(Dé)politisation d’une politique de peuplement : la rénovation urbaine du XIXe au XXIe siècle
p. 329-354
Texte intégral
1La rénovation urbaine, qu’on peut définir génériquement comme une politique de démolition de tout ou partie d’îlots ou de quartiers préexistants et l’édification, en lieu et place, de nouveaux bâtiments1, a une longue histoire. Elle débute en France avec les grands travaux de modernisation urbaine du Second Empire qui ont transformé Paris, Lyon et Marseille, reprend timidement pendant l’entre-deux-guerres avec le lancement d’opérations de résorption des îlots insalubres des centres anciens des grandes villes, qui ont été systématisées pendant les années 1960 parallèlement à la construction des grands ensembles d’habitat social. Ces derniers sont désormais la cible d’une troisième vague de rénovation urbaine, amorcée par la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003 (dite loi Borloo) qui a institué un Programme national de rénovation urbaine (PNRU) prévoyant la démolition-reconstruction de 200 000 logements sociaux dans ces quartiers sur la période 2004-20082.
2La rénovation urbaine contemporaine présente de nombreuses analogies avec celle conduite à Paris et Lyon sous la direction des préfets Haussmann et Vaïsse au milieu du XIXe siècle, ainsi qu’avec celle mise en œuvre à l’échelle nationale dans les années 1960. On peut même parler d’homologie au sujet de ces trois séquences qui ont toutes pris corps dans des contextes historiques de mutation du capitalisme (première mondialisation, fordisme national, globalisation néolibérale contemporaine associée à l’essor d’un capitalisme flexible), ce qui – dans une perspective néo-marxiste – ne saurait relever du hasard mais renvoie à la fonction même de la rénovation urbaine, consistant à adapter la ville aux exigences d’accumulation du capital3. Sans nécessairement verser dans le matérialisme historique, on peut aussi rapprocher ces trois vagues de rénovation urbaine en considérant les acteurs et institutions qui les ont portées ainsi que les modalités de leur financement. Aujourd’hui comme hier, la rénovation urbaine fait l’objet d’une alliance entre des grands corps d’État (ingénieurs des Ponts et chaussées et corps préfectoral), un banquier public (Caisse des dépôts et consignations) et des intérêts privés (banquiers, promoteurs, propriétaires fonciers, entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics), auxquels s’ajoute désormais le monde HLM. Dans les trois cas, la mise en œuvre de cette politique fort coûteuse pour les finances publiques s’est appuyée sur la mobilisation de ressources considérables, et sur une large délégation à des structures ad hoc (compagnies immobilières au XIXe siècle, sociétés d’économie mixte des années 1960, Agence nationale pour la rénovation urbaine pour la période contemporaine) échappant largement aux contrôles administratifs et parlementaires4. Les grandes ambitions des rénovateurs et leurs projets, d’une ampleur comparable pour les trois périodes, se sont néanmoins systématiquement heurtés à l’explosion du coût des travaux à laquelle l’État n’a pu faire face que temporairement et au prix d’emprunts et de prélèvements exceptionnels, avant de se désengager en renonçant aux projets les moins avancés5.
3La comparaison entre les trois vagues de rénovation urbaine peut être prolongée sur le plan des cibles qui sont à chaque fois des quartiers populaires, lieux d’accueil privilégiés des migrants les plus récemment arrivés dans la ville, dont elle modifie dans un même mouvement la forme et la population. Car si la rénovation urbaine est une politique d’urbanisme, appuyée sur des procédures juridiques exorbitantes du droit commun qui servent de cadre à l’intervention des pouvoirs publics et des acteurs privés sur le sol (propriété foncière, divisions parcellaires, structures viaires) et le bâti (immeubles d’habitation, équipements collectifs, locaux d’activités, friches industrielles et commerciales), il s’agit aussi d’une politique de peuplement. C’est d’ailleurs sous cet angle qu’elle a été le plus souvent abordée par les sociologues et les historiens. Leurs travaux ont porté sur les représentations de l’organisation socio-spatiale qui sous-tendent cette politique, les effets de la rénovation urbaine sur la répartition spatiale des groupes sociaux, ainsi que les impacts sociaux de sa mise en œuvre6. De leurs travaux, il ressort que la rénovation urbaine a toujours pour objectif et/ou pour conséquence de modifier la distribution des couches populaires dans la ville, cette action sur le peuplement étant systématiquement justifiée par l’invocation des effets pathogènes de la concentration spatiale des pauvres dans un habitat inadapté7.
4En même temps qu’elle permet d’identifier leurs caractéristiques communes, la mise en regard de ces trois séquences de rénovation urbaine conduit à souligner les traits distinctifs du PNRU. Tout d’abord, ses opérations ont été pensées et conduites à l’échelle du quartier, quand la rénovation urbaine du Second Empire et celle de la première décennie de la Ve République s’inscrivaient dans un projet plus global de modernisation urbaine, conçu à l’échelle de l’agglomération. Ensuite, contrairement à celles du passé, la politique actuelle de rénovation urbaine ne touche pas principalement un patrimoine privé dégradé voire insalubre, mais des immeubles d’habitat social récents. Enfin, les opérations de démolition-reconstruction qui avaient jusqu’alors été dirigées par les représentants du pouvoir central en lien avec des investisseurs privés, sans ou contre les élus locaux, relèvent aujourd’hui de la responsabilité de ces derniers.
5Ajoutons à ces spécificités deux autres caractéristiques du PNRU qui le distinguent dans l’histoire de la rénovation urbaine : la nature et le degré d’explicitation de ses objectifs en matière de peuplement d’un côté, leur faible politisation de l’autre. Les textes législatifs et règlementaires encadrant la rénovation haussmannienne et celle des années 1960 font très peu référence aux enjeux de ségrégation ou de peuplement. Les objectifs en la matière demeuraient implicites. Ce sont les chercheurs qui les ont explicités, dévoilant les finalités cachées et la logique réelle de cette politique qui relevaient du registre de la substitution puisqu’il s’agissait de faire partir la classe ouvrière des espaces centraux ou péricentraux pour laisser place à la bourgeoisie. Il en va autrement du PNRU, dont les objectifs de peuplement ont été clairement énoncés par le législateur, mais l’ont été en termes de mixité sociale et donc de coprésence des différents groupes sociaux plutôt que de substitution d’un groupe par un autre.
6La dépolitisation de cette politique de peuplement est tout aussi notable, au regard des vagues précédentes de rénovation urbaine qui avaient constitué des terrains fertiles pour les affrontements politiques et les luttes sociales. Elle mérite d’autant plus d’être soulignée que les quartiers visés par le PNRU, leurs habitants ainsi que les programmes développés en leur direction font l’objet de polémiques politiques régulièrement réactivées depuis le début des années 1980. Le PNRU se singularise, au milieu des programmes de la politique de la ville, par un consensus politique inédit. Il a bénéficié du soutien d’élus de tous bords, relayé par les médias qui ont fortement publicisé ses réalisations mais fort peu interrogé la pertinence de ses objectifs de peuplement. Qu’on l’aborde « par le haut », en considérant la manière dont cette politique a été débattue dans les arènes politiques et les instances évaluatives nationales8, dans les assemblées locales, au sein des associations d’élus et dans la presse, ou qu’on l’aborde « par le bas », en observant la faiblesse (en fréquence et en intensité) des mobilisations collectives et des luttes urbaines qu’elle a suscitées, la dépolitisation de la politique de rénovation urbaine et des enjeux de peuplement qui la sous-tendent est frappante.
7Ce constat sert de point de départ au présent article, qui poursuit un double objectif : décrire les objectifs de peuplement poursuivis à l’occasion de chacune des trois vagues de rénovation urbaine et la manière dont ils ont (ou n’ont pas) été politisés d’une part, expliquer la dépolitisation d’un PNRU organisé autour d’un objectif explicite de renouvellement de la population des grands ensembles concentrant les ménages défavorisés et les minorités visibles d’autre part. L’examen successif et la comparaison de ces trois vagues de rénovation urbaine conduisent à insister, au-delà de l’objectif consensuel de mixité sociale qui anime le PNRU et donc des facteurs idéologiques de sa dépolitisation, sur les ressorts institutionnels de celle-ci, en considérant les effets du design néo-managérial de ce programme (délégation à une agence, allocation concurrentielle de ses budgets, pilotage par les indicateurs…) sur sa publicisation et sa mise en débat dans l’espace public.
8Il convient de souligner, avant de s’engager dans la présentation des trois séquences de rénovation urbaine considérées, que les sources mobilisées sont de nature différente pour chacune d’entre elles. S’agissant des grands travaux de la seconde moitié du XIXe siècle, nous nous appuyons sur un corpus constitué quasi exclusivement de travaux d’historiens relatifs aux opérations conduites dans la capitale9, lesquelles ont servi de modèle aux opérations lyonnaises et marseillaises ainsi qu’à celles, de moins grande ampleur, conduites dans plusieurs grandes villes de province10. L’analyse de la politique de rénovation urbaine des années 1960 s’appuie sur les recherches sociologiques portant sur sa mise en œuvre, dont la majeure partie a été réalisée par l’équipe réunie autour de Manuel Castells et Francis Godard au sein du groupe de sociologie urbaine de Nanterre11. Ce sont donc des sources secondaires qui sont utilisées pour traiter ces deux politiques du passé, alors que notre analyse du PNRU s’appuie sur des enquêtes personnelles conduites à l’échelle nationale et dans huit villes entre 2004 et 2008 dans le cadre d’une thèse de sociologie.
