Penser la métaphore dans les textes d’Alfred Cortot : complexité et ambiguïtés d’une figure de style
p. 191-205
Texte intégral
1Si, aujourd’hui, Alfred Cortot est reconnu comme l’un des plus grands pianistes et pédagogues du XXe siècle1, il n’en demeure pas moins que ses écrits sont peu consultés et rarement mis à profit. Les transcriptions de ses cours d’interprétation2, les éditions de travail3 – et plus particulièrement les commentaires qui les agrémentent – ou les ouvrages consacrés à ses compositeurs favoris, sont considérés comme des objets présentant un intérêt historique indéniable, mais dépassés. Or, l’aspect suranné de ces divers écrits est en grande partie imputable au style littéraire du pianiste. La profusion d’images, l’utilisation immodérée de la métaphore, en constituent les traits les plus saillants. Pourtant, ce qui est le signe d’un vieillissement, d’une inadaptation aux modes de pensée actuels, est, selon nous, ce qui en fait aussi la richesse. Car cette approche linguistique de la musique ouvre une multiplicité d’interrogations sur le fonctionnement du langage lui-même et son rapport à l’objet sonore.
2Cependant, nous avons décidé, pour la question qui nous occupe, de ne pas prendre la voie a priori la plus évidente. Il ne s’agira donc pas d’interroger l’utilité – voire la légitimité – de la métaphore. Il ne s’agira pas non plus d’étudier la fonction et le statut du destinataire des discours de Cortot (le public, un élève pianiste, un lecteur idéal et abstrait), mais bien, dans un premier temps, de mettre au jour la complexité, voire l’ambiguïté de la relation entre les termes de la métaphore, ainsi que l’incertitude quant à leur identité même. En d’autres termes, l’objet de la métaphore, dont on suppose qu’il est toujours la musique, ou plus largement le phénomène musical, de même que l’élément auquel cet objet se voit implicitement comparé, semblent parfois échapper à une saisie immédiate. Cela nous amène ainsi à la seconde visée de cet article : examiner dans quelle mesure cette équivocité de la relation métaphorique peut être le signe d’une paradoxale autonomie – certes relative et limitée – de la musique et du texte.
Distinguer le littéral et le métaphorique : questionner une évidence
3Le premier problème auquel est confronté le musicologue, face aux textes d’Alfred Cortot, est de déterminer ce qui relève de la métaphore et ce qui n’en relève pas. En effet, si l’on se réfère aux conclusions que tire Marion A. Guck de l’examen de trois analyses musicales élaborées par Edward T. Cone (le Moment musical op. 94 no 6 de Schubert), Allen Forte (la Rhapsodie pour alto de Brahms), et Carl Schachter (la 2e Symphonie de Brahms), alors la métaphore est omniprésente4 dans les discours sur la musique (et ce, y compris dans des textes analytiques de musicologues peu enclins à l’usage de fioritures stylistiques), pour la simple raison que le vocabulaire technique lui-même trouve son origine dans une appréhension métaphorique du phénomène musical. La tentation est donc grande d’évaluer n’importe quelle locution sous l’angle de la métaphore. Or, ce n’est pas dans cette perspective que nous abordons les textes d’Alfred Cortot. Nous nous intéresserons exclusivement aux métaphores qui sont perçues comme telles par le lecteur, c’est-à-dire qui sont reçues comme figures de rhétorique, ornements littéraires, et qui, à ce titre, sont investies d’une puissance imaginaire.
4Pourtant, cette restriction minimaliste de notre champ d’investigation est loin d’être satisfaisante. Écarter la catachrèse5 ne suffit pas à circonscrire notre objet d’étude, et ce pour trois raisons. Premièrement, toute catachrèse peut, selon le contexte énonciatif, regagner une fonction sémantique qui va au-delà de la dénotation. Lorsque Baudelaire écrit : « [J]’entends alors comme dans le lointain les sons graves et profonds du hautbois6 », il est évident qu’il ne fait pas seulement référence au registre de l’instrument, mais aussi à son expressivité (ce qui est grave est solennel et sérieux). Deuxièmement, réduire la métaphore à ce qui est perçu comme tel apparaît non seulement hautement subjectif, mais aussi tautologique. Enfin, d’un point de vue strictement théorique, la définition même de la métaphore a subi, au cours des ans, de multiples amendements et métamorphoses. Certes, ce n’est pas le lieu, ici, de dresser un inventaire des avatars de cette figure de style. Il n’en reste pas moins que les réponses à nos interrogations varient selon les limites que nous assignons au domaine du métaphorique. Nous nous proposons donc d’apporter une réponse non pas tant théorique que pratique – et de ce fait, nécessairement partielle – en nous fondant sur l’étude de quelques exemples qui nous permettent de distinguer les sphères du littéral et du métaphorique.
