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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Croyance religieuse et mutation culturelle Les Réveils protestants : de l’expérience de la foi au refus de l’esclavage Refuser l’esclavage au nom de la morale évangélique : la version catholique du Réveil Accorder le christianisme et la revendication de la liberté : libéraux catholiques et catholiques libéraux Sortir par le haut : la papauté et la condamnation doctrinale de l’esclavage Notes de bas de page Auteur

    Abolir l'esclavage

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    Table des matières

    Chapitre 4. L’expérience et la conviction contre la tradition : les Églises chrétiennes et la critique de l’esclavage, 1780-1888

    Claude Prudhomme

    p. 57-77

    Texte intégral Croyance religieuse et mutation culturelle Les Réveils protestants : de l’expérience de la foi au refus de l’esclavage Refuser l’esclavage au nom de la morale évangélique : la version catholique du Réveil Accorder le christianisme et la revendication de la liberté : libéraux catholiques et catholiques libéraux Sortir par le haut : la papauté et la condamnation doctrinale de l’esclavage Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1La mise à jour des liens qui unissent la croyance religieuse et les postures adoptées sur la question de l’esclavage n’est pas une entreprise aisée. Elle suppose en effet de pouvoir isoler, chez les individus ou parmi les groupes sociaux, le rôle spécifique de la référence religieuse dans leur engagement. Or, dans le sillage des Lumières et de la Révolution française, le mouvement qui tend à l’autonomisation des choix politiques, économiques ou sociaux se poursuit et s’intensifie au xixe siècle. La morale elle-même cesse d’être exclusivement fondée, au moins pour les élites, sur une adhésion religieuse légitimée par la référence aux écrits fondateurs du christianisme. Les critiques adressées au système esclavagiste par les philosophes se réclament, dès le xviiie siècle, de la Raison, cherchent à toucher la sensibilité, dénoncent l’inhumanité de l’esclavage mais invoquent rarement la Bible ou les pères de l’Église. Les prises de position politiques à propos de l’abolition de la traite, puis de l’esclavage, s’expriment des années 1780 à 1848 dans des essais ou rapports parlementaires où le facteur religieux semble secondaire, si l’on s’en tient à la place qu’il occupe. Quand il intervient, c’est surtout pour établir l’utilité de la religion. Chargée de garantir la paix civile et de préserver l’ordre social, celle-ci est censée contribuer à la transformation progressive et pacifique des colonies à esclaves. La question théologique de la compatibilité de l’institution esclavagiste avec le message chrétien n’y est pas centrale. Elle ne paraît intéresser que les spécialistes de théologie morale, lesquels adoptent un point de vue spécifique. À partir de l’exposé des vérités de la foi, ils discutent la légitimité de l’esclavage « en soi », avec l’enseignement chrétien, sans s’interroger sur l’esclavage réel tel qu’il sévit dans les colonies. Il en résulte un décalage croissant entre leur discours et celui de leurs contemporains scandalisés par l’idée que l’on puisse tenter de justifier une institution contraire aux droits imprescriptibles et inaliénables de l’homme. Les nouvelles approches déstabilisent la théologie enseignée dans les universités, rendent incompréhensibles les théories classiques qui aboutissaient à une acceptation de la servitude à certaines conditions, et témoignent d’une mutation culturelle décisive.

    Croyance religieuse et mutation culturelle

    2La maigreur relative des sources écrites consacrées à l’abolition de l’esclavage faisant explicitement référence à la croyance pour fonder la lutte contre l’esclavage est un fait. Elle n’est pas, à notre sens, une raison suffisante pour conclure que la motivation religieuse a été secondaire. Le silence ou la discrétion des Églises établies contrastent en effet avec l’engagement de chrétiens ayant joué un rôle majeur dans la prise de conscience européenne. À côté de penseurs et d’acteurs qui ont, au contraire, pris leurs distances avec le christianisme (surtout en France), ils ont contribué de manière décisive à l’abolition. Si le chercheur élargit la documentation aux récits de vie et s’attache à la correspondance privée des protagonistes du débat sur l’esclavage, il découvre que la croyance religieuse fut souvent un élément déterminant.

    3Le rôle prépondérant du protestantisme évangélique, réactivé par les mouvements de Réveil traversant l’Europe anglo-saxonne aux xviiie et xixe siècles, en est la manifestation la plus connue. Il n’est cependant pas le seul à susciter des engagements au nom de la foi. Les études récentes ont mis en évidence une série de clercs et de pasteurs, catholiques ou membres d’Églises protestantes établies, qui se sont eux aussi vigoureusement engagés en faveur de l’abolition, aux Antilles ou dans les Mascareignes, et n’ont pas hésité à entrer en conflit avec les autorités civiles ou religieuses. Là encore, il convient de repérer, par-delà les controverses sur l’utilité et les effets de l’esclavage, comment et pourquoi leur conviction religieuse pousse des hommes à briser le consensus colonial et ecclésial.

    4Les chrétiens abolitionnistes apparaissent dans un premier temps comme des francs-tireurs qui bousculent les Églises. Cette constatation ne doit pas conduire à interpréter seulement leur engagement selon un schéma classique qui opposerait le combat sans équivoque d’individus libres et prophétiques à des Églises établies empêtrées dans leurs traditions et leurs compromissions coloniales. Si les choix sont conditionnés par la position sociale dans le système colonial, si l’individu dispose d’une marge de manœuvre que n’a pas l’autorité régulatrice, obligée de composer avec des opinions contradictoires parmi ses fidèles, les divergences reflètent aussi l’affrontement de modèles culturels. Dans chacun de ces positionnements doctrinaux s’affrontent en effet des manières de croire et d’articuler la foi à la praxis qui dessinent des rapports différents à la modernité.

    5La nouvelle articulation de la foi et de la pratique caractérise les premiers militants abolitionnistes quakers ou baptistes, puis missionnaires baptistes et méthodistes. Leurs convictions chrétiennes, avant toute théorisation, les poussent à contester un ordre social jugé anti-chrétien, notamment dans les colonies à esclaves de l’Atlantique. À travers le combat abolitionniste, ils promeuvent un christianisme fondé sur l’expérience de la foi et le contact avec la bible. Non seulement ils donnent à l’abolitionnisme ses leaders les plus actifs au Royaume-Uni, mais ils lui fournissent aussi une base populaire grâce à leurs divers groupes de fidèles réunis pour prier ou lire la bible, contribuent efficacement à mobiliser l’opinion publique contre la traite, puis l’esclavage. Ils opèrent une rupture avec la théologie enseignée qui permet de sortir le christianisme de l’acceptation du système esclavagiste mais conduit au conflit avec l’enseignement des Églises établies.

    6Le silence des Évangiles sur l’esclavage avait amené les théologiens à justifier l’esclavage à partir d’un arsenal de références (puisées dans les épîtres de saint Paul et chez certains pères de l’Église) confortées par les écrits d’Aristote et le droit romain1. Selon la doctrine communément enseignée, la servitude était légitime à condition de constituer une sanction proportionnelle à la faute ou de représenter un moindre mal, par exemple en préservant la vie des prisonniers de guerre. Si la mise en servitude d’autres hommes par des chrétiens était généralement refusée, l’achat d’individus déjà esclaves et le maintien d’un individu déjà esclave dans le statut d’esclave avaient été admis pour les Noirs. Le chrétien propriétaire d’esclave devait seulement le traiter avec humanité et le christianiser. Ce consensus, rarement brisé, est particulièrement net chez les catholiques. L’enseignement pontifical a bien condamné la mise en servitude des Indiens d’Amérique, mais dans le même temps il a fini par accepter la traite des Africains déjà esclaves dans leur pays, au point que les États pontificaux comptent encore quelques esclaves au début du xixe siècle. Certes l’usage a très tôt conduit à affranchir les esclaves en Europe, dès lors qu’ils sont baptisés. Mais cela n’a jamais impliqué la condamnation de l’esclavage en tant qu’institution sociale, et aucune autorité n’a affirmé l’incompatibilité du christianisme avec l’esclavage.

    7De cette impasse, la montée en puissance du courant évangélique au sein du protestantisme et de sa version catholique allait permettre une première sortie. En exaltant la fraternité entre tous les hommes selon le message du Christ, ce courant conduisait à la condamnation nécessaire de l’esclavage sans passer par une longue discussion théologique et juridique. L’évidence du droit à la liberté s’imposait alors à la conscience comme une disposition voulue par Dieu et ne souffrant pas d’exception.

    Les Réveils protestants : de l’expérience de la foi au refus de l’esclavage

    8Cette place de l’expérience religieuse personnelle dans l’itinéraire qui conduit les individus à l’abolitionnisme est particulièrement évidente chez les quakers, d’autant qu’ils la revendiquent eux-mêmes au xviiie siècle pour justifier leur refus de l’esclavage. Après avoir donné l’exemple en s’interdisant pour eux-mêmes la possession d’esclaves, les quakers forment le noyau dur de la première société abolitionniste à Londres. Ils mettent d’emblée leurs réseaux de libraires au service de la cause. La motivation religieuse est tout aussi clairement attestée pour les missionnaires baptistes dans les Caraïbes, ou chez John Wesley et les premiers méthodistes. D’autres figures très connues de l’abolitionnisme sont des fidèles de l’Église anglicane, et prouvent qu’il n’est pas le monopole des nouveaux mouvements religieux. Mais les biographies de ces derniers confirment presque toujours l’influence du Réveil dans les itinéraires individuels, même s’ils appartiennent à l’anglicanisme, au presbytérianisme ou au luthéranisme2.

