Quelques repères de la réception de Michel Tournier en Roumanie
p. 163-177
Texte intégral
1La culture roumaine moderne reste tributaire de l’esprit français. Dès lors, les écrivains français ont toujours eu une réception très favorable en Roumanie, pays francophone. Michel Tournier lui-même en témoigne dans un entretien avec son traducteur roumain, Radu Sergiu Ruba : « […] j’ai réalisé qu’il n’y a pas dans le monde un autre pays plus proche de la France que la Roumanie1 ».
2L’influence française2 se manifeste en Roumanie dans le domaine linguistique, car la langue française y est devenue depuis le XIXe siècle une langue de culture. Les genres littéraires et artistiques3 sont eux aussi d’inspiration française lors de l’apparition de la littérature roumaine moderne. Très tôt, la littérature européenne devient accessible à l’élite roumaine par l’intermédiaire des éditions françaises et allemandes4. Néanmoins, la littérature française a depuis toujours été la mieux représentée sur le marché des traductions et a continué à être le modèle de référence jusqu’à l’installation du communisme. Celui-ci impose l’espace soviétique comme seul repère culturel et historique et le patrimoine slave au détriment du patrimoine latin.
3Dans l’esprit de cet héritage francophile, Michel Tournier figure parmi les écrivains français traduits et publiés en Roumanie. D’ailleurs, l’écrivain déclare ouvertement ses attaches à la culture roumaine, évoquées par Radu Sergiu Ruba comme « les repères roumains de la mémoire du romancier5 ». Tournier rappelle dans un entretien6 son amitié avec nombre d’intellectuels roumains : Martha Bibescu, Emil Cioran, Eugen Ionescu ou Virgil Gheorghiu. Cette passion pour la culture roumaine est entretenue aussi par la lecture des romans roumains traduits en français ou écrits directement en français.
4Dans ce contexte particulier des relations franco-roumaines, il est intéressant de saisir la place de Michel Tournier dans la réception de la littérature française traduite en Roumanie, à travers les changements de régime politique et de mentalités et d’interroger l’évolution de l’image de l’écrivain et de son œuvre en Roumanie.
5Nous pouvons rendre compte de ces fluctuations de perception en examinant de plus près ses romans traduits en roumain, le choix des traductions, la fréquence des titres et des rééditions, tout comme le décalage temporel7 entre l’apparition du roman en France et sa traduction en roumain. L’analyse des contextes socio-idéologiques de la publication des œuvres du romancier français, la revue de presse des romans parus en roumain, tout comme ses relations avec les traducteurs8 et éditeurs roumains dressent un tableau plus riche de la réception de Michel Tournier en Roumanie. Nous pouvons aussi dégager quelques pistes d’analyses des traductions, qu’il s’agisse de préfaces, d’essais, d’articles de dictionnaires et d’histoires de la littérature françaises ou d’études universitaires publiés en Roumanie.
6Si la plupart des romans de Michel Tournier sont traduits en roumain, Gaspard, Melchior & Balthazar9, Le Coq de bruyère10, La Goutte d’or11 et Le Roi des aulnes12 comptent parmi les titres les plus publiés (en 3 rééditions). D’autres romans sont traduits seulement à deux reprises, tels Gilles et Jeanne13, Les Météores14, Vendredi ou les limbes du Pacifiques15, Vendredi ou la vie sauvage16, alors que d’autres romans n’ont jamais été traduits jusqu’à présent tels que La Couleuvrine et Eléazar ou la source et le buisson. Par ailleurs, on ne traduit que quelques essais : Célébrations (publié en 1999 et traduit en 2010) et Journal extime (publié en 2002 et traduit en 2009).
Réception avant 1989
7Il faut noter que la réception de l’œuvre de Michel Tournier en Roumanie suit le même paradigme que la réception de la culture française en Roumanie, en fonction de l’évolution de la situation culturelle et historique du pays. Néanmoins, la réception de son œuvre connaît certains paradoxes. Tout d’abord, nous ne retrouvons aucun renvoi à Michel Tournier dans les Histoires de la littérature française17 et les Dictionnaires des auteurs français18, des années 1970-1980 que nous avons consultés. De même, nos recherches n’ont révélé aucune mention de son nom dans les chroniques littéraires et les périodiques d’avant 1990. S’agit-il d’un écrivain qui n’est pas encore reconnu ou est-il trop incommode pour la censure communiste d’avant 1989 ?
8Les versions roumaines des romans de Tournier parues pendant l’époque communiste (Vineri sau limburile Pacificului/Vendredi ou les limbes du Pacifique et Picatura de aur/La Goutte d’or) sont publiées, la première en 1978, après une période de libéralisation19 et d’ouverture (1964-1971) et la dernière en 1989 à une période de forte censure.
9À l’époque communiste, les traductions des auteurs étrangers provenant de l’espace occidental sont soit interdites, soit censurées, car le modèle culturel de référence reste le modèle soviétique. La censure20 revêt différentes formes : une censure partielle où on élimine un passage incommode d’un texte, une censure plus élaborée par une traduction sélective, le refus d’éditer certains textes et l’interdiction totale d’autres. Parfois, les éditions des œuvres étrangères circulent en photocopie. La censure élimine des mots ou des passages entiers des livres dont les sujets sensibles sont bannis par le système : des références à la religion ou à l’érotisme, des éloges du système capitaliste et des critiques du socialisme, des mots évoquant des biens inexistants dans le communisme.
10Or, dans les deux romans de Tournier publiés en traduction avant 1989, les paragraphes dont la thématique renvoie à celle interdite par le communisme ne sont pas censurés. Ainsi les références à la religion, pour n’en citer que quelques-unes, restent intactes dans la traduction du roman Vendredi ou les limbes du Pacifique21 : « démiurge » (p. 15), « scepticisme » (p. 15), « faim » (p. 15), des citations entières de l’Évangile (p. 38, 39, 43, 195, 198, 199). Nous retrouvons également des renvois à l’homosexualité de monsieur Mage « l’image d’un pédophile » (p. 163) et au monde capitaliste (« McDonalds ») dans la traduction du roman La Goutte d’or.