5Nous prendrons comme point de départ la description et l’analyse que nous livre Cortot de « Pagodes », première pièce des Estampes de Debussy :
La première de ces pièces, Pagodes, pourrait n’avoir d’autre ambition que d’éveiller en nous l’idée d’un site et d’une architecture d’Extrême-Orient par l’emploi un peu conventionnel de sonorités et de modalités exotiques. Mais, par ce privilège évocateur propre à Debussy, dès les premières notes du rythme nonchalant quoique précis et sans langueur, qui brode le dessin menu de ses successions de quartes, tierces et secondes sur les tenues immobiles de l’accompagnement syncopé, ce n’est plus seulement cette sensation purement descriptive qui s’impose à notre esprit, mais, ainsi qu’on la subit en rêve, la nostalgie délicieuse de ces pays de lumière fine où s’accordent les rites doux et les danses traditionnelles, les fêtes des pêchers et les gestes rusés, patients et prémédités d’une civilisation raffinée7.
6Si l’on se réfère à la définition de la métaphore que donne Ricœur comme « rapprochement soudain entre des choses qui semblaient éloignées8 », alors la métaphore, dans le discours sur la musique, se fonde sur la mise en regard de deux objets hétérogènes : un objet musical, et un objet non musical. Si l’on s’en tient à cette thèse, on admettra que les « sonorités et modalités exotiques » doivent être comprises dans un sens littéral – l’exotisme étant, dans une certaine mesure, une propriété musicale identifiable. Si Cortot ne donne pas davantage de précisions quant aux procédés techniques utilisés, le lecteur musicien suppose que le pianiste fait ici référence, entre autres, au pentatonisme. En revanche, nonchalance et langueur ne sont pas des attributs littéraux d’un rythme. Ils désignent la disposition physique d’une personne, un état physiologique autant que psychologique. Dès lors, il y a bien transfert métaphorique des qualités et des attributs d’une personne – qui pourrait fort bien être l’interprète lui-même, ainsi amené à modifier son attitude corporelle – à un élément sonore. Et l’on voit d’ailleurs par là que Cortot vise plusieurs publics : le mélomane, mais aussi le pianiste. De la même manière, la référence à la broderie et l’utilisation de l’adjectif « menu » semblent nous inviter à dresser un parallèle entre une technique pianistique précise et rigoureuse, une articulation incisive, et la minutie nécessaire à la broderie. Cette métaphore a par ailleurs pour conséquence d’associer la mélodie à une ligne (un « dessin »), mais une ligne en mouvement, qui se déploie dans un espace restreint (la quinte sol dièse/ré dièse).
7Cette très brève analyse des métaphores présentes dans le texte de Cortot semble avoir mis en exergue quelques mécanismes relativement simples d’association du musical et du non-musical. Or, cette simplicité apparente trouve son origine dans l’une des définitions les plus courantes de la métaphore. Elle est aussi la plus ancienne. C’est celle qu’Aristote livre à la fin de la Poétique. Selon le philosophe, la métaphore consisterait à associer deux mots se référant à deux objets distincts, entretenant une relation de ressemblance ou d’analogie9 (à tel point que l’on réduit souvent la métaphore à une comparaison elliptique). Par conséquent, précise-t-il, « bien faire les métaphores, c’est voir le semblable10 ». Or, cette affirmation, contestée par Max Black dans l’article « Metaphor11 », repose elle-même sur deux présupposés. Le premier est que les deux termes de la métaphore, comparant et comparé, ou tenor et vehicle12, sont clairement identifiables car énoncés. Ils sont donc dicibles. Ainsi, dans l’expression « le soleil noir de la mélancolie », il est fait référence à deux objets (une image paradoxale : le soleil noir, et une idée : la mélancolie), par le biais d’un groupe nominal et d’un nom. Le deuxième présupposé est que les éléments similaires au vehicle et au tenor sont immédiatement perceptibles. De ce fait, la métaphore est compréhensible de manière quasiment intuitive. Ainsi, les explications que nous avons apportées au commentaire de « Pagodes », a minima, mettent en évidence la présence de métaphores, mais en réalité visent à décortiquer un énoncé dont le sens s’impose de lui-même13. Elles n’avaient donc pas pour visée de clarifier une acception, mais plutôt de mettre au jour différentes formes de transferts, d’une idée à l’autre. En effet, si une métaphore nécessite explications et éclaircissements, c’est qu’elle n’est pas efficace. Son bon fonctionnement dépend de la saisie immédiate des éléments mis en regard. Ainsi, Richards souligne le ridicule qui existe à vouloir expliquer des métaphores. Il critique notamment le philosophe Henry Home (Lord Kames), qui analyse en un long paragraphe la pertinence et la légitimité d’une association métaphorique entre la flamme et la fièvre14. De même, dans l’expression « l’homme est un loup », donnée en exemple par Max Black15, on sait immédiatement que ce qui lie l’homme et l’animal, ce n’est pas le fait qu’ils aient deux yeux et deux oreilles, mais leur férocité, voire leur sauvagerie. Pourtant, cette évidence première s’avère être, après une lecture plus approfondie, un leurre. C’est ce que nous nous attacherons à démontrer dans les lignes qui suivent.
L’ère du doute
Première incertitude : le point de vue de la métaphore
8On remarquera tout d’abord que cette prétendue évidence fait défaut lorsqu’on étudie la deuxième partie du commentaire de « Pagodes ». Certes, nul ne contestera que l’évocation d’une « architecture d’Extrême-Orient » et de « ces pays de lumière fine où s’accordent les rites doux et les danses traditionnelles, les fêtes des pêchers et les gestes rusés, patients et prémédités d’une civilisation raffinée » relève de ce langage imagé que l’on a pour habitude d’associer à la métaphore. Cependant, il s’agit de savoir si le glissement que l’on opère alors de l’évocation imaginaire à la métaphore est tenable d’un point de vue théorique. Celui-ci supposerait en effet que l’image puisse être considérée comme métaphore de la musique (ou tout au moins de l’un de ses composants). Or, cette hypothèse se fonde en réalité sur un postulat : la métaphore ne se limite pas à un processus linguistique.
