1 Clément Bruno, L’œuvre sans qualités : rhétorique de Samuel Beckett, Paris, Le Seuil, coll. « Poétique », 1994, p. 353.
2 Pour la discussion la plus informée de Cette fois comme « memory play » (« pièce mémorielle ») voir Kozdon Sabine, Memory in Samuel Beckett’s Plays. A Psychological Approach, Münster, Lit Verlag, 2005, p. 189-190 et 213-231. Kozdon observe que beaucoup de critiques emploient le terme de « memory play » par rapport à des pièces théâtrales, radiophoniques ou télévisuelles de Beckett sans toutefois le définir préalablement. Selon les critères de Kozdon, qui articule le « théâtre de la mémoire » de Beckett autour de la « mémoire individuelle » de Clément, seulement Comédie, Pas moi et Cette fois sont des « exemples exceptionnellement purs » des « pièces mémorielles » beckettiennes.
3 Stanley E. Gontarski retrace dans son ouvrage The Intent of Undoing in Samuel Beckett’s Dramatic Texts, Bloomington, Indiana University Press, 1985, chapitre 10 « “Making yourself all up again” in That Time », p. 150-161, les dix étapes manuscrites et tapuscrites de la genèse de That Time et leurs traits de rédaction les plus saillants, dont, notamment, le travail que Beckett a mené, après avoir élaboré chacune des bribes de voix A, B et C en continuité, pour les fragmenter, réorganiser et complexifier les rapports entre elles.
4 Selon James Knowlson, Beckett trouvait cette traduction insatisfaisante: « The Tophovens’ translations of Footfalls and That Time, needed for a Schiller-Theater production he was to do himself in September [1976], were not, Beckett felt, up to their usual high standard, and he had to hold up their publication with Suhrkamp until they could work on them together. » Cf. Knowlson James, Damned to Fame. The Life of Samuel Beckett, New York, Simon & Schuster, 1996, p. 552 et notes afférentes.
5 Pour les données sur la genèse, mise en scène, autotraduction et publication de Cette fois voir Ackerley Chris J. et Gontarski Stanley E., The Grove Companion to Samuel Beckett. A Reader’s Guide to His Works, Life, and Thought, New York, Grove Press, 2004, p. 568-570 ; Gontarski Stanley E. (dir. et introd.), The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, with revised texts for Footfalls, Come and Go and What Where, New York, Grove Press, 1999, Part V : That Time, p. 353-404 ; et Chabert Pierre et al. (dir.), Revue d’Esthétique, numéro hors série « Samuel Beckett », 1990, p. 442.
6 Knowlson laisse entendre que Beckett a travaillé sur l’autotraduction en français de That Time pendant la révision de Damals et la préparation de la mise en scène de Berlin (Knowlson James, Damned to Fame, op. cit., p. 552), tandis que John Pilling suggère que Beckett a commencé l’autotraduction de Cette fois en novembre 1976, donc peu après la première de Damals : Pilling John, A Samuel Beckett Chronology, Houndmills, Basingstoke, Hampshire, New York, Palgrave, Macmillan, 2006, p. 201.
7 Le dispositif scénique du dramaticule comprend : 1) une dimension visuelle concrétisée dans : l’image de la tête du seul et unique personnage de Cette fois, qui « flotte » littéralement dé-corporalisée, dans le noir, à trois mètres au-dessus de la scène et un peu décentrée ; et les changements d’éclairage dont cette image fait l’objet ; 2) une dimension auditive concrétisée dans : les enregistrements acousmatiques des bribes de voix A, B et C qui accompagnent l’image de la tête ; leur interruption deux fois au cours de la pièce ; et la respiration du personnage présent sur scène ; 3) une dimension motrice concrétisée dans la mimique du protagoniste (ouverture et fermeture des yeux, sourire final édenté) ; et 4) une dimension dynamique concrétisée dans la corrélation des trois dimensions précédentes.
8 Voir Beckett Samuel, That Time / Damals, édition bilingue, traduction en allemand de Elmar Tophoven, Frankfort sur le Main, Suhrkamp Verlag, 1976 ; et idem, Cette fois, in Catastrophe et autres dramaticules (Cette fois, Solo, Berceuse, Impromptu d’Ohio), Paris, Éditions de Minuit, 1982, p. 7-25.
