1 Saint Bernard, lettre 363, col. 566, Patrologie Latine 182. Déjà utilisée avant lui par Baudri De Bourgueil (Recueil des historiens des Croisades. Historiens occidentaux, t. IV, Paris, Imprimerie Nationale, 1879, p. 14 : « Sancta Ecclesia ad suorum opitulationem sibi reservavit militiam, sed vos eam male depravatis in malitiam »), la formule remonte à Saint Augustin (Sermon 302 pour l’anniversaire de saint Laurent), qui l’employait dans une perspective cependant légèrement différente : l’évêque d’Hippone marquait par là une distinction entre la juste conduite du soldat dans la guerre et la tentation de la cruauté.
2 Selon F. Cardini, « bien que plusieurs sources aient défini la croisade comme bellum sacrum (« guerre sacrée « ) ou proelium sanctum (« saint combat « ), le christianisme n’a jamais formulé une véritable théologie de la « guerre sainte « », (« Guerre et Croisade », Dictionnaire Raisonné de l’Occident médiéval, Le Goff J., et Schmitt J.-C. (dir.), Paris, Fayard, 1999, p. 444). Il n’en est pas moins vrai que, dès le Xe siècle, l’idée d’une guerre à très haute teneur spirituelle se forme de manière diffuse, à travers des considérations multiples, diverses, parfois contradictoires, sans qu’une définition conceptuelle soit construite de manière méthodique (voir à ce propos Flori J., La guerre sainte. La formation de l’idée de Croisade dans l’Occident chrétien, Paris, Aubier, 2001, ou l’ouvrage plus ancien mais fondateur de Erdmann C., Die Enstehung des Kreuzzugsgedankens, Stuttgart, Kohlhammer, 1955).
3 Ancrées dans l’ordre charnel, les guerres séculières sont mues par la recherche de biens terrestres (cf. Foucher De Chartres : « Nunc fiant Christi milites, qui dudum exstiterunt raptores », Recueil des Historiens de Croisades. Historiens occidentaux, Paris, Imprimerie Impériale, 1866, t. III, p. 324), plus généralement par les vices humains (cf. Saint Bernard : Non sane aliud inter vos bella movet litesque suscitat, nisi aut irrationabilis iracundiae motus, aut inanis gloriae appetitus, Éloge de la nouvelle chevalerie, Paris, Sources chrétiennes no 367, 1990, p. 58) et leurs effets les plus néfastes sont la division de la communauté chrétienne (Saint Bernard, dans la lettre 226 adressée au roi Louis pour fustiger ses querelles internes, cite notamment Luc., 11, I7 : « Tout royaume divisé contre lui-même sera détruit »), ainsi que l’état de pécheur dans lequel ces querelles maintiennent les guerriers (cf. Baudri De Bourgueil : Certe via ista pessima est, quoniam omnino a Deo remota est, op. cit., p. 14). La séparation militia/ malitia distingue donc ceux qui combattent pour Dieu de tous ceux qui, en combattant, s’éloignent de lui (voir Foucher De Chartres : hic inimici Domini, illic autem amici ejus erunt, op. cit., p. 324). Pour l’essentiel, la ligne de fracture ainsi formée oppose le combat purement terrestre cause et effet du péché, à celui que glorifie sa fin spirituelle. Une telle conception gomme toute ambiguïté possible dans la manière de considérer les conflits féodaux ou « privés ».
4 Dans un contexte marqué par l’idéologie augustiniste (c’est-à-dire par les conceptions d’ordre politique ultérieurement dégagées de la pensée de saint Augustin et qui, à l’époque médiévale, concernaient avant tout les rapports entre droit naturel et justice surnaturelle), les guerres ordonnées par les empereurs carolingiens étaient tenues pour « justes » : initiées par l’auctoritas impériale, soutenues par l’Église, dotées de traits de sacralité, elles servaient à garantir une unité socio-politique et religieuse dans la paix (cf. Alcuin, Ep. 10, col. 152, PL 100).
