Des intermittences du sujet et de leur pertinence impertinente chez Claudel : Partage de Midi et les vertiges de l’identité
p. 193-207
Texte intégral
1En 1927, dans un entretien avec Frédéric Lefèvre, Claudel déclare :
Ce que je reproche surtout à Proust, c’est cette pratique de l’introspection continuelle. C’est une hygiène déplorable que de se regarder. On se fausse en se regardant ; on se fabrique une espèce d’individu artificiel qui remplace la personnalité naïve et agissante1.
2Plus tard, dans ses entretiens avec Jean Amrouche, il aura cette formule : « le meilleur moyen de ne pas se voir est de se regarder2 ».
3À cette défiance de Claudel à l’égard de l’écriture de soi, il faut ajouter une conception de l’existence fondamentalement catholique : la vie de chaque être humain prend place dans un ensemble organisé et coordonné dont Dieu possède la clé et garantit le sens. En avril 1953, moins de deux ans avant sa mort, il affirme :
Oui, j’ai résisté toute ma vie à la tentation de croire à l’absurdité du monde. J’ai prié pour ne pas y croire, j’ai adhéré passionnément, plus passionnément que raisonnablement peut-être, à cette conception que la vie a une direction, qu’elle a un but, une source d’où elle vient et où elle retournera, et qui est l’éternel amour3.
4La question fondamentale qu’il pose sur l’homme n’est jamais de savoir ce qu’il est, mais pourquoi il est fait.
5Défiance à l’égard de Proust – ou de Gide –, rejet des formes littéraires introspectives, croyance forte en une existence qui a sens – entendu à la fois comme signification et direction – : la messe peut sembler dite d’emblée et la place faite à Claudel dans une publication consacrée à la discontinuité du sujet dans les genres autobiographiques risque bien de paraître paradoxale, voire provocatrice. Mais Claudel n’est-il pas lui-même fondamentalement paradoxal et provocateur ?
6L’enjeu de cet article sera de montrer la pertinence impertinente – ou l’impertinence pertinente – de la notion d’intermittences du sujet chez Claudel en mettant d’abord en évidence quelques perspectives concernant l’ensemble de son œuvre et sa conception générale de l’homme et du monde, avant d’en venir à Partage de midi, drame autobiographique envisagé d’abord à travers le personnage de Mesa dans l’acte I, vu comme le double fictif de Claudel, puis à travers les tensions à l’intérieur même de l’auteur comme sujet que manifeste l’acte III.
7Si l’on examine attentivement la conception théologique et téléologique de Claudel, deux arguments donnent une vraie pertinence à une conception discontinue du sujet :
8– Pour lui, la condition même de l’homme est marquée du sceau de la discontinuité : « tout ce qui n’est pas Dieu est mélangé de néant », écrit-il au jeune Jacques Benoist-Méchin. « Ce sont ces mélanges différents d’être et de néant, de tension et de détente, d’inspiration et d’expiration, qui constituent la nature propre de chaque être4. » Lui-même se présente dans son Journal en 1927 comme composé d’« éléments disparates » dont il n’a pas encore réalisé l’« harmonisation5 ». Mais cette harmonie – et non fusion – visée, l’a-t-il jamais atteinte ?
9De plus, cet aspect composite n’est pas que le propre d’une condition terrestre provisoire en attendant de s’absorber en Dieu dans la mort. Lorsque le jeune Jacques Benoist-Méchin écrit que la pluralité est inconcevable au sein de l’infini, Claudel proteste :
C’est la vieille hérésie Averroïste […]. Dieu seul est Dieu et comme il est de son essence d’être l’Unité il est de l’essence des créatures d’être le nombre. Si elles cessent d’être différentes, elles cessent de pouvoir donner et recevoir entre elles […]. Pour pouvoir […] aimer [Dieu] il faut que nous restions éternellement différents de lui, il faut éternellement que nous ayons quelque chose à lui donner qu’il n’ait pas déjà et à recevoir qui soit la propriété de notre vide personnel6.
10Chaque sujet, par la présence même d’un néant constitutif de son être, est voué à l’éternité.
11– Si sens il y a, garanti par le Dieu créateur, la clé échappe à l’homme. En fait, le sens de l’existence est une pétition de principe, un acte de foi contre des apparences qui lui sont naturellement contraires : « le désespoir est une tentation de tous les instants, même dans les destinées en apparence les plus comblées7 ». Il suffirait donc, si ce n’est de perdre, du moins de suspendre cette foi pour que l’absurdité de l’existence apparaisse dans toute son évidence. Plutôt que de dire que la foi de Claudel l’a empêché de prendre en compte cette réalité ou l’a entraîné à la voir avec des œillères, on peut soutenir que la foi dans le sens du monde lui a permis d’embrasser sans défiance, sans réticence, tous les aspects de l’existence humaine. Or, si son œuvre tend à organiser cette matière première de la vie selon un sens, n’est-il pas possible d’en faire une lecture qui suspende ou mette en doute ce projet ?