11Toutefois, dans la préface du roman Vineri sau limburile Pacificului, il y a une subtile critique à l’adresse de la société de consommation, peut-être un moyen de tromper la vigilance des censeurs et de garder le texte du roman intact :
Est-ce l’aventure du nouveau Robinson, l’aventure prémonitoire de l’humanité actuelle, attirée de plus en plus par le mirage de la science qui confère du confort, de la société de consommation, sans se rendre compte, qu’elle perd, peu à peu sa maturité et l’élévation de l’esprit22 ?
Réception après 1989
12Après 1989, la démocratie impose un autre modèle culturel dans la société postcommuniste, un modèle de type anglophone. Dans cette période marquée par une récupération assidue des grands auteurs étrangers, le français est relégué à la deuxième place. Toutefois, Michel Tournier reste un écrivain de marque, surtout pour les écrivains et critiques littéraires roumains. Nombre de ses œuvres sont rééditées23 et d’autres sont publiées pour la première fois, mais le rythme soutenu des traductions publiées dans les années 1990 s’affaiblit dans la dernière décennie24.
13Considéré comme un des écrivains qui méritent le prix Nobel, Tournier incarne une référence pour le monde littéraire roumain. Lors de l’attribution du prix Nobel en 2008, Nicolae Manolescu, important critique roumain affirme : « […] mon favori parmi les Français était Tournier25 ». Alexandru Calinescu ajoute : « Le Clézio ne méritait pas le prix, il n’est pas un grand écrivain, et il n’est pas juste qu’il le reçoive à un moment où la France a Michel Tournier26 ». C’est aussi le sentiment d’autres critiques, telle Adriana Bittel, qui considère que le prix Nobel accordé à Günter Grass, en 1999 peut « faire injustice à des écrivains d’une valeur au moins similaire27 », tel Michel Tournier. L’académicien Eugen Simion fait, lui-aussi, l’éloge de Michel Tournier : « Lorsque j’ai lu Le Roi des aulnes, j’ai eu le sentiment qu’après la génération de Céline et de Malraux, il sera le grand prosateur de la France28. »
14Par ailleurs, le succès de l’écrivain s’explique aussi par la généalogie, voire la parenté littéraire à laquelle il est rattaché par la critique littéraire autochtone. Postmoderne29 par définition, il fait désormais partie de la famille de « créateurs de chefs-d’œuvre30 » (tels W. Faulkner, E. Hemingway, H. Hesse, Th. Mann, M. Yourcenar, G. G. Marquez, sans oublier les noms de Barthes, Pynchon, Umberto Eco, Nabokov) et de la « génération qui s’est formée dans l’esprit de l’intertextualité de Genette31 ».
15Néanmoins, la recette de Tournier et son succès en France semblent facilement discernables pour la critique littéraire roumaine. Celle-ci souligne le retour à l’épique à une époque qui l’avait oublié, dominée par un formalisme exagéré pratiqué par les représentants du Nouveau Roman comme le moyen infaillible pour se faire remarquer. La conjoncture dans laquelle évolue Tournier lui est aussi « favorable », car le retour à la fiction et la réécriture postmoderne commencent à être des pratiques à la mode32. Par ailleurs, l’exploration et la réécriture des grands mythes représentent des atouts qui garantissent le succès de l’écriture tourniérienne.
16Tournier est perçu en Roumanie surtout comme l’auteur des deux Vendredi. L’interprétation de la réécriture dans son œuvre met en valeur l’originalité de l’écrivain par rapport à ceux qui ont exploité le mythe de Robinson avant lui (Rogers, Defoe). Radu Sergiu Ruba déchiffre la nouveauté de la version de Tournier dans la mise au premier plan de la figure de Vendredi et dans la conclusion du livre :
Le sens ultime du roman Vendredi ou la vie sauvage est celui que, en réalité, la mentalité européenne ou n’importe quelle mentalité, transplantée dans des pays étrangers à elle-même et essayant de s’y imposer, atteint rapidement ses limites, et si elle devient excessive, elle échoue33.
17Il est pourtant intéressant de noter que les préférences du public et celles des spécialistes ne concordent pas toujours. Ainsi, même si le recueil de nouvelles Le Coq de bruyère connaît un très grand succès public et le plus grand nombre de rééditions, les critiques apprécient davantage Tournier en tant que romancier.
18La revue de presse spécialisée évoque, lors de la parution de Cocosul rosu/Le Coq de bruyère en 1999, un livre « médiocre, d’une médiocrité choquante pour un auteur comme Michel Tournier34 », caractérisé par un « didactisme agaçant », selon Andrea Deciu :
Quelques-uns des plus beaux textes du Coq de bruyère sont interrompus par des interventions de l’auteur qui insiste pour expliquer la technique utilisée, attirer l’attention sur les symboles, commenter une construction importante ou plus subtile35.
19Il semble, d’après l’auteur, que Tournier n’a pas confiance en ses lecteurs. Par un souci pour la lisibilité de ses messages il ressent le besoin de s’expliquer, technique discernable tant dans les romans, que dans les nouvelles.
