer un désaccord avec cette initiative. à titre d’exemple, il existe une pétition en ligne organisée par « les 4 vérités hebdo8 » qui recueillait fin janvier 2010 plus de 15 600 signatures. Ceci laisse à penser, tout d’abord, que l’absence d’une démarche scientifique dans la collecte des données d’opinion permet d’éviter cette référence à une norme de tolérance. Ensuite, qu’il existe bien une persistance du préjugé homophobe. Nous pensons que la compréhension des raisons de cette persistance pour être analysée doit avant tout être identifiée. Il nous semble que c’est autant un objectif pour les sciences humaines et sociales que pour la société. L’étude en faisant le répertoire des discours homophobes et des représentations afférentes doit permettre de comprendre comment s’établissent le processus de discrimination et la violence qui s’exerce à l’égard des homosexuels. Il s’agit ici de présenter la première phase de ce travail et le matériel, c’est-à-dire le corpus.
19Comme nous l’avons évoqué en introduction, le livre de Serge Simon est à l’origine de cette étude. En décembre 2004, l’équipe de psychologie sociale prend contact avec Noël Mamère. Ce dernier nous autorise assez rapidement à disposer de l’ensemble des courriers pour une recherche universitaire. L’année suivante, Serge Moscovici fait un don de 5 000 euros à Jean Viaud pour l’aider à mener cette recherche. Cette somme finance une partie de la retranscription du corpus qui ne doit pas quitter la mairie. Ainsi, la totalité des documents est reprographiée sur place. Chaque correspondance est numérotée9 et photocopiée de l’enveloppe (recto-verso) aux documents annexes. Toutes les particularités sont consignées. Enfin, l’ensemble des textes, sauf les coupures de presse, extraits de la Bible, mémoires et d’autres documents annexés aux correspondances, est transcrit dans un logiciel de traitement de texte pour permettre une analyse de données textuelles, opération réellement chronophage.
Le corpus
20Étant quatre sur cette recherche, nous nous sommes partagées le codage du corpus soit les 2023 énoncés reçus. Nous avons décidé ensemble des variables pertinentes pour mener à bien la description et les analyses statistiques et textuelles. En cas de difficultés ou d’interrogations, nous nous sommes concertées pour arriver à une prise de décision collective. Ainsi les variables retenues pour cette première phase sont les suivantes.
L’orientation du message
21Il s’agit d’identifier si le message présente un caractère favorable ou défavorable à la célébration du mariage. Cette interprétation du caractère positif ou négatif de l’énoncé ne pose généralement pas de difficulté car la prise de position des auteurs est rarement équivoque. Cette variable présente deux modalités : favorable vs défavorable. Cependant, certaines formulations ambiguës sur lesquelles nous n’avons pu trancher, ont été codées « messages non identifiés » comme le montre l’énoncé ci-après.
« Monsieur le Maire,
Vous allez le 5 juin marier deux jeunes gens homosexuels. Pour moi et beaucoup d’autres personnes, cela ne signifie ni une innovation ni une avancée, simplement une bravade, le choix que vous prenez à choquer la majorité des Français, enfin ceux qui ne s’en fichent pas, ceux qui votent et ont un certain bon sens, vous regarde. Cela peut être votre croisade actuelle et fait parler de vous. Je vous préférais quand vous représentiez le courant écologiste, étiez membre de l’association Aide et Action, mais c’était une autre époque.
Par contre, le mariage forcé, dont le chiffre officiel est de 70 000 par an de jeunes filles nées en France, instruites dans nos écoles, ayant assimilé nos valeurs d’égalité, de liberté constitue une trop grande injustice pour n’avoir le droit qu’à quelques lignes dans un journal.
Si le combat que vous menez pour le mariage homosexuel pourrait sembler important, le mariage de ces jeunes filles est un scandale au nom des droits de l’homme. Comment voulez-vous que des enfants nés dans ces conditions de soumission, de maltraitance, soient un jour heureux puisque leur mère ne l’est pas ?
En France, en 2004, des parents vendent leurs filles sans qu’aucune association, aucun membre du gouvernement lèvent simplement le petit doigt. Est-ce normal ?
Rien ne peut justifier ce scandale, un crime perpétré par des personnes qui font taire leur conscience en invoquant les coutumes…
Quant à nous, nous avons été capables de nous débarrasser de certaines coutumes comme la peine de mort, l’estrapade, tous les petits raffinements qui auraient fait accuser un innocent.
La complaisance doit être réciproque. Cela n’a pas été le cas avec l’affaire du foulard qui a pris des proportions énormes alors qu’il ne s’agissait que de faire appliquer la loi, de la rappeler au bon sens de chacun et ce à l’école.
Je crains l’avenir pour mes petits enfants si nous arrivons à un état de non droit. Je suis très pessimiste, rien dans les actualités ne permet le contraire.
