Faire du logement social des « immigrés » un problème de peuplement. Configuration politico-administratives et usages des catégories ethno-raciales (Saint-Denis, années 1960-années 1990)
p. 307-327
Texte intégral
1Depuis l’« affaire de Vitry » en décembre 1980, qui a vu son maire opposer un bulldozer à la construction d’un foyer de travailleurs migrants, les réactions hostiles d’élus communistes de banlieue envers la présence de populations étrangères sur le territoire de leur commune ont souvent été relevées1. Des opérations de réhabilitation de grands ensembles dites « Habitat et Vie Sociale » (1977-1982) aux opérations récentes de « rénovation urbaine », de nombreuses études ont montré les ambiguïtés des politiques de la ville qui, en voulant produire de la « mixité sociale », ont conduit à des traitements discriminatoires envers les « immigrés2 » et leurs descendants pour l’accès au logement social3. Des travaux s’intéressant au fonctionnement ordinaire des attributions de logements sociaux ont, quant à eux, mis en lumière des pratiques de catégorisation et de hiérarchisation ethniques des demandes de logement4. Ils écartent l’hypothèse d’un racisme individuel et idéologique des acteurs du logement social, au profit d’analyses mettant en avant les « petites décisions » prises dans le cadre de la gestion ordinaire de bailleurs soumis à de fortes contraintes pratiques5. Se dessinent ainsi des liens entre la constitution du logement des « immigrés » en problème public, l’ethnicisation des pratiques de nombreux bailleurs et la conduite de politiques de peuplement par les acteurs en charge du logement social.
2Cependant, la rationalité bureaucratique fondée sur la gestion des « risques » et des « équilibres » sociaux n’explique pas, en soi, pourquoi des réponses ethnicisantes ont été aussi « naturellement » partagées. En réponse à cette interrogation, on souligne communément les analyses défaillantes des acteurs : l’idée admise durant les « Trente Glorieuses » d’un caractère provisoire de l’immigration, les difficultés des élus communistes de banlieue à prendre en compte les évolutions sociales de leurs territoires ou encore les ambiguïtés du « modèle républicain d’intégration », notamment vis-à-vis de l’héritage colonial. Mais la question reste en suspens de savoir comment, et suivant quelles temporalités précises, s’est construite la légitimité de politiques de peuplement faisant de l’enjeu ethnique un problème central, dans le contexte urbain métropolitain. La recherche que nous menons apporte quelques éléments de réponse. Elle porte sur le cas de la municipalité communiste de Saint-Denis, l’un des hauts lieux de la « ceinture rouge » de Paris6. La période envisagée ici s’étend du début des années 1960 au milieu des années 1990, moment qui voit s’achever une séquence de profondes mutations de l’office public d’HLM de la ville de Saint-Denis (OPH) entamée à la fin des années 1970. Le texte s’appuie sur un matériau spécifique : les archives des commissions administratives de l’OPH, associées à l’analyse d’archives municipales et d’éléments issus des archives départementales de la Seine-Saint-Denis.
3Le point de départ proposé consiste à ne pas considérer la catégorie de « peuplement » comme une collection préconstituée de pratiques englobant par nécessité des dimensions ethniques, mais comme l’objet d’une construction sociale, de luttes symboliques et pratiques, qu’il convient de retracer pour en saisir la dynamique et mieux en identifier les inflexions chronologiques. Il s’agit dès lors d’observer de manière ouverte les différents problèmes concrets mettant en jeu la répartition spatiale et les descriptions de la population locale (attributions de logements, mais aussi enjeux d’aménagement urbain, politique de construction, politiques sociales locales…). Notre regard est orienté par les articulations établies par les acteurs locaux entre enjeux de peuplement, politique de logement social et autres dimensions des politiques urbaines. Nous laissons de côté de nombreux aspects de l’activité de l’OPH et de la municipalité, notamment l’essentiel des relations avec les demandeurs de logement ou les locataires. Les archives analysées témoignent de la mise à l’écrit de certaines règles en matière de peuplement et, plus largement, d’une activité relevant du cadre réglementaire du logement social. Elles ne donnent pas accès aux dimensions informelles mieux mises en lumière par des enquêtes ethnographiques ou des entretiens. Mais elles ont l’avantage de donner à voir les relations d’interdépendance établies entre les divers acteurs en charge du logement social.
4Nous postulons qu’au sein de ces configurations politico-administratives se jouent la formulation des problèmes publics du peuplement urbain et du logement des « immigrés », leur légitimation comme objets politiques, et la conception des instruments destinés à les traiter. Cette hypothèse s’appuie sur des approches définissant la politisation comme un processus jamais complètement stabilisé de « production sociale du politique » par « conversion de toutes sortes de pratiques en activités politiques7 ». À ce titre, on gagne à étudier des situations d’interface mettant au contact acteurs politiques spécialisés et acteurs n’ayant pas pour rôle premier la conduite d’activités politiques. S. Laurens en a fait la démonstration en étudiant le rôle des hauts fonctionnaires en charge de l’immigration, situés au contact direct des gouvernants8. Nous proposons de le faire en envisageant une situation bien différente : une interface locale, dans laquelle les élus municipaux sont en relation quotidienne avec des acteurs administratifs (services municipaux, services déconcentrés de l’État)9 ; configuration de contact redoublée au sein de l’OPH, où les élus sont placés dans des rôles d’administrateurs en charge des aspects les plus techniques des dossiers, au contact des personnels administratifs de l’office et d’administrateurs issus d’autres champs d’activités (locataires, syndicalistes, travailleurs sociaux, médecins…). Nous observons ainsi des dynamiques entremêlées de politisation et de dépolitisation des enjeux de peuplement et de logement des familles d’immigrants.
5Le texte les présente en retraçant trois états des configurations d’acteurs. Dans un premier temps, il montre comment des liens ont été établis entre enjeux de peuplement local et logement des familles d’immigrants. Il restitue pour cela les interactions administratives et politiques qui, jusqu’à la fin des années 1960, plaçaient les élus locaux dans une position de défense de la « municipalité-providence » qu’ils avaient entrepris de construire depuis la Libération. Nous observons ensuite comment, dans la première moitié des années 1970, un nouvel arrangement institutionnel a produit une première politique du peuplement « immigré ». La dernière partie permet d’étudier comment ces premiers éléments ont été traduits et enracinés dans des pratiques professionnalisées éloignées de la sphère politique, à partir de la fin des années 1970, à la faveur d’une entrée en crise du logement social municipal.
Associer logement des « immigrés » et problèmes de peuplement pour défendre une « municipalité-providence »
6En octobre 1969, est rendue publique une « déclaration des maires communistes de la région parisienne et des élus de Paris pour la liquidation des bidon-villes, pour le relogement humain des travailleurs immigrés ». Répondant à une stratégie de politisation décidée par le comité central du PCF, elle revendique la dispersion des « travailleurs immigrés » relogés10. On peut apprécier de différentes manières cette volonté de politisation. Offensive contre l’État, elle partage pour une bonne part les orientations en cours d’élaboration dans les ministères des Affaires sociales et de l’Intérieur, visant à retrouver la maîtrise des flux migratoires11. En dénonçant la responsabilité des autres villes de l’agglomération, cette déclaration se présente à la fois comme un signe en direction d’électorats locaux réputés hostiles au relogement sur place des habitants de bidonvilles, et comme un soutien aux « travailleurs immigrés ». À ce titre, elle apparaît défensive face aux mouvements d’extrême gauche qui entreprennent de les mobiliser12. On peut renouveler le regard sur cette position inconfortable des élus communistes en l’inscrivant dans la problématique de la désignation, au sein de l’État social, des institutions légitimement responsables des populations13. Dans le cas d’une grande métropole, le partage des responsabilités est en jeu entre les communes de l’agglomération, mais aussi entre les municipalités et l’État.