20Force est de constater que le recueil de nouvelles Le Coq de bruyère a un accueil mitigé de la part de la critique. Outre la récurrence des analyses, en témoigne aussi Geo Vasile qui choisit, pour son ouvrage Lumea in 80 de carti. Dictionar de literatura straina36 [Le monde en 80 livres. Dictionnaire de littérature étrangère], de prendre pour exemple de l’œuvre de Tournier son recueil Le Coq de bruyère. C’est d’après lui, le plus représentatif de son œuvre, « pièce de résistance, dramatique, ironique37 » écrite dans un style flaubertien, dont les motifs et thèmes sont « récurrents et dominants dans l’œuvre de l’auteur français38 ». Il identifie le thème du double et de la gémellité, les types de reproduction de la réalité (spéculaire, artistique, photographique), les personnages qui renvoient à des typologies psychanalytiques, tout en qualifiant Tournier d’héritier de Daudet, Maupassant, Saint-Exupéry et Fournier, dans sa présentation « émouvante » et « ironique » de « l’imaginaire enfantin39 ».
21La traduction du volume Le Coq de bruyère (Cocosul rosu) constitue un exemple singulier d’un autre point de vue aussi. Même si la traduction des titres reste, pour la plupart d’entre eux, fidèle aux originaux, Le Coq de bruyère en représente l’exception. Les circonstances du choix du titre de cette nouvelle qui a retenu l’attention des éditeurs plus qu’une autre, se révèlent assez intéressantes. Dans un premier temps, le titre s’avère difficilement traduisible, selon l’aveu de son premier éditeur. Confronté à une difficulté de traduction en roumain, le comité de rédaction décide de choisir le titre d’une nouvelle comme titre du recueil. Parmi les deux options, Fata si moartea (La jeune fille et la mort) est proposée par le rédacteur du livre, parce que c’est « la nouvelle la plus forte et la mieux articulée du livre40 », mais Piticul rosu (Le Nain rouge) a gain de cause, car la connotation « rouge » communiste représente encore une véritable astuce pour mieux vendre le livre, dix ans après la chute du communisme. Le titre du volume change à nouveau dans les rééditions ultérieures : Fata si moartea/Le jeune fille et la mort en 2004 et à nouveau Piticul rosu/Le Nain rouge en 2006, lorsque le livre est vendu pour la première fois en Roumanie avec un journal. La décision de revenir à la traduction initiale du titre est soutenue par une stratégie de marketing qui considère le mot « mort » comme difficilement vendable.
22Dans sa réception en Roumanie, nous remarquons aussi l’incidence des références à Tournier en tant qu’académicien Goncourt, surtout lors de l’attribution du prix Goncourt. Paradoxalement, en 1995, Michel Tournier est encore considéré comme un « romancier […] peu connu » par le grand public en Roumanie, à part quelques excellentes traductions, à l’heure où il est en France très célèbre, presque « populaire41 ». Une explication possible pour ce manque de notoriété est fournie par Eugen Simion :
[…] la substance spéciale de sa prose (l’univers des complexes sexuels, « les anormalités » du comportement humain, les goûts particuliers, etc.) et le fort caractère d’essai du discours épique l’empêche, j’ai l’impression, de dépasser un certain degré de réceptivité dans la conscience du public42.
23De même, son goût pour le « tragique dérisoire des choses », « les coïncidences suspectes », « les alliances perverses dans la nature » rendent son écriture « ambigüe » et, en même temps, lui confèrent « une nouvelle dimension » où domine la concupiscence43. Les risques qui en découlent sont d’« être considéré comme trop bizarre, beaucoup trop provocateur, programmatique (et par cela suspect), paradoxal44 ».
24Les autres œuvres tourniériennes ne connaissent pas le même nombre de critiques que le recueil Le Coq de bruyère. Si Gilles et Jeanne [Fecioara si capcaunul/La jeune fille et l’ogre] constitue « une intéressante représentation de la fuite de la vérité, d’une vérité interdite aux projections sociales, mais nourrie par les anatomies encore cachées de l’âme45 », Gaspard, Melchior et Balthazar rend compte de ce que Adrian Majuru46 qualifie de « l’adaptation à la chute, dans laquelle aucune amélioration n’est possible ». C’est, selon le critique, une illustration du sort de « l’homme nouveau » qui finit par être « si docile, manipulable et diminué qu’une éventuelle récupération de la liberté ne peut plus l’améliorer47 ». C’est toujours Adrian Majuru qui, dans l’article « Michel Tournier – Mytoscriptor amoris », qualifie l’écrivain français de « véritable mythographe de l’érotisme », dont le grand mérite est d’avoir introduit dans la littérature roumaine « des concepts tabous tant par définition, que surtout par leur représentation littéraire48 […]. » Le critique entreprend une analyse du paradigme de l’érotisme sur divers paliers : « Căutările milenare ale lui Adam » [« Les recherches millénaires d’Adam »], « Fratele meteoritic » [« Le frère météoritique »], « Copilăria ca maturitate nedecriptată » [« L’enfance comme maturité chiffrée »], « Așteptările milenare ale Evei » [« Les attentes millénaires d’Eve »].
25Tournier est perçu par les critiques roumains comme un « prosateur avec un parcours philosophique, très inventif, un essayiste, décidé presque toujours à fuir le modèle épique traditionnel49 », un « spécialiste en euphorie50 », doté du « sens du paradoxe » et d’« une ironie intelligente », comme le démontre son Journal extime. Cristina Modreanu fait l’éloge du style de l’écrivain qui va au cœur des choses : « Il y a eu et il y aura toujours, je crois, des auteurs comme Michel Tournier, ou Christian Bobin, ou Patrick Grainville […], qui vont continuer à questionner les racines de l’essentiel dans un langage somptueux51. »
26 Le Journal extime est considéré par l’académicien Eugen Simion comme un « anti-journal », dans l’esprit des Antimémoires de Malraux, car les fragments ne sont pas aussi « impersonnels » que le veut l’écrivain. Il qualifie également son écriture de « taciturne », par opposition à l’« écriture publique52 », car il implique un travail en vue de la publication :
Le résultat visible est minime : le journal anti-journal, « boude » certaines clauses du journal intime, mais pas celles qui sont essentielles. Il évite une série de riens quotidiens, il ne fait pas la chronique de l’intériorité (ce qui joue en sa défaveur, mais présente une autre série d’insignifiances, comme : les goûts particuliers, les coïncidences suspectes, les concupiscences, « les alliances perverses » dans la nature (y compris la nature humaine), les rencontres miraculeuses dans le monde végétal et dans l’existence de l’individu, bref, il traduit l’insolite, l’imprévu, le paradoxal dans la vie de tous les jours53.