Je vous remercie de votre attention et nous prie d’agréer, Monsieur Mamère, l’expression de ma considération. »(1047)
L’identité du scripteur
22Celui-ci peut se présenter et donc être clairement identifié par un nom, un prénom voire une adresse. De nombreuses lettres sont rédigées sur du papier à en-tête ou encore les scripteurs portent leurs nom et adresse en haut à gauche de la page ou d’autres apposent sur l’enveloppe des petits-autocollants publicitaires (généralement pour des Organisations Non Gouvernementales) portant leurs coordonnées. Pour les courriels si les adresses sont explicites et comportent les nom et prénom, ils sont considérés comme non anonymes. C’est aussi le cas pour les télécopies. En revanche sont considérés comme anonymes tous les messages non signés ou présentant une signature illisible. Il en est de même pour les identités qui nous apparaissent farfelues comme « l’Antéchrist » (1583), « Bertrand Delanoë » (1111), « Mr X » (1384). Certains messages anonymes portent malgré tout des signatures du type « une citoyenne effrayée » (1473) ou encore « un groupe de personnes révoltées » (1548). Cette variable présente donc deux modalités : connue vs inconnue. C’est la seule variable retenue ici qui ne présente pas de modalité non identifiée. Dans les résultats, des références seront directement faites à l’anonymat plutôt qu’à l’identité du scripteur (anonyme vs non anonyme).
Le support du message
23L’analyse du corpus montre que quasiment tous les supports de communication existant à l’époque ont été utilisés par les scripteurs en proportion différente. Ainsi cette variable comporte trois modalités : courrier postal (lettre ou carte postale), courrier électronique et autres (télécopie, télégramme, fac-similé).
La date de rédaction ou d’expédition du message
24La date de rédaction du message est privilégiée. Elle est souvent portée à l’attention du lecteur sur le courrier postal ou elle est clairement identifiée sur les courriels et télécopie. Dans le cas où aucune date de rédaction n’est signalée, notre intérêt se porte sur le cachet de la poste. Ainsi, il est possible de classer les messages selon trois modalités : avant le 5 juin (date de la célébration du mariage), le 5 juin et après le 5 juin 2004.
Le sexe du scripteur
25Dans le cas de messages non anonymes, le sexe de l’auteur est identifiable. Il en est de même pour certains scripteurs anonymes car le discours est sexué, par exemple « Comme des milliers de personnes, je suis outrée, scandalisée, écœurée par la stupidité de la cérémonie… » (1695). Cette variable comporte trois modalités : féminin, masculin et féminin-masculin (mixte). Cette dernière apparaît quand le scripteur est pluriel (paire, groupe ou pétition).
L’entité « scripteur »
26L’étude du corpus nous a montré que l’entité scripteur pouvait revêtir un certain nombre d’individus. Ainsi, cette variable est retenue avec trois modalités : seul-e, paire (couple ou binôme) et groupe (d’individus, association ou pétition).
Le lieu de rédaction ou d’expédition du message
27L’origine du message est aussi retenue. Quand le lieu de rédaction est clairement identifié par le scripteur, c’est celui-ci qui est codé en premier. C’est aussi valable pour les courriels dont les adresses permettent tout au moins de déterminer le pays d’origine. Si le lieu de rédaction ne peut être déterminé, c’est celui de l’expédition qui est retenu grâce au cachet de la poste ou encore l’indicatif des numéros de téléphone lors de l’envoi de télécopie. Ici les modalités sont nombreuses. En effet, nous retenons dans le traitement des données le pays et pour la France, la région : soit administrative, soit liée à l’indicatif téléphonique.
28Rappelons que cette contribution ne porte pas sur les documents de type dessins (originaux ou reproduction), photocopies de passage de la Bible, articles de presse, montages photos, etc. La partie suivante présente la description et l’analyse du corpus traité.
Les résultats
La forme et le contenu des messages
29Dans un premier temps, nous avons cherché à décrire la forme et le contenu du corpus selon les variables précédemment identifiées. Le tableau 1 recense ces caractéristiques.