9En effet, on conviendra que, sur le plan strictement linguistique, affirmer que « Pagodes » pourrait « éveiller en nous l’idée d’un site et d’une architecture d’Extrême-Orient » ne relève pas du métaphorique. Au contraire, cette assertion ne peut être saisie que littéralement. Cependant, il n’en demeure pas moins que la distinction généralement opérée entre les deux modalités de transfert sémantique – d’un mot à un autre dans le cas de la métaphore, d’un objet musical à un objet non musical dans celui de l’évocation – ne se réduit, trop souvent, qu’à une querelle de mots. Ainsi, il suffirait, dans un énoncé métaphorique, de remplacer le verbe être par les verbes représenter16, évoquer, suggérer, etc., pour que cet énoncé perde sa valeur métaphorique. La question est de savoir si ce changement de verbe est significatif, et ce faisant, si l’on ne transforme pas abusivement une mutation lexicale en une différence ontologique. L’hypothèse que nous formulons est que le rapport analogique entre deux réalités distinctes – si ce rapport fait l’objet d’une élaboration discursive – suffit à invoquer la métaphore. Plus concrètement, le passage de l’identité (verbe être) à la représentation semble être la conséquence directe de l’introduction du niveau esthésique dans le discours sur la musique. Dire qu’un rythme est nonchalant, c’est prétendre à une forme d’objectivité, et chercher à révéler les attributs intrinsèques de l’œuvre (ce qu’elle est par essence). Dire en revanche que ce rythme évoque la nonchalance, c’est se situer dans le champ de la réception pour déterminer quels sont les effets de l’œuvre musicale17.
10Dès lors, il existe une forme d’incertitude quant au statut de la métaphore, cette incertitude découlant de la complexité du phénomène musical, c’est-à-dire de son appréhension. Mais cette ambiguïté n’est pas réductible à la relativité d’un point de vue. Elle semble au contraire être intrinsèque à la relation métaphorique.
Seconde incertitude : l’ambiguïté de la relation métaphorique
11C’est ce dernier point que nous voudrions approfondir. En effet, Cortot pose indirectement la question du référent et du tenor en citant la lettre dans laquelle Chopin fait allusion à l’article de Schumann portant sur les Variations sur « Là ci darem la mano ».
Après de vastes préliminaires, il – « il » c’est le « certain Allemand » [Schumann] – en arrive à l’analyse du morceau, mesure par mesure, en expliquant que ce ne sont pas là des variations comme les autres, mais une sorte de tableau fantastiquement évocateur. À propos de la deuxième variation, il dit que Don Juan y court avec Leporello ; de la troisième qu’il presse Zerline dans ses bras, tandis que la main gauche traduit la colère de Mazetto, enfin qu’à la cinquième mesure de l’Adagio Zerline se laisse embrasser par Don Juan sur un ré bémol !
« Plater me demandait hier en quel endroit de la personne de Zerline il convenait de localiser ce ré bémol18 ! »
12On se doute que Cortot condamne les commentaires ironiques de Chopin à l’endroit de Schumann (le pianiste avoue « ne [pouvoir] ici se défendre d’un sentiment d’inconfort moral19 »). Et pour cause : la démarche herméneutique du compositeur allemand est précisément celle qu’il adopte dans ses propres textes. Cependant, la question posée par Chopin demeure pertinente en ce qu’elle met en cause, directement, la puissance évocatrice de la musique, et indirectement, l’existence d’un tenor dans la relation métaphorique qui lie l’œuvre musicale à un imaginaire. Certes, ce désaveu repose sur une querelle esthétique : la capacité de la musique, non pas, à exprimer, mais à représenter. Ce ne sont pas les objets sensibles qui importent, mais, selon la thèse rousseauiste, l’émotion que ces objets suscitent. Rousseau écrit ainsi :
Mais la musique agit plus intimement sur nous en excitant par un sens des affections semblables à celles qu’on peut exciter par un autre, et comme le rapport ne peut être sensible que l’impression ne soit forte, la peinture, dénuée de cette force, ne peut rendre à la musique les imitations que celle-ci tire d’elle. Que toute la nature soit endormie, celui qui la contemple ne dort pas, et l’art du musicien consiste à substituer à l’image insensible de l’objet celle des mouvements que sa présence excite dans le cœur du contemplateur. Non seulement il agitera la mer, animera les flammes d’un incendie, fera couler les ruisseaux, tomber la pluie et grossir les torrents ; mais il peindra l’horreur d’un désert affreux, rembrunira les murs d’une prison souterraine, calmera la tempête, rendra l’air tranquille et serein, et répandra de l’orchestre une fraîcheur nouvelle sur les bocages. Il ne représentera pas directement ces choses, mais il excitera dans l’âme les mêmes sentiments qu’on éprouve en les voyant20.