9 Plusieurs critiques ont déjà attiré l’attention sur la contradiction perceptuelle que propose l’image scénique de Cette fois, en l’interprétant comme une « expérience faite sur la perspective visuelle » et l’« illusion optique » et en soulignant son « irréalité » qui désoriente spatialement le spectateur. On a aussi proposé de possibles sources d’inspiration artistiques pour cette image, qui vont des gravures à sujet ancien testamentaire de William Blake à certaines toiles de Salvador Dali représentant des têtes dé-corporalisées, en passant par la photo « Femme aux longs cheveux » (1929) de Man Ray. Voir à ce sujet Brater Enoch, Beyond Minimalism : Beckett’s Late Style in the Theatre, Oxford, Oxford University Press, 1990, chapitre 3 « That Time on That Space », p. 37-51 ; Gontarski S. E., The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, op. cit., note 5, p. 393 ; Knowlson James, Damned to Fame, op. cit., p. 531 ; et McMullan Anna, « Samuel Beckett’s Cette fois : Between Time(s) and Space(s) », French Studies: A Quarterly Review, vol. 44, no 4, octobre 1990, p. 424-439. Ces critiques omettent toutefois de remarquer que les versions anglaise, allemande et française n’offrent pas exactement la même image scénique ou, mieux dit, que cette image n’est précisée dans toute son impossibilité perceptuelle que progressivement, d’une étape à l’autre d’(auto) traduction et de création de la pièce.
10 Gontarski Stanley E., The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, op. cit., p. 373, 375.
11 L’« oreiller » de « longs cheveux blancs dressés comme vus de haut étalés sur un oreiller » (Cette fois) est une concrétisation de « tignasse de cheveux blancs dressés comme ceux de quelqu’un qui est étendu/couché » (Damals, notre traduction et emphase) dans la mesure où la version française se laisse lire de deux manières : comme « cheveux […] comme […] étalés sur un oreiller », ainsi que nous l’avons proposé plus haut, mais aussi comme « cheveux […] étalés sur un oreiller » – donc de manière à donner une matérialité d’accessoire à l’« oreiller ».
12 Gontarski Stanley E., The Intent of Undoing in Samuel Beckett’s Dramatic Texts, op. cit., p. 155.
13 Il s’agit de « stades génétiques non-consécutifs » dans le sens où Cette fois maintient par endroits (voir le terme de comparaison de l’« oreiller ») des rapports plus étroits avec la création de Damals, le texte de Damals et certains avant-textes de That Time qu’avec That Time lui-même. C’est comme si le texte publié anglais, qu’on considérerait normalement comme la condition sine qua non de toute autotraduction ou création du dramaticule, n’était en réalité qu’un chaînon dispensable du devenir de Cette fois (et Damals). Ce phénomène de l’origine inessentielle ou relative caractérise aussi l’autotraduction beckettienne lorsqu’elle procède à partir des étapes génétiques antérieures au texte source publié ou à partir des stades historiques antérieurs de la langue source.
14 C’est Beckett lui-même qui aurait affirmé que Cette fois se situe « on the very edge of what is possible in the theatre ». Voir Knowlson James, Damned to Fame, op. cit., p. 533 et note 162, p. 731, notre traduction.
15 À Berlin (mais non à Londres) les bribes de voix non seulement s’interrompent et recommencent, mais elles s’affaiblissent et ralentissent aussi progressivement, pour revenir par la suite à leur débit et volume initiaux. La respiration régulière du protagoniste n’est pas elle non plus simplement audible ou non, mais elle est soumise elle aussi à des variations graduelles de volume.
16 Gontarski Stanley E., The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, op. cit., p. 369, 371, nous traduisons.
17 L’édition bilingue de That Time / Damals que nous utilisons est celle que Beckett lui-même a employée et corrigée à Berlin. Les mots [barrés] entre crochets représentent ses révisions du texte allemand du dramaticule. Cf. Gontarski Stanley E., The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, op. cit., p. 397-404.
18 Le tableau sélectionne, réorganise, synthétise, présente dans un autre format et traduit en français ces notes, dont le facsimile et la transcription peuvent être consultés dans Gontarski S. E., The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, op. cit., p. 358-363 et 368-391. Les mots [barrés] entre crochets continuent à représenter les corrections de Beckett, notamment les choix d’indices dictant un changement scénique qu’il a éliminés et remplacés avec d’autres. Les mots soulignés simplement représentent les indices d’éclairage de Londres. Les mots soulignés doublement représentent les indices d’éclairage et ceux soulignés de manière renforcée représentent les indices de voix de Berlin. Les barres obliques / délimitent, à l’intérieur d’un seul et même fragment, le passage d’une page à la suivante dans l’édition de Cette fois utilisée.