Variables | % | Effectifs (N = 2023) |
Orientation du message | ||
Défavorable | 69 % | 1 396 |
Favorable | 27 % | 546 |
Non identifiée | 4 % | 81 |
Identité du scripteur | ||
Anonyme | 44 % | 882 |
Non anonyme | 56 % | 1 141 |
Support du message | ||
Courrier postal | 68 % | 1 382 |
Courrier électronique | 25 % | 503 |
Autres (fax, télégramme…) | 4 % | 71 |
Non identifié | 3 % | 67 |
Date du message | ||
Avant le jour du mariage | 60 % | 1 214 |
Le jour du mariage | 5 % | 101 |
Après le jour du mariage | 29 % | 587 |
Non identifiée | 6 % | 121 |
Sexe du scripteur | ||
Homme | 45 % | 910 |
Femme | 19 % | 384 |
Mixte | 2 % | 41 |
Non identifié | 34 % | 688 |
Entité « scripteur » | ||
Seul-e | 75 % | 1 517 |
Paire | 4 % | 81 |
Groupe (associations, pétitions…) | 3 % | 61 |
Non identifiée | 18 % | 364 |
Lieu d’expédition | ||
France | 96 % | 1 942 |
Autre | 3 % | 61 |
Non identifié | 1 % | 20 |
30Concernant l’orientation du message, nous constatons que plus des deux tiers des courriers sont défavorables (69 %), proportion significativement plus importante que pour les autres énoncés (p <. 000110). Ces courriers regroupent des lettres d’insultes au premier degré « PAUVRE TYPE ENCULE » (30), « MAMERE NOEL EST UNE ORDURE » (36), « MAMMERE, tu n’es qu’une maire de ! ! Vas te faire enculer par les PD ! » (4111), des messages exprimant l’inconfort ou le dégoût face à cet événement ou des discours plus argumentés, justifiant aux yeux du scripteur le non sens de l’acte (cf. figure 1, 125). Ce résultat est à replacer dans le contexte de l’époque. En 2004, selon un sondage IPSOS, 38 % des Français se disent opposés au « droit pour les homosexuels de se marier civilement », contre 57 % d’opinions favorables. Cette dernière proportion, qui a gravi neuf points depuis l’année 2000, reste néanmoins à relativiser. En effet, nous pensons qu’un phénomène de désirabilité sociale joue dans ces sondages justifiant de l’écart important entre une position positive de l’opinion publique obtenue à la demande d’une institution et la présence majoritairement négative d’énoncés produits spontanément par les individus.
31À l’inverse, nous dénombrons 27 % de lettres de soutien, d’origines diverses : politiques, sexuelles, géographiques ou autres (cf. figure 2, 728). Enfin, rappelons qu’en raison de l’ambiguïté de certains messages, 4 % des courriers n’ont pu être classés dans l’une ou l’autre des catégories.
32Concernant l’identité du scripteur, le nombre de messages non anonymes (56 %) est statistiquement supérieur (p <. 0001) au nombre de messages anonymes (44 %). Sont classés dans la catégorie « anonyme », les courriers ne donnant aucune information sur l’identité de la (des) personne(s) (cf. figure 3, 1295), ceux dont les scripteurs utilisent à l’évidence des pseudonymes, à l’instar d’Ahmed Ben Bikett exprimant, à Monsieur le Maire, sa demande d’épouser sa chèvre (71) ou d’autres pour lesquels l’identité équivoque de l’auteur n’a pu être vérifiée.
33Ce résultat peut apparaître surprenant au regard de la proportion de messages défavorables. Néanmoins, nous supposons qu’à ce niveau le voile de la désirabilité sociale est levé. Malgré une apparente tolérance envers l’homosexualité s’exprimant au travers d’une opinion publique majoritairement favorable au mariage des personnes de même sexe (Mercier, 2004), le sens commun, largement imprégné des valeurs judéo-chrétiennes, reste relativement opposé à l’ouverture de ce droit aux homosexuels. Les individus s’expriment ici en toute liberté de parole sur le sujet, indépendamment d’une demande sociale (sondage d’opinions, chercheur, etc.) et par conséquent en dehors de toute pensée sociale « politiquement correcte ». Les scripteurs n’ont donc pas à masquer leur identité. De plus, nous pensons que lorsque le message présente un argumentaire construit, la présence de l’identité de l’écrivant lui apporte un poids supplémentaire pour tenter de convaincre l’élu de revenir sur sa décision.
34Pour ce qui a trait au support du message, le mode de transmission privilégié est le courrier postal (68 %) qui inclut les lettres sous enveloppe, accompagnées ou non d’autres documents, et les cartes postales envoyées par la poste (p <. 0001). Dans une moindre mesure, viennent ensuite les courriels (25 %) et autres supports (fax, télégramme, fax-mailing ou fac-similés) qui représentent 4 % des messages (cf. figure 4, 1032). Pour 3 % des correspondances, le support n’a pu être déterminé. L’importance du nombre de courriers postaux peut en premier lieu s’expliquer par le caractère officiel de ce mode de communication. En second lieu, de nombreuses lettres sont accompagnées d’autres éléments dont l’acheminement par voie électronique serait fastidieux voire impossible. Ceux-ci prennent différentes formes : simple photocopie d’un article de presse, nombreuses pages reprographiées de la Bible, productions scatologiques, bons de réduction, etc.
35À propos de la date d’expédition du message, la majeure partie des courriers est expédiée avant la date du mariage (60 %). Le 5 juin 2004, jour même de la cérémonie, 5 % des messages sont écrits ou expédiés et 29 % après. Ces différences entre les modalités de la variable peuvent en partie s’expliquer par la forte médiatisation précédant l’événement relatée plus haut. Notons que pour 6 % des messages, la date reste inconnue.
36Du point de vue du sexe du scripteur, la proportion d’hommes (45 %) apparaît nettement supérieure à la proportion de femmes (19 %). à noter que certains messages sont inclus dans une catégorie intitulée « mixte » (2 %) au sein de laquelle sont répertoriés des courriers écrits conjointement par des hommes et des femmes. L’acte en question, le mariage par un élu Verts de deux personnes de même sexe, est politique et donc public. Généralement, cette sphère est investie plus par les hommes que par les femmes ce qui expliquerait la forte proportion de personnes de sexe masculin en rapport à celle de sexe féminin (Perrot, 1998 ; Petrovic, 2004). Pour cette variable, le pourcentage de données non identifiées est important (34 %).