5 Dupront A., « Guerre sainte et chrétienté », Paix de Dieu et guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle, Cahiers de Fanjaux, 4, 1969, p. 17-50, ici 18.
6 Cf. Gauvard C., Violence et ordre public au Moyen Âge, Paris, Picard, 2005, p. 276. Voir également, pour une définition de ces valeurs, Baschet J., La civilisation féodale. De l’an mil à la colonisation de l’Amérique, Paris, Champs-Flammarion, 2006, p. 150 : « Les premières de ces valeurs sont la “prouesse”, c’est-à-dire la force physique, le courage et l’habileté au combat, et de manière plus spécifique à la société féodale, l’honneur et la fidélité. »
7 Banniard M., « Le français et la latinité : de l’émergence à l’illustration. Genèse de la langue française (IIIe -Xe siècles) », Histoire de la France littéraire, Naissances, Renaissances, Lestringant F. et Zink M. (dir.), t. 1, Paris, PUF, 2006, p. 9-35, ici 32.
8 Cela revient à mettre en question la belle suggestion de Labbé A., dans son article « Guerre sainte et guerre privée dans les chansons de geste » (Littérature et religion au Moyen Âge et à la Renaissance, Vallecalle J.-C. (dir.), Lyon, PUL, p. 52-53) : selon lui, la guerre « piètrement privée » est « la face d’ombre de la valeur et la détourne, gorgée de sang inutile, du seul but que lui assignaient les premières générations de chansons de geste : la défense de la foi contre les infidèles ».
9 Rousset P., « Saint Bernard et l’idéal chevaleresque », Nova et Vetera, 45, 1, janvier-mars 1970, p. 35.
10 C’est cette perspective que défend Goyet F., dans son ouvrage Penser sans concepts : fonction de l’épopée guerrière. Iliade, Chanson de Roland, Hôgen et Heiji monogatari, Paris, Champion, 2006, et qu’elle expose dans l’introduction (voir p. 7 : « L’épopée guerrière est une gigantesque machine à penser. […] La question que toutes posent, de la première à la dernière ligne, celle pour laquelle elles emploient tour à tour tous les moyens à leur disposition, c’est ainsi la question du politique »). L’auteur s’appuie sur les travaux effectués par J.-M. Paquette, sur l’épopée, notamment dans sa « Définition du genre » (L’Épopée, Typologie des Sources du Moyen Âge Occidental, Brepols, 1988), où il défend l’idée que « l’épopée est […] le résultat symbolique de l’œuvre de territorialisation d’une culture » (p. 23), et, en ce sens, se fait « immanquablement » l’expression d’une crise intra-communautaire qui doit être surmontée (p. 30).
11 Labbé A., loc. cit.
12 Chanson de Roland, éd. Dufournet J., Paris, GF Flammarion, 2004, v. 307.
13 Ibid., voir les vers 3758 (« Rollant me forfist en or et en aveir ») et 3772 (« Si me jugat a mort e a dulur »).
14 Ibid., v. 3778 (« Venget m’en sui, mais n’i ad traïsun »).
15 Ibid., v. 239.
16 Ibid., v. 511.
17 Barthélémy D., Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale, Paris, Colin, 2004, p. 16.
18 Cf. Bernard De Clairvaux, Éloge de la nouvelle chevalerie, op. cit., p. 58. De manière très générale, la guerre sainte a un caractère absolu que n’a pas la guerre féodale, car sa fin est soumise aux conditions d’un ordre parfait. C’est ce que dit dans une certaine mesure Girard de Fraite dans Aspremont, lorsqu’il oppose, sur des critères temporels et spatiaux, l’aspect ponctuel des faides seigneuriales et le caractère indéfini de la lutte contre l’infidèle. D’une part, parce qu’il se trouve en terre inconnue, de l’autre, parce que les moyens de la guerre ne se limitent plus au pillage, à la prise d’une place forte ou à un emprisonnement, il n’y a pas de refuge ni de trêve possible pour le baron et sa troupe. La conséquence, implicite dans son discours, est la nécessité de se battre jusqu’à la victoire totale de l’une ou l’autre partie (cf. Chanson d’Aspremont, éd. Suard F., Paris, Champion, 2008, v. 4356-4365).
