1 Nous utiliserons l’édition d’A. Wallensköld : Florence de Rome, chanson d’aventure du premier quart du XIIIe siècle, Paris, 2 vol. , 1907 et 1909 (SATF, 54). Cette édition utilise majoritairement le manuscrit P, dont il manque cependant le dernier feuillet : c’est le manuscrit M qui fournit la fin du texte, après la confession des différents agresseurs de Florence. Dans la mesure où les deux manuscrits diffèrent très peu quant à l’intrigue (P a été préféré essentiellement pour des raisons de langue), nous pouvons considérer que c’est la version du manuscrit M – avec son orientation finale – qui fournit la totalité de l’intrigue que nous analysons.
2 « Le Concept de trahison dans l’Angleterre du Haut Moyen Âge », Félonie, trahison, reniements au Moyen Âge, Actes du troisième colloque international de Montpellier, Université Paul Valéry (24-26 novembre 1995), Les Cahiers du CRISIMA, no 3, 1997, p. 59-65.
3 « Dons ne m’a pas tes freres et plevie et juree ? » (v. 3737).
4 De même le Pape reproche à Milon « Viaus tu avoir Florence et estre ses mariz ?/De lé ne de la terre n’iestes pas revestiz » (v. 3022-3023).
5 Je renvoie ici à Lévi-strauss C., Les structures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton, 1968.
6 V. 3880-3881.
7 « Il se fioit en moi, gel traïsoie isis/Quel vosise avoir mort a mon espié bruni » (v. 6239-6240) – voir aussi v. 1539-1544.
8 On reconnaît le motif traditionnel du sénéchal félon.
9 Billoré M., Introduction à La trahison au Moyen Âge, de la monstruosité au crime politique (Ve-XVe siècle), publié sous la direction de Billoré M. et de Soria M., Rennes, PUR, 2009, p. 17.
10 Crépin A., art. cit., p. 62.
11 « Que teil traïson fist vers son frere Esmeré/Sa fenme li tolli ; Deus l’en sot mout mal gré » (v. 5779-5780).
12 Accessoirement, signalons qu’il se vante de ne craindre tuer ni « evesque n’apostole ne mestre chardenal » (v. 2993) qui voudraient lui prendre son épée.
13 « Je sui nee de Romme del palés seignori […]/En traïson m’en moinne li frere mon mari » (v. 3880 et 3884).
14 Traditio ou proditio, seditio, forisfactum, felonia, infidelitas (Billore M., op. cit., p. 11).
15 Laisses cvi et cxl.
16 Rappelons au passage que bien d’autres chansons conservent en vie leurs traîtres, qui fuient ou feignent amende honorable, essentiellement pour qu’il puissent ourdir de nouveaux complots ou procréer des rejetons à leur image dans les chansons suivantes – solution dont se garde notre auteur.
17 « Et Miles, li suen frere, refust auques preudon,/Se il n’eüst en lui orguel et traïson » (v. 1131-1132).
18 « Dame, dist Audegons, et vos prenez l’ainné,/Car mout a en Milon chevalier aduré » (v. 2079-2080).
19 « Milles avoit le cuer dolent et irascu/Por Esmeré, son frere, que fu de tel vertu » (v. 2572-1573).
20 C’est sans doute également une rivalité mimétique qui lui fait désirer une femme et un trône qu’il n’avait pas semblé distinguer de prime abord.
21 Guillaume de Dole est l’un des héros du Roman de la rose (ou de Guillaume de Dole) de Jean Renart. L’auteur s’amuse manifestement ici avec l’intertextualité : Milon est le nom du dédicataire du roman, l’évêque de Beauvais Milon de Nanteuil.
22 Billoré M. (op. cit.) cite Philippe de Beaumanoir, dans les Coutumes du Beauvaisis – par exemple : « […] traïsons est […] pour porter faus tesmoing pour celi mestre a mort » (Philippe de Beaumanoir, Coutumes du Beauvaisis, éd. Salmon A. et Hubrecht G., 3 vol. , Paris, 1899, I, § 827, p. 430).