13Dans cette perspective, si l’on reprend l’exemple de « Pagodes », alors l’image convoquée par Cortot est moins la conséquence du pouvoir de représentation de la musique, que la métaphore de nos propres émotions à l’écoute de l’œuvre. Cela signifie en outre que l’image n’est que la traduction sensible d’une réalité psychique et que la relation métaphorique, dans les écrits de Cortot, n’est pas à deux, mais à trois termes. Ainsi, lorsque ce dernier explique, lors d’un cours d’interprétation portant sur le Prélude op. 28 no 15 de Chopin, à propos de la partie centrale de la pièce : « Un fantôme, en ut dièse mineur, ouvre la porte, va vers vous, et s’empare de votre personnalité21 », il semble impossible de rattacher le récit proposé à une caractéristique musicale précise. D’ailleurs, il est probable, si Chopin avait pu exprimer son opinion quant à l’entreprise de traduction narrative de Cortot, que ce dernier aurait été l’objet de la moquerie du compositeur, qui aurait demandé en quel endroit du thème se trouvait la porte. Évidemment, il serait tout aussi absurde de disqualifier complètement la démarche du pianiste, et ce pour deux raisons. La première est que la fiction miniature inventée par Cortot ne prétend pas être une explication de ce que représente l’œuvre, mais la transposition, dans le domaine du récit, d’une émotion. Les lignes qui suivent confirment d’ailleurs cette interprétation :
La partie en ré bémol, sans être « heureuse », doit revêtir un aspect plus tendre, plus berceur. Puis la vision fantastique commence ; on ne comprend pas très bien, d’abord… puis on prend, peu à peu, conscience du cauchemar, de sa menace, de son épouvante. Il y a une progression dans la terreur qui, au la majeur, s’accentue, devient de plus en plus grande ; au passage : si dièse, do dièse, ré dièse, rester dans le même sentiment. Puis, ce sont comme des soupirs, c’est quelque chose qu’on veut effacer, enlever de sa mémoire… et le ré bémol ramène la quiétude22…
14Cauchemar, menace, épouvante : voilà le cœur du récit. Et puisque nous en sommes aux histoires de fantômes et à Chopin, continuons dans ce domaine. Cortot explique, à propos du finale de la Sonate en si bémol mineur op. 35 (ce même finale que Schumann juge très sévèrement23) :
Les doigts, nets, ne doivent enfoncer que jusqu’au premier échappement. À partir du moment où l’enfoncement « fait parler » le son, il est suffisant. La sonorité spectrale du morceau tient à cela, et à l’absence de pédale. Si l’on met la moindre pédale, tout est perdu.
Ce n’est pas en déterminant des rafales de sons qu’on crée l’épouvante. C’est au contraire en rendant la sonorité fantomatique24.
15En d’autres termes, la visée de Cortot n’est pas, à proprement parler, d’établir une équivalence stricte entre l’image qu’il propose et la musique, mais d’extraire de cette image ce qui est pertinent quant à l’expérience musicale, c’est-à-dire sa portée expressive.
16Pourtant, au risque de tomber dans une circularité infructueuse, on ne peut pas non plus ignorer totalement l’appréhension sensible de l’image et de la musique. Si l’on en revient au texte consacré aux Estampes, on n’aura pas manqué de noter que Cortot lui-même introduit un doute quant à l’objet auquel la musique semble référer. En effet, si l’on est attentif à la formulation, l’image de l’Extrême-Orient n’est pas convoquée en tant que double imaginaire de l’œuvre, mais en tant que traduction d’un sentiment : la nostalgie – ce qui confirme ce que nous venons de montrer. Il n’en demeure pas moins que l’Orient, par son aura fantasmatique, colore cette émotion d’une nuance particulière. Et c’est là toute l’ambiguïté du texte. Car, tout en niant toute relation directe entre la musique et l’image, Cortot nous décrit un monde que l’on ne peut ignorer, ni refuser de voir.
17C’est la deuxième raison qui nous conduit à regarder avec méfiance une condamnation immédiate des fictions narratives de Cortot : l’énoncé ne peut être compris que dans sa globalité. La phrase entière occupe la fonction de vehicle, et non les mots constituant cette phrase, considérés indépendamment les uns des autres (un fantôme, la nostalgie, l’Extrême-Orient, etc.). Ou encore, c’est le texte qui est métaphore de l’œuvre, et non la somme des divers termes qui le composent. Dès lors, il est nécessaire, souligne Ricœur, de se départir de l’idée que la métaphore est une « épiphore du nom25 ». Car c’est ainsi que fut « scellé pour des siècles le sort de la métaphore : elle est désormais rattachée à la poétique et à la rhétorique, non pas au niveau du discours, mais au niveau d’un segment de discours, le nom ». Et le philosophe d’ajouter : « Reste à savoir si, sous la contrainte des exemples, une théorie virtuelle de la métaphore-discours ne fera pas éclater la théorie explicite de la métaphore-nom26. » Or, le passage du mot à l’énoncé induit également un glissement de la sémiotique à la sémantique. Si la métaphore n’est en effet compréhensible qu’au sein d’un contexte énonciatif donné, elle interagit avec les autres éléments de la phrase, de manière à ce qu’émerge un sens, qui procède moins d’une métaphore que d’un énoncé métaphorique27. C’est en ce sens que « la métaphore est […] un événement sémantique qui se produit au point d’intersection entre plusieurs champs sémantiques. Cette construction est le moyen par lequel tous les mots pris ensemble reçoivent un sens. Alors, et alors seulement, la torsion métaphorique est à la fois un événement et une signification, un événement signifiant, une signification émergeante créée par le langage28 ».