    9Ces récits de vie obéissent à un scénario quasi immuable. À l’origine, une expérience intime de la présence de Dieu fait naître chez un individu l’exigence d’une « conversion » radicale, par dépouillement du vieil homme selon la théologie paulinienne. Elle doit aussitôt se traduire par des actes qui mettent le chrétien en conformité avec la morale évangélique. Elle inaugure une nouvelle vie où la transformation du pécheur est inséparable de la transformation de la société. La conversion soudaine de William Wilberforce en 1785 est le point de départ de son engagement dans toutes les grandes causes dont il devient l’avocat à la Chambre des Communes. L’expérience religieuse croise chez plusieurs protagonistes un événement particulier prenant valeur de signe et d’appel à l’engagement. Qu’elle se fasse de manière intellectuelle (la rédaction d’une dissertation pour un concours philosophique chez Thomas Clarkson) ou le plus souvent sur un mode concret (le contact avec un esclave amené en Angleterre pour Granville Sharp), la rencontre de la question de l’esclavage déclenche un processus militant unissant étroitement exigence religieuse et morale. Selon un schéma très moderne, la croyance est d’abord une expérience qui change l’existence et commande d’agir dans la société pour mettre sa pratique en accord avec sa foi. La lutte contre la servitude sociale, ici par la transformation de la législation, devient le pendant nécessaire de la lutte contre la servitude spirituelle du péché. Militants chrétiens, de nombreux abolitionnistes britanniques visent au nom de leur foi la moralisation de toute la société selon les normes chrétiennes. Ils s’engagent dans la lutte contre l’esclavage, mais aussi contre la prostitution, l’alcoolisme ou l’exploitation dans le travail. Et comme le fondement de la morale réside à leurs yeux dans le christianisme, ils luttent avec une égale énergie pour le triomphe de la religion contre le matérialisme et l’athéisme accusés de saper la morale. Granville Sharp met autant d’ardeur à démontrer la divinité du Christ dans les Écritures qu’à combattre la traite.

    10La grande majorité de ces hommes appartient donc au courant évangélique qui traverse toutes les dénominations du protestantisme. En rupture avec un modèle chrétien qui voyait d’abord dans la foi un héritage familial et social, ils promeuvent une religion de l’adhésion personnelle fondée sur une prise de conscience. Contre l’apologétique qui arrive à la croyance par des démonstrations, les preuves de l’existence de Dieu et des raisons raisonnables de croire, les hommes du Réveil prônent un christianisme existentiel qui est en consonance avec les nouvelles aspirations de leur époque. Dès lors ils ne se posent plus la question de la légitimité de l’esclavage à travers une argumentation philosophique (qui doit affronter Aristote et la philosophie grecque) ou juridique, car cette démarche n’a plus de sens. L’abolition s’impose comme une ardente obligation du croyant « converti », c’est-à-dire qui a fait l’expérience de la présence de Dieu selon le modèle revivaliste.

    11De ce point de vue l’itinéraire de John Wesley est exemplaire pour caractériser l’enchaînement des expériences et des engagements et récapitule l’itinéraire de beaucoup d’autres. Sa « conversion » du 24 mai 1738 lui donne l’assurance intime du salut en Christ, don gratuit et immérité, et commande une transformation radicale selon une lecture littérale de l’épître aux Corinthiens (2 Co 5,17) : « Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées ; voici, toutes choses sont devenues nouvelles. » C’est parce que l’ « homme nouveau », selon Wesley, ne saurait « manger ou boire, ni faire autre chose encore sans que ce soit pour l’amour de Dieu et de l’homme » qu’il ne peut accepter l’esclavage. La dernière lettre de Wesley, adressée à William Wilberforce le 24 février 1791, une semaine avant sa mort, résume parfaitement cet état d’esprit l’ayant conduit à l’engagement abolitionniste

    « Monsieur,
    À moins que la puissance divine vous ait élevé pour être comme Athanase contre le monde, je ne vois pas comment vous pouvez mener à bien votre glorieuse entreprise sans vous opposer à cette exécrable infamie, scandale de la religion, de l’Angleterre et de la condition humaine. À moins que Dieu vous ait élevé à cette fin précise, vous serez épuisé par l’opposition des hommes et des diables. Mais si Dieu est pour vous, qui pourra être contre vous ? Seraient-ils tous ensembles plus forts que Dieu ? Ô ne vous lassez pas de faire le bien ! Persévérez, au nom de Dieu muni de la force de sa puissance, jusqu’à ce que l’esclavage américain même (le plus vil qui eût jamais vu le soleil) pût disparaître devant elle.
    Lisant ce matin un tract écrit par un pauvre Africain3, je fus particulièrement frappé par le fait qu’un homme de peau noire qui est traité injustement ou outragé par un blanc n’a pas de recours en droit ; la loi dans toutes nos colonies veut que la parole d’un noir contre celle d’un blanc ne compte pour rien. Quelle bassesse que ceci ! Que celui qui vous a guidé depuis votre enfance continue de vous enhardir en ceci et en toutes choses, c’est la prière, Monsieur, de
    Votre serviteur affectionné,
    John Wesley4. »

    12Le triomphe de cette morale de conviction, radicale dans ses exigences, convaincue de réaliser la volonté divine, rompt avec la théologie morale traditionnelle, nourrie de casuistique et de controverses. Elle rend caducs les traités qui, par des chemins différents, légitimaient l’esclavage5. Elle place au centre de la réflexion croyante la lecture personnelle de la bible, au moment où elle est largement diffusée par le réseau des Sociétés bibliques. Elle promeut une lecture libre, plus existentielle qu’historique ou philologique. Elle prône un commentaire personnalisé des textes, à partir de l’expérience de la conversion, et valorise les passages qui appellent à changer la société, en particulier par la suppression de toute forme d’esclavage. L’attestation par l’Ancien testament de l’existence de l’esclavage dans la société hébraïque est reléguée au second plan au profit des livres qui exaltent un Dieu libérateur de son peuple et font de l’Exode la préfiguration de l’émancipation des Noirs. De saint Paul, on retient surtout les invitations à traiter l’esclave comme un frère (Timothée 6, 1-15 et Philémon 1, 8-21). Les cultes évangéliques, ponctués de cantiques, propres à développer une émotion collective, ont sans doute été des instruments particulièrement efficaces pour diffuser et amplifier ces sentiments anti-esclavagistes et la communion à l’idéal collectif d’une nouvelle société fondée sur la morale chrétienne6. Ils diffusent une forme de radicalisme évangélique qui imprègne les combats politiques et pénètre de larges couches de fidèles, au point de rallier à la thèse d’une abolition immédiate des ecclésiastiques anglicans naturellement portés au compromis. Le parcours de l’évêque anglican Beilby Porteus (1731-1809), qui passe d’une volonté de moralisation de l’esclavage par le christianisme à des positions abolitionnistes, s’explique par l’influence de Wilberforce et témoigne de ce glissement au profit d’un radicalisme chrétien au tournant du siècle.

    13Le rôle du protestantisme évangélique dans la diffusion des thèses abolitionnistes ne se limite pas à l’espace majoritairement protestant mais s’étend aux pays voisins. Il se manifeste en France de manière indirecte quand ses adeptes introduisent chez les protestants un esprit missionnaire associant intimement la conversion du cœur à la moralisation des mœurs. Or la lutte contre l’esclavage est au cœur de la prise de conscience missionnaire de la fin du xviiie siècle. L’influence des évangéliques est déterminante en 1822, aussi bien dans la création de la Société des Missions Évangéliques de Paris que dans celle d’un Comité abolitionniste au sein de la Société Morale Chrétienne. La biographie récente du pasteur suisse Sigismond Frossard, formé à l’Académie de Genève, pasteur à Lyon dès 1777, montre comment il adhère précocement à la cause anti-esclavagiste après un voyage en Angleterre qui lui permet de rencontrer Granville Sharp. À son retour, il publie en 1789 La cause des esclaves nègres et devient membre de la Société des Amis des Noirs. Plus tard il est un des fondateurs de la faculté de théologie protestante de Montauban décidée par Napoléon en 18097. À la génération suivante, le pasteur G. de Félice, professeur à cette faculté de Montauban, fait le lien entre Londres, Genève et le protestantisme français, et déploie une activité considérable en faveur de la propagande abolitionniste.

    14Comme le souligne Jean-François Zorn8, les membres de cette mouvance protestante évangélique, missionnaire et abolitionniste, sont logiquement les artisans de la fondation de la Société pour l’abolition de l’esclavage en 1834. Liée à la Suisse par les cercles genevois et au Royaume-Uni, l’aile évangélique compense la faiblesse de ses effectifs en France par sa capacité à former un réseau international. Des prédicateurs suisses, et surtout britanniques, parcourent la France et y propagent le Réveil. Ami Bost et Charles Cook introduisent les pratiques anglo-saxonnes : réunions en petits comités plutôt qu’en grandes assemblées, chant de cantiques dont les airs et les paroles sont imprégnés de romantisme, alors que les réformés ne chantaient que des psaumes. Tout cela favorise une révolution culturelle qui conduit à l’engagement des protestants pour la moralisation de la société. Le Réveil prend également pied à Paris dans les salons de la haute bourgeoisie et de l’aristocratie, en particulier celui de Madame de Staël où se rencontrent les abolitionnistes, puis celui de sa fille, mariée au catholique de Broglie dont on sait le rôle dans le combat abolitionniste modéré.

    15Au final le courant évangélique français réussit à la fois à faire partager ses combats par l’Église réformée de France (obtenant en 1847 que 86 présidents de Consistoire signent la grande pétition abolitionniste) et à échapper à sa marginalité par des alliances ponctuelles avec des catholiques, surtout de tendance libérale, voire des agnostiques comme Victor Schoelcher. En ce sens il a bien été un catalyseur de cet esprit de 1848 marqué par la référence à la fraternité évangélique qui, pour un temps, traverse la société française et relativise les clivages doctrinaux ou ecclésiaux.

