Chapitre VIII. Glossaires « pour rire » ?
p. 229-255
Texte intégral
Mon Cœur est un lexique où cent littératures
Se lardent sans répit de divines ratures.
Jules Laforgue,
Complainte-litanies de mon Sacré-Cœur
1Porté à son comble par un certain repli des agents du champ littéraire sur eux-mêmes dont témoignent de nombreuses œuvres fin de siècle consacrées aux figurants et aux rouages de ce monde des lettres (des fameux romans à clef signés par les Catulle Mendès et autres Félicien Champsaur jusqu’aux micro-fictions du champ littéraire qui se déploient dans la presse et les petits imprimés parmi lesquels compte le Petit bottin du chapitre précédent), le phénomène d’autonomisation de la littérature qui se fait jour au XIXe siècle se mesure également au développement progressif d’une ou plutôt de plusieurs langues spécifiques fondées sur la mobilisation de lexiques bien particuliers. On sait, de façon générale, combien le vocabulaire mobilisé par un auteur dans ses écrits, que l’effet de distinction ou de reproduction qu’il produit soit voulu ou non, est l’une des prises idéales sur la relation, conforme ou hétérodoxe, entretenue par cet auteur avec son époque, ses pairs et la norme de l’espace linguistique dans lequel il est inscrit. Outre l’écart diatopique, qui est sans doute celui qui s’impose à l’esprit quand est traitée la question de la variation lexicale dans le domaine francophone1, des investissements distinctifs se manifestent également sur les plans diastratique et diachronique. Ainsi, à l’image de Kahn, Moréas et Vielé-Griffin – pour ne citer que trois des quatorze auteurs dont les écrits nourrissent le Petit Glossaire du pseudo-Jacques Plowert –, les auteurs de la mêlée symboliste privilégient-ils une forme de distinction esthète en chérissant les termes rares, complexes et précieux pour rompre avec le quotidien langagier. L’élaboration d’une langue qui leur est propre passe également par le recours aux écarts historiques, ceux-ci prenant corps sous la forme d’archaïsmes, de néologismes et de forgeries ; l’exception terminologique sert également leurs intérêts, comme en témoigne un Jules Laforgue truffant ses Complaintes d’un vocabulaire médical. Une similaire distinction lexicale, bien distincte toutefois au point de vue des objectifs qu’elle poursuit, se déploie également du côté du naturalisme, dont la stratification sociale constitue en quelque sorte le fonds de commerce : les différents paliers de cette dernière se marquent aussi à travers les usages linguistiques, que tentent de capter les représentants du mouvement. Quoi de mieux pour atteindre un projet d’ensemble visant, pour le résumer rapidement, à une description minutieuse et scientifique de ces paliers dans la société française, que de commencer par donner à voir ce qui les sépare sur le plan discursif, en recourant à l’idio- et au sociolecte, à l’argot et à la terminologie ? Flaubert l’avait déjà bien compris, qui soulignait dans Madame Bovary les provincialismes et autres marques idiolectales de ses personnages à renfort d’italiques.
Les langues polémiques du symbolisme et naturalisme
2Au vrai, les aventures symboliste et naturaliste, pour tout opposées qu’elles puissent paraître, peuvent se lire, ensemble, comme deux projets partageant une comparable stratégie d’investissement dans des créneaux linguistiques s’écartant de la norme et partageant en cela le refus de laisser le discours bourgeois et ses présupposés idéologiques gagner le domaine littéraire et le neutraliser2. Plus que des exercices de style ou des excès délibérés, le prosaïsme naturaliste et l’opacité symboliste, pour le dire en reprenant les griefs qui leur seront adressés, sont des perturbateurs de l’orthodoxie refusant la routine d’une langue abrasée et l’insignifiance de ce que cette dernière permet de véhiculer. À ce titre, il n’est pas surprenant que les deux tendances littéraires aient également en commun la réception chahutée que les écarts linguistiques qui les rythment ont pu susciter. Face au persiflage répété dont est victime la langue symboliste, Paul Adam refuse la contre-attaque frontale : imaginant le Petit Glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs symbolistes et décadents qu’il signe du pseudonyme de Jacques Plowert, il préfère jouer le jeu des détracteurs pour mieux le déjouer, en se donnant les moyens de mettre en lumière l’absurdité de leurs accusations. Quelques années auparavant, un glossaire comparable sortait de presse, paré d’un titre faussement botaniste : La Flore pornographique. Glossaire de l’école naturaliste. Celui-ci entendait pour sa part livrer les clefs d’une littérature recourant fréquemment à la « langue verte » et capable de désarçonner le lecteur qui ne manie pas cette dernière.
3Les arrière-fonds respectifs de ces deux dictionnaires se rejoignent autant qu’ils s’opposent. Ils entrent logiquement en contradiction si on les interroge en conservant à l’esprit la vision schématique d’une succession des mouvements et écoles souvent présentée de façon trop radicale par les histoires littéraires du XIXe siècle. À l’instar d’une rupture entre Parnasse et romantisme fréquemment réduite à la virulente préface de Leconte de Lisle aux Poèmes antiques, l’écart entre naturalisme et symbolisme a souffert d’une dichotomisation trop prononcée. Plutôt que d’entrer en opposition totale avec le naturalisme, certaines chapelles symbolistes, difficiles à fédérer, s’en exhalent en filtrant ce qui leur convient. Le quotidien prosaïque des petites gens prisé par le groupe de Médan est battu en brèche par une survalorisation de l’esthétique raffinée, mais le dégagement du romanesque traditionnel qu’impliquent en creux des œuvres comme L’Assommoir ou Nana sera au moins poursuivi par les romanciers célibataires que sont, parmi d’autres, Poictevin, Dujardin, de Wyzewa et Adam, dans une logique rappelant le projet flaubertien du « livre sur rien3 ». En recourant à l’analogie selon laquelle « des Esseintes déménage en bordure de la capitale comme le roman se déporte vers la banlieue du naturalisme4 », les chercheurs qui ont cerné les logiques du « roman célibataire » pointent justement la double évolution, réticulaire et esthétique, qui se met en place avec et contre les élèves de Zola. À l’image d’un Huysmans réinventant sa pratique pour, sans vraiment le chercher, passer d’une étiquette à une autre, certaines logiques symbolistes entretiennent des liens plus qu’étroits avec le naturalisme dominant. Les semblants de dictionnaires émanant plus ou moins directement de certaines productions liées à ces deux courants, par ricochet, le font en un sens tout autant.
Éclaircir l’hermétisme. Le Petit Glossaire de Jacques Plowert
Genèse du projet
4Deux années après avoir pris part à l’entreprise collective du Petit bottin des lettres et des arts, le polygraphe Paul Adam renoue avec le détournement satirique du genre dictionnairique en publiant, non plus anonymement mais sous couvert du pseudonyme de Jacques Plowert, le Petit Glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes, chez Léon Vanier cette fois. Paru en octobre 1888, l’ouvrage comble le souhait du personnage de des Esseintes, qui, à la fin du quatorzième chapitre d’À Rebours
sourit, regardant l’un des in-folio ouverts sur son pupitre de chapelle, pensant que le moment viendrait où un érudit préparerait, pour la décadence de la langue française, un glossaire pareil à celui dans lequel le savant du Cange a noté les dernières balbuties, les derniers spasmes, les derniers éclats de la langue latine râlant de vieillesse au fond des cloîtres5.
5Parodiant les glossaires terminologiques destinés à former les néophytes d’une discipline6, le volume se donne à lire comme une satire pédagogique rédigée par l’inconnu Jacques Plowert. Dans ses Origines du symbolisme, Gustave Kahn est brièvement revenu sur cette identité mystificatrice facile à démasquer :
Plowert est le nom d’un manchot qui évolue, non sans grâce, dans un roman de Moréas et Paul Adam […] Il parut piquant sans doute à Paul Adam de mettre le nom d’un héros à un seul bras, sur la couverture d’un petit volume qui allait être écrit par une demi-douzaine de dextres7.
6L’ironie inhérente à cette figure était déjà manifeste, quoique de façon atténuée, au sein du roman Les Demoiselles Goubert, duquel elle est issue et qui constituait lui-même un ouvrage rédigé à plusieurs mains. Le personnage de Plowert n’y fait au demeurant qu’une apparition fugace, à la fin du récit : présenté par M. Freysse à Marceline Goubert en perspective d’un mariage organisé, le jeune homme, sorte de globe-trotter brillant et érudit, ne parvient à inspirer que du dégoût à la demoiselle. Consciente des qualités de Plowert, celle-ci n’en est pas moins incapable de se détacher de l’impression ressentie à la vue accidentelle du moignon de son prétendant8. Le malheureux est finalement éconduit et regagne ses voyages orientaux, non sans avoir pris la peine d’adresser à Marceline des « adieux très aimables » qui enferment la jeune femme dans un vague sentiment de regret. Quelque part entre l’albatros baudelairien et le « rossignol de la boue sans ailes » de Corbière, Plowert s’inscrit à merveille dans la posture décadente archétypale : se présentant comme un esthète de seconde zone que son originalité rend plus rebutant qu’attirant, il est la personne de papier toute désignée pour endosser la responsabilité d’une réflexion sur le lexique symboliste. Avant d’en faire l’auteur du Petit Glossaire, Paul Adam s’était du reste déjà dissimulé derrière ce patronyme de son invention pour signer la chronique « Parenthèses et incidences » dans les colonnes du Symboliste.