La rénovation urbaine haussmannienne
9Les grands travaux conduits sous la direction du préfet Haussmann ont transformé Paris, contribuant à en faire, à la fin du XIXe siècle, la capitale de la modernité12. La percée de grandes artères et leur interconnexion, la création de réseaux techniques souterrains, l’édification de monuments, d’équipements et d’espaces verts, l’implantation de mobilier urbain, l’homogénéisation de l’architecture via les règles d’urbanisme, l’aménagement des arrondissements créés sur l’emplacement des communes annexées en 1860 ont profondément transformé le tissu urbain parisien. Celui-ci avait peu bougé depuis le Moyen Âge et s’avérait inadapté aux exigences de circulation des biens, des hommes et des valeurs du capitalisme industriel et commercial triomphant du Second Empire13. En même temps qu’ils ont bouleversé le paysage de la capitale, ces grands travaux ont redistribué les activités productives et les groupes sociaux dans l’espace parisien.
10À la suite d’Henri Lefebvre, de nombreux historiens et sociologues ont analysé cette opération de modernisation urbaine sous l’angle du conflit de classes, estimant qu’elle visait, en dernier ressort, à reconquérir l’espace central déserté par les détenteurs du capital afin de perpétuer un ordre politique et social favorable à leurs intérêts14. Nommé préfet de la Seine en 1853, le Baron Haussmann a cherché à rassurer une bourgeoisie effrayée par l’insécurité et les insurrections populaires du deuxième quart du XIXe siècle, notamment les journées révolutionnaires de février 1848 qui, en renversant la monarchie de Juillet, avaient rendu visibles l’intensité des antagonismes sociaux et la capacité du peuple parisien à prendre le contrôle de la capitale15. En éloignant les activités artisanales et industrielles vers la périphérie, les grands travaux ont permis la reconquête bourgeoise du centre de Paris, qui est devenu le lieu du spectacle de la grandeur impériale et de l’exercice de la grande consommation16. Dans le même mouvement, les ouvriers et les classes populaires qui se concentraient dans l’habitat insalubre du cœur de la ville ont été rejetés vers les faubourgs du nord et de l’est, pour le plus grand profit des propriétaires fonciers et des spéculateurs qui ont bénéficié du doublement des prix des terrains du centre parisien entre 1850 et 187017.
11L’Empire autoritaire serait ainsi parvenu à réaliser le projet de la bourgeoisie de la monarchie de Juillet : reconquérir le centre de Paris abandonné aux classes dangereuses depuis la fin du XVIIIe siècle. Cette lecture marxiste de l’œuvre haussmannienne, dominante dans l’historiographie parisienne depuis la fin des années 1960, se distingue assez nettement de l’analyse qui en avait été faite par Friedrich Engels en 1872, lequel faisait primer les ressorts économiques de la rénovation urbaine sur les intentions politiques de ses acteurs18, ou de celle développée par Maurice Halbwachs en 1909, qui y voyait d’abord une conséquence de la pression démographique, des besoins de circulation et de l’augmentation des prix du logement que celle-ci avait suscités19. Elle a été remise en cause par des travaux plus récents, qui en ont souligné la fragilité20. S’étalant sur près deux décennies, la modernisation de la capitale a combiné des visées multiples et fluctuantes avec les circonstances, et des sources d’inspiration qui l’étaient tout autant. De ce fait, on ne peut réduire la rénovation haussmannienne à un projet de reconquête spatiale de la ville-siège du pouvoir politique national, contrairement à ce que laisse penser une interprétation commune qui en fait l’incarnation d’un urbanisme de répression, venant concrétiser le projet énoncé en 1848 par Henri Lecouturier dans un ouvrage au sous-titre éloquent : Paris incompatible avec la République. Plan d’un nouveau Paris où les révolutions seront impossibles21. Certes, les préoccupations de maintien de l’ordre public et social n’étaient pas absentes des grands travaux d’Haussmann, mais elles se combinaient avec d’autres visées moins conservatrices ou réactionnaires, portées par les franges progressistes de la bourgeoisie22. Ainsi, la doctrine socio-économique saint-simonienne – qui comptait parmi ses adeptes les frères Pereire, acteurs centraux de la rénovation parisienne et marseillaise – figurait parmi les sources d’inspiration de ces grands travaux d’intérêt général, dont les couches populaires devaient tirer des bénéfices économiques via la création d’emplois dans les travaux publics, et dont la mise en œuvre était assurée par les entrepreneurs privés et financée par l’emprunt. De la même façon, les théories hygiénistes ont servi de justification aux démolitions qui devaient, en mettant fin à l’entassement des pauvres dans un habitat insalubre, améliorer leur état sanitaire et écarter les menaces qu’ils faisaient peser sur la santé de l’ensemble des citadins.
12Tout autant que les objectifs de la rénovation haussmannienne en matière de peuplement – la redistribution spatiale des groupes sociaux constituait-elle son objectif premier ou un objectif secondaire conditionnant la réalisation de ses objectifs principaux ? –, ses effets sur ce plan demeurent discutés par les historiens. L’idée suivant laquelle ces grands travaux seraient à l’origine d’un processus de séparation des couches sociales dans l’espace parisien a longtemps fait partie de la pensée commune des historiens. Elle est désormais remise en cause23 : la rénovation urbaine a assurément eu des effets ségrégatifs, la concentration des capitaux publics et la spéculation foncière dans les périmètres des grands travaux ayant eu pour contrepartie un déplacement de l’habitat ouvrier vers les franges peu urbanisées du nord et de l’est. Mais la dynamique lui préexistait et le renforcement de la ségrégation au cours du troisième quart du XIXe siècle ne saurait lui être entièrement imputé24. La concentration des ouvriers dans les faubourgs résulte en effet moins de leur expulsion du centre que de l’arrivée en masse de migrants ruraux attirés par les opportunités d’emplois offertes par les grands travaux et le développement de la petite industrie25 : entre 1851 et 1872, Paris a gagné près de 700 000 habitants, pour l’essentiel des ruraux sans qualification qui se sont entassés dans l’habitat bon marché de la périphérie.
13Les intentions et les effets de la rénovation haussmannienne en matière de peuplement, qui sont au centre des controverses historiographiques, ne figuraient pas parmi les sujets de polémique lors de sa mise en œuvre. Cette politique a pourtant fait l’objet de mises en cause diverses qui ont été croissantes à mesure de son avancée, mais celles-ci portaient sur d’autres dimensions. Les architectes ont été les premiers à dénoncer des règlements d’urbanisme qui entravaient leur liberté et risquaient d’aboutir à la création d’une ville monotone. À ces critiques esthétiques se sont ajoutées celles des parlementaires parisiens qui se sont opposés – sans succès – aux lois et décrets arrogeant les pleins pouvoirs au préfet de la Seine pour conduire sa grande œuvre, en s’exonérant du contrôle des assemblées élues et des tutelles ministérielles. Les critiques ont redoublé en 1860, l’annexion des communes limitrophes suscitant la mobilisation de plusieurs députés de la Seine autour d’Ernest Picart, qui s’est imposé comme le plus virulent opposant du préfet dans l’hémicycle et dans la presse. Mais les polémiques portaient principalement sur le financement des travaux, la spéculation et la corruption qui les accompagnaient. Jules Ferry fut en première ligne, publiant en 1867-68 une série d’articles pamphlétaires dans lesquels il stigmatisait le coût des travaux, l’opacité de leur financement et la fuite en avant dans l’endettement, au bénéfice des propriétaires et des promoteurs privés26. Ceux qu’on n’appelait pas encore les intellectuels ne furent pas en reste, à l’image du premier d’entre eux, Émile Zola, qui a consacré le deuxième volume de la série Les Rougon-Macquart à la dénonciation d’une politique urbaine mue par la spéculation et la corruption, en l’incarnant dans la figure d’Aristide Rougon27.
14Les effets de la rénovation urbaine en termes de peuplement n’occupèrent en revanche qu’une place secondaire dans les critiques exprimées dans les arènes parlementaires, dans la presse d’opinion et dans la littérature. À défaut d’être structurante pour les débats de l’espace public bourgeois, cette dimension l’a été pour l’opinion populaire qui s’exprimait dans la rue28. Telle est du moins l’analyse dominante chez les historiens, pour lesquels la faible politisation « par le haut » des enjeux de peuplement de la rénovation haussmannienne aurait eu pour corollaire une politisation « par le bas ». Ceux qui avaient subi la rénovation ne disposaient guère de moyens juridiques ou de relais politiques pour contester ou résister à des transformations qui les excluaient de la ville29. Mais en même temps qu’ils ont dépossédé le peuple parisien des espaces urbains centraux qui étaient les siens, les grands travaux ont contribué à la formation, dans les faubourgs, d’un espace populaire dans lequel s’exprimait le regret de la ville perdue et la volonté de la reconquérir30, espace populaire qui s’est mué en espace révolutionnaire à l’occasion de la Commune31. À la différence de la révolution de 1848, mue par de violents antagonismes de classes32, celle de 1871 peut en effet s’analyser comme un mouvement d’insurrection des populations cantonnées en périphérie, qui n’étaient plus liées par des relations de travail mais de voisinage33.
