1 Nous parlerons indistinctement des « études turques » et de la « turcologie ». Nous opérons en revanche une nette distinction entre turk et turc, équivalente de celle entre gaulois et français ou encore entre germain et allemand : turk qualifie un vaste groupe de langues (également appelées « turciques ») et par extension les locuteurs de ces langues à travers l’histoire et la géographie de l’Eurasie ; turc se rapporte à la subjectivité nationaliste (le « turquisme ») qui émerge parmi les musulmans turcophones des Empires ottoman et russe dans le dernier tiers du XIXe siècle, puis à tout ce qui a trait à l’État national créé en Anatolie au lendemain de la Première Guerre mondiale.
2 Par exemple, Livet G., « Strasbourg et la turcologie. Esquisse d’un itinéraire », Turcica, XV, 1983, p. 13-30 ; Eren H., Türklük Bilimi Sözlüğü I. Yabancı Türkologlar [Dictionnaire des études turques I. Les turcologues étrangers], Ankara, TDK, 1998, p. 1-101, qui fait de figures telles qu’Ammien Marcellin, Sidoine Apollinaire ou encore Grégoire de Tours les « précurseurs » (öncü) de la turcologie. Ibid., p. 23.
3 Par exemple les numéros 43-46 de la revue Yeni Türkiye, consacrés à « La turcologie et l’histoire turque » (2002). En français, l’illustration la plus effarante de ce nationalisme historiographique est Roux J.-P., Histoire des Turcs : deux mille ans du Pacifique à la Méditerranée, Paris, Fayard, 2000 [1984].
4 Sur ce chemin, cf. Valensi L., « Éloge de l’orient, éloge de l’orientalisme. Le jeu d’échecs d’Anquetil-Duperron », Revue de l’histoire des religions, 212/4, 1995, p. 419-452 ; Lardinois R., L’invention de l’Inde : entre ésotérisme et science, Paris, CNRS Éditions, 2007.
5 Cf. Werner M., Zimmermann B., « Penser l’histoire croisée. Entre empirie et réflexivité », Annales. Histoire, sciences sociales, 2003, 1, p. 736; Charle C., Schriewer J., Wagner P., Transnational Intellectual Networks. Forms of Academic Knowledge and the Search for Cultural Identities, Frankfurt, Campus, 2004.
6 Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une enquête historique et ethnographique dans les archives privées de Jean Deny (Gérardmer). Nous savons gré à Louis Deny de nous y avoir accueilli, remercions Isabelle Dasque et Alain Messaoudi de nous avoir communiqué leur thèse, ainsi que Nathalie Clayer, Francisco Roa Bastos et Nicolas Vatin pour leur relecture critique. On trouvera des documents d’archives pour illustrer cet article en ligne, à l’adresse : [www.diffusion.ens.fr/index.php?res=conf&idconf=2847].
7 Espagne M., « Silvestre de Sacy et les orientalistes allemands » et Mangold S., « France Allemagne et retour : une discipline née dans l’émulation », Rabault-Feuerhahn P., Trautmann-Waller C. (dir.), Revue germanique internationale, 7, Itinéraires orientalistes entre France et Allemagne, 2008, p. 79-91 et 109-124.
8 Messaoudi A., Savants, conseillers, médiateurs : les arabisants et la France coloniale (vers 1830-vers 1930), thèse de doctorat, trois vols., université de Paris I, 2008, p. 63-69.
9 Ibid., p. 284.
10 Cordier H., Un coin de Paris. L’École des langues orientales vivantes, Paris, Ernest Leroux, 1913, p. 61-78.
11 Degros M., « » Les Jeunes de langues » de 1815 à nos jours », Revue d’histoire diplomatique, 1985, p. 45-68.
12 L’expression s’impose au cours des années 1870-1914. Messaoudi A., op. cit., p. 29.
13 Labrousse P. (dir.), Langues’O, 1795-1995 : deux siècles d’histoire de l’École des langues orientales, Paris, Hervas, 1995.
14 Rabault-Feuerhahn P., L’archive des origines : sanskrit, philologie, anthropologie dans l’Allemagne du XIXe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2008, p. 294-318.
15 La fondation de la bibliothèque de l’École des langues orientales (1873), et surtout la création, dans la foulée, d’une collection scientifique, les publications de l’École des langues orientales vivantes, chez Ernest Leroux, témoignent en effet de la survie de l’érudition au cœur du processus de « colonialisation » de l’École.
