Démocratie, économie et technologie : rareté sociétale et innovation sociétale
p. 141-159
Texte intégral
La durée n’est pas seulement expérience vécue, elle est aussi expérience élargie, et même dépassée, déjà condition de l’expérience.
Gilles Deleuze, Le Bergsonisme, 1968.
Pour autant, les singularités ne sont pas du tout ce qui échappe à la technique et au calcul, mais ce qui se constitue au contraire par la pratique des techniques et calculs, en vue d’identifier ce qui n’est pas réductible au calculable.
Ars industrialis, Manifeste, 2005.
1Au-delà de l’antinomie qui s’exprime dans l’opposition entre efficience utilitariste et logique du don, il faut penser une réactualisation du faire pour guider la sphère de l’échange. Face aux différents mouvements de l’intégration mondiale (Martin et alii, 2003), facilités par les technologies de l’information, l’ordre des pratiques appelle une réflexion sur un nouveau modèle de développement. L’objectif consiste à se dégager du nihilisme contemporain qui s’incarne dans la figure du sujet automate, le capital financier (Lordon, 2002 et 2003), et dans un régime du temps astreint aux seuls gains de productivité, pour organiser la durée de « l’être ensemble ». Face à cette double origine de la crise des valeurs, il ne convient pas seulement d’affirmer que la société est en quête de sens. Il faut interpréter le monde pour le transformer. Cette nécessité demeure un préalable à tout agir dans la désorientation du monde contemporain (Laïdi, 2004 ; Bayart, 2004). Elle souligne l’importance de l’interprétation que nous entendons donner à un nouveau tournant, après le passage de l’intérêt à la règle qui marque les avancées de l’hétérodoxie en économie (ISMEA, 1996). Avec la valeur sociétale, nous proposons de questionner un modèle de développement qui reste à replacer dans la formation historique qui s’ouvre devant nous, avec le postcommunisme et le néolibéralisme (Boyer, 2004).
2Il nous faut, à cette fin, tenter de passer d’une démarche déclarative1, exprimant un besoin dont témoigne au passage la création de PEKEA, à une démarche plus construite exposant les conditions préalables au schéma d’un autre développement qui souligne en outre les limites de la réflexion altermondialiste (Aguiton, 2001 ; Mauss, 2003).
3Penser les schémas de développement dans les limites d’une redéfinition proposée par le sociétal, c’est tenter d’articuler logique du sens et création de richesse. Le sociétal apparaît comme un au-delà de la division entre société et communauté héritée de la tradition sociologique, qui nous a légué un oubli de la relation entre ethnicité et technicité. Le XIXe siècle donne la primauté à la question sociale. Aujourd’hui la nouvelle question sociale doit intégrer la problématique des rapports de la nature et de la technique, comme l’y invitent les changements d’échelle et de contenu dans la production et la transformation du concept de nature.
4En ce sens également, le sociétal autorise le rassemblement d’un collectif PEKEA qui, après le doute jeté sur l’idéal rationnel des Lumières, n’abandonne pas l’horizon d’un nouveau projet d’émancipation, une seconde modernité (Beck, 2000 et 2003). Enfin, la valeur sociétale offre un cadre de référence à la prise de décision collective en situation d’incertitude (Callon, 2001), prise de décision non réductible à une variation de « l’agir communicationnel » (Habermas, 1987). La valeur sociétale tente ainsi d’apporter des réponses aux défis planétaires immenses dus aux implications directes et aux externalités négatives des systèmes industriels contemporains.
5L’identification des fondements de la valeur sociétale, l’élaboration d’une approche théorique, amènent à s’interroger, dans la première partie, sur les termes du processus délibératif qui accompagne la démocratie économique dans le temps concret des sociétés. À cette occasion, la mise en perspective d’une économie politique de la durée contribuera à réinterpréter le contenu dynamique des principes du développement soutenable et à introduire, dans la deuxième partie, l’analyse du principal levier de la valeur sociétale, l’innovation sociétale. Après avoir réfuté les déterminations réductrices de l’innovation pour affirmer la spécificité de l’innovation sociétale, nous mettrons en relief les articulations entre celle-ci et la technologie, pour proposer une représentation du continuum technologie, société et nature.
La valeur sociétale, un processus délibératif ancré dans le temps concret
6L’identification des outils d’analyse constitués par la valeur sociétale, la rareté sociétale et l’innovation sociétale exige de revenir aux enseignements méthodologiques du programme de recherche de PEKEA (Humbert et alii, 2003). L’un des principes de ce programme consiste à ne s’intéresser aux postulats de la théorie économique que dans la mesure où ce questionnement critique découle d’une première redéfinition radicale des concepts dans le champ des activités humaines. Un autre principe, articulé au précédent, vise à réinterpréter les activités économiques comme les niveaux d’intelligibilité d’une science sociale à construire. De ce point de vue, la présentation des deux fondements de la valeur sociétale, à la fois processus délibératif (premier titre) et condition d’ancrage des sociétés dans la durée (deuxième titre), permet d’ouvrir sur les rapports entre la construction d’une théorie de la valeur sociétale et la mise en évidence des principes du développement soutenable (troisième titre).