La rénovation urbaine gaulliste
15Au lendemain de la Première Guerre mondiale, de nouvelles opérations de rénovation urbaine ont été engagées dans les îlots insalubres des centres anciens. Leur mise en œuvre s’est cependant heurtée à d’importants obstacles juridiques et financiers. Dans le cas parisien, seuls trois des dix-sept îlots insalubres sur lesquels devait porter en priorité la rénovation ont fait l’objet d’interventions34. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de vastes parties des centres-villes demeuraient constituées de taudis, théâtres d’une misère sociale publicisée par « l’insurrection de la bonté » de l’Abbé Pierre au cours de l’hiver 1954, qui a inscrit l’enjeu du logement sur l’agenda politique national. Il a néanmoins fallu attendre les débuts de la Ve République pour que se mette en place une politique nationale de rénovation urbaine, dont la capitale a été la cible principale35. Pierre Sudreau, nommé commissaire à la Construction et à l’Urbanisme pour la région parisienne en 1955 puis ministre de la Construction en 1958, en a été le principal instigateur. Le plan d’urbanisme directeur de Paris établi sous sa direction en 1957 et le décret relatif à la rénovation urbaine publié l’année suivante ont posé les bases d’une politique de « reconquête de Paris36 », dont l’ambition dépassait la seule lutte contre l’insalubrité, prétendant plus largement adapter la ville aux temps modernes :
« La rénovation urbaine n’a pas seulement pour objet de reloger dans des immeubles sains des familles qui dépérissent physiquement ou moralement dans les taudis. Elle ambitionne aussi de restituer aux centres des villes, lorsqu’ils ont été dégradés par le manque d’entretien et par des constructions désordonnées, une structure et une architecture digne de notre temps37. »
16Dans un contexte marqué par le volontarisme de puissantes élites technocratiques de l’État38, la rénovation urbaine constituait un des volets d’une ambitieuse politique de modernisation de la ville, visant aussi bien les îlots dégradés des centres anciens que les bidonvilles qui avaient poussé dans les dents creuses des villes. Cette politique de rénovation urbaine a été mise en œuvre de 1958 jusqu’au milieu des années 1970, soit une période correspondant à celle de l’édification des zones à urbaniser par priorité (ZUP). Rénovation urbaine des centres anciens et construction de grands ensembles modernes en périphérie constituent ainsi les deux faces de la politique urbaine de l’État gaulliste. Combinées, elles ont bouleversé la structure socio-urbaine des villes françaises.
17Les liens entre ces deux politiques semblent avoir été oubliés. Ils sont pourtant importants, notamment au regard des questions de peuplement. La construction massive et rapide de logements dans les ZUP, après des décennies de sous-investissement dans l’habitat, a progressivement réduit la crise quantitative du logement, rendant ainsi envisageable la démolition d’immeubles insalubres dans les quartiers centraux39. Réciproquement, la rénovation urbaine a eu des effets sensibles sur le peuplement des grands ensembles. Depuis la fin des années 1940, une offre de « logements assistanciels » avait été constituée, combinant cités de transit construites par les organismes de logement social et logements acquis dans le patrimoine ancien par des municipalités et des associations. Mais ce parc destiné aux familles qui n’étaient pas jugées aptes à habiter un logement moderne demeurait limité en volume. Sa capacité d’absorption des ménages délogés par les opérations de rénovation urbaine a rapidement été mise à l’épreuve, conduisant à la création au début des années 1960 de procédures de financement spécifiques pour l’acquisition d’immeubles existants (immeubles sociaux de transition, IST) et pour la construction d’immeubles collectifs (programmes sociaux de relogement, PSR40). Prioritairement destinés au relogement des ménages issus des quartiers en rénovation, les IST et les PSR offraient des loyers inférieurs de 20 % à ceux du parc HLM ordinaire. Ces programmes relevant des « formes inférieures du logement social » étaient alors considérés comme provisoires41. Leur production fut néanmoins conséquente et durable. Bâtis hâtivement et au moindre coût, le plus souvent à l’intérieur des périmètres des ZUP, les PSR n’ont pas bénéficié de la même attention que les immeubles voisins destinés à des populations plus nobles. Les malfaçons, le manque d’entretien et leur peuplement initial les ont vite transformés en « ensembles-dépotoirs, refuge de familles sous-prolétariennes » vers lesquels les services sociaux et les organismes HLM ont orienté les familles qu’elles jugeaient « à problèmes », « asociales » ou « inadaptées42 ». Craignant que leur arrivée entraîne le départ des employés et des cadres qui étaient présents en nombre dans les grands ensembles, les responsables du ministère de l’Équipement ont rapidement réagi en restreignant l’accès aux HLM des ménages issus des quartiers en rénovation43. Un arrêté de 1968 a limité à 6,75 % des attributions annuelles la part des logements locatifs destinée à des ménages provenant des bidonvilles, des immeubles insalubres et des cités de transit. Une circulaire de 1970 a ensuite limité à 15 % du nombre de logements d’un même groupe d’habitation la proportion de ménages issus de l’habitat insalubre, le quota ainsi fixé s’appuyant sur des travaux faisant état de « réactions constatées » quand cette proportion était dépassée. Enfin, une circulaire publiée trois ans plus tard recommandait expressément que la proportion des familles étrangères44 dans le même ensemble d’habitation ou dans le même quartier ne dépasse pas 15 %45.
18Les enjeux de peuplement étaient donc très présents dans les politiques urbaines des années 1960. Leurs responsables considéraient que le renforcement de la stratification sociale des agglomérations pouvait accroître l’efficacité fonctionnelle des villes et la rentabilité des opérations d’aménagement46. Mais les objectifs poursuivis en la matière n’étaient que très partiellement et inégalement explicités. Ils l’étaient beaucoup plus s’agissant des grands ensembles que des centres anciens visés par la rénovation urbaine. On ne trouve aucune référence aux notions de ségrégation, d’équilibre social ou de mixité sociale dans les textes règlementaires encadrant la rénovation urbaine, dont les objectifs étaient exprimés en termes urbanistiques et fonctionnels d’une part, sanitaires de l’autre. L’absence d’objectifs explicites en matière de peuplement ne signifiait cependant pas l’absence de visées en la matière comme l’ont montré les sociologues qui ont cherché à dévoiler les objectifs cachés de la rénovation urbaine et la logique ségrégative qui la guidait. En superposant les cartes des îlots insalubres à celles des opérations de rénovation, Francis Godard a ainsi montré que l’argument de la lutte contre l’insalubrité mis en avant pour justifier les démolitions résistait difficilement à l’examen empirique. Parmi les îlots dont la démolition était prévue, ceux qui ont été démolis n’étaient pas nécessairement les plus dégradés sur le plan du bâti ; ils se distinguaient en revanche fortement d’autres îlots épargnés par la structure de leur population. De fait, la rénovation urbaine a prioritairement touché les espaces qui se caractérisaient par une forte proportion d’ouvriers spécialisés, de manœuvres ainsi que de travailleurs immigrés, en particulier algériens47.
19Ce constat a conduit les membres du groupe de sociologie urbaine de Nanterre à inscrire la rénovation urbaine dans une « parfaite continuité historique avec l’entreprise haussmannienne48 ». Parce qu’elle organisait un déplacement centrifuge des prolétaires et un mouvement centripète des bourgeois, la rénovation urbaine devait être considérée comme « une action directe du politique sur le politique visant à récupérer le contrôle de zones-clef par leur implantation institutionnelle au moyen d’un changement dans la population résidente49 ». Poussée jusqu’à son terme par Manuel Castells, cette ligne d’analyse conduit à voir dans la rénovation urbaine une opération réactionnaire visant, en dernier ressort, à prévenir les soulèvements populaires :
« La “reconquête urbaine de Paris” semble acquérir une signification bien précise. C’est la reconquête du Paris populaire par la bourgeoisie aussi bien au niveau des activités que de la résidence. Le grand rêve versaillais serait ainsi réalisé. Coupée de ses racines historiques, vidée de son fondement social, la Commune serait morte, enfin50 !… »
20La mise en cause par les sociologues des objectifs de la rénovation urbaine en matière de peuplement et leurs analyses critiques de ses effets sociaux51 n’ont pas eu d’écho dans les arènes parlementaires et partisanes. Seul le Parti socialiste unifié (PSU) s’est saisi de cette question, en faisant de la lutte contre la rénovation urbaine et de la « reconquête populaire de la ville » un de ses chevaux de bataille à l’occasion des élections législatives de 197352. Mais le PSU était un parti marginal, réunissant 2 à 4 % des suffrages, dont la mobilisation autour de la rénovation urbaine n’a pas été relayée par les autres partis de gauche pour lesquels les problèmes d’habitat et de cadre de vie ne constituaient à l’époque qu’un enjeu secondaire voire marginal au regard de la question centrale des rapports de production53. Le mutisme des responsables de la gauche française, en particulier de ceux du PCF54, peut aussi s’expliquer par des raisons électorales. Manuel Castells estime ainsi que les politiques urbaines du début de la Ve République bénéficiaient d’une alliance objective entre les élites gaullistes et leurs opposants communistes, les mouvements sélectifs de population organisés par la rénovation urbaine et la construction de grands ensembles assurant aux premiers comme aux seconds le contrôle solides fiefs électoraux55.
21Le fait que cette politique de peuplement ne soit pas débattue dans les espaces institutionnels démocratiques ne signifie cependant pas une absence de politisation. Au contraire, cette occultation a contribué à sa politisation, au sens donné à ce terme par Jacques Lagroye, qui la définissait comme un « processus de requalification des activités sociales les plus diverses, requalification qui résulte d’un accord pratique entre des agents sociaux enclins, pour de multiples raisons, à transgresser ou à remettre en cause la différenciation des espaces d’activité56 ». À défaut d’être débattus dans les assemblées et les partis, c’est dans le champ académique et dans l’espace urbain que les objectifs et les effets de la rénovation urbaine en matière de peuplement ont été dénoncés. Les critiques adressées par les sociologues à ces opérations de rénovation « au bulldozer » initiées et conduites autoritairement par un État qui disposait de moyens juridiques et financiers considérables57, ont culminé avec la publication en 1970 d’un article au titre retentissant dans Sociologie du travail, qui assimilait la rénovation urbaine à une politique de « déportation » des couches populaires58.