7Inscrit, par cette pseudonymale mystification, dans une logique satirique, l’ouvrage trouve pourtant son origine dans une proposition sérieuse : à en croire Gustave Kahn, l’éditeur Dupret, intéressé par le développement de la nouvelle garde littéraire, avait en effet proposé de consacrer un volume à une « petite grammaire et rhythmique [sic] symboliste9 ». Patrick McGuinness, dans son édition du Petit glossaire, a raison de mettre ce projet en rapport avec le Petit traité de poésie française de Banville10, mais son hypothèse selon laquelle Kahn aurait pu être tenté de livrer un équivalent symboliste à l’ars poetica du poète parnassien doit être précisée. Si l’ouvrage prescriptif de Banville est un substrat potentiel du Petit Glossaire, ce dernier n’a pas été rédigé avec une logique concurrentielle destinée à prouver l’hégémonie symboliste : au contraire, la perspective irrévérencieuse qui l’anime – et qui, déployée essentiellement dans un discours d’escorte sur lequel nous nous concentrerons ici, demeure l’enjeu principal du projet11 – vise à démontrer la très relative nécessité de l’ouvrage et la bêtise de ceux qui en ont besoin. Revenant sur la genèse de la mystification, Kahn explique encore comment Adam, au lendemain de s’être vu présenter le projet de Dupret, invitait ses compagnons d’écriture à prendre part à une entreprise parallèle :
Il nous confia […] que Vanier, consulté par lui sur l’opportunité d’un petit dictionnaire de nos néologismes, complément plus qu’indispensable de mon futur travail, avait adhéré avec empressement à ses projets, et qu’un fort lexique allait naître. Il demandait notre concours avec une face rayonnante, et il eût été criminel d’adresser des objections à un ami aussi heureux. Plowert naquit et besogna dare-dare12.
8Pour composer ce dictionnaire, Adam puise aux œuvres de treize de ses contemporains et aux siennes. Les vocables figurant dans le Petit Glossaire sont de la sorte empruntés à Maurice Barrès, Félix Fénéon, René Ghil, Gustave Kahn, Jules Laforgue, Stéphane Mallarmé, Jean Moréas, Francis Poictevin, Henri de Régnier, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Francis Vielé-Griffin et Charles Vignier. Vis-à-vis de ces derniers, ce dictionnaire à double tranchant a des effets potentiellement contradictoires : consacrant certains écarts lexicaux que se permettent les auteurs susmentionnés et insistant sur l’originalité de ces derniers, il peut également les décrédibiliser aux yeux de certains en les faisant passer, à tort, pour une bande de joyeux drilles. À tort, parce que, d’une part, les investissements respectifs de ces auteurs dans la veine comique ou légère sont très divers et parfois diamétralement opposés (qu’on songe à la façon dont le dogmatique Moréas cherche à imposer sa vision du symbolisme ou à la radicalité d’un Barrès qui sera député boulangiste l’année suivant la publication du Petit Glossaire), mais aussi, d’autre part, parce que la constitution du corpus choisi par Adam provoque un effet de cohésion réticulaire qui doit être relativisé. S’il faut admettre que le choix des termes qui composent le Glossaire est parfois davantage dicté par des relations effectives plus ou moins directes que par un véritable examen de la production de l’époque13, tous les agents auxquels ces termes plus ou moins rares sont empruntés ne se connaissent pas directement, à plus forte raison dans le cas d’un Rimbaud, ou ne s’apprécient pas forcément, à l’image de Moréas et Barrès.
Préface et position
Le glossaire et l’engagement
9Précédé d’une brève préface signée par Jacques Plowert, le Petit Glossaire prolonge la mystification qui le fonde en filant le paradoxe, puisque le préfacier, dans ce cas-là, est autant l’auteur du texte auquel il consacre une préface qu’il ne l’est pas – parce qu’il s’agit d’un dictionnaire composé d’emprunts et, surtout, parce qu’il n’existe pas en réalité. C’est dans ce discours d’escorte que le pseudo-Plowert prend véritablement la parole et, si l’ensemble du volume se présente comme son projet, c’est là le seul lieu où il se fait l’écho de sa voix propre, et non le passeur-glossateur de mots qu’il emprunte à d’autres. En plus de la fonction très générale de présentation du texte qu’elle accompagne (à propos de laquelle Genette a développé une foule de sous-fonctions concomitantes, superposables et parfois indistinctes, de la « déclaration d’intention » à la « définition générique » en passant par l’orientation d’un « choix de public14 »), on sait qu’une préface joue, à des degrés divers, un rôle de prise de position : si elle peut, quand elle est allographe, constituer ce que Bourdieu désignait comme un « acte de crédit15 », elle endosse également volontiers un rôle manifestaire. S’amusant à reprendre la dimension engagée d’illustres escortes l’ayant précédé, à l’image des avant-propos de Hugo à Hernani et de Leconte de Lisle aux Poèmes antiques, Adam-Plowert confère à sa préface un tour prospectif, celle-ci s’ouvrant sur une recontextualisation et une présentation des enjeux du volume :
Les très nombreuses et incessantes polémiques que suscitèrent depuis trois ans les manifestations du groupe symboliste rappellent les grandes luttes qui, en ce siècle, signalèrent l’essor du romantisme et du naturalisme.
Sans vouloir préjuger de l’avenir probablement heureux qu’atteindront les efforts de cette littérature neuve, il demeure aujourd’hui indéniable que l’attention du dilettante se doit astreindre à connaître des œuvres si bruyamment discutées.
Or, le plus considérable reproche vise l’étrangeté des termes mis en usage par ces œuvres. On en conclut à une pernicieuse difficulté de lecture pour quiconque n’est point initié au prestige hermétique des vocables.
Aussi semble-t-elle opportune la publication d’un glossaire capable d’aplanir le malentendu et de simplifier l’initiation.
Bien qu’il se garde de prétendre à une nomenclature rigoureusement complète et amplement savante, cet opuscule pourra du moins servir à guider l’esprit hésitant du lecteur novice. Il mentionnera la signification précise de tous les termes rares qu’on ne rencontre point dans les lexiques ordinaires et même celle des mots que délaissent d’habitude les pauvres vocabulaires de nos écrivains en renom.
10Guidant l’historiographie à venir du symbolisme en l’inscrivant dans une histoire des mouvements littéraires français à succès tout en affirmant ne pas vouloir augurer de la réussite de celui-ci, allant même jusqu’à postuler, dans une recherche de légitimité rhétorique mêlée sans doute d’un effet d’illusion de cohésion, l’existence d’un « groupe » symboliste, l’énonciateur Plowert rappelle que la principale réprobation retenue contre la production des représentants dudit mouvement est l’hermétisme de celle-ci. L’ouvrage qu’il livre, motivé par le désir d’« aplanir le malentendu », est de la sorte présenté comme un geste magnanime des symbolistes, manière de don mystique réalisé par un intermédiaire permettant de lier le public aux poètes pour faciliter l’« initiation » de celui-là. Le ton change toutefois dès le sixième paragraphe :
Au reste, nous avouerons que les véritables néologismes apparaissent peu, que beaucoup de termes cités ici s’alignent dans les colonnes de l’abrégé du dictionnaire Larousse spécialement édité pour les écoles primaires, à la honte des folliculaires qui s’ébahirent à leur aspect.
11Plowert, qui réfute directement les accusations d’hermétisme en renvoyant les détracteurs de la mêlée symboliste sur les bancs de l’école, glisse subrepticement de la main tendue à l’invective16. Inutile de préciser qu’il existe plus efficace en matière de captatio benevolentiae que de déclarer tout de go à son lectorat que, s’il éprouve la nécessité de parcourir l’ouvrage que lui présente l’auteur, il n’est rien d’autre qu’un parfait crétin. Paul Adam reprend en réalité l’argument qu’il avait formulé dans le premier numéro de l’éphémère Symboliste, en revenant sur les critiques adressées au célèbre incipit du Thé chez Miranda, qu’il avait lui-même cosigné avec Jean Moréas :
Cette phrase du Thé chez Miranda que publièrent avec des rires niais les manœuvres de la presse : C’était l’hiémale nuit, et ses buées, et leurs doux comas, en quoi saurait-elle le moins du monde paraître incompréhensible ? Hiémal veut bien dire « d’hiver ». Le Larousse des écoles émet cet avis. La buée, c’est « la vapeur qui se dégage ». Le coma est une « sorte de sommeil léthargique » caractérisant avec justesse ces buées immobiles dans l’air. Franchement, les gens qui ne peuvent comprendre cette phrase, on peut les tenir pour tout à fait ignares en leur dialecte17.
12Se focalisant sur la signification intrinsèque de ces termes – qui, comme la plupart de ceux repris dans le Petit Glossaire sont censés être compréhensibles puisqu’ils figurent déjà dans le Larousse pour enfants –, Adam néglige (ou, plus exactement, feint de négliger) l’importance de leur combinaison et leur fréquence dans la langue commune. Du reste, il convient de bien distinguer les deux supports comparés puisque, si la note publiée dans Le Symboliste était délibérément polémique, qui s’en prenait directement aux journalistes ayant critiqué le style du Thé chez Miranda, l’injure, paradoxalement plus large puisqu’elle pourrait toucher la totalité du lectorat incapable de comprendre la production symboliste, est atténuée dans la préface du Petit Glossaire par l’ironique effort de vulgarisation et la soi-disant proposition d’initiation qui porte ce volume.