    Refuser l’esclavage au nom de la morale évangélique : la version catholique du Réveil

    16La condamnation de l’esclavage fondée sur une expérience croyante et une volonté missionnaire n’est pas une exclusivité protestante. Sans doute la manière de concevoir le lien entre le salut et les œuvres continue à opposer protestants et catholiques. Mais, dans la mutation culturelle qui s’affirme, tous ces croyants privilégient les leçons de l’expérience sur la discussion théorique, la morale vécue sur une morale livresque. Ils entendent promouvoir un comportement caractérisé par l’exigence intérieure d’une cohérence entre la proclamation des valeurs évangéliques et la manière de vivre en société. L’irruption de cette attitude au sein du catholicisme provoque néanmoins des tensions qu’il ne peut pas gérer comme le protestantisme avec la fondation de courants largement autonomes, trans-dénominationnels, ou par la fondation de nouvelles Églises (méthodisme). La centralité romaine, qui se renforce après la Révolution française, impose plus que jamais une unité de vue et de pratique sur une question aussi importante que l’esclavage. Or le sentiment spontané d’une incompatibilité entre l’annonce du salut chrétien et le maintien dans la servitude progresse. Il était déjà perceptible chez quelques théologiens à la fin du xviiie siècle (Nicolas Bergier, abbé Grégoire). Il se diffuse sous la monarchie de Juillet chez des catholiques se trouvant en contact direct avec l’esclavage dans les colonies, lisent les récits de voyage, participent au débat politique. Tous ont en commun de percevoir comme anachronique le débat théologique autour de la légitimité de l’esclavage, car ils sont d’abord attentifs à une réalité sociale à leurs yeux insupportable.

    17Les démonstrations de Bergier et de Grégoire préparent le changement de registre qui se réalise dans les années 1830. À aucun moment les écrits de ces auteurs ne se référent à l’enseignement officiel, qu’il soit celui dispensé à la Sorbonne ou par les papes. Ils évitent ainsi de s’enfermer dans des catégories et des raisonnements qui ne parlent plus à leurs contemporains. D’emblée ils se situent sur le même terrain que les philosophes des Lumières. Bergier, à l’article « Nègre » de son dictionnaire (1788), recourt à une ironie qui rappelle Montesquieu afin de ridiculiser les théologiens justifiant la servitude par le péché originel dont les Noirs paieraient seuls le prix fort9. Grégoire adhère avec enthousiasme à la proclamation des droits de l’homme et revendique la liberté, à condition cependant qu’ils soient fondés sur « celui qui les prescrit10 ».

    18Ce nouveau discours catholique qui cherche à être en phase avec la culture de son époque ne produit pas d’effet immédiat dès lors que l’esprit de la contre-Révolution l’emporte et fait peser sur ces auteurs le soupçon d’avoir négocié avec une pensée condamnée. Quittant le terrain de la philosophie, la critique de l’esclavage investit alors la controverse politique en s’appuyant sur l’expérience des faits plutôt que sur les affirmations des autorités anciennes. Par-delà les barrières confessionnelles et les différences de langage, renouveau missionnaire catholique et réveil protestant participent en réalité aux mêmes modèles et partagent les mêmes aspirations. Selon Guy Bedouelle, l’itinéraire du Martiniquais Cyrille Bissette (1797-1858) s’éclaire bien différemment si on y réintègre son adhésion au catholicisme11. L’intéressé fait effectivement remonter son abolitionnisme (rétrospectivement il est vrai) à un engagement pris devant Dieu en 182412. Plus tard, il défend contre Schoelcher la réconciliation des « races », tout en se réclamant de la devise de la seconde République « Liberté, Égalité, Fraternité », et en prônant l’entente des classes sociales « au nom de l’Évangile13 ». Catholique, affilié à la franc-maçonnerie et ami du pasteur de Félice, il occupe une position originale lui permettant de s’appuyer sur sa propre expérience pour dénoncer l’esclavage, revendiquer son catholicisme et militer en faveur d’un abolitionnisme désireux de dépasser les frontières philosophiques et confessionnelles.

    19Sans être aussi existentiels que pour le « mulâtre » Bissette, d’autres engagements catholiques contre l’esclavage naissent de l’expérience du terrain, que ce soit parmi le clergé colonial ou le nouveau clergé missionnaire. Les uns et les autres arrivent dans les îles avec un bagage intellectuel qui ne les prédispose pas à la critique du système social. L’enseignement donné dans les séminaires français de la première moitié du xixe siècle, y compris celui dispensé au Séminaire colonial de la rue des Postes, reprend le discours le plus classique sur la légitimité de l’esclavage quand il respecte certaines conditions. Pourtant plusieurs de ces prêtres prennent position en faveur de l’abolition pour des raisons trop souvent ramenées à des manifestations d’opportunisme ou de carriérisme.

    20La lecture de leur correspondance fait apparaître deux motifs majeurs beaucoup plus puissants que l’intérêt individuel. Le premier relève d’une réprobation spontanée contre le comportement brutal des maîtres. L’observation de la société convainc certains clercs que l’esclavage ne peut pas être humain et qu’il est vain de compter sur le christianisme pour le rendre acceptable. Le second motif renvoie à un constat d’échec, parce que leur ministère se heurte à l’opposition farouche des propriétaires d’esclaves décidés à écarter toute autorité concurrente. Casimir Dugoujon à la Guadeloupe (il y arrive en 1840) et Alexandre Monnet à Bourbon (arrivé en 1840), et de façon encore plus radicale Édouard Goubert à la Martinique (1837), sont emblématiques de ce renversement qui pose la liberté en préalable à l’évangélisation. Pour Dugoujon, « donnez des hommes libres à évangéliser aux prêtres catholiques, vous les verrez ramener au sein de l’Église un grand nombre d’enfants égarés ». Il suffit de quelques mois à Monnet pour établir un diagnostic identique : « Nous avons beau catéchiser, prêcher, sans émancipation nous ne ferons rien ; nous bâtirons d’une main, les maîtres détruiront de l’autre. » Goubert en vient même à cesser de croire, contrairement à ses confrères, au pouvoir civilisateur du christianisme et à compter sur « la liberté seule, une liberté immédiate, une émancipation sans indemnité, pour faire disparaître ce mal immense ». Cette double expérience le conduit à rejeter les arguments des théologiens en chambre pour professer sa foi dans les vertus de la liberté14.

    21Tous les prêtres gagnés à « la mission des Noirs » ne s’engagent pas dans la bataille pour l’abolition et ne le payent pas d’une expulsion. La jeune société du Saint Cœur de Jésus (fondée par Libermann en 1846 afin de christianiser les esclaves et de les préparer à la liberté dans les colonies) est la plus représentative d’un évangélisme radical par sa spiritualité paulinienne qui reste malgré tout très modéré dans ses positions politiques. À Bourbon, par crainte d’attiser les tensions et de perdre le bénéfice d’alliances locales avec de grands propriétaires catholiques favorables à leur catéchèse, ils semblent même accepter sans réagir l’expulsion de l’abbé Monnet. Mais sur le fond, les missionnaires des Noirs ont choisi leur camp, comme en témoigne l’un des premiers compagnons de Libermann envoyé sur la côte d’Afrique.

    22C’est à travers un échange de correspondance15 entre l’évêque missionnaire Mgr Truffet16 et le professeur de théologie Mgr Bouvier17 qu’on saisit le mieux l’émergence de cet abolitionnisme catholique né de la mission. La controverse porte sur l’interprétation des lettres apostoliques de Grégoire XVI (In supremo apostolatus) « pour détourner du commerce des nègres18 ». Truffet, qui a rejoint en 1846 la jeune congrégation du Saint-Cœur de Marie, a aussitôt été nommé vicaire apostolique des Deux Guinées, et installé en mai 1847 à Dakar. Il écrit en septembre au second, devenu évêque du Mans, pour contester son ouvrage de théologie morale qui sert de manuel dans la plupart des séminaires français :

    « Ayant dans une main votre traité De Jure (pages 22, 23, 24, cinquième édition) touchant l’esclavage et la traite des Noirs et dans l’autre main les lettres apostoliques de Grégoire XVI du 3 décembre 1839, il m’a été impossible de retrouver la doctrine catholique dans cette partie de votre ouvrage. La manière dont vous croyez pouvoir répondre aux questions qui se rattachent à la traite des esclaves est ouvertement contraire aux principes proclamés par Alexandre III dans la IIIe Concile œcuménique de Latran (an 1179), par les lettres authentiques de Paul III, d’Urbain VIII, de Benoît XIV et de Grégoire XVI. »

    23Après avoir dénoncé les sophistes qui abusent des épîtres du Nouveau Testament pour justifier « l’oppression des faibles par les forts », Truffet oppose la position de quelques théologiens qui tolèrent la traite dans certains cas et celle de l’Église, exprimée par la papauté, qui l’interdit dans tous les cas. Il rappelle aussi les conséquences désastreuses de l’esclavage sur les maîtres, eux-mêmes « abaissés » par la servitude, et sur les esclaves, dégoûtés « d’une religion qui permet l’esclavage ».

    24À l’invitation pressante de l’évêque missionnaire, afin qu’il mette son traité en conformité avec « les instructions du Saint-Siège », Mgr Bouvier répond le 30 décembre 1847, mais sa lettre ne parviendra jamais à son destinataire, décédé le 23 novembre 1847. Elle éclaire la nature du désaccord séparant les deux ecclésiastiques. Refusant d’entrer dans une discussion théologique classique, parce qu’elle conduit inévitablement au sophisme, Truffet affirmait avec force, en tant que pasteur chargé du salut des quatorze millions de « pauvres Noirs », son amour pour ces peuples et leur droit à la liberté. Dans sa réponse, l’évêque du Mans se place au contraire sur le terrain exclusif de la théologie et des principes. Il affirme avoir examiné « avec une attention sérieuse et grave » les objections de son correspondant, et il lui précise qu’il a introduit une citation de l’Encyclique de Grégoire XVI dans la 6e édition (1846) de ses Instructions théologiques19. Mais cette concession ne change pas son point de vue. À ses yeux il n’existe aucune contradiction entre le contenu de son traité et la position pontificale. Le pape s’est en effet abstenu « de condamner en soi la possession des esclaves ou l’esclavage tel qu’il est constitué de fait dans les colonies. Ce n’est pas sans dessein qu’il le laisse ainsi à l’écart ». Mgr Truffet se trompe donc sur la portée de la condamnation romaine. Elle ne concerne pas l’esclavage dans son principe, ni même la traite en soi, mais la traite et l’esclavage quand ils sont pratiqués sans remplir les trois conditions énumérées par les Instructions théologiques de Bouvier, et qui sont formulées de la manière suivante dans la 5e édition :

    « 1° Que les Noirs soient justement privés de leur liberté ; 2° qu’il n’y ait aucune fraude ni aucun vol de la part des marchands ; 3° qu’ils soient humainement traités. »

