La démocratie au cœur d’une approche humaine et sociale de l’économie
p. 13-28
Texte intégral
1Dans l’ensemble de la pensée économique on peut repérer une tradition1 de ce que je vais appeler « l’école française d’économie humaine et sociale ». Il est intéressant d’en rappeler l’existence car c’est une approche qui en mettant l’homme en société au centre des préoccupations donne également la place centrale au souci de la démocratie.
2Cette tradition est celle d’une volonté de comprendre le monde – économique – tel que les hommes le construisent à partir du milieu naturel qui les environne ; elle est aussi celle du souci de les aider par cette compréhension à poursuivre les fins qu’ils se choisissent. Il ne s’agit pas de découvrir des lois naturelles qui régiraient de manière déterminée et universelle, au moins pour les choses de l’économie, les comportements humains, comme sont régis les mouvements des planètes ou ceux des molécules.
3La complexité des économies concrètes a été l’objet de l’attention de cette école française et les Facultés françaises de droit et d’économie dispensaient encore dans les années soixante des enseignements sous l’intitulé « Systèmes et structures économiques » pour étudier ces configurations élaborées par les interactions humaines. À partir des années soixante-dix, ce courant souvent appelé « structuraliste » a cédé progressivement du terrain pour disparaître ou presque, face à l’essor d’un courant influencé par une école Nord Américaine montante issue principalement des travaux de Paul Samuelson (mais aussi des économètres à la Ragnar Frisch).
4L’étude difficile mais directe du réel complexe a cédé la place à l’analyse de plus en plus sophistiquée – et compliquée à souhait – d’un réel stylisé selon l’idéologie libérale, où la société est réduite à une collection d’individus tous semblables et déguisés chacun en Homo Economicus. Un raisonnement analytique toujours plus technique, élaboré sur un modèle réduit, a remplacé le discours sur le monde réel, adossé jusque-là sur une philosophie politique et morale. Pour partie, ce courant analytique se veut « appliqué », au regard de l’emploi de statistiques, mais celles-ci ne prennent la mesure du monde qu’au travers des filtres que la conceptualisation théorique confectionne. La croyance commune à ce courant est que la dextérité à manier les modèles (« réduits ») vaut expertise et capacité à exprimer le discours et les recommandations pour guider la société vers un optimum dûment calculé sur les modèles. C’est-à-dire pour assurer sa « bonne gouvernance ».
5Le mouvement pour une reformulation d’un savoir politique et éthique sur les activités économiques initié par PEKEA2 a cherché à mettre en réseau des économistes en dissidence de ce courant qui devenait dominant tant chez les économistes que dans l’opinion officielle exprimant urbi et orbi une « pensée unique ».
La démarche de PEKEA
6Le réseau PEKEA est ouvert à – et a besoin de-tous ceux qui veulent comprendre le monde tel qu’il est tout en souhaitant par là pouvoir se donner les moyens d’agir. Ouvert aux chercheurs de toutes disciplines et principalement des sciences humaines et sociales, ouvert aux citoyens impliqués, en particulier à ceux qui œuvrent dans des organisations tentant de faire fonctionner la société autrement que selon les recommandations des experts. Ouvert aussi aux anciens experts qui ne veulent pas persister dans l’erreur : mais ils sont si peu nombreux ! Bien qu’ils soient aux commandes depuis des décennies et s’ils peuvent se targuer à bon compte3 d’avoir apporté la croissance en quelques lieux privilégiés et quelques moments, la plupart de ces experts continuent à proclamer que c’est faute de suivre mieux leurs recettes que les sociétés sont responsables de la persistance du chômage dans les pays industrialisés, de la pauvreté dans les pays du Sud ou de l’aggravation des menaces de désastre écologique.
7Sur la base de cette dissidence radicale, le réseau PEKEA a décidé de se lancer dans l’aventure lors d’un colloque organisé en 2002 dans les locaux de la CEPAL. Il l’a fait, encouragé par le discours argumenté qu’y prononça José Antonio Ocampo, aujourd’hui secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires économiques et sociales, et nous incitant à mettre en chantier, de manière délibérée et collective, la re-construction d’un paradigme à même de nous redonner prise sur le réel.