37Dans le cadre de l’entité « scripteur », nous constatons une forte proportion de personnes qui transmettent seules leur message (75 %). Les autres entités identifiées sont, dans une moindre mesure, les paires (4 %) et les groupes (3 %) au travers d’associations, de pétitions ou autres (cf. figure 5, 965). Pour 18 % des courriers, l’entité n’est pas identifiée.
38Enfin, nous avons tenu compte du lieu d’expédition du message. Même s’ils sont majoritairement français (96 %), les courriers proviennent du monde entier, de personnes étrangères ou françaises vivant à l’étranger. Sont ainsi parvenues des correspondances d’Amérique (USA, Canada, Mexique), d’Asie (Chine et Thaïlande), d’Afrique (Algérie, île Maurice, Maroc) ou d’Europe. Les pays d’Europe représentés sont l’Allemagne, l’Angleterre, l’Irlande, la Lituanie, Monaco, les Pays-Bas et en proportion légèrement plus importante la Suisse et la Belgique, pays en partie francophones. Pour très peu de courriers (1 %), le lieu d’expédition n’est pas identifié.
39En France, toutes les régions sont représentées dans la correspondance (cf. figure 6). Nous remarquons une sur-représentation12 logique de courriers en provenance d’Aquitaine où le mariage est célébré et du Midi-Pyrénées, région limitrophe. à l’inverse, nous observons une sous-représentation des régions plus éloignées de Bègles situées au nord de la Loire telles que la Bretagne, la Haute-Normandie, la Picardie et la Lorraine, ou des régions de l’Est comme la Bourgogne ou la région Rhône-Alpes. Notons ici que seule la Creuse, en tant que département est absente du corpus.
40Le nombre de régions françaises étant assez important, nous avons par la suite choisi de les regrouper selon leur indicatif téléphonique. à titre d’exemple, les régions Aquitaine, Limousin, Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes, associées à l’indicatif « 05 », sont regroupées pour former la région « Sud-Ouest ». Sont identifiés en provenance de cette région, 393 courriers correspondant à 19 % du corpus (N = 393 ; 19 %). En procédant de même pour les autres régions, nous conservons la région « île-de-France » (N = 265 ; 13 %) et nous obtenons la région « Grand Ouest13 » (N = 237 ; 12 %), la région « Nord-Est14 » (N = 217 ; 11 %), la région « Sud-Est15 » (N = 365 ; 18 %) et la région « départements d’Outre-Mer16 » (N = 9 ; 0 %). Une septième catégorie, regroupant les autres pays du monde, est créée (N = 44 ; 2 %). Les courriers dont l’indicatif n’a pas pu être identifié sont au nombre de 493 (24 %).
41Cette première partie nous donne un aperçu des principales caractéristiques des messages ; nous analysons, dans la suivante, les relations entre celles-ci.
Des variables discriminantes
42Dans un premier temps, nous avons procédé à une analyse factorielle des correspondances multiples (ACM) sur l’ensemble des modalités des variables retenues afin de mettre en évidence les relations entre elles (cf. figure 7). Pour ce faire nous avons exclu la modalité « non identifié » pour l’ensemble des variables, celle-ci ne permettant pas la mise en correspondance.
43Au regard de la figure 7 qui présente les modalités des variables contribuant à la formation des axes, nous notons, en premier lieu, que seule la variable géographique « lieu d’expédition » n’est pas représentée. Le premier axe, expliquant 18 % de la variance totale, oppose les courriers électroniques favorables non anonymes expédiés par des hommes après la célébration aux courriers postaux anonymes défavorables qui ne sont pas adressés seuls. Le deuxième axe, qui explique 11 % de la variance totale, oppose, quant à lui, les messages anonymes expédiés par voie postale à ceux non anonymes envoyés par voie électronique.
44Cette analyse met principalement en relation trois variables dont les modalités s’opposent distinctement : l’« orientation du message » (favorable vs défavorable), l’« identité du scripteur » (anonyme vs non anonyme) et le « support » (courrier postal vs courrier électronique19). Partant de ce constat, nous avons choisi de croiser l’orientation du message ainsi que l’identité de l’auteur avec l’ensemble des caractéristiques précédemment identifiées. Ces variables nous paraissent pertinentes pour décrire le corpus contrairement au type de support.
Orientation du message
45Le croisement de l’orientation du message (favorable vs défavorable) avec les autres variables présente de nombreuses différences significatives (cf. tableau 2). Ainsi, parmi les courriers favorables, la proportion des énoncés non anonymes (83 %) est nettement plus importante que celle des énoncés anonymes (17 %). Et bien que l’écart ne soit pas autant marqué pour les messages défavorables, le pourcentage de courriers anonymes (53 %) apparaît supérieur à celui des courriers non anonymes (47 %). à l’évidence, lorsque les individus expriment leur soutien, ils affichent généralement leur identité (de nom, de sexe, de lieu…), contrairement à ceux qui font part de leur désaccord de manière plus ou moins virulente et qui optent dans ce cas pour l’anonymat. Parallèlement, nous constatons que, parmi les messages favorables, le nombre de courriers électroniques est significativement plus important que celui des courriers postaux. Le courriel est un outil permettant rapidement et facilement d’adresser sa sympathie. Conséquemment, nous pouvons supposer que la poste est perçue comme le moyen de communication le plus facile et le plus sûr pour des personnes s’opposant au mariage et désireuses de masquer leur identité.