Valeur sociétale et rareté sociétale
7Ainsi, la démarche d’économie politique proposée par PEKEA s’intéresse non seulement à la manière dont s’opèrent la production et la répartition des richesses, à la manière dont s’organisent les marchés et les entreprises, à la manière dont s’effectue le travail. Mais, plus encore, à la manière dont il faut désormais repenser la production, la répartition, le marché, l’entreprise et le travail, à la lumière d’une mise en valeur sociétale qui les fait apparaître non plus comme des catégories économiques mais comme les moments d’une activité humaine répondant aux exigences du bien commun. L’encastrement de l’économie dans les sociétés concrètes implique un dépassement des constructions déterministes et l’élaboration d’un programme de recherche dont la vocation consiste à définir les concepts opératoires d’une théorie de la valeur sociétale. Ces concepts tentent de retrouver les contenus des formes sociales que l’économie axiomatique a figées sous les normes du marché.
8Si de multiples échanges ont lieu dans les sociétés concrètes, recouvrant différentes sortes de marchés (Henochsberg, 2001), les propositions de PEKEA rejettent la vision d’un primat de la concurrence, facteur de division et d’éviction, pour insister sur la nécessaire cristallisation de l’intérêt collectif à travers la coopération et la négociation. Le concept de rareté sociétale, proche de l’interprétation de Sen sur les capacités ou capabilities (Sen, 2001), est donc préféré à celui de rareté économique. La rareté sociétale ne dépend pas uniquement de phénomènes économiques, comme l’allocation des ressources sur les marchés, la politique des revenus, ou encore, les stratégies d’offre des entreprises débouchant sur des crises de surproduction ou sur des goulots d’étranglement. Elle dépend des facteurs favorables ou défavorables de toute nature, des facilités ou des obstacles, qui déterminent positivement ou négativement le bien-être individuel et collectif. À cet égard, les indicateurs du développement humain élaborés par le PNUD constituent une évaluation approchée de la rareté sociétale et de ses implications.
9Une analyse de même nature est avancée pour la redéfinition du travail et de l’entreprise. Le travail n’est plus assimilé à un simple facteur de production ou à une dépense de force de travail vendue sur un marché et rémunérée par un salaire. Il est identifié, dans l’approche de PEKEA, comme une capacité à contribuer à l’amélioration du bien-être d’une société concrète. La valeur travail cède donc le pas à la valeur sociétale du travail.
10Dans la même perspective, les entreprises deviennent des « communautés entreprenantes », où le travail s’effectue de manière coopérative pour produire des ressources qui ont une valeur sociétale réelle pour une « communauté plus large » (Humbert et alii, 2003, p. 954). À travers ces réécritures du contenu du travail et de l’entreprise, la valeur sociétale s’affirme donc comme un concept fédérateur. Elle constitue à la fois un étalon de mesure de la « vraie richesse » et le moyen d’évaluer comment l’activité productive peut contribuer à la création de cette ressource collective par le travail.
11Quelle définition, quel contenu heuristique peut-on donner à ce concept fédérateur ? Nous avancerons ici deux interprétations qui permettent de relier valeur sociétale, rareté sociétale et innovation sociétale. Ces deux approches s’édifient conjointement et se répondent. D’une part, la valeur sociétale peut être caractérisée comme un processus délibératif impliquant un espace de démocratie économique à l’intérieur duquel peuvent être discutés les choix de production et de consommation. D’autre part, la valeur sociétale s’affirme également comme un processus dynamique à l’œuvre dans l’identification des objectifs du développement soutenable.
12Dans l’espace de la démocratie économique, la valeur sociétale peut être définie à la fois comme les conditions et les implications d’un processus d’arbitrage permanent qui privilégie l’espace de la délibération collective et de la coopération pour créer de la valeur à partir des objectifs définis en commun selon des principes éthiques. Il ne s’agit donc pas de la détermination d’une valeur socialement nécessaire, ou bien d’un calcul de coût d’opportunité ou de maximisation d’utilité sous contrainte, comme l’enseignent les approches économiques hétérodoxes ou orthodoxes. Avec le concept de valeur sociétale, le propos consiste bien plutôt à rechercher une adéquation la plus cohérente possible entre, d’un côté, la nature, l’ampleur et la variété des besoins à satisfaire et, de l’autre, les choix d’investissement, la mobilisation des moyens de travail associés aux activités, la mise en œuvre des opérations de production et l’identification des termes de la répartition. En ce sens, la valeur sociétale articule différents leviers dont la convergence peut contribuer à faire reculer les limites de la rareté sociétale, c’est-à-dire les limites imposées aux capacités individuelles et collectives dans une société concrète.
13Mais la tentative de construction d’une théorie de la valeur sociétale ne renvoie pas seulement à l’expression éthique d’un processus délibératif. Celui-ci constitue la première condition de l’être ensemble qui fonde la démocratie. Mais la seconde condition est que cet être ensemble puisse s’affirmer dans le temps concret des sociétés. Qu’il puisse s’affirmer dans le cadre d’une économie politique de la durée, qui lui confère une densité historique, liée non pas à un historicisme messianique mais au principe de responsabilité intergénérationnelle. Et qui lui confère une identité, celle du développement contre les implications directes – et pas seulement les externalités négatives – d’une forme prédatrice de mise en exploitation des ressources et des capacités.