8Au sortir des travaux fondateurs de cette démarche4, nous avons programmé une première série de quatre colloques mondiaux. Chacun d’entre eux s’intéresse principalement à l’un des quatre blocs de connaissance à mettre en place par une démarche collective5 de réflexion, pour servir de pilier à l’élaboration du paradigme recherché. Les deux premiers concernaient plus directement les questions d’éthique. Réunis une première fois à Rennes (2003), nous avons insisté pour ne pas laisser les marchés nous dire ce qu’est la valeur, ce qu’est la « bonne société6 ». Ceci nous a emmenés à la recherche d’une économie fraternelle qui donne à cette fraternité la priorité sur les valeurs de liberté et d’égalité. Une fraternité hétéronome, sorte de « reliance » dont on n’a pas le choix sauf à sortir de l’humanité. Les liens entre les personnes constituent ce qui importe et non pas les relations entre les choses ; ce qu’il y a à créer et recréer chaque jour c’est de la société, c’est de la valeur sociétale. Au cours du second colloque, à Bangkok (2004), en terre asiatique si dynamique, nous nous sommes interrogés sur l’objectif : vers où courrons-nous si vite ? Suivant notre volonté de construire sur des bases nouvelles plutôt que de discuter avec et sur des concepts forgés à partir de paradigmes dépassés, nous avons peu entendu des termes tels que développement durable, alors que nous abordions les vraies questions de la réalité que ce concept a tant de mal à saisir. Quel futur commun7 possible ? La longue transformation historique de la Nature en monde – la mondialisation stricto sensu –, le monde tel qu’il est, est œuvre humaine et la construction du monde de demain est notre « responsabilité » commune. Nous sommes en quelque sorte passés, d’un colloque à l’autre, d’une éthique de la conviction de faire société ensemble, maintenant, à une éthique de la « responsabilité » vis-à-vis des autres et de l’insertion dans la durée.
9Nos deux autres piliers sont à ancrer dans la raison politique et nous avions décidé d’organiser les deux colloques suivants pour débattre du pouvoir – l’autre grand absent, avec l’éthique, de la théorie économique dominante – et de son organisation. À Dakar en 2006 nous discuterons des rapports entre individu et société et cette discussion sera évidemment dans le prolongement des précédentes8 – et en particulier de celles organisées à Rennes en 2005 et dont une bonne partie est reprise ici par le menu. Nous avions déjà formulé, il y a quatre ans, ce thème comme une réflexion sur la démocratie face à l’Écocratie et nous allons essayer d’expliquer dans cet avant-propos l’origine de ce concept qui cristallise la question du pouvoir dans la société : est-ce l’économie, sont-ce les lois du marché qui nous gouvernent ? L’objectif n’est évidemment pas tant de répondre à cette question que de savoir comment sauvegarder le pouvoir du peuple, le gouvernement du peuple, c’est-à-dire la démocratie. Les pistes ouvertes sont celles d’une participation à des processus démocratiques – de démocraties participative, représentative, d’opinion – ce qui exige de chacun de nous qu’il assume un engagement de « citoyenneté ». Cette citoyenneté est une qualification qui dépasse nos habituelles divisions souvent schizophrènes quand elles sont trempées dans l’économie, que cela soit entre nos atours de producteurs et ceux de consommateurs ou entre nos espoirs de solidarité de proximité et ceux de solidarité internationale etc.
L’école française d’économie humaine et sociale
10Examinons dans cette perspective en quoi l’approche de PEKEA s’inscrit dans la ligne de l’école française d’économie humaine et sociale.
11Cette école est née sous l’impact de deux séries d’influences. La première série est celle de phénomènes concrets survenus après 1914. La naissance d’une économie collectiviste planifiée après la révolution russe, avec « d’autres structures », ensuite le sentiment que la crise de 1929 n’avait rien d’une crise « conjoncturelle » mais était une crise de structure, enfin le sentiment qu’apparaissait sur la scène internationale une économie « dominante » et dénommée comme telle par François Perroux9 qui a introduit le concept de « force » ou de « pouvoir » dans les interprétations des faits économiques. Le monde n’est plus un rapport entre égaux mais entre « dominants » et « dominés » ; l’économie dominante produit un effet de domination sur les autres et « l’effet exercé ou subi dépend avant tout de la structure de cette économie » (A. Marchal, 1955, p. 172).
12La deuxième série d’influences est celle de courants de pensée qui se sont développés auparavant. Il s’agit des influences de l’institutionnalisme américain, de l’école historique allemande et du courant empiriste ou positiviste français. Dès avant la seconde guerre mondiale Gaëtan Pirou (1886-1946) professeur à la faculté de droit de Paris, avait joué un rôle de diffuseur des idées économiques américaines avec une série de conférences10 faites à l’école pratique des hautes études. Cela a concerné en particulier l’économie institutionnelle en 1935 où il donnait à connaître aux intellectuels français le courant américain en leur faisant découvrir l’ouvrage collectif Economic behaviour, an institutionalist approach (Houghton Mufflin Company, Boston & New York, 1931). Cette école institutionnaliste a retrouvé depuis plus d’une quinzaine d’années des émules et des prolongements ce qui n’est pas le cas des autres courants de pensée cités ci-après.