16 Karady V., « Lettres et sciences : effets de structure dans la sélection et la carrière des professeurs de faculté (1810-1914) », Charle C., Ferré R. (dir.), Le personnel de l’enseignement supérieur en France aux XIXe et XXe siècles, Paris, CNRS Éditions, 1985, p. 29-45.
17 Pour reprendre une typologie de Christophe Charle, 36 % des professeurs de la faculté des lettres et 55,5 % de ceux de l’École des chartes sont des « scientifiques purs » qui n’assument aucune activité de pouvoir (politique, administrative, d’expertise). Ils ne sont que 18,7 % à l’École des langues. En revanche, 43,7 % du corps professoral de la rue de Lille pratique l’expertise (contre 12 % et 11,1 %). Charle C., Les élites de la République (1880-1900), Paris, Fayard, 1987, p. 415-423. Un tel écart révèle sans surprise la très forte hétéronomie administrative (diplomatie, interprétariat civil, renseignement militaire, administration coloniale) de l’École des langues, qui au tout début du XXe siècle se révèle à bien des égards plus proche d’une autre école spéciale – l’École coloniale, créée entre 1889 et 1895 – que de l’Université réformée.
18 Rabault-Feuerhahn P., op. cit., p. 307.
19 Notons que Meillet – qui n’est pas moins slaviste que Boyer (il soutient une thèse dans ce domaine en 1897) – est également titulaire de la chaire d’arménien de la rue de Lille entre 1902 et 1906.
20 Boyer P., « Antoine Meillet. I. L’homme et le savant », Revue des études slaves, 16, 34, 1936, p. 191198 ; Merlin A., « Notice sur la vie et les travaux de M. Antoine Meillet, membre de l’Académie », Comptes rendus des séances de l’AIBL, 96e année, 4, 1952, p. 572-583 ; Bergougnioux G., De Lamberterie C. (dir.), Meillet aujourd’hui, Louvain, Peeters, 2006.
21 CAC 20100053/3, École des langues orientales, dossiers des personnels « Paul Boyer » ; Mazon A., « Paul Boyer (1864-1949) », Revue des études slaves, 26, 14, 1950, p. 413.
22 Messaoudi A., op. cit., p. 361.
23 Singaravélou P., Professer l’Empire. Les « sciences coloniales » en France sous la IIIe République, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011, p. 81 sq.
24 Ibid., p. 135 sq. ; Messaoudi A., op. cit., p. 360 sqq. ; Sibeud E., Une science impériale pour l’Afrique ? La construction des savoirs africanistes en France. 1878-1930, Paris, Éditions de l’EHESS, 2002, p. 87.
25 Huart et Barthélemy, qui ont également étudié à l’EPHE, et qui ont mené des recherches savantes tout au long de leur carrière diplomatique, incarnent une première transition entre drogmans et universitaires : Messaoudi A., op. cit., p. 730 sq., p. 737 sq.
26 D’ailleurs leurs successeurs sont des universitaires confirmés : Henri Massé (persan, 1927), Paul Demiéville (chinois, 1930), Charles Haguenauer (japonais, 1932) et Tenief Feghali (arabe oriental, 1929).
27 Chevalier J.-C., Encrevé P., « La création de revues dans les années 1960. Matériaux pour l’histoire récente de la linguistique en France », Chevalier J. C. (dir.), Combats pour la linguistique, de Martinet à Kristeva : essai de dramaturgie épistémologique, p. 309-360 : 318.
28 « Notre maison est une école de linguistique », disait Paul Boyer, cité dans Massé H., « Paul Boyer administrateur », Bulletin de l’association des élèves, anciens élèves et amis de l’ENLOV, Paris, s. n., 1952, p. 13-14.
29 Burke E. III, « The first crisis of Orientalism, 1890-1914 », Vatin J.-C. (dir.), Connaissances du Maghreb. Sciences sociales et colonisation, Paris, CNRS Éditions, 1984, p. 213-226.
30 C’est là une mutation qui s’inscrit dans la longue durée : ce n’est en effet qu’à la fin des années 1960 que les standards universitaires (traitements, grades, statuts, diplômes) s’appliquent intégralement à l’École des langues orientales. Labrousse P. (dir.), op. cit., p. 35 sq.