19 Asmus Walter D., « Rehearsal Notes for the German Premiere of Beckett’s That Time and Footfalls », in Stanley E. Gontarski (dir. et introd.), On Beckett. Essays and Criticism, New York, Grove Press, 1986, p. 335-349, p. 348. (Ces notes ont été publiées originairement dans Journal of Beckett Studies, no 2, été 1977, p. 82-95.)
20 « Beckett reminds Herm to remember the ritardando at the end of parts 1, 2, and 3 » (Asmus Walter D., « Rehearsal Notes », art. cit., p. 348).
21 Il convient de noter que le sourire final « édenté de préférence » (p. 25) reste, dans les textes publiés, comme dans les mises en scène autorisées du dramaticule, un élément de surprise constant que la critique a interprété de maintes façons. Antoni Libera propose par exemple que le « Souvenant » sourit à la fin de la pièce parce que l’ordre B12 A12 C12 – qui devrait changer lors des dernières interventions des bribes de voix à A 12 B12 C12 avec, en accord les règles mises en place par le dramaticule lui-même, mais qui ne change en effet pas – représente la chronologie correcte des souvenirs de jeunesse (B), de maturité (A) et de vieillesse (C). S. E. Gontarski comprend le sourire du « Souvenant » comme l’expression de son contentement purement formel devant la constance de l’ordre BAC tout au long de la troisième partie du dramaticule, tandis que James Knowlson et John Pilling suggèrent toute une série de possibilités : « […] The smile comes as a considerable dramatic surprise. Enigma remains, in fact, an essential part of [its] dramatic effect […]. Is it here simply a smile of satisfaction at the restoration of these old times ? A smile of relief and contentment that at last all the torment is nearly over ? A wry reflection on the insignificance of the individual human existence in the context of infinity ? Or a smile indicating that even capitulation to the void can still be endured with serence acceptance ? » (Voir Libera Antoni, « Reading That Time », in Davis Robin J. et Butler Lance St J. (dir. et introd.), « Make Sense Who May » : Essays on Samuel Beckett’s Later Works, Gerrards Cross, C. Smythe, 1988, p. 91-107, p. 91 ; Gontarski Stanley E., « “Making yourself all up again” in That Time », art. cit., p. 158 ; et Knowlson James et Pilling John, Frescoes of the Skull. The Later Prose and Drama of Samuel Beckett, Londres, John Calder, 1979, p. 210.) Ces nombreuses interprétations, dont aucune n’est définitive, témoignent de l’ambiguïté du sourire du « Souvenant » comme élément scénographique que l’uniformité des autres éléments ne fait que mieux mettre en évidence, mais seulement comme signe à signification(s) indéfinie(s).
22 Beckett note dans son cahier de notes de Berlin : « Listener’s Reactions : […] 3. Perhaps very slight restlessness coming up to silence (B4, A8, C12) ? […] Speech during the first fade up to max ?? » (Gontarski S. E., The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, op. cit., p. 373, 375).
23 Voir A4, B4, C7, B9 et A11.
24 Le contexte de la « mémoire intratextuelle » structurelle favorise une interprétation du sourire du « Souvenant » comme une réaction déclenchée par les attentes trompées des lecteurs / spectateurs de Cette fois : ceux-ci anticipent à la fin du dramaticule l’ordre A12 B12 C12, mais ils lisent / entendent à sa place, itérativement, B12A12C12.
25 Voir Libera Antoni, « Structure and pattern in That Time », Journal of Beckett Studies, no 6, automne 1980, p. 81-89, p. 85.
26 Voir Grossman Evelyne, « À la limite… Lecture de Cette fois de Samuel Beckett », in L’Angoisse de penser, Paris, Éditions de Minuit, 2008, p. 109-127, p. 115-116. Si l’on prend en compte les autres sièges de Cette fois, tels que le pas de la porte dans A ou le siège du bureau de poste dans C, cette tripartition ne fonctionne plus.
27 Voir Connor Steven, Samuel Beckett. Repetition, Theory and Text, Oxford et New York, Basil Blackwell, 1988, chapitre 6 « Presence and Repetition in Beckett’s Theatre », p. 115-139, p. 137.
28 Cette fois ne contient pas de « phrases » à proprement parler puisque le texte est dépourvu de tout signe de ponctuation et se soustrait ainsi à tout découpage syntaxique figé. « Phrase » est donc à comprendre ici comme une unité syntaxique potentielle et non actualisée/matérialisée effectivement.