22L’occultation de cette question dans l’espace politique s’est aussi accompagnée d’un déplacement de la contestation vers la rue. Les opérations de rénovation urbaine ont été des terrains fertiles pour les luttes urbaines dans le sillage de mai 1968. On peut d’ailleurs rappeler que l’appareil théorique de Manuel Castells sur les mouvements sociaux urbains, ébauché en 1972 dans La question urbaine, s’appuie sur l’étude de l’opposition à la rénovation d’un quartier parisien. Dans la capitale comme dans plusieurs grandes agglomérations de province, les opérations de rénovation urbaine se sont heurtées à des mouvements d’opposition de groupes d’habitants politisés, encadrés par des militants d’extrême gauche et/ou issus des mouvements d’éducation populaire, qui sont parvenus à freiner voire parfois à bloquer certaines démolitions. Ce fut notamment le cas dans le quartier de l’Alma-Gare à Roubaix, où un conflit durable a opposé des associations de quartier aux pouvoirs publics, aboutissant à l’abandon de l’opération de rénovation conçu par ces derniers et à l’élaboration participative d’un nouveau projet avec les premiers59. L’expérience roubaisienne est aussi célèbre qu’atypique. Confrontés à des oppositions moins structurées, les responsables des opérations de rénovation urbaine sont le plus souvent parvenus à les neutraliser pour mener à bien leurs projets, concédant tout au plus des inflexions de détail60. Ainsi, dans le cas de l’opération « Italie 13 » étudiée par Francis Godard, le mouvement social émergent a pu être réduit par la mise en place d’une gestion personnalisée des évictions, mais aussi par un investissement massif dans la communication. Le recours à ce que les rénovateurs nommaient sans ambages des techniques de persuasion ou de la propagande s’inscrivait alors dans une optique défensive, visant à « emporter l’adhésion des populations intéressées61 » ou, a minima, à prévenir leur mobilisation collective62.
23À défaut de toujours emporter l’adhésion des populations intéressées, ces techniques ont empêché le développement et la convergence des luttes contre la rénovation urbaine, ainsi que l’émergence d’un débat public sur ses objectifs. L’arrêt de cette politique au milieu des années 1970, alors que plus de la moitié des opérations programmées n’avait pas été réalisée, marque d’ailleurs moins le succès des luttes urbaines qu’il ne résulte de problèmes budgétaires63 et d’un intérêt culturel et politique nouveau pour le patrimoine ancien64.
Le Programme national de rénovation urbaine
24De la même façon que la rénovation urbaine des années 1960 a pu être inscrite dans le prolongement de celle du Second Empire, on peut voir dans la politique de rénovation urbaine contemporaine un remake post-moderne de celle menée quarante ans plus tôt, dont elle reprend d’ailleurs la dénomination65. L’idée ne fait cependant pas l’unanimité : « Sous prétexte que les termes sont les mêmes, une assimilation de la rénovation des années 1960-1970 avec les méthodes actuelles serait de mauvais aloi. Les quartiers, les modes d’action, les objectifs ne sont évidemment pas les mêmes66. » L’action s’inscrit effectivement dans un nouveau décor, la distribution des rôles et les techniques de réalisation ont changé, mais n’est-ce pas là le propre des remakes, qui réinterprètent en les mettant au goût du jour des histoires déjà jouées dans le passé ?
25La comparaison diachronique des quartiers visés donne en effet à voir de troublantes similitudes. Après avoir été initiée dans les espaces centraux au XIXe siècle, la rénovation urbaine s’est étendue aux espaces péricentraux dans les années 1960 et touche désormais la banlieue. Ce processus est à mettre en relation avec le phénomène d’extension urbaine, sous l’effet duquel les anciens espaces périphériques deviennent péricentraux. À cet égard, l’orientation du PNRU vers la banlieue le distingue faiblement des vagues précédentes de rénovation urbaine, marquant tout au plus un déplacement de la ligne de front de la reconquête socio-urbaine en direction de quartiers d’habitat populaire toujours plus excentrés. En outre, le PNRU n’est véritablement dirigé vers les seuls quartiers de banlieue qu’en Île-de-France. Si l’on retire cette région, la moitié des quartiers prioritaires de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) est localisée dans les villes-centres. Le changement de cible est à première vue plus net si l’on considère la nature des quartiers visés. Avec le PNRU, la rénovation urbaine délaisse les quartiers anciens d’habitat privé pour cibler des quartiers récents d’habitat social. À de rares exceptions près, les logements de ces quartiers ne présentent pas de signes d’obsolescence technique majeure ou de déficience au regard des normes de confort : l’essentiel du parc social vétuste a été démoli au cours des deux dernières décennies et la plupart des immeubles visés par les démolitions a été réhabilitée au cours de la même période67. La rénovation urbaine contemporaine ne vise donc pas à résoudre des problèmes d’insalubrité. Ce terme sanitaire, qui signalait l’inspiration hygiéniste des précédentes vagues de rénovation, a d’ailleurs disparu des discours officiels, remplacé par une expression à connotation morale : l’habitat indigne. Cette évolution ne décrit cependant pas un réel changement de visée68. On l’a déjà noté, le niveau de dégradation du bâti n’était qu’un critère secondaire dans le choix des îlots destinés à la démolition dans les années 1960, qui dépendait en premier lieu de leur peuplement. Il en va de même aujourd’hui : l’évolution des cibles de la rénovation urbaine, du parc privé dégradé des centres urbains vers le parc social de banlieue ne faisant que suivre l’évolution de la localisation résidentielle des groupes situés en bas de l’échelle sociale et particulièrement des migrants les plus récents. En faisant des zones urbaines sensibles (ZUS) sa cible, le PNRU vise moins des territoires d’habitat indigne que les quartiers populaires concentrant de manière croissante les étrangers issus des dernières vagues d’immigration et leurs descendants69. Autant d’éléments qui conduisent à insister, à la suite de Patrick Simon, sur l’identité structurelle des cibles de la rénovation urbaine à travers l’histoire : « La répétition des séquences de déportation-concentration-dégradation dépasse ainsi la dimension conjoncturelle pour toucher une forme de structure stable de l’équivalence entre statut social, habitat et localisation70. »
26Le PNRU se distingue en revanche nettement des vagues précédentes de rénovation urbaine par ses objectifs en matière de peuplement et par sa dépolitisation. Considérons pour commencer les objectifs de ce programme, qui ont été clairement énoncés par le législateur en termes de réalisations (démolitions-reconstructions) et de résultats (transformation du peuplement des ZUS). Si les objectifs chiffrés de démolition assignés au PNRU et à la rénovation urbaine des années 1960 sont proches71, les effets escomptés de ces démolitions sont difficilement comparables sur le plan du peuplement : la mixité sociale constitue l’objectif explicite du PNRU, énoncé dans les articles 6 et 10 de la loi Borloo. L’ANRU s’est attelée à la mission que lui avait confiée le législateur, n’accordant ses financements qu’aux villes qui faisaient la preuve de leur volonté de renouveler la population de leurs ZUS, comme le rappelait le président de son conseil d’administration :
« L’ANRU est amenée à analyser les projets et à suivre pour cela quelques critères. Le premier critère est la mixité sociale. Si le projet tel qu’il est présenté débouche, à peu de choses près, sur la même composition sociale du quartier et si on n’a pas démontré que l’on était en capacité de fabriquer de la diversité sociale dans un lieu où se concentrent toutes les précarités et toutes les difficultés, il faut évidemment le retravailler72. »
27L’objectif de mixité sociale ainsi assigné au PNRU est loin d’être inédit. La lutte contre la spécialisation sociale des grands ensembles constituait déjà un des objectifs affichés dans la circulaire Guichard (dite « ni barres ni tours ») qui a mis fin à la construction des ZUP en 197373. L’objectif a été régulièrement réaffirmé depuis lors et avec une force croissante depuis le début des années 1990, la mixité sociale s’imposant comme un objectif central voire un impératif des politiques urbaines, en particulier de la politique de la ville. Car si l’enjeu de mixité sociale devrait en toute logique être abordé à l’échelle de la ville dans son ensemble ou à partir des quartiers huppés, ces « ghettos du gotha74 » dont la spécialisation sociale est à l’origine d’effets en chaîne sur l’ensemble des territoires, c’est à partir de la situation des grands ensembles d’habitat social que les termes du débat politique français sur la ségrégation ont été historiquement construits et c’est en leur direction que s’exprime avec le plus d’intensité l’impératif de mixité sociale75. L’objectif de mixité sociale inscrit donc le PNRU dans le prolongement du programme de renouvellement urbain lancé en 1999 et, plus largement, de la politique de la ville des années 1990. Il marque en revanche une rupture par rapport aux vagues précédentes de rénovation urbaine dont les objectifs de peuplement, faiblement explicités, étaient d’une toute autre nature puisqu’il s’agissait de faire partir les ouvriers pour laisser place à la bourgeoisie et non de faire cohabiter différentes couches de la population dans les mêmes espaces résidentiels.
28Le PNRU se distingue tout aussi nettement des politiques de rénovation urbaine du passé par sa dépolitisation76. Sur ce plan, il est loin d’être un simple remake. En effet, les remakes cinématographiques prennent pour modèle des œuvres originales ayant connu un succès public, au risque de souffrir des comparaisons établies par la critique. Il en va différemment dans le cas présent : à la différence des politiques de rénovation haussmannienne et gaulliste, celle initiée par Jean-Louis Borloo semble échapper à toute mise en cause, voire à la simple mise en débat. Elle fait l’objet de commentaires laudateurs dans la presse, bénéficie de soutiens politiques transcendant les oppositions partisanes, et sa mise en œuvre ne suscite pratiquement pas de mouvements d’opposition dans les quartiers. On peut même parler à son sujet d’un succès public national, les villes ayant afflué par centaines au guichet de l’ANRU pour déposer leur candidature au PNRU. Comment expliquer cette dépolitisation de la rénovation urbaine ? Plusieurs réponses, plus complémentaires que concurrentes, peuvent être proposées, qui renvoient à des facteurs idéologiques, politiques ou institutionnels.