46Par ailleurs, les énoncés défavorables sont majoritairement acheminés avant le 5 juin (71 %) alors que les messages favorables sont plutôt expédiés après le mariage (44 %) voire le jour même (10 %). Dans ce cas, nous postulons que tant que l’acte sujet à controverses n’a pas eu lieu, les individus qui contestent le mariage tendent à penser qu’ils peuvent encore agir sur la situation en affichant clairement leur hostilité, quelle qu’en soit la forme. Une fois l’acte réalisé, cette pression n’a plus de raison d’être, ce qui engendre une baisse marquante du nombre de courriers défavorables (25 %).
47Pour terminer l’analyse de ce tableau, notons qu’aucune différence significative n’apparaît entre les hommes et les femmes selon l’orientation du message. Que les courriers soient favorables ou défavorables, il y a plus d’hommes (respectivement, 67 % et 71 %) que des femmes (respectivement, 33 % et 29 %) à envoyer des messages. Ce résultat peut s’expliquer par l’ancrage, commun aux deux sexes, des valeurs judéo-chrétiennes.
48Les relations entre l’orientation du message, l’entité « scripteur » et le lieu d’expédition sont également étudiées. Certains effectifs relativement faibles pouvant cependant mettre en doute la validité du test du Khi-carré, nous appliquons une méthode d’inférence bayésienne (Bernard, 2003). Celle-ci permet d’exprimer les relations entre deux variables en termes de sur-représentation (R+) et de sous-représentation (R−). Les sur-et sous-représentations mentionnées ici sont attestées inductivement à la garantie bayésienne de 0,95 (cf. tableau 3). à la différence d’un test classique du Khi-carré, cette méthode a pour avantage d’identifier le niveau de croisement entre les modalités des variables où se situe une éventuelle sous- ou sur-représentation.
49Les messages, qu’ils soient favorables (88 %) ou défavorables (93 %), sont majoritairement envoyés par des personnes seules. En dehors de ces derniers, dans les courriers défavorables la proportion de groupes est plus importante. Ceux-ci réunissent bien souvent des individus signataires de pétitions contre le mariage. Au contraire, les scripteurs favorables sont plus nombreux à écrire par paire (cf. tableau 3). Pour expliquer ce résultat, nous précisons que parmi les paires favorables au mariage, la proportion de binômes unisexes (homme-homme et femme-femme) est plus importante (68 %) que la proportion de paires mixtes (homme-femme). Notons que la totalité des entités « homme-homme » approuve l’acte. Ces derniers, affichant clairement leur vie de couple, s’identifieraient aux mariés.
50Par ailleurs, il existe un lien entre le lieu d’expédition et l’orientation du message. Le monde est plus favorable que la France qui elle-même est plus favorable que la région Sud-Ouest (cf. tableau 3). Tandis que les messages défavorables en provenance de France (99 %) sont surreprésentés ceux envoyés de l’étranger font plutôt référence à l’expression d’un soutien envers le mariage homosexuel de Bègles. Ce résultat peut tout autant s’expliquer par l’éloignement géographique que culturel, puisque les départements d’Outre-Mer, culturellement proches mais géographiquement distants de la Métropole, expriment un point de vue à son image22. En outre, cette remarque s’applique également pour les pays francophones, autrement dit seuls dans les pays francophones (Belgique, Suisse, Monaco, île Maurice), les individus expriment des opinions défavorables.
Anonymat
51Nous étudions également l’identité de l’auteur (anonyme vs non anonyme) en fonction du support et de la date du message ainsi que de son sexe. Le tableau 4 met en évidence des différences entre les courriers anonymes et non anonymes selon la date de rédaction ou d’expédition des messages. Quelle que soit la connaissance de l’identité du scripteur, les courriers sont majoritairement envoyés avant la date du mariage plutôt que le jour même ou après. Cependant la proportion de messages anonymes est nettement plus importante avant le mariage (74 %) en comparaison aux courriers expédiés le jour du mariage (4 %) ou après (22 %). Ce résultat est à mettre en relation avec les précédents concernant l’orientation des énoncés. En effet, avant le mariage les auteurs adoptant des prises de position plus défavorables tendent également à cacher leur identité ; après le mariage les messages étant plus favorables, ils ont moins de raison d’être anonymes.
52De même que pour l’orientation, nous pouvons noter qu’aucune différence significative n’apparaît entre les sexes. Les hommes et les femmes s’identifient ou non en proportion équivalente. Il en va de même pour le support des messages, qu’ils soient anonymes ou non anonymes, le rapport entre courriers postaux et électroniques est quasiment identique.