    25Si ces trois conditions sont remplies, le commerce des Noirs est licite car :

    « 1° Il ne répugne pas à l’humanité. En effet on ne vend que l’usage de la vie et des membres ; or l’usage de la vie et des membres peut tomber dans la propriété de l’homme.
    2° Il ne répugne pas à la religion, puisque les Noirs réduits en la propriété des chrétiens apprennent plus facilement la vraie religion que s’ils n’étaient demeurés libres dans leur religion.
    3° Il ne répugne pas à l’équité naturelle ; car, dans notre hypothèse, ils sont vendus par ceux qui ont le pouvoir de les vendre, et il ne répugne point du tout que les uns soient maîtres et les autres esclaves. En effet, comme dit Grotius, si personne contre, d’après la nature, n’est esclave, personne, d’après la nature n’est garanti la servitude… »

    26En conséquence, commente Bouvier, Grégoire XVI a interdit la traite parce qu’il constate que, dans les faits, elle ne remplit pas les conditions qui la rendent en théorie licite. Mais la théologie, pas plus que le droit naturel, ne peuvent exclure par principe (« pour toutes circonstances et d’une manière absolue ») un tel commerce, même si ce dernier est appelé à disparaître sous l’action bienfaisante de l’Évangile et de la civilisation20. Exclure cette éventualité, ce serait condamner à la mort des captifs nègres, faits prisonniers après une guerre juste, et qui seraient tués par leurs vainqueurs s’ils n’étaient pas vendus. Ce serait enfin les priver de l’avantage moral et religieux que comporte leur transport dans des colonies chrétiennes où, « éclairés des lumières de la foi, et traités avec justice », ils pourront mourir en chrétiens.

    27L’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises ne modifiera pas l’enseignement dispensé par Mgr Bouvier dans les éditions ultérieures (la quinzième et dernière en 1880). La 8e édition se contente en 1853 d’énumérer les condamnations pontificales de la traite et de citer un extrait de Grégoire XVI, étant entendu que ces interventions visent toujours selon l’auteur la traite « concrète », telle qu’elle est pratiquée à l’époque, c’est-à-dire sans remplir les conditions nécessaires à sa « licité ».

    28La controverse illustre le fossé qui s’est creusé dans les années 1840 entre les missionnaires des Noirs, horrifiés par l’existence de « marchés où se vend la chair humaine vivante21 », convaincus par leur expérience du terrain que l’émancipation est la condition nécessaire à une christianisation des esclaves, et les théologiens européens qui raisonnent à partir de principes et à l’intérieur d’une logique formelle. Mgr Truffet mesure très bien les conséquences désastreuses de la position ambiguë adoptée par le catholicisme et pressent l’usage anticlérical qui peut en être fait en France. Victor Schœlcher s’en prend effectivement en 1847 à l’enseignement dispensé dans le séminaire colonial à Paris22. Le manuel de Bouvier, cité selon l’édition de 1839, figure au premier rang des ouvrages qui provoquent la colère du militant républicain et agnostique.

    29Les francs-tireurs du clergé catholique se retrouvent ainsi sur le même registre existentiel que le protestantisme évangélique. Ils contournent l’obstacle théologique par les exigences du ministère. Ils participent spontanément à la grande aspiration collective à la liberté qui traverse la société et relisent les textes fondateurs de manière à les mettre en accord avec l’esprit nouveau. Eux aussi reprennent les textes bibliques pour y puiser des arguments contre l’esclavage ou appeler à la réalisation d’une société fraternelle selon l’Évangile. Et ils en viennent même à relire l’enseignement pontifical depuis le xve siècle pour y trouver une confirmation de leurs positions, quitte à lui donner une portée qu’il n’avait pas.

    30Ce changement de sensibilité s’introduit jusque dans la spiritualité missionnaire. L’identification des Noirs au Christ souffrant, thème récurent dans la spiritualité du temps, se charge d’une nouvelle interprétation. Elle se combinait jusque-là avec le maintien du statut d’esclave, promu moyen d’accéder au salut. Désormais, elle comporte au contraire l’obligation ardente de procéder à une transformation concrète de la condition de l’esclave. Contrairement aux missionnaires des siècles précédents, qui proposaient en modèle de sainteté le partage de l’existence servile mais non la destruction de l’esclavage (saint Pierre Claver23), les missionnaires des Noirs des années 1840 sont devenus sensibles « aux signes des temps24 » et porteurs d’une religion ferment de transformation sociale. Ils se sentent investis d’une mission qui ne sépare pas christianisation et civilisation, qui associe catéchèse et éducation, libération de l’âme et du corps25. Le progrès humain devient la condition et la conséquence du progrès spirituel.

    31De ce changement de climat, la correspondance missionnaire est le témoin privilégié. Elle manifeste dans les années 1840 une véritable « conversion » collective, symétrique du réveil protestant, ce qui l’amène à voir dans l’abolition la condition nécessaire d’une évangélisation et non l’inverse. À l’image de Mgr Truffet, elle rejette des spéculations devenues, à ses yeux, de simples prétextes pour maintenir un ordre inhumain et contraire au christianisme. Dès lors elle entraîne le ralliement de la majorité des missionnaires, ralliement tardif, mais sincère et cohérent, à la thèse d’une abolition immédiate à condition qu’elle soit pacifique et encadrée par le clergé.

    Accorder le christianisme et la revendication de la liberté : libéraux catholiques et catholiques libéraux

    32Pendant que quelques clercs faisaient de la lutte contre l’esclavage le prolongement de leur action pastorale, le débat public donnait aux leaders politiques l’occasion d’échanger leurs arguments. Les appartenances confessionnelles ont-elles joué un rôle dans les choix ? La lecture des rapports parlementaires et des discours incite dans un premier temps à voir dans les références au christianisme une donnée secondaire. Beaucoup de discours se réfèrent à la religion mais le plus souvent pour compléter des raisonnements commandés entre autre par des préoccupations économiques ou sociales. De leur côté, les adversaires de l’abolition se réfugient derrière l’enseignement de saint Paul, les pères de l’Église et les papes, pour répondre à ceux qui les accusent d’inhumanité, se présentant ainsi en défenseurs de la vraie orthodoxie catholique contre la montée de l’hérésie. À leurs yeux les abolitionnistes qui se réclament du catholicisme souhaitent en réalité sa perte. Alliés aux méthodistes ou aux « grégoriens » (partisans de l’abbé Grégoire), ils rêvent de saper le catholicisme de l’intérieur et de le détruire.

    33Face à ces attaques, la majorité des catholiques engagés pour l’abolition se réclament du droit à la liberté et du refus de la violence. Au nom de la première, ils ont choisi l’émancipation des esclaves. Au nom de la seconde, ils prônent l’indemnisation des propriétaires. La légitimation de leur choix procède alors de logiques qui partent de la liberté pour la mettre en accord avec le christianisme, ou partent du christianisme pour en faire le promoteur de la liberté. Pour un certain nombre d’entre eux, très actifs dans les commissions parlementaires à l’image de Tocqueville ou Wallon, la doctrine libérale fournit l’essentiel des raisons d’émanciper. Ils ne se réfèrent pas fondamentalement à leur propre foi et ne se déterminent pas en fonction des écrits des théologiens ou des interventions du magistère. Catholiques pratiquants, ils manifestent déjà une totale autonomie en matière politique, ce qui conduira Henri Wallon à faire adopter en 1875 le fameux amendement instaurant définitivement la troisième République. Libéraux d’abord, ils semblent faire la part des choses et vivre leur foi comme un choix personnel n’impliquant pas la subordination à une autorité ecclésiastique pour l’organisation de la Cité. Mais ils n’hésitent pas à affirmer la vocation émancipatrice du christianisme. Le christianisme débouche sur la liberté, proclame Tocqueville devant le Parlement en 1839. En conséquence, il est vain d’attendre que les colons collaborent à la christianisation des esclaves.

    « Les maîtres se sont toujours opposés, soit ouvertement, soit en secret, à ce que la parole de l’Évangile parvint jusqu’aux oreilles des nègres. Le christianisme est une religion d’hommes libres ; et ils craignent qu’en la développant dans l’âme de leur esclave, on ne vînt à y réveiller quelques-uns des instincts de liberté26. »

    34Henri Wallon défend la même thèse dans son Histoire de l’esclavage en 1847 : « L’esclavage a donc étouffé ou détruit les germes d’une civilisation libre et vraie, déposés par le christianisme au sein des races indigènes en Afrique et en Amérique27. »

    35Également libéraux et catholiques, mais catholiques avant d’être libéraux, quelques-uns d’entre eux se donnent pour mission de démontrer que le catholicisme est inséparable de la liberté et a depuis toujours préparé son triomphe. Le comte de Montalembert est le plus représentatif de cet engagement qui prend sa source dans une vision chrétienne de l’Histoire et dans la volonté de poser l’aspiration de ses contemporains à la liberté comme une conséquence de l’action civilisatrice du christianisme28. L’âge des libertés y devient une étape dans la réalisation de la société chrétienne sous l’autorité de l’Église catholique. Libéraux parce que catholiques, ils sont donc abolitionnistes parce que catholiques. Pour eux aussi la discussion autour de la légitimité théologique de l’esclavage n’a plus de sens. À leur manière, soucieuse de défendre les intérêts de l’Église et les positions de la papauté, ils souscrivent à l’affirmation de Tocqueville : « Le christianisme est une religion d’hommes libres. »

    Sortir par le haut : la papauté et la condamnation doctrinale de l’esclavage

    36On le voit, pour beaucoup de catholiques qui communient aux idéaux de leur génération, la vieille discussion scolastique sur la légitimité de l’esclavage est devenue anachronique et creuse sous la monarchie de Juillet. En essayant de se placer sur le terrain des grands principes, Grégoire XVI a montré qu’il était sensible à la revendication de justice et de dignité humaine exprimée par ses contemporains. Mais, attaché à une vision anti-libérale de la société, il a pourtant condamné avec une extrême vigueur, en 1831 et 1834, « la philosophie des droits de l’Homme » et les écrits de Lamennais. Dès lors le discours pontifical en est réduit à naviguer entre des objectifs inconciliables et à entretenir l’ambiguïté quant à sa condamnation de l’esclavage. Il entend démontrer que le catholicisme est le fondement de la vraie civilisation et de la vraie liberté, mais il rejette l’aspiration à la liberté concrète parce qu’elle veut s’émanciper de toute autorité religieuse. Il tente de prouver que l’Église a toujours été favorable à l’émancipation, mais il lui faut assumer les prises de position antérieures des pontifes qui légitimaient l’esclavage. Il présente désormais la servitude comme un obstacle à la mission, mais ne renonce pas nettement à la justification de la servitude comme possibilité donnée à l’esclave d’accéder à la liberté spirituelle des enfants de Dieu (baptême).