Un art poétique ambivalent
13Le reste de la préface, empreint d’un cratylisme qui peut aujourd’hui prêter à rire, est pour le moins ambigu. Plowert-Adam s’y essaie à un exercice de virtuose visant à démontrer la précision du lexique symboliste en mobilisant des arguments aussi lyriques qu’arbitraires :
Ance marque particulièrement une atténuation de sens primitif, qui devient alors moins déterminé, plus vague, et se nuance d’un recul. Ex. : Lueur, luisance. Lueur, c’est l’effet direct d’une flamme, Luisance sera un reflet de flamme dans un panneau verni, dans la nacre humide de l’œil, dans le fronci d’une sombre et soyeuse étoffe, etc. La syllabe ance produisant l’illusion sonore des dernières vibrations d’une corde harmonique au moment où elle va cesser de bruire. Le mot officiel Assonance donne la marque-étalon qui justifie la tentative.
La désinence ure indique une sensation très nette, brève ; elle diminue en renforçant ; elle circonscrit. Luisure sera un effet de lueur sur la vitre d’un lampadaire, sur la plaque d’un métal poli, sur l’orbe d’un bouton métallique ; elle sera l’éclat brusque du diamant dont une facette concentre subitement les feux du lustre ; la syllabe ure produisant une sensation d’arête vive, le brusque coup d’archet sur les notes aiguës du violon. Les mots officiels Égratignure, damassure, striure, brisure, etc., justifient.
14Ces deux paragraphes, semblant ressasser les clichés attribués aux symbolistes et verser dans l’auto-caricature du cant, sont peut-être plus une œuvre de bonne foi qu’ils n’y paraissent. Ils ont en tout cas pour effet de contribuer directement à une improbable science de l’œuvre telle que définie et appelée de ses vœux par Paul Adam dans l’article du Symboliste susmentionné :
Nous demandons aux écrivains qui adopteront nos théories une science complète de la langue et des langues mères, la recherche du mot exact qui, sous sa forme unique, réunira la matière de trois ou quatre phrases actuelles18.
15Dans le même article, qui peut lui-même se lire en vis-à-vis du manifeste symboliste commandé par le Figaro à Jean Moréas19, Adam distinguait également les « décadents » des « symbolistes », aux rangs desquels il se rangeait, en invoquant le manque de sérieux des affidés d’Anatole Baju et en les réduisant à des héritiers de la mystification fumiste du pseudo-Adoré Floupette. Reste que deux ans plus tard, la soi-disant raison symboliste que prônait Adam semble ébranlée quand l’auteur de Soi use lui-même d’un pseudonyme incongru pour signer un ouvrage qui, conscient de l’artificielle distinction entre les deux tendances, réunit le symbolisme et la décadence. Si les articles qui composent le petit dictionnaire en question ne sont pas, pour la plupart, intrinsèquement comiques, l’entreprise est d’une indubitable causticité, qui voit Adam invalider la représentation stéréotypée du symbolisme tout en la prolongeant dans le même geste, forçant la distinction de ce mouvement en même temps qu’il la refuse. L’ouvrage se moque certes des critiques que la mobilisation d’un certain lexique suffit à décontenancer et feint d’admettre que la substitution de certains vocables par des termes plus courants suffirait à rendre intelligible la poésie symboliste, mais il n’en est pas moins conscient de certaines incongruités chères à la jeune garde et relativise l’adhésion de son auteur au jeu auquel il participe.
Des gloses plus abstruses qu’hyalines
16Si dans les autres dictionnaires que nous avons explorés la teneur satirique était directement liée, en plus du projet d’ensemble, au contenu des notices, le Petit Glossaire, pour peu qu’on ne le réinscrive pas dans son contexte et qu’on se passe de l’examen de son paratexte, peut à première vue se compulser comme un dictionnaire néologique plutôt traditionnel. Chercher à produire une analyse lexicologique de son contenu, c’est, comme le dit Patrick McGuiness à propos de la thèse de Thelma Fogelberg20, « tomber dans le piège de la mystification21 ».
Traces satiriques dans la définition
17Pour autant, le Petit Glossaire révèle en quelques endroits de sa nomenclature les traces d’un comique relativement discret. Poussant quelquefois le comble à obscurcir la définition22, le volume livre en vrac des entrées peu exploitables par le lecteur novice. Les définitions d’authentiquer (« Revêtir d’un caractère irréfragable et solennel »), iynge (« La bergeronette ou hochequeue ; on s’en servait dans les enchantements dont le but était d’inspirer de l’amour ») ou lifrelofre (« Savantasse suisse »), de cette façon, sont aussi inutiles que les traditionnelles notices d’adjectifs ou de verbes renvoyant à la base nominale du mot, qui peut elle-même se révéler peu usitée (à l’image de « S’incurver – Devenir incurve ») et qui, dans le présent cas, ne donne jamais lieu une définition spécifique. Ailleurs, le Petit Glossaire recense au contraire des termes parfaitement communs, comme couette, floral ou buée tous vieux de cinquante ans au moins à l’époque et qui montrent que le lexique symboliste et décadent se nourrit également du vocabulaire du tous-les-jours pourvu que celui-ci permette de bouleverser la vision commune du monde et de rendre plus exactement telle ou telle sensation (ainsi des « florales damassures » qu’évoque Paul Adam dans Soi). Au-delà de cet intérêt, qui rejoint la visée manifestaire de la préface pour une langue précise, on ne peut manquer de souligner l’effet satirique de ces définitions de termes communs : considérer que livrer une définition du substantif buée participe de l’initiation au « prestige hermétique des vocables », c’est prendre le lecteur pour un imbécile et lui faire croire que son « initiation » doit commencer à un niveau proche de zéro.
De brumeux exemples
18Différents néologismes et forgeries justifient pour leur part que Plowert, en apprenti lexicographe, s’y arrête, à l’image des termes anomaliflore, aubader, biberonner, élixirer, emmousseliner, hallaliser ou ubiquiter, tous dus à la plume de Jules Laforgue. Toutefois, les exemples qui illustrent l’emploi de ces vocables, en témoignant de l’emploi de ces derniers dans les textes desquels ils proviennent et les réintégrant dans un environnement où ils côtoient d’autres raretés lexicales, obscurcissent fréquemment ce qui vient d’être éclairé par la définition. Illustrations de ces recontextualisations opaques, le verbe biberonner (« sucer comme un biberon ») est présenté comme issu de la pièce Salomé, où figure la proposition « Ainsi le Tétrarque biberonnant son houka, l’air vacant », tandis qu’ubiquiter (« être de tous côtés à la fois ») est réinscrit, de façon assez large, dans les Complaintes (le verbe provient en réalité de la « Complainte du vent qui s’ennuie la nuit »), à travers le distique « Ainsi mon idéal sans bride / T’ubiquitait de ses sanglots ». De la même façon que les définitions obscures susmentionnées, ces exemples hermétiques prennent en défaut l’outil dictionnairique, dont l’auteur met en lumière les limites en injectant des termes rares dans les notices explicatives et en passant outre, comme c’était le cas dans l’article qu’il avait publié dans le premier numéro du Symboliste, l’importance de la combinaison et de l’environnement lexical des vocables. Mais plus encore qu’une démonstration en acte de l’inadéquation de cet outil au domaine littéraire, c’est un piège au lecteur qui est tendu ici, la dislocation de la mécanique dictionnairique contribuant à renforcer l’ignorance de celui-ci au lieu de l’en libérer comme l’ouvrage se propose de le faire.
Un néologisme critique
19Parmi les néologismes émaillant le Petit Glossaire, il faut encore noter l’adjectif francisquesarceyse, comptant parmi les quelques contributions empruntées à Paul Verlaine. Relatif, évidemment, au célèbre critique déjà rencontré, le terme est défini de façon minimale :
Francisquesarceyse. Adj. – De Francisque Sarcey ; forme adjective du mot F. Sarcey, analogue spécialisé du mot.
Dogme entier toujours debout sous l’exégèse
Même edmondschéresque ou francisquesarceyse.
Jadis et naguère
Paul Verlaine
20La présence au sein du Petit Glossaire de cet adjectif, qui, pour le coup, ne figure pas dans le Larousse des écoles, parachève en quelque sorte la portée auto-ironique de l’ouvrage. Citer cet irrévérencieux néologisme au milieu d’une foule de créations fonctionnant comme autant de vecteurs distinctifs (aux deux sens souvent complémentaires que Bourdieu cerne dans l’idée de distinction), c’est réaffirmer l’incongruité du projet d’ensemble et sa portée avant tout satirique. L’adjectif edmondschéresque est également repris dans le volume, mais ce néologisme ayant comme base le patronyme d’un critique déjà raillé par le Petit bottin des lettres et des arts n’est pas directement défini et l’auteur se contente, pour plus d’informations, de renvoyer à francisquesarceyse, laissant de cette façon entendre que Schérer ne mérite pas qu’on s’y arrête. Par ces piques manifestes, ses définitions ourobourosiennes et sa préface ironique, le dictionnaire composé par le pseudo-Plowert s’affirme aux yeux d’un lectorat averti comme l’une de ces productions au second degré qui, héritant des potachiques Déliquescences d’Adoré Floupette de Vicaire et Beauclair, prend le parti de la parodie autocentrée et endogène, destinée à déstabiliser les critiques en leur donnant un excès de grain à moudre, pour mieux rire, ensuite, de l’incapacité de ceux-ci à distinguer le vrai du faux.
