Homophobie : peur de soi ? Peur du même ?
p. 19-26
Texte intégral
1Compte tenu de la pluridisciplinarité de l’approche que nous nous sommes proposés, on rappellera ici quelques éléments de la sexualité humaine, selon l’analyse freudienne – dont notre commune « bisexualité » –, avant d’aborder brièvement la question de l’homophobie proprement dite. Du point de vue psychanalytique, elle ressortit pour l’essentiel à la psychologie collective, dite aussi psychologie des masses. C’est l’une des innombrables figures de la répression sexuelle de notre culture monothéiste.
Le nom « homophobie »
2Le nom, « homophobie » est si approprié aux thèses psychanalytiques que sa signification mérite d’être citée.
3Homo-, est grec. L’adjectif omos signifie, selon Chantraine (1968/1984), « un, le même, commun, uni », et l’on compte des centaines de composés dont omo- est le premier terme, créés au long de l’histoire de la langue grecque. L’adjectif dérivé omoios, qui signifie « semblable, égal, équivalent », autorise aussi des composés, notamment en géométrie, et, eux aussi débutent par omo-. Ainsi, les mots composés avec le préfixe omo- demeurent ambigus, quant à savoir s’ils signifient « même » ou « semblable ».
4L’étymologie remonte à une racine très ancienne. « Il s’agit de très vieux mots », écrit Chantraine, dont on retrouve des équivalents en sanscrit, en vieux perse, en germanique, irlandais, etc. Les termes latin, similis, français « semblable », anglais, same et allemand selbst procèdent de la même racine. « Tout ce groupe appartient à une racine qui exprime l’unité et l’identité », Chantraine dixit.
5Quant à « phobie », c’est aussi du grec. En voici une analyse1. « Comme souvent, la langue grecque est un peu plus subtile que les nôtres, puisque tant le nom commun phobos que le verbe phobeo et l’adjectif phoberos subsument les significations actives de l’attaque, « faire peur, mettre en fuite », et les significations passives de la fuite, « être mis en fuite par la crainte », d’où « fuite, crainte ». De plus, Chantraine signale, à l’article phébomaï, où il réfère tous les termes cités, ainsi qu’à l’article phobè, une parenté entre les termes qui signifient l’attaque et la fuite et… phobè, précisément, dont le sens est « 1. ‘‘boucle, mèche de cheveux, chevelure’’[…] 2. ‘‘crinière’’de cheval […] ». Du point de vue étymologique, Chantraine précise, à propos de phobè : « Peut-être nom d’action féminin correspondant à phébomaï ‘‘fuir”. » Ainsi, non seulement la langue grecque conjoint l’attaque et la fuite, mais de plus, elle associe l’attaque et la fuite à une chevelure féminine. Sans aller bien loin, il semble que le primat des craintes de castration, selon Freud, puisse s’alimenter de la source grecque2.
6À l’article phébomai, Chantraine définit ainsi ce verbe originaire : « “fuir’’, spécialement en parlant d’une troupe saisie par la panique, ‘‘fuir dans la précipitation et le désordre’’ ; ce verbe n’est attesté qu’au présent et à l’imparfait et seulement chez Homère et ses imitateurs ». La détermination collective des premières occurrences est notable. Chantraine répète l’association de la peur avec la chevelure, grâce au nom phoba. Il signale un surnom d’Athéna, Phobesi-stratè, « qui épouvante, qui fait fuir les armées » (Athéna porte la tête de Méduse sur son bouclier, « l’égide », comme Freud se plaît à le rappeler). Enfin, Chantraine note que des termes « correspondants presque exacts en balto-slave » existent, ce qui autorise la reconstruction d’une racine commune.
7Le monde hellénique a aussi créé un dieu, Phobos, « dieu de l’épouvante, fils d’Arès dont il est, avec son frère Deïmos, l’acolyte dans la bataille » (Bailly, 1894). Grimal précise qu’aucune légende particulière n’est attribuée à Phobos – ce qui est aussi le cas de Thanatos3.
8Littéralement, l’homophobie est donc l’épouvante du même, du semblable et/ou de soi-même, génitifs objectif et subjectif : on fait peur au même, au semblable et à soi-même, et on a peur du même, du semblable et de soi-même.