La formation d’une ligne de partage entre « immigrés » et « mal-logés »
7Pour la municipalité dionysienne et son OPH, la question se pose, notamment, lorsqu’un fait de peuplement ou une décision de l’État remet en cause la « réalisation complète des projets de construction d’habitations propres, saines, supprimant les taudis et îlots insalubres pour faire de Saint-Denis une ville propre, saine et plus forte14 ». C’est ce qui se produit avec le développement des bidonvilles sur le territoire de la commune. Une note du maire à ses services indique en octobre 1962 : « Nous avons les plus grandes raisons de craindre que les gens qui s’installent dans le quartier des Francs-Moisins ne soient envoyés que par des Organismes privés (sic) qui, depuis longtemps, cherchent à faire s’installer à Saint-Denis des gitans venants de tous les coins15. » Ces propos tranchent avec la solidarité exprimée dans les discours publics qu’Auguste Gillot tient par ailleurs, à partir de la fin des années 1950, en direction des populations essentiellement espagnoles et portugaises, installées en bidonvilles.
8Dès la fin des années 1950, l’installation de bidonvilles a donné lieu à des débats au sein du conseil général de la Seine, « petite assemblée16 » qui offre une arène politique pour publiciser des oppositions partisanes manifestant la vigueur de la « banlieue rouge ». Dès les années suivant la Libération, Auguste Gillot y a dénoncé les conditions de logement des migrants algériens « isolés » comme l’un des aspects du problème du logement à Saint-Denis, lui-même érigé en enjeu central de l’action municipale17. En octobre 1959, il dénonce avec d’autres conseillers généraux l’action des commissaires de police qui auraient orienté vers les villes communistes des familles nomades expulsées18. En décembre, il participe à une interpellation du préfet et du ministre de la Construction, demandant si les projets d’installation de « camps de nomades » en banlieue parisienne sont « de nature à faciliter la réalisation des plans d’urbanisme19 ». Ce trouble ressenti, face à des faits de peuplement mal ajustés à la représentation des « mal-logés dionysiens », dit également l’enjeu de poids, pour le maire, de faire reconnaître la légitimité de son administration pour conduire l’aménagement urbain et la construction de logements.
9Début juillet 1962, le conseil d’administration de l’OPH examine une lettre du préfet de la Seine « tendant à réserver des logements aux repliés d’Algérie », soit 10 % des logements construits durant les cinq années à venir20. L’administrateur chargé de présenter un rapport sur la question reprend les arguments développés alors par le PCF :
« En réservant d’office des logements pour les repliés d’Algérie alors que les crédits ne sont pas augmentés, ce sont les mal-logés de la métropole qui en feront les frais. Bien plus encore, de telles dispositions risquent de dresser une partie de la population contre ces familles qui ont quitté l’Algérie […]. D’ici quelques mois, lorsque la situation ira en s’améliorant, nombreux sont les repliés qui retourneront car, en définitive, l’Algérie est leur pays, ils y sont nés, ils y ont leur place et participeront à l’édification d’une Algérie nouvelle […]. Les mal-logés qui attendent depuis de nombreuses années doivent avoir satisfaction. Nous devons réclamer avec plus de force des crédits supplémentaires pour les organismes d’HLM seuls capables, et ils l’ont prouvé, de construire des logements décents pour les familles françaises21. »
10Dès le 25 juin 1962, le conseil municipal dionysien a adopté une délibération affirmant que, « pour faire face à une situation exceptionnelle, il faut utiliser des moyens exceptionnels ». Il est frappant de retrouver, dans ces propos concernant la catégorie spécifique des rapatriés d’Algérie, la rhétorique des déclarations municipales en faveur des immigrants espagnols ou portugais22. Le parallèle s’impose d’autant plus que, quelques années plus tard, les élus ont demandé pour la résorption des bidonvilles le même statut d’exception, justifiant le relogement hors de la commune de la majorité de leurs habitants. Une inflexion notable a lieu entre-temps puisque, pour la première fois, des résidents de la commune ne sont plus considérés comme des administrés légitimement pris en charge par la municipalité, traçant une ligne de partage entre « immigrés » des bidonvilles et « mal-logés dionysiens ».
De la défense d’une « municipalité-providence » fragilisée à la dispersion des « immigrés »
11Cette inflexion ne résulte pas seulement de l’évolution des positions partisanes du PCF. Elle doit, indissociablement, être vue comme un acte de défense d’une « municipalité-providence » encore mal assurée. La volonté des élus communistes de constituer des bastions électoraux ne doit pas empêcher d’y voir aussi une activité orientée par un projet d’organisation territoriale et politique de l’État social. Il semble en effet que les obstacles opposés par l’État central à ce dessein ont eu une grande importance dans la traduction des problèmes de logement des immigrants en une question de peuplement prioritaire.
12Les élus dionysiens des années 1960 conservent probablement à l’esprit les oppositions au maintien de concentrations de population ouvrière dans la première couronne parisienne, illustrées par les projets de « villes-satellites » développés sous Vichy, ou par les écrits de Jean-François Gravier plaidant pour la déconcentration industrielle23. À la fin des années 1940, face à des mises en cause directes, Auguste Gillot s’est employé à défendre la nécessité de construire des logements à Saint-Denis devant le congrès de l’Association des maires de France24. Ces oppositions expliquent la vigueur de l’investissement municipal dans les questions du logement et de la construction ; investissement qui entend préserver le peuplement local et l’autonomie d’action municipale, fondements d’une politique de promotion ouvrière et partisane conduite par les élus locaux. Durant toute la première partie des années 1960, elles se prolongent dans les discussions relatives à la préparation du schéma directeur d’aménagement de la région parisienne. Le projet de création d’un grand ensemble intercommunal au nord de Saint-Denis est dénoncé jusqu’à la fin des années 1960 comme une « opération politique » dont le but est « de créer une ville nouvelle avec sa mairie, son église et d’y importer une population dans le but de modifier la composition sociale du corps électoral25 ».
13Depuis le début de la Ve République, la volonté de l’État d’affirmer son autorité sur les organismes et de rationaliser l’attribution des logements HLM exacerbe cette crispation des élus communistes sur la question du peuplement et les tensions politiques. Ainsi, en mars 1960, le maire dénonce devant le conseil d’administration de l’OPH un arrêté préfectoral prescrivant un règlement d’attribution type qui contraindrait l’organisme à loger « des candidats domiciliés dans des communes où aucun effort n’est fait dans la construction de logement26 ». À la fin de l’année 1961, l’intervention, lors d’une émission télévisée de première partie de soirée, du ministre de la Construction, Pierre Sudreau, mettant en cause le mode d’attribution des logements pratiqué à Saint-Denis, provoque une réunion exceptionnelle des administrateurs et une manifestation de protestation27. La pression est encore accentuée fin 1963, avec un décret réglementant la composition des conseils d’administration et des commissions d’attribution afin de les « dépolitiser ».Le Préfet de la Seine annonce également dans la presse l’activation d’une commission départementale d’attribution. Un tract municipal dénonce une manœuvre pour reloger « des familles chassées de Paris par le pouvoir gaulliste, pour faciliter les spéculations foncières ». Un autre alerte : « Ce seraient des machines électroniques qui décideraient de votre sort ! Vous ne seriez plus qu’un numéro parmi des milliers et des milliers d’autres ! Votre demande se noierait dans la multitude28 ! »
14Cette conflictualité entre la municipalité et l’État inscrit la question du logement des familles d’immigrants au cœur des enjeux de peuplement local. Plus précisément, ce sont les solutions trouvées pour sortir de cette phase de tensions qui permettent de comprendre le passage de la revendication d’une prise en charge équitable des « mal-logés », défendue au début des années 1960, à celle d’une dispersion des « immigrés », revendiquée en 1969 par les élus communistes.