Le temps des sociétés n’est pas une abstraction
14La domination du temps mondial à travers les échanges, la production et les investissements, la réorganisation des procès de travail et la privatisation de la décision publique obligent les sociétés à s’adapter aux conditions de la production marchande parvenue au stade hyperindustriel, que l’on peut définir à la fois comme l’industrialisation de toutes les sources de connaissance par l’intégration des mnémotechnologies et comme l’exploitation et la détérioration des temps de conscience (Bernard Stiegler, 2001 et 2004). Dans le même temps, les entreprises peuvent s’appuyer sur la diminution des coûts de traitement et de transport de l’information pour accélérer la décomposition des process de production en opérations indépendantes inégalement valorisées, susceptibles d’être en partie externalisées et internationalisées dans des filiales délocalisées ou dans des accords de joint-ventures. Cette décomposition des process s’accompagne d’une intensification des procédures de contrôle qui assurent la coordination des différents stades de la production et de la commercialisation des marchandises. Comme le souligne Zaki Laïdi (2004, p. 189) : « La mondialisation joue ici le rôle d’un processus d’amenuisement de la contrainte spatiale au profit d’une exacerbation de la compétition dans le temps. »
15Le temps est hypothéqué dans le capitalisme contemporain. Mais l’alignement contraint sur le temps mondial de la production hyperindustrielle se réalise sans que les théories économiques orthodoxes ou hétérodoxes parviennent à rendre compte de la complexité de la durée réelle, concrète, à l’intérieur de laquelle se déploie l’économie plurielle des sociétés. Cette négation de la durée dans les théories économiques a pour corollaire l’expression de théories de la valeur qui demeurent soit contingentes, à l’image de l’approche libérale, soit enchâssées dans l’historicisme, comme dans l’économie de Marx.
16Le libéralisme propose une représentation de la valeur figée dans une statique ou une statique comparative, qui représente le temps instantané des transactions sur les marchés. De ce point de vue, la valeur rareté ou la valeur utilité ne servent même pas à justifier l’allocation des ressources ou la réalisation de l’équilibre. Si les libéraux n’ont pas besoin d’une théorie de la valeur, c’est qu’ils n’ont pas besoin du temps concret. Ils n’ont pas besoin de la durée. Le temps de la théorie économique orthodoxe ne constitue qu’un opérateur mathématique, une abstraction qui permet d’effectuer des calculs d’actualisation (Sapir, 2000). Un temps indifférent aux différences, aux créations, aux émergences. Le temps de la chrématistique, pour parler comme Aristote (Berthoud, 1981).
17De leur côté, les interprétations dérivées de l’économie de Marx proposent une représentation de la valeur qui détermine, à la suite de l’économie politique classique, un principe de substance, le travail, et le fige à l’intérieur d’une catégorie historique déterminée, le travail des producteurs directs tel qu’il apparaît dans la société industrielle du XIXe siècle (Negri, 1979 ; Gorz, 1989 et 2003). Le temps de la théorie marxiste est un historicisme. Il n’exprime pas non plus une durée. Il s’affirme comme le temps d’une histoire indéfinie et peut-être infinie (Jappe, 2003), dont rendent compte notamment la loi de la baisse tendancielle du taux de profit, les théories des crises, et surtout, l’idée d’un progrès technique émancipateur, la révolutionnarisation des forces productives comme moteur de l’histoire.
18En assimilant le temps à un opérateur mathématique ou historique, les approches précédentes ne peuvent pas avancer sur une représentation de la valeur qui permette de mesurer à la fois les implications de la production hyperindustrielle et les conditions alternatives de conservation des ressources, de création et de distribution des richesses. Ce constat justifie la construction d’une représentation qui permet de traduire les maîtrises souhaitables des évolutions sociétales possibles. Une théorie de la valeur qui prenne en compte ce que le temps concret fait émerger.
Valeur sociétale et développement soutenable
19Comment rendre compte de la dégradation des ressources naturelles qui constituent également des ressources sociétales ? Comment évaluer la détérioration des capacités sociétales qui ne se réduisent pas à des possibilités économiques ? La théorie de la valeur sociétale doit rendre compte des impératifs du développement soutenable (Vivien, 2005). La conservation des ressources naturelles, la mise à disposition de capacités sociétales s’affirment comme des préoccupations intergénérationnelles qui donnent de l’épaisseur au temps concret, à l’émergence des possibles dans le devenir des sociétés. La valeur sociétale s’inscrit dans une économie politique de la durée. Elle traduit l’aptitude des sociétés à préserver et à créer des richesses plurielles, pour s’émanciper des contraintes économiques et financières de court terme, facteurs d’atrophie et d’anomie, liées à l’alignement sur le temps mondial de la production hyperindustrielle.
20En tant que mode d’évaluation des moyens et des objectifs du développement soutenable, la valeur sociétale s’affirme comme un processus dynamique qui permet de mesurer les conséquences possibles des choix effectués par les sociétés. L’économie politique de la durée, dont la valeur sociétale est porteuse, ouvre sur une véritable prospective sociétale, c’est-à-dire une prévisibilité responsable qui s’applique à la préservation, au partage et à l’extension des ressources et des capacités.