9Comme chez la plupart des animaux, l’alternative attaque versus fuite, autrement dit, faire peur versus avoir peur, est pertinente chez les humains, ainsi que la langue grecque le signifie. En psychanalyse, le terme de « contra-phobie » désigne ce processus. Il s’agit de reconnaître que, dans la plupart des cas, lorsque quelqu’un attaque quelqu’un d’autre, c’est par peur, terreur et/ou angoisse, et par incapacité de les élaborer – l’apophtegme stratégique, « la meilleure défense c’est l’attaque », ne signifie pas autre chose.
10Ainsi, peur et/ou attaque du même, du semblable et/ou de soi-même, telle est la signification littérale de « homophobie », même si une évolution linguistique récente confère à ce terme un autre sens, peur et/ou attaque de l’homosexualité, voire des personnes considérées comme homosexuelles. Le Robert indique la date de 1977 pour l’apparition du nom « homophobie » dans la langue française, mais, curieusement, il ne lui consacre pas d’item propre et le fait figurer à l’article de l’adjectif, « homophobe », dont l’apparition est datée de 1979, et qui est ainsi défini : « homophobe : qui éprouve de l’aversion pour les homosexuels ».
Rappels sur la sexualité humaine, selon la psychanalyse
11Pour tenter d’éclairer du point de vue psychanalytique cette dynamique affective – dont la tonalité fondamentale est du côté des peurs, terreurs et autres angoisses –, revenons d’abord à l’un des ouvrages fondamentaux de l’œuvre de Freud, les Trois essais sur la théorie de la sexualité, dont la première édition eut lieu en 1905, mais qui fut l’objet d’incessants remaniements, jusqu’en 1924, tant il importait, aux yeux de Freud, que la théorie des pulsions sexuelles demeurât à jour, au fur et à mesure que le corpus psychanalytique évoluait.
12Le premier des trois essais s’interroge sur nos us et coutumes sexuels, un peu à la manière dont Usbek et Rica s’interrogent sur les us et coutumes français et sur les leurs, dans Les lettres persanes. « Comment peut-on être persan ? » demande Montesquieu, « comment peut-on être un humain sexué ? », questionne Freud. Et le second étant aussi doué d’humour que le premier, sa lecture est amusante, du moins, à un certain niveau.
13Comment la sexualité humaine se pratique-t-elle, en fait, s’interroge Freud, qui prend pour premier référentiel ce qu’il nomme « l’opinion populaire », die populäre Meinung, laquelle prescrit notamment ce qui suit, selon Freud. « La pulsion sexuelle doit (soll) manquer à l’enfance ; s’installer au moment de la puberté et en cohérence avec le processus de maturation de la puberté ; s’exprimer dans les manifestations d’un attrait irrésistible que l’un des sexes exerce sur l’autre, et son but doit être l’union sexuelle ou du moins les actes qui sont sur son chemin » (Freud, 1905d, p. 33). In fine, le but doit être, « l’union des organes génitaux dans l’acte caractérisé comme copulation » (Freud, 1905d, p. 48), laquelle doit conduire à la procréation. Freud poursuit : « Nous avons cependant toutes les raisons de considérer ces indications comme une image très infidèle de la réalité. »
14Et le voilà parti dans un long périple parmi nos « aberrations sexuelles » communes, Die sexuellen Abirrungen, puisque tel est le titre de ce premier essai. « Aberrations », bien sûr, au regard des normes édictées par l’opinion populaire, à quoi il convient d’ajouter l’opinion religieuse des trois monothéismes.
15Freud décline lesdites aberrations en « déviations quant à l’objet sexuel », Abweichungen in Bezug auf das Sexualobjekt, l’objet de la pulsion sexuelle est ce qu’on aime, et en « aberrations quant au but sexuel », Abweichungen in Bezug auf das Sexualziel, lequel but est l’activité qui procure la satisfaction.
16Freud n’est pas Havelock Ellis, et plutôt que d’aller chercher des pratiques sexuelles extraordinaires et rares, il s’attache à montrer que l’aberration des pratiques sexuelles est systématique, eu égard à la norme populaire et religieuse. Pour ce qui concerne ce qu’il appelle alors inversion plutôt qu’homosexualité, l’une des déviations quant à l’objet, il ne manque pas de citer la tradition grecque où le choix d’un objet sexuel du même sexe est considéré comme normal.