13L’école historique allemande (issue de B. Hildebrand, W. Roscher et K. Knies, affirmée par Gustav von Schmoller [1838-1917]) s’efforce d’observer consciencieusement les faits concrets, historiques, de l’évolution économique et sociale ; elle a été prolongée par Werner Sombart (1863-1941) et Max Weber (1864-1920). L’implication dans les études très factuelles tend peu à peu à s’exercer à des généralisations et à la mise en évidence de lois sociales mais ces écrits ultérieurs nourrissent plutôt des chercheurs qui se réclament de la sociologie et ils seront peu revendiqués par ceux qui se proclament économistes. Le courant empirique ou positiviste français est illustré en particulier par Albert Aftalion (1874-1956) qui relativise grâce à ses observations une loi telle que la théorie quantitative de la monnaie (Aftalion, 1927) ; pour lui les observations et les tests statistiques sont indispensables et peuvent remettre en cause les théories. Il faut noter également François Simiand11. Ce dernier, élève d’Émile Durkheim12 (1858-1935), est certes influencé par la sociologie ; Schumpeter souligne toutefois l’importance injustement méconnue de ses apports à l’analyse économique ; il considère en outre sa pensée comme ce qu’il y a de plus proche en Europe des idées institutionnalistes13.
14Ces deux séries d’influences se combinent pour soutenir une tentative, un courant de pensée structuraliste dont on peut schématiser les caractéristiques de la manière suivante.
15En toile de fond, il y a une opposition marquée vis-à-vis d’une méthode qualifiée d’abstraite et déductive, celle des « classiques » et qui conduit, avec ses améliorations par Jevons, Menger, Walras (qui constituent ce qu’ils appellent l’école mathématique), à isoler des phénomènes économiques et à dégager des lois universelles reliant formellement des variables purement économiques. À cette manière de voir Lucien Brocard (1929, p. 475) répond que l’économie politique est une science avant tout humaine et sociale. Sans pour autant se donner pour sociologues les « structuralistes » français respectent l’affirmation d’Auguste Comte (1798-1857) pour qui « toute étude isolée des divers éléments sociaux est nécessairement irrationnelle et stérile14 ». Il en résulte une importance primordiale accordée à l’observation des faits réels et l’intuition confirmée par ces observations que l’universalité et l’a-temporalité des lois sont illusoires ; une sorte de relativisme y est préférée ; enfin il y a une forte conviction que les cadres dans lesquels se déroule la vie économique jouent un rôle essentiel : les « facteurs sociologiques ne sont pas seulement des cadres de l’activité économique ils en sont l’essence même » (A. Marchal, op. cit., p. 33).
16La question est alors la prise en compte ou non d’éléments juridiques, institutionnels de la vie économique pour l’analyser et la comprendre. Gaétan Pirou tient pour nécessaire l’étude de ce qu’il appelle les « cadres » de la vie économique15. Toutefois, ces cadres qui comprennent pour lui les règles juridiques (propriété, liberté du travail) et les règles techniques (division du travail, spécialisation…) s’ils sont à décrire, restent des variables extérieures au fonctionnement de la vie économique dont il faut découvrir les mécanismes internes. Pour lui, il y a une impuissance conceptuelle tant de l’institutionnalisme que de l’historisme : « L’historisme » écrit-il16, « a présenté, en somme, les mêmes qualités et les mêmes insuffisances [que l’institutionnalisme…,] il a réintroduit le relativisme dans les études économiques ; il n’a pas lui non plus reconstruit la théorie ; […] Il semble qu’il y ait une sorte d’impossibilité de passer de l’étude relativiste des cadres à une reconstruction générale de la science économique ».
17L’ambition, pas toujours explicite, du courant structuraliste français est bien celle-là : échapper à l’impuissance notée par Gaétan Pirou et reconstruire la science économique. Une « économie sociale nouvelle qui ne serait pas un simple appendice de la mécanique des quantités, considérée comme seule véritable Économique, mais une théorie générale de l’économie humaine » (Jean Marchal, 1958). François Perroux (1903-1987) est l’un des premiers à s’emparer du concept de structure ; il définit ainsi les structures « les proportions et relations qui caractérisent un ensemble économique localisé dans le temps et dans l’espace (Perroux, 1939) ». Le concept se construit, différent de la notion de « cadres » et s’efforce de s’affranchir de l’empirisme des historistes et des statisticiens « Aux données arbitraires et qualitatives, nous tentons de substituer des structures observables et caractérisées, au moins approximativement dans l’ordre du quantitatif » écrit un peu plus tard le même auteur (Perroux, 1952). Il n’aura de cesse que de s’essayer à une reconstruction alternative, mais maintiendra (par fascination ou doute ?) l’espoir de rivaliser avec les tenants de l’école mathématique sur le terrain de leurs outils et publie en 1975 un ouvrage sans lendemains17, mais au titre explicite « Unités actives et mathématiques nouvelles. Révision de la théorie de l’équilibre économique général ».
