1 Guilloux Louis, Absent de Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 1952, p. 9.
2 « Prendre pour thème sa propre enfance cela n’est-il pas comparable à ce qui fait que certains auteurs écrivent des romans historiques ? Dans beaucoup de cas cela part d’un refus de l’époque, du fait de se sentir (ou d’être) exilé. », écrit Louis Guilloux dans les Carnets 1921-1944, Gallimard, coll. « Blanche », 1978, p. 219. Un jugement dépréciatif est formulé dans Le Jeu de patience sous couvert d’un énoncé fictionnel attribué à Blaise Nédélec : « Le plus grand événement de ce temps-là […] avait été la découverte, un jour, du livre de Loïc, ce Pain des rêves, qui lui avait laissé dans la bouche un goût si profond d’amertume. […] Etrange épreuve que celle qui consiste à lire, sous la plume d’un frère, le récit de sa propre histoire ! Vingt fois il avait rejeté le livre avec colère et vingt fois il l’avait repris. L’écurie de la rue du Tonneau, le grand-père assis sur sa table, la mère à son fourneau… Il avait reconnu toute son enfance, si pareille à celle de Loïc. Quel soulagement quand il en avait eu fini avec ce livre. », in Le Jeu de patience, Gallimard, coll. « Blanche », [1949], 1981, t. II, p. 65.
3 Nous considérons à la suite d’Andrés Pfersmann que le romanesque s’est constitué historiquement comme une « catégorie littéraire autonome » et « transgénérique » ; voir Pfersmann Andréas, « La lanterne magique du romanesque », in Schaffner Alain (dir.) Récit d’enfance et romanesque, Centre d’Études du Roman et du Romanesque de l’Université de Picardie, « Romanesques », Édition Encrage, 2004, p. 13-61. Nous n’envisageons donc pas le romanesque comme un archétype essentialiste de la fiction tel que Jean-Marie Schaeffer l’a présenté dans la lignée des travaux de Northrop Frye ; voir Schaeffer Jean-Marie, « La catégorie du romanesque », in Declercq Gilles et Murat Michel (dir.), Le Romanesque,, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2004, p. 291-302 ; voir Frye Northrop, Anatomie de la critique, [Anatomy of Criticism, 1957], Gallimard, 1969, coll. « Bibliothèque des sciences humaines » et Frye Northrop, L’Écriture profane. Essai sur la structure du romanesque [The Secularf the structure of Romance, Harvard University Press, 1976], Éd. Circée, 1998.
4 Sur la position de Louis Guilloux dans les controverses esthétiques et politiques sur la littérature prolétarienne et populiste dans les années vingt, voir Golvet Sylvie, Louis Guilloux, l’ambition du romancier de La Maison du peuple au Sang noir, Université de Rennes 2 – Haute-Bretagne, thèse soutenue le 5 décembre 2008 sous la direction de Michèle Touret, p. 235-242. Sur la réception de La Maison du peuple et le détournement idéologique de l’œuvre par le Parti communiste à travers ses organes de presse, voir Morel Jean-Pierre, Le Roman insupportable. L’Internationale littéraire et le France, Gallimard, « Bibliothèque des Idées », 1985, p. 208-240 et p. 313-317, et Golvet Sylvie, op. cit., p. 133-149.
5 Apostrophes, « Louis Guilloux : le franc-tireur », prés. Bernard Pivot, réal. Nicolas Ribowski, Antenne 2, prod. Antenne 2, 2 juin 1978.
6 Ibid. Interrogé sur ses intentions dans La Maison du peuple, Louis Guilloux répond : « Je voulais signifier d’abord mon appartenance […] avec ce monde-là, le monde de mon père. Ça c’était réglé, voilà qui je suis, “carte de visite”. »
7 Dugast-Portes Francine, « Une enfance paradoxale », in Louis Guilloux, Pelletier Yannick (éd.), Bassac : Plein Chant no 11-12, 1982, p. 77-88.
8 Ibid., p. 77-78. Francine Dugast-Portes recense les topoï du récit d’enfance dans Le Pain des rêves dans sa présentation de l’œuvre.