18Par conséquent, si, selon la définition qu’en donne Aristote, la métaphore relève de la lexis, elle est surtout un outil cognitif et sémantique. Et c’est dans cette perspective que l’emploie Cortot. Nul mieux que Ricœur, encore une fois, ne l’explique.
Selon une formulation élémentaire, la métaphore maintient deux pensées de choses différentes simultanément actives au sein d’un mot ou d’une expression simple, dont la signification est la résultante de leur interaction. Ou, pour accorder cette description avec le théorème de la signification, nous dirons que la métaphore tient ensemble dans une signification simple deux parties manquantes différentes des contextes différents de cette signification. Il ne s’agit donc plus d’un simple déplacement des mots, mais d’un commerce entre pensées, c’est-à-dire d’une transaction entre contextes. Si la métaphore est une habileté, un talent, c’est un talent de pensée. La rhétorique n’est que la réflexion et la traduction de ce talent dans un savoir distinctif29.
19Il découle de cette assertion une stricte équivalence du processus métaphorique ou, si l’on veut, symbolique30, et du processus signifiant : « Pagodes », pour Alfred Cortot, signifie la nostalgie de l’Extrême-Orient, une signification qu’il est crucial de discerner et d’énoncer. Il explique ainsi, lors d’un cours : « C’est la signification d’une œuvre qui importe, en premier lieu. Nous admettons que l’élève fait effort pour jouer correctement et consciencieusement. Ce que nous avons à lui suggérer, c’est l’esprit qui anime cette œuvre31. » En d’autres termes, l’œuvre musicale doit être considérée littéralement et métaphoriquement ; littéralement, parce qu’elle demeure en quelque sorte circonscrite à sa réalité physique, c’est-à-dire son existence sonore ; métaphoriquement, parce qu’elle n’est jamais, seulement, un objet à entendre, mais aussi à interpréter.
L’usage des métaphores : vers une autonomie du musical et du verbal ?
20Cette théorie d’une double appréhension de l’œuvre musicale nous conduit à adopter une perspective différente sur chacun des termes de la métaphore. En effet, dans la théorie traditionnelle de la métaphore, il existe une hiérarchie entre tenor et vehicle. Ce dernier est en quelque sorte subordonné au tenor, qui est le véritable sujet de l’énoncé. En somme, le vehicle a la fonction d’un prédicat. Or, cette asymétrie fondamentale est indirectement remise en cause par Cortot. Indirectement, car il ne fait aucun doute que le fait musical demeure le focus du discours du pianiste. Pourtant, on ne peut se défendre d’un soupçon à l’égard de cette subordination du texte par rapport à l’œuvre.
21L’une des raisons de cette suspicion, c’est d’abord que l’importance accordée par Cortot à la verbalisation dépasse de loin le seul intérêt pédagogique. Il y a certainement, chez le pianiste, une véritable jouissance du langage, qui s’apparente aussi à un plaisir musical ; en témoignent, dans les éditions de travail notamment, le recours fréquent à l’allitération et à l’assonance, la profusion d’adjectifs, la recherche constante de formulations qui, par leur souci de nuance, semblent toucher au maniérisme. Dans ce contexte, il semble difficile de n’accorder aux notes de l’édition de travail ou aux commentaires prononcés lors de cours d’interprétation qu’une fonction didactique. Si ceux-ci acquièrent une forme d’autonomie, c’est en grande partie en vertu de leur ambition poétique. Il ne s’agit nullement ici de juger de la qualité littéraire et stylistique des écrits et discours de Cortot, mais simplement de montrer que cet attrait pour le poétique induit le bouleversement du rapport entre discours et objet musical, et, partant, entre tenor et vehicle. Ainsi en est-il dans le commentaire qui accompagne la dernière pièce des Kinderszenen de Schumann (« Der Dichter spricht »).
« Le Poète parle ». Et ce qu’il dit – ou plus exactement, ce à quoi il rêve – il n’appartient qu’à l’émotion musicale qui se dégage de ces quelques mesures de nous en faire pressentir le secret.
L’inexprimable du sentiment dont les sonorités détiennent l’incomparable privilège, se voit ici atteint par les seuls moyens qui lui conviennent et de telle manière que toute tentative d’interprétation verbale en affaiblirait la portée.
L’âme qui se témoigne par un tel message de tendresse méditative ne se veut qu’une semblable sensibilité pour confidente et qu’un autre poète pour traducteur.
Et les conseils qui tendraient à en faciliter l’intelligence, par des considérations d’ordre technique, ne sauraient s’avérer qu’inutiles ou superflus32.