L’enlisement du courant français dans l’analyse des structures
18Les analyses de cette école française ou de ce courant vont se centrer de plus en plus sur la structure qui devient l’objet même de la théorie18, s’interdisant de fait toute réelle reconstruction théorique générale, car elles en restent à des prolégomènes de la théorie de la structure19.
19Ces travaux pour l’essentiel vont bifurquer dans deux directions.
20Pour les uns seront soulignés les éléments d’évolution lente et de relative stabilité voire de rigidité qui forment des structures. Cette bifurcation est liée à la prise en compte de la période d’analyse. L’importance de la période est soulignée en particulier par Raymond Barre (1950) et avec des travaux, à l’époque remarqués, du suédois Johan Akerman20 qui soutenait qu’« il est impossible d’étudier en même temps une situation et un changement, une structure et une conjoncture ». Le résultat sera de développer un courant de conjoncturistes21.
21L’autre direction est celle de la poursuite de monographies et d’analyses empiriques des comportements de catégories de populations qui incluent la prise en considération de faits de structure qui sont, par les autres économistes « à la Pirou », relégués dans l’extra-économique. On distingue des catégories socio-professionnelles (J. Marchal, op. cit.), des économies « non-développées » auxquelles ne s’appliqueraient pas les « mêmes lois » que dans les pays industrialisés en raison de différences structurelles et le développement se voit défini comme un processus de changement de structures (Perroux, 1962) ; on prend en compte des effets de domination qui sont aussi des effets structurants qui peuvent jouer des différenciations spatiales avec des « pôles de développement » (Perroux, 1955) pour des politiques économiques guidées par des préférences de structures (Weiller, 1949).
22En fait il n’y a pas réellement de tentative d’élaboration théorique générale de la part des économistes autour du concept de structure. En effet, ni les séminaires de F. Perroux au collège de France sur les Systèmes et Structures (de 1955 à 1974), ni les cours et les manuels de Systèmes et Structures, ni divers travaux à prétention généralisante22 ne parviennent à proposer une théorie générale. L’emploi même du terme de système fait plus référence à une dénomination commune qu’à un concept : système capitaliste, système socialiste, sans qu’il y ait une théorie des systèmes qui englobe la « théorie » des structures. Une théorie des systèmes se construit pourtant par ailleurs mais de manière non reliée et principalement aux États-Unis avec par exemple le travail de K. Boulding (1956) ou en France, dans l’indifférence des économistes avec l’ouvrage de J.-L. Le Moigne (1978) ; cette théorie subissait alors une très forte influence des notions mathématico-physiques de la dynamique des systèmes issues des travaux de Norbert Wiener (1948). Le terme système sera aussi utilisé par les sociologues « interactionnistes » avec un certain succès autour des travaux de Michel Crozier et de Erhard Friedberg23 sans dépasser vraiment les « frontières » de leur discipline.
23Le manuel d’André Marchal (1959) contient la tentative la plus explicite de mettre en place une conceptualisation du système qui rende compte du fonctionnement d’ensemble de l’économie en partant de la prise en compte des structures. Il essaie de dépasser la définition de R. Clémens pour lequel le système se caractérise par un même type de calcul économique (sic, voir op. cit.) et il essaie d’emprunter aux auteurs de l’école historique allemande qui ont tenté des généralisations ; à W. Sombart24, à W. Eücken25, pour s’en tenir finalement à E. Wagemann26 pour l’essentiel. Il en tire une définition du « système » comme « un ensemble, une combinaison, un complexe, de diverses structures (économiques, techniques, politiques, institutionnelles, mentales, etc.) liées par des relations relativement stables27 ». Mais cela n’amène pas à un repérage de ces relations ou à leur définition. On ne trouve en application que des classements du type des travaux historistes antérieurs, ou une réflexion duale, d’une part sur la dépendance de la conjoncture vis-à-vis de la situation structurelle, d’autre part sur l’influence possible de la conjoncture historique sur les structures.
24La dynamique en fait ne semble pouvoir s’imaginer qu’en très longue période et A. Marchal fait alors appel aux travaux de J. Akerman pour identifier des forces motrices qui sont considérées comme autonomes28. A. Marchal conteste l’autonomie de certaines mais ne parvient pas cependant à dépasser cet obstacle. Par conséquent, il s’interdit toute tentative d’explication théorique de comment fonctionnent les activités économiques en conformité avec ses hypothèses de base. L’économiste acceptant ces autonomies énonce la présence d’une boîte noire sans savoir ce qui se passe à l’intérieur. Par ailleurs l’autonomisation de ces forces et leur liste limitée va à l’encontre de la définition extensive de ce qui doit être « l’objet de la science économique » tel même que le précise29 A. Marchal : « c’est essentiellement la collaboration humaine en vue de satisfaire tous les besoins, qu’ils soient physiologiques ou psychologiques, matériels ou immatériels. S’il en est ainsi » ajoute-t-il, « les lignes de démarcation plus ou moins artificielles qui séparent l’économie politique des autres sciences sociales, du droit, de la politique, de la géographie, de la sociologie, etc. doivent être progressivement abaissées ».