31 Cf. Elias N., Mozart. Sociologie d’un génie, Paris, Éditions du Seuil, 1991.
32 D’après un arbre généalogique composé par Jean Deny (document familial). Si l’on en croit la mémoire familiale, Jean-Louis Deny était le secrétaire personnel de Lamartine. Ce sont ses convictions républicaines qui l’auraient conduit à prendre la décision de s’exiler en Ukraine à la suite du coup d’État du 2 décembre 1851.
33 « La seule punition que papa ait jamais eue dans son enfance, il me disait, c’est sa maman qui lui avait donné une bourrade. Il était sur le tabouret du piano et sa maman l’avait secoué parce qu’il avait massacré une sonate de Beethoven. » Entretien (mené avec Benjamin Gourisse) avec Andrée Montel (première fille de Jean Deny, née en 1918), 23 mai 2008.
34 Louis Deny (père de Jean Deny) a fait ses études secondaires à Sainte-Barbe ; Étienne Deny (oncle paternel de Jean Deny) est centralien ; Louis Deny (bis : frère aîné de Jean Deny) est polytechnicien (désormais X).
35 En la personne de Louis Deny (ter : cousin germain du père de Jean Deny, X, par ailleurs propriétaire d’un immeuble au 2 rue d’Ulm) et de son fils Pierre Deny (X 1914, « tué à l’ennemi » en 1916). Source : entretien avec Louis Deny (quater : troisième fils de Jean Deny, né en 1924, X 1945), 18 mars 2009.
36 Aux dires de ses enfants, Jean Deny parlait le français avec un léger accent russe.
37 Comme l’atteste sa lettre au ministre de l’Instruction publique sollicitant son inscription en Philosophie à Louis-le-Grand. brouillon, s. d. [1897], Gérardmer, Archives privées de Jean Deny (désormais APJD).
38 CAC 20100053/4, École des langues orientales, dossiers des personnels, « Jean Deny », lettre de Barbier de Meynard au ministre des Affaires étrangères (copie), 6 novembre 1903..
39 AN, F17 25255, Instruction publique, dossier de retraite de Jean Deny, lettre de Paul Boyer au ministre, 26 octobre 1908. Notons que Deny est admis à la Société asiatique le 16 juin 1904 sous le parrainage de Barbier de Meynard et d’Octave Houdas.
40 Au département, Philippe Berthelot considère que « le déplacement de Deny oblige à trouver un bon élève-interprète pour Marache et il n’y en a pas de disponible ; l’on est en outre un peu ennuyé de perdre un bon agent ». CAC 20100053/4, lettre de Berthelot à Boyer, 24 septembre 1908.
41 Dasque I., « Une élite en mutation : les diplomates de la République (1871-1914) », Histoire, économie et société, 2007, 4, p. 81-98 : 84-86.
42 Dasque I., À la recherche de Monsieur de Norpois : les diplomates de la République (1871-1914), thèse de doctorat, université Paris IV, 2005, p. 750.
43 Ibid., p. 71 et 747-750.
44 « Il faut à un diplomate parcourir en moyenne [entre 1871 et 1914], 23 ans aux Affaires étrangères avant d’être promu au grade de ministre plénipotentiaire de 2e classe, à un agent de l’administration centrale 26 ans et 9 mois, à un consul 29 ans et 6 mois, à un interprète 36 ans et 6 mois. » Ibid., p. 369. Un décret du 29 mai 1902 stipule que les drogmans peuvent devenir consuls de 2e classe au bout de 10 ans de service. Degros M., art. cit., p. 65.
45 Dasque I., « À la recherche… », p. 747 sq.
46 Selon la grille arrêtée en 1896. Cf. Dasque E I., « À la recherche… », op. cit., p. 86, et APJD.
47 Puis à 7500 F., lorsqu’en 1913 Jean Deny devient professeur de 1re classe, AN, F17 25255. En 1913, la rémunération des interprètes, vice-consuls et attachés d’ambassade passe de 3000 F. à 5000 F. ; celle des secrétaires et consuls de 3e classe, ainsi que des premiers interprètes (grade que Jean Deny aurait atteint ou serait sur le point d’atteindre après neuf années d’Orient) est portée de 3 000 F. à 6 000 F. – ce qui maintient le bénéfice salarial du « transfert » de Deny à 25 % en 1913. Dasque I., « À la recherche… », op. cit., p. 86.
