Chapitre 8. Le laboratoire ou l’usine ?
p. 369-426
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Texte intégral
1Le doyen de la faculté de médecine de Toulouse, Caubet, chargé en 1905 de rédiger le rapport du Conseil de l'Université adressé au ministre de l'Instruction Publique, s'avoue fasciné par le compte rendu de Benjamin Baillaud sur le travail au sein de son observatoire : « on a la notion saisissante d'une usine en activité où la division du travail, méthodiquement et rigoureusement réglée, réalise la production intensive et le maximum de rendement scientifique1 ». Caubet note l'habileté du directeur de l'observatoire qui « sait mettre en bonne place le collaborateur qui convient à chaque tâche2 ». Cette description enthousiaste d'une industrie savante totalement structurée et rationnellement divisée, souligne le triomphe d'un modèle d'organisation des pratiques astronomiques dont le directeur de l'observatoire de Greenwich George Bidell Airy a été l'initiateur à partir de 18363. En France, Urbain Le Verrier s'est inspiré de ce schéma structurant pour l'établissement savant de la Capitale4. Simon Schaffer assure que l'apparition de l'équation personnelle, dans l'appréciation des durées par les observateurs britanniques, témoigne d'une profonde transformation de l'acte d'observer au xixe siècle :
The observatory became a factory if not a "panopticon". "Mere" observers were relegated to the base of hierarchy of management and vigilance, inspected by their superiors with as much concern as were the stars themselves. Observations was mechanized, and observers transformed into machine minders5.
2Toutefois, Benjamin Baillaud, dans son rapport adressé au ministre en 1906, nuance quelque peu ce mimétisme parfait entre la pratique astronomique et l'activité industrielle. Évoquant les aspirations des jeunes observateurs français, le directeur de l'établissement savant de la cité garonnaise estime que « les débutants » doivent pouvoir « constater qu'un observatoire n'est pas seulement un laboratoire consacré à la recherche des lois nouvelles, ou des phénomènes nouveaux [...], c'est aussi une usine, où il est nécessaire de produire, et souvent d'une manière intensive, par l'application de règles qui paraissent les meilleures, en même temps que l'on cherche tous les moyens de les perfectionner6 ». Si l'organisation industrielle est présentée comme un aspect peu attrayant de la vie de l'observatoire, Baillaud souligne malgré tout que l'innovation et la découverte ne sont pas négligées.
3Il convient donc d'analyser, dans l'agencement des pratiques et la production des résultats, la manière dont cohabitent les travaux de routine et les recherches inédites, au sein de l'espace d'observation toulousain de la fin du xixe siècle. Nous examinerons ensuite comment la participation de l'observatoire de la cité garonnaise au vaste programme de la Carte du ciel, modifie les méthodes d'analyse des astronomes et les contraint à une sous-traitance des opérations de calculs.
Organiser la pratique
4Simon Schaffer explique que « discipline and hierarchy inside the observatories went hand in hand with the formation of a disciplined world outside theirs walls7 ». Les idéaux réformateurs du régime républicain ont répandu un modèle d'organisation astronomique, rendu uniforme par l'application sur tout le territoire de textes législatifs encadrant la vie savante.
5L'organigramme ébauché instaure un travail d'équipe respectant une hiérarchie précise. Dans cet ensemble très structuré, le rôle du directeur est central ; c'est lui qui gère la circulation des astronomes, détermine les tâches et surveille leurs recherches. Benjamin Baillaud instaure, le premier, une division du travail en services, qui constituent les cellules élémentaires de l'activité scientifique au sein de l'observatoire. Parallèlement, la surveillance interne s'accroît et devient quasiment permanente au début du xxe siècle.
6La pratique astronomique s'ordonne autour des instruments. Leurs différents maniements, du réglage à l'entretien, révèlent une modification sensible de l'articulation entre science et technique.
Mise en place des services : partage des tâches et coordination des activités
7Le 19 mai 1892, devant l'Académie des sciences de Toulouse, Benjamin Baillaud présente l'établissement qu'il dirige. Il explique notamment que « les services de l'Observatoire se divisent en trois séries : astronomie, magnétisme terrestre, météorologie8 ». Cette division thématique des activités est le résultat d'un lent processus de structuration dont Benjamin Baillaud est le principal artisan. Tout au long de sa direction, l'astronome s'attache à fractionner les tâches et instaure un contrôle de leur réalisation. L'introduction des grands instruments impose un nouveau mode d'organisation de la pratique savante.
8Les premiers rapports adressés dans les années 1880 au Comité consultatif des observatoires de province, laissent entrevoir, à Toulouse, une circulation fluide des astronomes d'un outil technique à l'autre. Le mémoire remis en 1880 indique sans distinction qu'« on a continué avec assiduité les séries d'observations commencées en 18739 ». Sept ans plus tard, Baillaud expose les recherches menées à l'équatorial et signale que « l'activité des observateurs s'est concentrée [...] sur les observations de comètes, de planètes et d'étoiles doubles10 ». Un même instrument est indifféremment employé par tous les astronomes.
9Cependant les linéaments d'une spécialisation thématique apparaissent déjà dans la distribution des activités. Baillaud rapporte en 1882 que « M. Rey a été chargé spécialement de l'étude des taches du soleil » et que « le travail confié à M. Saint Blancat comprenait [...] l'observation de la Lune et des étoiles de la zone lunaire11 ».
10L'achat d'une gamme complète de grands instruments et leur installation à Toulouse à la fin des années 1880 et au début des années 1890, déterminent une nouvelle distribution des activités. Chaque astronome adjoint est en effet exclusivement attaché à un outil scientifique dont il dirige le maniement, secondé par un ou plusieurs assistants. Au sein du service consacré à l'astronomie, des services plus spécifiques s'organisent dans les différentes coupoles. Le cercle méridien de Paul Gautier est mis en place « en décembre 1890 et janvier 1891 ». Le directeur de l'observatoire précise dans le rapport qu'il remet au ministre le 14 mars 1891 que c'est « M. Saint Blancat [qui] est chargé du cercle méridien12 ». L'instrument reste entre ses mains pendant toute la période où Baillaud administre l'établissement toulousain. Après avoir été utilisé par tous les observateurs dans les années 1880, l'équatorial Brunner est ensuite « exclusivement confié à M. Cosserat13 ». En 1893, Frédéric Rossard « a été adjoint à M. Cosserat pour le service de l'équatorial Brunner et les observations des petites planètes et des comètes14 ». Lorsque l'astronome adjoint quitte l'institution astronomique en 1895, Rossard, bien qu'assistant, dirige seul la manœuvre du grand instrument et veille à son bon fonctionnement. Toutefois, comme il n'est pas astronome adjoint, il doit se plier, en plus de l'usage de son outil, aux tâches classiques des assistants qui s'intègrent dans d'autres services pour seconder les observateurs. Le télescope de 80 centimètres est le plus souvent employé par Benjamin Baillaud qui indique ainsi en 1890 qu'il « s'est réservé le Grand Télescope » pour y faire « dans la première partie de l'année quelques observations des deux comètes Barnard », avant d'examiner les « Satellites de Saturne et principalement [...] Théty, Dione et Rhéa15 ». Avec l'arrivée de Bourget en 1895, le directeur doit partager son instrument de prédilection. Les deux hommes travaillent de concert pour « appliquer cet instrument à la photographie en vue de la mesure des nébuleuses16 ». La participation de Toulouse à l'entreprise de la Carte du ciel mobilise d'abord Henri Andoyer assisté de Louis Montangerand autour de l'astrophotographe. Dès 1891, ils s'exercent « à la photographie en vue de l'organisation du service de photographie stellaire17 ». Puis Montangerand œuvre seul à partir de 1892, quand Henri Andoyer est appelé à l'université de Paris. La distribution des instruments et le déploiement d'un service dans chaque coupole se stabilisent peu à peu dans les années 1890. Le rapport envoyé au ministre de l'année 1907, avant le départ de Benjamin Baillaud pour l'observatoire de la Capitale, témoigne de cette pérennisation des services et des fonctions attribuées à chaque responsable d'outil technique. Le directeur indique qu'au service méridien Dominique Saint Blancat poursuit ses travaux. Il énonce les recherches d'Henry Bourget au télescope de 80 centimètres et précise les résultats obtenus par Frédéric Rossard à l'équatorial Brunner. Enfin, il livre, avec exhaustivité, l'ensemble des analyses de Louis Montangerand à l'équatorial photographique18.
11La pratique astronomique s'organise autour des instruments qui sont associés à un observateur particulier et coïncident avec un service de l'établissement savant. Cette stricte séparation des tâches détermine, pour les astronomes, les objets célestes qu'ils vont étudier. Les caractéristiques de chaque outil technique fixent une gamme limitée d'observations possibles et circonscrivent le champ de recherche de celui qui le manipule.
12Benjamin Baillaud souligne que le cercle méridien de Gautier permet « la formation d'un catalogue de trois mille six cents étoiles », préparant les opérations photographiques de la Carte du ciel. Le télescope de 80 centimètres est employé aux « observations de planètes et de comètes faibles », ainsi qu'à « la mesure des étoiles doubles faibles19 ». L'équatorial sert à repérer les mêmes astres20. Quant au programme astrophotographique, il impose, comme nous le verrons plus loin, une orientation très encadrée des observations à fournir.
13L'activité scientifique au sein de l'observatoire ne se limite pas à l'astronomie. Benjamin Baillaud a créé un double service magnétique et météorologique qu'il confie en 1884 à Théodore Chauvin, physicien à la faculté des sciences de Toulouse. La santé précaire de ce dernier ne permet pas une activité régulière des nouveaux espaces de recherche. Chauvin meurt en 1892 et Baillaud propose alors au ministre de l'Instruction Publique de « rétablir [...] les fonctions de directeur des services météorologique et magnétique » et de « confier ces fonctions à M. Mathias, maître de conférences à la Faculté des sciences ». L'astronome imagine que « ces services vont [.] par suite de l'agrandissement des terrains de l'observatoire être complètement réinstallés ». Il assure prévoir un développement de ces disciplines au sein de son établissement, afin d'entreprendre des « études telle que celle du rayonnement, réchauffement du sol et de l'éclaircissement, qui ne peuvent être sérieusement faites que par un physicien exercé ». Ici la spécialisation scientifique interdit tout mélange des genres et Baillaud propose de nommer Émile Mathias, de la faculté des sciences, car il « pourra s'adonner activement à ce service sans être sensiblement détourné de ses recherches ordinaires qui se rapportent à la chaleur et aux divers états des corps ». Pour seconder le physicien, le directeur de l'observatoire propose que celui-ci forme « un auxiliaire » choisi parmi ceux « employ[és] à l'astronomie21 ».
14La désignation du personnel chargé d'aider les observateurs titulaires d'une coupole ou d'un pavillon révèle une séparation très nette entre les fonctions. Les chefs de service, nous l'avons évoqué, restent attachés à leur emploi, et à leur activité. Ils se concentrent sur un type précis d'examen céleste ou d'analyse climatique. Si Baillaud mentionne, au détour d'un rapport, les travaux qu'ils ont effectués en dehors de leur espace d'observation habituel, il s'agit de rares écarts 22 qui ne doivent pas cacher la permanence du lien qui les unit à un outil particulier ainsi qu'à la pratique qui lui est propre. À l'inverse, les aides astronomes ou les assistants ne sont pas prioritairement affectés à une coupole ou à un pavillon. Leur mobilité au sein de l'observatoire est très grande, et ils passent fréquemment d'une activité à l'autre. Entre 1892 et 1900, Émile Besson a fait « diverses observations, transcriptions et réductions » au service météorologique. Il a étudié les « divisions des cercles de l'instrument méridien », puis a « assisté les astronomes à l'équatorial et au grand télescope23 ». Ces multiples pérégrinations dans les différents services indiquent nettement la faible technicité de ces tâches d'assistants. Benjamin Baillaud attire l'attention des astronomes adjoints, en janvier 1896, sur « le fait que les auxiliaires qui les assistent dans les observations ne doivent être chargés [.] que d'opérations accessoires ». Le directeur ajoute qu'« en aucun cas, la responsabilité de l'observateur ne peut être transmise à l'auxiliaire24 ». Dominique Saint Blancat prend soin d'indiquer dans l'introduction du Catalogue de Toulouse, répertoriant 6447 étoiles, que son « assistant ne participait pas aux mesures elles-mêmes25 ». La reconnaissance des compétences nécessaires au maniement d'un instrument et à la direction d'un service suppose, en retour, une responsabilité plus grande et un engagement personnel dans l'accomplissement des activités astronomiques. Les observateurs dans leurs coupoles doivent apposer « leur signature à la fin de la série d'observations26 » qu'ils viennent d'effectuer. L'appui que peuvent leur fournir les assistants est indistinct car limité. En revanche, les chefs de service, par la marque personnelle et nominative qu'ils portent sur le registre, matérialisent la hiérarchie verticale prévue par le législateur et la division horizontale des activités au sein de l'observatoire27.
15L'astronomie, le magnétisme et même la météorologie ajoutent aux mesures et aux relevés d'indications numériques d'importantes séries de calculs afin de réduire les observations. Il existe, dans ces disciplines, une continuité entre l'examen sensible des phénomènes, et leur inscription dans un processus calculatoire. Résumant d'une phrase son activité à l'observatoire « pendant l'année scolaire 1903-1904 », Henry Bourget note que « [s]on temps a été [...] partagé entre les travaux d'observation et les travaux de calcul28 ». Dominique Saint Blancat souligne très distinctement l'indéfectible lien qui unit l'œil à l'opération mathématique, lorsqu'il explique avoir fait en 1902 « 15718 déterminations d'ascensions droites, de distances polaires ou de diverses quantités définissant l'état et l'orientation de l'instrument » méridien, avant d'ajouter que « tous les calculs correspondant à ces observations sont effectués ou en cours d'exécution29 ». Le travail de l'astronome se prolonge bien après la nuit passée dans la coupole. Le continuum entre observation et calcul, déjà présent au xviiie siècle, s'insère, à la fin du xixe siècle, dans une organisation savante désormais structurée autour de la division des tâches.
16Dans ce fourmillement d'activités et cette architecture hiérarchique fine, le directeur de l'établissement astronomique joue un rôle central : il esquisse les programmes de recherche, distribue le travail, assigne les instruments aux observateurs et discipline les pratiques. Simon Schaffer rappelle les efforts de George Bidell Airy pour associer au sein de l'observatoire de Greenwich « disciplinary vigilance and moral rectitude30 ». À Toulouse, Benjamin Baillaud attend de ses collaborateurs une « discipline morale s'imposant à tous31 ». Il lie cette conduite irréprochable à une organisation réglée.
17Le travail astronomique s'ordonne selon des espaces circonscrits, mais également selon des temporalités précises. Benjamin Baillaud s'emploie donc à instaurer des horaires précis et à fixer le rythme des activités. Il écrit en 1905, dans une circulaire adressée aux astronomes adjoints, qu'il considère « comme durée normale du temps employé pour chacun au profit de l'Observatoire une moyenne de six heures par jour non férié ». Le directeur admet « que les heures d'observations de nuit, après sept heures du soir équivalent chacune à deux heures32 ». Il insiste à plusieurs reprises sur le respect de ces horaires et invite « toutes les personnes à qui des heures de présence sont fixées à s'y conformer ponctuellement33 ». Les programmes d'observation sont eux-mêmes soumis à des échéances claires et définies par avance. Dominique Saint Blancat évoque en 1900 la tâche qu'il a accomplie au service méridien. Il rappelle à Baillaud qu'il a « fait environ 45 000 observations d'ascensions droites et de distances polaires » et souligne qu'il n'a pas ménagé sa peine « en présence d'une besogne dont [l]a perspective [l'] effrayait ». Saint Blancat conclut :
Le 31 mars 1900, j'ai pu vous faire la remise de mon travail ; c'est l'époque que vous m'aviez fixée lorsque vous me fites l'honneur de me confier le service méridien34.
18La discipline du temps, l'assujettissement aux durées constituent le premier mode d'organisation permettant au directeur de distribuer les tâches.
19Benjamin Baillaud est également très directif dans l'élaboration des programmes de recherche. Il indique avec minutie ce qu'il attend de ses collaborateurs et donne ses consignes avec force détails. Le 5 mai 1892, Louis Montangerand reçoit un « ordre de service » ainsi libellé : « Service de jour : Présence pour travaux de calcul ou autres, tous les jours non fériés de 2 heures à 6 heures. Service de nuit : Faire quand le temps le permet deux clichés de la Carte du ciel et deux du Catalogue35. » Baillaud respecte la hiérarchie des fonctions et délègue aux astronomes adjoints le soin de « veille[r] à la régularité du service et des heures de présence de tout le personnel36 » dont ils sont responsables. Le directeur précise explicitement aux assistants l'autorité sous laquelle ils sont placés. Ainsi, en 1902, le travail de Besson, « en ce qui concerne le service méridien, est réglé par Mr. Saint Blancat avec l'approbation du Directeur37 ».
20Dans cette vaste entreprise d'encadrement, les actes des astronomes sont évalués avec rigueur ; les sens font l'objet d'une attention soutenue. Simon Schaffer remarque qu'à Greenwich, « the observer was part of the "instrument" to be calibrated38 ». Les imprécisions sensitives systématiques des astronomes sont scrupuleusement détaillées. Baillaud souligne dans un mémoire adressé à l'Académie des sciences de Toulouse en 1898 sur l'examen des étoiles doubles, « que MM. Rossard et Baillaud mesurent des distances trop fortes de 0"3 et 0"2, MM. Montangerand, Saint Blancat et Cosserat les mesurent un peu trop faible39 ». Ces variations physiologiques sont rapprochées des constantes instrumentales et introduisent une discipline anatomique très stricte.
21Le corps des observateurs est soumis, au même titre que chacun de leurs actes, à une rationalisation complète. L'application d'un programme d'observation visant à la division du travail et à l'efficacité des gestes, impose une standardisation générale de la pratique savante. Toutefois, les astronomes ne se plient pas sans rechigner à ces exigences. Lorsque Benjamin Baillaud distribue en 1900 des « feuilles imprimées », pour y inscrire les calculs et soumettre l'inscription des chiffres au format uniforme de tableaux identiques, Henry Bourget refuse de les utiliser.
Il m'est tout à fait incommode, explique-t-il au directeur, de n'avoir pas assez de place pour former mes chiffres [...]. Vous riez, mais chacun a ses manières, surtout en ce qui concerne le calcul numérique. D'ailleurs, l'exemple est là : la façon dont sont transcrits sur ces feuilles les nombres relatifs aux étoiles de repères est tout à fait défectueuse à mon avis, à cause du manque de place et surtout des quadrillages40.
22À la différence des observations, le tracé des chiffres ne peut être assujetti à une contrainte normative. Plus généralement, Henry Bourget sous-entend, dans sa lettre, que les opérations mathématiques sont propres à chacun et qu'il est impossible de les uniformiser.
23La coordination des différentes activités au sein de l'observatoire de Toulouse oblige Baillaud à élaborer un système de contrôle et de surveillance interne de plus en plus serré. Il exige d'abord de ses collaborateurs des bilans annuels de leurs travaux afin de pouvoir nourrir le mémoire qu'il doit soumettre au Conseil consultatif des établissements astronomiques de province41. Si les données transmises sont insuffisantes, le directeur n'hésite pas à indiquer ce qu'il convient d'ajouter. « Prière de me donner le nombre de nuits d'observations et le tableau détaillé des planètes et comètes observées42 », inscrit-il en marge du rapport incomplet de Frédéric Rossard pour l'année 1900. Benjamin Baillaud demande également, à partir de 1902, que « chaque semaine [.] chaque astronome adjoint, à son premier jour de service d'après-midi, adresse au Directeur un rapport sur le travail effectué la semaine précédente dans son service. Ce rapport fait connaître le travail fait par l'astronome adjoint lui-même et par chacun des assistants ou auxiliaires attachés à son service43 ». Les actes des observateurs, leurs circulations, leurs recherches sont donc consignés et enregistrés par écrit. Ils élaborent eux-mêmes sur le papier leur registre de surveillance. Ces dispositions ne suffisent pas au directeur de l'établissement astronomique qui invite en 1895, « chacun des astronomes, auxiliaires ou employés à remettre chaque jour, à partir du 1er mars, un rapport indiquant brièvement les travaux d'observation ou de calcul exécutés dans ce jour44 ». En 1902, Benjamin Baillaud transforme cet épisode quotidien d'auto-discipline en remettant « à chacun de ses collaborateurs un agenda [.] destiné à l'inscription jour par jour des heures de présence de jour et de nuit et du travail quel qu'il soit, fait pour le service. Ces agendas seront apportés régulièrement du Directeur45 ». Il ne s'agit plus de tracer la chronologie des gestes et des actes sur des feuilles quelconques, mais de la porter dans un espace graphique prédéfini.
24La division du travail et la coordination des activités instaurent une surveillance constante et centralisée des activités et des mouvements de tous les opérateurs. Simon Schaffer suggère que la personnalité « could be disciplined through the right moral conduct of the workplace and moral habits of the work force46 ». La hiérarchie des fonctions, le respect des ordres donnés, la contrainte des horaires, le calibrage d'une anatomie réduite à une variable instrumentale et le contrôle permanent des recherches, façonnent en permanence l'activité des observateurs et forgent un nouveau régime des pratiques scientifiques indexé sur le modèle industriel. Parallèlement à ce vaste mouvement, les outils techniques autour desquels se noue cette distribution élémentaire des tâches, sont soumis à des maniements distincts selon les acteurs en présence.
Manipuler les instruments : calibrer, observer, réparer, modifier
25Adele Clarke et Joan Fujimura s'inspirent du concept de circonstances47, développé par Bruno Latour et Steve Woolgar, pour proposer celui de « situations ». Les sociologues souhaitent considérer « les "outils", "tâches" et l'"adéquation" des outils aux tâches comme ayant été tous élaborés de façon situationnelle48 ». L'étude de cette « matérialité des sciences » suppose en outre, depuis les travaux de Jerome Ravetz, une attention plus grande portée au travail manuel en science49. Dans l'observatoire toulousain de la fin du xixe siècle, les instruments sont maniés par différents acteurs, astronomes, assistants, constructeurs et mécaniciens, qui tous déploient autour de ces objets des gestuelles particulières pour obtenir des résultats précis. Le rapport de la main à l'instrument est ici analysé selon quatre types d'action : le calibrage, l'observation, la modification et la réparation. Au-delà de savoir-faire spécifiques mis en œuvre à chaque fois, nous tenterons de comprendre comment s'élaborent les discussions et les processus de négociation entre les différents intervenants dans chacune des manipulations. Harry Collins assure que le calibrage « is the use of surrogate signal to standardize an instrument50 ». Simon Schaffer s'appuie sur cette définition et estime que :
The surrogate is supposed to have the same effects as the signal whose character is ill-defined and disputed. The status of calibration depends on the plausibility of this identity. If the identity can be accepted by members of the relevant group then the possible strategies which members can be use to investigate and describe the troubled source are more closely constrained. This constraint is a social process in the organization of experimental work. Precisely, the feature emerges inside the nineteenth-century astronomy51.
26Le calibrage des instruments est une activité importante au sein de l'observatoire de Toulouse, dans les premières années de la IIIe République. Cette procédure de mesure ne concerne pas seulement les services astronomiques : toutes les disciplines présentes dans l'établissement savant soumettent leurs objets techniques à un contrôle préliminaire de leurs erreurs intrinsèques. Le rapport adressé par Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, en 1892, indique que « la collaboration de M. Mathias [...] permettra d'assurer la détermination régulière et fréquente des constantes instrumentales52 ». Outre les objets scientifiques destinés à la météorologie ou au magnétisme, les pendules, sans cesse perturbées par les fluctuations de température, sont également suivies en permanence dans leurs écarts ou leurs imprécisions. Le directeur adresse en 1904 une circulaire à ses collaborateurs dans laquelle il explique avoir dressé « le bulletin de marche de la pendule Leroy » et constate qu'elle « subit dans une large mesure les variations de température53 ». Louis Montangerand propose donc, « les soirs d'observations précises, [de] comparer la pendule au début et à la fin, [...] avec un chronomètre de temps moyen54 ». Les grands instruments astronomiques font également l'objet d'un suivi longitudinal ; ils sont en outre auscultés dans les moindres détails.