Les prémices d’une analyse transdisciplinaire et systémique
25Cet objectif est celui en fait de transgresser les frontières disciplinaires et d’aller vers une analyse de type systémique, ce à quoi ne se décident pas tous ces auteurs bien reconnus dans l’establishment et qui répugnent à un changement qui paraîtrait trop radical. Manier des idées qui vont dans ce sens est cependant possible mais cela rencontre peu d’échos et n’offre nulle notoriété. Ce fut le cas par exemple d’un ouvrage intitulé « L’économie des sociologues » où un pas important dans cette direction a été accompli par J. Bancal (1974). Il écrit en effet : « un système […] porte avant tout sur une société globale. Celle-ci n’est autre qu’un ensemble socio-économique en situation et en actes » (p. 224). Avec ces quelques mots nous passons sans transition du concept de structure à celui de système au sens de la théorie des systèmes30 : un système n’est pas un ensemble, une collection de structures c’est quelque chose qui fonctionne, c’est quelque chose qui est en actes. Les structures sont le produit de la vie de la société, de l’ensemble socioéconomique, comme système ; elles évoluent avec cette vie et à tout moment, l’état de ces structures conditionne les différents aspects de cette vie.
26On peut en reprendre l’idée qu’il appuie de sa lecture de la littérature d’anthropologie selon laquelle toutes les sociétés ont en commun d’avoir cherché à perdurer et que leur pérennité passe par l’accomplissement simultané de cinq fonctions. Que l’une d’elles vienne à ne pouvoir être assurée et la société est menacée de disparition. Nous ne raisonnerons ici que sur deux d’entre elles, l’encadré donne une définition succincte de chacune. L’intérêt de l’approche, pour l’économiste, est en particulier de souligner combien la fonction économique n’est que l’une des cinq fonctions, et, pour le « structuraliste », que ces structures sont le produit de l’accomplissement de ces cinq fonctions. Les faits et les structures éventuellement proclamés « économiques » ne sont que le résultat de l’accomplissement simultané de cinq fonctions, accomplissement réalisé selon des modalités qui peuvent grandement varier dans le monde réel, d’une société à l’autre.
27Avec cette approche d’une société en fonctionnement, il apparaît déraisonnable de procéder encore de la manière disciplinaire ancienne. Qui veut se spécialiser dans l’étude de certains aspects de « la situation et du fonctionnement » des groupes humains enracinés dans l’histoire31 », tout en respectant le fait que tous ces aspects sont indissociablement liés, est amené à choisir un domaine d’études aux frontières insaisissables. Si le choix se porte sur certaines structures, on sait qu’elles ne sont pas indépendantes et qu’elles seront repérées avec tel ou tel critère et que leurs contours fluctuent au gré de l’évolution du fonctionnement du groupe social. D’autres voudront se spécialiser dans l’analyse de l’accomplissement de l’une ou l’autre des cinq fonctions. Ce pourrait être une manière opérationnelle de se répartir le travail d’analyse et de compréhension de la société mais avec l’exigence de l’aménagement d’une coopération entre les spécialisations. Cette coopération paraissait déjà indispensable aux structuralistes de l’école française. A. Marchal écrivait en effet : « Si l’économiste ne peut – en raison de l’ampleur des connaissances à acquérir, de l’imperfection de ses facultés et de la brièveté de la vie – posséder une compétence universelle, il est indispensable néanmoins qu’il n’ignore rien de ce qui se fait d’essentiel ailleurs32. »
28Enfin, dans cette perspective, la spécialisation qui préciserait la part de travail du ressort de l’économiste – et définissant son domaine : l’économie – serait donc l’analyse des modalités d’accomplissement de la fonction économique. On peut tirer de la définition de cette fonction en liaison avec les quatre autres les raisons qui font que l’économie met en péril la démocratie.