48 « S’ennuyer en Orient » : c’est là un sujet auquel je réserve une étude future.
49 Dixit sic Andrée Montel, confirmée par Irène Mélikoff.
50 Bulletin de la Société de linguistique de Paris [BSLP], 1910, XVI, 57, p. xi.
51 BSLP, 1910, XVI, 58, p. CCXXIII.
52 Dont Deny annonce à sa hiérarchie la parution dès 1910, AN, F17 25255. Rappelons l’article 4 du décret-loi du 10 Germinal an III (30 mars 1795) : « Lesdits professeurs [des Langues orientales] composeront en français la grammaire des langues qu’ils enseignent. » À l’évidence, ce n’est plus une obligation au début du XXe siècle.
53 « Je n’ai vu à notre section que Basset et Massignon. Le premier est considéré ici comme notre meilleur orientaliste “islamisant”. Quant à Massignon, il a enchanté tout le monde. On l’a nommé secrétaire de la Section (avec pour présidents Goldziher et Snouck Hurgronje). Sa communication a été tout à fait bien. » CAC 20100053/4, lettre de Deny à Boyer, 12 avril 1912. Cf., également, Lefébure C., « Basset Marie Joseph René », Pouillon F. (dir.), Dictionnaire des orientalistes de langue française, Paris, IISMM-Karthala, 2008, p. 59-61 ; Messaoudi A., op. cit., p. 731-734.
54 Deny J., « Étymologies turques », Journal Asiatique, 10e série, XX, 1912, p. 515-520. Il n’avait jusqu’alors produit que des comptes rendus et une nécrologie.
55 Selon Andrée Montel, entretien cité.
56 CAC 20100053/4, lettre de Basset à Boyer, 19 mai 1914.
57 Sur les origines industrielles de la fortune familiale, cf. la contribution de Guy Basset dans ce volume. Ajoutons qu’en 1925, Célestin Bouglé marie sa fille Germaine à André Basset, frère de Suzanne Basset et beau-frère de Jean Deny, qui à son tour a joué un rôle d’entremetteur dans cette union.
58 « Jean Deny […] parlait le turc comme sa langue maternelle […]. Il énumérait les informations que, sans trop d’efforts, il avait arrachées aux prisonniers dans ses interrogatoires. » Carcopino J., Souvenirs de la guerre en Orient, 1915-1917, Paris, Hachette, 1970, p. 46.
59 Deny J., « Traditions populaires turques de Salonique et de Florina », Revue des traditions populaires, XXXIV, suppl. 1919, p. 19-46.
60 APJD, lettre de condoléances de Jérôme Carcopino à Suzanne Deny, 8 novembre 1963.
61 Deny J., Grammaire de la langue turque (dialecte osmanli), Paris, Leroux, 1921 ; AN, F17 25255.
62 Créé en 1820 par testament du Comte de Volney, le prix devait à l’origine encourager les recherches sur la transcription des « langues asiatiques en lettres européennes ». Très vite les académiciens prennent leurs libertés avec les dernières volontés de Volney. En 1836 l’Institut cesse d’imposer un thème précis, tout en accordant une place croissante à la philologie comparée. L’éviction progressive des « amateurs » à partir des années 1870 reflète la professionnalisation de la linguistique. Notons qu’en 1922, l’Institut ne décerne pas de prix mais quatre « récompenses » de 800 F. Leopold J., The Prix Volney : Its History and Significance for the Development of Linguistic Research, vol. Ia, Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, 1999, p. 5 et 74-82. Les orientalistes de l’École des langues composent la clientèle privilégiée du prix Volney. Parmi les lauréats, on compte en effet Gabriel Ferrand (1902, 1910), Marcel Cohen (1913, 1925), André Mazon (1915), Jules Bloch (1918), Tenief Feghali (1921, 1929) et André Vaillant (1929).
63 Si l’on fait exception de la récompense accordée à Wilhelm Thomsen en 1895.
64 BSLP, XXII, 2, 69, 1921, p. 286 sq.
65 On mesure ici la distance sociale qui sépare la bourgeoisie intellectuelle d’un Jean Deny déclassé par le déplacement géographique des « grandes familles » orientalistes de l’École des langues du XIXe siècle représentées par des hommes comme Silvestre de Sacy, son petit-fils Pavet de Courteille ou encore Barbier de Meynard. La figure de Louis Bazin, successeur de Jean Deny, ne fera que confirmer cette mutation.