29Pour Marion Carrel et Suzanne Rosenberg, la faiblesse du débat démocratique contemporain sur les opérations de rénovation urbaine est due à l’affirmation d’un impératif de mixité sociale, qui a opéré comme un frein au débat, à la contestation et à la lutte collective77. Elles insistent ainsi sur la dimension idéologique du consensus qui s’établit d’abord autour des objectifs de peuplement assignés au PNRU. Les vertus prêtées au retour des classes moyennes dans les quartiers les plus spécialisés sur le plan social et ethno-racial sont loin d’être vérifiées scientifiquement78 ; les vertus dépolitisantes de l’objectif de mixité sociale sont en revanche avérées :
« L’impératif de mixité socio-spatiale rassemble les élus de toute tendances, gestionnaires et populations dans une communauté de pensée apparente : comment peut-on être contre ? Ambivalente, la notion de mixité sociale peut être comprise comme l’idéal d’un équilibre sociétal propre au modèle républicain français, qui garantit l’ordre public et la paix sociale par l’intégration79. »
30Cette première explication d’ordre idéologique peut être complétée par une seconde, plus politique. Le consensus qui transparaît des débats et travaux parlementaires portant sur ce programme depuis 2003 doit beaucoup à l’habileté de Jean-Louis Borloo. Défendant sa loi au Parlement, le ministre délégué à la Ville ne s’est pas contenté de louer l’action de son prédécesseur socialiste, inscrivant ainsi le PNRU dans le prolongement du programme de renouvellement urbain de Claude Bartolone tout en justifiant sa réforme sur le registre politiquement consensuel de la simplification administrative. Il a aussi veillé à s’assurer du soutien d’élus de poids dans tous les partis. Si les députés-maires UMP ont été particulièrement choyés par le ministre de la Ville lors de l’examen de la loi et dans les mois qui ont suivi80, il a également multiplié les promesses en direction des maires socialistes et communistes engagés dans un Grand Projet de ville, auxquels il a assuré que les engagements pris par l’État au titre du renouvellement urbain seraient honorés voire étendus dans le cadre de la rénovation urbaine. En retour, l’opposition a fait preuve d’une grande modération lors de l’examen de la loi Borloo, limitant ses critiques au seul montage financier du programme. Cette question financière a ensuite été au centre des débats et rapports parlementaires sur ce programme, la célébration permanente du PNRU et de ses réalisations s’accompagnant d’alertes régulières sur la trésorerie de l’ANRU et d’appels à un renforcement de ses moyens pour lui permettre de mener à bien sa mission81. Ce consensus politique a été soigneusement entretenu par Jean-Louis Borloo, qui n’a pas ménagé ses efforts pour éviter l’expression publique de critiques du PNRU, organisant régulièrement des réunions avec les (députés-) maires des villes concernées, au cours desquelles ils étaient invités à exprimer librement leurs critiques mais à les taire en dehors, pour éviter toute remise en cause des budgets de l’ANRU. Enfin, il a su s’attirer le soutien de la presse, qui a relayé ses discours insistant conjointement sur l’ampleur des moyens consacrés à un programme qu’il a régulièrement présenté comme le « plus grand chantier du siècle, dont le coût représente dix fois celui du tunnel sous la Manche82 », et sur les transformations patentes qui en résultent. Les budgets mobilisés, la visibilité de la rénovation urbaine et les talents de communicant de Jean-Louis Borloo ont permis au PNRU de bénéficier d’une couverture médiatique aussi soutenue que favorable. Les démolitions engagées dans toutes les villes de France fournissent en effet un flux ininterrompu d’images spectaculaires prisées par la presse et les chaînes de télévision, lesquelles ont multiplié les reportages et articles célébrant sans distance la politique à l’œuvre.
31La croyance dans les vertus de la mixité sociale et l’habileté politique de Jean-Louis Borloo ne peuvent cependant suffire pour expliquer l’adhésion et l’engagement massif des élus locaux et des bailleurs sociaux dans le PNRU. Cet engagement tiendrait, suivant l’argumentaire développé à l’unisson par les responsables de l’ANRU et les maires rénovateurs, au fait que l’inscription dans le programme national donne accès à des crédits d’un montant inédit pour mettre en œuvre des projets qui étaient jusqu’alors financièrement inenvisageables. C’est effectivement le cas, mais l’explication apparaît encore insuffisante. Tout d’abord parce que les subventions de l’ANRU ne représentent, en moyenne, que 30 % du coût des travaux ; pour les obtenir, les villes doivent engager d’importantes ressources propres, ce qui se fait au détriment d’autres interventions83. Ensuite et surtout parce que l’opportunité financière ne peut être saisie qu’au prix d’une conformation des projets locaux aux exigences de l’agence nationale, en particulier à la réalisation de démolitions massives visant à créer les conditions d’un retour dans les quartiers de populations moins défavorisées et – cela reste de l’ordre du non-dit – moins colorées.
32Pour comprendre le consensus politique et l’engagement de centaines d’élus de tous bords dans la rénovation urbaine, il convient d’ajouter un troisième registre explicatif d’ordre institutionnel, renvoyant aux effets dépolitisants des instruments néo-managériaux qui structurent le PNRU. Deux de ces instruments méritent une attention particulière, leur couplage ayant fermement incité les villes et les bailleurs sociaux à se conformer sans discussion aux attentes de l’ANRU : le guichet unique et l’appel à projets. La mutualisation, dans les caisses de cette agence, des ressources financières du 1 % logement, des ministères de l’Équipement et de la Ville a été justifiée sous l’angle de la simplification administrative et de la sanctuarisation financière, pour lever les blocages du renouvellement urbain. La promesse de « sanctuarisation » des financements confiés à l’agence n’était cependant qu’un engagement politique sans valeur juridique84. Quant aux avancées attendues en termes de simplification des procédures financières, elles ont été largement contrecarrées par la lourdeur d’une gestion centralisée. L’ANRU, guichet unique des opérations d’aménagement dans les ZUS, a néanmoins vu affluer les candidatures de villes qui voulaient mener à terme un projet de renouvellement urbain en cours ou, plus fréquemment, par effet d’aubaine. Car si ses taux de subvention sont particulièrement attractifs, c’est aussi parce que sa création s’est accompagnée de la disparition ou de l’assèchement de tous les autres guichets des opérations d’aménagement dans les ZUS. Suivant un mécanisme d’isomorphisme institutionnel théorisé par P. DiMaggio et W. Powell85, la réduction du nombre de sources de financements mobilisables a pesé sur les comportements des acteurs, contraints de prendre en compte les exigences de leur bailleur de fonds.
33Le recours à la procédure d’appels à projets a renforcé cette contrainte. L’ANRU dispose d’un pouvoir de sélection discrétionnaire sur les projets qui lui sont soumis. Plus de 750 quartiers classés en ZUS étaient éligibles aux financements de l’ANRU, dont le budget s’est vite avéré insuffisant pour répondre à l’afflux des candidatures. Les villes se sont donc trouvées en concurrence pour l’accès aux ressources du guichet unique, pressées de soumettre un projet acceptable par une agence dont le soutien est devenu de plus en plus parcimonieux et conditionnel. L’élaboration des projets de rénovation urbaine s’est ainsi transformée en course de vitesse. En effet, à mesure que les caisses de l’ANRU se vidaient, ses exigences se précisaient et s’affermissaient, portant à la fois sur le contenu des projets et le montant des cofinancements locaux. En recourant à un système d’appel à projets, l’agence a fortement restreint l’autonomie des villes, placées devant une alternative simple : concevoir en urgence un projet répondant fidèlement aux attentes de l’ANRU ou renoncer pour de longues années à toute possibilité d’intervention sur le cadre bâti, les espaces extérieurs ou les équipements publics dans les quartiers d’habitat social. On comprend que peu d’entre elles aient pris ce risque, préférant intégrer – et souvent même anticiper – les demandes de l’ANRU.
34Le design institutionnel de la rénovation urbaine a ainsi contribué à sa dépolitisation, l’engagement d’un nombre croissant de villes dans le PNRU s’accompagnant d’un affermissement du consensus autour de cette politique, consensus que l’ANRU a veillé à publiciser en développant une intense activité de communication institutionnelle dans laquelle les élus locaux ont été fortement mobilisés86. Prenant appui sur les soutiens exprimés par des centaines de maires et de parlementaires couvrant l’ensemble du spectre partisan, Jean-Louis Borloo a pu annoncer précocement la victoire : « Cette bataille transcende tous les clivages et nous sommes en train de la gagner, j’en suis convaincu87. » De toute évidence, le ministre délégué a gagné la bataille politique en étouffant la critique : comment des élus pourraient-ils critiquer, voire simplement discuter une politique dans laquelle ils se sont fortement et souvent personnellement engagés, qui sert de cadre au principal projet de leur mandature et/ou que soutiennent les principaux dirigeants de leur parti ?
35Ces explications idéologiques, politiques et institutionnelles de la dépolitisation du PNRU peuvent être étendues à l’échelon local. Alors même qu’ils mobilisent des crédits considérables, les projets de démolition-reconstruction ont été fort peu débattus par les assemblées délibérantes des collectivités. Le plus souvent, ces projets ne sont présentés en conseil municipal qu’après l’obtention d’un accord pour leur financement par l’ANRU. L’assemblée doit alors se prononcer sur un programme d’action totalement bouclé, résultant d’un long processus d’élaboration locale puis d’instruction nationale. Apporter des modifications à ce programme supposerait alors pour la ville de soumettre un nouveau projet à l’ANRU, et donc de reprendre à zéro les négociations avec cette dernière. Les termes du débat politique local sont dès lors relativement simples : accepter le projet en l’état et bénéficier des dizaines de millions d’euros promis par l’ANRU, ou le remettre en cause et prendre le risque de se priver de cette manne. De ce fait, les élus d’opposition ont, dans la grande majorité des villes88, préféré taire leurs éventuelles critiques et même souvent voter en faveur du projet de rénovation urbaine, comme l’explique le leader de l’opposition socialiste d’une ville moyenne :
« Ça fait des années qu’on dénonce l’abandon du quartier par la municipalité. Là, il y a 50 millions qui arrivent pour sa rénovation. On ne pouvait que soutenir le projet. S’opposer là-dessus… Politiquement, c’était se tirer une balle dans le pied. Surtout que [le maire PS de la commune voisine] s’est lui aussi lancé dans l’ANRU. »
36Les projets de rénovation urbaine et les enjeux de peuplement qu’ils soulèvent ne sont pas plus débattus à l’échelon intercommunal. Les conseils communautaires des agglomérations ne sont souvent pas même consultés sur ces projets, l’ANRU ayant privilégié l’échelon communal pour la signature de ses conventions. Si des intercommunalités figurent parmi les signataires des conventions, c’est au prix d’arrangements entre maires89 qui portent justement sur le peuplement. En contrepartie de leur accord pour un financement communautaire des projets de rénovation urbaine, les maires se voient garantir que le parc HLM de leur commune ne sera pas mobilisé pour les relogements ou, a minima, qu’ils pourront sélectionner les ménages accueillis dans ce cadre. Ces arrangements négociés dans les coulisses des instances délibératives sont ensuite validés par des votes, le plus souvent unanimes, des conseils communautaires.