Les cinq fonctions permanentes d’une société en situation et en actes
29la fonction génésique permet la perpétuation biologique (reproduction sexuelle) et sociale (formation de membres individuels ayant leur place dans la société) ; elle assure ainsi la VIE de la société ;
30la fonction économique, à l’aide de la production par le travail, fournit à tous les membres de la société les biens matériels et les services nécessaires ; elle permet, par là, la SURVIE des membres de la société et, au-delà, son confort matériel ;
31la fonction politique constitue l’organisation des actions, des relations pour qu’elles s’inscrivent dans un tout cohérent, elle est donc la condition de la COHESION pour la société ;
32la fonction culturelle peut être définie comme la transmission entre tous les membres de la société, au travers du temps, des informations, de la connaissance ; elle est le ciment qui assure la CONTINUITÉ de la société ;
33la fonction éthique exprime l’adhésion à des représentations collectives, à des échelles de valeurs qui vont donner un sens communément admis à toutes les actions et relations ; elle permet ainsi définition et poursuite d’un idéal-projet commun, condition de la DYNAMIQUE de la société.
Comment la démocratie est mise en péril par l’économie
34Isoler au lieu de relier les fonctions, en vient à confiner la fonction économique et à se trouver tenté de la réduire à n’être plus que mécanisme de circulation des marchandises sur le marché. F. Perroux n’a pas su comment échapper à ce carcan dont il a pourtant ressenti et exprimé le poids. Il a déploré que « la nature de l’activité économique [soit…] réduite à l’échange mercantile par une littérature abondante destinée aux spécialistes et au grand public. Mais elle est, en vérité, beaucoup plus ; ni l’observation, ni l’étude méthodique ne nous autorisent à nous contenter de la vue appauvrissante que nous impose l’accoutumance aux sociétés marchandes33 ».
35Ce confinement académique de la fonction économique et la réduction de l’analyse à l’économie des marchés se généralise au même moment historique où se produit une assimilation de la société à sa seule fonction économique : qu’on regarde les journaux pour s’en convaincre. Après la fin des années soixante, les questions économiques prennent d’assaut les gros titres et les articles de fond, les hommes politiques ne peuvent plus prendre la parole sans discourir sur l’économie et toutes les élections ou presque se gagnent sur ce terrain dans les faits ou les discours.
36Pourtant, durant quelque temps encore, la majorité des économistes, même en dehors de l’école de l’économie humaine et sociale, parlent et « font » de l’économie politique. C’est-à-dire qu’ils prennent encore en compte une certaine interaction entre la fonction politique et la fonction économique même si cela est devenu une expression dont on a renversé les termes : la politique s’est faite économique. Aujourd’hui les tenants du mainstream avancé34 sont allés beaucoup plus loin et ont démontré l’inanité de toute tentative de politique économique : il faut laisser l’économique – des individus – se faire toute seule.
37On est bien loin d’André Marchal qui commence sa définition de l’économie en posant qu’elle traite de « la collaboration humaine » sans imaginer une seconde laisser aux seuls mécanismes du marché le soin de l’organiser. Même s’il ne l’explicite pas de cette manière, il est bien conscient qu’au sein des groupes, des sociétés, la collaboration (pour la production matérielle par le travail ou pour toute autre activité sociale) peut être obtenue par la coopération spontanée ou par des règles du jeu ou par l’exercice d’un pouvoir35 des uns sur les autres. La manière d’accomplir la fonction politique c’est-à-dire d’assurer la cohésion d’ensemble peut-être régie par la loi du plus fort. Il y aura alors des dominants et des dominés36, mais il est aussi possible d’imaginer des négociations équitables et un cadre de démocratie participative ; cela concerne toutes sortes de groupes y compris pour l’organisation du travail au sein des entreprises qui n’est pas nécessairement du ressort d’un rapport social d’exploitation, ou du travail salarié, il peut y avoir des entreprises fondées sur la coopération, etc.
38Si dans une société donnée, l’ensemble des cinq fonctions sous leur aspect structurant étaient dominées par la fonction économique, on pourrait considérer être en présence d’une société qui se construit (fonction génésique), vit (fonction économique), s’organise (fonction politique), se perpétue (fonction culturelle) et se meut (fonction éthique) pour des motifs économiques. Cette société deviendrait alors, à proprement parler une parfaite Écocratie.
39Cette écocratie modèle devrait constituer un dangereux repoussoir, un péril à éviter, pour nous encourager à tisser une pensée plus à même d’expliquer et de comprendre les réalités contemporaines et resituer les tâches et les enjeux d’une démocratie politique. Cela n’est certes pas facile, car l’observation du monde, tel qu’il est, laisse penser qu’aujourd’hui encore le pouvoir se partage mal entre le peuple et les marchés.
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10.5840/wcp31909292 :Simiand F. (1912), La méthode positive en Science Économique, Paris, Alcan.
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10.2307/3822945 :Wiener N. (1948), Cybernetics, New York, Wiley and Sons.