15Au cours de ces années, de nouveaux acteurs porteurs d’une expertise technique ont gagné en influence, contribuant à une relative dépolitisation des questions d’aménagement à Saint-Denis, dans la mesure où ils se montrent partisans d’une construction plus massive de logements. Dans le domaine du logement des immigrants, c’est le cas de la Sonacotra qui se présente à la fois comme spécialiste de populations spécifiques et comme un organisme expert en matière de rénovation urbaine29. Son approche vient confirmer aux élus qu’ils ont affaire avec les bidonvilles à une population « extra-municipale ». Dès la fin de l’année 1965, les contacts pris entre la ville et la Sonacotra débouchent sur le principe d’une répartition du relogement des « immigrés » issus des bidonvilles, à raison d’un tiers sur le territoire municipal et de deux tiers dans les autres communes du département et de la région30. En se conformant aux objectifs municipaux, la Sonacotra s’ouvre des terrains d’intervention ; tandis que la municipalité, en faisant appel à un tel organisme, s’assure une meilleure coopération des services de l’État.
16La genèse de la déclaration des maires communistes de 1969 est donc autant administrative que politique. Surtout, cet arrangement institutionnel entre État et municipalité, par l’entremise de la Sonacotra, introduit une rupture en même temps qu’il atténue les tensions : alors que la population dionysienne est formée depuis des décennies par les apports de migrations provinciales et étrangères31, certains nouveaux migrants sont désormais exclus des définitions pratiques de la population locale. En effet, leur nombre risque, aux yeux des élus, de remettre en cause leur action et leurs marges de manœuvre, déjà fortement contraintes, auprès des « mal-logés dionysiens ». Cette légitimation initiale d’une approche ethnicisée de la population locale se déploie durant les années suivantes.
La mise en œuvre d’une première politique du peuplement « immigré » (1968-1975)
17En 1968, à la veille de la mise en œuvre de la politique de résorption des bidonvilles à Saint-Denis, l’OPH détient un peu moins de 4 000 logements. Ce parc construit en deux décennies, s’accroît nettement en quelques années, puisqu’au milieu des années 1970, le nombre de 7 000 logements construits est dépassé. Il faut ajouter à ces chiffres près de 1 500 logements de la société d’économie mixte municipale « Le logement dionysien », gérés par l’OPH. C’est plus de la moitié du parc social et près d’un quart du parc de logement existant sur le territoire communal. La situation dionysienne tranche ainsi nettement avec celle de communes voisines, comme Stains ou La Courneuve, où l’essentiel du parc de logement social relève alors des organismes parisien et départemental. Cette spécificité a déjà été identifiée par Annick Tanter et Jean-Claude Toubon comme vecteur de l’ethnicisation à l’œuvre au début des années 1980, dans des communes ayant une faible maîtrise de leur parc de logement social32. Le cas de Saint-Denis montre cependant que des pratiques de gestion ethnique du peuplement local ont pu être expérimentées et formalisées plus tôt, en suivant d’autres voies.
Résorption des bidonvilles et formalisation des pratiques de catégorisation ethniques
18Dans les archives de l’OPH de Saint-Denis, on observe le travail progressif de formalisation des pratiques de gestion du peuplement. La tenue d’une commission d’attribution de logement s’est instituée au cours des années 1950. L’absence d’archives documentant cette activité jusqu’en 1967 signale toutefois son maintien dans un cadre relativement informel qui sert les prétentions municipales à une gestion autonome face à l’État. C’est là aussi une contrainte pour l’organisme, qui dispose de faibles capacités pour contrôler le peuplement de ses immeubles. Il fait face, en effet, à des difficultés de recrutement chroniques alors qu’il doit réaliser la mise en location de logements de plus en plus nombreux. On apprend par exemple en 1966 que le poste d’agent d’enquête n’a jamais pu être pourvu, faute de candidat33. Retardée par des conflits qui s’intensifient avec l’État, l’adoption d’un règlement d’attribution, prescrit par décret depuis 1954, n’a lieu qu’en 1964. Le critère de l’ancienneté de résidence à Saint-Denis y apparaît comme un élément central dans le classement des demandes34. Le règlement de l’OPH n’introduit encore aucun critère de nationalité. C’est dans un document issu d’une réunion de préparation de la commission d’attribution d’octobre 1968 qu’un tel critère apparaît pour la première fois à l’écrit35. Au titre de l’ancienneté à Saint-Denis, il est spécifié que les attributaires étrangers devront avoir résidé plus de dix ans dans la commune pour voir leur demande examinée. Quelle que soit la manière dont on interprète le rapport entre règles formelles et pratiques, cette évolution signale une certaine appréhension face aux évolutions en cours de la demande locative.
19C’est en effet dans le contexte pressant de la résorption du bidonville du Franc-Moisin, débutée fin 1968 mais achevée seulement en novembre 1973, que ce critère défavorable aux étrangers est introduit, renvoyant à la question des concentrations spatiales d’immigrants36. Le Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, déclare alors l’urgence des résorptions, qui doivent être achevées à la fin 1972. Dès 1970, une note municipale préparée pour la visite du préfet pose la question du pourcentage de « travailleurs immigrés » à Saint-Denis, qui atteint alors un quart de la population. À l’Assemblée nationale, lors des discussions de la loi Vivien relative à la résorption de l’habitat insalubre, le député et futur maire Marcelin Berthelot s’inquiète de voir sa ville devenir un « ghetto37 ». Localement, c’est la construction d’un grand ensemble de logement social sur les terrains du Franc-Moisin qui fait du relogement un impératif. Les retards accumulés sur le chantier et les difficultés pour obtenir des relogements rapides pour une « clientèle » perçue comme collectivement difficile, conduisent à multiplier les cités de transit. Une émulation négative entre les acteurs du logement social favorise alors la diffusion du principe de « seuil de tolérance », mis en circulation au début des années 1960, dans le cadre des premières expérimentations du relogement par la Sonacotra et sa filiale HLM Logirep38.
20On peut l’observer dans le cadre de la mise en location du grand ensemble du Franc-Moisin, géré par l’OPH et Logirep, qui a débuté à la fin 1971. Des réunions sont tenues sous l’égide du sous-préfet chargé de l’immigration pour coordonner les attributions de logements. On y décide de restreindre le relogement de « familles étrangères » aux seuls logements mis en location par de la Logirep39. En préparant les commissions d’attribution de l’OPH pour l’année 1973, il est convenu qu’il n’est « pas possible de retenir des foyers étrangers, en raison du pourcentage déjà conséquent de relogés dans nos cités40 ». Un rapport présenté devant le bureau municipal propose « de donner dorénavant un avis réservé » aux « demandes d’introduction des familles de travailleurs immigrés41 ». Il pointe d’une part le fait que « l’équilibre étant rompu entre les diverses communautés, les vendeurs d’appartements ne trouvent plus comme acquéreurs que des familles étrangères ce qui contribue à aggraver les rapports de cohabitation » ; d’autre part que « dans les cités HLM […] le taux acceptable d’immigrés est déjà dépassé ».
21On est donc bien, dès le début des années 1970, dans une configuration comparable à celle décrite par Olivier Masclet pour Gennevilliers42. Il semble cependant que cette dynamique puisse être expliquée par d’autres facteurs que le seul contexte de lutte contre l’habitat insalubre.