Réceptions du Petit Glossaire
21En ce sens, le projet d’Adam est rudement efficace, qui ne jouit que d’une réception défavorable de la part de différents acteurs impliqués, plus ou moins directement, dans la mêlée symboliste. Avant un compte rendu complice de Fénéon dans La Revue indépendante de novembre 1888, où le critique se fend de quelques remarques sur le soin apporté à la confection du volume et guide le lecteur vers la dimension ironique de l’entreprise23, Anatole France, dans Le Temps du 27 octobre 1888, était passé à côté de cette portée, qu’il disait pourtant avoir pressentie un instant, et préférait voir dans le Petit Glossaire le signe de la dégénérescence d’une jeune génération :
J’ai pensé un moment qu’ils se moquaient de nous. J’avais tort. Ils sont sincères dans leur folie : C’est la folie de l’orgueil. Ils sont sincères : une affreuse maladie déprave leurs sens. Le langage décadent n’est que le commencement de l’aphasie qu’amène la paralysie générale24.
22Un autre Anatole, Baju celui-là, comprend bien, pour sa part, la dimension comique de l’ouvrage, mais, probablement informé du fait que Jacques Plowert est en réalité le Paul Adam qui s’était écarté du Décadent il y a plusieurs mois et avait égratigné ses collaborateurs dans le premier numéro du Symboliste, n’apprécie que très peu la mystification. Dans le numéro du 1er novembre 1888 du Décadent, sous couvert de son pseudonyme de Pombino, le directeur du périodique pose un jugement aussi succinct que définitif à l’égard du dictionnaire :
Un aimable farceur qui signe Plowert s’est avisé de faire un Petit Glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs symbolistes et décadents. Il cherche surtout à prouver que les décadents ne connaissent pas leur langue, en leur attribuant des mots qu’ils n’ont jamais employés. Inutile de prévenir nos lecteurs que ce livre n’a aucune importance25.
23On trouvait pourtant deux ans plus tôt, dans les pages du Décadent, de beaux spécimens de parodies et autoparodies essentiellement fondées sur une exagération de la tendance symboliste et décadente à une hyperbolique distinction lexicale. Ainsi, la rubrique « correspondance » du 12 juin 1886 accueille une lettre d’un correspondant de Saint-Pétersbourg, identifié par Noël Richard comme étant Louis Dumur26 :
Monsieur le Directeur,
Vespéralement naguère je pédambulais en rienant, Perspective Newski. Mon intellect s’entourbillonnait en des nihilités d’une amorphie impensable. Je me spleenisais, inscient d’où me venait cette morbidité languide. Tout à coup j’aspectai emmi les néo-publications de l’étalage d’un kiosque votre estimabilissime journal Le Décadent. Impulsé par la curiosité, je le pris et passai à le déshiéroglypher des heures dont la laboriosité m’était bien payée par les savourités gaudissantes que j’y trouvais. Le comble de la béatité pour moi serait de collaborer avec vous selon la norme décadente. Dans l’espoir… etc…
24Poussant la pédanterie jusqu’à l’illisibilité, cette missive amphigourique, dont la visée n’est peut-être pas aussi élogieuse qu’elle le laisse entendre, prolonge un mouvement d’autoparodie lexicale que Baju lui-même, anticipant le projet dictionnairique de Paul Adam, avait lancé quelques mois auparavant en réagissant aux critiques qui blâmaient l’écriture opaque de la jeune garde. Dans l’article « Eux », paru dans Le Décadent du 28 août 1886, Baju jouait le jeu des folliculaires, en poussant pratiquement l’obscurité à l’amphigourisme pour donner à voir ce qu’est une production véritablement incompréhensible, et démontrer par l’absurde que les décadents et symbolistes n’en étaient pas là :
Ils ont clamé d’hydrophobes ululements et leur écume s’est effusée partout où la vénalité du verbe est encore tolérée. Le Décadent exsurgissant inattendu, fulgueur étrange jetant le frisson bleu de l’angoisse en leur âme fulminée, a arraché à leur mercantilisme des élégies touchantes sur l’agonie du naturalisme anhélétique se tordant en les ultimes convulsions de la Fin.
25Par rapport à ces manifestations décadentes d’un hermétisme exacerbé, le Petit Glossaire de Jacques Plowert a ceci de particulier et d’efficace, que, s’il prend acte de certaine difficulté de lecture de la prose symboliste et décadente, il feint de se proposer de l’éclaircir en mobilisant un genre dans lequel le lecteur bourgeois voit traditionnellement un adjuvant éclairé. Sorte de « dictionnaire de la langue symboliste pour les nuls », pour le dire sur le modèle d’une collection à succès, le Petit Glossaire simule la recherche d’un consensus dans une préface ambigüe, où tout lecteur qui trouverait une nécessité dans le volume est égratigné sous couvert d’une injure visant les seuls journalistes hostiles au symbolisme, et se présente comme une mystification qui dépasse les frontières du champ littéraire – ce qui n’était pas le cas du Petit bottin, réservé aux initiés – pour toucher un public plus large. À ce dernier, le Petit Glossaire veut faire croire, en reprenant le credo bourgeois de la référentialité, que la littérature n’est qu’une affaire de juxtapositions sémantiques et qu’une fois assimilé le vocabulaire plus complexe qu’elle peut mobiliser, tout le monde est à même de la goûter.
26Montrant au sein même des définitions les limites de cette « initiation » vouée à l’échec, Paul Adam, qui voit dans le dictionnaire un des instruments du prêt-à-penser de son époque, met en place une entreprise comparable à celle lancée quelques années plus tôt par Flaubert, destinée à mettre le bourgeois face à sa propre bêtise sans le lui dire explicitement. En cela aussi se lit le développement original de cette littérature fin de siècle, érigeant l’anomie en ligne de conduite et gagnant en autonomie, qui, pour se gausser des bourgeois et leur mettre le nez sur leurs faiblesses, ne doit plus forcément imiter leurs travers et leurs discours, mais peut désormais tirer parti de leur incapacité à la comprendre. La réduction de la lisibilité de la littérature, en somme, force le lecteur à demander à cette dernière qu’elle produise elle-même son propre discours explicatif et, partant, devient par ricochet le prétexte à une autoréflexivité poussée à son comble. Dans ces autofigurations, dont il convient de relativiser les apports encyclopédiques, à plus forte raison qu’elles sont ici nimbées d’une dimension satirique aisément objectivable, on peut également voir une forme de comble du processus inauguré par le modèle cumulatif de Sainte-Beuve puisque, dans le cas présent, l’écrivain n’est plus seulement garant de sa production et critique de celle des autres, mais prend en charge à la fois ses propres œuvres et le discours critique et didactique destiné à escorter celles-ci.
Pour ou contre Zola ? La Flore Pornographique
27Des griefs similaires à ceux adressés au symbolisme ont quelquefois été prononcés à l’encontre du naturalisme. Dès lors, il est tentant de se demander si la satire lexicographique qui a émané du courant jugé trop hermétique par ses détracteurs connaît une manière d’alter ego destiné à enseigner aux lecteurs décontenancés les arcanes de la langue verte prisée par Zola et ses confrères. Il existe, en réalité, un glossaire des œuvres naturalistes, intitulé La Flore pornographique et qui avait été publié cinq ans avant le Petit Glossaire de Paul Adam, mais la portée de ce volume est moins évidente à cerner que celle du dictionnaire compilé par le pseudo-Plowert. Pour interroger les enjeux et les effets de ce projet, il convient de replacer cet ouvrage dans ce que nous savons de son contexte rédactionnel, avant de nous pencher plus avant sur sa composition.
Zolismes et langue verte : une tradition
28On sait combien la réception de certaines œuvres naturalistes par certains hérauts de la critique contemporains a été sévère, pour ne pas dire malveillante, et comment le violent accueil réservé à la publication en feuilleton de L’Assommoir de Zola dans Le Bien public en 1876 (avant une sortie en volume chez Charpentier, l’année suivante) constitue le probable climax de ce mépris. L’un des éléments tangibles pointés du doigt par les détracteurs des mésaventures de Gervaise Macquart, facilement appréhendable, est le lexique qui soutient leur récit. Flaubert lui-même, dans une lettre datée du 14 décembre 1876 adressée à Tourgueniev, désavoue sur la seule base de ce critère un auteur duquel son correspondant et lui étaient pourtant proches et auquel il reproche de « [devenir] une précieuse, à l’inverse ». « [Zola] croit, écrit Flaubert, qu’il y a des mots énergiques, comme Cathos et Madelon croyaient qu’il en existait des nobles27. » Touché par les multiples critiques de ce genre auxquelles son texte doit faire face durant sa publication fragmentée, le principal intéressé réagit en faisant précéder le roman d’une préface bien connue, qui fait office de plaidoyer. Zola y affirme notamment ceci :
L’Assommoir est à coup sûr le plus chaste de mes livres. Souvent, j’ai dû toucher à des plaies autrement épouvantables. La forme seule a effaré. On s’est fâché contre les mots. Mon crime est d’avoir eu la curiosité littéraire de ramasser et de couler dans un moule très travaillé la langue du peuple. Ah ! la forme, là est le grand crime ! Des dictionnaires de cette langue existent pourtant, des lettres l’étudient et jouissent de sa verdeur, de l’imprévu et de la force de ses images. Elle est un régal pour les grammairiens fureteurs. N’importe, personne n’a entrevu que ma volonté était de faire un travail purement philologique, que je crois d’un vif intérêt historique et social28.