9 Andréas Pfersmann a montré comment le terme « romanesque », qui désignait initialement la forme de langage propre au roman, « s’est déplacé d’une tradition littéraire pour désigner tout ce qui s’éloigne d’une certaine normalité ou réalité quotidienne et désigne […] une propension à se forger de la vie […] des idées erronées, fantasques ou idéalisantes », op. cit., p. 18-19. Cette analyse montre implicitement que le romanesque s’est imposé comme une catégorie de la représentation interrogeant les rapports entre la littérature et la vie. Voir Schaffner Alain, « Le romanesque : idéal du roman ? », in Le Romanesque, op. cit., p. 267-282.
10 Voir Pingaud Bernard, L’Expérience romanesque, Gallimard, coll. « Idées », 1983 et Stevenson Robert Louis, Essais sur l’art de la fiction, Éd. de La Table Ronde, coll. « Miroir de la terre », 1988, p. 214.
11 Guilloux Louis, La Maison du peuple, Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », [1927], 1953, p. 108. Nous soulignons.
12 Voir Schaffner Alain, « Romanesque et niveaux de fiction, du Grand Meaulnes (1913) aux Fruits du Congo (1951) », in Récit d’enfance et romanesque, op. cit., p. 93-114.
13 Guilloux Louis, Le Pain des rêves, Gallimard, coll. « Folio », [1942], 2000, p. 103, 104, 109, 110, 119, 120, 121.
14 Ibid., p. 296.
15 Dans L’Herbe d’oubli, Louis Guilloux insiste sur l’inadaptation matérielle de ce meuble insolite au mur de sa chambre et par là-même sur l’impossible assimilation de la culture bourgeoise par le foyer populaire : « C’était une merveille. En principe, ce beau meuble tout nouveau dans la maison, et d’autant plus nouveau qu’il n’y avait jamais eu chez nous un seul livre, était fait pour être fixé à un mur. Tout était préparé pour cela – sauf les murs. On avait eu beau chercher l’endroit qui conviendrait le mieux, on ne l’avait pas trouvé. », in L’Herbe d’oubli, Gallimard, coll. « Blanche », 1984, p. 150.
16 Erckmann Emile (1822-1899) et Chatrian Alexandre (1826-1890) ont écrit ensemble Madame Thérèse (1863), Histoire d’un conscrit de 1813 (1864) et Waterloo (1864) qui est la suite du roman précédent. Ces ouvrages font partie d’une série de romans nationaux ou épopées populaires. Ils ont également produit une série de contes : Contes des bords du Rhin (1862), L’Ami Fritz (1864), Les Contes vosgiens (1877).
17 L’Herbe d’oubli, p. 157. Voir également p. 64, 95, 138.
18 Ibid., p. 151.
19 Le Pain des rêves, p. 52 et 55.
20 L’Herbe d’oubli, p. 99.
21 La Maison du peuple, p. 140.
22 Le Pain des rêves, p. 58-60.
23 Richard Hoggart fait à ce titre une remarque intéressante : « Le père et les frères du boursier vivent dehors, dans le monde des hommes ; le boursier, lui, reste à l’intérieur, dans le monde des femmes. C’est sans doute par là que s’expliquerait le rôle privilégié et idéalisé que les romanciers d’origine populaire font jouer aux femmes dans leurs œuvres. », in La Culture du pauvre, [The Uses of Literacy, 1957], Éd. de Minuit, coll. « Le Sens commun », 1970, p. 352.
24 Sylvain Venayre a montré que l’émergence du roman d’aventures au milieu du XIXe siècle était liée au lointain, espace propice à l’aventure parce qu’il est lié à l’inconnu et par là-même au danger, voire au risque de mort qui est à l’horizon de toute aventure ; voir Venayre Sylvain, « Le désir des confins », in La Gloire de l’aventure. Genèse d’une mystique moderne 1850-1940, Aubier, coll. « historique », 2002, p. 19-60. Pour le lien entre l’aventure et la mort, voir Jankélévitch Vladimir, L’Aventure, l’ennui, le sérieux, Éd. Montaigne, « Présence et Pensée », 1963, p. 14-21.
25 Rogues Jean-Paul, « Topiques de l’enfance dans les romans d’aventures », in Chevalier Anne et Dornier Carole (dir.), Le Récit d’enfance et ses modèles, Caen, Presses universitaires de Caen, 2003, p. 99.