17Les déviations quant au but ne sont pas moins nombreuses que celles quant à l’objet. Tout l’art de Freud consiste à amener peu à peu son lecteur à se rendre compte que ses propres pratiques sexuelles sont aberrantes et déviantes, eu égard à la norme populaire et religieuse.
18Peut-être a-t-il pu penser en cours de lecture qu’il n’était ni zoophile, ni pédophile, ni, etc., mais bientôt il doit considérer la pratique du contact des muqueuses buccales. Il va de soi qu’au regard de la norme populaire il s’agit d’une aberration. D’un côté, c’est une déviation quant au but, dans la mesure où le baiser, puisque c’est de lui qu’il s’agit, procure une satisfaction. D’un autre côté, c’est une transgression anatomique, puisque la muqueuse buccale n’a rien à voir ni avec les organes génitaux, ni avec la procréation…
19Apparaît peu à peu un tableau d’une diversité presque infinie et incompréhensible, où il semble que presque tout puisse être pratique sexuelle de nous tous. Ainsi, étant donné les prescriptions de l’opinion populaire et religieuse, nous sommes tous, par un biais ou un autre, des pervers sexuels. Voici une conclusion de ce premier essai : « […] certes quelque chose d’inné gît au fondement des perversions, mais quelque chose qui est inné chez tous les humains » (Freud, 1905d, p. 71), et Freud souligne la deuxième partie de la phrase.
20Par un renversement digne d’un roman policier – Freud affectionne ce genre de construction –, le deuxième essai propose au lecteur une authentique synthèse intelligible du monde en apparence baroque, grotesque et purement accidentel de nos pratiques sexuelles. Toutes procèdent en effet, soit de façon directe, soit avec quelques modifications compréhensibles, de l’érotisation généralisée des fonctions physiologiques et des échanges qui y sont liés, que nous avons tous vécus pendant la petite enfance, mais que nous avons ensuite oubliés. à cet égard, l’aberrant baiser procède bien sûr de l’érotisation des activités orales, à commencer par la tétée, et ainsi de suite pour les activités anales, urétrales, pour l’érotisation de la musculature volontaire, du regard, de l’audition, de l’équilibre, etc., idem pour les figures que nous avons aimées, au plein sens du terme, dans la petite enfance, qui nous ont accompagnés dans l’accomplissement de toutes ces fonctions et dont nos amours ultérieures sont issues.
21Rappelons deux faits biologiques spécifiques aux humains, qui créent notre singularité sexuelle, bien que ce ne soit pas le lieu de développer. Le premier de ces faits est l’extrême prématuration à la naissance, avec la dépendance absolue vis-à-vis des adultes, des années durant ; le second, la période de latence, de quatre ou cinq ans jusqu’à la puberté, avec l’oubli (le refoulement) de la petite enfance qu’elle comporte.
22Il convient cependant d’insister sur la plasticité des pulsions sexuelles et, par conséquent, sur la variété de leurs « destins », comme on dit en psychanalyse, dans l’âge adulte. Pour rester dans le domaine de l’oralité – choisi parce qu’il est peu soumis à répression et refoulement, dans notre culture, et que, par conséquent, il est plus facile à transmettre – dans le domaine de l’oralité donc, du point de vue psychanalytique, les fumeurs, buveurs, gourmands et autres amateurs de baisers invétérés maintiennent une pulsion sexuelle orale puissante, à l’identique. Les dévoreurs de livres, affamés de toutes sortes de connaissances, ont sublimé leur pulsion orale. Il va de soi que ces deux destins coexistent, voyez Rabelais, et peuvent coexister avec d’autres. Avec les aversions, par exemple, pour revenir au terme que Le Robert utilise pour définir l’homophobie. Elles sont considérées comme des modifications défensives de la pulsion orale primitive (des « formations réactionnelles », selon le terme technique) ; le lait ou la peau du lait sont souvent concernés – la question du cannibalisme n’est pas loin –, mais là nous touchons aux éléments les plus réprimés de l’oralité, dans notre culture. Cependant, on voit aussi comment l’oralité s’invite dans nos amours. « Tu es à croquer », s’exclame l’un, « Mon chou ! », dit l’autre, etc. Des formes plus symptomatiques comme les boulimies et les anorexies s’organisent autour de l’oralité, et bien sûr autour des figures maternelles qui ont accompagné l’organisation orale précoce.