21La théorie de la valeur sociétale combine donc une approche éthique de la délibération collective et une économie politique de la durée qui impriment un principe de responsabilité aux orientations discutées démocratiquement. En privilégiant la durée, la théorie de la valeur sociétale est ce qui ouvre l’avenir en rendant humain le présent.
22L’innovation sociétale peut être perçue comme l’un des leviers de la valeur sociétale, le principal peut-être, dans la mesure où elle institue l’espace propre à l’organisation et au développement des capacités. À l’image de la valeur sociétale qui ne doit rien aux calculs d’utilité ou à la valeur travail, l’innovation sociétale n’est évidemment pas assimilable à l’aporie du résidu de la théorie standard, censé expliquer ce que les facteurs de production ne peuvent pas mesurer ; mais elle n’est pas non plus réductible à la vision téléologique du développement des forces productives, liée aux lectures déterministes de l’économie de Marx, et dont la fonction consiste à apparaître, « en première ou en dernière instance », comme le moteur permanent de l’histoire. En tant qu’expression de la valeur sociétale dans la création, la diffusion et l’appropriation de capacités, l’innovation sociétale s’extrait du déterminisme économique et s’inscrit dans l’économie politique de la durée.
L’innovation sociétale et les conditions d’une pragmatique du changement
23L’innovation sociétale est un concept qu’il faut éclairer dans le cadre conjoint de la transformation actuelle du système productif et de la mondialisation accrue des échanges économiques. L’emploi fréquent du terme innovation traduit la reconnaissance de la montée d’un impératif catégorique contemporain : l’impératif d’innovation. L’innovation sociétale a pour intérêt de mettre en relation les processus transformationnels dans la réalisation de nouveaux agencements collectifs complexes mêlant des figures hétérogènes.
24À un premier niveau, présentons l’innovation sociétale comme une catégorie analytique d’une forme compréhensive plus vaste qui serait la valeur sociétale. L’innovation sociétale nous apparaît alors comme le levier d’une transformation de la relation entre les hommes, la nature et la technique. Cette catégorie d’une raison pratique permet ainsi de rendre compte de l’agir humain dans sa complexité et contribue à établir une lecture des problèmes contemporains.
25Si l’on veut envisager une pragmatique de l’innovation sociétale2 qui articule les espaces séparés des problèmes liés à l’action selon un continuum société, nature, technologie sur lequel nous reviendrons plus loin, il faut ne pas dissocier une logique de l’action de la concrétisation des richesses. Ces prémisses introduisent la vertu de l’innovation sociétale qui, comme catégorie, n’est pas figée mais, au contraire, va se redéployer dans les débats relatifs aux décisions impliquant une pensée du développement. On passe de la définition abstraite de la valeur sociétale aux conditions de sa mise en application et, de cette manière également, au renouvellement du concept de richesses telles qu’elles sont produites et évaluées par les collectifs humains. À ce titre, on peut dire que l’innovation sociétale se situe dans la complémentarité d’un mouvement qui s’intéresse au calcul des indicateurs de la richesse3, mouvement qu’elle complète en s’intéressant non seulement à la mesure mais également au processus de formation des richesses, dans une perspective qui voudrait participer à la redéfinition de l’économie politique (Viveret, 2003).
26Afin de poursuivre dans la compréhension de l’innovation sociétale, nous allons dans un premier temps présenter cette catégorie autour de deux réductionnismes qui portent sur la notion même d’innovation. Le premier est économique (premier titre) et le second sociologique (deuxième titre). Nous pourrons ensuite ouvrir la notion en relation avec la question actuelle de la connaissance et celle, plus générique, de la technologie (troisième titre). Il sera alors possible de mieux mettre en perspective les enjeux liés à la mise en œuvre d’une innovation sociétale.
La réduction économique
27L’approche réductionniste de l’innovation en économie transforme cette dernière en concept valise qui devient la clé de la R & D. À ce titre, remarquons qu’une telle dilution s’accompagne d’un souci gestionnaire qui réduit la portée de l’innovation à une approche micro-économique de la firme. Au-delà de l’innovation de produit et de l’innovation de procédé, l’innovation ne forme pas une catégorie de gestion qui rend compte des conditions de mise en œuvre des transformations des facteurs de production dans la firme. Le corollaire de cette situation a pour effet d’envisager la chaîne de la valeur à travers la formation d’un avantage compétitif, à l’origine de la création d’une rente qui devrait son existence à la seule perspicacité de l’entrepreneur (Boutillier et Uzunidis, 1999). Un tel réductionnisme, au-delà de ses méthodes managériales, correspond à la manifestation du dogmatisme gestionnaire des sociétés contemporaines du capitalisme avancé. Pierre Legendre (2001, p. 99) en témoigne : « Ainsi découvre-t-on que la temporalité du calcul économique d’anticipation est à inscrire dans une perspective de virtualité, de fiction, où se pose la question centrale de la civilisation contemporaine, question étouffée par la propagande futuriste du surdéveloppement : l’économie reconnaît-elle son propre enjeu de limite ? »
28Le réductionnisme économique a pour effet second d’entraîner toutes les politiques publiques d’aide à l’innovation dans le sillage d’une démarche qui livre au marché la capacité de sélectionner les innovations. Au surplus, les politiques de prospective et d’innovation dépendent de plus en plus des marges de manœuvre laissées par la politique de la concurrence. Plus fondamentalement encore, les politiques industrielles et technologiques restent marquées par une même vision de l’innovation comme catégorie économique à caractère méso ou micro-économique. En témoignent, en France, les rapports récents sur l’influence des clusters et des pôles de compétitivité dans une logique de territorialisation de l’innovation (DATAR, 2004 ; Blanc, 2004), sur la transmission de l’innovation par les grandes entreprises et le rôle d’une agence de l’innovation (Beffa, 2005), sur le système d’innovation de la société de la connaissance (CGP, 2003), ou encore, sur les variables de cadrage à ajuster pour aller dans le sens d’une amélioration de la productivité (Camdessus et alii, 2004). Tous ces textes privilégient des objets ou des grandeurs économiques et occultent ainsi l’analyse de l’innovation comme innovation sociétale.