27Afin de mieux saisir les procédures d'examen de ces objets techniques, nous concentrerons notre attention sur le cercle méridien, installé à l'observatoire en 1891. Cet outil se compose d'une « lunette astronomique [...] dont l'axe optique est perpendiculaire à un axe horizontal [...] auquel elle est invariablement liée55 ». L'axe est « orienté suivant la ligne Est-Ouest terminée par deux tourillons [...] rigoureusement circulaires et de même diamètre56 », reposant « dans les deux cavités hémicylindriques de deux coussinets identiques57 ». L'instrument « est pourvu de deux cercles divisés, lus chacun par six microscopes58 ». Enfin, « les piliers en pierre sur lesquels sont fixés les coussinets [...], sont enveloppés de gaines en bois qui ne les touchent pas et qui ont pour but de diminuer les variations de température de ces piliers ». Ces gaines « font corps avec les escaliers destinés à la lecture des cercles59 ». Les astronomes surveillent en permanence la stabilité de l'instrument. Pour cela, ils mesurent « l'inclinaison de [son] axe de rotation », la « déclinaison du tourillon ouest » et « l'angle que fait l'axe optique de la lunette avec la direction de l'axe de rotation vers l'ouest60 ». Les « constantes instrumentales61 » sont évaluées par une série de dispositifs de contrôle placés autour de l'instrument méridien : « au plafond est suspendu le niveau qui tourne de 90° autour de la colonne verticale à laquelle il est suspendu et qui peut s'élever ou s'abaisser au moyen d'un mécanisme approprié62 ». Benjamin Baillaud explique en 1892 qu'« il vient d'être établi dans les meilleures conditions possibles une mire de 60 mètres de distance focale au Sud ». Lorsqu'une seconde sera établie au nord, l'observatoire disposera d'un « ensemble irréprochable de moyens pour contrôler l'état de l'instrument63 ». Le cercle méridien est donc enchâssé dans plusieurs systèmes techniques qui se superposent à lui et délivrent aux astronomes des indications sur ses écarts et ses mouvements intempestifs. Outre l'équilibre général de l'outil scientifique, les observateurs pratiquent une évaluation complète de chacun de ses composants et traquent les moindres imprécisions. Dominique Saint Blancat martèle à propos du cercle méridien dont il a la charge : « Il faut étudier systématiquement l'instrument à tous les points de vue et par tous les procédés possibles. Cela demandera plus que des jours, des années même64 ». Le calibrage impose aux astronomes une attention constante, portée sur tous les organes de l'outil. Saint Blancat étudie, tout au long de l'année 1892, les cercles et leurs graduations. Il a d'abord examiné « les divisions de 60° en 60° », avant de déplacer « deux microscopes [...] pour l'étude des traits de 20° en 20° ». L'astronome analyse également les divisions élémentaires, ce « qui constitue la partie la plus considérable du travail65 ». Benjamin Baillaud remarque qu'à la fin de cette étude approfondie des graduations, « l'instrument méridien pourra être employé [.] aux travaux les plus précis que l'astronomie comporte66 ».
28David Aubin souligne l'importance de la découverte de Neptune par Urbain Le Verrier en 1848 dans la généralisation d'une culture de la précision dans la science contemporaine67. La recherche de cette exactitude n'est plus comme au xviiie siècle, une exigence tacite, mais s'inscrit désormais dans une série de procédures explicitement décrites et fortement codifiées, en particulier en ce qui concerne les instruments. Le calibrage des micromètres à fils constitue un exemple remarquable de cette inflexion profonde dans la pratique astronomique. Ces objets « auxiliaires68 », qui viennent s'adapter à l'oculaire des outils scientifiques de grande taille, permettent de mesurer la position relative de deux astres l'un par rapport à l'autre. Un fil est placé sur un châssis mobile grâce à une vis. Cette pièce se déplace devant une série de fils fixes. Les astronomes installent le micromètre dans le plan focal et procèdent ensuite à son étalonnage en distances angulaires, qui consiste à déterminer l'angle que sous-tend un tour de vis. Randall C. Brooks assure qu'au xixe siècle, « a number of methods were employed to eliminate friction and resulting stress and wear on the micrometer screw69 ». L'historien note que vers 1875 « the accuracy of good micrometer screw was ~ 2-3 microns70 », ce qui implique pour les astronomes une étude rigoureuse du tour de vis. Les observateurs de la cité garonnaise s'attardent longuement sur cet élément de correction instrumentale. Dans l'introduction du volume d'Annales de l'Observatoire de Toulouse de 1901 consacré aux observations méridiennes qu'il a menées, Dominique Saint Blancat détaille minutieusement la « valeur d'un tour de la vis d'ascension droite71 », examinée de 1891 à 1894. Il indique ensuite le chiffre adopté. L'astronome présente de la même manière la « valeur d'un tour de vis de la distance polaire72 ». Répétées, ces mesures tentent de définir le pas de vis et permettent de limiter les erreurs. L'observateur parisien Maurice Loewy souligne, dans une communication à l'Académie des sciences en 1885, l'importance de « la détermination du tour de vis [qui] constitue une des opérations fondamentales dans l'Astronomie de haute précision. C'est sur la valeur de cet élément que reposent toutes les mesures qu'on effectue au moyen des équatoriaux ; le tour de vis, en outre, intervient dans des opérations très variées et très importantes lorsqu'on emploie des instruments méridiens ; il est donc indispensable d'éviter, dans cette recherche capitale, toutes les inexactitudes provenant d'une cause quelconque » ajoute Maurice Loewy. Il expose ensuite les deux méthodes « les plus rigoureuses » utilisées « pour arriver au but recherché » : on peut se servir « des étoiles polaires qu'on pointe au moyen du fil mobile dans une très grande étendue du champ, et, on déduit la valeur du tour de vis de la différence des lectures effectuées et des angles horaires correspondant à ces lectures ». L'astronome jure qu'« on atteint [...] le même but par l'observation d'autres étoiles, par exemple des étoiles équatoriales, en plaçant à l'avance le fil mobile dans des positions déterminées ». Toutefois, note Maurice Loewy, ces deux procédés « conduisent quelque fois à des résultats plus discordants que ne le faisaient présumer les conditions théoriques73 ». Les différences « proviennent, en partie, de ce que l'on néglige les corrections dues à la désorientation de l'instrument74 ». L'observateur parisien se propose donc d'« établir les règles qui permettent de tenir compte [...] des erreurs instrumentales, et [de] fixer les conditions nécessaires pour annuler leur effet dans la détermination du tour de vis75. » Loewy explique en particulier « que la déviation horaire du plan instrumental par rapport au méridien a une influence d'autant plus considérable que les observations conjuguées ne se trouvent pas symétriques par rapport au méridien76. »
29Le calibrage des instruments, leurs réglages les plus minutieux, sont mis en exergue dans les observations publiées, les procédés correctifs sont largement répandus et érigés en règles à suivre. À la différence du xviiie siècle, où la précision était requise sans que les moyens de l'atteindre soient décrits, la culture instrumentale de la fin du xixe siècle tend à cerner les erreurs et fixe les modes opératoires pour y parvenir. Les astronomes se doivent d'être explicites dans leurs démarches correctives et s'astreignent donc à détailler leur quête des imprécisions instrumentales. Ils s'appuient sur un ensemble de dispositifs techniques auxiliaires qui permettent de surveiller en permanence les outils scientifiques et restreignent les intervenants aux seuls astronomes. L'acte d'observer nécessite en revanche le concours d'assistants.
30Chaque chef de service responsable de sa coupole ou de son pavillon est aidé par un auxiliaire lors des nuits d'examens célestes. La participation de ces collaborateurs est strictement réglementée. Leurs gestes doivent se limiter à certaines phases précises de l'observation. Baillaud rédige une circulaire en janvier 1896 décrivant ce que les assistants ont le droit de faire dans la coupole. « Les mouvements dits rapides des instruments doivent toujours être exécutés par l'observateur lui-même et aussi lentement que possible. Les mouvements lents dans lesquels l'intervention de l'auxiliaire est nécessaire doivent être attentivement surveillés par l'observateur77 », insiste le directeur de l'établissement astronomique toulousain.
31Le maniement des instruments nécessite un savoir-faire et une culture technique que ne possèdent pas les assistants. Leurs interventions sur l'objet scientifique sont encadrées et circonscrites aux étapes les plus simples. La fragilité des outils techniques, la délicatesse de leurs déplacements, imposent un usage doux et précautionneux. Benjamin Baillaud s'emploie, dans la circulaire qu'il adresse à son personnel, à discipliner les gestes saccadés, à maîtriser les mouvements trop brusques. En 1902, il invite « les observateurs chargés du service météorologique à ne toucher aux instruments qu'avec les précautions les plus minutieuses. Il arrive, poursuit l'astronome, que les thermomètres du sol sont cassés parce qu'on les laisse tomber au lieu de les descendre à la main. Il arrive que pour inscrire l'heure sur les enregistreurs, on heurte violemment ces instruments, à tel point qu'on a des projections d'encre hors de la plume ; ces chocs détruisent les réglages et faussent les résultats78 ».
32La manipulation de l'instrument requiert une certaine dextérité. L'adresse et l'habileté ne s'obtiennent que par la répétition sans fin des manœuvres de l'outil scientifique. Frédéric Rossard est accusé, en juillet 1903, d'avoir causé de graves dégâts en manipulant le télescope de 80 centimètres. Il aurait notamment « faussé une plaque métallique de micromètre à gros vis » et surtout « cassé le miroir ». Rossard se défend avec énergie et précise au directeur qu'il a « une trop grande habitude de[s] instruments et les manie avec trop de précaution » pour être à l'origine de l'accident. Baillaud lui reproche également « de n'avoir pas laissé l'instrument dans sa place primitive » après sa séance de travail. L'observateur incriminé rétorque qu'il a bien remis le télescope « dans la position de repos afin qu'il fût plus en sûreté » et précise avec assurance : « sa manœuvre m'est familière vu que depuis 12 ans que je suis à l'observatoire, je me suis servi de l'instrument plus de cent fois79 ». Habitué à manipuler l'instrument, Rossard est sûr de ses gestes, de leur précision et de leurs effets ; il possède, à force de pratique et d'usage, un savoir incorporé qui réduit presque son maniement des outils scientifiques à des réflexes. Cette mémoire du corps qui régit l'acte d'observer est identique à celle qu'employaient Darquier et Garipuy au xviiie siècle dans leurs examens du ciel. De la même manière, la pratique observationnelle de la fin du xixe siècle oblige les savants, comme au siècle des Lumières, à se soumettre aux instruments. Ces derniers disciplinent les gestes des savants et contraignent leurs corps. Louis Montangerand se plaint en 1907 que l'équilibre de l'équatorial photographique ne soit parfait. Il parvient toutefois à « y remédi[er] aisément par la manette80 ». Le mouvement des doigts s'arrête lorsque l'outil technique s'y oppose ou se bloque. Frédéric Rossard renonce en septembre 1902 à utiliser le micromètre à « fils brillants » qui devait lui permettre d'examiner une comète récemment découverte. Il n'a pu employer le micromètre déjà présent sur l'instrument : « il m'a été impossible de le dévisser pour le remplacer par le micromètre à [comète], avoue-t-il au directeur. Je n'ai pas insisté afin de ne pas faire de fausses manœuvres81 ». L'ajout d'appareils photographiques aux grands instruments rend les maniements pénibles et incommodes. Henry Bourget assure que les clichés d'essais qu'il a faits au télescope de 80 centimètres offrent « des difficultés pratiques considérables par suite de la multiplication des opérations à effectuer. On en aura une idée par ce fait que l'opérateur doit avoir en mains 7 manettes et 3 contacts électriques dont il doit se servir [...] à chaque photographie d'une étoile82 ». Cette connaissance intime des instruments, ces savoirs incorporés ne sont pas intransmissibles. Les méthodes techniques, les modes d'emplois des objets scientifiques, sont mis par écrit et circulent entre les observatoires. L'astronome parisien Maurice Loewy rédige, en 1906, le « Procédé Opératoire employé pour effectuer [les] lectures de cercles » de l'instrument méridien. Il y décrit avec force détails le « calage de la lunette » et la « manière d'opérer ». Loewy explique notamment que « les microscopes sont lus deux fois ; après la première lecture, on écarte les fils de leur position et on opère la deuxième lecture. La moyenne de ces deux lectures est inscrite sur le carnet83 ». Ce vade-mecum est recopié sur une fiche à en-tête de l'observatoire de Toulouse et permet aux astronomes de la cité garonnaise de comparer cette manière de faire avec leur propre méthode84. L'échange d'informations et la transmission des savoir-faire entre établissements astronomiques français contrastent singulièrement avec le fonctionnement du laboratoire de Joule au milieu du xixe siècle. Heinz Otto Sibum relate comment, dans le cadre des expériences sur « the mechanical value of heat85 », le scientifique anglais développe « a particular "habit of taking measures". Here the "brewing chemical laboratory" as the most perfect place to accustom himself to it and to do the performance as well. But that embodied capablility, that particular gestural was incommunicable ». L'historien ajoute qu'à la même époque, William Sturgeon « represented an opposing form of life ». Il propose en effet « to make public the details of his experimental apparatus86 ».
33Au sein des observatoires français, c'est cette dernière démarche, visant à la transparence des pratiques et à la circulation des savoirs techniques, qui s'impose peu à peu. Vidal, astronome isolé, refusait d'expliquer sa manière d'examiner Mercure au xixe siècle, en revanche, la nouvelle organisation de la science des astres sous la IIIe République, dans laquelle les observateurs peuvent se déplacer d'un établissement à l'autre au gré de leurs carrières, autorise le partage des connaissances pratiques.
34La standardisation des instruments favorise cet échange d'informations en même temps qu'elle uniformise les gestes des astronomes et qu'elle nourrit davantage encore la métaphore industrielle pour décrire l'activité des observatoires.
35Les réparations et les modifications des outils techniques toulousains mobilisent de nouveaux acteurs : les constructeurs parisiens et le mécanicien de l'établissement. Ils interviennent sur les objets scientifiques en dehors des périodes d'examen céleste, mais les techniques qu'ils déploient pour les entretenir ou les transformer, s'articulent totalement avec la pratique savante.
36Jusqu'en 189887, ce sont les fabricants qui, après avoir fourni l'instrument à l'observatoire de la cité garonnaise, veillent seuls à son bon fonctionnement. Au mois de janvier 1895, « M. Gautier séjourne à l'observatoire » afin de finaliser « l'installation du cercle méridien ». Il profite de sa visite pour remettre « en état l'horlogerie et la vis tangente de l'équatorial photographique, régler l'horlogerie de l'équatorial Brunner où le poids était trop léger88 ». Pénétrant l'enceinte de l'observateur, le constructeur fin connaisseur de l'anatomie des outils techniques qui s'y trouvent, ausculte, nettoie, répare et arrange.
37Lorsque les instruments sont de petite taille, le directeur de l'établissement astronomique n'hésite pas à les faire parvenir à leur concepteur pour qu'il les examine et les restaure. Paul Gautier reçoit de Baillaud, en 1893, un micromètre en piteux état. « Je viens de [le] démonter [.], lui écrit l'artiste parisien. Le mal n'est pas si grand que je le pensais [.], la plaque qui porte l'écran [.] a été faussée, ainsi que le bouton et un des tambours dévissé. Le tout a été remis vivement en état89. » Les ingénieurs ne ménagent nullement le directeur de l'observatoire toulousain lorsqu'ils constatent des défectuosités imputables à la négligence. Auguste Fénon, fondateur d'une École d'horlogerie à Besançon, morigène presque le directeur de l'observatoire lorsqu'il doit remettre en marche le chronomètre de Winnerl :
Permettez-moi de vous rappeler qu'il serait utile, si vous désirez conserver votre petit chronomètre en or, de ne plus le confier à vos aides. C'est un instrument de valeur qui malheureusement a déjà bien souffert. Conservez-le avec soin, conclut gravement Fénon, vous ne pourriez plus en faire établir un semblable90.
38Les visites des constructeurs sont assez rares et l'observatoire ne peut bénéficier de leurs talents qu'irrégulièrement. Benjamin Baillaud nomme donc un mécanicien attaché à l'établissement astronomique. Jean Carrère, un ancien militaire, occupe ce poste à partir de 189891. Il s'agit d'une initiative personnelle de Baillaud, qui explique dans son rapport adressé au ministre en 1906 que « l'institution d'un agent de cet ordre à rendu à Toulouse les plus grands services » et trouve « désirable qu'elle soit étendue, sinon généralisée92 ».
39Il ne s'agit pas pour le mécanicien de se substituer totalement au constructeur ; le directeur de l'observatoire conçoit plutôt des rôles complémentaires pour ces deux intervenants. Baillaud écrit à son homologue niçois en 1904, que Jean Carrère est « un mécanicien des plus soigneux et habiles » qui tient l'arsenal instrumental « en parfait état ». Ils ont des « rapports constants avec MM. Gautier et Fénon pour la construction des instruments ou des parties d'instruments » qu'ils ne peuvent « faire dans [leur] atelier ». Et « naturellement, conclut Baillaud, nous mettons à grand profit les visites que nous avons l'occasion de leur faire93 ».
40Les astronomes tentent peu à peu d'accroître leur autonomie vis-à-vis des fabricants d'outils scientifiques, en ce qui concerne les réparations ou les modifications. Ils militent activement pour leur autarcie technique.
41L'atelier de Carrère est pourvu d'un « tour parallèle » en 1900, ce qui permet « beaucoup plus de travaux de précision sans avoir recours aux mécaniciens du dehors94 ». Baillaud montre à la commission d'inspection de l'observatoire en 1898 « l'intérêt à ce que le mécanicien, fonctionnaire de l'établissement, y fût logé, de façon que son concours [leur] fut assuré la nuit, concours fréquemment utile pour les observations délicates ou accidentelles95 ».
42Jean Carrère, comme les constructeurs, nettoie et répare les instruments. Il se flatte en 1900 de ce que tous les appareils enregistreurs ont « une marche irréprochable grâce au bon entretien » qu'il prodigue. De même, le mécanicien assure qu'il a « remis en parfait état le grand mouvement d'horlogerie de l'ancien télescope qui a une marche irréprochable96 ».
43Le mécanicien de l'observatoire et les artistes parisiens interviennent également pour modifier les instruments. Comme l'avait indiqué Frédéric Petit sous le Second Empire, l'astronome ne peut se faire constructeur d'outils techniques. Ce dernier possède un savoir spécifique et distinct de celui de l'observateur. La transformation et la modification des instruments dessinent de nouvelles relations entre le scientifique et le technicien. Le premier suggère les arrangements et les réglages pour obtenir une meilleure maniabilité, un usage plus simple. Gautier élabore en 1899 un système de commande pour un grand instrument. Il a incorporé « une roue qui sera ajustée à [...] l'extrémité des tiges de transmission ». Elle sera « légère » car l'artiste a bien compris que Baillaud souhaite « s'en servir à deux mains pour avoir plus de sensibilité dans les mouvements de rappel97 ».
44Ce processus de simplification par la mécanisation aboutit à la disparition progressive de certains assistants dans la pratique observationnelle. Jean Carrère réussit à « combin[er] et fabriqu[er] un appareil [photométrique] Enregistreur qui permet d'avoir des mesures très exactes et supprime un Assistant98 ».
45L'astronome et le technicien sont engagés dans un rapport de négociation. Ils débattent de ce qui est souhaitable et de ce qui est possible. Henry Bourget discute avec Jean Carrère à l'automne 1906 de la possibilité d'introduire un « mécanisme [.] pour déplacer d'une dent le télescope ». L'observateur trouve que le système en place avec « 3 manettes dans les jambes est passablement incommode ». Le mécanicien reste sceptique sur les changements à apporter : « son opinion est que la chose est mal commode99 », avoue Bourget un peu dépité. En revanche, Carrère reconnaît que si la modification est effectuée, la manœuvre sera très vite plus facile. La transformation d'un instrument est donc un processus de discussion qui allie les impératifs mécaniques aux exigences pratiques. Le résultat est un objet hybride, œuvre des deux acteurs. Henry Bourget écrit au directeur de l'observatoire en novembre 1903 qu'il a « combiné et discuté avec Carrère la pièce photométrique. Nous arrivons à la conclusion qu'il n'y a qu'à modifier l'ancienne pièce en utilisant ce qu'il est possible d'utiliser100 », assure l'astronome. L'emploi du pronom personnel pluriel souligne la construction commune d'un outil destiné à produire l'adéquation101, tout en respectant les contraintes techniques.
46La complexité croissante des systèmes optiques et mécaniques, notamment en ce qui concerne les instruments de grande taille, s'accompagne d'une distanciation progressive de l'astronome avec la technique. L'observateur manipule les outils scientifiques pour les calibrer et examiner le ciel. En revanche, il laisse les mains des fabricants ou du mécanicien les réparer, les nettoyer, les modifier. L'astronome n'est pas exclu de ces opérations techniques. Il propose des transformations, suggère des modifications et exige un maniement simplifié. Même s'il lui arrive ponctuellement de participer à ces tâches, le savant laisse le plus souvent la place aux constructeurs ou au mécanicien de l'observatoire. La séparation entre science et technique, amorcée déjà sous l'ère de Frédéric Petit, s'accroît encore à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle.
47Autour de l'instrument se déploient des gestuelles complexes et différenciées selon les objectifs à atteindre. Seul avec son outil pour le calibrer, l'astronome accueille des assistants pour observer le ciel. Il limite leurs actes et surveille leurs mouvements. Cassé ou inadapté, l'instrument est confié aux constructeurs puis de plus en plus au mécanicien qui s'impose comme l'interlocuteur incontournable pour modifier ou transformer ces objets techniques.
48Les pratiques savantes qui se déploient au sein de l'observatoire engagent les instruments dans un processus de production de données que les astronomes cherchent à optimiser.
Produire des données
49Maurice Loewy, dans le rapport du Comité consultatif des observatoires de province adressé au ministre de l'Instruction Publique en 1882, assure qu'« on a pu recueillir dans toutes les branches de l'astronomie une abondante moisson d'observations précieuses102 ». Les instances astronomiques nationales célèbrent régulièrement la « prospérité scientifique toujours grandissante103 » des établissements répartis sur le territoire et invite les directeurs, dans la dernière partie du xixe siècle, à poursuivre cette collecte de données. La pratique savante au sein même de l'observatoire de Toulouse s'organise autour de ce mot d'ordre productiviste.
50Dans cette perspective, l'astronomie de position occupe une part importante des recherches entreprises. De même, la mécanique céleste et les mathématiques, qui constituent le socle initial de la formation des directeurs et des astronomes adjoints de la cité garonnaise, alimentent le flux continu de travaux produits et d'études accumulées. La spectroscopie et la photographie apparaissent timidement dans les méthodes employées par les astronomes toulousains pour recueillir des informations.
51Les disciplines relatives à la physique du globe, l'examen du climat et le magnétisme terrestre, s'établissent durablement dans l'établissement astronomique et participent activement à cette compilation effrénée de données chiffrées. L'observatoire est le centre d'une organisation météorologique complexe à laquelle participe le service créé en son sein, mais également un vaste réseau de collecte étendu à toute la Haute-Garonne. Enfin, les ambitions de recherches locales sur le magnétisme terrestre mettent en lumière les modes d'organisation d'une pratique savante hors des murs de l'observatoire.
Observations, équations, innovations
52L'astronomie classique, qui consiste à repérer la position des astres et à suivre leurs trajectoires, constitue un axe de recherche majeur de l'établissement savant toulousain. Suivant les fermes indications des autorités savantes parisiennes, les observateurs de la cité garonnaise de la fin du xixe siècle accumulent ce type d'examen céleste et engrangent les relevés de positions. L'impératif de production qui sous-tend le programme astronomique français dans les premières années du régime républicain, pousse le directeur de l'observatoire toulousain à sélectionner des objets particuliers, susceptibles de fournir des données en abondance. Dès son arrivée à la tête de l'établissement astronomique de la cité garonnaise, Félix Tisserand organise « l'observation régulière des taches du soleil104 ». Joseph Perrotin note les « passages des bords du soleil et des taches à observer, à deux fils105 » de micromètre. L'élève astronome Edouard Jean « a dessiné toutes les taches [.]. Les dessins ont été faits par vision directe à travers un verre noir avec un grossissement de 160106 ». Les taches sont analysées par groupe, leurs mouvements sont traduits en équations et les représentations figurées permettent de retracer « l'histoire de [chaque] groupe au point de vue de sa déformation107 ». Cependant, seules les discussions mathématiques sont reproduites dans le volume d'Annales que publie l'observatoire en 1880. Il importe donc davantage d'éditer une importante suite de calculs que des tracés imagés. Ce choix participe d'une volonté affirmée de privilégier l'accumulation d'indications chiffrées dans la manière de prouver l'activité de l'observatoire. Félix Tisserand reconnaît même en 1880 qu'il lui faudrait encore compiler de multiples données avant de pouvoir les utiliser : « Le nombre des observations faites depuis 1874 n'est pas assez considérable pour qu'il soit possible d'en tirer des conclusions certaines sur la rotation du Soleil108. » Le programme d'examen des taches solaires est en outre défini par le corpus instrumental dont dispose le directeur dans les années de balbutiements qui suivent sa prise de fonction. Ces observations ont, en effet, été obtenues « à l'équatorial Secrétan de 108 mm d'ouverture109 », objet de seconde main acheté précipitamment par Tisserand pour étoffer l'arsenal instrumental de son établissement savant.