Une politique départementale du peuplement « immigré »
22Un fait nouveau intervient en 1968 avec l’entrée en fonction des nouveaux départements suburbains, issus de la réorganisation de la région et de la division du département de la Seine43. Le conseil général de la Seine-Saint-Denis n’est plus tant un lieu de débat et de mise en cause de la politique nationale qu’une vitrine de la gestion communiste étroitement négociée avec la nouvelle préfecture. Signe assez net de cette évolution, le nouvel arrêté pris le 1er octobre 1968 pour organiser les réservations préfectorales de logement en région parisienne ne suscite plus, à Saint-Denis, d’oppositions publiques. La préfecture de Seine-Saint-Denis laisse de fait une grande latitude aux communes pour son application. En mai 1972, une demande est, par exemple, ramenée de 180 à 100 « bénéficiaires pris parmi les mal-logés de Saint-Denis figurant sur la liste des prioritaires de la préfecture44 ». Le témoignage de Pierre Bolotte, préfet de 1969 à 1975, confirme que la nouvelle préfecture renonce alors dans une large mesure à mettre en cause l’autonomie d’action des municipalités45. Il insiste sur l’esprit de collaboration existant avec les élus communistes, et évoque son action pour faire comprendre « [sa] gestion parallèle à celle des élus communistes » auprès des ministères.
23La place importante qu’il accorde aux questions de logement et d’immigration indique que ce représentant de l’État se saisit de l’enjeu du peuplement « immigré », fraîchement légitimé, pour en faire un thème fédérateur. Une des ressources dont il dispose pour entretenir ces bonnes relations vient de son expérience algérienne46. Il peut par ailleurs compter sur un directeur départemental de la Construction qui a fait ses armes au Maroc47. À partir de 1971, un sous-préfet est explicitement chargé de l’immigration avec, à sa disposition, un service de Liaison et de promotion des migrants (SLPM) constitué pour assurer le suivi des opérations de résorption de l’habitat insalubre et de relogement48. Ce dispositif permet au préfet de présenter un copieux rapport sur les « problèmes posés par les travailleurs migrants » dès le début de l’année 1972, dans lequel il définit une « politique départementale » d’immigration, appelant à « prendre garde à ce que nos efforts ne fassent pas de notre territoire départemental le lieu privilégié de l’implantation la plus fréquente des nouveaux migrants en région parisienne49 ». Ces propos qui entretiennent une parenté avec ceux tenus par les élus dionysiens depuis plusieurs années soulignent bien la dynamique de légitimation croisée produite par cette nouvelle configuration politico-administrative.
24Elle débouche en quelques années sur la décision, prise en décembre 1974 par la préfecture, de « stabiliser la population étrangère » dans six communes du département, dont Saint-Denis. Sous la forme d’une note de service de la direction départementale des Polices urbaines, sont rassemblées diverses mesures restrictives, que l’on peut appréhender comme une déclinaison territoriale de la suspension de l’immigration décidée par le gouvernement.
« En raison d’un certain dépassement du pourcentage des familles étrangères admises au sein des grands ensembles immobiliers HLM et PLR […], M. le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé d’interdire toute introduction de nouvelles familles de travailleurs migrants, en provenance tant de l’étranger que de toute autre commune ou département, dans les six communes suivantes […]. Dans ces six communes, le relogement des familles étrangères n’est opéré qu’en faveur de celles qui y résident déjà dans des conditions non conformes à leurs besoins ou en habitat insalubre50. »
25Le reste du document consiste en des mesures de contrôle du regroupement familial, réactivé dans les années 1960 pour les immigrants algériens51. Dans un courrier ultérieur du préfet, un post-scriptum adressé au maire de Saint-Denis précise que « les offices et sociétés d’HLM possédant un patrimoine de logement sociaux sur [son] territoire, ont été invités à freiner l’admission de familles étrangères dans les logements qui pourraient être vacants52 ».
26La décision de « stabiliser la population étrangère » satisfait une attente présente depuis plusieurs mois chez les élus municipaux. Sur le plan des attributions de logements HLM, elle ne fait qu’accompagner des évolutions en cours, repérables notamment dans la mise en forme des documents de travail des commissions d’attribution de l’OPH dionysien. En juin 1974, des tableaux sont présentés qui distinguent en fonction de la nationalité (« français » et « étrangers ») des données sur la durée de résidence à Saint-Denis, sur les types de logements demandés et sur les revenus des demandeurs53. À partir de 1975, des listes séparées d’attributaires sont dressées suivant ces différents critères. En 1976, les services de l’OPH présentent aux membres de la commission d’attribution un tableau de la « répartition des familles immigrées dans l’ensemble [des] cités54 ». Les restrictions au logement des étrangers semblent avoir eu une certaine efficacité, dans la mesure où, à cette date, dans tous les immeubles de l’OPH, la part des ménages étrangers est maintenue en dessous de leur proportion dans la population dionysienne.
27Plusieurs indices confirment la poursuite de pratiques locales relativement autonomes ou, du moins, négociées au cas par cas par les services départementaux. L’évolution des pratiques n’est d’ailleurs pas univoque. Ainsi, fin 1975, le bureau municipal de Saint-Denis révise sa position sur la question des certificats de logement demandés pour l’introduction de familles. Il est décidé que, désormais, « le droit commun doit être appliqué » ; en conséquence de quoi, « il ne faut pas que l’avis du maire se réfère à un taux d’immigration locale, mais demander que l’accueil des immigrés et de leurs familles se fasse par une répartition équitable entre les communes de la région parisienne55 ». Un document de fin 1976 indique que le délai appliqué aux candidats étrangers pour l’attribution d’HLM municipaux est ramené de 10 à 5 ans56. Ces atermoiements signalent peut-être l’existence de discussions internes sur la question. Mais, quelles que soient les nuances que l’on peut apporter sur le détail des pratiques ou la cohérence véritable d’une politique départementale, il semble établi que les interactions entre nouveaux services départementaux et municipalités ont puissamment contribué à légitimer un enjeu, indissociablement politique et technique : le « problème » du logement des « immigrés ».
Conversion gestionnaire, « équilibre social » et ethnicisation des pratiques d’attribution (de la fin des années 1970 au milieu des années 1990)
28À la fin des années 1970, l’OPH de Saint-Denis sort d’un cycle de construction particulièrement soutenu. Il faut attendre 1991 pour qu’il mette en location de nouveaux logements. Si ses difficultés budgétaires font l’objet de vives inquiétudes depuis janvier 197457, c’est avec le renouvellement du conseil d’administration décidé après les élections municipales de 1977 que l’« entrée en crise » de l’organisme est formalisée. Les évolutions profondes induites ne sont pas sans conséquences en matière de logement des « immigrés ».
Reformulation locale de la « nouvelle politique du logement des immigrés »
29Le secrétaire d’État auprès du ministre du Travail en charge des travailleurs immigrés, Paul Dijoud, prétend mener une « nouvelle politique de l’immigration » articulant fermeté aux frontières et prise en charge sociale des immigrants présents en France. En matière de logement, une circulaire de mai 1975 affirme la volonté de favoriser l’accès au logement social des familles. Mais elle entretient de nouveau une certaine ambiguïté à leur égard, en fixant l’objectif d’une « répartition équilibrée dans l’ensemble des quartiers de chaque agglomération et donc de [lutte] contre toutes les formes de ségrégation dans l’habitat ». La coordination de cette politique, financée par une fraction du « 1 % patronal » désormais dédiée au logement des « immigrés », est confiée à la Commission nationale pour le logement des immigrés58 (CNLI).
30Du point de vue de l’OPH de Saint-Denis, cette politique s’inscrit dans la continuité des relations établies avec la préfecture. C’est le sous-préfet chargé de l’immigration, à ce poste depuis 1971, qui préside la commission départementale pour le Logement des immigrés (CDLI 93) instituée en juin 1975. Un an plus tard y est présentée la première convention prévoyant d’accorder une subvention au bailleur municipal en échange de la réservation de logements en faveur de « familles immigrées59 ». Cette convention ne remet pas en cause le principe de restriction aux « mal-logés » de la commune, une nouvelle fois défendu par les élus. De même, en affirmant que cette aide tient « compte de l’effort constant mené par l’office depuis plusieurs années » tant pour la résorption des bidonvilles que pour le relogement des habitants de l’îlot Basilique, le sous-préfet reprend l’argumentaire des élus administrateurs de l’OPH, qui demandent depuis un an une subvention d’équilibre en vertu de ces « tâches exceptionnelles, de caractère national60 ».