29 Parmi les itérations syntagmatiques et phrastiques moins remarquées par la critique on peut citer : « nuit noire ou clair de lune » (A4, A9, A10) B12 te ; « rend[re] […] à l’évidence » (A5), C10) ; et « tout droit […] ni à droite ni à gauche » (A2, A5,C9). A12).
30 A9 illustre un cycle parfait, tandis que les successions A2 – C2 et A4 – B4 illustrent une anadiplose et respectivement une anaphore imparfaites.
31 Steven Connor attire l’attention sur le caractère différentiel des répétitions et suggère que celui-ci empêche d’organiser les « récits » respectifs de A, B et C dans un « récit de vie » cohérent et unique. Pour lui, comme pour Anna McMullan, les récurrences du dramaticule questionnent la pertinence conceptuelle des oppositions comme différence – identité, intérieur – extérieur, fini – infini, passé – présent, etc. Voir Connor Steven, Samuel Beckett. Repetition, Theory and Text, op. cit., p. 136-137 et Mcmullan Anna, Theatre on Trial. Samuel Beckett’s Later Drama, New York et Londres, Routledge, 1993, chapitre 2, « Masquerades of Self », p. 52.
32 Connor Steven, Samuel Beckett. Repetition, Theory and Text, op. cit., p. 136 et la note 21, p. 211.
33 Un choix d’(auto) traduction adoxal s’éloigne des « normes du traduire attendues ». Voir Oustinoff Michaël, Bilinguisme d’écriture et auto-traduction. Julien Green, Samuel Beckett, Vladimir Nabokov, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 168.
34 L’(auto) traduction allemande garde les deux séries de récurrences intratextuelles distinctes, en offrant pour « to hell [out of there/out of it] » (C1, C2, A7, et /A12 /) « verdammt [raus da /raus aus alldem] » et pour « not a curse [for the old scenes the old names / for the passers] » (A2 A5 A7, /A10/, A12) « keinen Pfiff [für die alten Szenen die alten Namen / für die Passanten ». Beckett a corrigé la traduction allemande d’Elmar Tophoven de A7 de, « verdammt weg von dort » à « verdammt raus da », de manière à garder consistantes les « mémoires intratextuelles » de Damals et That Time. Cette correction appuie l’idée que les récurrences des textes beckettiens en général et de That Time (Damals, Cette fois) en particulier ne sont pas accidentelles.
35 Seulement dans A11 « lieu » autotraduit la conjonction « where » : « forgetting it all where you were and what for », « oubliant tout le lieu où tu étais et pourquoi ».
36 La critique a déjà remarqué le fonctionnement autoréférentiel de A4 qui décrit une situation similaire à celle du « Souvenant », à la différence près que celui-ci ne « graille » pas « tantôt une voix tantôt une autre jusqu’à en avoir la gorge en feu », mais les écoute.
37 « L’emploi de la deuxième personne est le fait de la voix. Celui de la troisième celui de l’autre. Si lui pouvait parler à qui et de qui parle la voix il y aurait une première. » Beckett Samuel, Compagnie, Paris, Éditions de Minuit, 1985, p. 8.
38 Tout A9 est rédigé à la troisième personne, en remplaçant « ton livre d’images » (A3) par « son livre » et « quand ça te prenait […] les autres qui battaient les chemins à ta recherche » (A4) par « quand ça lui prenait […] les autres qui battaient les chemins à sa recherche ». « Allons » (C5) et « disons » (A7), bien qu’il s’agisse d’embrayeurs discursifs presque lexicalisés, continuent à présupposer un « nous » qui est constitué, dans le cas de Cette fois, d’un « je » (la source de la voix ?) et le « tu » actualisé de manière constante tout au long du dramaticule.