12Ces ambivalences que l’on peut donc réintroduire avec, et parfois contre, Claudel, permettent par conséquent de lui faire une place dans l’étude de l’écriture du soi et du discontinu. De fait, si Claudel dénonce l’autobiographie comme genre et ne l’a jamais pratiquée, l’écriture de soi ne lui est pas inconnue : il a tenu un « journal », au moins de 1905 à sa mort, dont la pratique semble lui avoir été recommandée par son directeur de conscience, l’abbé Villaume8. C’est un vaste « fourre-tout9 » comme il l’appelait, davantage tourné vers le monde – notes de lectures et de lectures saintes plus particulièrement, comptes rendus de rencontres et de discussions, réactions à l’égard de l’actualité ou notes préparatoires pour son œuvre – que vers lui-même, mais sa personne intime est loin d’être absente10. Sa poésie n’hésite pas à mettre en scène le « je » dans un lyrisme, on le sait, parfois débordant. Enfin, de manière plus originale sans doute, son théâtre se présente régulièrement comme l’expression de lui-même : il refuse de voir Tête d’Or sur scène car, écrit-il, « [c]’est comme si j’avais à me présenter devant le public, dépouillé non pas seulement de ma chemise, mais de ma peau11 ». Dans ce drame, Cébès et Simon Agnel, qui deviendra Tête d’Or, apparaissent bien comme des projections de sa propre personne. À propos de L’Echange, écrit en 1893, alors qu’il conçoit parallèlement la seconde version de Tête d’Or, il précise : « c’est moi-même qui suis tous les personnages, l’actrice, l’épouse délaissée, le jeune sauvage et le négociant calculateur12 ». Enfin, Partage de Midi a été d’emblée affirmé et reconnu, on y reviendra, comme un cas exceptionnel, au moins à cette époque, de drame autobiographique. Les modalités de l’inscription biographique changent alors : il ne s’agit plus, pour l’auteur, de se projeter dans ses personnages, mais de reproduire sur la scène un épisode récent de sa vie. Le Soulier de satin peut également donner lieu à une lecture autobiographique, mais la transposition se fait cette fois à distance, en Espagne et dans le monde baroque, à travers des personnages qui transforment la matière biographique en récit mythique.
13Par ailleurs, sa conception discontinue du sujet a une conséquence sur son écriture même : Claudel est en effet le créateur d’une disposition du texte dite en « versets », composée en fait de vers libres non rimés mais toujours introduits par une majuscule, de taille très variable, prenant l’apparence d’un paragraphe de prose lorsqu’ils dépassent la ligne. Ce mode d’écriture qui, au moins pour le théâtre, n’a guère connu d’héritiers immédiats malgré le lien affirmé avec le souffle et l’oralisation, entre paradoxalement dans ce qu’Henri Meschonnic appelle une écriture du « continu » du langage et du rythme contre le « discontinu » dont témoigne à sa façon l’approche métrique traditionnelle toujours victime du dualisme forme/contenu13. Néanmoins, ce « continu » est bien le fruit d’un rythme calqué sur la physiologie du corps et de l’esprit caractérisée par le discontinu propre au vivant. Il est difficile de faire ici l’impasse sur le célèbre paragraphe qui ouvre les « Réflexions et propositions sur le vers français » de 1927 :
On ne pense pas d’une manière continue, pas davantage qu’on ne sent d’une manière continue ou qu’on ne vit d’une manière continue. Il y a des coupures, il y a intervention du néant. La pensée bat comme la cervelle et le cœur. Notre appareil à penser en état de chargement ne débite pas une ligne ininterrompue, il fournit par éclairs, secousses, une passe disjointe d’idées, images, souvenirs, notions, concepts, puis se détend avant que l’esprit se réalise à l’état de conscience dans un nouvel acte. Sur cette matière première l’écrivain éclairé par sa raison et son goût et guidé par un but plus ou moins distinctement perçu travaille, mais il est impossible de donner une image exacte des allures de la pensée si l’on ne tient pas compte du blanc et de l’intermittence14.
14C’est donc bien le discontinu propre au vivant qu’incarne par excellence cette disposition d’écriture.
15Il reste maintenant à marquer la pertinence de ces vues à travers Partage de midi, drame conçu en 1905 et publié de manière confidentielle en 1906. La correspondance privée du poète ne laisse aucun doute sur la dimension autobiographique du texte ; en septembre 1905, il écrit ainsi à son ami Gabriel Frizeau : « Vous savez que je fais un drame qui n’est autre que l’histoire un peu arrangée de mon aventure. Il faut que je l’écrive, j’en suis possédé depuis des années, et cela me sort par tous les pores15. » Si, marié dès 1906, Claudel ne tient pas à divulguer publiquement l’aventure et la passion amoureuse que relate le drame, il autorise, en 1947, plusieurs rééditions, dont celle dans la « Bibliothèque de la Pléiade », puis, son confesseur ayant encouragé le projet de représentations sous la direction de Jean-Louis Barrault, il retravaille son texte entre 1948 et 1949 en vue de la scène, ce qui donnera encore naissance à deux éditions remaniées successives du texte. Discret dans la préface nouvellement écrite pour ces deux éditions, il reconnaît sans ambages, dans les interviews de l’époque, avant les entretiens radiophoniques avec Jean Amrouche16, la composante autobiographique17.
16Sans entrer dans la question complexe de la définition et des conditions d’un théâtre autobiographique, faisons tout d’abord naïvement confiance à l’œuvre et à son auteur en partant du principe que, dans Partage de midi, Mesa incarne, sur la scène, Claudel lui-même18 et cherchons, dans l’acte I, le plus directement autobiographique19, et plus précisément dans la grande scène où Mesa se confie à Ysé, ce qu’il nous dit de Claudel et de son identité à travers son double fictif. Il est ainsi amusant de voir le personnage reproduire la méfiance de l’auteur envers toute confession intime :
Vous voudriez me faire parler ! dites, cela vous amuserait de me voir faire le veau !