29Ces dictionnaires convoqués par Zola comme garants de la légitimité de la « langue verte » dont usent les protagonistes de ses romans sont, parmi d’autres, Argot et jargon, d’Alexandre Pierre, publié en 1848, le Dictionnaire de la langue verte d’Alfred Delvau, publié une première fois chez Dentu en 1866 et qui avait connu une réédition l’année suivante, et les Excentricités du langage de Lorédan Larchey, qui deviendront le Dictionnaire historique, étymologique et anecdotique de l’Argot parisien dès leur sixième édition en 1872 et connaîtront une adaptation anglaise en 1873. Trop peu exploitées et étudiées de nos jours, ces productions se distinguent par leur capacité à s’éloigner des sentiers balisés de la lexicographie normative et à traiter leur objet avec un regard complice, sans pour autant se départir d’une véritable prétention pédagogique29. Partageant avec le corpus qui nous concerne une irrévérence certaine à l’encontre de l’académisme30, ces ouvrages ne sont pas pour autant des simulacres satiriques, mais des travaux de lexicographes plus ou moins chevronnés visant à défendre et illustrer un pan vivace de la langue française jouissant d’une réputation peu flatteuse auprès des législateurs de cette dernière. Les travaux de Pierre, Delvau et Larchey seront prolongés par, entre autres, Lucien Rigaud, que nous avons déjà rencontré et qui est l’auteur d’un Dictionnaire du jargon parisien publié une première fois chez Ollendorf en 1878 et réédité trois ans plus tard, mais aussi par des auteurs bien connus, tels Jean Richepin, qui augmente la réédition de sa Chanson des gueux d’un glossaire argotique en 1881 avant de préfacer quinze ans plus tard le bilingue Dictionnaire argot-français et français-argot de Delesalle, Marcel Schwob, qui livre en 1889 une Étude sur l’argot français et consacrera différents essais à François Villon et au jargon des coquillards, ou encore Jules Vallès, probable auteur d’un Dictionnaire d’argot et des principales locutions populaires publié en 1894 sous le nom de Jean La Rue31.
30Participant de ce large ensemble de discours consacré à la question argotique, le dictionnaire de « langue verte » qui nous concerne justifie sa raison d’être en invoquant d’autres motifs que ceux retenus par Delvau et ses confrères. Publié en 1883 chez Doublelzévir sous le titre La Flore pornographique, lequel est suivi du sous-titre Glossaire de l’école naturaliste, l’ouvrage voit sa page de faux-titre ornée du nom d’Ambroise Macrobe. Celui-ci ne correspond à aucun individu recensé à l’époque et la tentation est naturellement grande de lire dans ce patronyme réunissant les noms de deux érudits latins du IVe siècle une forgerie pseudonymale32 ; mieux encore, d’y voir plus simplement la récupération du nom de l’auteur des Saturnales, auquel le prénom Ambroise est attribué dans l’Histoire littéraire de la France établie par les Bénédictins de Saint-Maur, citée dans la préface de la Flore pornographique et dans laquelle Ambroise Macrobe est présenté comme un « homme élevé aux premières dignités de l’Empire33 ». Sylvie Thorel, reprenant un fait communément admis par la critique zolienne, voit derrière cette mystification la plume d’Antoine Laporte, libraire parisien auteur d’une vaste entreprise de démolition de l’œuvre de Zola :
Sous ce nom se dissimule Antoine Laporte, qui consacra beaucoup d’énergie à l’élaboration de tels opuscules : Le Naturalisme ou l’immoralité littéraire. Émile Zola, l’homme et l’œuvre (suivi de la bibliographie de ses ouvrages et de la liste des écrivains qui ont écrit pour ou contre lui), (Paris, chez l’auteur, 1894), et aussi Zola contre Zola. Erotika naturalistes des Rougon-Macquart, (Laurent Laporte, 1896), ainsi que, en 1898, un Émile Zola et les Dreyfus ou la débâcle des traîtres, lettre ouverte à l’Italien Zola. Le Petit Catéchisme pornographique de Louis Gabillaud et Jules Louy (1882) se situe dans la même veine34.
31Tenons-nous-en pour l’instant à ces quelques données, sur lesquelles nous aurons à revenir, et penchons-nous sur ce que nous dit ce glossaire naturaliste.
Une préface équivoque
32Passée une couverture suggestive, ornée d’un blason représentant une truie allaitant un petit groupe d’homoncules (dont on suppose qu’il s’agit des naturalistes) et traversé par la devise Omnes mecum porto (« Je les porte tous avec moi »)35, La Flore pornographique s’ouvre sur un long avant-propos, qui inscrit le volume à la suite des dictionnaires de Delvau, Larchey et Rigaud tout en marquant ce qui le distingue de ces derniers :
Nous avons cueilli, dans le jardin pornographique, les fleurs nées de la culture du réalisme et du naturalisme ; nous en avons formé une gerbe, une corbeille que nous présentons au public afin qu’il puisse juger honnêtement et en connaissance de cause les inventions du langage ou, si l’on veut, les vulgarisations de langage de cette école moderne.
Les écrivains qui s’intitulent avec une modestie douteuse les disciples de Balzac prétendent avoir inventé quelque chose ; s’il s’agit de genre littéraire, on peut hardiment leur répondre qu’ils mentent ; mais s’il s’agit d’expressions, on doit reconnaître qu’ils ont osé ce que personne n’avait osé avant eux.
Le dessus du panier de leur cueillette dans les mauvais lieux est ramassé dans ce petit volume qui, nous le supposons du moins, permettra aux lecteurs des siècles à venir de comprendre les œuvres de ces messieurs.
Nous ne nous sommes pas donné la peine de rechercher les étymologies de ces termes grossiers ; nous nous sommes contentés de les traduire décemment, afin d’éviter aux Saumaises futurs de trop longues recherches.
Et si, par hasard, quelques pudibonds hypocrites criaient au scandale, nous répondrions avec simplicité qu’un peuple a les glossaires qu’il mérite, et qu’il serait bien ridicule s’il blâmait un dictionnaire pornographique, à une époque où, entre autres romans, Nana et Pot-Bouille, ces chefs-d’œuvre du genre, se vendent à cent mille exemplaires36.
33Une métaphore filée sur le motif botanique, on le voit, prolonge le titre du volume et indique directement l’orientation du propos : acerbe et moralisateur, la préface du volume de Macrobe présente l’ouvrage comme un projet dénonciateur, visant à expliquer et illustrer le lexique mobilisé par les représentants du courant naturaliste pour prévenir les usagers de la langue de certains emplois infâmes que les écrivains en vogue peuvent faire de celle-ci. Ce qui pourrait opposer La Flore pornographique au Petit Glossaire de Paul Adam se laisse dès lors aisément appréhender, qu’Alain Rey, dans son Dictionnaire amoureux des dictionnaires, résume en signalant que le volume de Macrobe est composé « dans la réprobation » tandis que le projet du pseudo-Plowert est pour sa part compilé « dans l’approbation37 ».
34Reste toutefois que la logique mortifiante de cette entreprise puritaine peut intriguer, tant le travail de relecture d’œuvres décriées qu’elle présuppose et la publicité qu’elle fait malgré elle à celles-ci en les plaçant au centre de son attention semblent bien paradoxaux.
Des gloses étrangement neutres
35En se penchant sur La Flore pornographique, on constate assez rapidement que les expressions qui y sont glosées, en dépit de ce qu’annonce le paratexte du volume, ne sont pas toutes qualifiables d’« obscènes », et que le véritable dénominateur commun de celles-ci n’est rien d’autre que leur appartenance à un registre populaire. Au fond, si les visées déclarées de La Flore pornographique distinguent nettement l’ouvrage d’un dictionnaire comme La Langue verte de Delvau, la seule originalité de l’ouvrage du pseudo-Macrobe est que le corpus qu’il traite est constitué d’éléments issus de romans et nouvelles. Empruntant ses entrées à la prose de Zola, au premier Huysmans – celui des Sœurs Vatard et de Marthe –, à Edmond de Goncourt, Henri Céard ou encore à Victor Meunier, l’auteur les retraduit systématiquement, de façon neutre, en une manière de degré zéro de l’expression et les exemplifie à l’aide d’un extrait choisi. Hormis la provenance des locutions recensées, rien, dans les articles qui composent la structure de ce glossaire, ne différencie vraiment le cœur de l’ouvrage des productions lexicographiques bienveillantes à l’égard de l’argot, puisque, comme le montrent les quelques extraits suivants, aucune place n’est accordée à la condamnation voire au simple jugement :
Cracher ses chicots (Façon de chanter, expression poétique)
Un basson qui nasille, un vieux qui s’époumone
À cracher ses chicots dans le cou d’ un trombone
Huysmans (Marthe)
Dételer (Ne plus songer à l’amour)
« Dans sa jeunesse il était un fort endiableur de filles ;
à cette heure il avait dételé, mais il aimait encore
la société des femmes folles de leurs corps. »
E. De Goncourt (La Fille Élisa).
Grue (Terme injurieux lorsqu’il s’adresse à une femme).
« Sale grue ! »
E. Zola (Nana)
Morue (Épithète injurieuse).
« Je vas te dessaler, grande morue ! »
E. Zola (L’Assommoir).
Une défense par l’absurde ?