53L'acquisition d'outils de grande taille redéfinit le plan d'observation. Benjamin Baillaud précise en 1888 que le suivi des taches solaires est interrompu : « les quatre grands instruments dont nous allons disposer avant la fin de la présente année nous permettront de consacrer tous nos efforts à des recherches plus difficiles110 ».
54Chaque observateur, associé à son outil scientifique, est chargé d'examiner un objet céleste précis et de recueillir les informations numériques relatives à sa position. Ainsi « l'observation des comètes faisait partie du programme de travail de [Frédéric] Rossard111 », lorsqu'il s'installe à l'équatorial Brunner. Ce dernier publie pas moins de trente-sept notes relatives à l'examen de ces astres dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences sur un total de 136, adressées par les astronomes entre 1873 et 1908. Laetitia Maison suggère que les comètes constituent « une source aisée de publication112 ». En effet, les articles présentés par Frédéric Rossard sont très brefs et se contentent d'indiquer la position des astres observés pendant quelques jours, sans préciser les calculs de trajectoire. La plupart des observatoires de province, engagés dans un processus de production de données, publient avec frénésie des notes sur les comètes113. « Le temps réduit que demande la rédaction d'un article informatif sur une comète114 » séduit les observateurs qui accumulent de nombreuses informations en quelques nuits et rendent visibles l'activité de leur observatoire en adressant leurs travaux à l'Académie des sciences. In fine, le croisement de l'ensemble des positions récoltées doit permettre de préciser la trajectoire de ces astres.
55La recherche de petites planètes ou astéroïdes préoccupe beaucoup les astronomes du xixe siècle. Charles Delaunay constatait en 1867 :
La découverte de [...] nombreuses planètes télescopiques entre Mars et Jupiter a beaucoup agrandi le champ des travaux des astronomes théoriciens. Chacune d'elle éprouve des perturbations produites par les divers corps du système solaire, et la détermination de ces perturbations est nécessaire pour qu'on puisse construire des Tables de son mouvement115.
56Joseph Perrotin, sous la conduite de Félix Tisserand, emploie quelques nuits « à la recherche des petites planètes au chercheur Eichens, découvr[ant] cinq de ces astéroïdes116 ». Dans le contexte délicat et précaire des premières années de l'observatoire sous le régime républicain, la quête de ces objets célestes permet à Joseph Perrotin de s'illustrer et de signaler son activité à toute la communauté des astronomes. C'est Le Verrier lui-même qui, en ouverture de la séance du 1er mai 1876 de l'Académie des sciences de Paris, « annonce la découverte de la planète 163 faite à l'observatoire de Toulouse par M. Perrotin, le 26 avril 1876117 ». La recherche de ces petits objets célestes est abandonnée à Toulouse après le départ pour Nice de l'ancien élève de Félix Tisserand. Baillaud indique bien, en 1886, que l'équatorial Brunner a été utilisé pour « 2 [observations] de la planète 240 et 1, de la planète 246 qui [l'] intéressaient particulièrement118 », mais le directeur de l'établissement astronomique de la cité garonnaise n'en mentionne aucune pour l'année 1889119. Les astronomes toulousains semblent se désintéresser de cet objet d'étude, jusqu'à ce que le Comité consultatif des observatoires de province décide en 1893 de réactiver ce secteur et d'engager les établissements à multiplier les suivis de petites planètes. Georges Rayet, à la tête de l'institution bordelaise, assure en effet qu'après les nombreuses découvertes faites par l'astronome niçois Charlois, il a été convenu « d'observer le plus possible les petites planètes découvertes à Nice », en espérant « arriver ainsi à assurer le calcul exact de leurs orbites et à diminuer la confusion qui existe [...] dans le numérotage de ces astéroïdes120 ». Benjamin Baillaud se conforme fidèlement à cette inflexion programmatique et présente l'année suivante une série de « 85 observations de petites planètes », réunis dans un « tableau121 ».
57La production continue de relevés de positions de planètes ou de comètes alimente les équations qui décrivent leurs trajectoires. L'accumulation de ces données brutes doit permettre d'affiner les courbes, de préciser les mouvements.
58Dans le cas des étoiles doubles, l'empilement compulsif d'indications chiffrées permet surtout aux astronomes d'actualiser les catalogues déjà établis. Frédéric Rossard entreprend en juin 1905 « de réobserver toutes les étoiles doubles du Catalogue de John Herschel. Le plan est celui-ci, précise Benjamin Baillaud : détermination séance tenante, de la position approximative des étoiles ; mesures de l'angle de position et de la distance ; observation quand il y a lieu, des éclats et des couleurs122 ».
59L'image d'une pratique astronomique uniquement consacrée à la réalisation de programmes d'examens célestes systématiques et guidée par une ferme volonté de mettre en exergue l'activité permanente de l'observatoire, doit être un peu nuancée. Il peut arriver, en effet, que des événements exceptionnels ou des découvertes inopinées interrompent la laborieuse collection de chiffres. Benjamin Baillaud relate, en juillet 1899, sa surprise, lorsqu'à l'occasion d'« une visite publique » de l'établissement, il « pointe le grand télescope [.] sur la nébuleuse annulaire de la Lyre, qu'il avait examinée au même instrument plusieurs fois chaque année [.] depuis 20 ans » et qu'il remarque « immédiatement que l'étoile centrale qu'il n'avait jamais réussi à voir était nettement visible ». Le directeur alerte alors ses collaborateurs et leur demande d'examiner l'astre :
Les divers observateurs s'accordèrent pour constater, à des degrés divers, la visibilité de l'étoile centrale, et, sans conteste, le changement de la teinte de la partie centrale de la nébuleuse, laquelle, pendant de longues années depuis 1879, s'était montrée au grand télescope de Toulouse aussi obscure, en quelque sorte que le fond du ciel autour de l'anneau, et offrait aujourd'hui une teinte grisâtre, manifestant de la matière nébuleuse dans l'intérieur de l'anneau123.
60Lors de cette visite publique, dans une atmosphère presque détendue, alors qu'aucun programme d'examen céleste n'est en cours, l'habituelle austérité des énumé-rations chiffrées laisse la place à une description détaillée de l'aspect physique de l'astre. Les écarts au plan observationnel sont toutefois très rares et la doctrine productiviste est largement dominante dans la pratique astronomique quotidienne à Toulouse.
61Les consignes édictées par le Comité consultatif se traduisent pour les établissements savants par une « avalanche of printed numbers124 », pour reprendre l'expression de Ian Hacking. Outre les Comptes rendus de l'Académie des Sciences, Baillaud et Tisserand s'efforcent d'épancher le flot de données récoltées dans les Annales de l'Observatoire de Toulouse qu'ils éditent à partir de 1880.
62Il ne suffit pas de publier de nombreuses observations, il faut encore déployer continûment un discours prouvant l'activité des astronomes. Ernest Mouchez propose dans la séance du 26 février 1880 qu'au sein de chaque observatoire, « l'on tint un registre sur lequel serait indiqué journellement le chiffre des observations faites par chaque observateur125 ». Afin de démontrer leur zèle, les astronomes s'emploient à énoncer leurs performances, à exhiber la quantité d'informations récoltées. Dominique Saint Blancat récapitule avec précision ses travaux au cercle méridien lorsqu'il rédige son rapport pour l'année 1905 : ses observations « comprennent les diverses mesures suivantes : 2639 déterminations d'ascensions droites équatoriales, 2639 déterminations de distances polaires équatoriales, 17 déterminations d'ascensions droites de circumpolaires, 17 déterminations de distances polaires, [et] 56 tours de vis126 ». Le même astronome adjoint estime que « les séries moyennes d'observations d'une soirée », peuvent être « poussées sans exagération de fatigue, jusqu'à 200 étoiles à raison de 40 par heure127 ». L'observateur affiche son rendement, et se réduit lui-même à un processus mécanique d'enregistrement calibré. Benjamin Baillaud exploite ensuite ce comptage précis pour attester de l'intense activité qui règne dans le service méridien de l'établissement qu'il dirige. Après avoir, en 1903, fait la liste exhaustive des données amassées par ses collaborateurs, il conclut avec satisfaction :
Il est assurément inutile que le Directeur de l'observatoire reproduisant ces chiffres insiste sur le zèle et l'activité dont ont fait preuve dans l'observation et l'élaboration du second catalogue de Toulouse M. Saint Blancat et son assistant M. Besson128.
63L'usage des recueils de positions des astres observés est intimement lié à la mécanique céleste. Dieter B. Hermann rappelle que « the positional calculation and actual discovery of Neptune was a triumph without equal for celestial mechanics129 ». Les travaux de Charles Delaunay sur « l'étude analytique du mouvement de la Lune130 » imposent la mécanique céleste comme secteur privilégié et fécond de l'astronomie française. Les observateurs toulousains ne se contentent pas de donner à d'autres le soin de perfectionner les théories sur la trajectoire des astres, ils exploitent directement leurs propres mesures pour les insérer dans les équations.
64Benjamin Baillaud se propose, dans un mémoire de 1885 lu devant l'Académie des sciences de Toulouse, « de déduire des observations des cinq satellites intérieurs de Saturne, faites au télescope de 0,83 m [...] depuis 1876 jusqu'à la fin de 1883, les éléments de leurs orbites131 ». Il souhaite notamment effectuer « la comparaison de [ses] observations aux observations antérieures132 ».
65Cet intérêt pour la mécanique céleste et la dialectique entre théorie et examen du ciel ne concerne qu'une partie du personnel de l'établissement astronomique de la cité garonnaise. Les directeurs, Félix Tisserand, Benjamin Baillaud et les astronomes adjoints Andoyer, Bourget, Cosserat et Blondel ont tous une formation initiale de mathématicien. Si tous ont fait le choix de se tourner vers la science des astres et s'astreignent à l'observation, ils conservent dans leur approche de cette discipline un goût prononcé pour le maniement des équations et une certaine aisance dans les recherches théoriques. L'astronome parisien Octave Callendrau, dans le rapport qu'il fait parvenir à l'Académie des sciences de la Capitale en vue de l'élection de Benjamin Baillaud au sein de la savante assemblée, note que « bien qu'il n'ait négligé aucune des branches de l'astronomie, ses travaux se rapportent plus spécialement à la Mécanique céleste et à l'astronomie mathématiques133 ». Reçu premier à l'agrégation de mathématiques, Henri Andoyer était recommandé à Benjamin Baillaud par son beau-frère et directeur de l'École normale supérieure, Jules Tannery. Armand Lambert souligne que « son passage par un Observatoire eut à coup sûr une influence marquée sur l'orientation même de ses recherches théoriques ». Andoyer, prétend son thuriféraire, n'a plus pratiqué les mathématiques comme un exercice brillant « mais sans lien avec le monde extérieur », il s'est au contraire constamment attaché « aux problèmes concrets de la Mécanique céleste134 ». La pratique observationnelle infléchit le rapport à la théorie et au calcul, mais n'entame pas la culture initiale des normaliens. Le profil scientifique d'Eugène Cosserat est encore davantage marqué par les mathématiques. Benjamin Baillaud remarque que, dès sa sortie de l'École normale supérieure, le jeune agrégé « avait commencé l'étude de l'astronomie théorique » avant de passer « à la géométrie avec la plus grande facilité ». Il reconnaît en Cosserat un observateur compétent, mais s'empresse de noter qu'« il ne cessa jamais de poursuivre ses recherches de mathématiques pures qui l'ont placé dans les premiers rangs des géomètres135 ».
66La mécanique céleste s'impose donc à l'observatoire de Toulouse, comme un sujet de prédilection pour les mathématiciens. Charles Delaunay expose en 1867, les derniers développements théoriques sur le mouvement des astres. Il évoque notamment la « détermination de l'orbite d'une planète ou d'une comète ». L'astronome parisien assure que lorsqu'on analyse leurs trajectoires, il est nécessaire de « tenir compte des actions qu'elles exercent les unes sur les autres ». Il est alors indispensable d'« intégrer un système d'équations différentielles où les modifications que ces actions mutuelles apportent au mouvement elliptique de chaque planète sont renfermées dans une fonction particulière nommée fonction perturbatrice136 ». Une grande partie des travaux de Benjamin Baillaud sur la mécanique céleste s'attache précisément au développement de ces fonctions perturbatrices. Sa thèse est consacrée à l'« Exposition de la Méthode de M. Gylden pour le développement des perturbations des comètes137 ». L'astronome finlandais Hugo Gylden a proposé une nouvelle méthode de calcul pour les perturbations des planètes et des comètes138, dont le jeune Baillaud a donné « une exposition claire et élégante139 ». Le directeur de l'observatoire de Toulouse a poursuivi dans cette voie en publiant, sur le même sujet, trois articles dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences 140 et un dans les Annales de l'Observatoire141. Henri Andoyer s'est intéressé, lors de son passage dans la cité garonnaise, à « l'orbite intermédiaire de la Lune dont la théorie ne cessa de l'occuper142 ». Blondel a consacré une grande partie son temps à la « théorie des marées dans un canal143 ». Quant aux recherches d'Eugène Cosserat et d'Henry Bourget, elles concernent davantage la géométrie que la mécanique céleste. Les premières analyses de Félix Tisserand, alors qu'il réorganise totalement l'observatoire de Toulouse, portent sur les mouvements des satellites de Saturne et préfigurent le quatrième volume de son monumental Traité de mécanique céleste, publié entre 1889 et 1896144. Les études théoriques sur le mouvement des astres sont aussi un moyen pour les astronomes de montrer leur activité au sein de la communauté savante. Les mémoires relatifs à la mécanique céleste envoyés à l'Académie des sciences de Paris représentent près d'un tiers du nombre total de communications publiées dans les Comptes rendus. La manipulation des équations et le recours permanent aux mathématiques induisent une recherche permanente de la précision et de l'exactitude. Félix Tisserand explique dans l'introduction du quatrième volume de son Traité de mécanique céleste que « la théorie des satellites de Jupiter a pris entre les mains de Laplace, une perfection qui n'a pas été surpassée. Toutefois les calculs n'avaient pas été poussés assez loin pour donner aux tables toute la précision compatible avec les observations145 ». Andrew Warwick suggère précisément « that mathematical calculation has much more in common with precision measurement than is generally supposed146 ». La culture de la précision se fonde donc sur la pratique calculatoire.
67Le maniement des équations et la manipulation des instruments entretiennent mutuellement une exigence de perfection qui contamine l'ensemble des pratiques savantes au sein de l'observatoire. Dans cet ensemble planifié de programmes scientifiques destinés à produire des données et à corriger les théories de mécanique céleste, les nouveaux champs d'étude, comme la spectroscopie ou l'emploi de techniques photographiques, se fraient un difficile passage.
68L'astronomie physique qui se développe après l'interprétation par KirchhofF et Bunsen des raies spectrales en 1859147 connaît en France une situation contrastée. Les travaux de Jules Janssen et Alfred Cornu ont certes marqué la discipline, mais ils s'inscrivent en marge des grands observatoires148. La tentative de Georges Rayet à Bordeaux est largement incomprise149. À Toulouse, il est bien difficile de repérer dans les archives, les indices d'une expérimentation spectroscopique. Benjamin Baillaud signale en 1880, l'adaptation d'un « spectroscope à vision directe pour l'étude des protubérances solaires150 » au foyer de l'équatorial Brunner. Le même instrument reçoit, deux ans plus tard, « un spectroscope [.] pour l'étude des spectres d'étoiles151 ». Aucune publication, ni ébauche de programme d'observation spécifique, ne suivent ces installations successives. Baillaud reconnaît son « insuffisance en Astronomie physique », malgré un intérêt certain pour la physique elle-même. Le directeur de l'observatoire de Toulouse revient, en 1935, sur l'émergence de cette nouvelle discipline à la fin du xixe siècle, et sa singularité au sein de la science des astres : « l'Astronomie se divisait en deux branches, Astronomie de position, Astronomie Physique. On pouvait pressentir qu'un jour ces deux branches se mêleraient, mais on en était loin152. » L'observateur de la cité garonnaise cherche néanmoins à créer, en 1892, un service entièrement dédié à la spectroscopie dans l'établissement qu'il dirige. Il écrit en ce sens au ministre de l'Instruction Publique et lui demande « d'attribuer une indemnité à l'un des maîtres de conférences de la Faculté des sciences qui veut bien s'occuper avec [lui] de l'organisation de l'astronomie physique : spectroscopie solaire, spectroscopie stellaire, spectrographie, photométrie stellaire et en particulier observations photométriques des satellites de Jupiter153 ». Benjamin Baillaud insiste et indique qu'il lui « paraît indispensable d'organiser le plus promptement possible des études de physique céleste » à l'observatoire de Toulouse. Benjamin Baillaud a déjà pris contact avec le physicien Henri Bouasse, « maître de conférences à la Faculté154 » qui lui a promis son concours, en contrepartie d'une indemnité. Il est probable que le ministre rechigna à la dépense et qu'il ait ainsi obscurci les ambitions scientifiques du directeur de l'établissement savant.
69L'introduction des techniques photographiques dans les pratiques observationnelles connaît un meilleur sort. La participation de l'observatoire de la cité garonnaise au vaste projet de la Carte du ciel pousse Henri Andoyer et Louis Montangerand à acquérir de nouvelles compétences et à se former à ces méthodes de recueillement de données. L'équatorial photographique est installé à Toulouse « pendant l'automne 1889 ». Les deux astronomes n'avaient jusqu'alors « aucune pratique de la photographie ». Henri Andoyer se rend à Paris en octobre et novembre 1889. Il s'exerce « sous la direction de MM. P et Pr. Henry pendant les trois ou quatre belles nuits qui se présentèrent dans cette période155 ». Afin de mieux maîtriser cette technique, Andoyer et Montangerand multiplient les essais, les tests et les expériences. Le premier fournit une note à l'Académie des sciences, rédigée en collaboration avec l'astronome parisien Charles Fabre sur « l'emploi des plaques orthochromatiques en photographie astronomique156 ». Détournant l'usage de l'astrophotographe, les deux observateurs pointent l'instrument vers la Lune « pendant l'éclipse du 15 novembre [1891] ». Ils examinent les « diverses couches sensibles » et comparent leurs performances respectives. Ils concluent « que les plaques au collodiobromure d'argent rendues orthochromatiques sont relativement plus sensibles aux radiations rouges et jaunes que les plaques gélatinobromes ». Andoyer se propose « de continuer ces expériences en les répétant sur Mars, sur Jupiter et sa tache rouge et sur les étoiles colorées157 ». Louis Montangerand utilise, lui, l'équatorial photographique pour réaliser des poses longues et s'assurer de la netteté des images obtenues. Il parvient « les 8, 9, 10, 11 septembre [1890] » à réaliser « avec une pose totale de 9 heures » un cliché de « la nébuleuse annulaire de la Lyre158 ». La maîtrise progressive de l'outil photographique permet aux astronomes d'étendre ce nouveau mode d'observation aux autres grands instruments. Henry Bourget et Benjamin Baillaud se proposent dès 1895 « d'obtenir des clichés de nébuleuses et d'amas stellaires159 ». Ils emploient pour cela le grand réflecteur de 80 centimètres. L'année 1898 est décisive, car elle voit, selon Bourget, « la question de la photographie sortir de la période d'essais et définitivement résolue160 ».
70Les astronomes s'écartent ici de l'habituelle course à la performance et tentent d'innover dans un secteur déjà très concurrentiel. Bourget avoue n'avoir « jamais songé à rivaliser avec les habiles observateurs qui [...] ont obtenu de si belles images de nébuleuses et d'amas ». L'outil photographique dont dispose l'observatoire de Toulouse n'autorise pas ce type d'ambition. Le but de Bourget « a été tout autre », et il lui a semblé « qu'un bon emploi à faire du télescope était d'essayer d'obtenir de petits clichés le mieux possible, appropriés à des mesures micrométriques précises161 ». La culture de l'exactitude pénètre jusqu'aux pratiques empiriques les plus balbutiantes et s'impose aussi dans le développement des méthodes observationnelles les plus innovantes. Bourget et Baillaud multiplient les essais et proposent de nouveaux modes opératoires. Ils parviennent notamment à se passer du chercheur de l'instrument qui n'était pas assez puissant, en suivant « à l'aide des manettes des mouvements lents, l'étoile guide, par derrière la plaque sensible à travers un trou fait dans la gélatine162 ». Benjamin Baillaud s'empresse d'expliquer cette technique devant l'Académie des sciences le 26 novembre 1898, car il n'oublie pas que chaque publication accroît la visibilité de son observatoire au sein de la communauté savante ; les expérimentations et les approches pionnières n'échappent pas à cette règle.
71La photographie reste toutefois un domaine de recherche à part à Toulouse. Au milieu de l'industrie de l'observation et du calcul, elle apparaît comme un laboratoire de l'empirisme, seul espace où les tâtonnements sont permis. Dans l'observatoire, le règne du chiffre triomphe. L'impérieux souci d'une production massive de données ne s'applique pas qu'à l'astronomie, la météorologie est aussi soumise à cette politique d'abondance.
La météorologie ou l'émancipation administrative d'une discipline
72Physicien et élève astronome à l'observatoire de Paris en 1873, le futur directeur de l'établissement astronomique bordelais, Georges Rayet, brosse, à l'intention de son condisciple Félix Tisserand qui vient d'être nommé à Toulouse, un tableau accablant des recherches climatologiques menées jusqu'ici dans la cité garonnaise et ses environs : « l'organisation de la Haute Garonne a toujours très incomplète et, malgré tout le zèle et le dévouement personnel de Mr. Daguin, le département n'a fourni que très peu de documents », écrit-il à son collègue fraîchement promu. Rayet conclut sa missive en insistant sur l'immense tâche qui attend Tisserand et lui assure que « le service météorologique est [...] à organiser dans son entier163 ».
73Il est assez difficile de cerner le fonctionnement du service consacré à l'étude de l'atmosphère au sein de l'observatoire de Toulouse, dans les premières années du régime républicain. Les archives manquent et Félix Tisserand reste très évasif dans les comptes rendus qu'il rédige pour les Annales de son établissement. Il indique, par exemple, que pour les mesures relevées entre 1874 et 1875, « on a effectué les corrections instrumentales164 » de la météorologie, mais sans préciser ni par qui, ni comment elles ont été faites.
74Les indications rassemblées dans les deux volumes publiés en 1880 et 1886, concernent la pression barométrique, la température, l'état hygrométrique, la force du vent, la pluviométrie et l'état ozonométrique165.
75Benjamin Baillaud modifie totalement l'organisation de la recherche en physique du globe à l'observatoire de Toulouse, dès 1886. Il instaure les « services magnétiques et météorologiques166 » et les place sous la direction d'un physicien, d'abord Théodore Chauvin167, puis Émile Mathias168. L'astronome justifie, nous l'avons vu, cette distribution des responsabilités savantes par les compétences particulières que requièrent l'étude climatique et l'analyse du géomagnétisme. Ce double service magnétique et météorologique se divise ensuite en deux espaces distincts : le premier occupe dans un premier temps une cave du bâtiment principal puis le jardin de l'observatoire, le second dispose d'un pavillon établi sur les terrains accordés par la Mairie de Toulouse pour l'agrandissement de l'établissement savant169.