39 « The old green greatcoat » (C2, A8, A12) et « the old green holeproof coat » (C8) deviennent invariablement « ton vieux manteau vert » ; « something the dust said » (C11) donne « quelque chose que la poussière t’a dit » ; tandis que « and on to the next » (C2) correspond à « t’affaler ailleurs », conformément à l’autotraduction de « and sat down » (C1) par « t’affaler ». Ce dernier exemple illustre aussi la substitution assez fréquente des modes verbaux personnels de That Time par des formes impersonnelles ou averbales dans Cette fois. Voir par exemple « took the eleven » (A11), « avec le 11 »; « slipped in when no one was looking » (C1), « guetté le moment de te faufiler »; « to vow you loved each other » (B2), « pour vous jurer amour »; etc. On retrouve un exemple de changement verbal temporel entre les deux versions, anglaise et française, dans A 11 : « the child’s ruin you came to look was it still there », « la ruine de l’enfant que tu étais retourné voir si elle était toujours là ». Cet exemple illustre en même temps une variation temporelle, voire un recul dans le temps, à l’intérieur de Cette fois aussi, puisque dans A1, A2, A5, B10 il s’agit de « cette fois où tu es retourné ». Pour la différence d’autres marqueurs temporels (noms, adverbes et prépositions) dans That Time et Cette fois voir Connor Steven, Samuel Beckett. Repetition, Theory and Text, op. cit., p. 137-138.
40 Grossman parle de cette invariabilité sémantique / thématique en termes de « leitmotivs » spécifiques à chacune des bribes de voix A, B et C. Voir Grossman Evelyne, « À la limite… », op. cit., p. 115-116.
41 « Foley’s Folly » qui devient en allemand, suite à la correction de Beckett, « Tuohys Tuskulum » confirme le souci d’itération phonétique dans le dramaticule.
42 Debray-Genette Raymonde, « Génétique et poétique : le cas de Flaubert », in Debray-Genette Raymonde et al., Essais de critique génétique, Paris, Flammarion, 1979, p. 23-67, p. 33.
43 Angela Moorjani utilise ces expressions dans son ouvrage Abysmal Games in the Novels of Samuel Beckett, Chapel Hill, University of North Carolina Department of Romance Languages, 1982.
44 Gontarski Stanley E., « “Making yourself all up again” in That Time », op. cit., p. 150.
45 John Fletcher note déjà en 1967 que « Beckett has borrowed both his [Dante’s] idea and his terms from the Divine Comedy » (Fletcher John, Samuel Beckett’s Art, Londres, Chatto & Windus, 1967, p. 119, nous soulignons). Les travaux de Ackerley C. J., « Demented Particulars: The Annotated Murphy », Journal of Beckett Studies, vol. 7, no 1 et 2, automne 1997/printemps 1998, p. 1-215 ; idem, « Obscure Locks, Simple Keys : The Annotated Watt », Journal of Beckett Studies, vol. 14, no 1 et 2, automne 2004 / printemps 2005, p. 1-292 ; Caselli Daniela, Beckett’s Dantes, Manchester et New York, Manchester University Press, 2005 ; et Pilling John, « The Annotated Dream of Fair to Middling Women », Journal of Beckett Studies, vol. 12, no 1 et 2, automne 2002 / printemps 2003, p. 1-370 – prouvent définitivement que Beckett retient, de ses diverses et nombreuses lectures, des mots, expressions et phrases qu’il inclut par la suite dans ses propres écrits.
46 C’est principalement de cette façon qu’Oliver Vogel étudie les rapports intertextuels de Cette fois avec la Recherche proustienne ; James Acherson ceux avec le fameux poème de Wordsworth Lines Written a Few Miles above Tintern Abbey ; Enoch Brater ceux avec les Sonnets XLIX et LXXIII de Shakespeare ; et Damien Love ceux avec Fragment von Hyperion de Hölderlin. Voir Vogel Oliver, « … till that time came… Marcel Proust und Samuel Beckett », Neue Rundschau, 106e année, no. 1, 1995, p. 154-167 ; Acherson James, Samuel Beckett’s Artistic Theory and Practice. Criticism, Drama and Early Fiction, Houndmills, Basingstoke, Hampshire et Londres, MacMillan Press, 1997, chapitre 9 « The Shape of Ideas: That Time », p. 182-194 ; Brater Enoch, op. cit. ; et Love Damian, « Die exzentrische Bahn : Samuel Beckett and the Madness of Hölderlin », Archiv für das Studium der neueren Sprachen und Literaturen, vol. 243, no 2, 158e année, 2006, p. 348-365.
47 La « foirade » Still, que Beckett a rédigée du 17 juin au 26 juillet 1972, a été publiée en édition princeps en 1974. L’autotraduction Immobile est postérieure à juillet 1975. Voir Cohn Ruby, A Beckett Canon, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2001, p. 319 et Pilling John, A Samuel Beckett Chronology, op. cit., p. 197. Nous utilisons l’édition d’Immobile référencée dans la Bibliographie et puisqu’il s’agit d’un texte court, nous ne donnons pas d’indications de page.