31La réservation de 150 logements pour la période 1977-1979 prévoit le versement d’une subvention complémentaire, obtenu en juillet 1981 sur la base de 175 logements supplémentaires attribués. On pourrait y voir une politique volontariste d’insertion de la population étrangère locale dans le parc HLM. La part d’étrangers y passe en effet de 13,5 % en 1976 à 19 % en 1982, puis 21 % en 1990. Mais l’essentiel de ce mouvement tient à l’évolution de la structure de la demande61. Surtout, dès la fin de l’année 1980, une politique de « rééquilibrage de la population » visant les locataires étrangers est amorcée par l’OPH62. L’abandon de l’ambition initiale d’un meilleur accès des « immigrés » au logement est net, lorsqu’entre fin 1983 et fin 1986, la CDLI 93 est de nouveau sollicitée. Désormais, les subventions ne sont plus indexées sur le nombre de logement effectivement mis à disposition de nouveaux locataires « immigrés ». Elles sont explicitement destinées à équilibrer le budget d’opérations de réhabilitation immobilière, et fixées en se référant aux statistiques de la « population immigrée » déjà logée dans les cités HLM traitées, sans nouvelle réservation de logement63.
32Alors que, depuis le milieu des années 1970, l’essentiel des autres aides sollicitées est soumis à des réformes de gestion, ces subventions apparaissent comme une aubaine. La réussite de la négociation initiale a fait du « logement des immigrés » une ressource qui permet de mobiliser des financements relativement peu contraignants. La spécificité reconnue de la situation locale peut dès lors être mobilisée de nouveau, favorisant l’intrication étroite entre « problème immigré » et maintien de la valeur du patrimoine de l’OPH. Ainsi, en mai 1978, en préparation d’une audience auprès du préfet, le « taux important d’immigrés dans les cités, qui explique en partie certaines dégradations », est placé au deuxième rang des raisons avancées pour justifier des difficultés financières rencontrées64. Le logement des immigrants étrangers tend à être reconnu comme une charge méritant dédommagement, car excédant les prérogatives normales d’un organisme d’HLM.
Contraintes de professionnalisation et exacerbation des catégorisations ethniques
33Une conversion gestionnaire de l’OPH s’engage alors, dans le cadre d’actions de redressement budgétaire. Cette déclinaison locale de la réforme de la gestion publique renvoie aux réflexions développées ces années-là, autant dans le milieu des HLM qu’au sein du PCF65. En même temps, le centre de gravité de la politique locale du logement est ramené au sein de l’administration municipale avec la création, en 1977, d’un service municipal du Logement susceptible de coordonner des actions jusqu’ici confiées à l’OPH. L’enjeu immédiat de cette recomposition est de parvenir à piloter la rénovation du centre-ville et son peuplement66. L’OPH est définitivement dessaisi de l’opération. Débarrassés des charges de la construction et de la réalisation d’ensemble de la politique urbaine municipale, administrateurs et services de l’OPH ont dès lors consacré l’essentiel de leur travail à la gestion de l’existant.
34Une forme d’aggiornamento est énoncée en 1979 par Maurice Soucheyre, figure politique locale et nouveau président du conseil d’administration67. Alors qu’auparavant les difficultés financières chroniques de l’organisme étaient systématiquement attribuées à la politique gouvernementale, des causes locales sont reconnues pour la première fois de façon explicite : « politique intensive de construction de l’office à partir des années 1970 », « prise en compte des problèmes sociaux », « politique voulue de loyers bas ». Les orientations d’un plan de redressement sont alors en place, liant retour à l’équilibre des budgets, revalorisation des loyers et amélioration du cadre de vie. Ces contraintes, formalisées et progressivement incorporées dans l’habitus des administrateurs, placent les questions de peuplement dans une nouvelle dynamique. Par extension de la métaphore budgétaire, la gestion des locataires « immigrés » et/ou issus de l’habitat insalubre est désignée de manière euphémisée comme la recherche d’un « équilibre social68 ».
35Après des hésitations, liées à quelques résistances aux évolutions de la politique de l’État en matière de logement social, l’OPH finit tout de même par s’engager successivement dans un « contrat global de réhabilitation de 2 812 logements69 », puis, fin 1983, dans un « plan de redressement » sur 5 ans comprenant l’engagement de réformes de gestion en échange de subventions d’équilibre exceptionnelles70. La préparation de ces dispositifs a légitimé une professionnalisation des pratiques de gestion de l’OPH, qui se renforce à partir de 1984, avec l’entrée en action du plan de redressement et la désignation d’un nouveau directeur71. Pour un meilleur recouvrement des loyers, des procédures plus efficientes de relocation et des actions contre les logements vacants sont mises en œuvre. L’objectif conjoint de revalorisation des loyers s’appuie sur « une meilleure adaptation de l’offre à la demande en terme de qualité et d’environnement72 ». L’attribution des logements s’appuie sur une formalisation de plus en plus raffinée73. L’OPH de Saint-Denis envisage, à partir de 1985, d’affecter les logements en tenant compte ponctuellement de la localisation des « logements libérés par des Migrants (sic)74 ». Dans la continuité des pratiques observées dans les années 1970, les demandeurs étrangers figurent dans des listes séparées. Mais un durcissement des conditions d’examen de leur demande se produit, la barrière chronologique n’étant plus désormais située à 10 ou 5 ans, mais à 15 ans de résidence dans la commune75.
36Une grande partie du problème de la vacance structurelle concerne alors la cité du Franc-Moisin. L’équivalence entre peuplement « immigré » et dégradation du cadre de vie peut de nouveau être mobilisée, comme dans ce rapport présenté au conseil d’administration de l’OPH lors du lancement du projet de quartier Bel-Air-Franc-Moisin, en 1986 :
« Le quartier Bel-Air-Franc-Moisin, ancien bidonville résorbé par la construction d’une cité de plus de 4 000 logements, une population de 12 000 habitants dont une population étrangère nombreuse, véhicule dans la Commune une forte image négative. Cet important secteur de la Commune présente des dysfonctionnements sociaux et urbains, nécessitant des réponses adaptées afin d’éviter un processus d’accélération des dégradations76. »
37Une subvention complémentaire financée par le « 0,1 % logement » est obtenue pour la réhabilitation d’une partie de la cité du Franc-Moisin, après avoir fait de nouveau valoir « un fort taux de population étrangère (33 %), la faiblesse des revenus des ménages, et leurs corollaires, l’importance des impayés, et les phénomènes endémiques de marginalisation économique et sociale77 ». Fin 1995, l’opération de réhabilitation s’achève sur la destruction de la barre de logement qui posait le plus de problèmes78. L’argument de la concentration « immigrée » permettait certes d’appuyer les demandes de financement de l’OPH. Mais en participant à la stigmatisation de ce quartier, il contribuait aussi à ce qu’aucune autre solution que la destruction ne paraisse viable.
38La nouvelle alternance à la tête de l’État en 1988, identifiée comme un moment décisif d’institutionnalisation de la politique de la ville79 (création d’un ministère, loi d’orientation, etc.), coïncide, à l’échelle de l’OPH de Saint-Denis, comme un moment de capitalisation du processus de conversion gestionnaire mené depuis plusieurs années. C’est l’occasion de la négociation d’un nouvel « accord-cadre », se référant aux politiques « d’occupation du patrimoine » édictées par la loi, et réaffirmant une étroite relation entre « équilibre financier » et « équilibre social ». Son « volet social » comprend l’établissement annuel d’un « tableau de bord social », véritable comptabilité socio-démographique80. La rédaction d’un nouveau règlement d’attribution est entreprise et s’appuie sur cette documentation volumineuse. Le peuplement « immigré » y trouve un statut particulier, comme le constate l’administrateur chargé d’un rapport sur la question :
« Il n’existe pas d’analyse globale et exhaustive de l’occupation sociale du patrimoine de l’office. En effet, l’évolution démographique et sociale des locataires de l’office échappe à la connaissance des services de l’office en particulier dans le patrimoine non conventionné. […] Par contre, la nationalité des locataires est une information saisie à l’entrée dans les lieux permettant d’apprécier la répartition sur l’ensemble du patrimoine81… »
39En guise de « nationalité » des locataires, c’est plutôt leur ethnicité qui est recensée ; ce qui est confirmé par l’apparition d’une distinction courante, dans les documents des commissions d’attribution du début des années 1990, entre « Français métropolitains », « Français d’outre-mer », et « étrangers ». Sous le constat pragmatique de cet administrateur apparaît une dimension intéressante. La catégorisation ethno-nationale semble faciliter la satisfaction de nouvelles exigences professionnelles, seulement imparfaitement accomplies par ailleurs en matière de connaissance de la population logée.