37Cette dépolitisation « par le haut » s’est toutefois accompagnée de tentatives de politisation « par le bas », qui n’ont eu qu’un impact limité90. À l’initiative d’un collectif d’habitants de la Coudraie, quartier de Poissy que la municipalité avait pour projet de démolir, et d’un second collectif de quartier de la Cité rouge à Gennevilliers, une Coordination anti-démolition des quartiers populaires a été constituée en 2005, qui s’est opposée à la politique de démolition massive de logements sociaux conduite dans le cadre du PNRU, pour défendre une rénovation plus douce des quartiers autour de projet conçus avec et pour leurs habitants. Bien que soutenue par plusieurs associations nationales (DAL, AC !, LDH, CNL), cette coordination nationale a peiné à mobiliser et à se faire entendre d’un large public. Les manifestations qu’elle a organisées dans plusieurs quartiers franciliens et quelques villes du Sud de la France n’ont réuni que de maigres troupes. L’occupation du siège de l’ANRU en juin 2005 n’a pas non plus eu un grand écho médiatique. Mais elle a incité les responsables de l’agence à prendre des initiatives pour neutraliser la contestation naissante.
38Tout d’abord, l’ANRU a cherché à désamorcer le mouvement en rejetant le projet de rénovation du quartier de la Coudraie, d’où provenaient bon nombre des militants de la Coordination anti-démolition des quartiers populaires ; avec l’aide de chercheurs-militants, ceux-ci se sont alors mobilisés dans l’élaboration, d’un « contre-projet » qui a été validé par l’ANRU en 2010. Ensuite, le directeur général de l’ANRU a adressé aux préfets une circulaire les alertant sur les risques de blocage des projets en cas d’opposition des habitants, leur demandant d’inciter les villes et les bailleurs sociaux à développer des dispositifs d’information et de concertation visant à prévenir de tels blocages. Si les villes ont obtempéré, ce n’est qu’en aval de l’élaboration des projets. Car le régime concurrentiel institué par l’ANRU a mis les élus locaux dans une situation d’incertitude quant au résultat du processus d’instruction nationale de leur projet, qui perdure jusqu’à la signature de la convention. Dans ce contexte, s’engager dans une élaboration participative des projets leur est apparu doublement risqué. D’une part, de telles démarches prenant du temps, ils auraient dû différer le bouclage du projet et sa soumission à l’agence nationale, au risque de bénéficier de financements plus réduits. D’autre part, les élus ont estimé qu’une concertation engagée en amont du conventionnement avec l’agence nationale aurait risqué de les mettre en porte-à-faux vis-à-vis de la population, en faisant émerger des demandes acceptées localement et intégrées dans le projet avant d’être récusées par l’agence. Ils ont donc attendu la validation nationale de leur projet pour le présenter aux habitants les plus directement concernés, avec l’aide d’agences de communication et de consultants spécialisés91. Mais le projet qui sert alors de support à la concertation est quasi-intangible, sinon sur quelques éléments accessoires. Les dispositifs institutionnels de concertation visent alors seulement à obtenir le consentement des résidents à une opération qui prétend améliorer leur situation, mais qui a été définie sans eux et qu’ils risqueraient donc de percevoir – parfois non sans raisons – comme tournée contre eux92. Force est de constater que ces initiatives, complétées par une gestion individualisée des relogements et un accompagnement social dense de ceux-ci, ont été efficaces : la Coordination anti-démolition des quartiers populaires a peiné à trouver des relais au-delà des quartiers de quelques communes d’Île-de-France et de Montpellier, et la mobilisation des militants qui constituaient son noyau dur s’est rapidement essoufflée.
Conclusion
39La comparaison du PNRU, ses objectifs de peuplement et sa dépolitisation, avec les politiques du Second Empire et des années 1960 renseigne sur les mutations du regard des sciences sociales sur la rénovation urbaine et sa dimension politique au cours du dernier demi-siècle. Les analyses sociologiques de la rénovation urbaine gaulliste comme celles qui ont longtemps dominé l’historiographie de la rénovation haussmannienne relevaient quasi-exclusivement d’une approche marxiste, dénonçant les agissements d’un État au service des intérêts du capital. Ces approches critiques ont disparu des travaux sur la rénovation urbaine contemporaine93, dont la grande majorité a été réalisée par des experts dans le cadre de commandes institutionnelles94.
40On peut donc se demander si la dépolitisation apparente du PNRU qui ressort de la comparaison avec les vagues précédentes de rénovation urbaine ne renvoie pas pour partie à un effet d’optique lié aux sources utilisées pour les analyser : la politisation des politiques de rénovation urbaine, qui était tout à la fois une question de recherche et un enjeu politique des analyses néo-marxistes du passé, ne figure plus parmi les préoccupations des sciences sociales contemporaines. Les controverses qui ont suivi l’embrasement de centaines de quartiers au cours de l’automne 2005 en fournissent une illustration : si le caractère politique de ces émeutes a été largement débattu par les sociologues95, rares sont ceux qui ont cherché à les relier aux opérations de rénovation urbaine qui étaient en cours96 ou à établir des parallèles avec les insurrections qui ont accompagné la rénovation des quartiers populaires dans d’autres contextes historiques, de la Commune de Paris aux émeutes des ghettos noirs américains des années 196097. Plus encore que dans les espaces institutionnels et médiatiques du débat démocratique ou dans les espaces populaires de la périphérie des villes, c’est donc du côté des sciences sociales que la dépolitisation de la rénovation urbaine contemporaine est la plus frappante.
Notes de bas de page
1 Grafmeyer Y., Sociologie urbaine, Paris, Armand Colin, 2005.
2 Trois lois votées en 2005, 2006 et 2007 ont étendu les objectifs et la durée de ce programme à 250 000 démolitions et reconstructions pour la période 2004-2013. La programmation du PNRU fin 2011 laisse cependant entrevoir des réalisations plus limitées, à hauteur de 140 000 démolitions et 135 000 reconstructions entre 2004 et 2020.
3 Castells M., La question urbaine, Paris, Maspero, 1972 ; Roncayolo M., « Logiques urbaines », dans Duby G. (dir.), Histoire de la France urbaine. Tome IV, Paris, Éditions du Seuil, 1983, p. 25-80 ; Brenner N., New State Spaces : Urban Governance And The Rescaling Of Statehood, Oxford, Oxford University Press, 2004.
4 Voir par exemple, pour les trois périodes, Girard L., La politique des travaux publics sous le Second Empire, Paris, Armand Colin, 1951 ; Duclos D., « Rénovation urbaine et capital monopoliste à Paris », Espaces et sociétés, 13-14, 1975, p. 135-143 ; Epstein R., Rénovation urbaine : démolition-reconstruction de l’État, Paris, Presses de Sciences Po, 2013.
5 Pour un aperçu de ces problèmes financiers récurrents, cf. Ferry J., Les comptes fantastiques d’Haussmann, Paris, Guy Durier, 1868 ; Godard F., « La rénovation urbaine à Paris – L’opération Italie 13 », Espaces et sociétés, 2, 1971, p. 149-168 ; Cour des comptes, La politique de la ville. Une décennie de réformes, Paris, Cour des comptes, 2012.
6 Impacts qui peuvent être abordés en termes de destins individuels, de sociabilités, de solidarités et de mobilisations collectives.
7 Jaillet M.-C., « Renouvellement urbain et transformations sociales : une vieille histoire », Droit et ville, 55, 2003, p. 29-40 ; Lelévrier C., « Rénovation urbaine, relogement et recompositions territoriales », Recherche Sociale, 176, 2005, p. 24-41.
8 Epstein R., « Des politiques publiques aux programmes : l’évaluation sauvée par la LOLF ? Les enseignements de la politique de la ville », Revue française des affaires sociales, 1-2, 2010, p. 227-250.
9 Pour une présentation des controverses historiographiques sur le sujet, cf. Bourillon F., « Des relectures d’Haussmann », Histoire urbaine, 5 (1), 2002, p. 189-199 ; Faure A., « La ségrégation, ou les métamorphoses historiographiques du Baron Haussmann », dans Jaillet M.-C., Perrin É., Ménard F. (dir.), Diversité sociale, ségrégation urbaine, mixité, Paris, La Défense, éditions du PUCA, 2008, p. 51-64.
10 Ceaux J., « Rénovation urbaine et stratégie de classe. Rappel de quelques aspects de l’haussmannisation », Espaces et sociétés, 13-14, 1975, p. 19-31.
11 On trouve un recensement de ces travaux dans Blanc M., « De la rénovation urbaine à la restauration », Espaces et sociétés, 30-31, 1979, p. 5-14.
12 Harvey D., Paris, Capital of modernity, New York et Londres, Routledge, 2003.
13 Roncayolo M., « Destins de la ville héritée », dans Duby G.(dir.), Histoire de la France urbaine. Tome V, Paris, Éditions du Seuil, 1985, p. 393-437.
14 Lefebvre H., Le droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968 ; Harvey D., Paris, Capital of modernity, op. cit.
15 Chevalier L., Classes laborieuses, classes dangereuses dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Plon, 1958.
16 Delattre S., Les Douze heures noires. La nuit à Paris au XIXe siècle, Paris, Albin Michel, 2000.
17 Bourillon F., « Travaux et spéculation : l’expulsion des habitants du centre de Paris sous le Second Empire ? », Travaux et Recherches de l’UMLV, 7, 2003, p. 143-171.