19 Sclafert C., « Lettre inédite de Hugues de Saint-Victor aux chevaliers du Temple », Revue d’ascétique et de mystique no 135, 1958, p. 275-299, ici 297-299.
20 Nous comprenons les catégories du « charnel » et du « spirituel » de façon plus large que ne l’impliquent le plan du corps et celui de l’âme dans la personne humaine : ce sont plutôt deux pôles organisateurs du réel, certes liés aux statuts du corps et de l’âme et à leur modalité négative ou positive, mais contribuant « à ordonner la conception de l’ensemble des réalités de l’ici-bas et de l’au-delà », engageant « la conception globale de la société et de l’univers » (Baschet J., La civilisation féodale…, op. cit., p. 598).
21 Chanson de Roland, éd. cit., v. 3827-30 : « Que que Rollant a Guenelun forsfesist,/Vostre servise l’en doüst bien guarir/Guenes est fels d’iço qu’il le traït. »
22 A. Labbé, souligne quant à lui « l’infinie diaprure » des chansons de geste sur la question des rapports entre guerre privée et guerre sainte (« Guerre sainte et guerre privée… », art. cit., p. 58). Selon lui, ces deux types de lutte forment les deux faces d’un « relief littéraire » qui s’inverse plus ou moins selon les œuvres : il n’introduit pas dans sa réflexion de plan intermédiaire et parle même d’une « antithèse sentie » (p. 60), mais il met en valeur la grande complexité et les nuances de la représentation des guerres, alors même que le « paysage référentiel commun » est celui de la condamnation cléricale des conflits privés.
23 Cf. Aspremont. éd. cit., v. 1046. : « […] tu ne vels aidier Crestïanté ».
24 Ibid., v. 3174, 3495, 4089, 4521, etc.
25 « De mes pechiez trestoz me monderoie » précise Emeline, finissant ainsi de convaincre Girard de participer à l’expédition, ibid., v. 1253.
26 Ibid., v. 1221.
27 Ibid., v. 4093.
28 Ibid., v. 1226.
29 Ibid., v. 1260 (« Crestïentez aidera a garder »).
30 Ibid., v. 1054-55 (« De cui tiens tu trestot ton chasement ?/Et dit Girarz : “De Deu omnipotent” »).
31 Ibid., voir les v. 11141 à 11146.
32 Dans son étude De l’histoire à la légende : Girart de Vienne, Girart de Fraite, Girart de Roussillon. Girart, comte de Vienne dans les chansons de geste, vol. 1, Auxerre, Imprimerie Moderne, 1947, p. 406, R. Louis cite justement la lettre 363 de saint Bernard, et indique : « Cette diatribe de l’abbé de Clairvaux contre les guerres privées, nous la retrouverons, sans cesse reprise et toujours plus âpre, dans une œuvre littéraire qui semblerait destinée à exciter le zèle guerrier et à célébrer les combats : la chanson de Girart de Roussillon est avant tout le poème de la paix. »
33 Chanson de Girart de Roussillon, éd. Combarieu M. de et Gouiran G., Paris, Lettres Gothiques, 1993, v. 3022.
34 Cf. l’analyse de P. Le Gentil, dans son article « Girart de Roussillon, sens et structure du poème », Romania, 78, 1957, p. 328-389 et 463-510, ici 336 : « Girard, même dégagé de tout service vassalique, reste malgré tout l’obligé du roi, puisque c’est à ce roi qu’il doit d’être alleutier ».