40Dans le prolongement de cette logique, la nouvelle rédaction des « orientations guidant l’attribution des logements » aboutit, en ce qui concerne les étrangers, à des mesures plutôt radicales. Il est prévu que les « capacités nouvelles d’accueil résulteront exclusivement de l’offre supplémentaire créée à l’occasion de constructions neuves », dont on a vu la faiblesse. « L’office se réserve par ailleurs la faculté de répartir au mieux sur l’ensemble de son patrimoine les attributions de logements aux demandeurs étrangers… » Enfin, il est prévu que ces logements soient réservés « aux besoins résultant de la politique locale en matière de résorption de l’habitat insalubre et de réhabilitation du patrimoine ancien82 ». Au terme de cette séquence de conversion gestionnaire, le logement social des immigrants se trouve inexorablement renvoyé aux problèmes de l’insalubrité, du relogement et au spectre de la « dégradation sociale ».
Conclusion
41Qu’apporte l’observation de moyenne durée que nous avons proposée ? L’ancienneté de la problématisation du peuplement « immigré » est étayée. Elle n’apparaît ni avec l’entrée croissante des familles d’immigrants dans le logement social après 1968, ni avec la supposée ouverture du regroupement familial dans la seconde moitié des années 1970, mais dès la période de prospérité des années 1950-1960. Surtout, est mise en lumière une intrication entre la gestion locale de l’immigration et celle de l’habitat stigmatisé, qui nourrit l’émergence de politiques de peuplement ethnicisées. À ne pas en tenir compte, une illusion risque de s’imposer : penser l’hostilité institutionnelle au logement des « immigrés » comme une donnée invariante et naturellement associée aux phénomènes de ségrégation socio-ethnique qui semblent eux aussi rester les mêmes. Or, on a montré que la catégorie socio-administrative des « immigrés » a été articulée à des enjeux assez différents durant les trois moments envisagés.
42Définir dans un premier temps les habitants immigrés de bidonvilles comme des ayants-droits ne relevant qu’en partie de la responsabilité municipale, a permis aux élus, avec l’appui de la Sonacotra, de trouver une échappatoire face aux limitations que les autorités imposaient à leur projet de « municipalité-providence ». Les relations d’interdépendance étroite nouées dès lors avec la nouvelle administration préfectorale ont débouché sur une doctrine de stabilisation de la population étrangère locale. La plasticité de la catégorie de peuplement a permis que des acteurs aux intérêts distincts, voire divergents, se rencontrent autour d’enjeux communs83. À partir de la fin des années 1970, alors que l’OPH est désormais dans une situation de forte dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds, la question du peuplement « immigré » apparaît comme un enjeu largement dépolitisé, devenu une ressource apte à desserrer les contraintes de professionnalisation pesant sur la gestion HLM. Le fait que le PCF se trouve pris en porte-à-faux par les stratégies de politisation développées à ce moment à l’échelle nationale, dans le sillage des succès électoraux du Front national84, explique pour une part le retranchement des administrateurs de l’OPH dans cette posture gestionnaire. Mais la croissance du nombre d’intermédiaires administratifs entre l’État et les municipalités médiatise désormais la conflictualité entre échelons territoriaux de l’État de multiples manières, et contribue aussi à cette dépolitisation relative.
43Nous montrons ainsi que le recours à une problématisation ethnique des enjeux de peuplement locaux a été légitimé, non seulement par les contraintes pratiques qui ont pu l’actualiser à chacun des moments observés, mais aussi par un ensemble de contraintes jouant à une échelle de temps plus ample. Elles relèvent du jeu conflictuel de la répartition des tâches et des responsabilités entre l’État et ses échelons territoriaux. De même que l’émergence des enjeux de peuplement peut être retracée dans le cadre du développement des États-nations et des empires coloniaux, celle des politiques de peuplement urbain pourrait ainsi être replacée dans le cours des processus de longue durée liés à la différenciation territoriale du travail étatique en matière de gouvernement urbain.
Notes de bas de page
1 Masclet O., « Une municipalité communiste face à l’immigration algérienne et marocaine », Genèses, vol. 45, no 4, 2001, p. 150-163 ; Milza O., « La gauche, la crise et l’immigration », Vingtième siècle. Revue d’histoire, vol. 7, no 1, 1985, p. 127-140.
2 Nous utilisons le terme « immigré » entre guillemets pour signifier qu’il renvoie à une catégorie construite socialement et mobilisée par les acteurs, cf. Spire A., « De l’étranger à l’immigré. La magie sociale d’une catégorie statistique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 129, no 1, 1999, p. 50-56. La notion d’immigrant est utilisée dans un sens descriptif.
3 Tanter A., Toubon J.-C., « Mixité sociale et politiques de peuplement : genèse de l’ethnicisation des opérations de réhabilitation », Sociétés contemporaines, no 33-34, 1999, p. 59-86 ; Tissot S., « Une “discrimination informelle” ? Usages du concept de mixité sociale dans la gestion des attributions de logements HLM », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 159, septembre 2005, p. 54-69 ; Kirszbaum T., « Rénovation urbaine, une mixité très peu sociale », Projet, 6, no 307, 2008, p. 30-37.
4 Vieillard-Baron H., « Attributions de logement et stratégies de peuplement », Villes en parallèle, « Peuplements en banlieue », no 15-16, juin 1990, p. 264-288 ; Lelévrier C., Regroupement d’immigrés. Des catégorisations aux processus de mobilité et d’accès au logement, thèse de doctorat en sociologie, université Paris 12, 2000 ; Sala Pala V., Politique du logement social et construction des frontières ethniques. Une comparaison franco-britannique, thèse de doctorat en science politique, université Rennes 1, 2005.
5 Simon P., « Le logement social en France et la gestion des “populations à risques” », Hommes et migrations, vol. 1246, 2003, p. 78-91 ; Sala Pala V., « La politique du logement social est-elle raciste ? Le cas marseillais », Faire Savoirs, no 6, mai 2007, p. 25-36.
6 Brunet J.-P., Saint-Denis la ville rouge : socialisme et communisme en banlieue ouvrière : 1890-1939, Paris, Hachette, 1980 ; Bacqué M.-H., Fol S., Le devenir des banlieues rouges, Paris, L’Harmattan, 1997.
7 Lagroye J., « Les processus de politisation », dans Lagroye J. (dir.), La politisation, Paris, Belin, 2003, p. 359-372 ; Arnaud L., Guionnet C. (dir.), Les frontières du politique : enquêtes sur les processus de politisation et de dépolitisation, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
8 Laurens S., Une politisation feutrée : les hauts fonctionnaires et l’immigration en France, 1962-1981, Paris, Belin, 2009.
9 de Barros F., « Les acteurs municipaux et “leurs” étrangers (1919-1984) : gains et contraintes d’un détour communal pour l’analyse d’un travail de catégorisation étatique », Genèses, vol. 3, no 72, 2008, p. 42-62.