Vous le savez très bien que ces pauvres diables d’hommes, ces gros garçons,
Cela n’aime rien tant que parler, mentir, montrer son noble cœur,
Combien j’ai souffert, combien je suis beau20.
17Mais cette prévention est d’abord ici un moyen de garantir, dans l’ordre de la fiction, l’authenticité du récit qui va suivre où Mesa raconte l’échec auquel a conduit sa vocation à entrer dans les ordres. Ce long récit, le seul fait par un des quatre personnages du drame sur un épisode précis de sa vie passée, est particulièrement représentatif de la façon dont Claudel nous donne à entendre un sujet en crise. Retenons, à titre de microlecture, ce passage :
MESA. — […]
Mais supposez quelqu’un avec vous
Pour toujours ; en soi-même et qu’il faille tolérer en soi-même un autre.
Il vit, je vis ; il pense et je pèse en mon cœur sa pensée.
Lui qui a fait mes yeux, est-ce que je puis ne point le voir ? lui-même qui a fait mon cœur,
Je ne puis m’en débarrasser. Vous ne me comprenez pas ! Mais il ne s’agit pas de comprendre !
Est-ce qu’une parole, elle peut se comprendre soi-même ? mais afin qu’elle soit,
Il faut un autre qui la lise.
O la joie d’être pleinement aimé ! ô le désir de s’ouvrir par le milieu comme un livre !
Et soi-même, ceci seulement, eh quoi,
Que l’on est totalement clair, lisible, mais que l’on se sente actuellement
Prononcé
Comme un mot supporté par la voix et par l’intonation de son verbe !
O le tourment de se sentir épelé comme de quelqu’un qui n’en vient pas à bout ! Il
ne me laisse pas de repos21 !
18La crise identitaire s’exprime à travers un sujet divisé puisqu’il ne se représente pas seul, mais dans une tension interne permanente, qu’on pourrait dire schizophrène, avec « un autre » qu’il faut « tolérer en soi-même », dont on « ne pe[ut] [se] débarrasser » comme le dit trivialement le texte et qu’on n’aura pas de mal, malgré l’absence de majuscule, à Dieu. Dans une lecture autobiographique, on pense immédiatement à celui que Claudel, dans un de ses poèmes conçu au début de son séjour en Chine avait présenté comme « plus moi-même que moi22 ». Or cette relation est présentée aussi bien, ainsi que le souligne l’anaphore du « O », comme « joie » que comme « tourment ». L’un succède-t-il à l’autre ? Le premier n’est-il que souhait, comme le suggère l’écho de l’anaphore lyrique « ô le désir », et le second réalité ? En tout cas, c’est assurément l’insatisfaction qui l’emporte.
19On relève également que l’expression de la relation entre le « je » et cet « autre » passe par la médiation de la parole, de l’écrit, du récit ; ce que veut Mesa, l’énonciateur, c’est être lu, être livre, être « clair », être « lisible », être « prononcé », c’est-à-dire, être proprement, et passivement, possédé, tout en souffrant, parallèlement, d’être constamment « épelé ». Ce réseau métaphorique consonne avec le fait que Mesa soit, de manière implicite – les versions postérieures du texte l’expliciteront – poète, ce qui se double, en abyme, du fait que nous savons bien que nous lisons l’œuvre d’un auteur, et, qui plus est, d’un auteur qui a écrit lui-même ce texte pour se confronter à ce qu’il avait vécu et dont il tente de déchiffrer, pour lui-même et pour les autres, le sens. Pour se donner à lire et à comprendre, il faut d’abord s’être constitué soi-même comme récit pour l’autre. Mais la tâche est-elle possible ? Si on revient au texte, celui-ci suggère que la vérité de l’existence ne peut se donner que dans le récit qu’on en construit, au-delà des seuls faits à l’état brut mais, en même temps, que ce récit est impossible. L’état de transparence souhaité n’est pas atteint et la joie d’être pleinement saisi et compris devient « tourment » sous l’œil du dieu biblique de l’ancien testament qui « ne me laisse pas de repos », tel Job sous le regard constant de Dieu. On ne sait, au final, s’il faut accuser les insuffisances du récit, les événements mêmes de la vie, impropres à trouver leur expression, ou Dieu, lecteur tout autant souhaité que craint.
20Une autre remarque s’impose, d’ordre formel et stylistique. On peut apprécier la manière dont Claudel confère une vraie intensité à l’expression du sujet en crise. Le texte donne l’impression d’un discours discontinu que le personnage, dans l’ordre de la fiction, improvise avec ses maladresses, ses approximations et ses élans. Claudel joue en particulier de multiples répétitions ou reprises – par exemple sur le verbe comprendre – qui tendent à faire croire que le texte s’improvise par association d’idées, voire par simples échos phoniques (« comprendre » appelle « Prononcé », puis « supporté », « épelé » et enfin « repos »), autour du ressassement du discours. On relève l’emploi très libre, typique dans l’écriture claudélienne, de la conjonction « mais ». Si la première occurrence marque bien une opposition (« Vous ne comprenez pas ! Mais il ne s’agit pas de comprendre ! », la suivante est plus difficile à interpréter : « Est-ce qu’une parole, elle peut se comprendre soi-même ? mais afin qu’elle soit,/Il faut un autre qui la lise. » Il faut interpréter le « mais » comme sous-entendant une réponse « non » à la question rhétorique et donnant une explication logique, causale davantage qu’oppositive, à cette question. Enfin, peu après, il n’y a pas d’opposition entre les deux subordonnées « Que l’on est totalement clair, lisible, mais que l’on se sente actuellement/Prononcé » ; le « mais » n’articule nulle opposition dans l’ordre de l’énoncé, simplement une distinction entre l’état d’abord et le ressenti ensuite23. La grammaire de l’écrit est bafouée au nom d’une parole qui récupère artistiquement l’usage commun de l’oral.