    37Les déclarations pontificales sont donc à lire à la lumière de ces contradictions. Elles ne pouvaient être dépassées d’un seul coup, sous peine de sembler renier les déclarations du passé. Dans sa lettre, Grégoire XVI se garde bien d’aborder frontalement le débat théologique et préfère condamner clairement la traite tout en restant évasif sur la légitimité de l’esclavage comme institution sociale. Ce flou a permis à Mgr Bouvier de ne pas changer la rédaction de son traité de morale et à quelques adversaires de l’abolition de se réclamer de Grégoire XVI. Il explique que le grand théologien jésuite néo-thomiste Taparelli d’Azeglio, un des inspirateurs de la doctrine sociale catholique et rédacteur de la grande revue Civiltà cattolica, continue à admettre dans son traité de droit naturel, en 1855, un esclavage abstrait, tout simplement parce qu’il refuse le droit inaliénable à la liberté postulé par la philosophie des droits de l’Homme. Cependant, en faisant passer les considérations pastorales avant des spéculations théologiques qui avaient conduit à une impasse, Grégoire XVI conforte la position des hommes de terrain, leur donne une plus grande marge de manœuvre, quitte à être utilisé dans un sens plus progressiste qu’il ne l’est réellement.

    38L’abolition française de 1848 ne met pas fin au malaise qui continue à entourer la doctrine catholique en matière d’esclavage. La somme rédigée par Auguste Cochin29 en 1868, comme les rééditions du manuel de Bouvier, confirment que le rejet du principe de l’esclavage est loin d’être acquis. Le soupçon qui pèse sur l’Église catholique nécessite toujours de la disculper des accusations de compromission qui continuent à peser contre elle. Il faut attendre les années 1880 pour que s’impose dans l’opinion publique l’image d’un catholicisme engagé clairement dans la lutte contre l’esclavage. Il le doit à la campagne antiesclavagiste imaginée par Lavigerie, et dont le pape Léon XIII prend la direction pour renforcer l’autorité morale qu’il cherche à exercer dans les relations internationales. Les travaux de F. Renault nous dispensent de revenir sur les circonstances qui ont entouré cette initiative, sur ses modalités et sur ses significations du point de vue de l’expansion coloniale et de l’histoire missionnaire30. Nous en retiendrons seulement un moment clé, celui de la publication de l’encyclique In plurimis. Adressée aux évêques brésiliens en 1888 par Léon XIII « à l’occasion de cet heureux événement » par lequel « la liberté a été légalement rendue à un grand nombre de ceux qui, dans le vaste territoire de cet empire, gémissaient sous le joug de la servitude », la lettre constitue la première prise de position officielle et solennelle de la papauté depuis 1839. Elle profite en effet de l’abolition de l’esclavage dans l’empire du Brésil pour procéder à une vaste fresque historique et se livrer à une longue mise au point théologique31.

    39Si elle se distingue du texte de Grégoire XVI par son volume et son ampleur, la construction de la lettre de Léon XIII présente des analogies remarquables avec elle. Dans les deux cas le pontife se présente en vicaire du Christ32 et le raisonnement se fonde sur les Écritures, puis procède à une étude historique où est affirmée la continuité des positions de la papauté. Mais le discours n’a pas seulement gagné en abondance et en densité. Il marque un infléchissement, voire une rupture dans l’argumentation et dans l’exposé de la doctrine en matière d’esclavage.

    40Le point de départ illustre d’emblée le changement de perspective. Le pape s’appuie sur deux citations pour démontrer que le message évangélique est porteur de libération : Jésus vient « annoncer aux captifs la délivrance » (Isaïe 61,1 repris en Luc 4,19) et « renouvelle toutes choses en lui, et ce qui est au ciel, et ce qui est sur la terre » (Éphésiens 1,10). Puis il trouve dans saint Grégoire le Grand, en amont de la théologie scolastique, le raisonnement qui va fonder toute l’encyclique. Puisque la Rédemption brise toute servitude et rend aux hommes leur liberté, « c’est chose salutaire de rendre, par le bienfait de l’affranchissement à la liberté, dans laquelle ils sont nés, les hommes que la nature a fait libres dès l’abord et à laquelle le droit des gens a substitué le joug de la liberté » (livre VI, épître 12). Dès lors Léon XIII va s’attacher à distinguer et opposer deux périodes de l’histoire. Celle qui précède la Rédemption (dans laquelle les sociétés pratiquent un esclavage sans limite), et celle qui suit la venue du Christ, rendant aux hommes rachetés leur « très noble dignité de fils de Dieu ».

    41On ne trouve pas dans l’encyclique une discussion sur les théologies de l’esclavage ou la traite. Le pape évite prudemment un terrain miné, d’autant que saint Thomas d’Aquin, promu par Léon XIII principal maître à penser du catholicisme, légitime l’esclavage. Le pape préfère regarder vers l’avenir et présenter le christianisme comme le fondement nécessaire d’une société harmonieuse et juste. Optant pour une posture pastorale, car c’est « le propre du ministère apostolique » de favoriser tout ce qui peut soulager les misères individuelles et sociales, il dénonce l’esclavage, institution contraire « à ce que Dieu et la nature ont d’abord établi », inventée par les hommes sous l’effet « de la contagion du premier péché ».

    42La démonstration s’appuie sur une vérification de la thèse par l’histoire des vertus civilisatrices du christianisme. L’assujettissement des vaincus par les vainqueurs a donné naissance dans l’Antiquité à une société divisée en deux catégories, où la multitude des esclaves est au pouvoir d’une minorité de maîtres. À cette situation, les philosophes païens ont donné une légitimité par « une doctrine inhumaine et inique ». Elle enseignait que la servitude était « une condition nécessaire de la nature » et que « la race des esclaves » était inférieure en intelligence et en beauté physique. Or le Christ a détruit cette hiérarchie en proclamant que tous les hommes sont enfants de Dieu, et qu’en lui « il n’y a plus ni juif, ni Grec, ni esclave, ni homme libre, ni mâle, ni femelle » (Galates 3,26-28), « ni esclaves, ni maîtres » (Colossiens 3,11), car tous sont « baptisés dans un même esprit » (1 Corinthiens 12,13).

    43Arrivée à ce point de la démonstration, l’encyclique est centrée sur l’attitude et le rôle de l’Église. S’inspirant des interprétations avancées par les historiens chrétiens du siècle (Montalembert, Cochin), elle entend prouver que l’Église a toujours refusé la servitude, mais d’une manière pédagogique et adaptée. Chaque moment de son histoire correspond donc à un progrès dans la marche vers la libération des hommes. Au temps de saint Paul, la seule manière efficace d’agir était de donner l’exemple d’une fraternité autrefois impensable, de transformer de l’intérieur les rapports entre maîtres et esclaves, dans la vie domestique. « Elle n’a pas voulu, en effet, procéder hâtivement à l’affranchissement des esclaves et à la sollicitude de leur liberté, ce qu’elle n’aurait pu faire évidemment que d’une façon tumultueuse, qui eût tourné à leur propre détriment et à celui de la chose publique. »

    44Après avoir interprété de cette manière les exhortations à l’obéissance lancées par saint Pierre et saint Paul en direction des esclaves33, y compris l’appel de Pierre à supporter une souffrance injuste en imitant le Christ (1 Pierre 2,19-21), l’encyclique poursuit dans la même voie, passant en revue l’enseignement des pères de l’Église et des papes. Tous ont eu à cœur de changer les sociétés en changeant les mœurs et le cœur des hommes, d’une manière adaptée et progressive pour qu’elle soit efficace. Les pontifes romains ont mis leurs actes en conformité avec une doctrine qui maintenait que « nul n’est esclave par la nature et que Dieu a fait tous les hommes libres34 ». Ils ont multiplié les interventions auprès des souverains et encouragé les mesures en faveur des esclaves, pour les secourir par des ordres religieux spécialisés et/ou les protéger par des lois. Au terme de la démonstration, la conclusion s’impose d’elle-même :

    « Aussi ne saurait-on jamais assez honorer et remercier l’Église catholique et proclamer qu’elle a bien mérité de la prospérité des peuples, en détruisant l’esclavage par un bienfait inappréciable du Christ rédempteur, et en assurant aux hommes la liberté, la fraternité et l’égalité véritable. »

    45Sans doute l’historien est-il déconcerté par une relecture du passé qui multiplie les anachronismes, surévalue à des fins apologétiques le rôle du catholicisme et occulte des épisodes peu glorieux. Mais le propos pontifical n’est pas de mener une enquête historique critique. Il s’inscrit dans la perspective d’une histoire sainte qui s’intéresse, sous la surface des événements, à l’action salvatrice de Dieu. Il vise à mobiliser les fidèles pour qu’ils participent à la nouvelle étape ouverte par l’exploration de l’Afrique intérieure et le progrès des relations commerciales. La vision pontificale est celle d’une histoire du salut qui se dilate peu à peu aux dimensions du monde et étend du même coup le domaine de la vraie civilisation. Après avoir cessé sur les mers, « l’ignoble traite d’êtres humains » doit maintenant disparaître de la terre, notamment des contrées d’Afrique. Informés des maux qui frappent les « Éthiopiens et les habitants de nations semblables35 », la chrétienté se doit d’agir pour apporter à ces hommes aussi le salut et la liberté. Plus que jamais indissociables, apostolat religieux et transformation de la société constituent une seule mission accomplie avec l’aide de Dieu, celle de « convertir la désolation, la barbarie, la férocité en l’heureuse prospérité de la religion et de la civilisation36 ».