76Le travail climatologique s'organise autour d'un relevé tri horaire des informations 170 fournies par les différents instruments : « un thermomètre, un baromètre, un pluviomètre, un anémomètre, un anémoscope de Redier », sans compter « un baromètre et un thermomètre de Richard171 ». La collecte des données fait intervenir un personnel variable et interchangeable. Baillaud signale dans le volume des Annales de l'observatoire consacré à l'« étude du climat de Toulouse de 1863 à 1900 » que « les observations ont été faites par un grand nombre d'observateurs. Presque tous les astronomes et employés de l'Observatoire y ont contribué172 ». Certains rapports adressés au ministre chaque année citent explicitement le nom des personnes affectées à la collecte des données atmosphériques. Le directeur de l'établissement toulousain indique en 1903 que « M. Besson a fait les observations de midi et de 6 h. du soir et alternativement avec M. Rossard celles de 9 h. du soir et de minuit [...]. Le jardinier celles du 6 h. du matin173 ». Il est toutefois bien difficile à Louis Montangerand de dresser pour Benjamin Baillaud une liste de « toutes les personnes qui ont participé aux observations météorologiques depuis 1873 [.]. Les carnets ne portent aucune espèce d'indication la plupart du temps174. »
77L'effacement des noms, en dehors de ceux des chefs de service, la circulation des observateurs et leur interchangeabilité permanente, étendent à l'étude de l'atmosphère le régime des pratiques qui s'applique à la science des astres175. À la différence des services astronomiques, les assistants interviennent seuls dans l'observation météorologique. Plus exactement, ils ne sont pas soumis au regard direct d'un supérieur hiérarchique. En revanche, la mécanisation de la collecte des informations climatiques est beaucoup plus importante que celle des recherches astronomiques. Benjamin Baillaud souligne fièrement en 1885 que son établissement possède « une série complète d'instruments enregistreurs de Redier176 », ainsi qu'« une série complète d'instruments météorologiques enregistreurs de Richard », au côté des « instruments météorologiques à lecture directe177 ». Les constructeurs Richard détaillent en 1886 les avantages de leurs outils enregistreurs :
La méthode graphique est aujourd'hui universellement adoptée. On a trouvé avec juste raison que la représentation au moyen de diagramme, des divers phénomènes physiques, était le seul moyen de les étudier sérieusement ; si l'on jette en effet les yeux sur une courbe obtenue par un instrument quelconque, on vient à se demander immédiatement comment les observations directes peuvent donner des résultats utiles puisque, dans des temps relativement courts, il se produit des variations considérables178.
78Les qualités de l'agent humain sont donc très inférieures à celle de l'agent technique. Surtout, la régularité mécanique supplée aux éventuelles défaillances d'un observateur et pallie ses absences. Le colonel Serbet, convié en 1882 à rédiger un rapport sur les « Appareils Enregistreurs construits par MM. Richard Frères », insiste sur le fait que « l'emploi d'appareils de ce genre [...] dispense de l'assujettissement des observateurs à heure fixe179 ». L'œil ne peut rivaliser, en terme de sensibilité, avec ces instruments sur lesquels « les moindres variations [sont] inscrites d'une façon indélébile ». Le relevé des informations se limite donc à la lecture d'une courbe et ne nécessite aucune qualification particulière. Enfin, les appareils enregistreurs relèvent « aussi bien du domaine de la Science que de celui de l'Industrie180 ». De l'usine à l'observatoire, l'offre instrumentale forge, au xixe siècle, l'unité d'un régime technique général fondé sur la mécanisation et les délégations de certaines tâches aux appareils et aux outils.
79Presque automatisé, le service météorologique de l'établissement savant toulousain est en outre pris peu à peu en main par une instance scientifique parisienne : le Bureau Central Météorologique. Fabien Locher décrit dans sa thèse, comment Urbain Le Verrier a organisé en 1864, avec le soutien du ministre de l'Instruction Publique Victor Duruy, « un service d'observation météorologique dans toutes les écoles normales de l'Empire181 ». Les commissions de météorologie départementales sont relancées par l'astronome parisien182. Enfin, deux observatoires en altitude, celui du Pic du Midi et celui du Puy de Dôme, participent activement aux études de l'atmosphère en France. L'ensemble n'est guère coordonné et le ministre, s'appuyant sur les réflexions d'une commission qu'il a nommée en 1878, sépare le service météorologique de l'observatoire de Paris et lui donne « le titre de Bureau Central Météorologique ». Les travaux se répartissent entre « les avertissements aux ports et à l'agriculture », l'étude des « mouvements généraux de l'atmosphère » ainsi que la « climatologie » et les « inspections183 ». Les observations météorologiques rassemblées à Toulouse n'échappent pas à cette nouvelle institution menée par Éleuthère Mascart. L'établissement de la cité garonnaise est pris dans un maillage composé de multiples stations. En 1889, on en compte 201, dont « 5 observatoires, 4 observatoires de la Marine, 86 écoles normales [...] 3 sémaphores, 21 phares et 44 stations diverses184 ». Ce réseau se matérialise par une liaison télégraphique directe. Mascart explique à Benjamin Baillaud en 1878 qu'« il est important pour la constitution des cartes générales ainsi que pour les études de climatologie que les observations parviennent régulièrement et dans le plus bref délai au Bureau Central qui a mission de les coordonner ». Outre « la dépêche journalière qui sert à la préparation des avertissements », Mascart exige la communication « à la fin de chaque mois [d'] un résumé de [leurs] observations185 ». À partir de 1891, l'établissement astronomique est « relié au réseau urbain de Toulouse » et peut transmettre « à titre gratuit [...] les télégrammes officiels intéressant [...] le Bureau Central Météorologique186 ». L'observatoire fait parvenir ses relevés trois fois par jour et alimente ainsi le service des avertissements 187 de la nouvelle institution météorologique. La circulation des informations n'est pas à sens unique, et les astronomes de la cité garonnaise reçoivent « par poste le Bulletin météorologique du Bureau Central établi à Paris », ainsi que « des télégrammes donnant la situation météorologique générale en Europe ». Enfin, les « observatoires de Perpignan, Clermont, Bordeaux [et du] Pic du Midi » leur font parvenir « des télégrammes donnant la situation météorologique de ces stations188 ». Un flux de données circule donc dans ce réseau et transforme la pratique météorologique au sein de l'observatoire de Toulouse. Très prescriptif, le Bureau Central Météorologique intervient directement dans l'organisation du service et la collecte des données. Son directeur exige fréquemment des corrections, des rectifications, et n'hésite pas à donner des ordres. Éleuthère Mascart rédige une sèche missive à l'adresse de Benjamin Baillaud en mars 1896. Il écrit notamment que « dans le tableau des observations du mois de janvier 1895, on a copié par erreur, pour la période du 8 au 16 inclus, les pressions de 0°, température (thermomètres sec et mouillé), humidité, direction du vent et des nuages et la nébulosité de la période correspondante du mois de décembre 1894 ». Il exige la remise d'« une copie exacte des observations du 8 au 16 janvier 18 9 5189 ». L'usage du terme « exacte » souligne l'imprécision coupable. Afin de discipliner la pratique, Mascart invite Baillaud à lui fournir « un rapport sur l'organisation de [son] service météorologique190 ». Le Bureau Central impose à l'établissement toulousain une description en transparence de ses observations climatiques et déploie par ses fréquentes requêtes un système panoptique très proche, en ce qui concerne l'astronomie, de celui érigé par le Comité consultatif des observatoires de province. Charles Angot, qui succède à Éleuthère Mascart à la tête de l'institution savante parisienne en 1906, écrit à Benjamin Baillaud afin de lui faire corriger des relevés incertains pour les « six derniers mois [des] observations de 1904, il est impossible de laisser passer les observations de 3 h. du matin qui pour les pressions sont toutes fausses en juillet et pour un certain nombre en août, septembre et octobre ». Angot ajoute en conclusion qu'il est « très fâcheux » que l'astronome ne puisse envoyer à Paris « [s]on météorologiste pendant une dizaine de jours, cela suffirait certainement pour faire son éducation191 ». Afin d'harmoniser les pratiques, le directeur du Bureau Central Météorologique détaille à Benjamin Baillaud la manière dont il envisage la collecte des informations. Il donne, comme exemple à suivre, le mode opératoire au Parc Saint Maur, en expliquant que « le thermomètre à maxima est lu à 6 heures et à 9 heures du soir[...]. Ce sont les extrêmes ainsi observés qui sont donnés dans la dépêche ». Pour obtenir les « extrêmes absolus sur la courbe de l'enregistreur », assure Angot, il est nécessaire de faire « subir à cette dernière la correction qui résulte de l'ensemble des observations de la semaine192 ». Baillaud prend soin, par la suite, de préciser, dans ses rapports adressés au ministre de l'Instruction Publique, que le service se conforme « aux règles données par M. Angot » pour « les relevés trihoraires des enregistreurs Richard ». Disciplinées et assujetties aux exigences de l'institution parisienne, les observations pourront donc former « une suite trihoraire ininterrompue ».
80Le physicien de l'observatoire de Toulouse, dépouillé de son autorité scientifique dans le secteur météorologique, laisse la place à un assistant. Le service est confié en 1903 « à M. Rossard, sous la surveillance immédiate du Directeur ». Il est « chargé des écritures et des calculs [...] de la réception et de la transmission des dépêches193 ».
81Modelé à distance par le Bureau Central Météorologique, le service météorologique de l'observatoire toulousain se contente d'abreuver l'institution parisienne de relevés numériques. Cependant, Benjamin Baillaud tente de se réapproprier ses données et cherche à montrer qu'elles ont été produites au sein de l'établissement qu'il dirige. Le cinquième volume des Annales de l'observatoire est une vaste « étude du climat de Toulouse de 1863 à 1900194 ». L'astronome rappelle que « Petit a publié, en 1863, un volume intitulé : Annales de l'Observatoire de Toulouse », qui comprend « diverses études dont la plus importante est, sans doute, une étude de climat de Toulouse d'après les observations météorologiques faites à l'ancien et au nouvel Observatoire de 1839 à 1862 ». Benjamin Baillaud évoque ensuite les travaux de Théodore Despeyrous et de Pierre-Adolphe Daguin, ainsi que l'interruption consécutive à la chute du Second Empire. Enfin, l'astronome rappelle que « sous la direction de Félix Tisserand », les relevés ont repris le 1er août 1873 et ont été poursuivis « depuis [...] sans discontinuité ». Le directeur de l'observatoire de la cité garonnaise ne peut passer sous silence la subordination au Bureau Central Météorologique et signale que les observations « sont publiées depuis 1878 dans les Annales195 » de cette institution savante. Mais Baillaud enracine le travail de son établissement dans une tradition locale bien plus ancienne et assure que le volume présenté se veut « la continuation de l'étude du climat de Toulouse dans les conditions mêmes ou elle a été faite par Fr. Petit. On a pensé, ajoute l'astronome, que le mieux était de ne rien changer à la méthode adoptée par lui. L'ensemble de deux volumes donne ainsi une étude assez homogène portant sur une période de soixante années196 ».
82Cette tentative pour s'emparer des informations météorologiques ne peut dissimuler l'emprise du Bureau Central, omniscient en ce qui concerne l'étude de l'atmosphère. Il régit notamment les Commissions météorologiques départementales instaurées par le décret du 13 février 1873. Le réseau qu'elles dessinent est en fait calqué sur celui conçu par Le Verrier en 1865. Fabien Locher a étudié la manière dont l'astronome parisien a constitué un service d'observation météorologique dans les écoles normales de chaque département. Les élèves étaient astreints à des « observations quotidiennes trihoraires, de six heures du matin à neuf heures du soir ». La pratique telle qu'elle est conçue par Le Verrier est « encadrée, disciplinée, surveillée ». La « "Règle" des écoles normales doit permettre d'assurer la discipline de l'observation, et donc contribuer à la régularité et à la bonne précision des mesures, par l'emploi d'individus d'ores et déjà formatés aux exigences d'une discipline plus globale197 ». Le Bureau Central Météorologique reprend l'architecture réticulaire forgée par Le Verrier autour des écoles normales pour constituer ses Commissions départementales et étend ses observateurs aux « instituteurs, agents des Ponts et Chaussées, agents voyéers, agents des forêts, employés des postes télégraphiques198 ». L'État républicain met son personnel à la disposition du projet mené par le Bureau Central Météorologique. L'observatoire de Toulouse, symbole d'une entreprise scientifique de grande ampleur ébauchée dans les premières années du nouveau régime politique, est associé à la Commission météorologique de la Haute Garonne. Félix Tisserand y siège dès 1873199, Benjamin Baillaud en est le président à partir de 1900 et le physicien Émile Mathias devient secrétaire la même année200. Cette forte implication des astronomes fait de l'établissement savant de la cité garonnaise un relais important du Bureau Central Météorologique. Benjamin Baillaud distribue les consignes et répercute les exigences de l'institution parisienne. Il demande ainsi au préfet du département en juillet 1903 d'accroître « le nombre réel des observateurs d'orages [qui] ne dépasse pas quarante ». L'astronome rappelle également que le « Bureau Central Météorologique attache la plus grande importance » aux « bulletins concernant les phénomènes de la végétation201 ». Baillaud loue le zèle des agents de l'État dans leurs relevés quotidiens. Il souligne en 1905 que « les observations des orages ont été faites par un très grand nombre d'instituteurs et par un bon nombre de préposés de l'administration des Eaux et Forêts202 ». Les efforts sont consacrés par un système de récompenses distribuant aux plus méritants médailles honorifiques et ouvrages203.
83La Commission météorologique départementale met en jeu à la fois la subordination du personnel de l'État et la discipline scientifique. L'idéal républicain s'incarne dans cette double exigence et diffuse ses valeurs en imposant des distinctions méritocratiques.
84La visibilité savante de l'observatoire de Toulouse ne l'empêche pas de se fondre dans cette organisation. Les astronomes de la cité garonnaise relaient fidèlement les demandes du Bureau Central sans jamais énoncer leurs propres prescriptions. L'institution parisienne retire à l'observatoire de Toulouse l'autorité qu'il avait sur son service météorologique. Elle détache artificiellement l'analyse du climat du champ de compétence de l'établissement astronomique et déploie un vaste réseau d'observateurs grâce aux Commissions départementales.
85La météorologie toulousaine s'émancipe administrativement en se plaçant sous l'autorité d'une nouvelle institution scientifique très prescriptive. Cependant, la distinction qui s'opère entre l'étude de l'atmosphère et les autres recherches menées au sein de l'observatoire ne repose pas sur une divergence des pratiques et des méthodes. Le général Fabre et les physiciens Angot et Teisserenc de Bort, auteurs du rapport préparant le décret du 14 mai 1874, ont beau jurer que l'astronomie et la météorologie « différent profondément204 » dans leurs modes opératoires, qu'elles n'ont « aucune relation scientifique205 » entre elles, les deux disciplines restent, à la fin du xixe siècle, dans la cité garonnaise, organisées autour d'une mécanisation accrue et d'une même discipline des observateurs.
86Le magnétisme terrestre, autre domaine de la physique du globe, se structure davantage en marge des réformes institutionnelles et projette son champ d'étude hors de l'établissement astronomique.
Campagnes magnétiques
87Benjamin Baillaud décrit en 1895, dans une communication à l'Académie des sciences de Toulouse, « l'organisation du service magnétique à l'observatoire206 ». Il explique que l'état de santé chancelant de Théodore Chauvin, premier enseignant de la faculté des sciences nommé à la tête de ce secteur, ne lui a permis de faire que « quelques graduations des instruments enregistreurs [...] de 1886 à 189 0207 ». Émile Mathias lui succède en 1893 et installe « dans le jardin de l'Observatoire, sur la direction du méridien géographique, un pilier, dans le but de faire des déterminations absolues des éléments du magnétisme terrestre208 ». Le physicien commence ses premières mesures d'« inclinaisons magnétiques », armé d'une « boussole du Bureau des Longitudes, prêtée depuis 1873 à l'Observatoire de Toulouse209 ». Les réglages de l'instrument nécessitent des interruptions prolongées du service, d'autant que le Bureau des Longitudes réclame son bien en 1897 et oblige Émile Mathias à utiliser « un théodolite-boussole de voyage » appartenant à « l'École Normale Supérieure210 ».
88De plus, « au commencement de 1904, le pilier servant aux observations magnétiques a été transporté [.] dans les nouveaux terrains placés au nord de l'Observatoire ». Entouré « d'une cabane hexagonale en bois percée de fenêtres dans toutes les directions », ce pilier « est situé à environ 100 mètres de la méridienne et à plus de 70 mètres du toit de l'Observatoire proprement dit », ce qui constitue pour le physicien un éloignement suffisant de ces grandes « masses de fer211 ». Les instruments enregistreurs sont placés « dans une cave du corps du bâtiment principal de l'Observatoire212 », avant d'être déménagés à leur tour, pour être eux aussi soustraits à l'influence perturbatrice des structures métalliques. Faute de subsides, la nouvelle cave ne peut être bâtie en pierre et prend finalement la forme d'un pavillon magnétique en bois.
89Ces multiples vicissitudes retardent le fonctionnement régulier du service qui ne peut faire des « mesures régulières et ininterrompues213 » des différents éléments magnétiques qu'à partir de 1900.
90Comme pour les autres activités au sein de l'observatoire, le chef de service est assisté de plusieurs aides. Il dispose dans un premier temps d'un personnel spécifique qu'il choisit parmi ses étudiants et fait venir à Jolimont, « MM. Salles et Fitte214 ». Puis, le service magnétique se fond peu à peu dans l'organisation générale de l'établissement astronomique et l'on retrouve la traditionnelle circulation des aides astronomes ou des auxiliaires. Émile Mathias rapporte en 1902 que « le service des mesures absolues, confié alternativement et mensuellement à MM. Rossard et Besson a fonctionné d'une façon satisfaisante ». Le physicien se charge lui-même d'initier ses collaborateurs au maniement délicat des instruments magnétiques et discipline leurs gestes. Les « précautions spéciales » qu'il a « enseignées à ses assistants215 » en 1901 permettent de réduire les irrégularités autrefois fréquentes. Le Bureau Central Météorologique n'est pas indifférent à cette collecte d'informations et Éleuthère Mascart prévient Benjamin Baillaud, dès 1880, que l'institution dont il a la charge « a pensé qu'il était nécessaire de coordonner les observations magnétiques faites en France ». Le physicien assure que « l'Observatoire de Toulouse est tout indiqué pour collaborer à ces travaux » et signale très fermement qu'il exigera bientôt « une série d'observations magnétiques216 ». Le Bureau Central Météorologique semble pourtant renoncer assez rapidement à cette coordination nationale des relevés magnétiques. Dans son rapport remis en juin 1903 à l'institution parisienne, l'hydrographe Anatole Bouquet de la Grye reconnaît que les « observations magnétiques [.] ont été troublées partout par les lignes de tramways électriques217 », ce qui réduit leur intérêt. Cette proximité des transports urbains contraint d'ailleurs Benjamin Baillaud à envisager en 1904 un déplacement complet des équipements magnétiques vers Cadour, « chef lieu de canton de la Haute Garonne à 46 kilomètres de Toulouse ». Si ce projet n'aboutit pas, l'isolement de cette localité ne laissait pas craindre « qu'une ligne de Tramway électrique puisse s'en approcher218 ».
91Parallèlement aux mesures de magnétisme terrestre effectuées régulièrement dans l'enceinte et dans le sous-sol de l'observatoire, Émile Mathias mène une série de campagnes magnétiques dans la région toulousaine et le sud-ouest de la France. Il ébauche au préalable une réflexion sur la cartographie magnétique et la manière adéquate de tracer sur le plan des données relevées sur le terrain. Nous l'avons déjà évoqué pour Vidal, les cartes magnétiques portent au xixe siècle l'inclinaison et la déclinaison magnétiques, ainsi que la constante horizontale. Les travaux de Arthur W. Rûcker et T. E. Thorpe sur les îles Britanniques 219 dans les années 1880, constituent les plus récentes tentatives de cartographie magnétique dont s'inspire Émile Mathias220. Lorsqu'il envisage de « faire une étude détaillée du magnétisme terrestre dans la région de Toulouse et de résumer cette étude dans des cartes appropriées221 », le physicien toulousain conçoit la difficulté de sa démarche. Il souligne que « les composantes du magnétisme terrestre, à un moment donné, dépendent de la position du point du globe considéré, savoir : de ses coordonnées géographiques, longitudes et latitude, et aussi de l'altitude ». Chacun des éléments magnétiques varie « non seulement d'une année à l'autre, d'un jour à l'autre, mais encore à tous les instants ». Il est donc nécessaire d'avoir recours à « des conventions complémentaires [.] pour rendre possible la représentation dans un plan d'un phénomène qui dépend pour le moins de trois variables indépendantes222 ». Le physicien toulousain assure qu'il n'est pas possible de rendre compte des variations quotidiennes des éléments magnétiques. Une première solution consiste à déterminer pour chacun d'entre eux « une moyenne diurne », la « moyenne des moyennes diurnes de tous les jours d'un mois fournit la moyenne mensuelle ». Émile Mathias explique que la moyenne « des moyennes mensuelles des deux mois consécutifs décembre et janvier, qui ont le même nombre de jours [.] est par définition ce que l'on appelle : la déclinaison au 1er janvier ». Le relevé de « tous les points d'une région [de] la déclinaison au 1er janvier d'une certaine année » permet « sur une carte représentative de la région [de] joindre par un trait continu tous les points de la surface du sol qui ont une même déclinaison223 ». Il faut « au moins trois cartes distinctes » pour reporter graphiquement les isogones de la déclinaison, de l'inclinaison et de la composante horizontale. Toutefois, cette méthode ne convient pas à Émile Mathias qui considère que « de pareilles cartes sont assez malaisées à construire parce que de nombreuses mesures absolues qu'elles supposent ne peuvent être faites que dans un espace de temps assez considérable qui embrasse généralement plusieurs années à cause de la nécessité de n'opérer que pendant la belle saison. Comment, de ces déterminations faites à des jours, des heures, des années différents, déduire la valeur moyenne des éléments magnétiques au 1er janvier d'une même année » s'interroge le physicien de l'observatoire toulousain. Émile Mathias reprend la méthode « donnée par Lamont, le savant directeur de l'Observatoire de Munich ». Il la détaille de la manière suivante :
Supposons que la déclinaison D d'un lieu X ait été mesurée [...] à une certaine heure moyenne, cette heure étant l'heure locale de l'endroit X. Soit D' la décli-nation en un certain observatoire magnétique A à la même heure, celle-ci étant évaluée en temps local de l'endroit A ; les déclinaisons D et D' se correspondent, car l'expérience prouve que les courbes fournies par les enregistreurs de localités, même assez éloignées, ont pour ainsi dire les formes identiques [...] si on les rapporte au temps local224.
92Le physicien de la cité garonnaise propose donc de procéder de cette manière pour la déclinaison, l'inclinaison et la composante horizontale « dans les futures cartes magnétiques de la région de Toulouse225 ». Mathias choisit « l'Observatoire de Toulouse226 » comme point de référence.
93On mesure donc combien le rapport dialectique entre le terrain et la carte est ici plus lointain qu'un simple report fidèle sur le papier de données mesurées lors du déplacement. Les indications fournies par les instruments sont passées au filtre du calcul pour être représentées graphiquement. La carte elle-même fige une situation virtuelle et présente une recomposition mathématique complexe des informations récoltées en chaque point d'observation.
94L'établissement astronomique toulousain est le point de départ des campagnes magnétiques qu'entreprend Émile Mathias après avoir conçu sa méthode cartographique. Comme les premières expéditions de Frédéric Petit l'avaient montré, les déplacements savants doivent se plier aux formes administratives et aux impératifs financiers. Benjamin Baillaud mobilise en 1897 les Conseils généraux du « Tarn et Garonne, Gers, Lot, Lot et Garonne » pour qu'ils viennent « en aide » aux expéditions menées dans leurs départements. Le directeur expose l'étude entreprise par
95Mathias sur les « éléments magnétiques du bassin de la Garonne » et souligne que la recherche d'éventuelles « anomalies magnétique se rattache à l'étude géologique de la région, puisque ces anomalies proviennent à l'ordinaire de roches magnétiques situées plus ou moins profondément227 ». La traduction du projet d'Émile Mathias à destination des élus insiste sur la géologie, qui n'apparaît pas comme un objectif prioritaire du physicien, mais qui semble être, pour Baillaud, un élément décisif pour convaincre les Conseils généraux. Ces derniers se montrent diversement réceptifs à cette invitation. Les représentants du département du Gers refusent de participer « aux frais de voyage [des] deux observateurs228 » toulousains, en arguant d'un budget insuffisant. Le Conseil général du Lot accorde « une subvention de 100 fr.229 ». Le directeur de l'établissement savant de la cité garonnaise cherche toutes les sources de financement possibles, assurant partout que la campagne magnétique de Mathias « entraînera des dépenses sensibles que le budget de l'observatoire ne peut faire entièrement230 ». Benjamin Baillaud s'adresse aux dirigeants de l'Association française pour l'avancement des sciences (AFAS). Fondée en 1872, au début de la IIIe République, cette structure souhaite « affirmer une nouvelle alliance du pouvoir avec les scientifiques et les milieux industriels231 ». Marinette Solais souligne le rôle important de l'Association dans le soutien financier aux recherches savantes : « Des scientifiques convaincus de la nécessité d'expérimenter dans leurs disciplines ont trouvé en l'AFAS une interlocutrice capable de les écouter et de répondre à leurs demandes financières232. » Le directeur de l'observatoire de Toulouse sollicite auprès du secrétaire général de l'Association « une subvention [de 500 francs] pour l'étude du magnétisme terrestre dans le bassin de la Garonne et la région des Pyrénées233 ».