53Le tableau 5 montre des liens entre l’identité du scripteur et l’entité concernant les modalités « paire » et « groupe » de cette dernière. Ainsi parmi les messages non anonymes, les énoncés rédigés en binôme (6 %) sont sur-représentés en rapport aux énoncés rédigés en groupe (3 %) qui sont sous-représentés. Cette configuration s’inverse pour les messages anonymes. Concernant la sur-représentation des paires non anonymes, ce résultat peut être rapproché des précédents concernant l’orientation du message, qui montrent une proportion plus importante de couple d’hommes apportant leur soutien au mariage. Notons une sur-représentation des courriers anonymes écrits en groupe qui, rappelons-le, sont majoritairement défavorables (89 %). Ces résultats peuvent s’expliquer par des effets de groupe (Doise et Moscovici, 1989). Les études montrent que les personnes ont tendance, en groupe, à prendre des décisions plus risquées et plus extrêmes (Moscovici et Zavalloni, 1969). Cette polarisation du risque s’explique, entre autres, par un phénomène de dilution des responsabilités où l’individu s’efface au nom de l’appartenance groupale (par exemple, la Voix du Peuple – 119, le groupe des lutins – 1346, etc.). De ce fait, afficher son identité personnelle, dans une décision plus risquée collectivement qu’individuellement, n’a plus lieu d’être puisque c’est celle du groupe qui domine.
54Par ailleurs, des distinctions significatives apparaissent également selon le lieu d’expédition. Les résultats de l’analyse bayésienne présentent des sur-représentations au niveau des messages anonymes expédiés de France en comparaison aux autres pays qui sont sous-représentés et notamment ceux de l’Europe. Inversement, les courriers non anonymes en provenance de France sont sous-représentés et ceux en provenance d’Europe sont sur-représentés. Rappelons que la France est le pays d’où provient proportionnellement le plus grand nombre de messages défavorables.
Date du message
55En dernier lieu, nous analysons la répartition des supports et du sexe du scripteur en fonction de la date de rédaction ou d’expédition du message ; nous relevons également des différences significatives (cf. tableau 6). Nous constatons tout d’abord que la proportion de courriers postaux apparaît plus importante avant le mariage (76 %) que la proportion de courriels (24 %). La tendance s’inverse en ce qui concerne les énoncés datés du jour de la cérémonie ou après. à ces moments, il faut transmettre rapidement son point de vue. Le courrier électronique est le moyen de communication où le temps entre la rédaction et la réception du message est le plus court. De plus, ces messages étant plus favorables, il n’y a pas lieu d’argumenter, de développer sa position. Le courriel est le support qui se prête le mieux à ce genre d’exercice alors que le courrier postal permet justement et traditionnellement de longs énoncés, préparés et travaillés mis en place avant la cérémonie afin d’influencer le cours des événements.
56De même que précédemment nous n’observons ici aucune différence entre les hommes et les femmes selon la date d’expédition.
57Concernant l’entité « scripteur », l’analyse bayésienne met en évidence des sur- et sous-représentations uniquement au niveau de la modalité « paire » (cf. tableau 7). Ces auteurs expédient nettement moins de courriers avant le mariage, en comparaison des individus seuls ou en groupe qui à l’inverse, envoient proportionnellement plus de messages après le mariage. De plus, des relations apparaissent également selon l’origine du lieu d’expédition. L’analyse statistique montre des sur- et sous-représentations entre la France et l’étranger, les Français expédiant des courriers plutôt avant le mariage, contrairement aux étrangers qui eux envoient plutôt leur énoncé après le mariage. Nous avons précédemment constaté que les individus « paires », tout comme les personnes vivant à l’étranger, sont majoritairement plus favorables que les autres envers l’union de ces deux hommes. Nous pouvons donc supposer ici des corrélations entre ces variables, et postuler qu’il s’agit de courriers de soutien envoyés à Noël Mamère et aux mariés après la cérémonie.
58En conclusion, les résultats mettent en évidence un lien très fort entre l’orientation des messages, favorable vs défavorable, et les autres caractéristiques du corpus que sont l’identité du scripteur – anonyme vs non anonyme –, le type de support – courrier postal vs électronique –, la date d’expédition – avant, le jour même et après le mariage –, l’entité – essentiellement paire vs groupe –, ainsi que le lieu d’expédition – la France vs l’étranger. Ainsi, les courriers défavorables sont plutôt anonymes, expédiés par la poste avant le mariage, ils sont plus rédigés en groupe que par paire, et proviennent proportionnellement plus de France. Au contraire, les courriers favorables sont plutôt non anonymes, envoyés par voie électronique, après le mariage voire le jour du mariage, écrit par des paires, que nous pouvons associer à des couples, plus que par des groupes, et ils concernent une majorité des messages en provenance de l’étranger, et notamment de pays non francophones.
De l’intimidation à l’approbation
59Cette première analyse du corpus entraîne constatations et réflexions sur l’organisation d’une réponse spontanée, démonstrative de l’ancrage d’un préjugé homophobe, face à un événement invitant à la reconnaissance sociale de l’homosexualité.