Notes de bas de page
1 Ils s’inscrivent aussi dans la suite d’autres travaux économistes ou non. Pour ce qui est de ceux rattachés plus ou moins étroitement à la dénomination d’économistes, on peut en dehors de la tradition française citer en particulier ceux menés dans la lignée de Karl Polanyi ou de Thorstein Veblen, avec à la suite de ce dernier, John Kenneth Galbraith économiste américain contemporain prolifique qui a publié récemment une décapante critique « Les mensonges de l’économie » (Galbraith 2004). Sur son lien avec le courant de pensée PEKEA voir Humbert (2005). Il nous a quitté en avril 2006.
2 PEKEA est l’acronyme de « Political and Ehtical Knowledge in Economic Activities » soit comme indiqué : un « savoir politique et éthique sur les activités économiques »
3 Mais il est peu sûr que celle-ci doive beaucoup à leurs conseils.
4 Et qui sont accessibles soit sous forme d’un ouvrage collectif publié en 2003 « Prolégomènes… », soit sur le site internet http://www.pekea.org où se trouvent en outre plusieurs centaines de textes que l’on peut facilement consulter grâce au moteur interne de recherche.
5 La réflexion collective entre et durant ces colloques est organisée de différentes manières, dans des groupes thématiques et par des groupes locaux ou régionaux et des colloques locaux-régionaux ou/et thématiques. Pour plus de renseignements consulter notre site internet et éventuellement, rejoignez le réseau si vous partagez les termes de notre argument (à consulter sur le site ou dans « Prolégomènes… », op. cit.).
6 Pour emprunter à Galbraith la traduction littérale du titre de son ouvrage « The Good Society » (1996).
7 C’était d’ailleurs cette belle formule qui était employée pour le titre du Rapport de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement par sa présidente Mme Bruntland, et publié en 1987 : Our common Future, traduit comme « Notre avenir à tous » ; mais ce titre a dû passer dans la moulinette à penser des experts maîtrisant les paradigmes anciens pour nous donner une définition de notre avenir : le « développement durable ».
8 Pour sûr que la distinction opérationnelle entre les quatre thèmes n’est pas négation de leurs interactions.
9 Perroux F., (1948) p. 27. F. Perroux reprendra plus tard ses recherches sur le rôle du pouvoir en économie : voir Perroux F., (1974)
10 Reprises dans un ouvrage : voir Pirou G. (1939a)
11 François Simiand (1873-1935), voir Simiand F. (1912).
12 C’est en 1895 que Durkheim a publié « Les règles de la méthode sociologique ».
13 Schumpeter J., (1983), p. 102. F. Simiand, aux yeux de F. Perroux, est devenu historien et statisticien frappé d’« hyperstatisticisme » (d’après A. Marchal, t. I, op. cit., p. 162).
14 Comte A., Cours de Philosophie positive, t. IV, p. 255 ; le cours est paru entre 1830 et 1842.
15 Pirou G. (1939b), p. 293.
16 Pirou G. (1939a), op. cit., p. 224-225, les italiques sont dans l’ouvrage cité.
17 De la même manière ceux qui ont gravité autour de Perroux avant et après la Première guerre mondiale, d’une part n’ont pas vraiment formé école, d’autre part tout en maintenant quelques liens ont fait carrière et suivi leurs chemins en s’éloignant quelque peu de plusieurs lancées et pistes ouvertes par Perroux. Il est en effet à l’origine des cahiers de l’ISEA puis de l’ISMEA, de l’IEDES et de la Revue Tiers-monde, puis de Mondes en Développement ; il a compté parmi ses disciples Raymond Barre ou Henri Bartoli, Claude Ponsard ou Henri Bourguinat, Gérard de Bernis, etc. Dans son environnement est né, mais plutôt dans le prolongement de la tradition empiriste positiviste et plus explicitement marqué par la liaison avec l’Église, Économie et Humanisme porté par le dominicain Joseph Lebret. Mais au total cette école française d’économie humaine et sociale n’a pas vraiment pris consistance.
18 C’est le même type de phénomène sclérosant que l’on pourra observer par exemple concernant le concept de « filière » chez les économistes industriels à la française vingt-cinq ans plus tard.
19 Clémens R., (1952), Lhomme J., (1954), Lhomme J., (1958).
20 Akerman J., (1944), et Akerman J., (1948).
21 Vincent A., (1943).
22 Comme par exemple, l’ouvrage au demeurant fort intéressant de Nicolai A., (1960).
23 L’ouvrage qu’ils ont publié, voir Crozier M. et Friedberg E., (1977), fut amplement commenté par les économistes encore imprégnés de structuralisme à la française, mais non intégré.
24 Pour qui le système économique combine un appareil technique, un appareil de relations juridico-sociales, un mobile économique fondamental. Son ouvrage principal : Sombart W. (1902).