23Si nous étions Inuits (Esquimaux), l’oralité n’eût pas été choisie pour introduire ou rappeler quelques éléments de la sexualité humaine, selon la psychanalyse. En effet, l’oralité était un thème d’homophobie, au sens explicité plus haut, dans la culture Inuit, tant qu’elle survivait. Rien de plus aversif que le contact des muqueuses buccales, rien de plus dégoûtant et condamnable que la pratique du baiser, chez les Inuits. Il se peut que l’instrumentalisation de la bouche des dames, entre autres pour mâcher les peaux et les tanner, ait conduit à la répression de l’oralité. Les Inuits avaient compensé par simple déplacement, puisque les attouchements des nez furent inventés et qu’ils étaient appréciés à l’égal des baisers dans notre culture. C’est un cas typique où la plasticité de la pulsion orale et son modelage par la culture se voit, pour nous, à la loupe.
24Exploitons-le encore un peu. Qu’est-ce qui suscite l’aversion, avec fuite ou attaque corrélatives, dans le cas d’un hypothétique Inuit assistant à un splendide baiser de cinéma ? Du point de vue psychanalytique, la vue d’un baiser présente, pour un ou une Inuit, une réalisation de vœu interdite. Il ou elle seront saisis de crainte là devant, à cause de leur propre vœu, réprimé et/ou refoulé selon les prescriptions de leur culture. En effet, la présentation extérieure du baiser ne manque pas de réveiller le vœu propre, qui risque de se montrer plus fort que les défenses mises en place contre lui. D’où angoisse, puis tout ce qui peut s’ensuivre.
25Voilà une présentation métapsychologique presque complète d’une figure d’homophobie sexuelle. Il s’agissait de montrer, dans un cas où nous ne subissons pas trop de répression culturelle, et où, par conséquent, nous ne sommes pas trop entravés dans notre pensée, que, du point de vue psychanalytique, le homo- de homophobie signifie de fait soi-même : peur de soi-même, de ses propres vœux inconscients refoulés et/ou réprimés. En l’occurrence, ladite phobie peut provoquer l’attaque de ceux qui s’embrassent, par rage et envie, outre la peur de transgresser son propre interdit, et elle peut aussi provoquer la simple fuite, pour la même dernière raison.
Bisexualité
26La bisexualité psychique admet un accompagnement anatomique et physiologique. Côté anatomie, il naît en moyenne un enfant sur quatre mille cinq cents dont le sexe est incertain, hermaphrodisme vrai, ou autre. Par ailleurs, le clitoris des femmes est une esquisse de pénis. Côté physiologie, nous évoluons dans le temps et l’insupportable « femme à barbe » qui fait peur dans notre culture et dont, par conséquent, l’on se moque à l’envi, est le destin d’innombrables femmes, après la ménopause. De même, de nombreux hommes acquièrent des caractères sexuels secondaires plus féminins, en vieillissant. Bref, la bisexualité biologique apparaît dans toute une série de faits.
27Du point de vue psychanalytique, la bisexualité psychique est une évidence, et elle procède de nos conditions de vie pendant la petite enfance, comme tout le reste de notre sexualité. Les enfants des deux sexes sont en principe accompagnés, toute la petite enfance durant, par des adultes des deux sexes qu’ils aiment et auxquels ils s’identifient. D’où une bisexualité psychique, maintenue dans l’âge adulte, et la capacité de vivre des amours homosexuelles et hétérosexuelles, si une sur-répression n’intervient pas, exercée par le milieu proche, par la culture, ou par les deux.
28La vie amoureuse bisexuelle semble ne pas avoir été réprimée chez nos plus vieux ancêtres directs, à Sumer, où les amours de Gilgamesh et Enkidu sont le fil rouge de la plus ancienne épopée de l’humanité. La grande déesse sumérienne Inanna, déesse des amours, accueillait et célébrait l’hétérosexualité, l’homosexualité ainsi que des formes de travestisme, à ce qu’on sait, bref, le vieux monde sumérien demeurait un peu civilisé, en matière de sexualité. La Grèce antique, pour partie héritière de la civilisation suméro-akkadienne, a conservé la tradition de cette dernière. Zeus est plus connu pour ses innombrables amours, que pour sa toute-puissance guerrière et meurtrière. Les mythes qui lui sont consacrés déclinent un grand nombre de possibilités en matière de pratique sexuelle, non seulement homosexuelles (Ganymède) et hétérosexuelles, mais zoophiles (Taureau, Io), cannibaliques (Métis), anales (Léda et les jumeaux), urétrales (Danaé, Persée), et Zeus réalise même les vœux enfantins d’engendrer seul des enfants, ainsi d’Athéna et de Dionysos. On comprend que Freud se soit souvent tourné vers la vieille culture grecque avec nostalgie.