60Cette manifestation citoyenne à un fait politique inédit et médiatisé est importante. Plus de 2000 messages sont arrivés directement à la mairie de Bègles, sans compter les nombreuses réactions à travers la presse, la radio, la télévision ou les prises de position de diverses associations. Actuellement, la réaction semblerait modérée mais à l’époque, les réseaux sociaux, permettant des réponses collectives quasi-instantanées à des événements, balbutiaient (par exemple facebook a vu le jour en février 2004). Cette action non concertée de plusieurs milliers de scripteurs revêt une originalité dans la forme et le fond. D’une part tous les modes de communications ont été utilisés pour la transmission et d’autre part, il existe une hétérogénéité des supports utilisés : dessins originaux, articles de presse, reproductions d’ouvrages, choix du recto des cartes postales, caricatures, etc., souvent annotés, griffonnés voire caviardés. Au premier abord, la réponse globale peut ainsi paraître informe et inorganisée. Il n’en est rien, elle est structurée et fait sens face à l’événement. L’opinion publique s’ordonne autour de l’acte politique afin d’y exercer d’une manière ou d’une autre son influence. Conséquemment, avant le mariage, les auteurs ont l’impression de pouvoir exercer un contrôle sur la situation. Ils avancent leur position à travers des courriers dont l’objet est majoritairement une critique de ce qui va se produire. Cette condamnation se traduit par des insultes ou de longs argumentaires envoyés par voie postale, soit dans l’optique de s’assurer un anonymat, soit pour asseoir le caractère officiel de la prise de position, soit pour les deux raisons. Il s’agit d’une intimidation collective polymorphe.
61L’explication comportementale articule, ici, les différents niveaux d’analyses de Doise (1982). Si écrire est un acte éminemment individuel (ici, les trois-quarts des scripteurs sont des individus agissant seuls) – niveau I –, l’utilisation des canaux de communication tels que les médias et la prise de position commune font apparaître l’individu dans ses interactions – niveau II. Ces relations interindividuelles mettent en avant les différents statuts occupés dans la société : le citoyen, le votant, l’élu, le militant, le membre d’une communauté religieuse, l’homosexuel, l’homophobe, etc. – niveau III. En effet, les références positionnelles sont nombreuses. Les rapports de domination sont largement évoqués dans ces interactions, que ce soit par la référence à la puissance divine ou à la pression exercée par le bulletin de vote de l’électeur. En conséquence, l’explication de cette levée de boucliers tient aussi dans la position idéologique des membres de notre société fondée sur un système de croyances judéo-chrétiennes – niveau IV. Ce mariage bouscule des valeurs fondamentales telles que la notion de couple ou de famille par la reconnaissance publique de l’homosexualité. En effet, le mariage reste le symbole quasi-immuable de l’union de deux personnes de sexe opposé ayant pour objectif de fonder une famille. Bref, cet événement ébranle les fondements de notre société et peut être perçu comme une dérive voire une ouverture vers la mise à mal d’autres valeurs nécessitant une réaction, une prise de position pour l’endiguer. Ce niveau d’analyse d’un comportement groupal est rarement évoqué dans les recherches. En effet, le chercheur peut occuper une position idéologique induite par son statut et par-là « parasiter » le processus de croyance. Ce qui n’est pas le cas ici, la production de messages étant exempte de toute manipulation scientifique. La référence à un système idéologique reste d’autant plus pertinente que cet ensemble de messages ne répond pas à une norme de désirabilité sociale comme nous l’avons expliqué plus tôt. Ainsi nous sommes bien devant une réponse sensée et structurée d’un groupe face à un fait public. Celle-ci demande à l’instigateur de l’événement, perçu comme un agitateur, un fauteur de troubles, de revenir sur sa décision. Seulement, ce dernier reste campé sur ses positions et le mariage est célébré. La réponse de l’opinion publique se modifie alors car il n’est plus temps pour les menaces ou pour une action raisonnée. Bien sûr le message reste majoritairement défavorable mais cette hostilité diminue au profit d’une sincère reconnaissance. Il se transforme dans le fond et la forme. Le support change, la voie postale abandonne sa suprématie pour faire un peu de place à la voie électronique. Il faut rapidement montrer son soutien, son approbation. Cette dernière dépasse le cadre hexagonal et permet une visibilité identitaire de l’individu. Ainsi l’ensemble de ces réponses majoritairement individuelles se structure autour de cette action originale en une réaction organisée et collective allant chronologiquement de l’intimidation à l’approbation.