10 Masclet O., « Du “bastion” au “ghetto”. Le communisme municipal en butte à l’immigration », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 159, septembre 2005, p. 10-25.
11 Laurens S., op. cit.
12 Noiriel G., Immigration, antisémitisme et racisme en France, XIXe-XXe siècle : discours publics, humiliations privées, Paris, Fayard, 2007, p. 558-565.
13 Gusfield J. R., « Constructing the Ownership of Social Problems: Fun and Profit in the Welfare State », Social Problems, vol. 36, no 5, décembre 1989, p. 431-441.
14 Extrait du discours d’Auguste Gillot, maire et président du conseil d’administration de l’OPH, lors de la première séance depuis la remise en marche de l’organisme, AM SD, 1 OPH 23, procès-verbal du CA du 6 novembre 1945.
15 AM SD, 50 ACW 37, « Notes sur les bidonvilles », attaché au rapport de G. Bausch, 23 octobre 1962.
16 Nivet P., Le conseil municipal de Paris de 1944 à 1977, Paris, Publications de la Sorbonne, 1994.
17 Byrnes M. K., French Like Us ? Municipal Policies and North African Migrants in the Parisian Banlieues, 1945-1975, PhD, Georgetown University, 2008 ; Figueras Moreu G., « La paix et des logements ou la guerre et des ruines » : les communistes dionysiens face à l’immigration algérienne (1945-1956), mémoire de master 2 recherche histoire, Institut d’études politiques de Paris, 2009.
18 Bulletin municipal officiel de la ville de Paris (BMO), conseil général de la Seine, Question écrite no 388, 24 octobre 1959.
19 BMO, conseil général de la Seine, Question écrite no 500, 17 décembre 1959.
20 AM SD, 1 OPH 39, procès-verbal du conseil d’administration [désormais CA] du 2 juillet 1962.
21 Ibid.
22 David C., « La résorption des bidonvilles de Saint-Denis. Politique urbaine et redéfinition de la place des immigrants dans la ville (années 1960-1970) », Histoire urbaine, no 27, avril 2010, p. 131-133.
23 Gravier J.-F., Paris et le désert français, décentralisation, équipement, population, Paris, Le Portulan, 1947 ; Voldman D., La reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954 : histoire d’une politique, chap. 12, Paris et Montréal, L’Harmattan, 1997 ; Couzon I., « La place de la ville dans le discours des aménageurs du début des années 1920 à la fin des années 1960 », Cybergeo : European Journal of Geography, 20 novembre 1997, [http://cybergeo.revues.org/1979].
24 AM SD, 1 OPH 24, procès-verbal du CA du 26 novembre 1948.
25 Archives départementales de Seine-Saint-Denis (AD 93), 42 J 261, discussions du conseil municipal du 24 juin 1969, concernant l’avis à donner sur le projet de plan directeur d’urbanisme intercommunal no 35, intéressant les territoires de Stains, Saint-Denis et Pierrefitte.
26 AM SD, 1 OPH 35, procès-verbal du CA du 19 mars 1960.
27 AM SD, 1 OPH 37, procès-verbal du CA du 5 octobre 1961.
28 AM SD, 1 OPH 40, procès-verbal du CA du 21 décembre 1963.
29 Bernardot M., « Chronique d’une institution : la “Sonacotra” (1956-1976) », Sociétés contemporaines, no 33-34, 1999, p. 39-58.
30 AM SD, 50 ACW 37, convention pour l’assainissement d’îlots défectueux – Liquidation des bidonvilles – exposé des motifs ; Archives nationales, CAC, 910713-1, convention, 8 février 1966.
31 Brunet J.-P., « L’immigration provinciale à la fin du XIXe siècle : l’exemple de Saint-Denis », dans Brunet J.-P. (dir.), Immigration, vie politique et populisme en banlieue parisienne (XIXe-XXe siècles), Paris, L’Harmattan, 1995 ; Lillo N., La Petite Espagne de la Plaine-Saint-Denis, 1900-1980, Paris, Autrement, 2004.
32 Tanter A., Toubon J.-C., art. cit.
33 AM SD, 1 OPH 45, procès-verbal du CA du 17 mars 1966, affaire 13.
34 AM SD, 1 OPH 37, CA du 28 septembre 1961 ; AM SD, 12 OPH 2, « Règlement fixant les conditions d’attribution des logements ». Sur la durée de résidence comme critère de classement : Gotman A. (dir.), Villes et hospitalité : les municipalités et leurs étrangers, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2004.
35 AM SD, 12 OPH 2, « Préparation des réunions de la commission d’attribution des 17 et 19 octobre 1968 ».
36 David C., « La résorption des bidonvilles de Saint-Denis », art. cit.
37 C. Rhein situe autour de 1968 l’apparition de l’usage du terme ghetto pour désigner les concentrations de populations défavorisées dans des quartiers dégradés. Elle indique aussi qu’existait depuis les années 1950 un emploi métaphorique du terme pour désigner la vie des ouvriers d’usine, ou pour dénoncer le séparatisme ouvrier favorisé par le PCF : Rhein C., « Ghetto », dans Topalov C., Coudroy de Lille L., Depaule J.-C., Marin B. (dir.), L’aventure des mots de la ville, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2010, p. 534-539.
38 De Rudder V., « La tolérance s’arrête au seuil », Pluriel, no 21, 1980 ; Lyons A., « Des bidonvilles aux HLM. Le logement des familles algériennes en France avant l’indépendance de l’Algérie », Hommes et Migrations, no 1264, novembre 2006, p. 48-49 ; Blanc-Chaléard M.-C., « Les quotas d’étrangers en HLM : un héritage de la guerre d’Algérie ? Les Canibouts à Nanterre (1959-1968) », [http://www.metropolitiques.eu/Les-quotas-d-etrangers-en-HLM-un.html], consulté le 19 mars 2012. Sur les usages de la notion de « seuil de tolérance » dans l’agglomération lyonnaise, voir le texte de Fatiha Belmessous dans le présent ouvrage.
39 AM SD, 28 AC 7, compte-rendu de la réunion du 22 juin 1973 sur l’attribution des logements construits par la société LOGIREP 2e tranche des Francs-Moisins à Saint-Denis, 28 juin 1973.
40 AM SD, 12 OPH 2, rapport préliminaire pour la commission d’attributions-73.
41 AM SD, 337 W 102, rapport au bureau municipal de M. Lorioz : « Demandes d’introduction des familles de travailleurs immigrés », 6 juillet 1973.
42 Masclet O., « Une municipalité communiste face à l’immigration algérienne et marocaine », art. cit.
43 Bellanger E., Naissance d’un département et d’une préfecture dans le 9-3 : de la Seine et de la Seine-et-Oise à la Seine-Saint-Denis, une histoire de l’État au XXe siècle, Paris, préfecture de Seine-Saint-Denis, La Documentation française, 2005.
44 AM SD, 2 OPH 3 et 4, CA du 27 avril 1971 et du 9 mai 1972.
45 Bellanger B., Naissance d’un département et d’une préfecture dans le 9-3, op. cit., p. 105-112.
46 Sur le rôle de l’expérience algérienne : de Barros F., « Des “Français musulmans d’Algérie” aux “immigrés”. L’importation de classifications coloniales dans les politiques du logement en France (1950-1970) », Actes de la recherche en sciences sociales, no 159, 2005, p. 26-53 ; Laurens S., Une politisation feutrée, op. cit., chap. 2.
47 Bulletin du groupe interministériel permanent pour la résorption de l’habitat insalubre, no 12, juin 1974. Un article retrace la carrière de Pierre Hervio, à l’occasion de sa nomination au ministère comme directeur de la Construction.
48 Ce SLPM est un héritage du service du même nom qui existait dans le département de la Seine, lui-même héritier du SAMAS (service des Affaires musulmanes et de l’Action sociale) créé en 1958. Cf. de Barros F., « Des “Français musulmans d’Algérie” aux “immigrés” », art. cit.