27La relation qu’entretient Tournier avec son traducteur roumain de choix, Radu Sergiu Ruba, s’inscrit elle-aussi dans la réception de son œuvre en Roumanie. Ecrivain, poète, journaliste, traducteur54 de Vendredi ou les limbes du Pacifique, du Journal extime, il réalise aussi des entretiens avec Michel Tournier, étant lui-même mentionné dans le Journal extime55. Par ailleurs, ce qui rend toute la mesure et la hardiesse de l’entreprise de Radu Sergiu Ruba est le fait d’être non-voyant56.
28L’évocation de sa première rencontre avec l’écrivain français surprend par son aspect inédit et l’émotion qui s’en dégage. À l’occasion du Prix du Ministère des Affaires Étrangères que sa nouvelle Un Complet à Rayures Fines57 reçoit, Radu Sergiu Ruba est invité au Festival de la Nouvelle de Saint-Quentin et on lui demande de proposer une liste de trois écrivains qu’il désire rencontrer. C’est le moment où il fait la connaissance de Michel Tournier : « Deux de ceux que j’ai proposés se sont excusés sous divers prétextes, pas Michel Tournier. C’est ainsi, que je l’ai connu, dans son presbytère de Choisel, dans la vallée de Chevreuse, le 26 avril 199458. »
29C’est en expliquant59 les raisons pour lesquelles il avait choisi de traduire Michel Tournier, que Radu Sergiu Ruba synthétise le mieux les grandes qualités d’écrivain de celui-ci, dont les choix personnels font une figure à part dans le paysage littéraire. En dépit de la modestie assumée de son nom, qui lui vaut des confusions ridicules avec un boucher de Bourgogne ou bien un footballeur de Dijon, Michel Tournier reste « un personnage hors du commun60 ». En témoignent ses choix de vie : Radu Sergiu Ruba remarque le courage de Tournier, prêt à partir en Allemagne en 1949, dans un pays ravagé par la guerre. C’est le geste symbolique d’« un intellectuel qui a fait ce que peu d’autres ont osé faire61 », représentant un premier pas vers la construction de l’Europe d’aujourd’hui : « Si jamais cette Europe se brise, il en restera, comme un menu, mais pénétrant rayon, l’option de Tournier pour Tübingen62. » Par ailleurs, selon Radu Sergiu Ruba, « toute la littérature de Michel Tournier est traversée par un regard philosophique63 » qui transforme les choses et par cette relation particulière que l’écrivain entretient avec les mythes. Ainsi :
[…] les arbres ont entre eux des disputes et des réconciliations, une fois déracinés semblent des œuvres sculpturales abstraites, les animaux suivent dans leur mobilité des rythmes et des rituels invisibles, les tapis se décolorent à cause des piqûres « frappures64 » des rayons de soleil, les visages des gens envoient vers des profondeurs ou des hauteurs insoupçonnables à première vue65.
30Par son exploitation particulière des mythes, une histoire change complètement de signification et dévoile un contenu plus divers et provoquant, selon Radu Sergiu Ruba :
Tous sont racontés initialement d’une manière tranquille et classique, jusqu’au moment où, soudainement, le mythe connu produit de lui-même un tourbillon qui le projette dans une autre direction – voir le cas de Vendredi dans ses deux romans66.
31Par ailleurs, l’œuvre de Michel Tournier ne reste pas sans écho dans le milieu académique roumain. De nombreux articles et monographies ont été publiés sur son œuvre. Les recherches universitaires67 qui traitent des thèmes consacrés de l’œuvre tourniérienne tels les mythes, le signe, l’inversion, la déconstruction, n’y manquent pas. Citons par exemple la thèse d’Ana-Tatiana Fluieraru, qui entreprend une analyse de l’œuvre de Michel Tournier, en partant des prémisses selon lesquelles « l’inversion et l’altération rendent compte du projet existentiel de l’auteur68 ». Elle prouve qu’en dépit de l’étiquette de « traditionaliste », que l’écrivain lui-même et certains de ses exégètes appliquent à son œuvre, son projet romanesque est profondément postmoderne et que « l’inversion se retrouve à tous les niveaux de l’œuvre, celui conceptuel et thématique, mais aussi dans ses couches superficielles69 ». D’après l’auteur, « le projet romanesque de Michel Tournier repose, […], plus sur une réflexion philosophique que sur le mythe70 », le mythe n’étant « qu’une interface » pour « faire passer la philosophie dans le roman71 ».
32De son côté, Maria Grigoriu, dans L’écriture et son double72, affirme que « l’ambigüité, l’ambivalence, restent les traits essentiels de cette écriture postmoderne à laquelle il ne manque pas toutefois les ingrédients du roman traditionnel73 ».