96Benjamin Baillaud organise également le périple des observateurs à travers les contrées visitées et facilite leurs déplacements. La Compagnie des chemins de fer du Midi refuse de donner « un permis de circulation » pour Mathias malgré « l'intérêt scientifique234 » du projet de cartographie magnétique. En revanche, le physicien toulousain de la cité garonnaise bénéficie du soutien des agents de l'État ou des représentants politiques des territoires traversés. L'administrateur des forêts du département du Gard indique que « la place ne manque pas pour coucher235 » à l'Observatoire du Mont Aigoual. De la même manière, le sénateur de la circonscription de Saint Rome dans l'Aveyron, souligne qu'« il n'y a pas d'auberge [...] où l'on ne puisse convenablement coucher » dans la localité, mais offre en revanche sa « modeste hospitalité236 ». En retour, Émile Mathias ne manque pas de saluer, dans l'introduction du volume d'Annales consacré au magnétisme, la prodigalité de l'AFAS et la généreuse hospitalité des « personnes amies de la science237 » qu'il a rencontrées dans ses pérégrinations.
97Le physicien commence ses premières mesures dans des stations « prises à peu près à égale distance de Toulouse », puis « pendant les années 1895 et 1896 », il visite « cinquante-deux localités appartenant à la Haute-Garonne, au Gers, au Tarn-et-Garonne, au Tarn, aux Hautes-Pyrénées et à l'Ariège238 ». Enfin, à partir de 1900, Mathias mène plusieurs campagnes dans le Lot239. Les données ont été récoltées « à l'aide de deux boussoles de voyage construites par Brunner240 » et prêtées par le « laboratoire de physique de l'École normale supérieure ». Les lieux d'observation sont sélectionnés avec soin. Les relevés magnétiques exigent un éloignement complet de toute installation artificielle. « La plupart des mesures ont été faites en dehors de la ville, loin des maisons isolées, des routes, des fils télégraphiques, des voies ferrées, des ponts suspendus et des champs de vigne ; le plus souvent, on s'installait dans un pré », explique Émile Mathias.
98Le maniement des instruments n'est pas réservé, dans ces campagnes magnétiques, au seul chef de service. Le physicien rappelle qu'il a été aidé « dans [l]es premières mesures, par un excellent observateur : M. Fitte, préparateur à la Faculté des sciences, [s]on assistant à l'Observatoire et [s]on élève ». Mathias se réserve « les observations faites au théodolite-boussole » et confie à son aide « la boussole d'inclinaison de voyage dont le maniement si délicat lui était devenu tout à fait familier241 ». Toutefois, la manipulation des instruments par les auxiliaires reste exceptionnelle. Le physicien toulousain souligne bien que son étudiant s'est plié à l'ascèse de la répétition pour parvenir aux gestes corrects. De plus, lors de la deuxième campagne en 1898, Mathias signale qu'il a « fait les mesures [lui]-même, [s]on assistant, M. Pierre Dejean, ayant pour unique fonction de tenir le carnet et d'enregistrer les lectures242 ». L'auxiliaire est ici ramené à sa place habituelle, dans l'ombre du chef de service, se contentant de transcrire les chiffres, sans toucher les outils scientifiques. Émile Mathias note malgré tout, dans sa campagne avec Fitte, que l'alternance des observateurs profite à la qualité des données. Plus exactement, elle permet de limiter l'influence de l'expérimentateur et discipline sa tentation à lire les données intimement souhaitées.
Nous nous servions mutuellement d'assistant et tenions alternativement le carnet, en sorte que l'observateur ne pouvait suivre des yeux l'allure des chiffres qu'il trouvait dans le cours d'une observation, écrit le physicien toulousain. J'ai toujours tenu à prendre des précautions contre l'espèce d'auto-suggestion qui se produit toujours quand on observe et qu'on prévoit ou cherche à vérifier un certain résultat.
99Dans les expéditions, l'attention au corps est bien plus grande qu'au sein de l'observatoire. Éprouvé, exténué, l'organisme ne joue plus le rôle d'un récepteur transparent et calibré. Les tourments du voyage, les efforts consentis affaiblissent le corps, réduisent les sens, affectent l'attention. La tension musculaire et la fébrilité des membres altèrent les mesures. Émile Mathias explique :
La fatigue survenant nécessairement au bout d'un nombre suffisant de jours, [j'ai] trouvé intérêt à faire, dans le cours de la belle saison [...] plusieurs expéditions partielles d'une ou deux semaines, séparées par des repos. Lorsqu'on est fatigué, la précision des observations diminue beaucoup et on ne sait plus sur quelle approximation compter. Lorsque la fatigue devient extrême, l'observateur non prévenu reporte sur les éléments magnétiques les effets de la nervosité qui est en lui et a invinciblement l'idée qu'une perturbation magnétique l'empêche d'observer243.
100S'il ne peut vaincre l'épuisement, le physicien doit apprendre à gérer l'abandon de ses forces. L'expédition suppose une éducation, une habitude, une incorporation de savoirs tacites. Soumis à l'épreuve de la déambulation savante, l'observateur s'attarde sur lui-même, sur les troubles de son organisme, davantage qu'au sein de l'établissement astronomique. Alex Soojung-Kim Pang assure d'une manière très semblable, à propos des expéditions auxquelles participe Elizabeth Campbell de l'observatoire de Lick au début du xxe siècle :
If the boundary between hearth and workplace was still ill defined at the Lick because of its peculiar combination of frontier and scientific culture, in the field, where the pressures of work were intense and the margin for error nonexistent, it disappeared completely244.
101Les lettres transmises par Mathias à Benjamin Baillaud au cours des campagnes magnétiques ne sont pas seulement d'austères comptes rendus chiffrés. Les événements de la vie quotidienne, les difficultés rencontrées, nourrissent les missives envoyées au directeur de l'observatoire. Elles illustrent la spécificité des expéditions au cours desquelles la pratique scientifique ne se réduit pas à l'énoncé de mesures relevées, mais s'expose comme une activité éprouvante et se traduit en termes familiers. Mathias relate, en août 1899 la traversée du Quercy : « La chaleur a été torride, le cheval était épuisé tant par elle que par les côtes terribles qu'il a eu à monter ». Avec ses assistants, compagnons d'infortune jetés sur les chemins brûlants et escarpés des Causses, il doit parcourir de longues distances pour mener à bien son travail :
À la fin, l'un de nous trois marchait devant le cheval pour l'entraîner et l'exciter et les deux autres poussaient derrière lorsque la côte était trop rude et que le cheval refusait d'avancer. Notre position la plus critique a été une côte de Labastide de Murat (alt. 447 m). Ce jour, assure Mathias, nous avons fait 50 km., nous nous sommes couchés à minuit et nous étions debout le lendemain à 5h. du matin. Mais après nous étions fourbus et le cheval encore plus que nous245.
102Les obstacles et les périls, tout autant que la lassitude, brisent les liens hiérarchiques et forgent des relations fraternelles. Le physicien ne cesse de faire l'éloge, lors de cette expédition dans le Quercy, de son nouvel aide, Jean Moulonguet. Il loue son « dévouement sans borne, [ses] prévenances à l'endurance, et aussi [.] [s] a gaîté246 ». Mathias assure à Benjamin Baillaud : « Il a droit à nos compliments ; je crois qu'il les a bien mérités247 ».
103Point de départ de l'expédition, l'observatoire est aussi le point de retour. Il incarne le « centre de calcul » décrit par Bruno Latour248, dans lequel les éléments récoltés sont assemblés et recomposés. Le sociologue assure :
Dès qu'une inscription profite des avantages de l'inscrit, du calculé, du plat, du dépliable, du superposable, de ce que l'on peut inspecter du regard, elle devient commensurable avec toutes les autres, venues de domaines de la réalité jusque-là complètement étrangers249.
104De retour à l'observatoire, le physicien restitue sur la carte et par le calcul, le paysage magnétique. Il s'agit « de conserver le maximum de formes et de forces à travers le maximum de transformations, de déformations, d'épreuves250 ». La tentation est forte de lisser les erreurs, de réduire artificiellement les anomalies, de domestiquer les extravagances par le jeu du calcul. Émile Mathias précise à Benjamin Baillaud en 1906, dans les ultimes étapes de la rédaction du volume d'Annales récapitulant toutes les expéditions, qu'il a « fait [s]es calculs en toute conscience [.] et sans rien truquer251 ». En proie au doute et face aux incohérences qu'il peine à expliquer, le physicien se demande s'il a « bien fait de prendre autant de localités252 ». La tâche est difficile de ramener à la carte tous les mouvements magnétiques. Dans son effort pour retranscrire la complexité des phénomènes physiques, Mathias reconnaît à demi-mot qu'il a peut-être été présomptueux.
105Le physicien de l'observatoire n'est pas soumis au dogme productiviste qui règne dans les coupoles. En marge des activités dominant la vie savante de l'établissement toulousain, délaissée par le Bureau Central Météorologique, l'étude du magnétisme s'organise autour des projets définis par Mathias. Celui-ci déploie dans cette pratique ses propres conceptions et utilise les données amassées durant les campagnes pour poursuivre ses « recherches personnelles253 ». Il reconnaît en 1907, avoir cherché « une méthode [...] sous l'emprise des idées qu'[il a] développées à propos de l'utilisation des Cartes magnétiques ». Son but avoué est de trouver la « loi de distribution régulière254 » des éléments magnétiques.
106À l'écart des pratiques astronomiques et de leur haut rendement, la recherche magnétique toulousaine se construit en dehors de l'observatoire et fonde un laboratoire de terrain en même temps qu'une culture de l'expédition. Toutefois, si le magnétisme et la photographie émergent timidement comme des domaines d'expérimentation ou de relative liberté de travail, cela ne doit pas cacher la formidable pression qui s'exerce dans la plupart des activités savantes pour alimenter le flux de données. Le projet de la Carte du ciel constitue à cet égard le parangon du fonctionnement industriel de l'établissement astronomique toulousain.
L'entreprise de la Carte du ciel
107Le projet initié à Paris par le contre-amiral Mouchez en 1887, destiné à cartographier la voûte céleste, se noue autour de deux contradictions qui établissent les lignes de force d'une opération scientifique de grande ampleur dans le temps et dans l'espace. L'entreprise de la Carte du ciel s'inscrit dans une thématique astronomique classique 255 qui consiste à inventorier « l'univers perceptible256 » en exploitant une technologie récente, la photographie. D'autre part, le programme établi par le directeur de l'observatoire de Paris prône une indispensable collaboration internationale, tout en visant à célébrer les succès de la science nationale dans un contexte très fortement concurrentiel. La mise en œuvre de la cartographie céleste dans les observatoires français de la fin du xixe siècle, repose sur une application stricte et totale des principes qui gouvernent la pratique astronomique depuis l'avènement de la IIIe République.
108La division du travail s'impose dans la répartition des zones du ciel à examiner entre les différents établissements. Au sein de chaque observatoire, la distribution des tâches est également définie avec soin et s'ordonne selon un agencement spatial que détermine la répartition des différents outils techniques utilisés.
109La masse de calculs, le flot de données à traiter, deviennent trop importants et à Toulouse comme ailleurs, le directeur crée un service de statistiques composé d'un calculateur, d'un bureau des dames et d'une myriade d'auxiliaires.
110L'enchevêtrement des hiérarchies, la démultiplication des tâches et la fondation d'un bureau de calculs poussent à son paroxysme le désir mimétique d'une organisation du travail savant, calquée sur celle du monde industriel.
Élaborer le projet, découper le ciel, distribuer le travail
111Ernest Mouchez, directeur de l'observatoire de Paris de 1878 à 1892, scrute avec attention les développements technologiques de la photographie. Il rappelle dans une communication à l'Académie des sciences en 1887, que « l'idée d'appliquer la Photographie à la reproduction des corps célestes est née le jour même [de] la grande découverte de Niepce et Daguerre257 ». Outre les propositions d'Arago en 1839, Mouchez souligne l'importance des travaux de Fizeau et Foucault obtenant « une excellente photographie du Soleil en 1/60 de seconde », la qualité des expérimentations menées par William C. Bond 258 et surtout la précision des essais de Warren de la Rue à l'Observatoire de Kew en Angleterre259. Surtout il s'attarde longuement sur les plus récentes tentatives d'associer la photographie à l'inventaire des objets célestes. Il remarque notamment que « le Dr. Gill, l'habile et si actif directeur de l'observatoire du Cap, obtient avec un petit appareil la plus belle photographie de comète et d'étoiles qu'on ait encore vue260 ». Mouchez n'ignore rien non plus des préoccupations de Jules Janssen qui, à la fin des années 1870, « s'est occupé plus spécialement dans son observatoire de Meudon, de la photographie du Soleil261 ». La technique photographique émerge peu à peu dans le champ de la science astronomique. Le directeur de l'établissement parisien souhaite l'intégrer au plus vite aux pratiques développées au sein de l'observatoire. Baillaud remarque en 1879 que « Ch[arles] Wolf et son assistant Guénaire » installent « pour la première fois [...] un laboratoire photographique262 ». Pour optimiser son fonctionnement, le contre-amiral Mouchez s'appuie sur l'expérience des opticiens nancéens Paul et Prosper Henry, appelés à l'observatoire de Paris en 1865. La position de ces deux savants dans la communauté astronomique française est indéniablement atypique. Pratiquant l'astronomie, ils entretiennent également un rapport direct à la technique et s'attachent à élaborer leurs propres outils pour l'observation. Mouchez ne manque pas de relever cette singularité et explique :
Suivant les traditions, trop abandonnées [...] des grands astronomes des siècles passés qui s'occupaient eux-mêmes de la construction de leurs instruments, ils consacraient depuis longtemps, dans leur modeste atelier de Montrouge, tous les moments de liberté que leur laissait leur service très actif à l'observatoire de Paris, à l'étude de la taille et du polissage des grands verres d'optique.
112Le directeur de l'observatoire de Paris s'émerveille des qualités complémentaires dont font montre les Henry, qui développent « l'harmonie d'aptitudes un peu différentes et très heureusement associées ». L'astronome loue leur ascèse et leur ténacité, semblables à celles d'un observateur assidu : « une volonté énergique et un travail persévérant qu'aucune distraction ne venait jamais troubler ne pouvaient manquer de leur assurer un succès bien mérité ». Usant d'un vocable peu courant pour évoquer les astronomes de la fin du xixe siècle, Mouchez assure qu'« ils étaient devenus en quelques années les plus habiles artistes de France et leur notoriété n'était pas moins grande à l'étranger263 ».
113C'est donc dans un « modeste atelier » où œuvrent d'« habiles artistes » que s'ébauchent les premiers équatoriaux photographiques permettant par la suite le déploiement d'une entreprise scientifique de grande ampleur et l'application d'une discipline industrielle.
114Les frères Henry fabriquent dans un premier temps un « objectif de 0,16 m achromatisé pour les rayons chimiques264 ». En 1885 avec le soutien de Mouchez, ils élaborent la partie optique d'« un grand appareil photographique spécial de 0,33 m d'ouverture » dont Paul Gautier crée « la partie mécanique265 ». L'astronome parisien s'enthousiasme devant les qualités de l'outil confectionné qui dépasse « de beaucoup tout ce qui a été fait jusqu'ici en France ou à l'étranger pour la photographie des étoiles266 ». Mouchez s'empare de l'instrument et l'associe immédiatement à un programme précis :
Faire [...] en quelques années et à l'aide du concours d'une dizaine d'observatoires, convenablement répartis sur la surface du globe, la carte complète de la voûte céleste, comprenant non seulement les 5 000 à 6 000 astres visibles à l'œil nu, mais aussi les millions d'étoiles, jusqu'aux plus faibles, visibles seulement avec les plus puissants instruments267.
115Il est très difficile de savoir comment l'astronome parisien est venu, à partir de la prouesse technique des frères Henry, à concevoir cette entreprise de cartographie céleste. Il est possible que l'émulation avec l'observatoire du Cap de Bonne Espérance ait été décisive. Avant que le deuxième équatorial de Paul et Prosper Henry soit construit, le directeur de l'établissement astronomique sud-africain, David Gill, avoue être inquiet à l'idée d'adjoindre « a photographic department to the Observatory, and to produce a complete series of photographic maps [...] of the southerne Heavens268 ».
116Mouchez forge un programme scientifique pour répondre aux questions qu'il juge centrales dans l'astronomie de la fin du xixe siècle. Il s'agit pour l'astronome parisien d'élaborer une œuvre scientifique dépassant les travaux antérieurs et préparant les recherches futures. Il assure :
Cette carte donnera [...] la possibilité d'étudier la distribution des étoiles dans l'espace, c'est-à-dire la constitution de l'univers visible ; les célèbres jauges par lesquelles les deux Herschel avaient tenté de les classer par régions et grandeurs, à l'aide de leur grand télescope, se trouveraient du coup bien dépassées et rendues inutiles.
117Mouchez imagine la Carte du ciel comme une entreprise testamentaire, illustrant les exigences de perfection de l'astronomie qu'il pratique. Le directeur de l'établissement savant parisien jure devant l'Académie en 1887 que la Carte « léguera aux siècles futurs l'état du Ciel à la fin du xixe siècle avec une authenticité et une exactitude absolue269 ».
118Ridiculisant les tentatives passées, et promis à la gloire, l'inventaire céleste tel que l'envisage le contre-amiral Mouchez doit s'appliquer au domaine de prédilection de la science des astres en France : l'« Astronomie Mathématique ». Le directeur de l'observatoire de Paris note que la photographie a surtout été utilisée pour reproduire « l'aspect des astres » et très peu pour « la détermination de leur position270 ». La « géographie du Ciel271 » que propose Mouchez implique, selon lui, « une transformation complète272 » des pratiques astronomiques et l'ouverture d'« une nouvelle ère pour cette science273 ».
119Le rôle de l'observateur est totalement bouleversé. Les dispositifs photographiques déplacent l'astronome et réduisent les manipulations des instruments. L'anatomie humaine ne permet pas l'examen d'étoiles, « l'œil étant ébloui [...] par d'innombrables et brillants grains de poussière274 ». La sensibilité du cristallin n'est en rien comparable avec celle de la plaque photographique qui enregistre fidèlement et distinctement « plusieurs centaines d'étoiles peu différentes en grandeur, parfaitement définies275 », là où l'observation directe ne permet de voir qu'une masse compacte d'objets célestes. L'astronome quitte donc le foyer de l'instrument et se contente d'examiner les clichés à l'aide d'un microscope qui met à sa portée la précision photographique. Les frères Paul et Prosper Henry ont donc conçu « un appareil de mesure ou Macro-Micromètre ». Il se compose « d'un chariot glissant sur deux rails horizontaux276 ». Ce système mobile « porte un plateau circulaire sur lequel peuvent être fixées les épreuves dont on veut effectuer les mesures. [.] Ce plateau est destiné à la mesure de l'angle de position des étoiles photographiées277 ». Un microscope, placé au-dessus, « peut être déplacé horizontalement dans une direction perpendiculaire au mouvement du chariot ». L'objet permet d'obtenir une précision « vraiment remarquable278 », assure Mouchez. L'astronome n'observe donc plus directement, dans la coupole. L'examen du ciel est déplacé et différé. Le directeur de l'observatoire de Paris souligne que l'équatorial photographique permet « de transporter [...] l'image de la voûte céleste dans le cabinet de travail ». Les clichés reproduits se démultiplient à l'infini et circulent entre les observateurs, sans qu'ils aient eu à manipuler l'astrographe.
120Mouchez insiste sur l'inflexion profonde qu'engendre la photographie dans la pratique astronomique :
Il ne sera plus nécessaire de disposer de grands et coûteux instruments, ni de se fatiguer à passer des nuits à les manœuvrer ; il ne sera plus nécessaire de se transporter [...] : toutes ces opérations se trouveront transformées en une étude au microscope, faite à loisir, commode, facile, sans frais aucun279.
121Précision et mécanisation président donc au projet imaginé par le contre-amiral Mouchez. Délaissant l'observation directe, l'astronome se concentre sur la mesure et le calcul, aidé par la technique.
122L'entreprise se veut ambitieuse. Inventaire gigantesque, la Carte du ciel doit, selon Benjamin Baillaud, permettre de donner « en un petit nombre d'années, de dix à vingt ans au maximum, les positions précises de plus de deux millions d'étoiles280 ». Les objectifs à terme sont quantifiés et se fondent parfaitement dans un régime de pratiques qui s'organise autour de la production de données et l'accumulation de résultats. Le projet bâti par Ernest Mouchez répond également aux prétentions républicaines quant à la vitalité de la science française. La Carte du ciel poursuit et prolonge les efforts déjà consentis dans le redéploiement de l'astronomie sur le territoire national à partir de 1872. Surtout, une telle entreprise permet de prendre position dans une compétition scientifique internationale très âpre. Benjamin Baillaud souligne que c'est à la France que revient « la gloire de l'initiative281 » de cette cartographie céleste. Le contre-amiral Mouchez, devant l'Académie en 1887, s'alarme des diverses ambitions étrangères qui pourraient saisir la photographie comme instrument d'une possible domination savante. L'observateur parisien rappelle qu'« un éminent astronome des États-Unis vient de publier une Notice dans laquelle il dit que la Photographie astronomique est une science exclusivement américaine. Sans compter les importants travaux exécutés en Angleterre282 ». Les autorités politiques, mobilisées par Mouchez, pourvoient aux dépenses que nécessitent l'installation des équatoriaux photographiques dans les observatoires français et le développement des clichés produits. Baillaud, dans son Histoire de l'astronomie stellaire de position, rédigée quarante ans après les débuts de la Carte du ciel, insiste sur cette munificence financière, « toute à l'honneur du gouvernement français283 ». Cependant, l'orgueil national se heurte inévitablement à l'ampleur de la tâche proposée par Mouchez. Le vœu a d'abord été exprimé par les astronomes, « que la France exécute seule la Carte du ciel ». Le directeur de l'observatoire de Paris remarque que cette option aurait été envisageable si tous les établissements savants n'étaient pas regroupés sur le territoire métropolitain mais répartis dans les « colonies équatoriales ou australes, telle que la Guyane ou le Sénégal, Taïti, la Nouvelle-Calédonie, la Réunion284 ». Mouchez assure, de plus, que la principale difficulté d'une réalisation strictement française réside dans l'insuffisance du « personnel285 » d'observation. Le directeur de l'établissement parisien soutient donc l'idée d'une « féconde et cordiale entente286 » internationale pour inventorier la voûte céleste. Baillaud dénoue cette contradiction entre l'ambition scientifique française et l'indispensable coopération entre pays, en martelant qu'« un français est toujours fier de voir son pays travailler à l'Union des peuples287 ».
123Le contre-amiral Mouchez entreprend donc de rassembler les astronomes susceptibles de participer à son projet. Il contacte en juin 1885 d'abord « la Société Royale astronomique de Londres288 », puis les directeurs des observatoires de Harvard, Londres, Rio de Janeiro et Poulkovo, pour leur exposer l'entreprise de la Carte du ciel289. L'accueil est plutôt favorable. David Gill au Cap propose d'ajouter la construction « d'un catalogue astrophotographique290 » et demande à Ernest Mouchez de coordonner une conférence internationale291. Celle-ci se tient à Paris en 1887 et rassemble cinquante-six membres dont trente-sept étrangers292. Les délégués français représentent l'Académie des sciences, l'observatoire de Paris, ainsi que ceux de Bordeaux, Alger et Toulouse293. Après une semaine d'intenses discussions, l'objectif affiché est « de constater l'état général du ciel à l'époque actuelle [et] d'obtenir des données qui permettront de déterminer les positions et les grandeurs de toutes les étoiles jusqu'à un ordre donné de grandeur294 ». L'observatoire de Paris est désigné comme l'épicentre d'un réseau de dix-huit établissements répartis sur tout le globe. Une Commission internationale permanente et un Comité exécutif sont chargés d'organiser les préparatifs indispensables à la levée de la Carte du ciel295. La Commission se réunit régulièrement pour affiner le projet et fixer les modes opératoires.