23 Les autres versions du récit se contentent de signaler que la reine a envoyé le traître en prison.
24 Billoré M., op. cit., p 28.
25 Ibid., p. 29.
26 Un proche d’Henri II avait également médité de s’emparer d’Aliénor d’Aquitaine.
27 Humiliation publique, pendaison, éviscération, écartèlement, démembrement, dispersion des restes brûlés (Billoré M., op. cit., p. 29-33).
28 Wallensköld, Introduction à l’op. cit., p. 105-106. Tout le chapitre vii de l’Introduction est consacré à la comparaison des différentes versions du conte.
29 Ibid., p. 117.
30 Pichon G., « La Lèpre dans Ami et Amile », Ami et Amile, une chanson de geste de l’amitié, sous la direction de Dufournet J., p. 59. Le rapprochement avec Ami et Amile et avec le conte des deux frères serait d’ailleurs peut-être à développer : Milon paie le fait d’avoir désiré sa belle-sœur, comme Ami est puni d’avoir juré d’épouser celle qui revenait à Amile. Certes, Ami est poussé à la faute par les circonstances et l’amitié, et il est plus généralement comparé à une figure christique. Milon serait plutôt un « double négatif » d’Ami, un mauvais frère diabolique face au frère oblatif et christique.
31 « Florence de Rome, quel pouvoir pour une reine ? » dans Figures et figurations du pouvoir, Actes du symposium des 5 et 6 novembre 2009, sous la direction de Mc Intosh-Varjabedian F. et Castellani M.-M., Université de Lille 3, à paraître.
32 Le seul procès du texte est celui de Florence, injustement accusée de meurtre. Condamnée à être brûlée vive, elle est finalement libérée par le châtelain Thierry, qui, en voyant son visage « enlumin[é] » par Jésus (v. 4793), ne peut croire à sa culpabilité. Là encore, la justice humaine est remplacée par la volonté divine.
33 Voir les révélations de l’ermite (que Mordred tuera ensuite) dans le Lancelot propre.
34 Rappelons qu’il s’agit ici de la fin choisie par l’auteur du manuscrit M.
35 À ce sujet, voir Régnier-Bohler D., dans Histoire de la vie privée 2. De l’Europe féodale à la Renaissance, sous la direction de Ariès Ph. et Duby G., Le Seuil (Points Histoire), édition revue et complétée, 1999, chapitre III (Fictions), « Les frères dans le groupe familial », p. 333-335.
36 Ou les reprennent, comme par exemple dans Le Roman de Thèbes.
37 Op. cit., p. 334. Florence de Rome met en scène un autre couple de frères, exemplaire cette fois : il s’agit des deux chevaliers qui restent fidèles à Esmeré, Agravain et Samson – ce dernier est tué par Milon.
38 V. 695, 939. La question de la bâtardise rôde aussi sans doute dans le texte, au moins en creux : lorsque Milon accuse Esmeré de traîtrise, il insinue « Onques le roi mon pere, ce cuit, ne l’engendra,/Mes aucun losengier en ma mere pecha » (v. 1563-1564).
39 Pour ne pas dire que les deux frères figurent la dualité de tout être humain.
40 Aurell M. et Girbea C., « Mordred, “traître scélératissime” : inceste, amour et honneur aux XIIe et XIIIe siècles », La Trahison au Moyen Âge, p. 133-149.
41 Frappier J., La Mort le roi Artu, Droz, 1964, paragraphe 190.
42 Aurell M. et Girbea C., art. cit.
43 Cité par Regnier-Bohler D., chap. cit., p. 334.
44 Le personnage multiplie les manifestations d’affection fraternelle : lorsqu’il voit son frère en danger au combat, il s’écrie « Je ne vuel si conquerre destrier ne palefroi,/Ne mes que mon chier frere. Sire, rendez le moi ! » (v. 1505-6). Au moment de son départ à la poursuite des Grecs, il fait l’éloge d’Agravain et Samson « vos iestes andui frere, por ce m’i doi fier/Car dous plus leaus homes ne poroit l’en trover » (v. 2677-2678) – voir aussi v. 2680-2684, v. 3288-3295.
45 « Ses terres et avoirs laisse tot a son gré/A iceste parole se sont mout acolé » (v. 6392-6393).