18 Dans La question du logement, texte publié en 1872, Engels analysait les grands travaux parisiens et ceux engagés dans plusieurs capitales européennes de la façon suivante : « L’extension des grandes villes modernes confère au terrain, dans certains quartiers, surtout dans ceux situés au centre, une valeur artificielle, croissant parfois dans d’énormes proportions ; les constructions qui y sont édifiées, au lieu de rehausser cette valeur, l’abaissent plutôt, parce qu’elles ne répondent plus aux conditions nouvelles ; on les démolit donc et on les remplace par d’autres. Ceci a lieu surtout pour les logements ouvriers qui sont situés au centre et dont le loyer, même dans les maisons surpeuplées, ne peut jamais ou du moins qu’avec une extrême lenteur, dépasser un certain maximum. On les démolit et à leur place on construit des boutiques, de grands magasins, des bâtiments publics. », cité par Oblet T., Villechaise A., « Les relogés de la rénovation urbaine : un bilan plutôt positif altéré par les difficultés des plus démunis », Mouvements, 2010.
19 Halbwachs M., Les expropriations et le prix des terrains à Paris (1860-1900), Paris, Rieder-Cornély, 1909.
20 Bourillon F., « Travaux et spéculation : l’expulsion des habitants du centre de Paris sous le Second Empire ? », art. cit. ; Faure A., « La ségrégation, ou les métamorphoses historiographiques du Baron Haussmann », art. cit.
21 Cette interprétation est notamment due à Henri Lefebvre, qui avait estimé que le remplacement des venelles médiévales par de grands boulevards devait permettre, suivant l’expression de l’écrivain surréaliste Benjamin Péret, de « peigner Paris avec des mitrailleuses ». Lefebvre H., Le droit à la ville, op. cit. Cette visée stratégique doit être nuancée : sur les 70 percées programmées sous le Second Empire, seules cinq répondaient effectivement à un objectif contre-insurrectionnel. Des Cars J., Pinon P. (dir.), Paris-Haussmann, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 1993.
22 Faure A., « Spéculation et société : les grands travaux à Paris au XIXe siècle », Histoire, économie et société, 3, 2004, p. 433-448 ; Bourillon F., « Changer la ville. La question urbaine au milieu du XIXe siècle », Vingtième siècle. Revue d’histoire, 64, 1999, p. 11-23.
23 Faure A., « La ségrégation, ou les métamorphoses historiographiques du Baron Haussmann », art. cit.
24 Pinon P., Atlas du Paris haussmannien : la ville en héritage du Second Empire à nos jours, Paris, Parigramme, 2002.
25 Bourillon F., « Travaux et spéculation : l’expulsion des habitants du centre de Paris sous le Second Empire ? », art. cit ; Tugault Y., Bonvalet C., « Les racines du dépeuplement de Paris », Population, 39(3), 1984, p. 463-481.
26 Ferry J., Les comptes fantastiques d’Haussmann, op. cit.
27 Personnage principal de la Curée, Aristide Rougon travaille à l’hôtel de ville. Cette position lui fournit des informations de grande valeur sur les projets d’aménagement décidés par le préfet de la Seine, qui lui permettent de s’enrichir rapidement en spéculant sur la vente d’immeubles et de terrains.
28 Sur la distinction entre opinion publique et opinions populaires, cf. Habermas J., L’Espace public, Paris, Payot, 1978 ; Farge A., Dire et mal dire, L’opinion publique au XVIIIe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1992.
29 Bruston A., « La “régénération” de Lyon 1853-1865. L’intervention de l’État et le manifeste urbain de la bourgeoisie », Espaces et sociétés, 15, 1975, p. 81-103.
30 Rougerie J., « Recherches sur le Paris du XIXe siècle. Espace populaire et espace révolutionnaire : Paris 1870-1871 », Bulletin de l’institut d’Histoire économique et sociale de l’université de Paris 1, 5, 1977, p. 48-83.
31 Harvey D., Paris, Capital of modernity, op. cit. Cette révolution conduit d’ailleurs Harvey à conclure à l’échec du projet de maintien de l’ordre politique et social par la transformation socio-urbaine.
32 Marx K., Les luttes de classes en France (1848-1850), 1850 [rééd. Paris, Éditions sociales, 1974].
33 Gould R., « Multiple Networks and Mobilization in the Paris Commune, 1871 », American Sociological Review, 56(6), 1991, p. 716-729.
34 Simon P., La société partagée – Relations interethniques et interclasses dans un quartier en rénovation-Belleville, Paris 20e, thèse de doctorat en sociologie, École des hautes études en sciences sociales de Paris, 1994.
35 Paris a aussi été le terrain privilégié des sociologues engagés dans l’étude de cette politique, au risque de conduire à la production d’analyses déterritorialisées, faisant l’impasse sur la diversité des structures et des dynamiques sociales, économiques et spatiales des villes concernées par la rénovation. Cf. Blanc M., op. cit. Parmi les rares exceptions, on peut citer : Marié M., « Sociologie d’une rénovation urbaine », Sociologie du travail, 4, 1970, p. 469-487 ; Biarez S., Bouchet C., du Boisberranger G., Mingasson C., Institution communale et pouvoir politique. Le cas de Roanne, Paris-La Haye, Les éditions Mouton, 1973.
36 Sudreau P., « Reconquête de Paris », Urbanisme, 49-50, 1956, p. 300-301.
37 Instruction générale du 8 novembre 1959 consacrée à la rénovation urbaine.
38 Fourquet F., Les Comptes de la puissance. Histoire de la comptabilité nationale et du Plan, Paris, Recherches, 1980.
39 Groupe de sociologie urbaine de Nanterre, « Paris 1970. Reconquête urbaine et rénovation déportation », Sociologie du travail, 4, 1970, p. 488-514.
40 Tricart J.-P., « Genèse d’un dispositif d’assistance : les “cités de transit” », Revue française de sociologie, 18(4), 1977, p. 601-624.
41 Ballain R., Jacquier C., Politique française en faveur des mal-logés (1945-1985), Paris, ministère de l’Équipement, 1987 ; Tanter A., Toubon J.-C., « Le mouvement HLM dans la construction de la politique de la ville », dans Baudin G., Genestier P. (dir.), Banlieues à problèmes. La construction d’un problème social et d’un thème d’action publique, Paris, La Documentation française, 2002, p. 47-68.
42 Tricart J.-P., art. cit.
43 Tanter A., Toubon J.-C., art. cit.
44 Les immigrés étaient alors encore massivement logés dans un habitat voué à la démolition. D’après les travaux préparatoires du VIe Plan (1971-1975), plus de 650 000 étrangers résidaient dans des taudis et des bidonvilles à la fin des années 1960.
45 Tellier T., Le temps des HLM, 1945-1975. La saga urbaine des Trente Glorieuses, Paris, Éditions Autrement, 2008.
46 Gaudin J-P., Genestier P., Riou F., « La ségrégation : aux sources d’une catégorie de raisonnement », Cahiers de recherche PUCA, 69, 1995.
47 Godard F., Castells M., Delayre H., Dessane C., O’Callaghan C., La rénovation urbaine à Paris : structure urbaine et logique de classe, Paris-La Haye, Les éditions Mouton, 1973.
48 Groupe de sociologie urbaine de Nanterre, op. cit.
49 Ibid., p. 503.
50 Castells M., op. cit.
51 Pour une analyse empirique des effets de la rénovation urbaine sur les ménages et les communautés d’un quartier populaire visé par la rénovation, voir Coing H., Rénovation urbaine et changement social. L’îlot no 4 (Paris 13e), Paris, Les éditions ouvrières, 1966.
52 Fédération de Paris du PSU, La rénovation à Paris – Livre noir, Paris, Tribune socialiste, 1972.
53 Bachmann C., Le Guennec N., Violences urbaines. Ascension et chute des classes moyennes à travers 50 ans de politique de la ville, Paris, Albin Michel, 1996.
54 On trouve bien, dans les comptes-rendus des débats parlementaires, quelques interpellations du gouvernement par des élus communistes critiquant les effets ségrégatifs de la rénovation urbaine. L’intervention de Parfait Jans, député-maire de Levallois-Perret, le 18 mai 1973, en fournit une illustration : « En imposant des loyers élevés, vous créez des conditions telles que les familles dont les revenus sont modestes ne peuvent accepter le relogement qui leur est offert. Vous organisez aussi la ségrégation sociale par l’habitat. Vos refus de subventionner les opérations de rénovation n’ont d’autre but et d’autre résultat que la construction d’immeubles de grand standing dans les centres urbains. Il en résulte que les travailleurs sont chassés toujours plus loin de leur lieu de travail, vers la grande périphérie. » Mais cette critique, isolée, visait moins la rénovation urbaine que sa remise en cause par le gouvernement qui venait de décider l’arrêt des subventions d’équilibre pour les études et pour la réalisation de nouvelles opérations.
55 Castells M., op. cit.
56 Lagroye J., « Les processus de politisation », dans Lagroye J. (dir.), La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 359-372.
57 Coing H., op. cit. ; Godard F. et al., op. cit.
58 Groupe de sociologie urbaine de Nanterre, art. cit.
59 Hatzfeld H., « Municipalités socialistes et associations. Roubaix : le conflit de l’Alma-Gare », Revue française de science politique, 36(3), 1986, p. 374-392.
60 Godard F. et al., op. cit. ; Charon J.-M., « L’animation urbaine, ou comment désamorcer les mouvements sociaux urbains », Espaces et sociétés, 12, 1974, p. 135-155 ; Cherki E., Mehl D., Les nouveaux embarras de Paris. De la révolte des usagers des transports aux mouvements de défense de l’environnement, Paris, Maspero, 1979.