21La distribution en vers contribue à cette même dynamique de l’irrégularité avec un empan très variable. Elle peut mettre un seul mot en valeur, comme « Prononcé », ou jouer sur des disjonctions frappantes, combinées également à un usage libre de la ponctuation comme dans cet exemple : « Mais supposez quelqu’un avec vous/Pour toujours ; en soi-même » ; l’usage du point-virgule surprend là où l’on aurait attendu une virgule. Notons également que, même si le changement de vers s’associe le plus souvent à un signe de ponctuation fort, la structure métrique affirme sa liberté en associant régulièrement dans un même vers plusieurs phrases.
22Néanmoins, parallèlement à cette expression qui confère une dimension discontinue et presque chaotique au discours, on note la présence d’un schème binaire récurrent qui réunit, comme toujours chez Claudel, la forme et le contenu : la présence régulière d’anaphores, de parallélismes, d’antithèses ou de redondances, le plus souvent par deux, consonnent avec les différents enjeux de la pièce concernant les rapports entre l’homme et Dieu, entre temporalité et éternité, entre l’homme et la femme, mais aussi, par exemple, entre Orient et Occident. Ce schème binaire donne ainsi la possibilité de suggérer un ordre sous-jacent, une juste mesure attendue mais qui, dans l’ordre du discours, paraît ne jamais trouver son équilibre. Ce jeu binaire est susceptible de connaître des configurations multiples en appuyant ou contrariant la structure souvent binaire du vers, héritée de l’alexandrin. Il s’affirme par exemple dans ce vers parfaitement équilibré :
Ô la joie d’être pleinement aimé ! ô le désir de s’ouvrir par le milieu comme un livre !
23Ce n’est pourtant qu’un idéal que les vers précédents ont certes porté de manière sous-jacente, mais en rompant constamment l’équilibre. Non pas :
Il vit, je vis ;
Il pense et je pèse en mon cœur sa pensée.
Lui qui a fait mes yeux, est-ce que je puis ne point le voir ? lui-même qui a fait mon cœur, je ne puis m’en débarrasser.
Vous ne me comprenez pas ! Mais il ne s’agit pas de comprendre !
Est-ce qu’une parole, elle peut se comprendre soi-même ? mais afin qu’elle soit, il faut un autre qui la lise.
24Mais :
Il vit, je vis ; il pense et je pèse en mon cœur sa pensée.
Lui qui a fait mes yeux, est-ce que je puis ne point le voir ? lui-même qui a fait mon cœur,
Je ne puis m’en débarrasser. Vous ne me comprenez pas ! Mais il ne s’agit pas de comprendre !
Est-ce qu’une parole, elle peut se comprendre soi-même ? mais afin qu’elle soit,
Il faut un autre qui la lise.
25Le décalage – non pas constant mais très fréquent – entre les constructions syntaxiques binaires et la structuration par le vers apporte au propos une tout autre force expressive. On mesure son implication par rapport à cette quête de la transparence et de la satisfaction de l’échange : elle est présente de manière sous-jacente, tout en échappant à travers une énonciation qui se laisse sans cesse déborder par son flux de parole. L’expression développe ainsi une tension – artistiquement parfaitement maîtrisée – entre une organisation binaire presque simpliste et trop évidente, et un vers qui la détourne le plus souvent, ce qui la rend compatible avec l’impression d’un discours qui s’improvise et qui s’invente dans une dynamique inépuisable. On superpose ainsi à la fois la promesse d’un équilibre et, en quelque sorte, l’impossibilité à l’atteindre. Mais cette impossibilité n’est-elle pas finalement plus heureuse que le statisme d’un équilibre potentiellement mortifère ?
26Ce que donne à lire cette microlecture – qu’il faudrait étendre bien sûr, si ce n’est à toute la pièce, au moins à cette scène –, c’est bien l’expression d’un sujet en crise, crise qui se pense comme telle, mais qui échappe à une discontinuité complète dans la mesure où le sujet conçoit un horizon où il ne le serait pas, où il pourrait ne pas l’être, et même où il devrait ne pas l’être. C’est toujours sur ce point que Claudel affirme à la fois sa proximité avec la « crise du sujet » propre au XXe siècle, et, simultanément, sa radicale séparation dans la projection d’une réconciliation non seulement possible, mais due. La crise n’est qu’un moment : face au silence de Dieu qui semble abandonner sa créature, c’est vers la femme que Mesa va se tourner, elle qui a su écouter et, au moins, tenter de comprendre, celui qui s’est livré à elle, donné à lire, dans ce passage. Tel sera l’enjeu de l’acte II qui célèbre la passion du couple amoureux. L’acte III montre, certes, l’échec de cette relation amoureuse : Ysé a abandonné Mesa pour Amalric. Lorsque Mesa revient et lui propose de la sauver avec l’enfant qu’elle a eu de lui tandis que gronde la révolte des Boxers, elle se tait. Amalric assomme alors Mesa et s’enfuit avec Ysé. Mesa, dans son célèbre « Cantique » qui aurait pu donner lieu à une étude de texte similaire, exprime à nouveau son désarroi et en appelle à la mort en Dieu. Ysé revient alors, se réconcilie avec Mesa, et les deux amants semblent promis à la vie éternelle. Dans la conclusion du drame, Mesa peut affirmer le triomphe du sujet pleinement réconcilié :
tous voiles dissipés, moi-même, la forte flamme fulminante, le grand mâle dans la gloire de Dieu,
L’homme dans la splendeur de l’août, l’Esprit vainqueur dans la transfiguration de Midi24 !