33Pour compléter le paysage critique de l’œuvre de Tournier, nous signalons aussi les parallèles que les critiques roumains soulignent entre l’œuvre de Michel Tournier et celle d’autres écrivains roumains. Ainsi, nous retrouvons « l’humour noir » chez Negruzzi, Arghezi, Calinescu, et l’empreinte postmoderne, les expériences imaginatives et sensorielles, la réécriture des mythes74 chez Mircea Cartarescu. Nicolae Manolescu identifie chez ce dernier les traces d’une « sexualité obscure et flamboyante, libre et interdite75 », « un fantastique hyperréaliste, […] l’onirique, les visions cosmiques, les obsessions sexuelles et une symbolique sophistiquée76. »
34Il n’est pas rare qu’on attribue à Tournier des parentés littéraires avec des écrivains roumains postmodernes. Ainsi, dans son ouvrage Istoria critica a literaturii romane. 5 secole de literatura77 (L’Histoire critique de la littérature roumaine. Cinq siècles de littérature), le critique Nicolae Manolescu dresse une parallèle entre les romans de Gabriel Chifu, poète et romancier appartenant à la génération des postmodernes des années 1980 et l’écriture de Michel Tournier :
Le mélange de fantaisie et de réalisme politique existe dans Le rêve de l’enfant, où par contre l’aspect d’allégorie et de conte est plus saisissante que n’importe où. Quelques-uns des plus célèbres romans du monde, au carrefour des siècles, comme ceux de Salman Rushdie ou Haraki Murakami, et avant eux ceux de Michel Tournier, ont cette nature mixte. La seule condition de la réussite est l’excès de réalisme, tout comme l’excès d’imagination78.
35En guise de conclusion, nous pouvons remarquer que dans sa réception en Roumanie, Tournier est d’abord perçu comme un écrivain postmoderne innovant. Son côté d’académicien Goncourt ressort moins.
36Quasi inconnu durant l’époque communiste, tant pour le grand public que pour la critique littéraire, son œuvre connaît une large diffusion après 1989. Néanmoins, en dépit du grand nombre de traductions et l’admiration que suscite Michel Tournier dans les milieux littéraires (il est considéré comme un écrivain nobélisable), le grand public n’en a qu’une connaissance partielle.
Bibliographie
Annexe bibliographique
Œuvres de Michel Tournier traduites en roumain (par ordre chronologique)
Vineri sau limburile Pacificului [Vendredi ou les limbes du Pacifique (1967)] – 1978, Ed. Univers, traduit par Ileana Vulpescu, préface par Micaela Slavescu, 1997, Ed. Univers.
Picătura de aur [La Goutte d’or (1989)], Éd. Univers ; 2003, Polirom ; 2011, RAO ; traduit par Bogdana Savu Neuville.
Gilles si Jeanne – [Gilles et Jeanne (1983)] – 1992, Éd. Moldova, traduit par Elsa Grozea ; Fecioara şi căpcăunul, [La Jeune Fille et l’ogre], 2004, Polirom, traduit par Tereza Culianu-Petrescu.
Amanţii taciturni – [Le Médianoche amoureux (1985)] – 1992, Éd. Univers, traduit par Bogdana Savu Neuville.
Gaspard, Melchior & Balthazar [Gaspard, Melchior et Balthazar (1980)] – 1993, Éd. Babel, traduit par Mihaela Voicu ; 2003, Éd. Polirom, traduit par Mihaela Voicu.
Meteorii [Les Météores (1975)] 1995, Éd. Univers, traduit par Irina Badescu ; 2004, Éd. Univers, traduit par Irina Badescu, coll. « Romanul secolului XX ».
Regele arinilor [Le Roi des aulnes (1970)] 1996, Éd. Univers, traduit par Bogdana Savu Neuville, postface par Ion Manolescu/2003, Éd. Univers, coll. « Romanul secolului XX », 2011, Éd. RAO, traduit par Bogdana Savu Neuville.
Vineri sau viaţa salbatică [Vendredi ou la vie sauvage (1971)] 1999, Éd. Univers, traduit par Radu Sergiu Ruba ; 2008, Ed. Humanitas, coll. « Cartea de pe noptieră », traduit par Radu Sergiu Ruba.
Piticul roşu [Le Coq de bruyère (1978)] – 1999, Univers, traduit par Emanoil Marcu ; Fata si moartea, 2004, Univers ; Piticul rosu 2006, Univers.
Jurnal extim – [Journal extime (2002)] – 2009, Humanitas, traduit par Radu Sergiu Ruba. Celebrări – [Célébrations] (1999) – 2010, Humanitas, traduit par Bianca Rizzoli.
Traducteurs et œuvres traduites
Bogdana Savu Neuville, Amanţii taciturni (1992), Regele arinilor (1996), (2003), (2011), Picătura de aur (1989), (2003), (2011).
Radu Sergiu Ruba, Vineri sau viaţa salbatică, 1999, Jurnal extim, 2009.
Emanoil Marcu, Piticul roşu (1999), (2006), Fata şi moartea (2004).
Mihaela Voicu, Gaspar, Melchior & Baltazar, 1993, 2003.
Ileana Vulpescu, Vineri sau limburile Pacificului, 1978, 1997.
Irina Badescu, Meteorii, 1995, 2004.
Elsa Grozea, Gilles et Jeanne, 1992.
Tereza Culianu Petrescu, Fecioara şi căpcăunul 2004, 2010.
Bianca Rizzoli, Celebrări, 2010.
Entretiens
Ruba Radu Sergiu,
« Paradisul si infernul se apără »/« Le paradis et l’enfer se défendent », România literară/La Roumanie littéraire, no 49, an 37,14-20 decembrie 2004, p. 16-18.
« Michel Tournier între mituri și documente »/« Michel Tournier entre mythes et documents », România literară/La Roumanie littéraire, an 33 (no 37), 20-26 sept. 2000, p. 20-21.
« Arborele unei genealogii literare »/« L’Arbre d’une généalogie littéraire », in Dialoguri si eseuri/Dialogues et essais, Ed. Muzeul Literaturii Române, 2001, p. 29-41.