29Du point de vue de la théorie économique, les politiques industrielles manquent de fondements théoriques. Dans le passé, à l’époque de la planification indicative et des stratégies de filières, elles s’appuyaient sur la vision de l’intervention publique comme forme supérieure de rationalité économique par rapport aux décisions privées décentralisées. Plus récemment, l’argument de la défaillance institutionnelle a été avancé pour légitimer l’action de l’État (Humbert, 1995). Le paradoxe est que la politique technologique et industrielle peut désormais trouver dans l’innovation sociétale et ses enjeux un support de légitimation exemplaire, propre à justifier une intervention publique insérée dans le processus délibératif de la valeur sociétale.
30Une politique industrielle qui se préoccupe de la valeur sociétale doit favoriser des activités tournées vers la préservation des ressources et l’amélioration des capacités. Des activités qui ne poussent donc pas à la préconsommation de l’avenir. Une pareille orientation suppose que l’on oppose à la R & D, une recherche innovation (R & I4), contribuant à améliorer les interactions et à internaliser les externalités positives. De la même manière, des avancées positives, comme la fondation de l’association Ars industrialis par Bernard Stiegler5, tendent à renforcer la représentation d’une prééminence de l’innovation sociétale. L’initiative d’Ars industrialis, en particulier, a pour objet de montrer que la promotion d’une nouvelle stratégie industrielle dans l’espace européen doit faire l’objet d’une véritable volonté politique : « Et c’est dans la mesure où la question de l’intérêt général est en effet inscrite dans celle du symbolique que la définition d’une politique industrielle de l’esprit nécessite aussi l’invention d’une nouvelle forme de puissance publique, associant des compétences de toutes natures et de tous horizons, acteurs économiques et institutions publiques, instituts de recherche et associations, économistes, artistes, scientifiques, philosophes, investisseurs, partenaires sociaux, collectivités locales et territoriales, etc. » (Ars industrialis, Manifeste, 2005.) La conception de l’intervention publique s’en trouve renouvelée, dans une perspective de démocratie économique, dont nous avons montré qu’elle constituait le fondement de la valeur sociétale.
La réduction sociologique
31L’innovation n’est pas non plus une catégorie macro-sociale réductible à une conception du changement social. L’innovation sociétale permet une analyse critique des grilles de lecture du changement social, envisagé dès lors à travers la seule logique des acteurs sociaux. Il existe une relation entre l’individualisme méthodologique des modèles interactionnistes et la façon d’envisager un changement social autour du mouvement social compris comme sujet historique. Au changement social envisagé comme un système d’interdépendances, il faut ajouter que l’innovation sociétale articule la durée (préservation des ressources et des capacités) et la création de richesses. Ainsi, elle apporte une compréhension de l’ensemble des mécanismes contribuant au changement, loin du schéma unique d’une analyse factorielle ou messianique.
32Face au sociologisme qui réduit les choix à la volonté des agents, il convient de faire remarquer que les choix restent conditionnés par un milieu technique et naturel. Reconstruire une théorie de l’action qui agence l’individuel et le collectif ne peut se concevoir dans un mouvement où le changement social constitue le résultat d’un processus qui échappe aux acteurs. Le sociétal constitue au contraire le cadre qui permet d’inscrire les actions dans un agencement de composition où l’on retrouve le clivage entre les actions orientées par une fin (Zweckrationalität) et les actions orientées par les valeurs absolues (Wertrationalität6). La valeur sociétale opère un réagencement de l’éthique de la responsabilité et de l’éthique de la conviction, ce fossé sur lequel reposait la dualité de l’agir dans la sociologie compréhensive. En remettant en cause ce partage inhérent à la réduction sociologique, l’innovation sociétale repose un trait d’union entre le collectif et l’individuel, revenant ainsi sur le partage qui structure le champ des sciences sociales entre individualisme et holisme (Dumont, 1991).