66 Bergounioux G., « Entre épistémologie de la grammaire comparée et figure de l’intellectuel : la situation d’Antoine Meillet », Bergougnioux G., De Lamberterie C. (dir.), op. cit., p. 109-135 : 128-133.
67 Charle C., La république des universitaires, 1870-1940, Paris, Éditions du Seuil, 1994, p. 306.
68 L’absence, chez Deny, d’engagement proprement politique n’exclut pas une adhésion sincère à un réformisme bien tempéré : « Il n’a jamais fait partie d’aucun parti, ou alors quand il était jeune, je ne sais pas. Je ne sais pas mais il votait plutôt à gauche. […] Je crois qu’il votait radical, radical-socialiste. Il était rad-soc. Je veux dire qu’il n’était pas virulent, non. » Entretien cité avec Andrée Montel.
69 Maspéro H., « La sinologie », Société asiatique. Le livre du centenaire, 1822-1922, Paris, Paul Geuthner, 1922, p. 261-283 : 261 ; Barthold V. V., La découverte de l’Asie. Histoire de l’orientalisme en Europe et en Russie, traduit par B. Nikitine, Paris, Payot, 1947, p. 150-153. Cette idée d’une sécularisation de l’orientalisme, parallèle à sa professionalisation, au XIXe siècle, est partiellement remise en cause à la lumière du cas allemand : Marchand S., German Orientalism in the Age of Empire : Religion, Race, and Scholarship, New York, Cambridge University Press, 2009.
70 Voir la contribution de Gilles Veinstein dans ce volume, ainsi que Basch S. et al. (dir.), L’orientalisme, les orientalistes et l’Empire ottoman de la fin du XVIIIe à la fin du XXe siècle, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, 2011.
71 Postel G., Des histoires orientales et principalement des Turkes ou Turchikes et Schitiques ou Tartaresques et autres qui en sont descendues, Paris, 1575, II, p. 24 ; I, p. 22 sq. Ailleurs, le professeur du Collège royal admet que « la langue Turque et Tartaresque ont peu moins d’affinité ensemble que la Françoise et Espagnole ou Italienne, ou pour le moins que l’Angloise et l’Allemande ». Ibid., I, p. 35.
72 Valensi L., Ces étrangers familiers. Musulmans en Europe (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Payot, 2012, p. 11 sq. ; id., « Les musulmans en France : les mots et les hommes, hier et aujourd’hui », Jeanneney J.-N. (dir.), L’actualité vue par les historiens. De l’affaire Merah à l’élection du pape François, Paris, Autrement, à paraître.
73 Von Strahlenberg P. J., Das Nord – und Ostliche Theil von Europa und Asia, Stockholm, Berlegung des Autoris, 1730.
74 De Guignes J., Histoire générale des Huns, des Turcs, des Mogols et des autres Tartares occidentaux, Paris, Desaint et Saillant, 1756 ; Rémusat A., Recherches sur les langues tartares, t. I, Paris, Imprimerie royale, 1820 ; Von Klaproth J., Asia polyglotta, Paris, A. Schubart, 1823 ; id., Mémoires relatifs à l’Asie, contenant des recherches historiques, géographiques et philologiques sur les peuples de l’Orient, Paris, Dondey-Dupré père et fils, 1824 ; id., « Comparaison de la langue des Tchouvaches avec les idiomes turks », Journal Asiatique, 1828, p. 237-246.
75 Gorshenina S., « Comment penser l’Asie du Milieu et l’Asie du Centre ? », Espace, populations, sociétés, 2007, 1, p. 15-31.
76 Müller M., La science du langage. Cours professé à l’institution royale de la Grande-Bretagne, traduit de l’anglais par Georges Harris et Georges Perrot, Paris, Auguste Durand, 1864 [1862], p. 313 sq.
77 Aytürk İ., « Turkish Linguists against the West: The Origins of Linguistic Nationalism in Atatürk’s Turkey », Middle Eastern Studies, 40, 6, 2004, p. 1-25: 4.
78 Pour le cas russe, cf. Laruelle M., « La question du “touranisme” des Russes. Contribution à une histoire des échanges intellectuels Allemagne-France-Russie au XIXe siècle », Cahiers du monde russe, 45, 12, 2004, p. 241-265.
