1 Je renvoie ici à l’excellente étude publiée cette année par S. Golvet, Louis Guilloux. Devenir romancier, Presses Universitaires de Rennes, 2010.
2 On n’a guère comparé les autres romans de Guilloux à Flaubert. Le Sang noir, si. La formule de Marcel Arland est assez éloquente, quant à l’humour décapant qui s’y déploie : « Une comédie de Labiche revue par Jarry et jouée dans les ténèbres de certains romans russes » (la NRf, décembre 1935).
3 Il faudrait ici faire une exception : Hyménée, que sa cruauté tragique distingue de la Maison du Peuple, Compagnons, Angelina et même Dossier confidentiel.
4 P. Roger, « les Secrets de Louis Guilloux », préface à D’une guerre l’autre. Romans, récits, Gallimard, coll. « Quarto », 2009, p. 15.
5 Je renvoie ici au dossier de presse du Sang noir analysé dans sa thèse de doctorat par Yann Martin, et notamment à tous ceux qui, de Brasillach à Gabriel Marcel, ont reproché à Guilloux un roman trop caricatural.
6 Michel Raimond, La Crise du roman, José Corti, 1966, p. 464-465.
7 Nathalie Sarraute, L’Ère du soupçon, Gallimard, 1956 ; rééd. Folio essais, 1987, p. 60.
8 Voir notamment Michel Raimond, op. cit.
9 Le Sang noir, Gallimard, folio, p. 145.
10 Voir l’analyse de La Confrontation proposée par Henri Godard, qui mène à cette conclusion : « En poussant ce jeu jusqu’au point où il provoque un retour du roman sur lui-même, Guilloux rejoint les préoccupations d’une modernité qu’il n’a, malgré certaines apparences, jamais cessé d’avoir présente à l’esprit depuis Le Sang noir. » Louis Guilloux romancier de la condition humaine, Gallimard, coll. « Essais », 1999, p. 359.
11 Nombre de ses lecteurs, en effet, s’accordent pour reconnaître à Guilloux ce talent. Ainsi Maurice Nadeau, sans être dupe des procédés utilisés par Guilloux, reconnaît à l’auteur du Jeu de patience une étonnante capacité à douer chacun de ses personnages d’un indice maximal d’existence propre : « Transportés directement de la vie dans le roman, [ils] ne semblent pas avoir été créés par l’auteur qui se borne à devenir leur historiographe. Ils existaient avant lui, ils existent en dehors de lui et, l’histoire terminée, ils ne cesseront d’avoir des aventures. » Voir Maurice Nadeau, « À propos de Louis Guilloux et de Jean-Paul Sartre, le romancier et ses personnages », Mercure de France, tome 307, no 1036, 1er décembre 1949, p. 698-703.
12 « Le romancier est un obsédé. Son art consiste à traduire son obsession en images », déclare-t-il en 1936 dans des « Notes sur le roman » fortement marquées par l’influence de Malraux (Europe, no 839, mars 1999, p. 173-177).
13 Carnets, 1924-1944, Gallimard, 1978, p. 118.
14 Jean-Louis Jacob, Louis Guilloux romancier du peuple, Noroît, 1983, p. 8.
15 Le SN, p. 526-527. Nous soulignons.
16 Ibid., p. 536. Nous soulignons.
17 Comme le dira Malraux dans l’Homme précaire et la littérature : « Le roman appelle caractère un type humain animé par une passion majeure et constante ; un masque de l’âme. L’Avare est cousin éloigné d’Arlequin. Ses actes, même difficilement prévisibiles, ne doivent point surprendre. Il écarte l’irrationnel, auquel le personnage devra tant. » Voir André Malraux, HPL, Gallimard, 1977, p. 130-131.
18 A. Malraux, « En marge d’Hyménée », Europe, juin 1932.
19 Voir G. Picon, Malraux, Seuil, coll. « Écrivains de toujours », 1974, p. 66.
20 Celle d’Henry Bordeaux notamment. Voir « Notes sur le roman », Europe, op. cit.
21 Voir M. Raimond, Le Roman, A. Colin, 1989, p. 179-180.
22 Le SN, folio, p. 533-534. Nous soulignons.
23 Hyménée, Grasset, coll. « Les Cahiers Rouges », p. 55.
24 Le SN, op. cit., p. 20.
25 Le SN, op. cit., p. 331.
26 A. Camus, « Le romancier de la douleur », Avant-propos à la réédition couplée de La Maison du Peuple et Compagnons en 1953. Voir La MdP suivi de Comp., Grasset, coll. « Les cahiers rouges », pp. 13-19. C’est Camus qui souligne.