35 Ibid., v. 3223-3226 et v. 3242.
36 Ibid., v. 3246.
37 Voir par exemple Arquillière H.-X., L’Augustinisme politique. Essai sur la formation des théories politiques du Moyen Âge, deuxième édition revue et commentée, Paris, Vrin, 1955, p. 148.
38 La Chanson de Guillaume, éd. Suard F., Paris, Lettres Gothiques, 2008, v. 2-3.
39 Ibid., cf. v. 253.
40 Ibid., v. 175 (« Ben les veintrun solunc la merci Deu ! »).
41 Ibid., v. 1657.
42 Ibid., voir le v. 963 : le roi Déramé « est en France, que si mal desenorte ».
43 Ibid., v. 1586-87 (« De tel seignur deit l’um tenir terre/E, si bosoinz est, morir en la presse »).
44 Cf. un extrait de la Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, (Mansi G.-D., t. XIX, col. 548 p) cité par D. Barthélémy, dans lequel un clerc soutient l’idée que mourir pour son seigneur fait d’un chevalier un martyr de Dieu (L’an mil et la paix de Dieu. La France chrétienne et féodale 980-1060, Paris, Fayard, 1999, p. 388). Dans un autre ouvrage, le même auteur écrit : « Le lien vassalique […] apparaît […] comme une solidarité vindicatoire : le premier devoir d’un vassal n’est-il pas de venger son seigneur, de soutenir ses revendications, au risque de mourir pour lui ? » (Chevaliers et miracles. La violence et le sacré dans la société féodale, Paris, Colin, 2004, p. 30).
45 Le roi s’appuie de plus en plus sur ses nobles fidèles pour assurer la paix du royaume face au païens, voire accroître ce dernier. Or, « c’est en cela, et par ce biais – écrit J. Flori – qu’une partie de l’idéologie royale a pu glisser du roi sur ses vassaux, et de ceux-ci sur leurs chevaliers […], surtout lorsque le roi lui-même – comme c’est souvent le cas dans l’épopée – ne peut diriger en personne ses armées de chevaliers pour assurer sa mission militaire » (« De la chevalerie féodale à la chevalerie chrétienne ? La notion de service chevaleresque dans les très anciennes chansons de geste françaises », « Militia Christi » e Crociata nei secoli XI-XIII. Atti della undecima Settimana internazionale di studio, Mendola, 28 Agosto-1 Settembre 1989, Milan, Vita e pensiero, 1992 [Miscellanea del Centro di studi medioevali, 30], p. 67-101, ici 76).
46 Voir également Flori J., à propos de Guillaume : « En défendant son lignage, son seigneur et son roi, il défendait la chrétienté toute entière que les païens voulaient mettre à mal. Le service du seigneur prend par là-même des caractères de guerre sainte », art. cit., p. 81.
47 Arquillière H.-X., L’Augustinisme politique…, op. cit., p. 63.
48 Cf. La Chanson de Girart de Roussillon, éd. cit., v. 1741.
49 Ibid., v. 4227-28 (« Car se Dex te ajude e dreit consenz/Nos pout Carles confundre ne s’autre genz »).
50 Ibid., v. 4223-26 (« E non laissar per co dreit non presenz./E s’el prendre nel vol, per son fol senz,/Cel qui pois te faudra s’ent recreenz/E tu fouz e malvaz si no l’i venz »).
51 Labbé A., « Guerre sainte et guerre privée… », art. cit., p. 61.
52 La Chanson de Girart de Roussillon, éd. cit., v. 1732.
53 Ibid., v. 4059-60 (« C’aiqui serunt sei home e sei baron,/Qui orunt de ton dreit si l’as o non »).
54 Voir la réaction de Charles (v. 1986-1987 et 2009-2011). Comme le souligne M. Combarieu de : « La justice n’est plus alors que l’identification du droit à la volonté de puissance du plus fort » (L’Idéal humain et l’expérience morale chez les héros de chansons de geste, des origines à 1250, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1979, t. II, p. 686).