124Dès 1888, David Gill s'inquiète du « partage du Ciel entre les [...] observatoires participant au travail ». L'astronome du Cap de Bonne Espérance souligne l'importance de cette question qui, si elle n'est pas tranchée, ne permettra pas « de terminer la construction d'un seul instrument ni de dessiner le châssis de la plaque sensible296 ». William H. Christie, directeur de l'observatoire de Greenwich, propose une première « distribution du travail » des différents établissements. Il insiste pour que « nul n'ait à photographier des zones d'une distance zénithale inférieure à 12° environ297 ». Le savant britannique note que l'imparfaite distribution des institutions astronomiques sur le globe induit une inégale charge de travail : « les observatoires de l'hémisphère austral moins nombreux que ceux de l'hémisphère boréal, devront faire, chacun, un plus grand nombre de clichés298 ». La Commission internationale fixe définitivement en 1891 les zones de déclinaison distribuées à chaque observatoire. Toulouse doit scruter l'espace compris entre + 10° et + 5° de déclinaison299. Les établissements sont invités à commencer leur examen de la voûte céleste dès l'été 1891.
125La cartographie du ciel organise à l'échelle du monde la division des tâches qui domine la vie des établissements astronomiques. La pratique savante est décomposée, le processus observationnel, fractionné.
126Projetée au cœur de l'observatoire de Toulouse, l'entreprise de la Carte du ciel entraîne un bouleversement des services et accentue encore le morcellement des tâches.
127Le catalogue « des positions précises des étoiles jusqu'à la onzième grandeur300 » est confié à Dominique Saint Blancat qui manie la lunette méridienne. Il s'agit pour l'observateur de « mesurer l'instant de passage de chaque étoile au Sud, et sa hauteur au-dessus de l'horizon à cet instant301 ». Benjamin Baillaud remarque que la construction de ce répertoire stellaire « donnant les positions précises de toutes les étoiles du ciel jusqu'à la onzième grandeur302 » surpasse les réalisations antérieures. Le directeur de l'observatoire toulousain fixe un objectif quantitatif à Dominique Saint Blancat qui doit repérer « 3 600 étoiles303 ». La deuxième opération consiste donc à photographier la zone céleste réservée à Toulouse.
128Comme nous l'avons vu précédemment, l'État fournit les subventions nécessaires à l'achat de l'astrographe. Cet instrument est précisément défini lors des différentes réunions de la Commission internationale permanente. Le modèle adopté et strictement répliqué pour l'ensemble des observatoires engagés dans la Carte du ciel, doit avoir une « ouverture de l'objectif [...] de 0,33 m et [une] distance focale d'environ 3,43 m de sorte qu'une minute d'arc soit approximativement représentée par un millimètre304 ».
129L'installation de l'astrographe modifie la géographie de l'observatoire de Toulouse et étend l'archipel des coupoles. Le dôme et l'instrument sont installés en 1889. L'introduction de ce nouveau service transforme également les éléments architecturaux du bâtiment principal. Baillaud explique en 1891 que la partie jusque-là réservée à l'observation a été démolie, et le nouveau volume ainsi dégagé « a été distribué en vue de l'installation d'un grand laboratoire photographique pour les travaux de la Carte du ciel, de salles de travail pour les astronomes et de salles de collection pour [...] les clichés305 ». L'ensemble est achevé en 1895306. Henri Andoyer dirige les opérations relatives à la photographie stellaire, secondé par
130Louis Montangerand307. Lorsque le premier est nommé à la faculté des sciences de Paris en 1892, le second dirige seul le service. En 1896, Baillaud remarque l'« extrême habileté » à laquelle Montangerand est parvenu dans « l'obtention des clichés308 ». Comme l'avait indiqué Mouchez, les images recueillies sur les plaques sont ensuite examinées sur des appareils spécifiques construits par Paul Gautier. L'instrument se compose d'un socle en fonte muni, dans sa partie supérieure, « de deux glissières sur lesquelles glissera une pièce inclinée de 45 degrés, cette pièce portera elle-même deux glissières sur lesquelles glissera le support à mouvement circulaire où sera posé le cliché à mesurer ». Un « microscope à grand champ309 » permet d'examiner les plaques.
131Le directeur de l'observatoire de Toulouse décrit en 1902 la méthode pour repérer les étoiles et calculer leur position. Le cliché « porte un quadrillage provenant de l'impression photographique [...] les traits centraux, dans les deux directions rectangulaires, sont pris pour axes de coordination310 ». À l'aide du microscope, et en utilisant la mesure de son pas de vis, l'observateur parvient à déterminer la position des étoiles. Ce travail de « réduction » fonde un nouveau service au sein de l'établissement toulousain, consacré à la « statistique311 ». D'abord confié à Henry Bourget312, ce secteur est ensuite pris en main par Louis Montangerand à partir de 1907313.
132La quantité d'étoiles à mesurer, la multitude d'opérations mathématiques à développer, interdisent aux seuls astronomes de mener à bien l'ensemble de l'entreprise. Le flot de chiffres et d'équations qui envahit et submerge l'observatoire est donc détourné vers un centre de calculs conçu par Benjamin Baillaud. Ce dernier souligne que dès 1886, le contre-amiral Mouchez proposait « la création d'un atelier de femmes pour mesurer les clichés314 ». Le personnel de l'observatoire s'étoffe et se féminise. La Carte du ciel organise ainsi à Toulouse une distribution hiérarchique et genrée des tâches calculatoires.
Administrer les calculs : le genre et l'économie du chiffre
133La Conférence internationale de 1889 soutient l'idée de Mouchez visant à fonder un espace spécifiquement dédié à l'examen des plaques photographiques. Elle « affirme l'utilité de créer un Bureau des mesures ou bien un petit nombre de pareils Bureaux, pour le cas où des observateurs ne pourraient pas faire leurs mesures eux-mêmes315 ». À Toulouse, Benjamin Baillaud avait déjà tenté d'installer « un petit bureau de calcul » pour « les planètes316 », mais le projet n'est finalement réalisé qu'avec la Carte du ciel. Le nombre considérable de clichés à traiter oblige le directeur de l'observatoire à alléger le travail des astronomes occupés dans leur coupole, en confiant l'examen des plaques à un nouveau service entièrement consacré à la statistique. Le « bureau pour la mesure des clichés photographiques et les calculs correspondants [est] organisé en avril 1895317 ». Il est, dans un premier temps, « pourvu de deux appareils à chacun desquels travaillent simultanément deux dames318 ». À partir de 1903, « il y a trois appareils en fonction319 ». Les effectifs féminins du service statistique augmentent rapidement. En 1899, les mesures sont effectuées par « Mme Salles [...], Mlle Lallemand, Pons, Vaudein, Sudrès et Joucla320 ». En 1904, « le bureau des mesures astrophotogra-phiques a été composé de Mme Salles, Mlles Lallemand, Pons, Vaudein, Sudrès et Joucla321 ». Benjamin Baillaud tente d'introduire une certaine stabilité dans le personnel du service statistique. Les plus anciennes calculatrices obtiennent le titre d'« employés » et deviennent des « fonctionnaires de l'Observatoire de Toulouse322 » à partir de 1899. Madame Salle et Mesdemoiselles Pujol, Lallemand et Pons, sont les premières femmes à intégrer officiellement l'organigramme de l'établissement astronomique de la cité garonnaise323. Par la suite Mesdemoiselles Vaudein et Prunet intègrent le personnel permanent du bureau de mesures. Des auxiliaires féminines employées occasionnellement complètent les ressources humaines de ce service de l'observatoire de Toulouse. La tâche des opératrices est double car « les réductions relatives aux coordonnées sur les plaques sont faites par les personnes mêmes qui ont mesuré les clichés324 ».
134La masse de calculs est telle que Benjamin Baillaud sépare l'analyse photographique des travaux de réduction, et instaure un nouveau service. En 1906, le représentant du ministre de l'Instruction Publique et l'ingénieur délégué par la ville, rapportent, après leur inspection annuelle, qu'« un bureau de calcul pour le catalogue astrophotographique a été installé dans la salle qui sert de bibliothèque325 ». Bien qu'établi dans le même bâtiment que le bureau des mesures, ce nouvel espace consacré aux calculs de réduction est distinct et s'organise selon une logique propre. En effet, si l'examen des plaques nécessite l'usage d'appareils de lecture particuliers, équipés de microscopes, le travail de statistique n'est soumis à aucune contrainte technique et peut donc s'effectuer hors des murs de l'observatoire. Le bureau de calcul comprend donc des femmes installées dans l'établissement savant et des opérateurs mixtes travaillant chez eux. Ce service est entièrement composé d'auxiliaires qui, de la même manière que les assistants œuvrant dans les coupoles sont distingués « du personnel régulier326 », même si certains sont « employés à peu près continuellement327 ».
135Le traitement des données collectées pour la Carte du ciel bouleverse totalement l'organisation des activités au sein de l'observatoire. Les astronomes continuent à effectuer des calculs et des mesures, mais ils délèguent une bonne part de ces tâches à de nouveaux services statistiques qui accentuent encore la division du travail. Surtout, la création d'un bureau des mesures et d'un bureau de calculs marque une inflexion profonde dans le recrutement du personnel de l'observatoire, strictement masculin jusqu'ici.
136L'introduction d'employées et d'auxiliaires féminines au sein de l'établissement astronomique toulousain s'inscrit dans une logique plus globale de féminisation du travail de bureau qui « est un phénomène commun à l'ensemble des sociétés capitalistes avancées328 ». La pratique calculatoire n'est pas propre aux observatoires et concerne de nombreux services administratifs et comptables. Dans cette perspective, les opératrices de l'institution savante méridionale participent au mouvement massif de féminisation des emplois de bureau329. Delphine Gardey souligne que « l'entrée des premières femmes dans les bureaux » d'un établissement commercial ou dans les bureaux de poste repose « sur une double condition : les liens familiaux avec le "patron" de l'affaire, un niveau d'éducation suffisant pour exécuter les travaux d'écriture et de calcul qu'impose cette fonction330 ». Le recrutement des calculatrices toulousaines correspond globalement à ce schéma, même si la recommandation ou le jeu des connaissances communes se substituent aux relations parentales. Toutefois, Benjamin Baillaud, de la même manière qu'il emploie son fils dans la coupole, fait également travailler sa fille, Madeleine, comme auxiliaire au Bureau des calculs331.
137Le degré d'instruction est très souvent mis en avant par les candidats aux travaux routiniers de mathématiques que requiert la Carte du ciel. Madame Boistel écrit à Benjamin Baillaud, le 12 septembre 1905, qu'elle vient d'apprendre qu'il donne « des calculs à faire à des femmes ». Elle souligne qu'elle a « une assez grande aptitude pour tout ce qui touche aux mathématiques332 ». De la même manière, Albertine Bousquet souhaite être admise « comme dame employée aux calculs » et indique qu'elle possède « une bonne instruction primaire333 ». Les diplômes permettent de préciser les aptitudes, d'indiquer les compétences. Marguerite Latapie assure au directeur de l'observatoire en mai 1900 qu'elle a « obtenu le brevet élémentaire en 1896 [et] le certificat d'études supérieures en 1898334 ».
138Les postulantes tentent d'obtenir les recommandations les plus diverses, de mobiliser leurs réseaux personnels et de rappeler au directeur des relations plus ou moins proches. Mademoiselle Joucla signale, en septembre 1899, qu'elle lui a remis, un mois auparavant, « une demande apostillée par Mr. Ournac, Sénateur », dans laquelle elle sollicitait « quelques travaux à faire335 ». Le parlementaire est régulièrement sollicité pour fournir des lettres d'introduction. Il rédige en août 1908 une missive à l'intention de Baillaud dans laquelle il recommande à sa « bienveillance » une jeune ariégeoise, « Mademoiselle Brunnel336 ». Les candidates n'ignorent rien des ramifications familiales du directeur de l'observatoire et mentionnent soigneusement les liens qu'elles peuvent avoir avec un des parents de l'astronome. Ainsi, l'imprimeur et libraire toulousain Edouard Privat est-il le gendre de Benjamin Baillaud. Mademoiselle Bergès, à la fin de l'année 1899, écrit au directeur de l'observatoire pour trouver un emploi. Elle l'informe qu'elle a « été encouragée par Madame Privat dont [il] connaî[t] la bonté et le dévouement337 ». Les relations mises en exergue par les postulantes sont parfois plus lointaines et distendues, mais elles leur permettent d'associer leur trajectoire à une personne connue et appréciée de l'astronome. La moindre relation commune est soulignée pour faciliter les contacts. Marie Lallemand souhaite obtenir quelques travaux de calculs et écrit à Baillaud en janvier 1896 :
J'espère qu'en souvenir de mon frère Pascal Lallemand qui a été votre élève [...] vous voudrez bien accueillir ma demande et y donner suite lorsque l'occasion se présentera338.
139L'introduction d'employées féminines dans l'univers du bureau constitue une rupture importante dans la conception du travail : « l'ordre des sexes, l'ordre social est bouleversé339 », note Delphine Gardey. Poursuivant les analyses de Suzan Bachrach 340 et de Desley Deacon341, l'historienne note l'émergence dans le monde des employés de « jeunes femmes [...] dont les valeurs ne sont pas favorables au travail féminin », mais « contraintes au travail par le hasard de la vie342 ». Nombreuses sont les candidates aux travaux de calculs de l'observatoire qui font état de revers de fortune ou d'une situation familiale brusquement dégradée. La famille de « Mlle Molinari [.] autrefois dans l'aisance » est au début de l'année 1899 « très malheureuse » et a « grand besoin pour se relever du travail de cette jeune fille343 ». Mademoiselle Rapas explique à Benjamin Baillaud, en avril 1900, comment sa trajectoire personnelle a été ternie :
Il y a deux ans, j'étais institutrice dans une famille de Béziers. Une maladie de ma mère veuve depuis longtemps m'a obligée à quitter ces fonctions et rappelée à Toulouse, car sa fille seule pouvait lui donner les soins que comporte son état. Depuis lors, j'ai dû, par nécessité, rechercher un modeste emploi dans un magasin de la ville et la Dame très honorable qui m'occupe ne peut me donner que de très minimes appointements344.
140En soutenant la famille, en assurant la subsistance de leurs parents, les calculatrices participent à cette « valorisation de l'idéologie domestique » qui « permet à des femmes d'assumer la contradiction entre le fait de travailler et les valeurs du groupe345 », opposées à l'activité féminine. À l'inverse des employées de bureau décrites par Delphine Gardey, les opératrices de l'observatoire ne sont pas obligées d'abandonner leur travail parce qu'elles sont mariées. Si la plupart des calculatrices toulousaines sont célibataires, plusieurs d'entre elles vivent en couple, comme Madame Salle, Madame Lucie ou Madame Lombrail, sans renoncer à leurs fonctions dans l'établissement savant.
141Malgré tout, le bouleversement des valeurs de la petite bourgeoisie est considérable. Le travail féminin y est mal perçu et « doit s'accompagner d'un certain nombre de garanties », parmi lesquelles « la ségrégation spatiale des femmes dans les bureaux346 » joue un rôle important. L'organisation des activités de mesure et de calculs nécessaires à l'achèvement de la Carte du ciel contourne cette difficulté. Qu'il s'agisse du bureau d'examen des clichés ou du bureau de la statistique, installés dans le bâtiment principal de l'observatoire, aucun n'emploie des hommes, ni comme fonctionnaires, ni comme auxiliaires. Le personnel masculin, astronomes et calculateurs, qui encadre ces travaux calculatoires, n'est pas installé au même endroit. Enfin, le travail à domicile des auxiliaires féminines constitue un compromis acceptable pour la petite bourgeoisie, puisque les jeunes opératrices ne quittent pas leur foyer, tout en obtenant une rémunération. Les seuls calculateurs masculins employés par l'observatoire effectuent également leurs tâches chez eux. Il existe donc une séparation nette et matérielle entre les sexes qui ne se côtoient que de très loin au sein de l'établissement savant et dont les éventuels rapprochements sont justifiés par des relations hiérarchiques. Les auxiliaires masculins sont bien moins nombreux que leurs collègues féminines. Leurs situations personnelles et leurs motivations pour tirer quelques subsides de cette activité restent toutefois proches des calculatrices. Les déchéances sociales sont souvent à l'origine des démarches entreprises par les hommes pour effectuer des séries d'opérations chez eux. Hervé Jacquemin assure en 1904, qu'il était « officier dans la marine de commerce », mais que « des raisons familiales [lui] ayant fait abandonner cette carrière, [il se] trouve dans l'obligation de chercher de nouveau une situation347 ». Richard Lescuderot est lui aussi victime d'une « suppression d'emploi » et demande « quelques petits travaux à faire chez [lui] ». Il souligne sa « situation de père de famille348 », dans l'obligation de nourrir ses enfants.
142Les services d'examen des clichés et de calculs sont respectivement dirigés par l'astronome Henry Bourget et le calculateur Paul Caubet. Le premier organise et supervise l'activité des opératrices. Dans son rapport de l'année 1904, il explique avoir « été chargé, comme par le passé, de la surveillance du Bureau des mesures349 ». L'observateur incarne l'autorité hiérarchique dans son service, mais il existe également une distinction tacite au sein des calculatrices chargées de relever la position des étoiles sur les clichés. En effet, l'une d'entre elles, Madame Salle, est priée en février 1908 par ses collègues de demander au directeur « si les congés des jours gras auront lieu comme à l'ordinaire Lundi, Mardi et Mercredi. Plusieurs désirant quitter Toulouse s'ils ont lieu, voudraient le savoir afin de prévenir à temps du moment de leur arrivée à l'endroit où elles ont l'intention de se rendre350 ». Porte-parole désignée du bureau des mesures, Madame Salle est mise en avant par Baillaud à l'occasion du Congrès des sociétés savantes de 1899. Lors de sa communication sur le fonctionnement du service astrophotographique toulousain, l'astronome rappelle que la jeune femme est « la fille de Frédéric Petit, le premier directeur de l'observatoire351 ». Madame Salle, par son ascendance particulière, occupe donc une place privilégiée au sein du petit groupe des opératrices occupées à mesurer les clichés.
143Le service de calculs, avec le bureau installé dans l'établissement astronomique et les auxiliaires disséminés dans leurs logements, est encadré par Paul Caubet. Le parcours de ce calculateur attitré de l'observatoire est atypique. Le recteur Claude-Marie Perroud a suivi son cursus avec intérêt :
Berger jusqu'à douze ans, puis brillant élève au collège de Saint Gaudens, au lycée de Montauban, au lycée de Toulouse, pourvu dès lors de deux baccalauréats, il était à la tête de la classe spéciale quand il fut arrêté net par une crise [...] cérébrale. Quand il s'en fut remis, trois ans étaient écoulés, l'âge des concours était passé.
144Perroud s'émeut du sort ingrat réservé au jeune homme et lui trace une carrière parallèle, avec l'aide de son ami le directeur de l'établissement astronomique toulousain. Il nomme Paul Caubet répétiteur, puis « Baillaud l'a pris comme assistant ». Inscrit à la faculté des sciences, il obtient sa licence en mathématiques et parvient à gagner, en août 1899, une place de « calculateur titulaire352 » à l'observatoire. Caubet qui dirige le service statistique doit « donner des instructions aux auxiliaires » et s'« assurer si dans les réductions, il ne trouvait pas d'erreurs353 ». Comme pour Henry Bourget, son rôle d'encadrement est envisagé à la fois dans sa dimension organisatrice et directrice. Benjamin Baillaud explique, lors de la visite annuelle en mars 1899, que « les développements [du] service des calculs qui s'effectuent en partie hors de l'observatoire exigent qu'il soit sous la direction d'une personne qui ait de l'autorité et sur laquelle on puisse compter354 ». Caubet a donc la main mise sur l'ensemble des auxiliaires, mais au sein de l'établissement astronomique, il délègue en partie ses fonctions à une calculatrice, Armandine Vaudein. Lors de l'inspection en 1906, les représentants du ministre de l'Instruction Publique et de la municipalité remarquent qu'« un bureau de calcul pour le catalogue astrophotographique a été installé dans la salle qui sert de bibliothèque, Mlles de la Taule, Sabatier et Vaudein y travaillent sous la responsabilité de cette dernière355 ».
145Au service des mesures comme à celui de la statistique, les fonctions dirigeantes officielles sont aux mains du personnel masculin. La hiérarchie divise le personnel selon le genre et relègue les femmes dans les rôles subalternes, en reproduisant le système patriarcal. Cependant, certaines calculatrices parviennent, dans l'ombre et sans aucun titre de reconnaissance, à conquérir des positions intermédiaires par l'influence relative qu'elles exercent sur leurs collègues féminines. Les emplois de l'observatoire réservés aux femmes les cantonnent aux tâches rappelant les techniciens décrits par Steven Shapin356. Surtout, elles n'entrent pas dans les coupoles, ne manipulent pas les instruments d'optique et n'observent pas. Elles sont astreintes au maniement des chiffres et à la répétition d'opérations routinières. Cet écart entre les hommes et les femmes ne peut s'expliquer par une différence de qualification. Certaines opératrices ont des diplômes comme nous l'avons vu, alors que Rossard et Besson n'en ont pas.
146Naomi Oreskes propose une interprétation stimulante de l'inégal traitement réservé aux femmes dans les travaux scientifiques. Elle assure que « the invisibility of women's contributions is enmeshed with the question of why some kinds of scientific work are more valued and honored than others357 ». Le travail effectué par les femmes américaines dans les domaines scientifiques « fit conventional notions of objectivity ». Naomi Oreskes explique que « in the physical sciences in the first half of the twentieth century, women were routinely engaged in a wide variety of highly quantitative analytical and numerical work — a type of work that has often been portrayed as emblematic of scientific objectivity358 ». Toutefois, l'historienne démontre que l'objectivité n'est pas la valeur centrale de la science et défend la thèse « that women have done scientific work, but have had their work obscured or devalued by ideology of scientific heroism — an ideology that has been particularly manifest in the history of the field sciences359 ». Naomi Oreskes souligne que les savants utilisent le registre sémantique de l'héroïsme pour valoriser leurs recherches, en particulier lors des expéditions. Or, « the image of the scientist engaged in a heroic quest is less obviously related to images of successful masculinity in European culture360 ».
147Ces réflexions recoupent en partie nos interrogations sur l'absence des femmes dans les coupoles toulousaines. On peut émettre l'hypothèse que l'héroïsme de l'expédition est la forme accentuée d'une vision masculine de l'acte d'observer, associé à la force physique et à la puissance musculaire.
148Mademoiselle Fouilloux, une calculatrice auxiliaire, parvient en septembre 1900 à faire accepter son jeune frère à « l'essai [...] comme assistant » d'Henry Bourget. Ce dernier rend compte à Benjamin Baillaud des capacités du jeune homme après une nuit d'examen céleste au grand télescope : « je doute qu'il puisse convenir à cet emploi [...], dans la coupole ses forces sont tout à fait insuffisantes : il ne peut déplacer ni ouvrir les trappes361 ». Trop frêle, l'auxiliaire est congédié sur le champ. Les astronomes sélectionnent donc la personne apte à manier les instruments selon leur vigueur. Parallèlement, les savants conçoivent des dispositions féminines totalement opposées. Jean Mascart, directeur de l'observatoire de Lyon, veut souligner, en 1916, « le rôle important que peut jouer la femme dans la science [.] en apportant, dans les travaux de longue haleine, une méthode, un soin méticuleux et une patience extrême, qualités qui deviennent de plus en plus indispensables à l'élaboration de recherches de quelque importance362 ». L'astronome associe le travail des femmes à des aptitudes féminines très précises associant la minutie à l'attention, le calme à la discipline. Le vocabulaire qu'utilise Guillaume Bigourdan en 1912, pour louer l'activité d'Armandine Vaudein, œuvrant sous sa direction au Bureau des Longitudes après avoir quitté Toulouse en 1909, révèle cette tendance à caractériser la tâche des opératrices par des termes censés recouper des qualités typiquement féminines. Il assure que la jeune femme « est une très habile calculatrice, armée du meilleur esprit. On lui donne des travaux délicats dont elle s'acquitte parfaitement363 ».