22On note qu’il s’agit là d’un commentaire bien long, pour en définitive affirmer que toute entreprise discursive est vouée à l’échec, l’œuvre elle-même relevant de l’indicible. Pourtant, cette apparente contradiction met en lumière l’un des aspects les plus cruciaux de la démarche exégétique de Cortot. Celui qui peut exprimer l’indicible, c’est le poète ; mais celui-ci n’est pas seulement le musicien lui-même qui par son jeu révèle la profondeur sémantique et la valeur suggestive d’une œuvre, il est aussi, très concrètement – comme l’indique le titre – celui qui parle. Et c’est à réaliser cette double acception que vise Cortot33.
23C’est ainsi que s’opère une égalisation des rapports entre tenor et vehicle. Le titre lui-même – « Le Poète parle » – induit une métaphore, que l’on pourrait formuler ainsi : l’œuvre musicale est la parole du poète. Mais cette métaphore initiale subit des transformations successives. L’œuvre devient le rêve du poète, puis un « message de tendresse méditative ». Tout se passe donc comme si l’objet se perdait à mesure des tentatives de le circonscrire et de le dire. Et c’est cette impossibilité d’appréhender la musique par la parole qui accorde à cette dernière son indépendance relative.
24Celle-ci est encore plus manifeste lorsque texte et musique sont étroitement imbriqués l’un dans l’autre. L’enregistrement audiovisuel d’un cours portant sur cette œuvre34 permet ainsi de révéler les modalités de cette relation paradoxale entre l’œuvre et son exégèse. Nous transcrivons ici les conseils de Cortot, qui joue en même temps qu’il parle. Nous avons tenté d’indiquer précisément l’emplacement des phrases dans le déroulement musical.
Il me semble que le dernier morceau, « Le Poète parle » – c’est là le titre que Schumann a lui-même ajouté à cette page immortelle – devrait être transposé sur un plan de rêverie plus intime. N’est-ce pas ? Pas seulement la belle sonorité, la détente expressive de la phrase, mais un sentiment plus rêveur. La vérité est qu’il faut rêver ce dernier morceau, pas le jouer.
Voulez-vous me permettre de prendre votre place ? [Cortot se met au piano].
[Fin de la mes. 4] Et là ne pas relier les deux phrases. Ce sont deux éléments différents.
[Mes. 7] De la même condition musicale.
[Fin de la mes. 8] Et ici comme une sorte d’interrogation.
[Mes. 11] Et à nouveau une autre. Tendrement.
[Mes 12, avant la cadence] Interroger l’avenir.
[Mes 13] Et à partir d’ici, que ça s’inscrive simplement non pas dans la musique, mais par un coup du génie, dans l’immortalité.
[Mes. 21] Et laissez s’évanouir les sonorités [mes. 23] qui doivent disparaître, [mes. 24] s’éteindre, et vous laisser simplement [mes. 25] en présence d’un rêve qui se poursuit.
25Le texte, en lui-même, ne suffit pas à éclaircir la relation que les paroles de Cortot entretiennent avec la musique. En revanche, l’enregistrement audio met en exergue un aspect important : l’étroite corrélation entre le rythme de la ligne mélodique et celui des mots. Cela est particulièrement frappant dans les mes. 13-16, puis 21-25. Chaque segment de phrase correspond à un accord ; et ce faisant, Cortot adapte son tempo à son énonciation, au prix de distorsions importantes. Non seulement certaines notes sont modifiées – on suppose que le pianiste, accaparé par son discours et ne regardant pas la partition, veille simplement à ce que l’harmonie demeure identique35 –, mais les silences qui émaillent les dernières mesures disparaissent. Par ailleurs, Cortot fait en sorte que phrase mélodique et locution coïncident parfaitement, si bien que les mots circonscrivent une forme. Enfin, cette délimitation structurelle est également fonctionnelle, puisque les deux cadences des sections commentées sont accompagnées d’une forme d’apothéose rhétorique. La demi-cadence en sol majeur, mes. 16, est en quelque sorte annoncée par le mot « immortalité ». Le choix de ce terme n’est certainement par fortuit, dans la mesure où aucun accord de tonique ne vient clore la phrase musicale. Au contraire, la modulation en la mineur interdit toute résolution. On peut d’ailleurs se demander si la transformation par Cortot – peut-être inconsciente – de la cadence parfaite de la mes. 20 en cadence imparfaite ne trahit pas une volonté de prolonger le sentiment d’attente jusqu’à la toute fin du morceau. Cette réticence à conclure est également manifeste dans la manière dont Cortot achève son commentaire. Le dernier accord posé, alors que celui-ci résonne encore, l’auditeur entend ces mots : « en présence d’un rêve qui se poursuit ». Ces paroles, dont l’effet dramatique est indéniable36, signifient également un refus de mettre fin à la musique.
26L’entrelacement de la musique et de la voix parlée, à la manière d’un mélodrame, nous invite à repenser le rapport entre ces deux éléments. Parfaitement symétriques et complémentaires, ils n’en gardent pas moins leur autonomie. Ils forment entre eux un contrepoint sonore et sémantique, et – osons le mot – une totalité. Certes, l’introduction de ce concept ne résout pas toutes les questions. Car, souligne Timothée Picard : « On ne sait d’ailleurs, en matière de totalité, quelle notion il faut employer. S’agit-il d’œuvre d’art totale, de fusion, de mélange, de collaboration, de complémentarité entre les arts, de coopération, d’effet combiné, ou encore de composition scénique37 ? » Mais il n’en demeure pas moins que, malgré ce flou définitionnel, Cortot n’envisage pas le texte comme une simple béquille pédagogique. Au contraire, la métaphore y est le signe d’une relation complexe et riche, musicale, pourrait-on dire, de l’art des sons et de celui des mots.