55 « Guerre sainte et guerre privée… », art. cit., p. 50-51.
56 Gerbert de Mez, Chanson de geste du XIIe siècle, éd. Taylor P., Namur/Louvain/Lille, Nauwelaerts/Giard, 1952, v. 7138.
57 Ibid., v. 214.
58 Ibid., v. 8301-8302.
59 Cf. ibid., laisses lxv-lxvii.
60 Ibid., v. 3480-3481.
61 La Chanson de Roland, éd. cit., v. 3973.
62 Cf. La Chanson de Guillaume, éd. cit., v. 67, 76-77.
63 La Chanson de Girart de Roussillon, éd. cit., v. 720.
64 Ibid., v. 3402.
65 Ibid., laisse cccxxv, en particulier les vers 4998 et 5010 (« E sap li mout mal gera e ama paz » ; « E sapçaz d’esta gera mout li desplaz »).
66 Ibid., v. 3420 (« Qui Dex mal don ! »).
67 Cf. les v. 791 et 807 qui, dans deux laisses successives, énoncent le point de vue d’un défenseur du droit de Charles (« lo tort et la baudie que ca tenez », déclare Bernart en s’adressant à Girard), puis d’un tenant du droit de Girard (« tant a Carles Martel enprez vers nos » dit à son tour Fouque).
68 P. Le Gentil évoque à juste titre la « faiblesse des institutions féodales, impropres à maintenir ou à restaurer entre les deux hommes des attaches solides », « Girart de Roussillon, sens et structure du poème », art. cit., p. 330.
69 La Chanson de Girart de Roussillon, éd. cit., v. 3409-3411.
70 Labbé A., « L’enfant, le lignage et la guerre dans Girart de Roussillon », Les relations de parenté dans le monde médiéval, Aix-en-Provence, Publications du CUER MA, (Sénéfiance 26), 1989, p. 49-68, ici 50.
71 Voir par exemple Gerbert de Mez, éd. cit., v. 113 : « Sainte Marie, qui porra ce soufrir ? ».
72 Ibid., v. 689-692 (« Les belles dames et li enfant petit/En sunt entré el mostier beneït./Mais li venz vente, qui le feu a espris./Ardent les dames et les enfanz petiz »).
73 Guidot B., « La partialité du trouvère est-elle discrètement infléchie dans Garin le Loherain ? », Au carrefour des routes d’Europe : la chanson de geste, Aix-en-Provence, Publications du CUER MA, (Sénéfiance 20), p. 601-611, ici 610.
74 Gerbert, éd. cit., v. 2 (« Mors est mes pere, toz sui deseritez »).
75 Ibid., v. 66-67 (« Or i para qui sera mes amis/De lui vengier au riche brant forbi »).
76 Ibid., v. 499 (« Le jor ont molt Loheren gaagnié »).
77 Ibid., v. 1024-1025 (« S’en fuiant muers, foi que doi Dieu porter,/A ton linaje sera molt reprové »).
78 Ibid., v. 14774-14775 (« Et il respondent : « Molt bien, la Deu merci,/Que mort avons l’orguillox Fromondin »).
79 Ibid., v. 190 (« Oez miracles que Damedieus i fist »).
80 Guerreau-jalabert A., « Le temps des créations » (XIe-XIIIe siècle) », Histoire culturelle de la France. Le Moyen Âge, Sot M. (dir.), Paris, Le Seuil, 1997, p. 107-224, ici 191.
81 « Pensate, carissimi, pensate, quot cotidie milites seculares pro dominis suis vili mercede inducti morti se tradunt. Et nos quid pro summo rege et sempiterna gloria patimur aut agimus ? » (Das Register Gregors vii., Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1920, ix, 21, p. 602). Voir également Reg. I, 43, p. 67, et III, 4, p. 250.