79 Müller M., loc. cit.
80 Davids A. L., Grammar of the Turkish Language, Londres, Parbury & Allen, 1832, p. ii.
81 Brosset M.-F., « Histoire diplomatique du patriarche arménien de Constantinople, Avédik », Bulletin scientifique publié par l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg et rédigé par son secrétaire perpétuel, t. IV, 1838, p. 88.
82 Quatremère E., Chrestomathie en turk oriental, Paris, Imprimerie de Firmin-Didot frères, 1841.
83 Pavetde Courteille A., Dictionnaire Turk-oriental, Paris, Imprimerie impériale, 1870 ; id., Mémoires de Baber (Zahir-ed-din-Mohammed), Paris, Maisonneuve et Cie, 1871.
84 Von Böhtlingk O., Über die Sprache der Jakuten, Saint-Petersbourg, Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, 1851.
85 Vambéry A., « Eine Kasîde in Ujgurischer Schrift und Sprache », Zeitschrift der Deutschen morgenländischen Gesellschaft, 1867, p. 638-651 : 640.
86 Cf. Espagne M., Werner M. (dir.), Philologiques I. Contribution à l’histoire des disciplines littéraires en France et en Allemagne au XIXe siècle, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1990.
87 Wilhelm Radloff (1837-1918) publie dès 1866 le premier volet de sa monumentale étude des dialectes turciques de Sibérie. Radloff W., Proben der Volksliteratur der türkischen Stämme Süd-Sibiriens, Saint-Petersbourg, 1866-1872. Au nom de quoi il revendiquera le titre de « premier des turcologues ». Cf. Temir A., Türkoloji Tarihinde Wilhelm RadloffDevri. Hayatı, İlmî Kişiliği, Eserleri [Wilhelm Radloffdans l’histoire de la turcologie. Sa vie, sa personnalité scientifique, ses travaux], Ankara, TDK, 1991, p. 72. Sur la généalogie des études « tatares » dans la Russie impériale (et de la turcologie soviétique), nous renvoyons le lecteur à Kemper M., Conermann S. (dir.), The Heritage of Soviet Oriental Studies, New York, Routledge, 2011.
88 Gorshenina S., « La marginalité du Turkestan colonial russe est-elle une fatalité ou l’Asie centrale postsoviétique entrera-t-elle dans le champ des Post-Studies ? », Cahiers d’Asie centrale, 1718, 2009, p. 17-76 ; De Meaux L., La Russie et la tentation de l’Orient, Paris, Fayard, 2010, p. 123-131.
89 Sur l’essor de l’archéologie russe en Asie centrale : Laruelle M., « Le berceau aryen : mythologie et idéologie au service de la colonisation du Turkestan », Cahiers d’Asie centrale, 17-18, 2009, p. 107-131.
90 « Elle avait pour mission de pénétrer jusqu’aux bords de l’Orkhon, où l’on suppose qu’était située autrefois la fameuse ville de Kharakorum ». Heikel A. L. et al., Inscriptions de l’Orkhon recueillies par l’expédition finnoise et publiées par la Société finno-ougrienne, Helsingfors, Imprimerie de la Société de littérature finnoise, 1892, p. i.
91 « With the decipherment of the Old Turkic Runic texts and the Ujyur litterature, Turkology became a completely new, very broad discipline; it ceased to be the knowledge of Turkish, Čayataj and a few other Turkic languages of the Islamic world which usually were dealt with only as an appendix to Islamic studies. »Menges K., The Turkic Languages and Peoples. An Introduction to Turkic studies, Wiesbaden, Otto Harrassowitz, 1961, p. 6. Wilhelm Thomsen reçoit en 1895 le prix Volney pour ses Inscriptions de l’Orkhon déchiffrées (Helsingfors, Société de littérature finnoise, 1894).
92 Cf. Gady É., « Les égyptologues français au XIXe siècle : quelques savants très influents », Revue d’histoire du XIXe siècle, 32, 2006, p. 41-62.
93 Barthold V. V., La découverte de l’Asie. Histoire de l’orientalisme en Europe et en Russie, Paris, Payot, 1947, p. 163.