Conclusion : défense de l’énigme
27De quoi parle-t-il ? Que veut-il dire réellement ? Qu’est-ce que cela signifie ? Tout cela, c’est de la poésie… On imagine aisément les réflexions d’un lecteur rebuté par les métaphores qui émaillent les textes de Cortot. Ces interrogations, en réalité, émanent de la nature même de la métaphore, telle qu’elle est employée par le pianiste. Si le lecteur a l’impression de s’aventurer dans des régions incertaines, dans lesquelles les significations semblent singulièrement mouvantes, c’est justement que Cortot ne donne jamais complètement la clé de la compréhension. L’une des raisons en est le doute qui peut subsister quant à la littéralité ou au contraire la métaphoricité des énoncés, mais aussi quant aux termes mêmes de la métaphore. Si cette figure permet de croiser les concepts, les sons et les images, il s’avère paradoxalement que l’identité des éléments mis en regard n’est pas toujours évidente.
28Or, c’est précisément grâce à cette complexité de la relation métaphorique, par ce jeu de significations – et l’énigme qui en résulte –, que les textes de Cortot ont une valeur cognitive et sémantique. En maintenant l’ambiguïté, en refusant toute équivalence des sons et des mots, le pianiste semble creuser le fossé entre ces deux médiums. Dès lors, le sens n’émerge ni du texte ni de la musique, mais d’un contrepoint entre les deux.
Notes de bas de page
1 Cortot fut aussi connu en son temps comme chef d’orchestre. C’est lui, notamment, qui crée Le Crépuscule des dieux à Paris, en 1902.
2 Tout d’abord parues dans le Monde musical, ces transcriptions, réalisées par Jeanne Thieffry, ont été ensuite réunies et publiées en un seul volume. Alfred Cortot, Cours d’interprétation, recueillis et rédigés par Jeanne Thieffry, Paris, Legouix, 1934.
3 Les éditions de travail sont en grande majorité consacrées à des compositeurs romantiques : Chopin, Schumann, Liszt, Mendelssohn, Schubert et Weber.
4 Voir Marion A. Guck, « Analytical fictions », Music Theory Spectrum, vol. 16, no 2, 1996, p. 217-230.
5 La catachrèse est une métaphore lexicalisée.
6 Charles Baudelaire, Salon de 1846, dans Curiosités esthétiques [Œuvres complètes de Charles Baudelaire, vol. 2], Paris, Michel Lévy frères, 1868, p. 93.
7 Alfred Cortot, La Musique française de piano [1930], Paris, Presses Universitaires de France, 1944, vol. 1, p. 21.
8 Paul Ricœur, La Métaphore vive, Paris, Le Seuil, 1975, p. 49.
9 Il y a ressemblance entre deux objets, alors que l’analogie a lieu entre deux rapports.
10 Aristote, La Poétique, trad. R. Dupont-Roc et J. Lallot, Paris, Le Seuil, 1980, p. 117 [59a8].
11 Max Black, « Metaphor », Proceedings of the Aristotelian Society, vol. 55, no 76, 1954-1955, p. 275-294. Max Black considère en effet que la métaphore peut être sans fondement. La ressemblance n’implique pas l’efficacité d’une métaphore, et il est possible qu’il n’existe aucun rapport de similitude ou d’analogie entre ses termes.
12 Ce sont les termes employés par Richards. Voir Ivor Armstrong Richards, The Philosophy of Rhetoric [1936], New York, Oxford University Press, 1964, p. 96.
13 Cette compréhension immédiate et intuitive explique en grande partie la valeur didactique de la métaphore. Nous ne discuterons pas de cet aspect dans cet article. Voir, sur ce sujet, Hugh G. Petrie, « Metaphor in Education » et Thomas G. Sticht, « Educational Uses of Metaphor », dans Andrew Ortony (éd.), Metaphor and Thought, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, respectivement p. 438-461 et p. 474-485.
14 Voir Ivor Armstrong Richards, The Philosophy of Rhetoric, op. cit., p. 102-103.
15 Max Black, « Metaphor », art. cité, p. 275-294.
16 Nous n’établissons aucune distinction, ici, entre représentations intentionnelles (pensées en amont par le compositeur) et représentations qui trouvent leur origine dans l’imagination de l’auditeur, ainsi que le fait Peter Kivy. Ce dernier condamne d’ailleurs ce procédé : « En réalité, je crois fermement que l’absence d’intention, en elle-même, induit l’échec d’une interprétation en termes de représentation (bien que la présence d’une intention ne justifie pas, en soi, une telle interprétation). » [« As a matter of fact, I do believe that lack of intention, of itself, defeats a representational interpretation (although presence of intention does not, of itself, support one). »] (Sound and Semblance. Reflections on Musical Representation [1984], Ithaca, Cornell University Press, 1991, p. 213). Nous employons le mot représentation dans son sens étymologique : ce qui ce présente à nous, ce qui est mis sous nos yeux (que cette représentation soit intentionnelle ou non de la part du compositeur).