25 Il distingue deux formes pures d’organisation « l’économie dirigée du centre » et « l’économie d’échange ». Son ouvrage de référence : Eücken W. (1950).
26 Et son ouvrage publié en français : Wagemann E. (1938) où il écrit (p. 70) : « Le système est déterminé par toutes les particularités du pays et de la population, plus généralement par toutes les données que nous pouvons aussi appeler éléments structurels, et dont l’ensemble constitue la structure. »
27 Marchal A. (1955), p. 191.
28 Huit forces motrices selon Akerman J. (1944) et cités d’après Marchal A. (1955, op. cit., p. 230) : 1. La technique, 2. La population, 3. Le mouvement des idées, 4. Les changements politiques, 5. Le développement du crédit, 6. La croissance des groupes, 7. L’évolution des rapports entre industrie et agriculture, 8. Les changements dans la répartition des revenus.
29 Op. cit., p. 177. Il reprend pour l’essentiel la définition déjà citée de Lucien Brocard.
30 A. Le Moigne (1978) op. cit. On doit aussi citer Ludwig Von Bertalanffy (1973) un biologiste qui a écrit dans les années trente dans une perspective qui peu à peu devient applicable dans les sciences sociales : « la science sociale est la science des systèmes sociaux » (p. 199) écrit-il en ouvrant des pistes que Le Moigne et quelques autres ont suivies.
31 Selon la définition de Cuvillier (1950, p. 246) « La sociologie est la science des groupes humains réels et concrets, c’est-à-dire enracinés dans l’histoire » auquel se réfère à différentes reprises A. Marchal par exemple.
32 Ibid. Et il cite E. Dupréel « entre la géographie, la biologie, l’anthropologie, la psychologie, la sociologie, il ne s’agit pas d’un minutieux règlement de frontières, il y a seulement à reconnaître un condominium tout pacifique et fécond », in Dupréel E. (1948), op. cit., p. 383.
33 Perroux F, (1960). Il va même plus loin « Les sociétés marchandes de l’Occident européen », nous dit-il, « n’ont jamais prospéré par les seules recettes de l’économie à base de marché. Toujours l’échange qu’elles ont connu a été perméable au don. […] Elles tentent d’utiliser, conformément à une rationalité moins mesquine, toutes les ressources de la contrainte, de l’échange et du don ». (Notons que ce dernier triptyque correspond au découpage en « trois secteurs » des spécialistes de l’économie sociale et solidaire État, marché, solidarité). F. Perroux défend en effet le don : « le don véritable paraît être souhaité dans une certaine mesure, mais l’idéologie de l’avarice (on n’a rien pour rien) et celle de la supériorité de l’avoir sur l’être – qui correspondent à la doctrine des intérêts égoïstes – ne paraissent pas plus rationnelles que la mise en valeur d’un esprit de solidarité ».
34 En 2004, la banque de Suède a conféré son prix à la mémoire d’Alfred Nobel à deux « économistes » Finn Kydland et Edward Prescott pour avoir produit les démonstrations qui attestent que le gouvernement des hommes ne peut avoir aucun pouvoir sur l’économie. La macroéconomie et la politique économique interventionniste ont donc perdu toute légitimité scientifique.
35 La définition classique du pouvoir est celle empruntée en général à Weber : le pouvoir de A sur B est la capacité d’obtenir que B fasse quelque chose qu’il n’aurait pas fait sans l’intervention de A. À cette définition théorique, l’observation des faits conduit à substituer celle-ci : le pouvoir de A sur B est la capacité de A d’obtenir que, dans sa relation avec B, les termes de l’échange lui soient favorables. D’après Bernoux P., (1985), p. 129.
36 Entre les individus ou entre les groupes, voire entre les sociétés ; c’est en observant la scène internationale et y décelant une économie « dominante » et dénommée comme telle que F. Perroux a réintroduit le concept de « force » ou de « pouvoir » dans les interprétations des faits économiques, in F. Perroux, (1948), p 27. F. Perroux reprendra plus tard ses recherches sur le rôle du pouvoir en économie : voir Perroux F., (1974).
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La démocratie au péril de l'économie
Ce livre est cité par
- (2013) Résister au quotidien ?. DOI: 10.3917/scpo.frere.2013.01.0281
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- (2020) Défaire le capitalisme, refaire la démocratie. DOI: 10.3917/eres.dache.2020.01.0321
- Béraud, Philippe. Cormerais, Franck. (2011) Économie de la contribution et innovation sociétale. Innovations, n°34. DOI: 10.3917/inno.034.0163
- (2007) Analyses bibliographiques. Revue Tiers Monde, 190. DOI: 10.3917/rtm.190.0455
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- Dacheux, Éric. (2008) Utopie et SIC. Communication. DOI: 10.4000/communication.835
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