27Cet horizon qu’affirme Claudel, conséquence de son acte de foi constamment réaffirmé dans le catholicisme, paraît donc le couper définitivement de toute une modernité littéraire qui, niant toute transcendance, peut, elle, asséner sans réserve la discontinuité du sujet et l’affirmer par des expressions littéraires qui ne chercheront plus à ménager un mouvement dialectique clairement identifiable. Pourtant, ce projet claudélien est-il aussi naïvement acceptable ? Si nous avons ici, d’une certaine façon, fait confiance à Mesa comme projection de son auteur et à Claudel dans la construction dialectique de son drame, n’est-il pas temps de porter un regard plus distancié sur l’œuvre et son auteur ?
28Il est clair que le projet même de Partage de midi est d’enfermer l’histoire réelle vécue par Claudel – qui le laissa au bord de la folie voire du suicide – dans une œuvre littéraire qui lui donne sens et qui constitue un drame exemplaire, au-delà d’un projet uniquement autobiographique. De là l’autonomie du dernier acte par rapport à la matière autobiographique : ni Claudel, ni Rosalie Vetch, ni leur fille ne sont morts, et Rosalie Vetch n’avait jamais rencontré, à l’époque de sa relation avec Claudel, Wihlem Jan Lintner qui allait devenir son second mari. Antoinette Weber-Caflisch a par ailleurs montré, dans un article magistral, comment Claudel avait réinterprété librement son aventure à la lumière d’autres récits qui l’ont précédé, comme Les Confessions de saint Augustin, ou Le Second Livre de Samuel pour l’épisode adultère de David avec Bethsabée, sa perspective étant de montrer « que le mythique permet de relayer l’autobiographique quand le vécu reste opaque et que le sens fait défaut25 ». Le dramaturge, sur ce point, est exactement dans la logique aristotélicienne de la mimésis, dans la mise en forme vraisemblable et nécessaire qui s’éloigne de l’histoire anecdotique et singulière pour atteindre un sens général. Le nom des personnages, non réaliste, mais à forte charge symbolique, en témoigne26. L’intrigue se trouve organisée logiquement avec début, milieu et fin, pour jouer à nouveau sur les catégories aristotéliciennes, la fin n’étant rien d’autre que la mort, manière exemplaire de clore le récit.
29Par ailleurs, il est indéniable que le discours de Claudel s’efforce de quadriller au maximum le sens de son texte. La préface de 1948, qui accompagne la première publication publique du drame, en témoigne par excellence, l’interprétation du drame étant donnée par le prisme de citations bibliques empruntées au Deutéronome, au Cantique des cantiques, à Ezéchiel, à Osée ou à Saint Paul. L’aventure vécue n’est donc pas simplement portée au théâtre sous le sceau de la mimesis aristotélicienne ; elle est considérée comme le sens vrai de cette aventure dont la vie réelle n’était que le brouillon, selon une perspective que Claudel avait déjà formulée :
l’art et la poésie sont la vraie vie expressive et douée de sens, tandis que ce qu’on appelle la vie, la vie quotidienne, n’en est que le rudiment et souvent la caricature. […] L’art a pour but de réaliser ce dont la vie ne donne que des ébauches fragmentaires. Elle est un album à feuilleter, une collection de thèmes pour l’inspiration, une matière première et non un modèle. […] « L’art, imitation de la vie ! » Mais aucun art n’a jamais fait cela. La tragédie classique en est aussi loin que possible. Le drame de Hugo également27.
30Ces déclarations à Frédéric Lefèvre de 1925 nous ramènent à Proust – et à bien d’autres –, mais elles sont indissociables d’une croyance religieuse qui leur donne un sens différent. Quand Claudel déclare que « Tout ce qui est est symbole, tout ce qui arrive est parabole », symbole et parabole ne sont pas simplement une sorte de supplément, de valeur ajoutée : c’est l’essence même, la vérité de l’existence. Or, si Claudel veut nous entraîner dans cette lecture, il n’est pas dit que, outre la réalité vécue, le texte lui-même ne résiste pas contre la volonté consciente de son auteur.