94 Ibid., p. 164; Menges K., op. cit., p. 3. C’est dans ce contexte que le Français Paul Pelliot entreprit l’expédition (1906-1908) qui le conduit au Ts’ienfotong de Touen-Houang. Bien que précédé par le Britannique Aurel Stein, il rapporte à Paris plusieurs milliers de manuscrits chinois, mais aussi des « sources précieuses pour le turc ouïgour vers l’an mil » qui font de lui « l’un des pionniers du comparatisme linguistique dit “altaïque”… » Bazin L., « Les études turques », Journal Asiatique, 261, 1973, p. 135-143 : 136 sq.
95 Bazin L., « Mustafa Kemal et la turcologie française », Bacqué-Grammont J.-L., Dumont P., La Turquie et la France à l’époque d’Atatürk, Paris, Association pour le développement des études turques, 1981, p. 17-26.
96 Kushner D., The Rise of Turkish Nationalism, 1876-1908, London, Frank Cass, 1977; Georgeon F., Aux origines du nationalisme turc. Yusuf Akçura (1876-1935), Paris, Éditions ADPF, 1980; Hanioğlu Ş., « Turkism and the Young Turks, 1889-1908 », Kieser H. L. (dir.), Turkey Beyond Nationalism. Towards Post-Nationalist Identities, Londres, I.B. Tauris, 2006, p. 3-19 ; Sadoğlu H., Türkiye’de Ulusçuluk ve Dil Politikaları [le nationalisme en Turquie et les politiques de la langue], Istanbul, Bilgi Üniversitesi Yayınları, 2003.
97 La « bible » du nationalisme turquiste qu’est le livre de Ziya Gökalp commence par un hommage appuyé à l’orientalisme européen. Gökalp Z., Türkçülüğün Esasları [Les principes du turquisme], Mehmet Kaplan, Istanbul, Millî Eğitim Basımevi, 1976 (1923). Cf. Copeaux É., Espaces et temps de la nation turque. Analyse d’une historiographie nationaliste, 1931-1993, Paris, CNRS Éditions, 1997, p. 37-40 ; İnalcik H., « Hermenötik, Oryantalizm, Türkoloji » [Herméneutique, orientalisme, turcologie], Doğu Batı, 20, 1, 2002, p. 13-39 ; Lewis B., From Babel to Dragomans : Interpreting the Middle East, New York, Oxford University Press, 2004, p. 423. Cet argument est approfondi dans notre thèse : Gouverner par les mots. Une histoire linguistique de la Turquie nationaliste, sous la dir. de François Georgeon, Paris, EHESS, 2013.
98 Ahiska M., « Orientalism/Occidentalism: The Impasse of Modernity », Sökmen M. G., Ertür B. (dir.), Waiting for the Barbarians. A Tribute to Edward Said, Londres-New York, Verso, 2008, p. 137-154 : 146 (qui écorche « l’orientaliste » Bernard Lewis au passage).
99 Cf. Thiesse A.-M., La création des identités nationales. Europe, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 2001.
100 Si l’on veut étudier les origines coloniales de la turcologie, il faudra les chercher du côté russe plutôt qu’européen.
101 İstanbul Darülfünunu, Türkiyat Enstitüsü [L’institut de turcologie], Istanbul, Evkaf Matbaası, 1931.
102 Cité dans Castagné J., Congrès de turkologie de Bakou (mars 1926), Paris, Ernest Leroux, 1926, p. 88. Le Danois Wilhelm Thomsen et le Français Jean Deny ont décliné l’invitation.
103 Barthold V. V., Ortaasya Türk Tarihine Hakkında Dersler [Cours sur l’histoire des Turks au Moyen Âge], Istanbul, Evkaf Matbaası, 1927 ; « Zwölf Vorlesungen über die Geschichte der Türken Mittelasiens » (texte édité par T. Menzel), Die Welt des Islams, 1932-1935, XIV-XVII ; Histoire des Turcs d’Asie centrale (traduit de l’allemand), Paris, A. Maisonneuve, 1945.
104 Menges K., op. cit., p. 6.
105 Dont le nom témoigne d’une prédilection plus grande pour le passé pré-islamique de l’Anatolie que pour l’histoire des Turks. Voir le récit de la fondation de cet institut par Jacques Thobie dans ce volume.
106 Kaldy-Nagy G., « Julius Németh », Kaldy-Nagy G. (dir.), Hungaro-Turcica. Studies in Honour of Julius Németh, Budapest, Loránd Eötvös University, 1976, p. 11-15: 13.