Notes de bas de page
1 Ruba R. S., « Arborele unei genealogii literare » [« L’arbre d’une généalogie littéraire »] – dialogue avec Michel Tournier, Choisel, 26 avril 1994, in Dialoguri si eseuri/[Dialogues et essais], Ed. Muzeul Literaturii Române, 2001, p. 29-41 : « mi-am dat seama ca nu exista în lume altă ţară mai apropiată de Franţa, ca România. » Notre raduction du roumain. Nous tenons à exprimer toute notre gratitude envers M. Radu Sergiu Ruba pour l’amabilité avec laquelle il a répondu à nos questions et pour toutes les informations fournies.
2 Voir en ce sens Influenţa franceză asupra spiritului public în Romania : originile : studiu asupra stării societătii româneşti în vremea domniilor fanariote/Pompiliu Eliade ; traducere din franceză de Aurelia Dumitraşcu. – Ediţia a II-a integralăşi revazuta. [De l’Influence française sur l’esprit public en Roumanie, Les origines], Ernest Leroux, Libraire-éditeur, Paris [1re édition 1898].
3 Tout comme l’architecture, la mode et les institutions politico-sociales. Voir pour plus de détails Badescu I., Bercescu S., Covaci V., [et al.], coord. Ion A., La littérature française dans l’espace culturel roumain, Universitatea din Bucuresti, Facultatea de Limbi si Literaturi Straine, 1984.
4 Boia L., « Sur la diffusion de la culture européenne en Roumanie (XIXe siècle et début du XXe siècle) », inTurcanu F. (coord.) : Modèle français et expériences de la modernisation. Roumanie, XIXe-XXe siècles ; [Modelul francez si experienţele modernizării. România, secolele 19-20], Avant propos et coordination de l’édition/Cuvânt înainte Şi coordonarea ediției, Florin Ţurcanu, Institutul Cultural Roman, Bucuresti, 2006, p. 16.
5 Ruba R. S., Michel Tournier între mituri si documente ; [Michel Tournier entre mythes et documents], România literară, an 33, no 37, 20-26 septembre 2000, p. 20-21.
6 Ruba R. S., « Arborele unei genealogii literare » [« L’arbre d’une généalogie littéraire »], op. cit.
7 Ce décalage est parfois assez important. Ainsi, Vendredi ou les limbes du Pacifique apparaît en Roumanie en 1978 (en France en 1967), Le Roi des aulnes en 1996 (1970 en France), Vendredi ou la vie sauvage en 1999 (1971 en France) ou Les Météores en 1995 (1975 en France).
8 Le contact avec les traducteurs et les éditeurs s’avère indispensable par les informations fournies sur le choix de traduire l’œuvre de Michel Tournier (la motivation de traduire Michel Tournier, quel ouvrage et la traduction du titre), l’expérience technique de la traduction (difficulté de style, des termes intraduisibles, la fidélité envers le texte traduit, la traduction comparative avec des versions dans d’autres langues), le travail de documentation lié au contexte de l’apparition du livre et de l’image de l’écrivain en France/en Roumanie, l’expérience de la traduction de l’œuvre de Michel Tournier comparée à celle d’autres écrivains français, le taux de censure pour les ouvrages parus avant 1989, la relation personnelle du traducteur avec l’écrivain.
9 Gaspard, Melchior & Balthasar (le même titre) 1993, Babel Bucureşti, 2003, Polirom, 2010, RAO.
10 Le Coq de bruyère – 1999, Univers, Piticul roşu ; [Le Nain rouge] ; 2004, Univers, Fata şi moartea [La jeune fille et la mort] ; 2006, Univers, Piticul rosu.
11 La Goutte d’or – Picătura de aur ; [La Goutte d’or] – 1989, Univers ; 2003, Polirom ; 2011, RAO.
12 Regele arinilor ; [Le Roi des aulnes (1970)] 1996, Ed. Univers, traduit par Bogdana Savu Neuville, postface par Ion Manolescu/2003, Éd. Univers, coll. « Romanul secolului XX », 2011, Ed. RAO, traduit par Bogdana Savu Neuville.
13 Gilles et Jeanne – Fecioara şi căpcăunul [La jeune fille et l’ogre] – 2004, Polirom, 2010, RAO.
14 Les Météores ; [Meteorii], 1995, Univers, 2004, Univers.
15 Vendredi ou les limbes du Pacifique – [Vineri sau limburile Pacificului], 1978, Univers, 1997, Univers.
16 Vendredi ou la vie sauvage – [Vineri sau viaţa sălbatică] – 1999, Univers, 2008, Humanitas.
17 Ion A. (coord.), Histoire de la littérature française, Bucuresti, Ed. Ştiinţifică şi Pedagogică, 1982 ; Ion A. (coord.), Brăteanu E., L. Ciuchindel L., E. Gorunescu E., Literatura franceză : dicţionar istoric critic [La littérature française : dictionnaire historique critique], Ed. Ştiințifică şi Enciclopedică, 1982.
18 Ion A. (coord.), Bădescu I., Bratu S., Brăescu I., Scriitori francezi : mic dicţionar [Écrivains français : petit dictionnaire], Bucureşti, Éd. Ştiințifică şi Enciclopedică, 1978.
19 Par la Déclaration d’avril 1964, la Roumanie proclame son indépendance face à Moscou et à sa politique et s’ouvre davantage vers l’Occident, avec des effets positifs pour la culture.
20 Voir en ce sens Troncota T., România comunistă. Propaganda şi cenzura, Bucuresţi, Ed. Tritonic, 2000 et Manolescu N., « Cenzura veselă », in Adevărul literar şi artistic, 15 iulie 2011.
21 Vineri sau limburile Pacificului, traducere de Lupescu I., prefața de Slavescu M., Éd. Univers, coll. « Globus », 1978, 282 p., publié dans un tirage de 40 000 exemplaires.