31Je ne reviendrai pas sur les différences entre les faits réels qui se sont produits à Fou Tchéou et la transposition que Claudel en a fait dans son drame : Anne Ubersfeld, Antoinette Weber-Caflich ou Gérald Antoine ont écrit, à ce sujet, des pages décisives sur lesquelles il n’est pas nécessaire de revenir, sans parler du travail d’ordre biographique réalisé par Thérèse Mourlevat28. Je me placerai à un autre point de vue : les tensions internes au texte qui montrent la difficulté, voire l’impossibilité qu’éprouve Claudel à organiser logiquement son drame dans l’acte III comme si, paradoxalement, être libéré de la réalité des faits lui causait plus de difficulté que leur transposition dans les deux actes précédents. La question se pose en particulier à propos du personnage d’Ysé : comme la critique claudélienne l’a montré, une ambiguïté pèse sur la mort de l’enfant qu’elle a eu de Mesa et qui, à l’ouverture de l’acte III, se fait entendre dans la pièce à côté par « de faibles cris […] qui s’apaisent ». Quelque temps plus tard, à la fin de sa longue tirade adressée à Ysé qui se refuse à toute réponse, Mesa en vient à proposer au moins à Ysé de sauver leur enfant, ce qui amène ce discours :
Ysé, qu’as-tu fait de notre enfant ?
(Silence.)
Est-ce qu’il est mort ?
(Silence.)
Ysé, tu ne le laisseras point mourir. Donne-moi mon enfant afin que je le sauve.
(Silence.)
Est-ce qu’il est mort ? Est-ce que tu l’as tué ?
(Silence.)
S’il est ici, je saurai bien le trouver.
32Amalric, survenant alors, empêche cette recherche. Mais, au moment de fuir, il demande à Ysé d’aller prendre l’enfant et celle-ci annonce alors qu’il est mort. Rien ne permet de dire qu’elle l’a tué, mais un doute subsiste. Et quand Ysé annonce officiellement à Mesa la mort de leur enfant, Mesa n’a pour toute réaction que de dire : « Cela est mieux ainsi. » Si le consentement général aux événements passés, même les plus injustifiables moralement, est habituel dans les conclusions des drames claudéliens29, ne peut-on pas s’étonner du peu de cas fait sur la mort d’un enfant potentiellement assassiné par sa propre mère ? Et la plainte d’Ysé qui suit ne fait que raviver les pires doutes lorsqu’elle supplie « ô mon enfant très cher, ô fils de mon sein, pardonne à ta misérable mère ! » Ajoutons que, peu après, dans une sorte de rêve halluciné, guidé par Mesa, Ysé verra son mari mort, « tordu par le choléra » – ce que Mesa lui avait succinctement annoncé –, mais aussi ses enfants, ce qui lui fait dire cette phrase terrible : « Et je pense que je les ai trompés et abandonnés et assassinés ! », alors même que, précédemment, Mesa l’avait engagée à le suivre pour les retrouver ! On voit à quel prix Claudel tente de donner fictivement sens à son aventure par une mort presque généralisée des protagonistes. Cette mort du personnage de De Ciz, qui paraît donc impliquer celle de leurs enfants, comme pour faire bonne mesure, sera d’ailleurs la condition pour que, dans la dernière scène de l’acte, Mesa et Ysé en viennent à célébrer, comme l’a bien analysé Antoinette Weber-Caflisch, une forme de mariage prenant Dieu à témoin et sanctifiant ainsi, in fine, leur passion, avant une forme de suicide consenti pour le moins ambigu.
33On comprend donc que Claudel, relisant son drame plus de quarante ans plus tard, en 1948, alors qu’il allait être représenté par Barrault, n’a pas pu le laisser en l’état. L’acte III, plus particulièrement, a subi de multiples corrections et ajustements qui allaient se poursuivre au-delà des représentations avec la constitution d’une ultime version présentée comme définitive. Je me garderai d’entrer dans le détail des corrections et ajustements opérés par Claudel, dont Gérald Antoine a fait l’inventaire30. Notons principalement qu’il n’est plus question d’un mariage sous forme de consentement mutuel entre Ysé et Mesa sur le point de disparaître ; pourtant l’ambiguïté subsiste à propos de la mort de l’enfant de Mesa et des enfants de Ciz. L’évolution provient surtout de la manière très didactique dont Ysé, dans la dernière scène, justifie son rôle auprès de Mesa au sein du projet divin : elle était là pour lui offrir « la croix31 », pour lui ouvrir l’âme afin, dans la mort, de le conduire vers le Ciel. La mère toujours implicitement infanticide, se transforme tout d’un coup en porte-parole de la volonté divine…
34En réécrivant ce dénouement, Claudel était persuadé d’avoir enfin compris, comme il l’écrit à Barrault, cet épisode de sa vie. Ainsi dans cette lettre d’août 1948 :
La pièce q[ue] vous m’avez, sans doute providentiellement, imposée a pris pour moi
une importance énorme. Il ne s’est guère passé de jour que je n’aie médité sur elle.
[…] Il s’agit de toute ma vie dont j’ai été amené à essayer de comprendre le sens.
Il s’agit de beaucoup plus que de littérature32.