49 AD 93, 2219 W 1, rapport du préfet, P. Bolotte, au conseil général, 1re session ordinaire de 1972, « Problèmes posés par les travailleurs migrants dans le département de la Seine-Saint-Denis ». Sur les enquêtes dont le ministère de l’Intérieur avait chargé les préfets concernant les « problèmes » posés par les travailleurs étrangers, cf. Laurens S., Une politisation feutrée, op. cit., p. 174 et suivantes.
50 AM SD, 337 W 102, note de service de la direction départementale des Polices urbaines sur la « Stabilisation de la population étrangère dans six communes du département », 9 décembre 1974. Les six communes concernées sont La Courneuve, Montreuil, Saint-Denis, Aulnay-sous-Bois, Sevran et Neuilly-sur-Marne.
51 Cohen M., « “Qui tient la femme tient tout”. Le contrôle de l’immigration familiale algérienne dans la France des Trente glorieuses », Raisons sociologiques, no 39, 2010, p. 55-69.
52 AM SD, 337 W 102, lettre du préfet aux maires sur l’« immigration familiale », 21 avril 1975. Et Tanter A., Toubon J.-C., « Mixité sociale et politiques de peuplement », art. cit., p. 77-78.
53 AM SD, 12 OPH 2, document dactylographié annoté au crayon : « Mal Logés 17/06/1974 ». Sur près de 4 000 demandes comptabilisées, 30 % émanent de ménages « étrangers ».
54 AM SD, 12 OPH 2, état des immigrés demeurant dans les cités de l’O.P.H.L.M. de la ville de Saint-Denis, 26 mai 1976. Les catégories retenues sont : « N. Afric./Afric./Port./ Espag./ Yougos./Italien/Divers ». Le nombre de logements est comptabilisé, probablement en retenant la nationalité du chef de ménage.
55 AM SD, 337 W 102, compte-rendu du bureau municipal du 15/12/1975 : « 16o : Demande d’introduction en France de familles de travailleurs immigrés ».
56 AM SD, 12 OPH 2, note de M. Negrerie (directeur administratif) à Mme Mano (maire-adjoint) « comme suite à la réunion qui s’était tenue récemment concernant l’activité du service municipal du logement », 26 novembre 1976.
57 AM SD, 2 OPH 6, CA du 21 janvier 1974.
58 Viet V., « La politique du logement des immigrés (1945-1990) », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 64, 1999, p. 91-103.
59 AD 93, 2049 W 3, procès-verbal de la commission départementale pour le Logement des immigrés, 23 juin 1976.
60 AM SD, 2 OPH 8, procès-verbal du CA du 19 juin 1975. Le même argumentaire avait déjà servi pour le demande d’une subvention du FAS (AM SD, 2 OPH 6, compte-rendu du CA du 21 janvier 1974).
61 Dès 1974, 30 % des demandes enregistrées en mairie émanent de candidats étrangers. Au milieu des années 1980, Saint-Denis est la commune de Seine-Saint-Denis où le nombre de demandeurs de logements sociaux étrangers est le plus important, avec plus du tiers de la demande locale (AD 93, 2049 W 2, « La demande de logements HLM en Seine-Saint-Denis, dont celle émanant d’étrangers, au 28 janvier 1985 »).
62 AM SD, 2 OPH 23, procès-verbal du CA du 6 septembre.
63 AD 93, 2049 W 3-9, réunions de la CDLI 93, 1975-1986, séances des 6 mai 1985 et 3 octobre 1986. C’est seulement dans un second temps que des réservations de logement, au demeurant limitées, sont sollicitées auprès de l’OPH en échange de ces nouvelles subventions.
64 AM SD, 2 OPH 13, compte-rendu de séance du CA de l’OPH du 3 mai 1978.
65 Union nationale des fédérations d’organismes d’HLM, Propositions pour l’habitat : Livre blanc, Paris, 1975 ; Bezes P., « Un jeu redistribué sous la cinquième République : nouvelles formes et nouveaux acteurs de la réforme de l’État. Publiciser et politiser la question administrative : généalogie de la réforme néo-libérale de l’État dans les années 1970 », Revue française d’administration publique, no 120, 2006, p. 728-730.
66 Bacqué M.-H., Fol S., Le devenir des banlieues rouges, op. cit., p. 122.
67 AM SD, 2 OPH 14, compte-rendu du CA du 5 mai 1979.
68 L’expression en tant que telle devient d’utilisation courante dans la documentation du conseil d’administration à partir de 1988. Dès la fin des années 1980, est entamée une « politique de rééquilibrage de la population » (cf. supra). Le contrat de réhabilitation conclu en juin 1982, envisage une amélioration de « l’équilibre sociologique » (AM SD, 2 OPH 23, procès-verbal du CA du 6 septembre 1982). Dès la fin des années 1970, l’expression « problèmes sociaux » apparaît comme l’euphémisation de catégories d’action ethnicisées. La « prise en compte des problèmes sociaux » désignée comme une cause des difficultés financières de l’OPH par Maurice Soucheyre, en mai 1979, renvoie explicitement au « logement des immigrés » et au « relogement depuis les bidonvilles et îlots insalubres » (AM SD, 2 OPH 14, art. cit.).
69 AM SD, 2 OPH 22, procès-verbal du CA du 7 juin 1982.
70 AM SD, 2 OPH 26, procès-verbal du CA du 6 décembre 1983.
71 AM SD, 2 OPH 27, procès-verbaux des conseils d’administration du 27 avril et du 5 juin 1984 : « Convention État/ville/office : aide aux organismes en difficulté temporaire ».
72 AM SD, 2 OPH 28, procès-verbal du CA du 12 février 1985 : budget 1985.
73 Dourlens C., Vidal-Naquet P., « Attribution des logements HLM et gestion territoriale des différences », Espaces et sociétés, no 45, 1984, p. 119-126.
74 AM SD, 12 OPH 12, commission d’attribution RGC du 14 janvier 1985.
75 AM SD, 12 OPH 11, bilan des commissions communales du logement de janvier 1983 à décembre 1983.
76 AM SD, 2 OPH 30, procès-verbal du CA du 9 juin 1986.
77 AM SD, 2 OPH 39 et 40, Procès-Verbaux des conseils d’administration du 23 octobre 1990 et du 5 janvier 1991.
78 Bréville B., « Le Franc-Moisin : des témoignages pour une histoire », dans Le Franc-Moisin, entre histoire et mémoires, Saint-Denis, Les éditions de la DIV, 2008, p. 30-44.
79 Chevalier G., « Volontarisme et rationalité d’État. L’exemple de la politique de la ville », Revue française de sociologie, vol. 37, no 2, 1996, p. 209-235 ; Tissot S., L’État et les quartiers, op. cit., p. 29-38.
80 AM SD, 2 OPH 38, procès-verbaux des conseils d’administration du 13 février et du 24 avril 1990.
81 AM SD, 2 OPH 40, procès-verbal du CA du 5 janvier 1991.
82 AM SD, 2 OPH 47, compte-rendu du CA du 15 juin 1993, « Approbation des orientations guidant l’attribution des logements de l’office public d’habitations de la ville de Saint-Denis ».
83 Rosental P.-A., « L’argument démographique. Population et histoire politique au XXe siècle », Vingtième siècle. Revue d’histoire, no 95, no 3, 2007, p. 4-6 ; Tissot S., « Une “discrimination informelle” ? Usages du concept de mixité sociale dans le gestion des attributions de logements HLM », art. cit., p. 64. Et, pour une discussion d’ensemble du statut des idées dans l’analyse des politiques publiques locales : Desage F., Godard J., « Désenchantement idéologique et réenchantement mythique des politiques locales », Revue française de science politique, vol. 55, no 4, 2005, p. 633-661.
84 Noiriel G., op. cit., p. 579-588.
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