62Ce phénomène d’opinion publique cristallisé autour d’un événement particulier peut-il être transposé à une évolution sociale, voire sociétale ? Il semble qu’effectivement nos sociétés occidentales évoluent dans le même sens que la réponse des scripteurs. à titre d’exemple, c’est le 17 mai 1991 que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) décide de ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie mentale. Notons qu’en France cette classification avait déjà été abandonnée dès 1981. En effet, le 12 juin, le ministère de la Santé, en la personne d’Edmond Hervé (PS), n’accepte plus de prendre en compte l’homosexualité dans la liste des maladies mentales de l’OMS. Depuis, le 17 mai est devenu la journée internationale de lutte contre l’homophobie. Cette acceptation progressive de l’homosexualité se traduit aussi par le nombre croissant de pays ouvrant le mariage civil aux personnes de même sexe. Pour l’Europe, ce sont les Pays-Bas (2001), la Belgique (2003), l’Espagne (2005), la Norvège (2008), la Suède (2009) et le Portugal (2010). La France, quant à elle, reste attachée au PaCS (1999). Il existe donc un phénomène d’approbation d’une minorité par la société. Malgré tout, ce que montre l’analyse de la correspondance reçue à Bègles, c’est cette résistance devant la reconnaissance publique d’une différence. L’institutionnalisation de la non-discrimination pose question. Nous avons ici un discours qui ne porte pas cette norme de tolérance souvent affichée dans les sondages d’opinion et le constat montre que ce collectif d’attitudes individuelles est défavorable à une reconnaissance sociale de la différence. Actuellement le débat sur « Le baiser de la lune » le montre bien. Ce court-métrage d’animation poétique a été commandé par le ministère de l’éducation nationale pour aborder les relations amoureuses entre personnes de même sexe à l’intention des enfants de CM1/CM2 et lutter contre l’homophobie. C’est cette institutionnalisation qui pose problème au point que Luc Chatel, alors ministre de l’éducation nationale, refuse sa projection auprès des élèves de primaire, cible même du film d’animation, arguant de l’âge du public pour cette censure qui n’est pas, selon lui, synonyme d’homophobie. L’acceptation d’unions de personnes de même sexe ébranle réellement les fondements de la société et remet en cause les valeurs transmises et socialement partagées. Le corollaire de la persistance du préjugé homophobe semble donc être l’approbation politique et donc publique. La légalisation des unions homosexuelles aux mêmes avantages et droits que les unions hétérosexuelles ne peut qu’entraîner l’objurgation de la société. Reste à définir le contenu sémantique de ce message défavorable et c’est l’objet du chapitre suivant.
Notes de bas de page
1 Loi no 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
2 Loi no 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les école la justice aux évolutions de la criminalité.
Loi no 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en appoles, collèges et lycées publics.
3 Loi no 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique.
4 Loi no 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.
5 Loi no 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie.
6 Loi no 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE).
7 La majeure partie des informations retranscrites ci-après sont issues du Rapport sur l’homophobie 2005 (SOS Homophobie, 2005).
8 . http://www.les4verites.com/petition-lune.php
9 Ce sont les numéros qui figurent systématiquement après toute citation du corpus dans ce chapitre et le suivant.
10 Test d’homogénéité effectué pour mettre en évidence d’éventuelles différences entre deux proportions.
11 Les citations sont retranscrites fidèlement, mot pour mot dans le respect de l’écriture des caractères.
12 Les sur-ou sous-représentations, attestées significativement par un test d’homogénéité, sont estimées en rapport au nombre réel d’habitants durant la période concernée (2004).
13 Basse-normandie, Bretagne, Centre, Haute-normandie, Pays de la Loire.
14 Alsace, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Lorraine, Nord-Pas-de Calais, Picardie.
15 Auvergne, Corse, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côtes d’Azur, Rhône-Alpes.
16 Guadeloupe, Martinique, La Réunion.
17 Les chiffres encadrés correspondent à une sur-représentation du nombre de messages envoyés, les chiffres encerclés correspondent à une sous-représentation, en rapport au nombre d’habitants.
18 Les chiffres 0/1 correspondent à l’absence/présence de la modalité des variables. « Mail » réfère à la modalité « courrier électronique ». Les modalités, « Anonyme : 0 » et « Non anonyme : 1 » et inversement les modalités « Anonyme : 1 » et « Non anonyme : 0 » étant strictement identiques, elles apparaissaient superposées sur le graphique. Pour une meilleure lisibilité, nous n’avons conservé que les modalités indiquant la présence, ce qui par conséquent sous-entend l’absence des modalités inverses.
19 Concernant cette variable, seules les modalités les plus importantes, « courrier postal » et « courrier électronique », sont retenues pour l’analyse.
20 Les résultats au sein de ce tableau et des suivants correspondent aux effectifs et aux pourcentages colonne (entre parenthèses).
21 Dans ce tableau, et les suivants présentant les résultats de l’analyse bayésienne, sont mentionnées uniquement les sur-représentations (R+) ou les sous-représentations (R−) lorsqu’elles existent.
22 Concrètement, sur les 9 personnes des départements d’Outre-Mer qui se sont exprimées, 7 sont défavorables, 1 est favorable et 1 est non identifiée.
Auteurs
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Approche cognitive
Nathalie Marec-Breton, Anne-Sophie Besse, Fanny De La Haye et al. (dir.)
2009
Musique, langage, émotion
Approche neuro-cognitive
Régine Kolinsky, José Morais et Isabelle Peretz (dir.)
2010