149Les travaux calculatoires liés à la Carte du ciel tracent les contours d'une division genrée où la perception masculine de l'activité savante assigne aux femmes des tâches subalternes et supposées correspondre à leurs qualités intrinsèques. La manipulation des chiffres dans cette organisation complexe du traitement des données, met également à jour l'existence d'un système économique dans lequel se déploient les valeurs capitalistes.
150William J. Ashworth a mis en évidence ce marché du chiffre dès le début du xixe siècle en Angleterre. Il souligne notamment que « the growth of capitalist system required ever greater precise organization within both the physical and socio-economic world364 ». L'historien ajoute :
The astronomer's values of vigilance, patience, precision and calculation sat nearly with commercial values of probity, punctuality and prudence. It was in this context that astronomical visibility met economic visibility through the stare of calculating eye365.
151Les modes de rémunération des auxiliaires de calculs de la cité garonnaise assignent à l'opération mathématique une valeur marchande. Les prix sont indexés sur la difficulté de l'acte calculatoire à exécuter. Ainsi, les « relevés et additions concernant 17500 positions du catalogue de Toulouse », effectués par Madame Lombrail en 1899, sont payés « 0,01366 » franc de l'heure, alors que les statistiques des clichés menés par Mademoiselle Brunel à l'automne 1900, qui mettent en œuvre des multiplications, sont rémunérées à hauteur de « 0,60367 » franc l'heure. Certains auxiliaires tentent de négocier le prix de ces tâches de routine et s'élèvent contre la faiblesse des prix proposés. Colamies écrit à Benjamin Baillaud en 1901, pour lui signaler que les calculs de réduction sur lesquelles il s'acharne « exigent des logarithmes. Le prix ord [inaire] de 0f. 10 n'est pas dans ce cas rémunérateur368 ».
152Le marché du chiffre, tel qu'il se structure autour de l'observatoire de Toulouse est délocalisé, flexible, instable et précaire. Les astronomes insistent auprès des auxiliaires sur le fait que « les calculs n'[ont] rien de fixe ni de régulier369 ». La main-d'œuvre et la masse d'opérations s'ajustent selon la loi de l'offre et de la demande. Madame Lucy explique à Henry Bourget en septembre 1900, qu'elle a besoin de travail car elle a « un paiement à faire en Novembre » et doit assumer de « très lourdes charges370 ». Quatre ans plus tard, Baillaud demande à la calculatrice s'il peut compter sur elle, car il pense avoir « dans une quinzaine de jours des calculs très pressés371 ».
153Andrew Warwick a montré comment l'usage des machines à calculer émerge à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle en Angleterre. Il assure :
The very utility calculation in Victorian commerce meant that the rare gift of outstanding mental calculator was discarded in favor of techniques that could be made more reliable and universal. In order to establish a still more robust technology of calculation, the late-Victorians turned to precision engineering372.
154La mécanisation industrielle des opérations mécaniques s'étend peu à peu aux espaces savants373. L'observatoire de Toulouse s'ouvre lui aussi au début du xxe siècle à cette nouvelle technologie. Les relevés des travaux de réduction soulignent l'usage d'un « arithmomètre » pour construire des tables « de variation séculaire374 ».
155L'industrie du calcul développé pour la cartographie céleste prend de plus en plus d'importance dans la vie de l'établissement astronomique et le système économique qu'elle engendre séduit les autres services. En 1902, Benjamin Baillaud met ainsi à la disposition d'Émile Mathias les « calculateurs de l'observatoire375 » pour absorber le volume considérable d'opérations mathématiques nécessaires pour réduire les relevés des campagnes magnétiques.
156Les calculs de la Carte du ciel transforment totalement l'organisation du personnel de l'observatoire et marquent l'entrée d'opératrices féminines dans l'espace savant de la cité garonnaise. Parallèlement, la manipulation des chiffres s'ordonne selon l'ordre économique capitaliste et tend à se mécaniser.
Notes de bas de page
1 Benjamin Baillaud, Mes Souvenirs, op. cit., p. 56-57.
2 Ibid.., p. 57.
3 Simon Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », art. cité, p. 115-145.
4 David Aubin, « The Fading Star of the Paris Observatory in the Nineteenth Century Astronomer's Urban Culture of Circulation and Observation », art. cité, p. 86.
5 S. Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », art. cité, p. 119.
6 AMT, 7Z 2, B. Baillaud, Projet d'organisation des observatoires astronomiques des départements, 1906.
7 S. Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », art. cité, p. 122.
8 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 280.
9 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Observatoires astronomiques de province, année 1880, Paris Imprimerie Nationale, 1881, p. 14.
10 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. XXIX Rapport sur les observations astronomiques de province 1887, Paris Imprimerie Nationale, 1888, p. 32.
11 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. VIII Rapport sur les observations astronomiques de province 1882, Paris Imprimerie Nationale, 1883, p. 12.
12 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état et le fonctionnement de l'Observatoire de Toulouse en 1890, 14 mars 1891.
13 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 284.
14 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. LVI Rapport sur les observations astronomiques de province année 1893, Paris Imprimerie Nationale, 1894, p. 41.
15 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état actuel de l'observatoire et sur les travaux exécutés en 1889, 18 mars 1890.
16 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. LXX Rapport sur les observations astronomiques de province année 1897, Paris Imprimerie Nationale, 1898, p. 41.
17 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état actuel de l'observatoire et sur les travaux exécutés en 1889, 18 mars 1890.
18 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. XCVI Rapport sur les observations astronomiques de province année 1907, Paris Imprimerie Nationale, 1908, p. 54-56.
19 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 283.
20 Ibid., p. 284.
21 AMT, 2R 95, Lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 23 décembre 1892.
22 Benjamin Baillaud assure en 1890 que Dominique Saint Blancat, affecté à la méridienne, « a remplacé accidentellement M. Cosserat » à l'équatorial Brunner. Il y a fait « 9 observations de la comète Brooks et une soixantaine de mesures d'étoiles doubles » (B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XLIII, Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1890, Paris Imprimerie Nationale, 1891, p. 41).
23 AMT, 2R 126, Émile Besson, Service à l'observatoire de mai 1892 à mai 1900, 30 mai 1900.
24 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud aux observateurs, 7 janvier 1896.
25 Dominique Saint Blancat, « Deuxième Catalogue de Toulouse rapporté à l'équateur et à l'équinoxe de 1900,0 », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique de Toulouse, T. VIII, 1912, p. x.
26 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud aux observateurs, 20 mars 1905.
27 David Pontille aborde précisément cette question de la signature scientifique dans son ouvrage La signature scientifique. Une sociologie pragmatique de l'attribution, Paris Éditions du CNRS, 2004, 200 p.
28 AMT, 2R 112, Henry Bourget, Rapport annuel, 10 novembre 1904.
29 AMT, 2R 112, Dominique Saint Blancat, Rapport sur les travaux effectués du 1er novembre 1901 au 31 octobre 1902, 4 novembre 1902.
30 S. Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », art. cité, p. 121.
31 AMT, 7Z 2, B. Baillaud, Projet d'organisation des observatoires astronomiques des départements, 1906.
32 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud aux astronomes adjoints, 16 mars 1905.
33 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud au personnel de l'observatoire, 7 janvier 1903.
34 AMT, 2R 126, Lettre de Dominique Saint Blancat à Benjamin Baillaud, 14 mai 1900.
35 AMT, 2R 128, B. Baillaud, Ordre de service de Monsieur Louis Montangerand, 5 mai 1892.
36 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud aux astronomes adjoints, 7 janvier 1903.
37 AMT, 2R 129, Lettre de Benjamin Baillaud à Dominique Saint Blancat, 27 février 1902.
38 S. Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », art. cité, p. 118.
39 B. Baillaud, « Discussion d'observations d'étoiles doubles faites à l'Observatoire de Toulouse par MM. Andoyer, Baillaud, Cosserat, Montangerand, Saint Blancat », Bulletin de l'Académie des Sciences Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, T. I, 1897-1898, p. 167.
40 AMT, 2R 129, Lettre d'Henry Bourget à Benjamin Baillaud, 8 octobre 1900.
41 AMT, 2R 129, Lettre de Benjamin Baillaud à ses collaborateurs, 2 novembre 1903.
42 AMT, 2R 95, Frédéric Rossard, Rapport des travaux exécutés du 1er novembre 1899 au 1er novembre 1900.
43 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud à ses collaborateurs, 6 novembre 1902.
44 AMT, 2R 102, Lettre de Benjamin Baillaud à ses collaborateurs, 24 février 1895.
45 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud à ses collaborateurs, 2 janvier 1902.
46 S. Schlaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », art. cité, p. 119.
47 Bruno Latour et Steve Woolgar soulignent que « les circonstances (ce qui se trouve autour) ont généralement été considérées comme sans rapport avec la pratique de la science. Notre argument, poursuivent les sociologues, peut se résumer en une tentative de montrer qu'elles lui sont liées [...] nous allons jusqu'à affirmer que la science est entièrement le produit de circonstances, qui plus est, c'est précisément par des pratiques spécifiques et localisées que la science paraît échapper à toutes les circonstances » (Bruno Latour, Steve Woolgar, La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques, Paris La Découverte, 1988, « Sciences et société », p. 255). Latour et Woolgar s'inspirent eux-mêmes du concept de circonstance développé par Michel Serres (La Distribution, Hermès IV, Paris Éditions de Minuit, l977, 290 p.).
48 A. E. Clarke, J. H. Fujimura, « Quels outils ? Quelles tâches ? Quelle adéquation ? », art. cité, p. 21.
49 Jerome Ravetz, Scientific Knowledge and Its Social Problems, Oxford Clarendon Press, 1971, 449 p.
50 Harry C. Collins, Changing order. Replication and Induction in Scientific Practice, Londres, Los Angeles Sage, 1995, p. 100.
51 S. Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and the Personal Equation », art. cité, p. 118.
52 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport présenté à Monsieur le Ministre de l'Instruction Publique, des Beaux-Arts et du Culte, sur les travaux exécutés en 1892, 18 mars 1893.
53 AMT, 2R 129, Lettre de Benjamin Baillaud à ses collaborateurs, 7 décembre 1904.
54 AMT, 2R 129, Lettre de Louis Montangerand à Benjamin Baillaud, 9 décembre 1904.
55 F. Boquet, Les observations méridiennes, T. I Instruments et méthodes d'observation, Paris Octave Doinet Fils, 1909, p. 33.
56 Ibid.., p. 33-34.
57 Ibid., p. 34.
58 B. Baillaud, Cours d'astronomie. Première partie, op. cit., p. 192.
59 Ibid., p. 194.
60 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 282.
61 Ibid., p. 281.
62 Ibid., p. 282.
63 Ibid., p. 281.
64 AMT, 2R 129, Lettre de Dominique Saint Blancat à Benjamin Baillaud, 2 mai 1901.
65 AMT, 2R 95, Dominique Saint Blancat, Instrument méridien, 1892.
66 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 282.
67 D. Aubin, « The Fading Star of the Paris Observatory in the Nineteenth Century Astronomers' Urban Culture of Circulation and Observatory », art. cité, p. 86.
68 Henri Andoyer, Cours d'astronomie. Seconde partie, Paris Librairie scientifique A. Hermann et fils, 1909, p. 62.
69 Randall C. Brooks, « The development of micrometers in the seventeenth, eighteenth and nineteenth centuries », Journal for the History of Astronomy, vol. 22, part. 2, n° 68, mai 1991, p. 160.
70 Ibid., p. 168.
71 D. Saint Blancat, « Introduction », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique de Toulouse, T. IV, 1901, p. iv.
72 Ibid., p. v.
73 Maurice Loewy, « Sur l'effet des erreurs instrumentales dans la détermination du tour de vis », Extrait des Comptes rendus de l'Académie des Sciences, T. C, séance du 18 mai 1885, p. 1.
74 Ibid, p. 1-2.
75 Ibid., p. 2.
76 Ibid., p. 5-6.
77 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud à ses collaborateurs, 7 janvier 1896.
78 AMT, 2R 128, Lettre de Benjamin Baillaud à ses collaborateurs, 1er décembre 1902.
79 AMT, 2R 126, Lettre de Frédéric Rossard à Benjamin Baillaud, 23 juillet 1900.
80 AMT, 2R 129, Lettre de Louis Montangerand à Benjamin Baillaud, 8 avril 1907.
81 AMT, 2R 129, Lettre de Frédéric Rossard à Benjamin Baillaud, 7 septembre 1902.
82 AMT, 2R 112, Henry Bourget, Rapport annuel 1903-1904.
83 AMT, 2R 129, Maurice Loewy, Cercle méridien du jardin. Procédé Opératoire employé pour effectuer nos lectures de cercles, 1906.
84 AMT, 2R 140, Cercle méridien du jardin. Procédé Opératoire employé pour effectuer nos lectures de cercles, 4 octobre 1906.
85 Heinz Otto Sibum, « Reworking the Mechanical Value of Heat Instruments of Precision and Gestures of Accuracy in Early Victorian England », Studies in History and Philosophy of Science, vol, 26, n° 1, 1995, p. 73-106.
86 Ibid., p. 103.
87 AMT, 2R 126, Jean Carrère, Notice individuelle, 1906.
88 AMT, 7Z 66, Journal de l'observatoire du 1er janvier 1887 au 6 novembre 1895.
89 AMT, 2R 138, Lettre de Paul Gautier à Benjamin Baillaud, 29 mai 1893.
90 AMT, 2R 92, Lettre d'Auguste Fénon à Benjamin Baillaud, 18 décembre 1895.
91 AMT, 2R 126, Jean Carrère, Notice individuelle, 1906.
92 AMT, 7Z 2, B. Baillaud, Projet d'organisation des observatoires astronomiques. Rapport présenté au Comité consultatif des observatoires des départements, 1906.
93 AMT, 2R 129, Lettre de Benjamin Baillaud au général Bassot, 18 mai 1904.
94 AMT, 2R 112, Jean Carrère, Rapport pour l'année 1900.
95 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 29 avril 1898.
96 AMT, 2R 112, J. Carrère, Rapport pour l'année 1900.
97 AMT, 2R 138, Lettre de Paul Gautier à Benjamin Baillaud, 24 novembre 1899.
98 AMT, 2R 112, J. Carrère, Rapport pour l'année 1900.
99 AMT, 2R 129, Lettre d'Henry Bourget à Benjamin Baillaud, s.d. [octobre 1906].
100 AMT, 2R 115, Henry Bourget, Rapport hebdomadaire du 15 novembre au 22 novembre 1903.
101 A. E. Clarke, J. H. Fujimura, « Quels outils ? Quelles tâches ? Quelle adéquation ? », art. cité, p. 21.
102 Maurice Loewy, « Rapport adressé par le Comité consultatif des observatoires de province à M. le Ministre de l'Instruction Publique », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. VIII Rapport sur les observatoires de province, année 1882, Paris Imprimerie Nationale, 1883, p. 3.
103 M. Loewy, « Rapport adressé par le Comité consultatif des observatoires de province à M. le Ministre de l'Instruction Publique », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XXV Rapport sur les observatoires de province, année 1881, Paris Imprimerie Nationale, 1882, p. 6.
104 Félix Tisserand, « Observations des taches du soleil faites à l'Observatoire de Toulouse en 1874 et 1875 », Compte rendu de l'Académie des Sciences, T. LXXXII, 3 avril 1876, p. 765.
105 F. Tisserand, « Observations des taches du Soleil », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique de Toulouse, T. I, 1880, p. 65.
106 Ibid., p. 65. Antoine d'Abbadie, qui visite l'observatoire de Toulouse en décembre 1876, s'étonne de ce procédé et écrit « on dessine les taches du [soleil] » (ACA, Notes astronomiques, constantes d'observatoires, expériences, notes diverses, séismes, [Manuscrit non daté], f° 18).
107 F. Tisserand, « Observations des taches du Soleil », art. cité, p. 65.
108 Ibid., p. 171.
109 Ibid., p. 65.
110 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XXXII Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1888, Paris Imprimerie Nationale, 1889, p. 38.
111 René Baillaud, Souvenirs d'un jeune toulousain (1885-1907), T. I, op. cit., p. 194.
112 Laetitia Maison, La fondation et les premiers travaux de l'observatoire astronomique de Bordeaux (1871-1906) histoire d'une réorientation scientifique, thèse pour le doctorat d'épistémologie et d'histoire des sciences, sous la co-direction de Jérôme De La Noë et de Jacques Gapaillard, université de Bordeaux I, 2004, f° 170.
113 Laetitia Maison a recensé les publications des observatoires de Bordeaux, Nice, Lyon, Meudon et Toulouse concernant les comètes. Elle note que « dans tous les cas, les comètes restent, au sein de la discipline astrométrique, les objets d'étude qui donnent lieu au nombre de publications le plus important » (ibid., f° 173).
114 Ibid., f 173.
115 Charles Delaunay, Rapport sur les progrès de l'astronomie, Paris Imprimerie Nationale, 1867, p. 10-11.
116 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 278.
117 Joseph Perrotin, « Découverte de la petite planète 163 », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 1er mai 1876, T. LXXXVI, p. 1007.
118 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XXIV Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1887, Paris Imprimerie Nationale, 1887, p. 31.
119 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XXVIII Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1889, Paris Imprimerie Nationale, 1890, p. 32-35.
120 Archives de l'Observatoire de Bordeaux, Copie des lettres, vol. V, Lettre de Georges Rayet au secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, 24 décembre 1893, f° 400, cité par L. Maison, op. cit., f° 170.
121 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. LVI Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1893, Paris Imprimerie Nationale, 1894, p. 43.
122 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. LVI Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1905, Paris Imprimerie Nationale, 1906, p. 57.
123 Henry Bourget, Louis Montangerand, B. Baillaud, « Sur la nébuleuse annulaire de la Lyre, d'après des observations faites à l'observatoire de Toulouse », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 31 juillet 1899, T. CXXIX, p. 265.
124 Ian Hacking, The Taming of Chance, Cambridge Cambridge University Press, 1990, p. 2.
125 AN, F17 3752, Comité consultatif des observatoires astronomiques de province, séance du 26 février 1880.
126 AMT, 2R 112, D. Saint Blancat, Service méridien. Rapport annuel sur les travaux effectués du 1er novembre 1904 au 31 octobre 1905.
127 D. Saint Blancat, « Deuxième catalogue de Toulouse », art. cité, p. ix.
128 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état actuel de l'Observatoire de Toulouse et sur les travaux accomplis depuis le 1er novembre 1902 jusqu'au 31 octobre 1903.
129 D. B. Hermann, op. cit., p. 38.
130 Jacques Lévy, « La contribution française au développement de la mécanique céleste au cours des trois derniers siècles », in Colloque sur le problème des N Corps, Paris CNRS, 1968, p. 17.
131 B. Baillaud, « Détermination des éléments des orbites des cinq satellites intérieurs de Saturne », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 8e série, T. VIII, 1885, p. 147.
132 Ibid., p. 147.
133 AASP, Dossier biographique de Benjamin Baillaud, Octave Callandreau, Rapport sur les travaux de M. Baillaud, directeur de l'observatoire de Toulouse, 2 février 1902.
134 A. Lambert, op. cit., p. 1.
135 AASP, Dossier biographique d'Eugène Cosserat, B. Baillaud, Rapport sur les travaux de M. Eugène Cosserat, 9 mars 1908.
136 C. Delaunay, op. cit., p. 3.
137 B. Baillaud, Exposition de la Méthode de M. Gylden pour le développement des perturbations des comètes, Thèses présentées à la Faculté des Sciences de Paris, Paris Gauthier-Villars, 1876, 46 p.
138 Gylden n'a cessé de remanier sa méthode. Pour une des dernières versions de ses calculs Hugo Gylden, « Theoretische Untersuchungen über die intermediären Bahnen der Cometen in der Nähe eines Störenden Körpers », Mémoires de l'Académie Impériale de Sciences de Saint-Pétersbourg, 7e série, T. XXXIII, n° 11, 1884, p. 1-23.
139 AASP, Dossier biographique de Benjamin Baillaud, Octave Callandreau, Rapport sur les travaux de M. Baillaud, directeur de l'observatoire de Toulouse, 2 février 1902.
140 B. Baillaud, « Sur une formule générale pour le développement de la partie principale de la fonction perturbatrice », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 31 octobre 1881, T. XCIII, p. 694-696 ; B. Baillaud, « Sur le développement de la fonction perturbatrice », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 4 juin 1883, T. XCVI, p. 1641-1643 ; B. Baillaud, « Une nouvelle formule générale pour le développement de la fonction perturbatrice », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 30 avril 1883, T XCVI, p. 1286-1289.
141 B. Baillaud, « Mémoire sur le développement de la fonction perturbatrice », Annales de l'Observatoire astronomiques, météorologique et magnétique de Toulouse, T. II, 1886, p. B37-B80.
142 AASP, Dossier biographique d'Henri Andoyer, Rodolphe Radau, Rapport sur les travaux de M. Andoyer, 24 novembre 1902. H. Andoyer, « Sur une équation différentielle que l'on rencontre dans les théories des orbites intermédiaires », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 25 mai 1887, T. CIV, p. 1425 1427 ; H. Andoyer, « Sur la longitude de la Lune », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 3 décembre 1900, T. CXXXI, p. 1288-1289 ; H. Andoyer, « Sur quelques inégalités de la longitude de la Lune », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique, T. III, 1899, p. B1-B33 ; H. Andoyer, « Sur quelques inégalités de la longitude de la Lune », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique, T. III, 1899, p. C1-C19.
143 A. Blondel, « Sur la théorie des marées dans un canal, application à la Mer Rouge », Annales de l'Observatoire astronomique et météorologique de Toulouse, T. IX, 1914, p. 1-52.
144 F. Tisserand, Traité de mécanique céleste, T. I Perturbation des planètes d'après la méthode de la variation des constantes arbitraires, Paris Gauthier-Villars, 1889, 486 p., T. II Théorie de la figure des corps célestes et de leur mouvement de rotation, 1891, 568 p., T. III Exposé de l'ensemble des théories relatives au mouvement de la Lune, 1894, 440 p., T. IV Théorie des satellites de Jupiter et de Saturne. Perturbations des petites planètes, 1896, 542 p.
145 F. Tisserand, Traité de mécanique céleste, T. IV Théorie des satellites de Jupiter et de Saturne. Perturbations des petites planètes, Paris Gauthier-Villars, 1896, p. v.
146 Andrew Warwick, « The laboratory of theory or what's exact about the exact sciences ? », in Norton Wise (ed.), The values of precision, Princeton Princeton University Press, 1995, p. 313.
147 A. J. Meadows, « The origins of astrophysics », in Owen Gingerich (ed.), op. cit., p. 3-16.
148 Stéphane Le Gars, Laetitia Maison, « Janssen, Rayet, Cornu trois parcours exemplaires dans la construction de l'astronomie physique en France (1860-1890) », Revue d'histoire des sciences, T. 59/1, 2006, p. 51-81. Voir également David Aubin, « Orchestrating Observatory, Laboratory and Field Jules Janssen, the spectroscope, and travel », Nuncius, Annali di storia della scienza, année 17, fascicule 2, 2002, p. 614-633.
149 S. Le Gars, L. Maison, « Janssen, Rayet, Cornu trois parcours exemplaires dans la construction de l'astronomie physique en France (1860-1890) », art. cité, p. 74-75.
150 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Observatoires astronomiques de province, année 1880, Paris Imprimerie Nationale, 1881, p. 14.
151 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état actuel de l'observatoire et sur les travaux effectués en 1889, 19 mars 1890.
152 B. Baillaud, Pour l'histoire de l'astronomie stellaire de position, s.l.n.d. [Toulouse, 1935], p. 1.
153 AMT, 2R 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 22 décembre 1892.
154 Ibid., 23 décembre 1892.
155 B. Baillaud, « Sur une épreuve photographique obtenue après neuf heures de pose à l'observatoire de Toulouse », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 13 octobre 1890, T. CXI, p. 519.
156 Henri Andoyer, Charles Fabre, « Sur l'emploi des plaques orthochromatiques en photographie astronomique », Compte rendu de l'Académie des Sciences, séance du 11 janvier 1892, p. 60.