36À parcourir en profondeur ce « glossaire de l’école naturaliste », on est en fin de compte presque déçu de ne rencontrer dans les articles aucune trace de dédain prolongeant le discours ultraconservateur véhiculé par l’auteur dans l’avant-propos. En réalité, la finalité dénonciatrice déclarée de l’entreprise semble à ce point manquée qu’on se trouve même en droit de remettre en question son authenticité, et de révoquer en doute la pertinence des quelques bribes de discours critique qui ont mentionné ce cas insolite. Le premier élément supportant cette hypothèse soupçonneuse est directement lié au problème de l’auteur de ce dictionnaire que la critique spécialiste, nous l’avons dit, croit identifier en la personne du bouquiniste Antoine Laporte. Ce dévoilement de la mystification est relayé, entre autres, par Jacques-Philippe Saint-Gérand38 et par Jean-Claude Polet, qui mentionne La Flore pornographique dans sa somme sur le patrimoine littéraire européen :
À l’encontre [du naturalisme], Camille Berriat et Albert Heimann, tout comme Ambroise Macrobe, alias Antoine Laporte, soutiennent […] un combat similaire ; par les mots s’infuse une véritable dégradation délétère de l’éthique sociale, et il n’est pas insignifiant que la Flore pornographique des derniers prenne en quelque sorte le contrepied du modèle idéal classique du jardin des racines grecques, et l’inverse dans une dérision hautement critique gouvernée par le seul souci de préserver la morale nationale39.
37Le problème est que, si Polet note judicieusement le renversement radical opéré par le titre choisi par le pseudo-Macrobe à l’égard de l’héritage classique, il semble considérer que le pseudonyme de l’auteur repose sur un mécanisme parodique identique et ne voit pas que celui-ci constitue la reprise du patronyme d’un important passeur de cet héritage. Cette manière de cryptonyme, pour le dire avec le mot de Jeandillou40, configure de cette façon un auteur de papier jouissant de l’érudition du véritable Ambroise Macrobe, mais qui hérite également de son âge – ce qui équivaut simplement, à la fin du XIXe siècle, à ériger une instance auctoriale tout à fait anachronique. Le personnage fictif qui prend en charge le projet lexicographique de La Flore pornographique et son discours d’escorte ne fait en somme rien d’autre qu’annoncer, par son pseudonyme autant que par le titre de son ouvrage, qu’il n’est pas de son temps et que son propos est celui d’un réactionnaire. Quant à savoir si cette lucidité mêlée d’ironie autocentrée est bien l’apanage du libraire Antoine Laporte, c’est une autre question. Certes, l’ouvrage Zola contre Zola, publié en 1896 et dont la visée exacte intriguera Zola41, peut franchement rappeler l’entreprise de La Flore pornographique, dans la mesure où cet ouvrage, destiné à montrer que Zola est un plagiaire42 doublé d’un obsédé sexuel dans la lignée de L’Arétin et de Sade, présente la même tendance paradoxale qui vise à consacrer du temps et de l’effort à un style que l’on entend répertorier, et donc mettre en évidence, pour mieux le condamner43 ; mais rien, en dehors de cette hypothétique démarche commune, ne permet de dire que le pseudo-Macrobe est en réalité Antoine Laporte.
38En fait de mise au bûcher, on serait franchement tenté de voir dans cette méandreuse Flore pornographique une défense par l’absurde de la littérature naturaliste, jouant à singer le discours hostile qui accueillait cette production pour dénoncer le ridicule de cette posture critique. Après Evanghélia Stead, qui prête à La Flore pornographique la même dimension « monstrueuse » que Le Petit glossaire de Plowert44, Catherine Dousteyssier-Khoze et Daniel Compère, qui ont étudié la réception parodique des œuvres de Zola, mentionnent ce recueil, sans l’analyser, dans leur recension des parodies zoliennes et le tiennent de la sorte pour un ouvrage à prendre au second degré45.
39Plusieurs éléments peuvent soutenir un essai d’objectivation de ce constat et feraient de La Flore pornographique une « parodie conditionnelle », pour le dire avec les mots de Dousteyssier-Khoze. Le choix du titre de l’ouvrage, tout d’abord, dont Jean-Claude Polet avait bien perçu la dimension subversive, mais qui constitue également une manière d’oxymore engageant un jeu d’équivoque et suppose la possibilité d’une double lecture où l’élément mélioratif peut prévaloir sur le dépréciatif et vice-versa. Le choix d’une auctorialité pseudonymale, ensuite, déjà analysé et qui constitue l’une des stratégies dévoilant la présence d’une probable supercherie46. L’avant-propos de l’ouvrage, troisièmement, contient à lui seul plusieurs indices de parodicité : le choix de l’auteur d’inscrire son ouvrage dans la lignée des travaux de Delvau, partisans de la « langue verte » qu’ils décrivent, y jure nettement avec la visée dénonciatrice annoncée et avec l’adoption d’un style pédant et outrancièrement moraliste, lui-même intrinsèquement suspect47. Dans cet avant-propos toujours, il faut également souligner la position prise par l’auteur contre les potentiels « pudibonds hypocrites » qui pourraient accuser son livre d’obscénité : ceux-là, au fond, sont les mêmes qui s’emportent contre les œuvres de Zola, avec lesquels l’auteur n’aurait théoriquement aucune raison de se fâcher puisqu’il est censé être des leurs, prétextant illustrer pour mieux dénoncer. Enfin, si le projet est lui-même à la limite de la perversité, qui s’esquinte à donner de la visibilité à ce qu’il espère voir disparaître, les illustrations légères de Paul Lisson (encore un cryptonyme flagrant, calembouresque et suggestif de surcroît – dont cette œuvre semble par ailleurs constituer un hapax) qui accompagnent chaque lettre de l’alphabet représentent avec connivence des expressions soi-disant dénoncées, achèvent de rendre ce pamphlet déguisé lisible comme une production complice parodiant un discours critique confondant de tartuferie : en témoignent très nettement les caricatures illustrant le C et le D, mettant respectivement en scène les expressions Tenir la chandelle, « Se dit d’un mari complaisant qui favorise l’inconduite de sa femme », et Déboucher une femme, « Avoir des rapports intimes avec elle ».
40Que retenir, dès lors, de cet essai de démonstration ? Au fond, la question qui se pose, ici, c’est celle du caractère littéraire ou non de ce petit volume. La réception de cette production, plus d’un siècle après sa première publication, est lourde de significations, qui peut être mise en relation avec le principe épistémologique des « communautés interprétatives » développé par Stanley Fish48 : dans le cas qui nous concerne, l’objet, faute de prise absolument objectivable sur son contexte de rédaction, peut être reçu de deux façons diamétralement opposées, toutes deux infléchies par les environnements spécifiques dans lesquels se trouvent respectivement inscrits les récepteurs. Habitué à être confronté à des infamies prononcées contre le romancier, un certain pan de la critique zolienne a naturellement vu dans ce glossaire un prolongement des attaques antinaturalistes, conforté dans son idée par le fait que sous le pseudonyme de l’auteur de ce glossaire se cachait sans doute un libraire dont les productions pouvaient être rapprochées de l’ouvrage en question. De notre côté, nous devons admettre que, engagé dans une recherche focalisée sur la pratique du détournement et de la parodie, nous avons constitué un corpus en développant un regard que l’on pourra qualifier de soupçonneux à l’égard des productions présentant les traces d’une potentielle mystification (parmi lesquelles le paratexte joue un rôle prépondérant), et ce sont ces indices concomitants que nous avons avant tout retenus, en évacuant l’hypothèse qui faisait du pseudo-Macrobe un ennemi du naturalisme49.
41Qu’on le lise au premier degré comme un ouvrage de prosélytisme puritain ou au second degré comme une raillerie de ce bégueulisme exacerbé conditionnera évidemment le classement en bibliothèque de ce glossaire ambivalent, mais infléchira aussi un pan de la connaissance du champ littéraire de l’époque où il est mis en circulation. Du point de vue directement lié à la conception des courants et écoles dont l’évolution rythme le champ littéraire fin de siècle, la dimension parodique de ce glossaire contribuerait en effet à nuancer la représentation du naturalisme en mouvement désespérément grave et aussi débordant de suffisance qu’incapable d’autodérision – partant, à réduire le clivage qui sépare le naturalisme de la mêlée symboliste tel qu’il est présenté par certaine doxa scolaire. Aux différentes traces autoparodiques décelées par Catherine Dousteyssier au sein même des œuvres naturalistes50 s’articulerait cette production, dont l’auteur, pourvu qu’il ne soit pas Antoine Laporte, resterait difficile à identifier, et qui, en partageant certaine tendance symboliste à rire de ses propres productions, tendrait à atténuer la totale opposition que l’Histoire littéraire et, partant, les sociologues tributaires de celle-ci, ont souvent évoquée à outrance pour distinguer les deux mouvements. L’hypothèse que nous proposons au sujet de ce petit cas à partir duquel les stratégies naturalistes et le rapport du mouvement avec le symbolisme peuvent être partiellement réévalués aurait au moins l’intérêt de montrer comment, à travers la pratique parodique a priori mineure dont nous avons cherché à interroger les logiques et les effets et à partir d’autres objets comparables, c’est une autre histoire de la littérature du XIXe siècle qui peut être élaborée, laquelle permet de nuancer et de compléter en quelques points celle que nous avons pour habitude de lire. C’est ce que nous essayerons de rassembler dans les pages suivantes, qui seront aussi les dernières de cette étude.