29En effet, nous autres occidentaux subissons la sur-répression sexuelle des monothéismes depuis environ 2600 ans. Sur-répression qui ne concerne pas la seule homosexualité, mais toutes nos pratiques sexuelles, hormis la copulation pénis/vagin, pratiquée dans la position dite « du missionnaire », autant que possible sans plaisir !
30La plasticité de nos pulsions sexuelles déjà évoquée a permis que la sur-répression ait un large succès. Néanmoins, on ne peut pas réprimer toute la sexualité ou presque. Les monothéismes ont donc fait fond sur une organisation sexuelle infantile qu’ils ont exploitée et surexploitée, nous forçant à la régression psychique infantile corrélative : l’organisation sadique anale. Le christianisme est peut-être le champion. Il suffit d’entrer dans une église pour contempler les théories de peintures, sculptures et autres vitraux qui vous offrent des Christ en croix, des Sébastien percés de flèches, des Denis portant leur tête dans les mains, des Catherine présentant leurs seins sur un plateau, etc. Si bien qu’il conviendrait de reconnaître que le Marquis de Sade est un produit exemplaire de l’éducation chrétienne, et que ses œuvres n’ont pas grand chose à envier à « La légende dorée » de Jacques de Voragine, sauf que, conformément à la régression prescrite par les monothéismes, la génitalité n’est pas mentionnée parmi les tortures dont les monothéismes délectent leurs ouailles4.
31Autrement dit, et pour ce qui concerne l’homophobie au sens récent, d’un côté elle procède de la sur-répression standard qui continue de s’exercer dans nos cultures monothéistes, avec le corrélat d’angoisse, puis d’attaque ou de fuite déjà explicité. De l’autre côté, l’attaque est autorisée, voire suscitée, par la régression sadique que nos cultures monothéistes entretiennent, aujourd’hui comme jadis.
32« Faites l’amour, pas la guerre ! » était un slogan fort répandu en mai 68. D’un côté, du point de vue psychanalytique, ce slogan était un pléonasme, car qui fait l’amour, accède à la génitalité et élabore l’altérité des sexes, devient un adulte psychique et perd à peu près tout intérêt pour le sado-masochisme5. De l’autre côté, c’était bien sûr un slogan absolument anti-monothéismes (les trois), puisque tous trois vivent de l’infantilisme psychique de leurs adeptes, lequel implique de réprimer la sexualité génitale adulte, et bien sûr, la bisexualité et l’homosexualité qui en font partie.
Notes de bas de page
1 L’analyse qui suit est reprise d’un précédent ouvrage, Bompard-Porte (2004).
2 « Aux Grecs en général (durchgängig) fortement homosexuels ne pouvait manquer (fehlen) la présentation (Darstellung) de la femme qui effarouche (abschreckend, qui décourage, dissuade, intimide) par sa castration » (G. W. XVII, p. 47-48). Freud, 14 mai 1922, La tête de Méduse – où les craintes de castration sont désignées par les noms Grauen et Schreck. Freud a répétitivement évoqué, dans cette brève note, la chevelure, die Haare, littéralement les poils de la tête de Méduse et ceux du « génital féminin », qui montrent et adoucissent l’horreur (Grauen) et l’effroi (Schreck) de la castration.
3 Les significations des mots français et allemands des peurs, terreurs, angoisses sont étudiées dans une annexe, ce qui implique souvent de revenir au grec.
4 Le judaïsme n’est pas en reste, en matière de sado-masochisme, le premier génocide sacré, emprunté au monde suméro-akkadien, est le déluge ; YHWH se déchaîne ensuite contre Sodome et Gomorrhe, contre les égyptiens, puis il ordonne le génocide d’Abimelek, et la liste n’est pas exhaustive.
5 Du point de vue psychanalytique, on distingue faire l’amour avec un semblable et avec amour, de se masturber avec quelqu’un pris comme instrument.
Auteur
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