    46Léon XIII se place ainsi au centre d’un catholicisme en mouvement, porteur d’un projet global, religieux et civilisateur. Son discours n’est pas exempt de considérations hostiles aux « mahométans » responsables des traites africaines, avec le risque d’assimiler islam et traite des Noirs (comme antérieurement christianisme et traite négrière). Il ne rompt pas davantage avec une conception conservatrice d’une société hiérarchisée où chacun doit rester à sa place, et l’encyclique s’achève par une exhortation aux pauvres et aux esclaves affranchis pour qu’ils soient « contents de leur sort et de leurs biens, et qu’ils ne désirent rien tant que les biens célestes ». In plurimis n’en marque pas moins la consécration d’une nouvelle attitude face à l’esclavage. Hier accusée d’avoir été à la remorque de l’abolitionnisme, la papauté entend désormais se porter à la tête du mouvement antiesclavagiste en Afrique et affirme auprès de tous les hommes sa vocation à exercer un magistère moral.

    47L’encyclique clôt dans l’Église catholique un débat qui ne s’est jamais réellement ouvert. La condamnation de la traite et de l’esclavage est désormais devenue une évidence qui rend toute discussion sur une hypothétique licité à certaines conditions impensable et inutile. Vis-à-vis de l’histoire, l’encyclique fixe aussi pour longtemps le discours catholique par une double démonstration qu’on résumera ainsi. L’Évangile portait en lui le germe de la destruction de l’esclavage et l’Église a activement participé à combattre les méfaits de la traite et de l’esclavage. Les apparentes compromissions avec le système servile relèvent de la nécessaire adaptation du discours aux circonstances de temps et de lieu. Il ne faut donc pas confondre la responsabilité de chrétiens et d’hommes d’Église avec la responsabilité de l’Église. Mieux encore, un bilan historique honnête fait apparaître que l’actif (la part prise à l’assistance aux esclaves et au combat sur le terrain) l’emporte sur le passif.

    48En procédant à un déplacement du débat, Grégoire XVI (de manière timide et ambiguë) et Léon XIII (par une vision de l’histoire plaçant l’Église à la tête de la lutte contre l’esclavage) ont sorti l’Église d’une impasse théologique paralysante. Ils n’ont pas pour autant affronté ce fait historique qu’a été l’acceptation de la traite et de l’esclavage à certaines conditions. En quelque sorte ils ont officialisé l’extinction du discours antérieur et choisi de tourner la page. Mais ils n’ont pas procédé à la réfutation d’une théologie dont le très orthodoxe Dictionnaire de théologie catholique garde encore la trace en 192437.

    49Au final, le débat sur l’abolition constitue une des plus belles vérifications de la thèse développée par Ernst Troeltsch, dans Protestantisme et modernité, en 1910. Dans la lutte contre l’esclavage, c’est bien le christianisme protestant de type non-conformiste, quaker, baptiste ou méthodiste, issu des mouvements de Réveil, qui mène le combat, et non pas le protestantisme des Églises établies, luthérienne, calviniste, anglicane. Il incarne une nouvelle sensibilité religieuse qui proclame le primat de l’expérience (conversion) et de la conviction, caractéristique de la modernité, et ne se reconnaît plus dans les démonstrations de la théologie classique. Il s’appuie sur une intense vie associative et militante qui multiplie les meetings et pétitions et constitue un laboratoire de la vie démocratique.

    50Mais ce débat est aussi l’occasion de constater que le catholicisme est également traversé par ces courants modernisateurs. Un nombre croissant de clercs et de laïcs dénoncent l’esclavage au nom de la morale évangélique et récusent les « sophismes » de la morale enseignée dans les traités théologiques. La réconciliation de Dieu et de la liberté, rêvée par Lamennais, semble sur le point de s’opérer en 1848, comme en témoigne le soutien à la Révolution de février en France. Mais l’esprit de la contre-révolution impose avec Pie IX (1846-1878) un discours intransigeant, construit sur le refus de la philosophie des droits de l’homme et de sa conception de la liberté individuelle. Pour ne pas être mise hors jeu la papauté doit élaborer dans le dernier tiers du xixe siècle une doctrine sociale catholique alternative qui lui permet par d’autres voies de s’inscrire dans les aspirations de la société. Léon XIII (1878-1903) en est l’artisan et réalise un ralliement tardif, mais cette fois sans équivoque, à la condamnation de l’esclavage, au prix d’une rupture avec la doctrine traditionnelle qui ne peut être affichée.

    Notes de bas de page

    1 Quenum (A.), Les Églises chrétiennes et la traite atlantique du xve au xixe siècles, Paris, Karthala, 1993 ; Cipollone (G.), « Entre théologie et droit de la Libération », L’esclavage, négation de l’humain, Mémoire spiritaine, n° 9, p. 27-50 ; Legrain (M.), « Éthique chrétienne et esclavagisme », ibid., p. 50-79.

    2 Le site http ://www.brycchancarey.com/abolition fournit des biographies, des bibliographies et divers liens sur les principaux abolitionnistes britanniques.

    3 Le récit autobiographique d’Olaudah Equanio, publié à Londres en 1789.

    4 Hyde (B.), The Story of Methodism Throughout the World, Springfield, Willeyet Co., 1889, p. 237.

    5 Quenum (A.), op. cit., donne une illustration édifiante des réponses théologiques et juridiques apportées aux cas de conscience touchant l’esclavage (p. 154-168), tirées du Dictionnaire des cas de conscience de Fromageau (Paris, Imprimerie du Roi, 1733).

    6 On sait le succès de cette démarche aux États-Unis à travers les negro-spirituals.

    7 Blanc (R.), Un pasteur du temps des Lumières, Benjamin Sigismond Frossard (1754-1830), Paris, Champion, 2000.

    8 Zorn (J.-F.), Le grand siècle d’une Mission protestante. La Mission de Paris de 1822 à 1914, Paris, Karthala, 1993, chap. 1.

    9 Berger (N.), Dictionnaire de Théologie, article « Nègre ».

    10 Plusieurs contributions y insistent dans Grégoire et la cause des Noirs (1789-1831), combats et projets, sous la direction d’Yves Bénot et Marcel Dorigny, Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, 2000.

    11 Bedouelle (G.), « Cyrille Bissette et les appels au clergé français pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies », Bedouelle (G.), Chauleau (L.), Delisle (Ph.) et Prudhomme (Cl.), « L’Église et l’abolition de l’esclavage », Revue du Centre d’études du Saulchoir, n° 9, Paris, Cerf, 1999, p. 41-70.

    12 Le 10 juin 1848, quelques jours après la proclamation de l’abolition, il déclare à ses compatriotes de Martinique : « Il y a vingt-quatre ans j’avais juré devant Dieu de travailler de toutes mes forces à l’affranchissement de mes frères. »

    13 Bissette (C.), Réponse au factotum de M. Schoelcher intitulé : la vérité aux ouvriers et cultivateurs de la Martinique, Paris, Poussielgue, 1850, p. 97-98.

    14 Les citations sont empruntées pour les Antilles à Delisle (Ph.), « Église et esclavage dans les vieilles colonies françaises au xixe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 1998, n° 112. Voir aussi du même auteur, Histoire religieuse des Antilles et de la Guyane françaises. Des chrétientés sous les tropiques, 1815-1991, Paris Karthala, 2000. Pour Bourbon et l’abbé Monnet : Prudhomme (Cl.), Histoire religieuse de la Réunion, Paris, Karthala, 1984.

    15 Les pièces de cette correspondance sont conservées aux archives de la congrégation des spiritains. Sur Mgr Truffet et cet échange de correspondance, voir Coulon (P.), Brasseur (P.) et collaborateurs, Libermann 1802-1852. Une pensée et une mystique missionnaires, Paris, Cerf, 1988 (en particulier Brasseur (P.), « À la recherche d’un absolu missionnaire : Mgr Truffet, vicaire apostolique des Deux-Guinées 1812-1847 », p. 457-487).

    16 Né le 29 octobre 1812 à Rumilly (Savoie), dans le royaume de Sardaigne-Savoie, ordonné prêtre en 1835 après des études au séminaire de Chambéry. Modèle du prêtre cultivé, il enseigne la rhétorique au petit séminaire de Pont-de-Beauvoisin, collabore à divers périodiques et adhère à l’Association de la propagation de la foi. Autorisé par son évêque à entrer dans les Missions étrangères de Paris, la rencontre de l’abbé Desgenettes, curé de Notre-Dame-des-Victoires, l’oriente vers la jeune congrégation des Missionnaires du Sacré-Cœur fondée par le P. Libermann. La radicalité de son engagement missionnaire à Dakar, et le choix d’un mode vie ascétique, semblent expliquer un état de faiblesse qui ne lui permit pas de résister aux attaques des fièvres (vraisemblablement le paludisme) qui l’emportèrent le 23 novembre 1847. Voir Sorrel (Ch.) (dir.), La Savoie, article « Truffet Benoît », Paris, Beauchesne, 1996.

    17 Jean-Baptiste Bouvier, né à Saint-Charles-la-Forêt (Mayenne) le 17 janvier 1783. Professeur au grand séminaire du Mans en 1811, directeur en 1819, puis évêque du Mans de 1834 jusqu’à sa mort en 1854. Il publie en 1834 des Institutions théologiques à l’usage des séminaires (6 volumes, Paris, chez Méquignon le jeune, en latin) qui connaissent un très grand succès dans les séminaires de France (plus de soixante d’entre eux en auraient fait leur manuel en 1853 selon le Dictionnaire de théologie catholique, 1923, t. 2, article « Bouvier »). On relève 15 nouvelles éditions de 1834 à 1880, sans compter plusieurs impressions d’une même édition. Novateur en son temps, l’ouvrage introduisait la morale d’Alphonse de Liguori, qui rompait avec l’héritage janséniste, et cherchait à mettre le droit canon en rapport avec le Code civil. Il fut accusé sous la monarchie de Juillet d’apporter son appui au régime, et, sous le second Empire, de tendances gallicanes. Il mourut en 1854 à Rome où l’avait appelé Pie IX au moment de la proclamation du dogme de l’Immaculée-Conception.