Technologie et innovation sociétale
33La définition de l’innovation sociétale revêt une importance particulière avec l’émergence de la société de la connaissance. L’agenda de Lisbonne, adopté au tournant du siècle, définit des axes prioritaires d’investissement et fixe même des objectifs à l’espace économique européen pour constituer un milieu hyperindustriel mettant en œuvre un nouveau régime de production. C’est autour du dilemme du partage et de la captation des connaissances formalisées que l’on découvre les enjeux de la nouvelle « matière première ». Une telle problématisation, liée à l’entrée dans « l’âge de l’accès » (Rifkin, 2000) et dans la formation de « nouvelles enclosures » (Shiva, 1997), fait que la donnée numérique (data) transforme le statut de l’information et de la connaissance dans les firmes, qui se définissent de plus en plus comme des « entreprises apprenantes » (Mongeon et Edmondson, 1996). Après le productivisme physicaliste de l’industrie manufacturière, nous serions sur la voie d’une transition menant d’une « économie de la main-d’œuvre à une économie de la tête d’œuvre » (CES Pays de la Loire, 2005, p. 7).
34Dans le cadre d’une mobilisation générale des ressources cognitives, l’innovation sociétale doit revenir sur la relation entre technologies informationnelles et travail, telle qu’elle se déploie dans l’interopérabilité des réseaux qui structure l’évolution des formes nouvelles d’activités professionnelles. Cependant, le statut de la technologie reste difficilement pensable dans la modernité qui, paradoxalement, produit le mythe du progrès technique, garantissant ainsi la sortie de l’âge théologique. Comme l’annonçait Saint-Simon, l’ancien régime a été abandonné pour la création d’un âge d’or situé devant nous et non plus derrière (Musso, 1999). Face à ce constat qui enregistre le retard de l’importance accordée à la technique7, il paraît donc nécessaire de réévaluer la technologie et ses mobiles dans la perspective de la valeur sociétale. Ainsi se trouvera mieux cernée l’importance des choix socio-techniques.
35Dans cette perspective, il convient de considérer la technologie comme une science humaine, ainsi que le préconisait Haudricourt dans un travail inaugural important et déjà ancien. Et la valeur sociétale reprend à son compte la conception de la technologie comprise comme science humaine des « forces productives » (Haudricourt, 1987). Nous devons déduire de ce postulat que la technologie réintroduit la société au cœur même du régime de production. Autrement dit, il paraît urgent de compléter la dichotomie de l’économique et du social par le technologique comme le propose la valeur sociétale dans sa réactualisation de la durée, véritable condition de tout agir.
36Revenons maintenant sur deux blocages majeurs pour essayer ensuite de penser la technique en lien avec le sociétal. Ces blocages sont liés à la classification des connaissances et aux effets induits par le partage disciplinaire. Commençons par le champ de l’économie, où la dénonciation de l’hégémonie de l’économie mathématique dans l’enseignement apparaît comme un symptôme du profond malaise de toute une communauté de chercheurs, comme le montrent notamment le manifeste des normaliens et le mouvement autour du post-autisme en économie. Concurrencées d’un autre côté par les sciences de la gestion, les sciences économiques appellent à un travail de refondation. Cette situation correspond à un clivage interne aux sciences économiques entre la fascination d’un modèle physicaliste et la conception de l’économie comprise comme une science morale. Un pareil clivage traduit une difficulté supplémentaire pour surmonter la crise de la discipline (Amable et Palombarini, 2005).
37À ces blocages d’ordre épistémologique, il faut ajouter, dans le champ de la sociologie cette fois, le clivage entre science humaine et science sociale qui ne fait qu’ajouter des difficultés pour réévaluer la question de la technique. La technologie restant hors des champs des SHS (sciences humaines et sociales), alors même que les sciences de l’ingénieur réduisent l’objet technique, le plus souvent, à un fonctionnalisme.
38Si la question sociale n’est pas suffisante pour penser l’évolution de notre système productif, c’est précisément parce que le social ne peut plus se concevoir, avec la valeur sociétale, comme une simple conséquence de l’économique. Il faut reprendre la « nouvelle question sociale8 », en lui associant la question de la nature et la question de la technique. L’importance que nous attachons à une conception de la technologie comprise comme une science humaine dont le domaine spécifique demeure l’organisation des forces productives, contribue à enrichir la valeur sociétale qui présente un couplage inédit du Technologique, du Social et du Naturel.
39Ce couplage implique la réalisation par l’innovation sociétale d’un milieu concret et médian entre la technique, l’action humaine et la nature, un milieu qui devrait faciliter l’enchâssement des technologies dans un régime de production garantissant un développement en dehors du productivisme9. La crise du progrès repose sur la fin d’une vision optimiste linéaire et permet de différencier, voire d’opposer développement et croissance, comme le faisait déjà François Perroux dans L’économie du XXe siècle (1961). La réalisation du programme de la valeur sociétale suppose d’encastrer le technologique dans un modèle de développement, pour penser la complémentarité entre accumulation des techniques et accumulation du capital. À cet effet, la pragmatique de l’innovation sociétale nous semble indissociable d’un double cercle herméneutique de l’incorporation du continuum technologie, action, nature. C’est ce double cercle qu’il s’agit d’opposer au scénario d’un réglage des choix technologiques par le marché.