Notes de bas de page
1 Ce qui revient alors à poser la question des zones périphériques, où se manifeste fréquemment ce que Jean-Marie Klinkenberg appelle un phénomène de « gauchissement langagier » (Des Langues romanes [1994], Paris-Bruxelles, Duculot-De Boeck, « Champs linguistiques », 1999, p. 53-54). S’opposant plus ou moins à l’hypercorrectisme, cette distorsion de la parole consiste en une valorisation de la marginalité linguistique du sujet, qui s’illustre par l’emploi de « termes du cru », comme dirait Flaubert, dont l’usage se limite aux frontières géographiques de la zone linguistique dominée, mais aussi par toutes sortes d’écorchements de la norme syntaxique, calembours, hyperboles et autres surjeux langagiers censés démontrer la vitalité d’une variante dominée à travers la position de celui qui l’énonce.
2 Comme l’écrit Richard Shryock à propos du discours hermétique des symbolistes, cette production « contestait directement les critères de référentialité et de clarté que la bourgeoisie avait adoptés et qui étayait [sic] son positivisme bien-pensant » (Schryock Richard, « L’autoréférentialité dans la littérature décadente-symboliste. De l’illisible au social », dans Symposium, XLVIII, 1994, p. 85).
3 Voir à ce sujet Thorel-Cailleteau Sylvie, La Tentation du livre sur Rien. Naturalisme et Décadence, Mont-de-Marsan, Éditions Interuniversitaires, 1994.
4 Bertrand Jean-Pierre, Biron Michel, Dubois Jacques, Paque Jeannine, Le Roman célibataire, op. cit., p. 124.
5 Huysmans Joris-Karl, À rebours, op. cit., p. 246-247.
6 On peut de la sorte songer au Petit glossaire pour servir à l’intelligence des cartes topographiques françaises d’Édouard Peiffer, paru chez Delagrave en 1878, dont l’ouvrage du pseudo-Plowert imite peut-être directement le titre. Jean-Pierre Guillerm voit pour sa part dans le Glossaire une forme de parodie du Littré, auquel le volume d’Adam emprunte d’ailleurs quelques notices (voir « Paul Adam lexicographe. Entre symbolisme et décadentisme : Littré ironisé », dans Corbin Pierre et Guillerm Jean-Pierre [dir.], Lexique, no 12/13, Dictionnaires et littérature/Littérature et dictionnaire, op. cit., p. 357-368). On suit nettement moins le chercheur quand il conclut que « dans la pratique parodique décadentiste du dictionnaire qu’Adam propose s’exhibe à nu le fantasme masochiste et anal qui travaille le lexicographe en mal de littérature » (ibid., p. 366).
7 Kahn Gustave, Les Origines du symbolisme, Paris, Meissein, 1936, p. 60.
8 « Soudain, il éclata de rire. Alors son moignon sautilla dans la manche trop large : une chose pointue qui plissa l’étoffe de la redingote. » (Adam Paul et Moréas Jean, Les Demoiselles Goubert, Paris, Tresse & Stock, 1886, p. 212.)
9 Kahn Gustave, Les Origines du symbolisme, op. cit., p. 60-61.
10 Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes, édition de Patrick McGuinness, Exeter, University of Exeter Press, 1998, p. X.
11 Évanghélia Stead note qu’« il serait pour le moins rapide de penser que, dans un glossaire qui se donne pour un pastiche bouffon, il n’y aurait que de la matière que pour rire » (« Soixante et un mots de Gustave Kahn recueillis par Jacques Plowert », dans Basch Sophie [dir.], Gustave Kahn (1859-1936), Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 46). Sans doute, mais réduire ou dénigrer ce rire et ses effets, c’est passer à côté non seulement de la logique du Petit glossaire, mais aussi, plus largement, de celle d’une grande partie de la « mêlée symboliste ».
12 Kahn Gustave, Les Origines du symbolisme, op. cit., p. 61.
13 Par exemple, Arthur Rimbaud, mis au devant de la scène deux ans plus tôt par Fénéon, est cité à travers la reprise de l’incontournable ityphallique, adjectif présent dans les trois versions du « Cœur supplicié », poème de la Commune rédigé dix-sept ans avant la parution du Petit Glossaire. En revanche, guère de trace dans ce dictionnaire d’un Corbière, par exemple, que Verlaine avait consacré quatre ans plus tôt dans sa première livraison des Poètes maudits et dont le recueil Les Amours jaunes, publié en 1873, annonçait très clairement les originalités lexicales et l’oralité chères à un Laforgue.
14 Voir Genette Gérard, Seuils, op. cit., p. 199-239.
15 Produisant, grâce au nom d’un préfacier plus encore que par le contenu de la préface, un effet de légitimation métonymique profitable au préfacé. Voir Bourdieu Pierre, « Le Champ littéraire », dans Actes de la recherche en sciences sociales, no 89, Paris, 1991, p. 23.
16 Outre la référence au Larousse des écoles, qui infère que les journalistes sont plus bêtes que des enfants (davantage que « plus ignorants qu’un instituteur », comme l’écrit Jean-Pierre Guillerm – voir « Paul Adam lexicographe », art. cit., p. 360), il faut noter l’insulte, légère mais efficace, qui réside dans le mot folliculaire. Intégré dans l’édition du dictionnaire de l’Académie de 1835 et désignant un journaliste médiocre, le terme ne ferait pas tache parmi les injures du Capitaine Haddock de Hergé, et, malgré sa présence fréquente dans le discours social de l’époque, il n’est pas complètement impossible qu’il soit choisi pour obliger les cibles visées à vérifier le sens du mot au dictionnaire.
17 Adam Paul, « La presse et le symbolisme », dans Le Symboliste, no 1, 7 octobre 1886.
18 Idem.
19 Le texte, qui est une commande passée auprès de Jean Moréas par Le Figaro de Villemessant (lequel faisait alors paraître Les Bonnes gens de Jean Richepin en feuilleton), sera publié dans le supplément littéraire du journal à la date du 18 septembre 1886 sous le titre « Un manifeste littéraire. Le Symbolisme ». D’une performativité inutile, ce texte rejouant proprement la partition bien connue du genre manifestaire arrive en réalité quelques années trop tard : il tacle emphatiquement et sans trop de risque des concurrents qui n’en sont plus vraiment, et ses vaines tentatives de dégagement d’une « tendance actuelle de l’esprit créateur en art », en plus d’être contradictoires avec certains écrits antérieurs de Moréas, se distinguent surtout par leur confusion, qui cherchent davantage à définir le mouvement parce qu’il n’est pas que par ce qu’il est. Le passage que Moréas consacre, en guise de conclusion programmatique, au « roman symbolique » [sic], également qualifié d’« impressionniste », est symptomatique de ce flou artistique, multipliant à dessein les mots rares (ceux-là que glosera ironiquement Paul Adam) et les références exotiques (celles-là dont Moréas s’est lui-même moqué avec ses compères du Petit bottin au moment de définir Leconte de Lisle) pour ne prévoir finalement que du « tragique ou bouffon » et de « l’inachevé » – de l’échec accepté du bout des lèvres, en somme.
20 Présentée à la faculté des Lettres de l’université de Paris, la thèse de Fogelberg a été publiée sous le titre La Langue et le style de Paul Adam, Paris, Droz, 1939. Dans son avant-dernier chapitre, intitulé « Le Vocabulaire de Paul Adam » (p. 173-219), l’auteure complète le Petit Glossaire pour conclure, après une énumération indigeste de termes plus ou moins néologiques rapportés à leur emploi dans les romans d’Adam, que l’écrivain « n’est pas, en réalité, un grand créateur de mots » et qu’il « recherche une expression extraordinaire là où le terme usuel conviendrait mieux et donnerait à son style plus de sobriété, par conséquent, plus d’élégance » (p. 219). À aucun moment, dans cet examen stylistique, l’auteure n’interroge les conditions de production de cette œuvre qu’elle juge « médiocre ».
21 Petit Glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes, édition de Patrick McGuinness, op. cit., p. xxv
22 Comme l’écrit McGuiness en soulignant qu’il arrive que « le glossaire glose un mot en utilisant d’autres mots, inexpliqués, qui sont parfois encore plus bizarres » (ibid., p. xxxii).
23 « Craignant que l’acheteur du livre ne trouvât pas assez extravagantes les phrases collectionnées, le lexicographe leur a fait subir de tératologiques déformations. […] les vers s’allongent comme de la prose ; la prose s’étage en vers ; page 60, une phrase de MM. Adam et Moréas est attribuée à la demoiselle Goubert ; enfin, en manière de plaisanterie, on a ajouté au glossaire un erratum qui, au lieu d’avoir cent pages comme le glossaire lui-même, en a une. »
24 France Anatole, « La Langue décadente », dans Le Temps, 27 octobre 1888.
25 Pombino [Baju Anatole], « Revue générale » dans Le Décadent, 1er novembre 1888. À noter que le même Baju ouvre cette livraison de son périodique en se fendant d’un sévère portrait-charge contre Émile Zola dont l’incipit donne nettement le ton : « Les plus parfaits ivrognes sont toujours les meilleurs ouvriers. C’est par une concession de ce genre qu’on attribue à M. Zola le titre de grand artiste. »
26 Louis Dumur (1864-1933) était alors secrétaire d’ambassade à Saint-Pétersbourg. Voir Richard Noël, Le Mouvement décadent, Paris, Nizet, 1968, p. 28.
27 Lettre de Flaubert à Tourgueniev, 14 décembre 1876, C5, p. 142-143.
28 Zola Émile, « Préface » à L’Assommoir [1877], édition de Jacques Dubois, Paris, Le Livre de poche, coll. « Classiques », 1996, p. 47.