    18 Mémoire spiritaine a publié le texte intégral (texte original en latin) avec traduction française dans son n° 1, avril 1995, p. 139-145.

    19 Mgr Truffet n’avait à sa disposition que la 5e édition, publiée en 1844.

    20 « Dira-t-on que l’esprit de l’Évangile condamne un trafic aussi odieux, et que l’état actuel de la civilisation ne peut plus souffrir ? Il me semble que l’on peut répondre qu’en effet l’Évangile et la civilisation qui en est le fruit doivent nous faire regarder comme très désirable la suppression du commerce des noirs, et comme illicite le plus souvent ce triste commerce mais qu’on ne saurait en induire des preuves claires et positives démontrant l’illicité pour toutes circonstances et d’une manière absolue, même pour le cas où la traite ne serait pas injuste considérée au point de vue du droit naturel. »

    21 Mgr Truffet à M. de Saint-Antoine, Paris, 14 février 1847, lettre reproduite dans Brasseur (P.),« À la recherche… », op. cit., p. 461-462.

    22 Schoelcher (V.), Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années, Paris, 1847, réédition Émile Désormeaux, Pointe-à-Pitre, 1973, t. 1, chap. v, p. 187, « Clergé colonial ». Rien n’indique que l’ouvrage soit connu de Mgr Truffet qui s’embarque à Bordeaux le 15 avril 1847.

    23 Pierre Claver, né en Espagne, en 1580, entre dans la Compagnie de Jésus en 1602. Ordonné prêtre en 1616 dans la mission de Colombie, il y exerce son apostolat parmi les Noirs après avoir fait le vœu de se faire esclave des Nègres pour toujours. Mort à le 8 septembre 1654, il est canonisé en 1888 par Léon XIII.

    24 Il faudrait mettre ce contexte en rapport avec la mystique de Libermann telle que Paul Coulon l’analyse : « Faites-vous nègres avec les nègres ou la stratégie missionnaire d’un mystique (1847) », Libermann 1802-1852, op. cit., p. 489 sqq.

    25 Le Mémoire sur les Missions des noirs présenté par Libermann à la Propagande en 1846 en est l’archétype. Premier principe : « Nous croyons que la foi ne pourrait prendre une forme stable parmi ces peuples, ni les Églises naissantes un avenir assuré, que par le secours d’une civilisation perfectionnée jusqu’à un certain point. » Second principe : « La civilisation est impossible sans la foi. » Texte intégral dans Libermann 1802-1852, op. cit., p. 228, citation p. 249.

    26 BnF. Chambre des députés. Rapport fait au nom de la Commission chargée d’examiner la Proposition de M. de Tracy, relative aux Esclaves des colonies, par M. A. de Tocqueville, député de la Manche, Séance du 23 juillet 1839, p. 5.

    27 Wallon (H.), De l’esclavage dans les colonies. Pour servir à l’Histoire de l’Esclavage dans l’Antiquité, Paris, Dezobry, E. Magdeleine et Cie, 1847, p. LXVIII-LXIX.

    28 Charles de Montalembert expose sa position dans une lettre à Lacordaire, le 20 Septembre, 1839 (Lacordaire-Montalembert Correspondance Inédite, présentée par Louis Le Guillou, Paris, Cerf, 1989, p. 449. Voir aussi ses Émancipation des Esclaves – 7 avril 1845 – et Émancipation des Noirs dans les Colonies – 30 mars 1847 – ; Montalembert, Œuvres, Volume II, Paris, 1860, p. 59-62, 461-472).

    29 Cochin (A.), L’abolition de l’esclavage, Paris, Lecoffre et Guillaumin, 1861.

    30 Renault (F.), Lavigerie, l’esclavage africain et l’Europe, 1868-1892, Paris, de Boccard, 1971, t. 1, Afrique centrale, t. 2 : Campagne anti-esclavagiste.

    31 « Ayant appris (la préparation de l’encyclique), Lavigerie suggéra au pape de ne pas limiter son commentaire à l’extinction d‘un mal social comme si le problème ne se posait plus. Après avoir longuement décrit les horreurs de la traite en Afrique, il proposa donc une exhortation pressante à l’adresse des hommes capables, dans leur sphère propre, de porter un remède : d’une part aux missionnaires de ce continent pour soulager les misères des esclaves et promouvoir leur libération ; d’autre part, aux “gouvernements chrétiens” pour entreprendre une répression efficace contre les traitants » (Renault F., Le cardinal Lavigerie 1852-1892. L’Église, l’Afrique, la France, Paris, Fayard, 1992, p. 355).

    32 « Nous tenons, en effet, auprès de tous les hommes la place du Christ Fils de Dieu ». Nous utilisons la traduction française publiée dans Lettres apostoliques de Léon XIII, Paris, Roger et F. Chernoviz éditeurs, s. d., t. 2, p. 145-171, cit. p. 147.

    33 Le texte cite largement 1 P. 2,18 ; Ep. 6,5-8 ; 1 Tm. 6,1-2 ; Tt. 2,9-10 ; Ep. 6,9 ; 1 Cor. 7,22 ; Phm. 12-18. Ibid., p. 153.

    34 Ibid., p. 161.

    35 Ibid., p. 165.

    36 Ibid., p. 169.

    37 On y lit, à l’article « esclavage », un paragraphe consacré à la question considérée d’un point de vue « purement spéculatif ». Après avoir résumé les trois raisons de le condamner, l’auteur (J. Dutilleul) ajoute : « Mais, d’autre part, l’idée d’un perpetuus famulatus, pro perpetuis alimentis, spontané ou contraint, si toutefois les droits inaliénables de l’homme sont saufs comme dans un vasselage interprété avec une bénignité chrétienne, cette idée, dis-je, n’est pas inadmissible. » Cependant après avoir cité les ouvrages de théologie du temps qui exposent la doctrine catholique, l’auteur convient qu’il s’agit là « d’une discussion spéculative et rétrospective. » (Dictionnaire de Théologie Catholique contenant l’exposé des doctrines de la Théologie catholique, leurs preuves et leur histoire, Paris, Letouzey et Ané, t. 5).

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    Claude Prudhomme

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    1 Quenum (A.), Les Églises chrétiennes et la traite atlantique du xve au xixe siècles, Paris, Karthala, 1993 ; Cipollone (G.), « Entre théologie et droit de la Libération », L’esclavage, négation de l’humain, Mémoire spiritaine, n° 9, p. 27-50 ; Legrain (M.), « Éthique chrétienne et esclavagisme », ibid., p. 50-79.

    2 Le site http ://www.brycchancarey.com/abolition fournit des biographies, des bibliographies et divers liens sur les principaux abolitionnistes britanniques.

    3 Le récit autobiographique d’Olaudah Equanio, publié à Londres en 1789.

    4 Hyde (B.), The Story of Methodism Throughout the World, Springfield, Willeyet Co., 1889, p. 237.

    5 Quenum (A.), op. cit., donne une illustration édifiante des réponses théologiques et juridiques apportées aux cas de conscience touchant l’esclavage (p. 154-168), tirées du Dictionnaire des cas de conscience de Fromageau (Paris, Imprimerie du Roi, 1733).

    6 On sait le succès de cette démarche aux États-Unis à travers les negro-spirituals.

    7 Blanc (R.), Un pasteur du temps des Lumières, Benjamin Sigismond Frossard (1754-1830), Paris, Champion, 2000.

    8 Zorn (J.-F.), Le grand siècle d’une Mission protestante. La Mission de Paris de 1822 à 1914, Paris, Karthala, 1993, chap. 1.

    9 Berger (N.), Dictionnaire de Théologie, article « Nègre ».

    10 Plusieurs contributions y insistent dans Grégoire et la cause des Noirs (1789-1831), combats et projets, sous la direction d’Yves Bénot et Marcel Dorigny, Paris, Société française d’histoire d’outre-mer, 2000.

    11 Bedouelle (G.), « Cyrille Bissette et les appels au clergé français pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies », Bedouelle (G.), Chauleau (L.), Delisle (Ph.) et Prudhomme (Cl.), « L’Église et l’abolition de l’esclavage », Revue du Centre d’études du Saulchoir, n° 9, Paris, Cerf, 1999, p. 41-70.

    12 Le 10 juin 1848, quelques jours après la proclamation de l’abolition, il déclare à ses compatriotes de Martinique : « Il y a vingt-quatre ans j’avais juré devant Dieu de travailler de toutes mes forces à l’affranchissement de mes frères. »

    13 Bissette (C.), Réponse au factotum de M. Schoelcher intitulé : la vérité aux ouvriers et cultivateurs de la Martinique, Paris, Poussielgue, 1850, p. 97-98.

    14 Les citations sont empruntées pour les Antilles à Delisle (Ph.), « Église et esclavage dans les vieilles colonies françaises au xixe siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, 1998, n° 112. Voir aussi du même auteur, Histoire religieuse des Antilles et de la Guyane françaises. Des chrétientés sous les tropiques, 1815-1991, Paris Karthala, 2000. Pour Bourbon et l’abbé Monnet : Prudhomme (Cl.), Histoire religieuse de la Réunion, Paris, Karthala, 1984.

    15 Les pièces de cette correspondance sont conservées aux archives de la congrégation des spiritains. Sur Mgr Truffet et cet échange de correspondance, voir Coulon (P.), Brasseur (P.) et collaborateurs, Libermann 1802-1852. Une pensée et une mystique missionnaires, Paris, Cerf, 1988 (en particulier Brasseur (P.), « À la recherche d’un absolu missionnaire : Mgr Truffet, vicaire apostolique des Deux-Guinées 1812-1847 », p. 457-487).