26 Portes Francine, L’Image de l’enfance dans la prose littéraire de 1918 à 1930, [Thèse soutenue à Paris IV en 1978], ARNT, Presses universitaires de Lille III, 1981, p. 418. Francine Portes recense les lectures récurrentes qui nourrissent l’imaginaire de l’enfant dans les récits d’enfance. « Les livres d’aventures [parce qu’ils] servent de catalyseurs à [la] passion de l’héroïsme [de l’enfant] et qu’ils répondent à son goût du romanesque sont les lectures les plus citées dans ces œuvres ».
27 Le Pain des rêves, p. 165. Je souligne.
28 Ibid., p. 373.
29 Ibid., p. 93-95.
30 Ibid., p. 374.
31 Ibid., p. 87-88.
32 L’Herbe d’oubli, p. 156-157.
33 Absent de Paris, p. 11.
34 Louis Guilloux rapporte en effet cette remarque de Bernard Groethuysen, ami de Jean Paulhan, à propos de La Maison du peuple : « C’est très bien, n’est-ce pas, quand on a lu ça, on a envie d’être pauvre. C’était le contraire que j’avais cherché. […] Il était bien admis que je n’avais pas écrit La Maison du peuple pour donner aux gens l’envie d’être pauvre, mais plutôt pour les en dégoûter. », Ibid., p. 141.
35 Godard Henri, Louis Guilloux, romancier de la condition humaine, Gallimard, 1999, p. 223. Je souligne.
36 Le Pain des rêves, p. 20 et 23.
37 Ibid., p. 25.
38 Ibid., p. 24-25.
39 Dans Le Jeu de patience, Loïc Nédélec, figure dédoublée du narrateur du Pain des rêves et double fictionnel de l’écrivain, motive ainsi son projet d’écriture : « Mon projet essentiel (j’ai déjà commencé) est d’écrire un livre. Je crois avoir la vocation. En tout cas, je ne pense qu’à cela et j’ai déjà préparé les premiers chapitres. […] Oui, mon cher Blaise, ou je me trompe fort, ou je deviendrai écrivain. Nous avons besoin d’écrivains qui viennent de la rue du Tonneau, c’est aussi l’avis de Pélo […]. Ma loi sera : la vérité. Je n’en aurai pas d’autres. », t. II, p. 23.
40 Op. cit., p. 53.
41 Chevalier Anne, « Espaces et enfances : les architectures du songe », in Le récit d’enfance et ses modèles, op. cit., p. 291-294.
42 Le Pain des rêves, p. 53.
43 Ibid., p. 22.
44 « On aurait dit que j’avais changé de monde, que le passage de l’écurie à l’école ne m’avait pas demandé, en réalité, les dix minutes qu’il me fallait pour m’y rendre, mais que j’avais fait tout un voyage, un long voyage, et que désormais j’appartenais à un autre pays, où tout se passait différemment, où les coutumes n’étaient plus du tout les mêmes – ni les êtres. – Aussi demeurais-je sur mes gardes. », Ibid., p. 86. « Tous les souvenirs de la grande aventure que fut pour moi ce déménagement – comme d’un grand voyage, comme du passage émerveillé d’une terre ingrate à un Eldorado – sont dominés par l’image de la cousine Zabelle. », Ibid., p. 284.
45 Ibid., p. 174-175.
46 Ibid., p. 441-442.
47 Ibid., p. 437. Cette condamnation avait déjà été formulée dans Dossier confidentiel, Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », [1930], 1987, p. 10-11 : « Pourtant, quand je rêvais de m’embarquer, mon rêve n’était pas celui d’un adolescent qui, pour courir les aventures, veut se faire mousse. Je n’avais pas l’imagination troublée par des lectures romanesques… »
48 Op. cit., p. 283. Sur les lieux communs du roman d’aventures voir Tadié Jean-Yves, Le roman d’aventures, PUF, « Écriture », 1982, p. 48.
49 Le Jeu de patience, t. I, p. 294.
50 Op. cit., p. 274-275.
51 La Maison du peuple, p. 79.
52 Le Pain des rêves, p. 18.
53 Jean-Yves Tadié présente Parpagnacco ou la Conjuration comme un « roman intermédiaire » […] entre le roman poétique et le roman d’aventures », op. cit., p. 126. Isabelle Guillaume cite également à deux reprises Parpagnacco dans sa thèse paradoxale sur Le Roman d’aventures depuis L’Île au trésor, L’Harmattan, coll. « Critiques littéraires », 1999, p. 317 et 321.
54 Op. cit., p. 367-368. Voir également p. 371.