27 A. Camus, op. cit., p. 16.
28 Les BP, Gallimard, 1960, p. 43.
29 Le SN, p. 281.
30 Carnets, t. I, op. cit., p. 27
31 Souvenirs sur Georges Palante (1931), Quimper, Calligrammes, 1999, p. 17-18. D’où, sans doute, la forme fragmentée de ces « souvenirs », qui les donne pour ce qu’ils sont : une succession d’aperçus nécessairement incomplète sur Palante, et non pas un tout bien ordonné livrant un portrait complet et sans faille.
32 Dans L’Herbe d’oubli, de nombreux passages vont également dans ce sens, où Guilloux se reproche d’avoir caricaturé telle ou telle personne réelle dans ses romans.
33 Hasardeuse paraphrase personnelle du mot de Malraux, qui disait en recevant le prix Goncourt 1933 pour La Condition humaine, avoir voulu montrer « quelques images de la grandeur humaine ».
34 Le Pdr, Gallimard, coll. « folio », p. 105.
35 Ibid., p. 108.
36 Ibid., p. 119.
37 Ibid., p. 112.
38 « N’en parlons plus, camarade, fit-elle en se renfrognant de nouveau. Un salaud. Un beau salaud, c’est tout. » Voir Salido suivi de OK Joe !, Gallimard, coll. « folio », p. 15.
39 Voir à ce sujet les belles pages de Sylvie Golvet sur le « refus du prêche tolstoïen », et toute la réflexion menée par Louis Guilloux sur « le problème du jugement » pendant la rédaction de Dossier Confidentiel. (cf. Louis Guilloux, devenir romancier, PUR, p. 133-142.)
40 Ne jamais oublier que Cripure a jadis « cour [u] au télégraphe pour insulter les juges qui venaient de recaler sa thèse sur Turnier » (SN, p. 356)
41 Jeu de patience, t. II, p. 191.
42 « Il avoue tout. […] en un mot, il ne s’agit plus du tout du même homme », venait de dire le narrateur. Voir : Le Jdp, t. I, p. 43.
43 L’Herbe d’oubli, p. 355-356.
44 La Confrontation (1967), Gallimard, coll. « Imaginaire », p. 24.
45 Non seulement le corpus du romancier ne compte guère que cinq narrations « impersonnelles », contre huit « romans du je » auxquels pourraient s’ajouter ses témoignages et textes autobiographiques, mais le « roman du il » est une formule qu’il n’adopte plus, après Le Sang noir, que de façon très exceptionnelle avec Les Batailles perdues.
46 Comme le dirait Barthes, en effet, Guilloux écrit dans un siècle où le « il » est devenu la « convention type du roman » ; « moins romanesque », le « je » s’avèrerait donc, au contraire, « la solution la plus immédiate » quand le récit souhaite rester « en deçà de la convention ». Voir R. Barthes, « L’écriture du roman », Le Degré zéro de l’écriture, Seuil, coll. « Points essais », p. 30-31.
47 Voir : D. Rabaté, « Construction narrative et dramatique dans Le Sang noir », in F. Dugast-Portes et M. Gontard (dir.), Louis Guilloux écrivain, PUR, coll. « Interférences », 2000, p. 197-210. La citation provient de la page 207.
48 Voir les pages du journal de Guilloux qui accompagnaient la réédition du Sang noir au Club français du livre, en 1963.
49 « “Il le regardait comme une charade, un rébus…” » (Phrase isolée et citée entre guillemets, hors de tout contexte, dans Carnets, t. I, 1937, p. 149).
50 « L’artiste doit être partout dans son œuvre comme Dieu dans sa création, invisible et tout puissant qu’on le sente partout mais qu’on ne le voie pas », Gustave Flaubert, lettre du 18 mars 1857 à Mlle Leroyer de Chantepie.
51 Voir J.-P. Sartre, « M. François Mauriac et la liberté », article daté de février 1939, Critiques littéraires (Situations I), Gallimard, coll. « Folio essais », 1993, p. 33-52. La citation provient des pages 41-42.
52 « Voulez-vous que vos personnages vivent ? Faites qu’ils soient libres. Il ne s’agit pas de définir, encore moins d’expliquer (dans un roman les meilleurs analyses psychologiques sentent la mort), mais seulement de présenter des passions et des actes imprévisibles ». J.-P. Sartre, ibid., p. 34.
53 Voir P. Hamon, Le Personnel du roman : le système des personnages dans les Rougon-Macquart d’Émile Zola, Genève, Droz, 1983.