35Mais que Claudel comprend-il ? Cet épisode de sa vie passée ou le sens qu’il a pris au travers de plus de quarante ans d’existence qui ont totalement modifié sa compréhension par la réconciliation et les retrouvailles avec Rosalie Vetch après la Première Guerre mondiale, sans parler de l’écriture du Soulier de satin, des autres poussées de passion amoureuse éprouvées pour Ève Francis ou Audrey Parr, et de toutes les conséquences de la vie familiale de Claudel ? Sa vie réelle ou la transposition fantasmée qu’il en a donné dans l’œuvre immédiatement écrite ? Le drame écrit et réécrit n’a-t-il pas fini par fausser et oblitérer la réalité des événements vécus ? Le sens imposé ne finit-il pas par révéler une forme de non-sens ? Comment accepter notamment que le personnage sulfureux d’Ysé puisse se transformer soudainement in fine en une sorte d’émissaire divin chargé d’accoucher la conscience de Mesa du sens de leur aventure ? Claudel, dans sa correspondance avec Barrault, justifie ses ultimes corrections au nom des nécessités mêmes de l’action représentée sur la scène de Marigny. Il reprend, retouche sans cesse son texte au moment des répétitions, tente de convaincre Barrault de la justesse de ses vues et de la valeur de son ultime réécriture qu’il juge infiniment supérieures à la version première33. Mais Barrault résiste devant un récit où la « parabole » suspecte l’emporte sur la libre projection autobiographique et fantasmatique34.
36Alors prend sens une autre forme d’intermittence du sujet : Claudel dans ce travail de « tripatouillage », comme il l’appelait, révèle les abîmes de sa psyché d’auteur, les tourments d’une âme qui n’en a jamais fini avec une aventure vieille de quarante ans. Il croit enfin être capable de circonscrire et clore le sens de son œuvre. Il croit donner enfin, comme le fait remarquer Antoinette Weber-Caflisch, la réponse au « Pourquoi ? » que le cantique de Mesa réaffirmait si vigoureusement, à travers l’ajout d’un dialogue esquissé avec la « Bouilloire céleste » qui évoquait la nécessité de le faire sortir de son égoïsme pour l’ouvrir aux autres et à l’Autre35. Or, esthétiquement, ce qu’il nous propose dans la dernière version, c’est un texte hétérogène, où les reprises littérales de la première version côtoient des passages totalement réécrits où s’affirme notamment son goût pour un langage familier qui semble dénaturer la version initiale, en gommer les audaces. De plus, malgré une forme de didactisme de plus en plus présent, jamais les tensions dramatiques manifestes et théologiquement insoutenables ne sont résolues.
37Claudel gagne à être lu comme le contemporain de Proust, de la psychanalyse et des avant-gardes littéraires et intellectuelles du XXe siècle. Si son catholicisme et sa foi le placent d’emblée dans une position marginale, sa croyance ne l’empêche pas de ressentir et exprimer une vision de l’homme déchirée, éclatée, dont témoigne notamment son théâtre dans sa dimension proprement autobiographique, soit que l’auteur se projette dans ses personnages, soit qu’il s’en sert pour représenter sa vie. Son mode d’expression en vers, précisément calqué sur le caractère intermittent de la vie, en témoigne par excellence. Si sa foi tend toujours, in fine, à rassembler les bribes, à construire un sens, elle ne suffit pas à gommer toutes les tensions qui se sont manifestées : l’édifice est toujours précaire, fragile, et explique ainsi ces tentatives de réécritures qui, au lieu de le consolider comme il le pensait, manifestent les failles et renvoient finalement, comme dans toutes les formes d’écritures autobiographiques, aux interrogations du lecteur/spectateur sur les vertiges de la psyché de l’auteur.
Notes de bas de page
1 Dans ses Mémoires improvisés qui rassemblent ses entretiens radiophoniques tardifs de 1951-1952 avec Jean Amrouche, Claudel aura des propos très proches : « si vous vous [sic] retournez votre observation sur vous-même, vous en faussez l’objet. C’est ce qui arrive pour Proust, pour tous les gens qui s’occupent d’introspection, pour qui l’introspection a un intérêt spécial ; c’est que très vite ils arrivent à poser pour eux-mêmes et, loin d’arriver à se découvrir eux-mêmes, ils ne font que se tromper, ils faussent l’objet de leur regard ». (Claudel P., Mémoires improvisés, recueillis par Jean Amrouche, Paris, Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF », 2001, p. 222.)
2 Claudel P., Mémoires improvisés, Paris, Gallimard, 1954, p. 218. La formule n’apparaît plus dans les éditions postérieures des Mémoires improvisés, faites à partir du montage et de la sélection des entretiens avec Jean Amrouche pour la diffusion radiophonique, alors que cette édition originale est constituée à partir de la sténographie brute des entretiens.
3 Claudel P., « Dernier quart d’heure » (1953), Supplément aux œuvres complètes, tome III, Lausanne, L’Âge d’homme, 1994, p. 279.
4 Claudel P., Correspondance musicale, éd. Pascal Lécroart, Genève, Éditions Papillon, 2007, p. 54.
5 Claudel P., Journal, tome I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1968, p. 784.
6 Claudel P., Correspondance musicale, op. cit., p. 53-54.
7 Claudel P., « Dernier quart d’heure » (1953), Supplément aux œuvres complètes, tome III, op. cit., p. 279.
8 Voir Claudel P., Journal, tome I, op. cit., p. XI.
9 Témoignage de Robert Mallet cité par François Varillon dans l’introduction de Paul Claudel, Journal, tome I, op. cit., p. XIV.
10 Voir Lioure M., « Paul Claudel par lui-même », Bulletin de la Société Paul Claudel, mars 2005, no 177, p. 18-24.
11 Lettre du 6 janvier 1944 de Paul Claudel à Jean-Louis Barrault, Correspondance Paul Claudel – Jean-Louis Barrault, Cahiers Paul Claudel 10, éd. Michel Lioure, Paris, Gallimard, 1970, p. 134.