40Chacun des deux cercles représente un circuit. Le circuit A intègre la technologie dans la formation du capital. Il réalise l’incorporation du progrès technique dans les générations de capitaux investis. Il correspond à l’appropriation de la technologie, à son instrumentalisation par et dans l’accumulation. Le circuit B réunit les ressources naturelles (énergie, air, eau) et les ressources humaines (connaissances) nécessaires au développement économique. Ces biens collectifs et les externalités qu’ils contribuent à générer n’entrent pas directement dans la logique du marché. Pour reprendre une réflexion de Franck Dominique Vivien qui va dans notre sens, cette dichotomie a eu jusqu’à maintenant pour conséquence « de centrer le calcul économique sur les conditions de reproduction du capital, lesquelles ne correspondent pas à celles qui assurent la reproduction des ressources naturelles et humaines » (2005, p. 60). À l’inverse, la valeur sociétale doit apporter la garantie que l’investissement (public et/ou privé) effectué dans le système technique du circuit A soit à l’origine d’un développement qui ne constitue pas une « création destructrice » des ressources du circuit B, nécessaires pour assurer un développement soutenable.
41La finalité de l’innovation sociétale consiste donc à agencer des ressources complémentaires (humaines, techniques, naturelles) et parfois contradictoires dans le cycle économique. L’innovation sociétale, à partir du redoublement des circuits A et B, doit proposer un corpus doctrinal qui permette une régulation des décisions collectives. L’innovation sociétale doit inscrire les conditions d’une maîtrise du développement qui donne son sens à l’agir. L’objectif demeure bien de préserver les conditions d’un progrès dans la durée. La valeur du temps dans l’innovation sociétale ne représente alors que la garantie d’un avenir possible et responsable devant les générations futures10.
42Le redoublement des deux circuits permet de croiser une herméneutique du changement avec une pragmatique de l’action. Cette articulation oppose à l’accumulation étendue à l’infini, un investissement sociétal qui préserve les ressources. Dans le premier cas, des pans entiers de biens communs glissent vers la formation de « nouvelles enclosures », au sens de Moulier-Boutang (2001). Dans le second cas, les conditions d’un avenir commun sont préservées.
43François Perroux a ouvert la voie à la reconnaissance possible du rôle de la technique en dehors du modèle standard de la croissance. Aujourd’hui, la valeur sociétale doit garantir la complémentarité entre le développement des habiletés (l’invention dans les techniques) et la logique de l’investissement. La réduction de la technique à la rationalité économique est une ruse qui permet de minorer l’importance du fait technique comme constitutif de l’humanité de l’homme11. Pour cette raison, penser la technologie en terme seulement d’instrumentalisation (Habermas, 1973) correspond à une lecture unique du circuit A, sans le redoublement par le circuit B.
44L’innovation sociétale, en pensant la dynamique du double cercle herméneutique du développement, inscrit à la fois la marque d’un non-détermi-nisme de la technique et la formulation d’une possible revitalisation du principe philosophique du bien-être, en dehors de l’économicisme contemporain. La valeur sociétale diffère de l’éthique de la discussion au sens habermassien : ce n’est pas seulement le consensus qu’il faut atteindre, mais également un modèle de développement plus harmonieux au plan écologique, humain et technologique.
45L’encastrement du continuum technologie, société, nature dans le double circuit herméneutique de l’innovation sociétale permet de concevoir et d’organiser une sortie de l’économie politique classique centrée sur le sujet. Le corrélat de ce centrage demeure un oubli de la technique qui ne permet pas de penser la relation entre nature et société. Matrice de tous les partages, la séparation de l’homme et du monde rend l’homme maître et possesseur de la nature. Penser la technologie dans le circuit herméneutique de l’innovation sociétale, c’est revenir sur cette figure mortifère de l’exploitation naturelle que condamne l’écologie politique.
46La fin des grands partages avec le sociétal subvertit l’opposition entre le naturel et l’artefactuel, et l’opposition entre le naturel et le culturel, pour adjoindre un troisième terme, le technologique12. Reconsidérer l’humain aujourd’hui, ce n’est pas recentrer l’activité économique uniquement sur le développement humain, mais lui adjoindre d’autres indicateurs. Cette extension permet de compléter la conception de l’homme par une inscription dans son milieu et son agir. Ce supplément est apporté par la valeur sociétale qui nous introduit à logique de la création des valeurs13. Le sociétal, pour cette raison, rend possible une conception enrichie de l’institution du socius qu’il nous faut maintenant aborder, en conclusion, dans la sphère du droit.
Conclusion : le contrat sociétal et la garantie d’un avenir commun
47Au terme de ces développements, il importe de reprendre la proposition principale, selon laquelle la valeur sociétale s’érige sur une double fondation, un processus délibératif qui lui confère un caractère fondamentalement démocratique, une économie politique de la durée qui l’inscrit dans le temps concret des sociétés, dans le temps construit du développement soutenable. L’innovation sociétale en constitue le moteur, irréductible à la fois à une détermination micro-économique et à une définition macro-sociologique. En tant que « fait social total », pour reprendre une expression de Marcel Mauss, l’innovation sociétale érige la technologie en science humaine des forces productives, transformant les choix techniques en conditions d’une prospective sociétale destinée à améliorer l’usage des ressources et à favoriser l’extension des capacités.