17 On retrouve là les niveaux neutres et esthésiques définis par Nattiez et Molino. Voir Jean Molino, « Fait musical et sémiologie de la musique », Musique en jeu, no 17, 1975, p. 37-62.
18 Frédéric Chopin, cité dans Alfred Cortot, Aspects de Chopin, Paris, Albin Michel, 1949, p. 86.
19 Ibid., p. 85.
20 Jean-Jacques Rousseau, Essai sur l’origine des langues [1781], Paris, Flammarion, 1993, p. 117.
21 Alfred Cortot, dans Jeanne Thieffry, « Les Cours d’Interprétation d’Alfred Cortot. L’œuvre de Chopin », Le Monde musical, vol. 40, no 10, 31 octobre 1929, p. 318.
22 Ibid.
23 « Car ce qu’on nous donne là sous le titre de finale ressemble plutôt à une raillerie qu’à une musique quelconque. Et pourtant, il faut l’avouer, dans cette partie aussi, sans mélodie, sans joie, un certain génie impitoyable nous souffle au visage qui terrasse de son poing pesant quiconque voudrait se cabrer contre lui, et fait que nous écoutons jusqu’au bout, comme fascinés et sans gronder… mais aussi sans louer : car ce n’est pas là de la musique. » Robert Schumann, Sur les musiciens [Gesammelte Schriften über Musik und Musiker, 1894 ; 1854 pour la 1re édition], trad. H. de Curzon, Paris, Stock, 1979, p. 228.
24 Alfred Cortot, dans Jeanne Thieffry, « Les Cours d’Interprétation d’Alfred Cortot. L’œuvre de Chopin », Le Monde musical, vol. 40, no 11, 30 novembre 1929, p. 354.
25 Paul Ricœur, La Métaphore vive, op. cit., p. 19.
26 Ibid., p. 20.
27 Sur l’interaction de la métaphore et du contexte d’énonciation, voir aussi Max Black, « Metaphor », art. cité, et « More about metaphor », Dialectica, vol. 31, n. 3-4, 1977, p. 429-457.
28 Paul Ricœur, La Métaphore vive, op. cit., p. 127.
29 Ibid., p. 105.
30 Nous ne procédons pas ici à la distinction opérée par Michel Le Guern entre métaphore et symbole dans Sémantique de la métaphore et de la métonymie, Paris, Larousse, 1973, p. 39-47. En effet, Cortot lui-même emploie le terme de manière relativement libre. Par symbole, nous entendons donc simplement ce qui réfère à autre chose.
31 Alfred Cortot, dans Jeanne Thieffry, « Les cours de pédagogie pianistique d’Alfred Cortot », vol. 42, no 7, 31 juillet 1931, p. 237.
32 Alfred Cortot, dans Robert Schumann, Scènes d’enfants-Kinderszenen, op. 15, [édition de travail par Alfred Cortot], Paris, Salabert, 1945, cotage EAS 14291, p. 20.
33 On peut voir là l’influence de Wagner sur Cortot, qui affirme d’ailleurs : « J’étais complètement envoûté par cette musique qui satisfaisait également mon intelligence, ma sensibilité, mon imagination. Cette prodigieuse synthèse des univers sonores et poétiques comblait tous les vœux de mon âme, de mon cœur et de mon esprit. » Alfred Cortot, dans Frédéric Chopin, Pièces diverses. 2e série. Allegro de concert op. 46, Boléro op. 19, 3 nouvelles études pour la méthode des méthodes de Moscheles et Fétis, Prélude en ut dièse mineur op. 45, Variations brillantes op. 12, Paris, Salabert, 1947, cotage EAS 14207, p. 50.
34 Cet enregistrement se trouve dans un DVD. Christian Labrande et Donald Sturrock, The Art of Piano. Great Piansts of the 20 th Century, DVD NVC Arts, Warner Music Vision 3984-29199-2, cop. 1999. Cette vidéo est également disponible à l’adresse suivante : xujia1001 (14 octobre 2006), Alfred Cortot rare videos. En ligne : <https:www.youtube.com/watch?v=o8E_0glY3nI> [consulté le 10 mars 2014].
35 Par exemple, mes. 20, Cortot joue un do à la place du la ; mes. 22, on n’entend ni le fa dièse ni le sol à la main droite, mais un ré.
36 Cette dramatisation doit également beaucoup au talent théâtral de Cortot. Son attitude, sa voix, son regard contribuent grandement à accroître l’impact de ses paroles. Les témoignages, sur ce point, sont unanimes : Cortot envoûtait ses auditeurs (et davantage encore ses auditrices). Yvonne Lefébure, l’une des plus ferventes admiratrices du pianiste, rapporte que « le Cortot d’alors, au zénith de sa forme et de sa célébrité, était fascinant. Sa présence, son action quasi magnétique sur l’élève, le pouvoir de sa parole aussi chaude et veloutée que sa sonorité au piano [étaient] d’admirables exemples. C’était merveilleux – on était subjugué. » Yvonne Lefébure, « Notes sur l’enseignement d’Alfred Cortot », fonds Yvonne Lefébure, Médiathèque musicale Mahler, YL 48.
37 Timothée Picard, L’Art total. Grandeur et misère d’une utopie (autour de Wagner), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 47.
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