157 Ibid., p. 61.
158 B. Baillaud, « Sur une épreuve photographique obtenue après neuf heures de pose à l'observatoire de Toulouse », art. cité, p. 520.
159 Henry Bourget, Photographie des nébuleuses et des amas stellaires, Paris Société Astronomique de France, 1900, p. 1.
160 AMT, 2R 112, H. Bourget, Rapport de l'année 1898.
161 H. Bourget, Photographie des nébuleuses et des amas stellaires, op. cit., p. 1.
162 Ibid., p. 3.
163 AMT, 2R 104, Lettre de Georges Rayer à Félix Tisserand, 24 juin 1873.
164 F Tisserand, « Observations météorologiques », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique de Toulouse, T. I, 1880, p. 175.
165 Ibid, p. 175-255, et « Observations météorologiques faites en 1876 », Annales de l'Observatoire astronomique, météorologique et magnétique de Toulouse, T. II, 1886, p. 169.
166 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 287.
167 AMT, 2R 95, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au ministre de l'Instruction Publique, 15 mars 1887.
168 Ibid., 23 décembre 1892.
169 B. Baillaud, « Notice sur l'état de l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 287.
170 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. LXXII Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1898, Paris Imprimerie Nationale, 1899, p. 53.
171 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XIV Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1883, Paris Imprimerie Nationale, 1884, p. 11.
172 B. Baillaud, « Introduction », Annales de l'Observatoire astronomique, météorologique et magnétique de Toulouse, T. V, 1902, p. vii.
173 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état actuel de l'Observatoire de Toulouse et sur les travaux accomplis depuis le 1er novembre 1902 jusqu'au 31 octobre 1903.
174 AMT, 2R 129, Lettre de Louis Montangerand à Benjamin Baillaud, 9 août 1902.
175 Voir S. Schaffer, « Astronomers Mark Time : Discipline and The Personal Equation », art. cité, p. 115-145.
176 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. XX Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1885, Paris Imprimerie Nationale, 1886, p. 32.
177 Ibid, p. 33.
178 Notice sur les instruments enregistreurs construits par Richard Frères, Paris Richard Frères, 1886, p. i.
179 Colonel Serbert, « Rapport fait au nom du Comité des Arts économiques sur les Appareils Enregistreurs construits par MM. Richard », Bulletin Mensuel de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, novembre 1882, in Notice sur les instruments enregistreurs construits par Richard Frères, op. cit., p. 12.
180 Notice sur les instruments enregistreurs construits par Richard Frères, op. cit., p. i.
181 F. Locher, Le Nombre et le Temps, op. cit., f° 252.
182 A. Fierro, op. cit., p. 196.
183 AN, F17, 13592, Décret présidentiel du 14 mai 1878, article 5.
184 A. Fierro, op. cit., p. 205.
185 AMT, 2R 104, Lettre d'Éleuthère Mascart à Benjamin Baillaud, 18 juillet 1878.
186 AMT, 2R 94, Lettre du directeur des Postes & Télégraphes du département de la Haute-Garonne à Benjamin Baillaud, 10 novembre 1891.
187 A. Fierro, op. cit., p. 204.
188 AMT, 2R 100, Lettre de Benjamin Baillaud au maire de Toulouse, 23 décembre 1896.
189 AMT, 2R 104, Lettre d'Éleuthère Mascart à Benjamin Baillaud, 18 mars 1896.
190 AMT, 2R 104, Lettre d'Éleuthère Mascart à Benjamin Baillaud, 18 juillet 1878.
191 AMT, 2R 104, Lettre de Charles Angot à Benjamin Baillaud, 14 novembre 1905.
192 Ibid., 30 novembre 1906.
193 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatif à l'enseignement supérieur, T. LXXXIII Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1903, Paris Imprimerie Nationale, 1904, p. 54.
194 Annales de l'Observatoire, astronomique, magnétique et météorologique, T. V, 1902, p. v.
195 B. Baillaud, « Introduction », Annales de l'Observatoire, astronomique, magnétique et météorologique, T. V, 1902, p. vii.
196 Ibid., p. vii-viii.
197 F. Locher, Le Nombre et le Temps, op. cit., f° 257.
198 A. Fierro, op. cit., p. 207.
199 AMT, 2R 104, Arrêté de la préfecture de la Haute-Garonne, 12 juillet 1873.
200 Ibid., 20 décembre 1900.
201 AMT, 2R 106, Lettre de Benjamin Baillaud au préfet de la Haute-Garonne, 3 juillet 1903.
202 Ibid., 2 juillet 1905.
203 AMT, 2R 106, Récompenses accordées aux Instituteurs et préposés des Forêts, ministère de l'Instruction Publique, 1901.
204 AN, F17, 13592, Général Fabre, Charles Angot, Léon Teisserenc de Bort, Rapport de la Commission nommée par Mr. le Ministre de l'Instruction Publique pour étudier les voies et les moyens de développer la Météorologie en France, s.d. [1878].
205 AN, F17, 13592, Lettre du général Fabre au ministre de l'Instruction Publique, février 1878.
206 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service magnétique à l'Observatoire de Toulouse », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 9e série, T. VII, 1895, p. 597.
207 Ibid., p. 598.
208 Ibid., p. 598-599.
209 Émile Mathias, « Recherches sur le magnétisme terrestre », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique, T. VII, 1907, p. 4.
210 Ibid., p. 6.
211 Ibid., p. 5.
212 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service magnétique à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 617.
213 É. Mathias, « Recherches sur le magnétisme terrestre », art. cité, p. 7.
214 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service magnétique à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 598.
215 AMT, 2R 112, É. Mathias, Rapport sur le fonctionnement du service magnétique à l'Observatoire de Toulouse pendant l'année 1901-1902.
216 AMT, 2R 104, Lettre d'Éleuthère Mascart à Benjamin Baillaud, 6 février 1880.
217 Anatole Bouquet de la Grye, « Rapport lu le 3 juin 1903 », in Bureau Central Météorologique, séance générale du Conseil, Procès verbal de la séance qui a eu lieu au Ministère de l'Instruction Publique le 3 juin 1903, p. 3 infra.
218 AMT, 2R 104, Copie d'une lettre de Benjamin Baillaud au recteur de l'Académie de Toulouse, 26 juin 1904.
219 A. W. Rücker, E. T. Thorpe, « A Magnetic Survey of British Isles for the Epoch January 1, 1886 », Philosophical Transactions of the Royal Society of London, vol. 181, 1890, p. 53-328 ; A. W. Rücker, E. T. Thorpe, « A Magnetic Survey of British Isles for the Epoch January, 1891 », Philosophical Transactions of the Royal Society of London, vol. 188, 1896, p. 1-661. Pour des recherches menées au milieu du xixe siècle, voir C. M. Elliot, « Magnetic Survey of the Eastern Archipelago », Philosophical Transactions of the Royal Society of London, part. I, 1851, p. i-civ et p. 287-331.
220 Émile Mathias donne ces références dans son article « Recherche de la loi de distribution régulière des éléments magnétiques d'une contrée à une date fixe », Annales de chimie et de physique, 8e série, T. XI, 1907, p. 5-68.
221 É. Mathias, « Sur la constitution et l'utilisation des cartes magnétiques. Application au bassin de la Garonne », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 9e série, T. IX, 1897, p. 438. Ce mémoire est à nouveau publié dans le volume des Annales de l'observatoire de Toulouse, consacré en 1912 aux études magnétiques Eugène Mathias, « La construction et l'utilisation des cartes magnétiques », Annales de l'Observatoire astronomiques, météorologique, magnétique de Toulouse, T. VIII, 1907, p. 87-98. Une version abrégée est donnée en 1898 dans le Journal de physique théorique et pratique É. Mathias, « Sur la construction et l'utilisation des cartes magnétiques », Journal de physique théorique et pratique, 3e série, T. VII, 1898, p. 455-460.
222 É. Mathias, « Sur la construction et l'utilisation des cartes magnétiques. Application au bassin de la Garonne », art. cité, p. 439.
223 Ibid., p. 440.
224 Ibid., p. 441.
225 Ibid., p. 457.
226 Ibid., p. 451.
227 AMT, 2R 99, Copie d'une lettre-type de Benjamin Baillaud au Conseil général du Tarn et Garonne, Gers, Lot, et Lot et Garonne, 23 mars 1897.
228 AMT, 2R 99, Extrait du procès verbal des délibérations du Conseil général du Gers du 26 avril 1897.
229 AMT, 2R 99, Lettre du préfet du Lot au préfet de la Haute Garonne, 3 décembre 1897.
230 AMT, 2R 99, Copie d'une lettre-type de Benjamin Baillaud au Conseil général du Tarn et Garonne, Gers, Lot, et Lot et Garonne, 23 mars 1897.
231 Hélène Gispert (dir.), « Par la science, pour la patrie ». L'Association française pour l'avancement des sciences (1872-1914), un projet politique pour une société savante, Rennes Presses universitaires de Rennes, Carnot, 2002, « Introduction », p. 17.
232 Marinette Solais, « Place et rôle de la province dans le projet et la vie de l'Association », in H. Gispert (dir.), op. cit., p. 123.
233 AMT, 2R 104, Lettre de Benjamin Baillaud au secrétaire général de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences, 15 octobre 1895.
234 AMT, 2R 104, Lettre du sous-directeur de la Compagnie des chemins de fer du Midi, s.d. [1898].
235 AMT, 2R 142, Lettre de E. Fabre, administrateur des forêts du département du Gard, 2 août 1901.
236 AMT, 2R 142, Lettre du sénateur de la circonscription de Saint Rome du Tarn à Benjamin Baillaud, 4 août 1901.
237 É. Mathias, « Introduction », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique de Toulouse, T. VII, 1907, p. xx.
238 É. Mathias, « Mesures absolues faites dans la région de Toulouse », Annales de l'Observatoire astronomique, magnétique et météorologique de Toulouse, T. VII, 1907, p. 99.
239 Ibid., p. 84.
240 Ibid., p. 99.
241 Ibid., p. 100.
242 Ibid., p. 102.
243 Ibid., p. 100.
244 Alex Soojung-Kim Pang, « Gender, Culture and Astrophysical Fieldwork Elizabeth Campbell and the Lick Observatory-Croker Eclipse Expeditions », OSIRIS, 2e sèrie, vol. 11, 1996, p. 35.
245 AMT, 2R 104, Lettre d'Émile Mathias à Benjamin Baillaud, 17 août 1899.
246 Ibid., 5 août 1899.
247 Ibid., 17 août 1899.
248 B. Latour, La science en action, op. cit., p. 577-596.
249 B. Latour, « Ce que la raison ignore laboratoires, bibliothèques, collections », in M. Baratin, C. Jacob (dir.), op. cit., p. 31-32.
250 Ibid., p. 39.
251 AMT, 2R 129, Lettre d'Émile Mathias à Benjamin Baillaud, 10 septembre 1906.
252 Ibid., 18 janvier 1907.
253 E. Mathias, « Mesures absolues faites dans la région de Toulouse », art. cité, p. 412.
254 É. Mathias, « Introduction », art. cité, p. xvi.
255 Ce type de projet s'inscrit dans les thématiques d'inventaire céleste développés depuis Hipparque.
256 Ernest Mouchez, Discours d'ouverture du premier Congrès Astrophotographique tenu à Paris en 1887, cité par I. Chinnici, La Carte du ciel, op. cit., p. i.
257 E. Mouchez, La photographie astronomique à l'Observatoire de Paris et la Carte du ciel, Paris Gauthier-Villars, 1887, p. 10.
258 Ibid., p. 12.
259 Ibid., p. 14-15.
260 Ibid., p. 22.
261 Ibid., p. 23.
262 B. Baillaud, Pour l'histoire de l'astronomie stellaire de position, op. cit., p. 34.
263 Ibid., p. 26.
264 E. Mouchez, La photographie astronomique, op. cit., p. 26.
265 Ibid., p. 27.
266 Ibid., p. 5.
267 Ibid., p. 5-6.
268 AOP, Ms 1060 V, Lettre de David Gill à Ernest Mouchez, 23 décembre 1884.
269 E. Mouchez, La photographie astronomique, op. cit., p. 6.
270 Ibid., p. 18.
271 Ibid., p. 8.
272 Ibid., p. 6-7.
273 Ibid., p. 7.
274 Ibid., p. 54.
275 Ibid., p 53.
276 Ibid., p. 41.
277 Ibid., p. 42.
278 Ibid., p. 44.
279 Ibid., p. 48.
280 B. Baillaud, « Sur l'état des travaux entrepris à l'Observatoire de Toulouse », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 9e série, T. VIII, 1896, p. 313.
281 B. Baillaud, Pour l'histoire de l'astronomie stellaire de position, op. cit., p. 34.
282 E. Mouchez, La photographie astronomique, op. cit., p. 88.
283 B. Baillaud, Pour l'histoire de l'astronomie stellaire de position, op. cit., p. 34.
284 E. Mouchez, La photographie astronomique, op. cit., 1887, p. 75.
285 Ibid., p. 76.
286 Ibid., p. 87.
287 B. Baillaud, Pour l'histoire de l'astronomie stellaire de position, op. cit., p. 4.
288 Ibid., p. 37.
289 I. Chinnici, La Carte du ciel, op. cit., p. 4-5.
290 Ibid., p. 5.
291 AOP, Ms 1060 V, Lettre de David Gill à Ernest Mouchez, 1er mars 1886.
292 Bulletin du Comité International permanent pour l'exécution de la Carte du ciel, T. I, 1890, p. 1.
293 B. Baillaud, Pour l'histoire de l'astronomie stellaire de position, op. cit., p. 38.
294 Congrès astrophotographique international tenu à l'Observatoire de Paris pour le levé de la Carte du Ciel, op. cit., p. 7.
295 Bulletin du Comité International permanent pour l'exécution de la Carte du ciel, T. I, 1890, p. 101-104.
296 Ibid., p. 143.
297 W. H. Christie, « Sur la distribution du travail entre les différents observatoires », Bulletin du Comité International permanent pour l'exécution de la Carte du ciel, T. I, 1890, p. 340.
298 Ibid., p. 340-341.
299 I. Chinnici, La Carte du ciel, op. cit., p. 6-7.
300 B. Baillaud, « Sur l'état des travaux entrepris à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 310.
301 E. Davoust, « Histoire de l'Observatoire de Toulouse à Jolimont », art. cité, p. 17.
302 B. Baillaud, « Sur l'état des travaux entrepris à l'Observatoire de Toulouse », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 9e série, T. VIII, 1896, p. 310.
303 Ibid., p. 320.
304 C. Trépied, op. cit., p. 7.
305 AMT, 2R 95, B. Baillaud, Rapport sur l'état et le fonctionnement de l'Observatoire de Toulouse en 1890, 14 mars 1891.
306 B. Baillaud, « Observatoire de Toulouse », Enquêtes et documents relatifs à l'enseignement supérieur, T. LXII Rapport sur les observatoires astronomiques de province, année 1895, Paris Imprimerie Nationale, 1890, p. 39.
307 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service photographique à l'Observatoire de Toulouse », Comptes rendus du Congrès des Sociétés Savantes de Paris et des départements tenu à Toulouse en 1899, section des sciences, Paris Imprimerie Nationale, 1900, p. 87.
308 B. Baillaud, « Sur l'état des travaux entrepris à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 320.
309 AMT, 2R 50, Traité pour la construction d'un appareil pour les mesures des clichés pour la Carte du ciel entre Benjamin Baillaud et Paul Gautier, 15 octobre 1891.
310 B. Baillaud, « Application de la méthode de MM. P. et Pr. Henry à la réduction des clichés photographiques du catalogue international à l'Observatoire de Toulouse », Mémoires de l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, 10e série, T. II, 1902, p. 415.
311 AMT, 2R 112, Louis Montangerand, Service de l'équatorial photographique, 1900.
312 B. Baillaud, « Sur l'état des travaux entrepris à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 320.
313 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service photographique à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 89.
314 B. Baillaud, Pour l'histoire de l'astronomie stellaire de position, op. cit., p. 34.
315 C. Trépied, op. cit., p. 44.
316 AOP, Ms 1060 V, Lettre de Benjamin Baillaud à Félix Tisserand, 15 mai 1893.
317 Nouvel annuaire général de la Haute-Garonne, année 1900, Toulouse Imprimerie et Librairie Privat, 1900, p. 383.
318 B. Baillaud, « Sur l'état des travaux entrepris à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 319. La bibliographie sur les femmes et la pratique scientifique est très abondante, citons Peggy Aldrich Kidwell, « Women astronomers in Britain, 1780-1930 », ISIS, vol. 75, n° 278, septembre 1984, p. 534-546 ; M. T. Bruck, « Lady computers at Greenwitch in the early 1890s », Quaterly Journal of the Royal Astronomical Society, n° 36, 1995, p. 83-95 ; Donna J. Haraway, « Modest Witness Feminist Diffractions in Science Studies », in Peter Galison, David J. Stump (eds.), The Disunity of Science Boundaries, Contexts and Power, Stanford Stanford University Press, 1986, p. 428-441 ; Pamela E. Mack, « Strategies and compromises women in astronomy at Harvard College Observatory, 1870-1920 », Journal for the History of Astronomy, vol. 21, part. 1, n° 63, février 1990, p. 65-76 ; Naomi Oreskes, « Objectivity or Heroism ? On the Invisibility of Women in Science », OSIRIS, 2e série, vol. 11, 1996, p. 87-113 ; Margaret W Rossiter, « "Women's Work" in Science, 1880-1910 », ISIS, vol. 71, n° 258, septembre 1981, p. 381-398.
319 AMT, 2R 112, Rapport sur le travail effectué dans le service de M. Bourget, novembre 1901-novembre 1902.
320 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service photographique à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 89.
321 AMT, 2R 112, B. Baillaud, Rapport sur l'état actuel de l'observatoire de Toulouse et sur les travaux accomplis depuis le 1er novembre 1903 et jusqu'au 31 octobre 1904.
322 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires pour travaux supplémentaires de calcul concernant la publication du Catalogue de la Carte photographique du Ciel. Travaux exécutés du 1er octobre 1898 au 20 novembre 1899.
323 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires pour travaux supplémentaires de calcul concernant la publication du Catalogue de la Carte photographique du Ciel. Travaux exécutés au mois d'octobre 1908.
324 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service photographique à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 89.
325 AN, F17 13587, Rapport de l'inspection annuelle de l'Observatoire de Toulouse, 2 avril 1906.
326 AN, F17, 3763, Rapport de l'inspection annuelle de l'Observatoire de Toulouse, 9 mars 1894.
327 AMT, 2R 112, B. Baillaud, Rapport sur l'état actuel de l'observatoire de Toulouse et sur les travaux accomplis depuis le 1er novembre 1903 et jusqu'au 31 octobre 1904.
328 Delphine Gardey, La dactylographe et l'expéditionnaire. Histoire des employés de bureau 1890-1930, Paris Belin, 2001, Histoire et société. Modernités, p. 65.
329 Ibid., chapitre 2, p. 53-87.
330 Ibid., p. 70.
331 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires et auxiliaires pour travaux supplémentaires et corrections concernant la publication du Catalogue et de la Carte photographique du Ciel pendant le mois de mars 1901.
332 AMT, 2R 131, Lettre de Madame Boistel à Benjamin Baillaud, 12 septembre 1905.
333 AMT, 2R 131, Lettre d'Albertine Bousquet à Benjamin Baillaud, 10 octobre 1907.
334 AMT, 2R 131, Lettre de Marguerite Latapie à Benjamin Baillaud, 1er mai 1900. Pour un aperçu des parcours universitaires ouverts aux femmes, voir Nicole Hulin, Les femmes et l'enseignement scientifique, Paris Presses universitaires de France, 2002, Science, histoire et société, 227 p.
335 AMT, 2R 131, Lettre de Mademoiselle Joucla à Benjamin Baillaud, 1er septembre 1899.
336 AMT, 2R 131, Lettre de C. Ournac à Benjamin Baillaud, 9 août 1908.
337 AMT, 2R 131, Lettre de A. Bergès à Benjamin Baillaud, 30 décembre 1899.
338 AMT, 2R 131, Lettre de Marie Lallemand à Benjamin Baillaud, 7 janvier 1896.
339 D. Gardey, op. cit., p. 71.
340 Suzan Bachrach, « La féminisation des PTT au tournant du siècle », Mouvement social, n° 140, juillet-septembre 1987, p. 69-87.
341 Desley Deacon, Managing Gender, the State, the New Middle Class and Women "Workers, 1830-1930, Melbourne, Oxford U.P. Australia, 1989, 308 p.
342 D. Gardey, op. cit., p. 71.
343 AMT, 2R 131, Lettre de Xavier Desley à Benjamin Baillaud, 4 janvier 1899.
344 AMT, 2R 131, Lettre de Mademoiselle Rapas à Benjamin Baillaud, 4 avril 1900.
345 D. Gardey, op. cit., p. 72.
346 Ibid., p. 73.
347 AMT, 2R 131, Lettre d'Hervé Jacquemin à Benjamin Baillaud, 8 avril 1904.
348 AMT, 2R 131, Lettre de Richard Lescuderot à Benjamin Baillaud, 5 avril 1904.
349 AMT, 2R 112, Henry BOURGET, Rapport annuel, 10 novembre 1904.
350 AMT, 2R 7Z 5, Lettre de Madame Salle à Eugène Cosserat, 26 février 1908.
351 B. Baillaud, « Sur l'organisation du service photographique à l'Observatoire de Toulouse », art. cité, p. 89.
352 AN, F17, 24184, Lettre du recteur Claude-Marie Perroud au directeur de l'enseignement supérieur, 6 juin 1899.
353 AMT, 2R 126, Notice individuelle de Paul Caubet, 4 janvier 1904.
354 AN, F17, 3763, Rapport d'inspection de l'observatoire de Toulouse, 23 mars 1899.
355 AN, F17, 13587, Rapport d'inspection de l'observatoire de Toulouse, 2 avril 1906.
356 S. Shapin, « The invisible technician », art. cité, p. 554-564.
357 Naomi Oreskes, « Objectivity or Heroism ? On the Invisibility of Women in Science », OSIRIS, 2e série, vol. 11, 1996, p. 87.
358 Ibid., p. 89.
359 Ibid., p. 90.
360 Ibid., p. 102.
361 AMT, 2R 142, Lettre d'Henry Bourget à Benjamin Baillaud, 26 septembre 1900.
362 Jean Mascart, Les femmes dans la science, Turin Tipografia San Giuseppe Degli Artigiannelli, 1916, p. 3.
363 AN, F17, Fiche de renseignement d'Armandine Vaudein, année 1912.
364 William J. Ashworth, « The calculating eye Baily, Herschel, Babbage and the business of astronomy », The British Journal for the History of Science, vol. 27, part. 4, n° 95, décembre 1994, p. 440.
365 Ibid., p. 441.
366 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires et auxiliaires pour travaux supplémentaires de calcul concernant la publication du Catalogue photographique du Ciel. Travaux exécutés du 1er janvier au 31 juillet 1899.
367 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires et auxiliaires pour travaux supplémentaires de calcul concernant la publication du Catalogue photographique du Ciel. Travaux exécutés pendant les mois d'août, septembre, octobre, 1900. Il ne s'agit pas d'une erreur, les additions sont payées soixante fois moins chères que les multiplications.
368 AMT, 2R 48, M. Colamies, Note des travaux faits pour l'observatoire de Toulouse, 1901.
369 AMT, 2R 129, Lettre d'Henry Bourget à Benjamin Baillaud, 11 avril 1905.
370 AMT, 2R 142, Lettre d'Henry Bourget à Benjamin Baillaud, 26 septembre 1900.
371 AMT, 2R 139, Lettre de Benjamin Baillaud à Madame Lucy, 8 janvier 1904.
372 A. Warwick, « The laboratory of theory or what's exact about the exact sciences ? », art. cité, p. 328.
373 Ibid., p. 334.
374 AMT, 2R 60, État des sommes dues aux fonctionnaires et auxiliaires pour travaux supplémentaires de calcul concernant la publication du Catalogue photographique du Ciel. Travaux exécutés du 1er janvier au 31 juillet 1899. Sur le fonctionnement de l'arithmomètre, voir Thomas, Instruction pour se servir de l'arithmomètre machine à calculer, Paris Imprimerie G. Jousset, 1878, 28 p.
375 AMT, 2R 139, Lettre d'Émile Mathias à Benjamin Baillaud, 24 janvier 1901.
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Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008