22 Préfacé par Slavescu M., Vineri sau limburile Pacificului, op. cit., p. 8. : « Să fie, aventura noului Robinson, aventura premonitorie spirituală a omenirii actuale, cucerită din ce in ce mai mult de mirajul ştiinţei datatoare de confort, a societatii de consum care, fara sa-si dea seama, isi pierde, incetul cu incetul, barbatia si elevatia spiritului ? » Notre traduction du roumain.
23 Beaucoup de rééditions (9 sur 22)/volumes d’essais (2 sur 15). La maison d’édition Univers, qui avait acquis les droits de traduction de l’œuvre de Tournier, a publié la grande majorité des titres : Le Médianoche amoureux/Amanţii taciturni, Le Roi des aulnes/Regele arinilor, Vendredi ou les limbes du Pacifique/Vineri sau limburile Pacificului, Vendredi ou la vie sauvage/Vineri sau viața sălbatică, La Goutte d’or/Picătura de aur, Les Météores/Meteorii, La Jeune Fille et la mort/Fata și moartea.
24 Deux titres en 2011, Le Roi des aulnes/Regele arinilor, La Goutte d’or/Picătura de aur, deux en 2010 Gilles et Jeanne/Fecioara şi căpcăunul, Gaspar, Melchior & Balthasar et aucun en 2009.
25 Manolescu N., « Nobel », Adevărul literar şi artistic, 13 octombrie 2008.
26 Calinescu A., « Nobel, eterna poveste »/« Nobel, l’éternelle histoire », Dilema Veche, no 244, 16 oct. 2008 : « Le Clézio nu merita premiul, nu e un mare scriitor, si nu e drept să-l primească intru-un moment când Franța îl are pe Michel Tournier. » (Notre traduction du roumain.)
27 Bittel A., « Premiul Nobel pentru literatură : o poveste lungă »/« Le prix Nobel pour la littérature : une longue histoire », România literară, no 41, 1999.
28 Simion E., « L’Anti-journal d’un disciple du réel – Michel Tournier », in Fragmente critice, Caiete critice, no 7, iulie 2004, p. 5.
29 Căraus T., « Un nume de apãrat »/« Un nom à défendre », Romania literara, no 5, 2005.
30 Lasconi E., « Cât de mult îl iubim pe Julio »/« Combien nous aimons Julio », România literară, no 36, 2009.
31 Manolescu N., « Marquezianul Thomas Mann »/« Le Marquezian Thomas Mann », România literară, no 29, 2010.
32 Jipa D., « Michel Tournier. Fecioara si căpcăunul »/« Michel Tournier. La jeune fille et l’ogre », Observatorul Cultural, An. 5 Nr. 24212 – 18 oct. 2004, p. 23 ; Deciu A., « Povestitorul singuratic »/« Le conteur solitaire », România literară, no 1, 12-18 ianuarie 2000, p. 19.
33 Ruba R. S., préface à M. Tournier, Vineri sau viaţa salbatică, op. cit., p. 17. : « Sensul de căpătâi al romanului Vineri sau viata salbatica este acela că, în realitate, mentalitatea europeană sau oricare alta, transplatată pe meleaguri străine sieşi şi încercând să se impună acolo, îşi atinge destul de repede limítele, iar dacă devine excesivă, ea eşuează. » Notre traduction du roumain.
34 Voir en ce sens Deciu A., « Povestitorul singuratic »/« Le conteur solitaire », art. cit., p. 19.
35 Ibid., « Unele dintre cele mai frumoase texte din Piticul roşu au sincope produse de intervenţia autorului care insistă să explice tehnica folosită, să atragă atenţia asupra simbolurilor, să comenteze asupra unei construcţii importante sau mai subtilă. » Notre traduction du roumain.
36 Vasile G., Lumea in 80 de carti, Dictionar de literatura straina, [Le monde en 80 livres. Dictionnaire de littérature étrangère], Fundația Culturala Libra, Bucuresti 2003, p. 365.
37 Ibid., p. 368
38 Ibid., p. 365.
39 Ibid., p. 367.
40 Entretien du 7 mai 2011 avec Mme Diana Crupenschi, directrice éditoriale de la maison d’édition Univers. Nous tenons à la remercier pour toutes les informations fournies.
41 Badescu I., postface pour Meteorii, Univers, 1995, Bucuresti, p. 435. Notre traduction du roumain : « […] un romancier încă puțin cunoscut la noi, prin câteva (de altminteri excelente) traduceri, dar foarte celebru, aproape popular in Franta ».
42 Simion E., op. cit., p. 5. Notre traduction du roumain : « Substanţa specială a prozei sale (universul complexelor sexuale, “anormalităţile” comportamentului uman, gusturile particulare etc.) şi caracterul accentuat eseistic al discursului epic îl impiedică, am impresia, să treacă peste un anumit grad de receptivitate in conştiinţa publicului. »
43 Ibid., p. 8.
44 Idem.
45 Majuru A., « Adolescentul androgin », in Cultura, anul I, no 38, 1-7 decembrie 2004, p. 7. « Interesanta reprezentare a fugii de adevăr, de un adevăr interzis proiecţiilor sociale, dar hrănit de anatomiile incă tăinuite ale sufletului. »
46 Majuru A., « Împăcarea imaginii cu asemănarea », in Cultura, anul I, no 39, 8-14 decembrie 2004, p. 6.
47 Idem., « La fel s-a intâmplat şi cu omul nou. Ajunge să fie atât de obedient, manipulabil si redus incât o eventuală revenire a libertăţii nu-l mai poate ameliora. »
48 Majuru A., « Michel Tournier – Mytoscriptor amoris », Cultura, anul I, no 40, 15-21 decembrie 2004, p. 6. « veritabil mitograf al erotismului – […] a basculat in beletristica romaneasca concepte tabu atat prin definire, cat mai ales prin reprezentare literară… » Notre traduction du roumain.