29 Le cas d’Alfred Delvau (1825-1867) mériterait une étude lexicographique toute particulière. Ce polygraphe, qui prend notamment part à l’aventure satirique du Parnassiculet contemporain en 1866, livre deux dictionnaires très verts (La Langue verte et Le Dictionnaire érotique moderne), dans lesquels la glose neutre (« Bâter l’âne – faire l’acte vénérien. L’expression date probablement du conte de La Fontaine, le Bât, imité de Béroalde de Verville ») alterne avec le commentaire satirique ou l’étymologie coquine (« Bâton pastoral – le membre viril, avec lequel nous conduisons des troupeaux de femmes au bonheur »), en une forme d’héritage partiel de travaux anciens comme Les Curiositez françoises d’Antoine Oudin (1645). Ce dernier ouvrage, dès sa publication, avait du reste connu un vrai succès de librairie. Formant un recueil destiné à « purger les erreurs qui se sont glissées dans la plupart des pièces que l’on a mises en lumière pour l’instruction des Estrangers », les Curiositez consistent en une collection de locutions populaires que le compilateur traduit en français standard pour mieux dénigrer leur emploi (citons, comme exemples : « Il a l’Aage des poulains […] : le vulgaire respond ainsi à qui s’enquiere mal à propos de l’aage d’une personne » ; « Aller à la selle : i. descharger le ventre. Aller où le roy va à pied : idem. Aller du corps : idem. » ; « Il a dit tout outre : i. le mot qui commence par F. vulg. » ; « C’est ouvrage de peintre : i. une fille belle de loin & laide de près »). Concernant Delvau, voir ses Dictionnaire érotique moderne [1864], Paris, Slatkine reprints, 1968 et Dictionnaire de la langue verte [1866], Paris, Marpon et Flammarion, 1883, et se référer l’ouvrage de Fayt René, Un aimable faubourien, Alfred Delvau (1825-1867), Bruxelles, The Romantic Agony et Émile Van Balberghe Libraire, 1999. Au sujet d’Antoine Oudin, voir Lebrun François, « À propos des “Curiosités françaises” d’Antoine Oudin », dans Croyances et culture dans la France de l’ancien régime, Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 2001.
30 Dans l’avant-propos ajouté par les éditeurs au Dictionnaire érotique moderne de Delvau à l’occasion de la réédition de l’ouvrage, on trouve la cinglante remarque suivante : « MM. Les académiciens n’ont pas assez de couille pour avouer de pareils termes. Il faut que quelques hommes d’esprit supérieur se dévouent. » (Dictionnaire érotique moderne, op. cit., p. vi.)
31 Voir à ce sujet Disegni Silvia, « Le Dictionnaire d’un réfractaire », dans Revue de lectures et d’études vallésiennes, no 17, 1993, p. 41-50.
32 Ambroise de Milan (340-397) est l’un des quatre Pères majeurs de l’Église latine. Macrobe (370- ?) est l’auteur des Saturnales et d’un Commentaire au songe de Scipion de Cicéron, mais aussi d’un traité de grammaire comparative entre le latin et le grec.
33 Histoire littéraire de la France : où l’on traite de l’origine et du progrès, de la décadence et du rétablissement des sciences parmi les Gaulois et parmi les François, t. 2, Paris, Palmé, 1865-1869, p. 133.
34 Thorel-Cailleteau Sylvie, « Préface » à Zola. Mémoire de la critique, Paris, Presses de l’université de Paris-Sorbonne, 1998, p. 27. Nous en profitons pour remercier directement Sylvie Thorel, Henri Mitterand et Alain Pagès pour leur aide au sujet de Macrobe et Laporte.
35 Cette devise parodie la sentence Omnia mecum porto – l’accusatif masculin pluriel désigne des hommes, et non plus un ensemble inanimé, comme c’est le cas avec un accusatif neutre pluriel.
36 Macrobe Ambroise, « Avant-propos », La Flore Pornographique, Paris, Doublelzévir, 1883, p. 21-23.
37 Rey Alain, Dictionnaire amoureux des dictionnaires, op. cit., p. 352.
38 Le chercheur assimile Macrobe à Laporte dans le choix de dictionnaires du XIXe siècle qu’il propose en marge d’une étude qu’il consacre aux Complaintes de Laforgue (« “Où Saint-Malo rime avec Sanglots et Bocks avec Coq”. Éléments de mise en perspective grammaticale et stylistique », disponible en libre accès sur son site. URL : <http://www.chass.utoronto.ca/epc/langueXIX/laforgue/etude.htm>).
39 Polet Jean-Claude, Patrimoine littéraire européen. Partie 11a : Renaissances nationales et conscience universelle, 1832-1885 : romantismes triomphants, Bruxelles, De Boeck, 1999, p. xxxiv.
40 Jeandillou Jean-François, Esthétique de la mystification, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Propositions », 1994, p. 81-84.
41 À l’occasion d’une rencontre avec Marcel Hutin, du journal Le Gaulois, l’auteur de L’Assommoir avait réagi à la publication récente du Zola contre Zola. Au cours de l’interview, qui sera publiée le 1er décembre 1896, il évoque à ce titre la possibilité d’un éventuel procès pour plagiat : « J’ai traité pour la publication de mes œuvres avec l’éditeur Fasquelle, qui a qualité pour empêcher tout pillage d’un quelconque de mes volumes. Il s’agit de rechercher si, en collationnant dans mes livres La Terre, Germinal, Nana, etc., tous les passages scabreux et en les insérant scrupuleusement, l’auteur de ce mémorable travail a voulu faire simplement une grande œuvre moralisatrice, qui lui attirera les lauriers de la patrie reconnaissante, ou si, alléché par l’appât moins avouable d’une bonne vente, il a voulu se contenter modestement de tirer à de fortes proportions une édition complète de ce qui constitue la quintescence [sic] naturaliste de mes œuvres. Evidemment, dans le dernier cas, M. Laporte a tout simplement pillé à bon compte mon éditeur, et comme j’ai prévu ce cas avec mon ami Fasquelle, il peut être sûr que mon éditeur ne négligera rien pour faire respecter ses droits. Tout en restant personnellement en dehors des débats, j’encouragerai fortement Fasquelle à poursuivre devant les tribunaux, conformément aux lois, M. Laporte et son éditeur pour plagiat, et au besoin à introduire un référé pout faire saisir tous les volumes mis en vente. »
42 « Bien que Zola ait prétendu qu’il ne lisait pas, il n’existe pas une ligne, dans son œuvre, qui ne rappelle au souvenir d’un lettré ou d’un érudit, un auteur plus ou moins pillé par lui. » (Laporte Antoine, Zola contre Zola. Erotika naturalistes des Rougon-Macquart, Paris, Laurent-Laporte, 1896, p. 13.)
43 Passé le réquisitoire qui lui tient lieu d’introduction, Zola contre Zola est un florilège d’extraits, classés sous des titres accrocheurs et volontiers scandaleux tels « Le Petit-fils qui viole sans grand-mère », « Un curé et son compagnon » et « Un viol dans un asile » composés respectivement d’emprunts à La Terre, La Faute de l’abbé Mouret et L’Argent.
44 Stead Evanghélia, Le Monstre, le singe et le fœtus. Tératogonie et décadence dans l’Europe fin-de-siècle, Genève, Droz, 2004, p. 238.
45 Compère Daniel et Dousteyssier-Khoze Catherine, Zola. Réceptions comiques, op. cit.
46 Voir à ce sujet le chapitre trois, intitulé « Le Vrai nom des faux noms », de Jeandillou Jean-François, Esthétique de la mystification, op. cit., p. 59-108.
47 Un autre héritage revendiqué par le pseudo-Macrobe est aussi intéressant que louche : il s’agit du « Glossaire de la décadence latine », qui n’est autre, comme l’a bien remarqué Evanghélia Stead, que le Glossarium mediae et infimae latinatis de Du Cange, qu’Huysmans placera, une année plus tard, sur le pupitre de des Esseintes. Voir Evanghélia Stead, Le Monstre, le singe et le fœtus. Tératogonie et décadence dans l’Europe fin-de-siècle, op. cit., p. 238.
48 Fish Stanley, Quand lire c’est faire, traduction d’Étienne Dobenesque, Paris, Les Prairies ordinaires, 2007, p. 55-77.
49 Notre hypothèse n’est pas complètement incontestable : on pourra objecter, par exemple, que ce glossaire n’a jamais été revendiqué par les défenseurs du naturalisme et qu’on voit mal l’intérêt que l’un de ceux-là aurait eu à se dissimuler sous un pseudonyme (hormis, peut-être la volonté de conserver une réputation sérieuse ?). Par ailleurs, il faut remarquer que les éditions Doublelzévir, où fut publiée La Flore pornographique, comptaient plusieurs rééditions de la « Bibliothèque de la curiosité » au sein de leur catalogue, parmi lesquelles différentes compilations ayant trait à la langue de l’Amour, de la Beauté ou des prisons : le glossaire pourrait à ce titre sembler s’inscrire dans une série sans doute médiocre, mais pas forcément parodique. Enfin, il n’est pas certain qu’un véritable défenseur du naturalisme eût placé, même dans un glossaire absurde, Lucien-Victor Meunier aux côtés de Zola, de Céard ou des Goncourt.
50 Dousteyssier-Khoze Catherine, « L’autoparodie naturaliste », dans Excavatio, volume XII, 1999, p. 116-120
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