12 Lettre à Marguerite Moreno du 29 avril 1900, cité dans Champion P., Marcel Schwob et son temps, Paris, Grasset, 1927, p. 271.
13 Sur Claudel et le continu du langage, voir Meschonnic H., « Nous passons en image. Le “champ de figures” chez Paul Claudel », in Claudel : le poëte et la Bible, Actes du colloque des 16-17 octobre 1998 à la Bibliothèque nationale de France, Besançon, Annales littéraires de l’université de Franche-Comté, 2001, p. 63-78. Sur le verset biblique, modèle implicite de la modernité poétique qui oblige à rompre avec l’approche discontinue du langage, voir Dessons G. et Meschonnic H., Traité du rythme : des vers et des proses, Paris, Dunod, 1998, p. 40-43.
14 Claudel P., Œuvres en prose, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 3.
15 Claudel P., Jammes F., Frizeau G., Correspondance 1897-1938, éd. André Blanchet, Paris, Gallimard, 1952, p. 61-62.
16 Voir par exemple Claudel P., Mémoires improvisés, 2001, op. cit, p. 204, où il renvoie à l’œuvre pour expliquer les événements vécus : « Lisez le Partage de Midi, et dans quelles conditions les choses se sont passées ».
17 Voir en particulier trois interviews publiées dans Le Figaro, L’Aurore France libre et Les Nouvelles littéraires et reprises dans Claudel P., Supplément aux œuvres complètes, tome II, Lausanne, L’Âge d’homme, 1991, p. 430-434. Le rapport de Partage de Midi à l’autobiographie a donné lieu à plusieurs études fondamentales dont cet article s’est largement nourri, parmi lesquelles :
– l’édition par Antoine G. de Partage de Midi, Paris, Gallimard, coll. « Folio Théâtre », 1994, et, du même auteur, Partage de Midi, un drame revisité 1948-1949, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1997 ;
– Ubersfeld A., Paul Claudel. Partage de Midi. Autobiographie et histoire, Annales littéraires de l’université de Besançon, 1999 ;
– Weber-Caflich A., « Partage de midi : mythe et autobiographie », in Mythes claudéliens, Michel Malicet (dir.), La Revue des lettres modernes, série « Paul Claudel », no 14, 1985, p. 7-29, et « Partage de Midi ou l’autobiographie au théâtre », in Paul Claudel, Cahier de l’Herne, 1997, p. 240-260.
18 « Tout se passe comme si Claudel proclamait, par une pluie de détails, l’appartenance autobiographique de Mesa, hypostase de lui-même », écrit ainsi Ubersfeld A., op. cit., p. 46.
19 Voir Weber-caflisch A., « Partage de Midi ou l’autobiographie au théâtre », art. cité, p. 242-243.
20 Claudel P., Théâtre, tome I, éd. Didier Alexandre et Michel Autrand, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2011 (désormais Th. I), p. 839.
21 Th. I, p. 842.
22 Claudel P., Œuvre poétique, éd. Jacques Petit, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1967, p. 18.
23 Quelques vers plus loin, on apprécie l’anticipation du coordonnant : « Or je voulais tout donner, / Il me faut tout reprendre », là où la logique aurait voulu : « Je voulais tout donner, or il me faut tout reprendre. »
24 Th. I, p. 900.
25 Weber-Caflisch A., « Partage de midi : mythe et autobiographie », op. cit., p. 15. Mythe est entendu dans son sens originel d’histoire.
26 Voir Claudel P., Mémoires improvisés, op. cit., p. 207.
27 Claudel P., Supplément aux œuvres complètes, tome II, op. cit., p. 127.
28 Mourlevat T., La Passion de Claudel [2001], édition revue et complétée, Paris, Phébus, 2011.
29 Tête d’Or en offre le prototype, dès la première version, lorsque la Princesse déclarait au héros dans la troisième partie « Je suis contente que tu aies tué mon père ! », le consentement se faisant même acceptation pleine et joyeuse (Th. I, p. 153). De même, dans L’Échange, Marthe finit par s’incliner devant Thomas Pollock-Nageoire dont le geste initial est pourtant à l’origine de la mort de Louis Laine, son mari. On trouve des situations semblables dans La Jeune Fille Violaine, L’Annonce faite à Marie, Le Soulier de satin ou Jeanne d’Arc au bûcher. Le personnage de Sygne, dans L’Otage, offre une sorte de contre-exemple en refusant le pardon à Toussaint Turelure, même si elle a sacrifié sa vie pour lui, mais il s’agit du premier drame d’une trilogie.
30 Voir Partage de Midi, un drame revisité 1948-1949, op. cit.
31 Claudel P., Théâtre, tome II, éd. Didier Alexandre et Michel Autrand, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2011, p. 931.
32 Correspondance Paul Claudel – Jean-Louis Barrault, op. cit., p. 197.
33 Voir ibid., p. 206.
34 Antoinette Weber-Caflisch a cette belle formule : « Claudel aurait donc repris son drame pour tenter de replacer sa passion dans une perspective acceptable, qu’on peut estimer finalement non plus tant autobiographique que providentielle. » (« Partage de Midi ou l’autobiographie au théâtre », art. cité, p. 257). Mais la « Providence » mise en scène n’en apparaît pas moins souvent problématique.
35 Voir Weber-caflisch A., « Partage de Midi : Mythe et autobiographie », art. cité, p. 12.
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