    16 Né le 29 octobre 1812 à Rumilly (Savoie), dans le royaume de Sardaigne-Savoie, ordonné prêtre en 1835 après des études au séminaire de Chambéry. Modèle du prêtre cultivé, il enseigne la rhétorique au petit séminaire de Pont-de-Beauvoisin, collabore à divers périodiques et adhère à l’Association de la propagation de la foi. Autorisé par son évêque à entrer dans les Missions étrangères de Paris, la rencontre de l’abbé Desgenettes, curé de Notre-Dame-des-Victoires, l’oriente vers la jeune congrégation des Missionnaires du Sacré-Cœur fondée par le P. Libermann. La radicalité de son engagement missionnaire à Dakar, et le choix d’un mode vie ascétique, semblent expliquer un état de faiblesse qui ne lui permit pas de résister aux attaques des fièvres (vraisemblablement le paludisme) qui l’emportèrent le 23 novembre 1847. Voir Sorrel (Ch.) (dir.), La Savoie, article « Truffet Benoît », Paris, Beauchesne, 1996.

    17 Jean-Baptiste Bouvier, né à Saint-Charles-la-Forêt (Mayenne) le 17 janvier 1783. Professeur au grand séminaire du Mans en 1811, directeur en 1819, puis évêque du Mans de 1834 jusqu’à sa mort en 1854. Il publie en 1834 des Institutions théologiques à l’usage des séminaires (6 volumes, Paris, chez Méquignon le jeune, en latin) qui connaissent un très grand succès dans les séminaires de France (plus de soixante d’entre eux en auraient fait leur manuel en 1853 selon le Dictionnaire de théologie catholique, 1923, t. 2, article « Bouvier »). On relève 15 nouvelles éditions de 1834 à 1880, sans compter plusieurs impressions d’une même édition. Novateur en son temps, l’ouvrage introduisait la morale d’Alphonse de Liguori, qui rompait avec l’héritage janséniste, et cherchait à mettre le droit canon en rapport avec le Code civil. Il fut accusé sous la monarchie de Juillet d’apporter son appui au régime, et, sous le second Empire, de tendances gallicanes. Il mourut en 1854 à Rome où l’avait appelé Pie IX au moment de la proclamation du dogme de l’Immaculée-Conception.

    18 Mémoire spiritaine a publié le texte intégral (texte original en latin) avec traduction française dans son n° 1, avril 1995, p. 139-145.

    19 Mgr Truffet n’avait à sa disposition que la 5e édition, publiée en 1844.

    20 « Dira-t-on que l’esprit de l’Évangile condamne un trafic aussi odieux, et que l’état actuel de la civilisation ne peut plus souffrir ? Il me semble que l’on peut répondre qu’en effet l’Évangile et la civilisation qui en est le fruit doivent nous faire regarder comme très désirable la suppression du commerce des noirs, et comme illicite le plus souvent ce triste commerce mais qu’on ne saurait en induire des preuves claires et positives démontrant l’illicité pour toutes circonstances et d’une manière absolue, même pour le cas où la traite ne serait pas injuste considérée au point de vue du droit naturel. »

    21 Mgr Truffet à M. de Saint-Antoine, Paris, 14 février 1847, lettre reproduite dans Brasseur (P.),« À la recherche… », op. cit., p. 461-462.

    22 Schoelcher (V.), Histoire de l’esclavage pendant les deux dernières années, Paris, 1847, réédition Émile Désormeaux, Pointe-à-Pitre, 1973, t. 1, chap. v, p. 187, « Clergé colonial ». Rien n’indique que l’ouvrage soit connu de Mgr Truffet qui s’embarque à Bordeaux le 15 avril 1847.

    23 Pierre Claver, né en Espagne, en 1580, entre dans la Compagnie de Jésus en 1602. Ordonné prêtre en 1616 dans la mission de Colombie, il y exerce son apostolat parmi les Noirs après avoir fait le vœu de se faire esclave des Nègres pour toujours. Mort à le 8 septembre 1654, il est canonisé en 1888 par Léon XIII.

    24 Il faudrait mettre ce contexte en rapport avec la mystique de Libermann telle que Paul Coulon l’analyse : « Faites-vous nègres avec les nègres ou la stratégie missionnaire d’un mystique (1847) », Libermann 1802-1852, op. cit., p. 489 sqq.

    25 Le Mémoire sur les Missions des noirs présenté par Libermann à la Propagande en 1846 en est l’archétype. Premier principe : « Nous croyons que la foi ne pourrait prendre une forme stable parmi ces peuples, ni les Églises naissantes un avenir assuré, que par le secours d’une civilisation perfectionnée jusqu’à un certain point. » Second principe : « La civilisation est impossible sans la foi. » Texte intégral dans Libermann 1802-1852, op. cit., p. 228, citation p. 249.

    26 BnF. Chambre des députés. Rapport fait au nom de la Commission chargée d’examiner la Proposition de M. de Tracy, relative aux Esclaves des colonies, par M. A. de Tocqueville, député de la Manche, Séance du 23 juillet 1839, p. 5.

    27 Wallon (H.), De l’esclavage dans les colonies. Pour servir à l’Histoire de l’Esclavage dans l’Antiquité, Paris, Dezobry, E. Magdeleine et Cie, 1847, p. LXVIII-LXIX.

    28 Charles de Montalembert expose sa position dans une lettre à Lacordaire, le 20 Septembre, 1839 (Lacordaire-Montalembert Correspondance Inédite, présentée par Louis Le Guillou, Paris, Cerf, 1989, p. 449. Voir aussi ses Émancipation des Esclaves – 7 avril 1845 – et Émancipation des Noirs dans les Colonies – 30 mars 1847 – ; Montalembert, Œuvres, Volume II, Paris, 1860, p. 59-62, 461-472).

    29 Cochin (A.), L’abolition de l’esclavage, Paris, Lecoffre et Guillaumin, 1861.

    30 Renault (F.), Lavigerie, l’esclavage africain et l’Europe, 1868-1892, Paris, de Boccard, 1971, t. 1, Afrique centrale, t. 2 : Campagne anti-esclavagiste.

    31 « Ayant appris (la préparation de l’encyclique), Lavigerie suggéra au pape de ne pas limiter son commentaire à l’extinction d‘un mal social comme si le problème ne se posait plus. Après avoir longuement décrit les horreurs de la traite en Afrique, il proposa donc une exhortation pressante à l’adresse des hommes capables, dans leur sphère propre, de porter un remède : d’une part aux missionnaires de ce continent pour soulager les misères des esclaves et promouvoir leur libération ; d’autre part, aux “gouvernements chrétiens” pour entreprendre une répression efficace contre les traitants » (Renault F., Le cardinal Lavigerie 1852-1892. L’Église, l’Afrique, la France, Paris, Fayard, 1992, p. 355).

    32 « Nous tenons, en effet, auprès de tous les hommes la place du Christ Fils de Dieu ». Nous utilisons la traduction française publiée dans Lettres apostoliques de Léon XIII, Paris, Roger et F. Chernoviz éditeurs, s. d., t. 2, p. 145-171, cit. p. 147.

    33 Le texte cite largement 1 P. 2,18 ; Ep. 6,5-8 ; 1 Tm. 6,1-2 ; Tt. 2,9-10 ; Ep. 6,9 ; 1 Cor. 7,22 ; Phm. 12-18. Ibid., p. 153.

    34 Ibid., p. 161.

    35 Ibid., p. 165.

    36 Ibid., p. 169.

    37 On y lit, à l’article « esclavage », un paragraphe consacré à la question considérée d’un point de vue « purement spéculatif ». Après avoir résumé les trois raisons de le condamner, l’auteur (J. Dutilleul) ajoute : « Mais, d’autre part, l’idée d’un perpetuus famulatus, pro perpetuis alimentis, spontané ou contraint, si toutefois les droits inaliénables de l’homme sont saufs comme dans un vasselage interprété avec une bénignité chrétienne, cette idée, dis-je, n’est pas inadmissible. » Cependant après avoir cité les ouvrages de théologie du temps qui exposent la doctrine catholique, l’auteur convient qu’il s’agit là « d’une discussion spéculative et rétrospective. » (Dictionnaire de Théologie Catholique contenant l’exposé des doctrines de la Théologie catholique, leurs preuves et leur histoire, Paris, Letouzey et Ané, t. 5).

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    Ce livre est cité par

    • (2009) Abolition. DOI: 10.1017/CBO9780511770555.007
    • Peabody, Sue. (2009) La question raciale et le «sol libre de France»: l’affaire Furcy. Annales. Histoire, Sciences Sociales, 64. DOI: 10.1017/S0395264900027517
    • Mouhot, Jean-François. (2011) Past connections and present similarities in slave ownership and fossil fuel usage. Climatic Change, 105. DOI: 10.1007/s10584-010-9982-7
    • Drescher, Seymour. (2011) Antislavery Debates: Tides of Historiography in Slavery and Antislavery. European Review, 19. DOI: 10.1017/S1062798710000396

    Ce chapitre est cité par

    • (2023) Premio Istituto Sangalli per la storia religiosa Da «selvaggi» a «moretti». DOI: 10.36253/979-12-215-0079-0

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    Prudhomme, C. (2008). Chapitre 4. L’expérience et la conviction contre la tradition : les Églises chrétiennes et la critique de l’esclavage, 1780-1888. In O. Pétré-Grenouilleau (éd.), Abolir l’esclavage (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pur.5718
    Prudhomme, Claude. « Chapitre 4. L’expérience et la conviction contre la tradition : les Églises chrétiennes et la critique de l’esclavage, 1780-1888 ». In Abolir l’esclavage, édité par Olivier Pétré-Grenouilleau. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pur.5718.
    Prudhomme, Claude. « Chapitre 4. L’expérience et la conviction contre la tradition : les Églises chrétiennes et la critique de l’esclavage, 1780-1888 ». Abolir l’esclavage, édité par Olivier Pétré-Grenouilleau, Presses universitaires de Rennes, 2008, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pur.5718.

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    Pétré-Grenouilleau, O. (éd.). (2008). Abolir l’esclavage (1‑). Presses universitaires de Rennes. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pur.5711
    Pétré-Grenouilleau, Olivier, éd. Abolir l’esclavage. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2008. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pur.5711.
    Pétré-Grenouilleau, Olivier, éditeur. Abolir l’esclavage. Presses universitaires de Rennes, 2008, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.pur.5711.
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