49 Simion E., op. cit., p. 5. « Un prozator cu pregătire filozofică, foarte inventiv, un eseist, mai totdeauna hotărât să fugă de modelul epicii tradiţionale. »
50 Idem.
51 Modreanu C., « Încotro se indreaptă romanul francez » [« Quelle voie pour le roman français »], Însemnări ieșene, anul I, no 2, decembrie 2004, p. 32. « Au existat si vor exista mereu, cred, autori ca Michel Tournier, sau Christian Bobin, sau Patrick Grainville […], care vor continua să chestioneze rădăcinile esenţialului într-un limbaj somptuos. »
52 Selon les termes de Tournier dans Des Clefs et des serrures, Paris, Chêne/Hachette, 1996.
53 Simion E., op. cit., p. 10. « Rezultatul vizibil este minim : jurnalul anti-jurnal, « budeaza » unele clauze ale jurnalului intim, dar nuu pe cele esentiale. Evită un şir de nimicuri cotidiene, nu face cronica interiorității (ceea ce este în defavoarea lui), dar aduce în pagină altă serie de insignifiante, cum ar fi : gusturile particulare, coincidenţele suspecte, concupiscenţele, “aliantele perverse” din natură (inclusiv din natura umană), intâlnirile miraculoase din lumea vegetală şi din existenţo individului, în fine, transcrie insolitul, neprevăzutul, paradoxalul din viaţa de tóate zilele. »
54 Il a traduit également « La troisième femme » de Gilles Lipovetsky, plusieurs chapitres de Port Soudan d’Olivier Rolin.
55 Tournier M., Journal extime, traduit par Radu Sergiu Ruba, Humanitas, 2009, p. 96.
56 Étant non-voyant, les défis sont plus nombreux que pour un traducteur ordinaire de français. Pour la première traduction de 1999, il ne dispose pas de logiciels de reconnaissance vocale et est obligé à recourir à des astuces pour traduire le roman Vendredi ou la vie sauvage. Son épouse lit le roman et le fait enregistrer sur des cassettes. Par la suite, il écoute les cassettes, entouré par les seize volumes du Dictionnaire français-roumain en Braille. Il enregistre à son tour sur des cassettes chaque phrase qu’il écoute et traduit oralement en français. Ensuite le texte enregistré a été dicté à son épouse qui le tape à l’ordinateur. Le traducteur fait ses dernières corrections à partir de cette version. Selon l’entretien avec M. R. S. Ruba du 17 mai 2011
57 Publiée sous le titre Les Funérailles d’un Cochon, Paris, Ed. Sépiea, 1994.
58 Selon le texte inédit obtenu par la générosité de M. Radu Sergiu Ruba : « Cum l-am tradus pe Michel Tournier » [« Comment j’ai traduit Michel Tournier »]. Entretien du 17 mai 2011. Publié ultérieurement dans Luceafarul de dimineata, no 36, 19 octombrie 2011.
59 Idem.
60 Idem.
61 Idem.
62 Idem.
63 Idem.
64 En français dans le texte.
65 Ibid., « … arborii au intre ei dispute si reconcilieri, odată dezrădăcinaţi par opere sculpturale abstracte, animalele urmează în mobilitatea lor ritmuri si ritualuri invizibile, covoarele se decolorează din cauza împunsăturilor “frappures” razelor de luna, figurile oamenilor trimit către adâncimi sau înălţimi de nebănuit la prima privire. » Notre traduction du roumain.
66 Ibid., « Toate sunt repovestite iniţial tihnit şi clasic, până când, pe neasţeptate, mitul cunoscut produce din sine un turbion care-l proiectează în altă directie – vezi cazul lui Vineri si cele doua romane ale numelui său. » Notre traduction du roumain.
67 Goina-Eniu L.-V., Semnele poveştii şi povestea semnelor în opera lui Michel Tournier [Les signes du récit et le récit des signes dans l’oeuvre de Michel Tournier], teză de doctorat, Iaşi, 2010 ; Mitu M., Constructions et déconstructions de la signification dans le discours littéraire, Bucuresti, 2004 ; Penteliuc-Cotosman L., Structures de l’imaginaire dans l’œuvre de Michel Tournier, Timişoara, Universitatea de Vest, 2005.
68 Idem.
69 Ibid., p. 436-437.
70 Fluieraru T.-A., Michel Tournier ou la fluidité du monde. Étude sur l’inversion et l’altération dans l’œuvre de Michel Tournier, thèse de doctorat, (coordinateur : Mavrodin I.), université de Craiova. p. 17.
71 Ibid., p. 436.
72 Grigoriu M.-I., L’écriture et son double, Iasi, Junimea, 2001.
73 Ibid., p. 7.
74 Cartarescu M., Levantul, Bucuresti, Cartea Romaneasca, 1990.
75 Manolescu N., Istoria critică a literaturii române : 5 secole de literatură, op. cit. ; p. 1348 ; « intr-o sexualitate obscura si flamboianta, libera si interzisa ». Notre traduction du roumain.
76 Ibid., p. 1347 ; « un fantastic hiperealist, crescând in boule-de-neige pe parcursul naratiunii, oniricul, viziunile cosmice, obsesiile sexuale si o simbolistica sofisticată ».
77 Manolescu N., Istoria critică a literaturii române : 5 secole de literatură, Piteşti, Pararela 45, 2008.
78 « Amestecul de fantezie si de realism politic există şi in Visul copilului, unde însă aspectul de alegorie şi de basm e mai pronunţat decat oriunde înainte. Câteva dintre romanele cele mai celebre din lume, la răscrucea mileniilor, cum ar fie acelea ale lui Salmon Rushdie ori Haraki Murakami, iar mai înainte ale lui Michel Tournier, au acăsta natură mixta. Condiţia reuşitei este una singură : excesul de realism, ca şi de imaginaţie », p. 1315.
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