48 « Immobile » apparaît aussi deux fois dans B7, dans l’expression « immobiles comme marbre ». « Tout immobile » et « yeux fermés » se retrouvent ensemble dans B1. Cette fois contient trois occurrences de « tout immobile(s) », tandis qu’Immobile n’en contient pas moins de neuf.
49 Beckett Samuel, The Complete Short Prose, 1929-1989, édité, préfacé et annoté par Stanley E. Gontarski, New York, Grove Press, 1995, p. 241.
50 « Feux du couchant » apparaît dans la troisième phrase d’Immobile : « Clair enfin fin d’une journée sombre le soleil brille enfin et disparaît. Assis immobile face à la fenêtre face à la vallée ici temps normal tourner la tête et le fixer au sud-ouest le soleil qui décline. Voir se lever certains états et aller se poster à la fenêtre ouest immobile à le fixer le soleil qui décline et ensuite les feux du couchant. »
51 La « scène » « à la fenêtre dans le noir » est une « scène »-cadre de la bribe de voix B dans Cette fois dans le sens où elle fonctionne comme une matrice qui englobe, génère et démantèle d’autres « scènes » (« sur la pierre », « sur le halage », « dans les dunes »).
52 Voir Beckett Samuel, D’un ouvrage abandonné, traduit de l’anglais par Ludovic et Agnès Janvier en collaboration avec l’auteur, in Têtes-mortes, Paris, Éditions de Minuit, 1972, p. 29 ; idem, Premier amour, Paris, Éditions de Minuit, 1970, p. 28 ; idem, Watt, traduit de l’anglais par Ludovic et Agnès Janvier en collaboration avec l’auteur, Paris, Éditions de Minuit, 1968, p. 161 ; idem, Oh les beaux jours, traduit de l’anglais par l’auteur, in Oh les beaux jours suivi de Pas moi, Paris, Éditions de Minuit, 1974, p. 66 ; idem, Comment c’est, Paris, Éditions de Minuit, 1961, p. 47.
53 « B. Alles war nun Stille. Wir sprachen kein Wort, wir berührten uns nicht, wir sahen uns nicht an… Hölderlin. Hyperion-Fragment. » Voir Gontarski Stanley E., The Theatrical Notebooks of Samuel Beckett. Volume IV : The Shorter Plays, op. cit., p. 389, 391. Le contexte de la bibliothèque publique dans la bribe de voix C renforce l’hypothèse des souvenirs livresques dans Cette fois.
54 Voir à titre d’exemple, pour « ciel d’azur », Hugo Victor, « Spectacle rassurant », in Œuvres poétiques, vol. I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1964 (recueil Les rayons et les ombres), p. 1062 ; et pour « feux du couchant », idem, « La confiance du marquis Fabrice », in La légende des siècles. La fin de Satan. Dieu, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1950, p. 315.
55 Si cette présence est en effet assez facile à retracer, son rôle textuel n’est pas nécessairement évident d’emblée.
56 « Laissons Chateaubriand, loin des traces profanes, / À vingt ans s’élancer en d’immenses savanes, / Un bâton à la main, et ne rien demander / Que d’entendre la foudre en longs éclats gronder, / Ou mugir le lion dans les forêts superbes […] / Laissons à Lamartine, à Nodier, nobles frères, / Leur Jura bien-aimé, tant de scènes contraires / En un même horizon, et des blés blondissants, / Et des pampres jaunis, et des bœufs mugissants, […] / Qu’aussi Victor Hugo, sous son donjon qui croule, / Et le Rhin à ses pieds, interroge et déroule / Les souvenirs des lieux […] / Que du fleuve qui passe il écoute les voix, / Et que le grand vieillard lui parle d’autrefois ! / Bien ; il faut l’aigle aux monts, le géant à l’abyme, / Au sublime spectacle un spectateur sublime. / Moi, j’aime à cheminer et je reste plus bas. » Sainte-Beuve, « Promenade », in Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme, Plan de la Tour (Var), Éditions d’aujourd’hui, 1985 [1929], p. 121-123, p. 121-122.
57 Voir Beckett Samuel, Dream of Fair to Middling Women, édité par Eoin O’Brian et Edith Fournier, Londres et Paris, Calder Publications, 1993, p. 31 ; Ackerley C. et Gontarski Stanley E., The Grove Companion to Samuel Beckett, op. cit., p. 341 ; et Mallarmé Stéphane, « L’Azur », in Œuvres complètes, vol. I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1998 (recueil Poésies), p. 14-15.