107 L’institut ne survivra pas au retour forcé de Babinger en Allemagne en 1943. Prodan D., Franz Babinger en Roumanie (1935-1943) : étude et sources historiques, Istanbul, Isis, 2003.
108 CAC 20100053/4, lettre de Deny à Boyer, 8 septembre 1922.
109 Deny J., Sommaire des archives turques du Caire, Le Caire, Société royale de géographique d’Égypte, 1930.
110 Deny J., Souvenirs du Gâzi Moustafa Kemâl Pacha, Paris, Paul Geuthner, 1927 ; id. (avec René Marchand), Petit manuel de la Turquie nouvelle, Paris, Haumont et Cie, 1933 ; id., « La psychologie du peuple turc », Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, 93e année, compte-rendu publié sous la direction de M. Ch. Lyon-Caen, secrétaire perpétuel de l’Académie, Paris, Librairie Félix Alcan, 1934, p. 116-127 ; id., « La réforme linguistique en Turquie », Vu, 363, 27 février 1935.
111 Il arrive d’ailleurs que ses fonctions nouvelles d’universitaire-diplomate s’accommodent assez mal de l’éthos académique dont il est profondément animé. Cf. Szurek E., « Le recteur, le professeur et le Büyük Önder. La théorie de la Langue-Soleil sous l’œil de Jean Deny », Turcica, 42, 2010, p. 279-303.
112 Charle C., « Des sciences pour un empire culturel. Note sur deux établissements scientifiques français à l’étranger », Actes de la recherche en sciences sociales, 133, 1, 2000, p. 89-95 ; id., « Enseignement supérieur et expansion internationale (1870-1930). Des instituts pour un nouvel Empire ? », Heilbron J., Lenoir R., Sapiro G. (dir.), Pour une histoire des sciences sociales. Hommage à Pierre Bourdieu, Paris, Fayard, 2004, p. 323-347.
113 De même, par exemple, que la création de la Maison franco-japonaise de Tokyo, en 1924, se réfracte dix ans plus tard dans la fondation d’un Institut d’études japonaises à la Sorbonne. Beillevaire P. « French approaches to Japanese studies: on their links with intellectual milieus and traditions », Befu H., Kreiner J. (dir.), Otherness of Japan. Historical and Cultural Influences on Japanese Studies in Ten Countries, Münich, Iudicium, 1992, p. 125-140: 126.
114 Le doyen Köprülü donne ainsi trois conférences en mars-avril 1935 sous le titre « Questions d’histoire et de littérature relatives au Moyen Âge turc » ; le député Fazıl Ahmed [Aykaç] donne deux allocutions en mars 1936 sur « La Révolution turque et le Kamâlisme », APJD.
115 Cf. les conférences de Jean Deny (« De la réforme actuelle de la langue turque », mars 1935), et de son élève Edmond Saussey (« Littérature populaire turque. La poésie » (I) ; « la littérature narrative » (II) ; « le théâtre » (III) ; mars 1936) ; à noter également les interventions de l’Autrichien Paul Wittek (« Les traits essentiels de la période seldjoucide en Asie Mineure » ; « Les Ghazis dans l’histoire ottomane », mars 1936). Interrompues pendant la guerre, les activités du Centre d’études turques reprennent dans les années 1950, APJD.
116 René Grousset dédicace son Empire des steppes à « Jean Deny, maître des études turques en France ». Grousset R., L’Empire des steppes. Atilla, GengisKhan, Tamerlan, Paris, Payot, 1941.
117 Retraité en 1949, Jean Deny est recruté à la School of Foreign Service de Georgetown University (NY), où il enseigne le turc pendant deux ans. La guerre froide a commencé et la Turquie a basculé dans l’atlantisme. Voir la contribution de Güneş Işıksel dans ce volume.
118 Voir la contribution d’Edhem Eldem dans ce volume.
119 Bazin L., « Les études turques », op. cit., p. 136.
120 René Giraud a échangé une correspondance avec Jean Deny bien qu’il n’ait jamais suivi son enseignement. On note la disparition au cours des trois dernières années des derniers représentants de cette « seconde génération » de la turcologie française en la personne d’Irène Mélikoff, de Jean-Paul Roux et de Louis Bazin.