48Une théorie de la valeur sociétale ne peut esquiver la question du droit, entendu comme technique de passage vers l’universalité. La valeur sociétale s’inscrit également à l’intérieur d’un contrat, celui qui articule le processus délibératif des choix avec un cadre commun d’existence, formé par le triptyque humanité, nature, technologie. Le choix collectif n’est plus indépendant d’un être ensemble. Et le collectif n’est plus fondé sur une filiation historique et culturelle précise, forcément excluante puisqu’elle différencie appartenance et non appartenance à une communauté d’origine plus ou moins idéelle. Il s’inscrit dans une continuation de l’espèce, en tenant compte de son déploiement pluriel et historique. La différence et la singularité demeurent préservées dans le temps et l’espace du contrat par l’accord des volontés, au sein d’une assemblée délibérative.
49Cette représentation s’oppose à la fois à l’approche des anti-contrac-tualistes et aux interprétations des néo-contractualistes. Les anti-contrac-tualistes pensent le contrat comme une technologie juridique. La technologie juridique n’est pas la technologie politique. Le juridique est un artifice qui tente de dissimuler les rapports de forces qui instituent le politique. Ainsi la perspective ouverte par Karl Schmitt érige le rôle de l’ennemi comme préalable à l’établissement de la relation qui reste toujours violente. De même, les tensions exercées par les luttes de classes devaient dynamiser l’histoire des sociétés, dans la perspective du matérialisme dialectique. D’un autre côté, les néo-contractualistes pensent le contrat en économie dans les asymétries du marché (marché du travail), ou encore, dans le cadre alternatif de l’organisation, en introduisant la possibilité de la transaction, à travers l’existence de marchés internes. Les travaux de Coase, Williamson, North, aux États-Unis, ceux de Favereau en France, notamment, illustrent cette orientation de la théorie économique.
50Pour autant, le contrat social ne peut être laissé à la logique du marché, sans se heurter à une contradiction insurmontable. Il ne peut non plus être réduit à un alibi pour les rapports de forces, sauf à se dissoudre dans une violence permanente. Il faut donc construire, contre les uns et les autres, un contrat social qui n’existe pas en tant que tel. La valeur sociétale ouvre la question du contrat sociétal. Dans l’économie politique de la durée qui caractérise les sociétés concrètes, agir en fonction de principes démocratiques pour faire partager les choix du développement soutenable, c’est réintégrer ensemble le contrat naturel (Serres), le contrat social (Rousseau) et le contrat sociétal. En conditionnant l’adoption de la valeur sociétale comme principe d’organisation des activités et la mise en œuvre de l’innovation sociétale comme support du développement soutenable, le contrat sociétal incarne la cristallisation des trois moments de l’être ensemble qui institue la démocratie.
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Notes de bas de page
1 Nous avions publié dans la revue Cosmopolitiques un article consacré à l’analyse du programme de recherche de PEKEA. Voir Béraud P. & Cormerais F. (2003).
2 La pragmatique de l’innovation sociétale se définit comme une articulation dans les logiques de la décision humaine de la prise en considération d’effets émergeants devant être corrélés à la valeur sociétale. À ce titre, il ne s’agit pas de produire une nouvelle idéologie, ni même un optimum mais plutôt de viser à l’établissement des conditions de « félicité » dans un contexte global et temporel qui intègre : homme, société et technologie. Nous verrons plus loin que cette pragmatique croise une herméneutique du changement sociétal. La démarche sociétale, pour cette raison, ne se situe ni dans la perspective qu’une rationalité absolue, ni dans celle d’une rationalité limitée mais dans l’éclairage d’une rationalité étendue au continuum homme, nature, technologie.
3 Cf. Media D. (2000). L’auteur se demande fort justement si l’indicateur qu’est le PIB suffit à exprimer la richesse d’un pays. Elle se demande aussi si une société doit avoir pour souci central la croissance de ce PIB, si tout projet social doit être formulé dans l’optique de la croissance économique et donc indirectement si le lien social peut se réduire à l’échange marchand.
4 La recherche innovation a fait l’objet d’une journée d’études, intitulée « Innovation, prospective et technologie », organisée à Rennes le 17 novembre 2004 par l’IRUTIC, Université de Rennes 2.
5 Le Manifeste de Ars industrialis peut être consulté sur le site de l’association : www.arsindustrialis.org
6 Cf. Weber M., (1971).
7 La redécouverte actuelle de l’œuvre de Gilbert Simondon inverse une tendance qui minorait le rôle de la technique. Cf. Simondon G., (2005).
8 Rosanvallon P., (1995). L’auteur se proposait d’enrichir la notion de droit national, de reformuler une définition du juste et de l’équitable, de réinventer des formes de la solidarité dans une démocratie plus active.
9 La critique justifiée du développementalisme appelle une conception complexe du développement, à notre sens, plutôt qu’une condamnation irrémédiable du concept liée à une apologie de la décroissance. Cf. Latouche S. (2005). L’enjeu est d’évaluer autrement le développement (cf. « Reconsidérer la richesse », Rapport d’étape de la mission, Nouveaux facteurs de richesses, rédigé par Pascal Viveret).
10 Sur ce point, l’innovation sociétale croise l’heuristique de la peur du philosophe allemand Hans Jonas. Cf. Jonas H., (1998)
11 Cf. La lecture stieglérienne de l’œuvre de Leroi-Gourhan. Voir Stiegler B., (1994).
12 Le travail de Bruno Latour illustre cette position. Voir Latour B. (2002).
13 Notons que la notion de capability ne prend en compte ni les dimensions technologiques, ni les dimensions naturelles.
Auteurs
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