61 Décret du 31 décembre 1958 relatif à la rénovation urbaine.
62 Coing H., op. cit.; Godard F., op. cit.
63 Duclos D., art. cit.; Godard F., op. cit.
64 Fijalkow Y., Preteceille E., « Gentrification : discours et politiques urbaines (France, Royaume-Uni, Canada) », Sociétés contemporaines, 63(3), 2006, p. 5-13.
65 Le Garrec S., Le renouvellement urbain, genèse d’une notion fourre-tout, La Défense, éditions du PUCA, coll. « Recherches », 160, 2006.
66 Coudroy de Lille L., « Rénovation et renouvellement urbains, évocation d’un vieux couple… », Urbanisme, 346, 2006, p. 29-31.
67 Lelévrier C., art. cit.
68 L’évolution est d’ailleurs relative, puisque les taudis étaient fréquemment présentés comme « la honte des villes » à la fin des années 1950. Cf. Marié M., art. cit.
69 L’enquête Trajectoires et Origines (TeO) réalisée par l’INED et l’INSEE en 2008 a établi que les immigrés et descendants d’immigrés représentaient plus de la moitié de la population résidant en ZUS, soit deux fois et demie plus que leur poids dans la population vivant en France métropolitaine. Près d’un immigré sur cinq et près d’un descendant d’immigré sur sept vivent en ZUS, alors que ce n’est le cas que d’une personne sur quinze sur l’ensemble de la France métropolitaine. Cette proportion dépasse 25 % pour les immigrés d’Afrique du Nord, d’Afrique subsaharienne et de Turquie, et elle se situe aux alentours de ce chiffre pour leurs descendants. La surreprésentation des immigrés et des descendants d’immigrés en ZUS est donc considérable : le poids des immigrés en ZUS est trois fois plus important qu’en dehors des ZUS, celui de leurs descendants est 2,3 fois plus important.
70 Simon P., op. cit.
71 La loi du 1er août 2003 prévoyait la démolition de 200 000 logements entre 2004 et 2008, soit autant que le IVe Plan sur la période 1960-1965.
72 Audition de Jean-Paul Alduy, président du conseil d’administration de l’ANRU, par la Mission commune d’information sur le bilan et les perspectives d’avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d’années, le 30 mai 2006.
73 Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d’urbanisation dites grands ensembles et à la lutte contre la ségrégation par l’habitat.
74 Pinçon M., Pinçon-Charlot M., Les Ghettos du Gotha : Comment la bourgeoisie défend ses espaces, Paris, Éditions du Seuil, 2007.
75 Préteceille E., « La ségrégation sociale a-t-elle augmenté ? La métropole parisienne entre polarisation et mixité », Sociétés contemporaines, 62(2), 2006, p. 69-93 ; Kirszbaum T., Mixité sociale dans l’habitat. Revue de la littérature dans une perspective comparative, Paris, La Documentation française, 2008.
76 On reprend ici des éléments développés dans Epstein R., « ANRU : Mission accomplie ? », dans Donzelot J. (dir.), À quoi sert la rénovation urbaine ?, Paris, PUF, 2012, p. 51-97.
77 Carrel M., Rosenberg S., « Injonction de mixité sociale et écueils de l’action collective des délogés. Comparaison entre les années 1970 et 2000 », Géographie, économie, société, 2011, p. 119-134.
78 Pour une revue de la littérature internationale sur le sujet, cf. Kirszbaum T., Mixité sociale dans l’habitat. Revue de la littérature dans une perspective comparative, op. cit.
79 Carrel M., Rosenberg S., art. cit.
80 À la demande de Patrice Ollier, alors président de la commission des Affaires économiques, de l’environnement et du territoire de l’Assemblée nationale, un article a été introduit dans la loi, permettant au ministre d’accorder des dérogations pour que les communes sans ZUS puissent bénéficier des crédits du PNRU ; la riche commune de Rueil-Malmaison, dont P. Ollier est élu, fut naturellement la première à en bénéficier. Jean-François Copé, alors ministre du Budget, a aussi bénéficié d’un traitement de faveur : la convention de rénovation urbaine de Meaux, qui figure parmi les premières signées par l’ANRU, a bénéficié d’un taux de subvention record de 54 %.
81 Dallier Ph., Karoutchi R. Rapport d’information sur l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, Paris, Sénat, 2006 ; Türk A., André P. Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers. Rapport de la mission commune d’information sur le bilan et les perspectives d’avenir des politiques conduites envers les quartiers en difficulté depuis une quinzaine d’années, Paris, Sénat, 2006 ; Pemezec Ph., Rapport d’information sur la mise en application de la loi no 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, commission des Affaires économiques, de l’Environnement et du Territoire, Paris, Assemblée nationale, 2007 ; Goulard F., Pupponi F., Quartiers défavorisés ou ghettos inavoués : la République impuissante, rapport d’information sur les aides aux quartiers défavorisés fait au nom du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale, 2010.
82 Pour donner la mesure des moyens mobilisés (40 milliards d’euros), le ministre a eu recours à d’autres comparaisons audacieuses : le coût des travaux du PNRU représenterait dix fois celui des travaux d’Haussmann, l’équivalent de douze porte-avions nucléaires ou de la masse monétaire de I’Irak…
83 Il n’est pas rare, dans les petites villes et les banlieues des grandes agglomérations, qu’une commune consacre l’essentiel de ses capacités d’investissement à son projet de rénovation urbaine.
84 L’article 7 de la loi stipulait que « les crédits consacrés par l’État […] ouverts par les lois de finances entre 2004 et 2008, sont fixés à 2,5 milliards d’euros, aucune dotation annuelle au cours de cette période ne pouvant être inférieure à 465 millions d’euros », ce qui devait protéger l’ANRU des régulations budgétaires. Cet engagement dérogeant à la règle d’annualité budgétaire était cependant sans valeur juridique. Le gouvernement ne s’y est d’ailleurs pas tenu, réduisant puis supprimant les contributions étatiques au budget de l’ANRU, la baisse étant compensée par une forte hausse de la contribution du 1 % logement et des prélèvements exceptionnels sur les budgets des bailleurs sociaux.
85 DiMaggio P., Powell W., « The Iron Cage Revisited : Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields », American Sociological Review, 48(2), 1983, p. 147-160.
86 Voir, par exemple, la plaquette intitulée « Paroles de maires » établie en 2005 qui regroupait des citations laudatrices de 31 maires (dont 10 parlementaires) de droite comme de gauche, ou le numéro hors-série de la revue Urbanisme que s’est offert l’ANRU en février 2007 pour célébrer son troisième anniversaire.
87 Jean-Louis Borloo – La Lettre de la DIV, no 113, décembre 2006/janvier 2007.
88 On trouvera quelques contre-exemples dans Kirszbaum T., Les élus, la République et la mixité. Variations discursives et mise en débat de la norme nationale de mixité dans neuf communes franciliennes, Paris, rapport pour le PUCA, 2007.
89 Sur les arrangements entre maires dans la production des « consensus intercommunaux », cf. Desage F., Guéranger D., La politique confisquée. Sociologie des réformes et des institutions intercommunales, Bellecombes-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2011.
90 Deboulet A., « Le résident vulnérable, questions autour de la démolition », Mouvements, 47-48, 2006, p. 174-181.
91 Le recours à de tels experts, plutôt que l’investissement dans le soutien technique à la mobilisation collective des résidents des quartiers pauvres, distingue la France d’autres pays engagés dans des programmes comparables, en particulier les États-Unis où le recours à une contre-expertise et la mobilisation communautaire des habitants sont vus comme des leviers d’enrichissement des projets de rénovation urbaine et de développement social et sont, à ce titre, financés par les pouvoirs publics. Cf. Carrel M., Rosenberg S., art. cit.; Kirszbaum T., Rénovation urbaine. Les leçons américaines, Paris, PUF, 2008.
92 Donzelot J., Epstein R., « Démocratie et participation : l’exemple de la rénovation urbaine », Esprit, 326, 2006, p. 5-34 ; Deboulet A. et al., La rénovation urbaine entre enjeux urbains et engagements citadins, Paris, rapport pour le PUCA, 2010.
93 En France du moins, car les approches critiques de la rénovation urbaine sont dominantes dans le champ international des urban studies. Les politiques de rénovation urbaine contemporaines y sont généralement analysées comme des symboles de l’évolution néolibérale et revanchiste des politiques urbaines, cf. Brenner N., Theodore N. (dir.), Spaces of Neoliberalism. Urban Restructuring in North America and Western Europe, Londres, Wiley-Blackwell, 2002 ; Smith N., « New Globalism, New Urbanism : Gentrification as Global Urban Strategy », Antipode, 34(3), 2002, p. 427-450 ; Bernt M., « Partnerships for Demolition : The Governance of Urban Renewal in East Germany’s Shrinking Cities », International Journal of Urban and Regional Research, 33(3), 2009, p. 754-769.
94 Espacités, État de l’art de la recherche et des études sur la rénovation urbaine, rapport pour l’ANRU et le SG-CIV, 2012.
95 Pour une présentation de ces controverses scientifiques, cf. Ocqueteau F., « Les émeutes urbaines de l’automne 2005 : cadres d’analyse et points aveugles de la sociologie française », Sociologie du travail, 49(4), 2007, p. 531-543 ; King M., Waddington D., Jobard F. (dir.), Rioting in the UK and France, 2001-2006 : A Comparative Analysis, Willan, Uffculme, 2009.
96 Parmi les exceptions, cf. Lagrange H., « La structure et l’accident », dans Lagrange H., Oberti M. (dir.), Émeutes urbaines et protestations, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 105-130 ; Epstein R., « Urban Renewal = Riot Revival ? The Role of Urban Renewal Policy in the French Riots », dans King M., Waddington D., Jobard F. (dir.), op. cit., p. 124-134.
97 Opérations dont la logique était dénoncée par les militants des droits civiques dans un slogan percutant, repris par Malcom X : urban renewal = negro removal. Sur le lien entre ces émeutes raciales et la rénovation urbaine, cf. Castells M., op. cit.
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