82 « To the crusaders, Christ was a king and lord who had lost his inheritance, his haereditas or patrimonium, to the pagans: indeed the image of the Holy Land as Christ’s inheritance which was an old one, was used in one of the accounts of Pope Urban II’s speech at Clermont and often thereafter », Riley-Smith J, « Crusading as an act of love », History, no 65, 1980, p. 177-192, ici 180. Voir, par exemple, Guibert de Nogent : « […] enim haec terra Dei haereditas et templum sanctum, […] in sacris et propheticis paginis legitur », Recueil des historiens des Croisades…, op. cit., 1879, t. IV, p. 137.
83 « It looks as though in its preaching of crusades it was not averse to using the imagery of the family feud to attract knights. Vengeance on the infidel who had oppressed Christians’brothers and seized their father’s patrimony was a theme in crusade propaganda », Riley-Smith J., ibid., p. 191.
84 Buc P., « La Vengeance de Dieu. De l’exégèse patristique à la réforme ecclésiastique et à la première croisade », La Vengeance, 400-1200, Barthélémy D., Bougard F., et Le Jan R. (dir.), Rome, École Française de Rome, 2006, p. 451-485.
85 Cf. La Chanson de Roland, éd. cit., laisse xiv.
86 Ibid., v. 213.
87 Ce débat est restitué dans ses grands traits par J.-C. Vallecalle dans sa thèse Message et ambassades dans l’épopée française médiévale. L’illusion du dialogue, Paris, Champion, 2006, p. 560-567.
88 « C’est en s’identifiant à une communauté – lignage, France, chrétienté –, qui incarne le bien et le droit, que Roland légitime son orgueil. […] Il y a de la démesure dans ce refus obstiné de se soumettre à la réalité. Mais cette démesure n’est pas coupable. Car s’il aspire à dépasser les limites humaines, Roland ne s’élève pas contre Dieu. Il trouve au contraire, dans son sacrifice à la chrétienté, dans son identification à la France, dans sa certitude d’incarner le bon droit, la justification de son orgueil personnel », Vallecalle J.-C., ibid., p. 565-566.
89 Voir par exemple La Chanson de Roland, éd. cit., vers 1744 (« Venget li reis, si nus purrat vengier »), ou 2456 (Venger te poez de la gent criminel »).
90 Aspremont, éd. cit., v. 2860-61. Dans le texte édité par De Mandach A., Naissance et développement de la chanson de geste en Europe. Chanson d’Aspremont, Genève, Droz, 1980, t. IV (texte édité à partir du manuscrit Venise VI et de textes anglo-normands inédits), Girard opposait déjà aux exhortations de sa femme désireuse qu’il se rende en Aspremont, l’idée qu’il ne recueillerait pas l’honneur de la bataille (« Car ja le pris, ne le los n’en avreie », v. 2248).
91 Girart de Roussillon présente une situation similaire, éd. cit., v. 3296-3297 (« Ainc ne vistes nul rei qu’aisi rancur/Quant Girarz s’ajostet, li cons, a lur ») : la compétition pour l’honneur qui s’engage entre Charles Martel et Girard s’intègre à la bataille contre les infidèles et la sert, chacun multipliant les prouesses.
92 Chanson de Guillaume, éd. cit., v. 1325-1327 (« Mielz voil que moergez en Larchamp sur mer,/Que tun lignage seit per tei avilé/Ne après ta mort a tes heirs reprové »).
93 Ibid., v. 1349.
94 Guerreau-jalabert A., art. cit., p. 214.
95 Baschet J., op. cit., p. 617-618. Selon cet auteur, la conjonction du spirituel et du corporel est un « trait omniprésent de la pensée cléricale » (ibid., p. 612). La littérature épique, et à travers elle, les laïcs guerriers, adoptent ce système ; ils ne font que définir différemment ses modalités.