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Du fief radical au bastion gaulliste : le Loiret, terre de mission socialiste au XXe siècle

p. 37-46


Texte intégral

1Longtemps modéré, ce joyau de l’ancien domaine royal situé sur le cours moyen de la Loire semble, à la Belle Époque, quitter les rives du « juste milieu » pour s’intégrer aux réseaux formés par les fonctionnaires préfectoraux de la République radicale autour de grands élus nationaux. Dans l’entre-deux-guerres, l’ancrage au centre-gauche du département du Loiret se renforce, à l’exception des élections de la Chambre bleu horizon, puis du rayonnement d’un « jeune radical », Jean Zay, bien plus nettement marqué à gauche que les habituels notables francs-maçons qui dirigent le conseil général en bonne intelligence avec les préfets successifs1.

2Même la séquence dramatique entamée en juin 1940 par l’exode et les bombardements des villes sinistrées ne suffit pas à mettre un terme à l’existence de ce fief radical : la nostalgie à l’égard des notables de « l’ancien régime républicain » se manifeste dès l’automne 1940, et les rescapés retrouvent naturellement à la Libération leurs fonctions municipales, départementales et leurs mandats législatifs2. Toutefois, l’usure menace leur suprématie électorale, les mouvements et la presse issus de la Résistance étant porteurs de forces en apparence plus en adéquation avec le discours de modernisation de la Reconstruction puis de l’Expansion : démocrates-chrétiens, gaullistes, socialistes et même communistes réussissent à se faire une place au détriment du traditionnel face-à-face entre radicaux et modérés.

3Comment un ancien fief radical est-il devenu un bastion de la droite ? Pourquoi le Loiret demeure-t-il une terre de mission pour la gauche, y compris pour la « deuxième gauche » issue des mouvements étudiants chrétiens hostiles à la guerre d’Algérie ?

Les ambiguïtés d’un fief radical (1900-1956)

4Issu du démembrement de l’Orléanais, la formation du département du Loiret associe des pays très différents, la Sologne marécageuse, la Beauce fertile, le Val de Loire horticole et viticole, et le Gâtinais que Montargis aspirait à diriger. Aussi, dans cette province à l’identité peu marquée, « domaine royal », l’évolution des situations électorales se calque sur les mutations politiques nationales, surtout dans les périodes de réduction du rôle national des dirigeants départementaux, donnant alors aux préfets un poids inversement proportionnel. Les comportements électoraux reflètent la diversité des arrondissements, et il faut même souvent descendre au niveau du canton pour comprendre les particularismes, les réseaux, les dynasties électives. Or, la stagnation démographique et la lenteur de l’industrialisation, la précocité de la déchristianisation modifient peu ces caractéristiques. Cette permanence des structures et des mentalités offre un terreau favorable dans un premier temps à la bourgeoisie orléaniste puis aux républicains opportunistes, relayés par des réseaux radicaux appuyés sur les préfets.

Un fief récent de la gauche modérée

5Fragile, appuyé sur l’appareil d’État et lié à un stade de développement de la société, au contexte de faible industrialisation et d’anémie démographique, de dépendance d’une capitale si proche : tel apparaît le fief radical du Loiret dans le premier XXe siècle. Le département a eu un passé frondeur sous les monarchies censitaires, avec une magistrature et des journaux libéraux sous Charles X, et curieusement des séjours préfectoraux sous l’orléanisme avec une véritable guérilla menée par le Journal du Loiret contre le conseiller d’État Siméon, trahi par ses propres conseillers de préfecture, avocats plaidant de ses opposants3 ! De même sous le Second Empire, les arrondissements de Montargis et de Gien restent sous surveillance, après les troubles de 1846-18484, et réservent de désagréables surprises aux candidats officiels tel l’ancien sous-préfet Grouchy, qui ne l’emporte que lorsqu’il perd le soutien de l’administration, « toujours en retard – tradition familiale – d’un ou deux régimes », ultime paradoxe pour ce célèbre fils naturel tardivement légitimé5 ! Surtout, les républicains réussissent à s’implanter à Montargis avec l’avocat et homme de presse Adolphe Cochery6, élu au Corps législatif en 1869, et qui met à profit ce tremplin pour s’emparer du conseil général en 1878 au détriment du conseiller d’État bonapartiste Jahan7. Un véritable réseau opportuniste se met en place autour du ministre de Thiers, qui transmet héréditairement le fief à son fils Georges et à l’inamovible ministre de l’Agriculture Viger8, avec une donation-partage en forme d’alternat à la présidence départementale9. Le légitimisme châtelain est battu en brèche par la poussée viticole démocratique.

6Le fonctionnement clientéliste de ce système prépare la mise en place du réseau radical du député d’Orléans Fernand Rabier, franc-maçon, rapporteur de la loi sur les congrégations, bousculé dans son fief par le scrutin de liste et la poussée à droite de la Chambre bleu horizon, mais qui se rétablit très vite en ajoutant à sa présidence du conseil général les fonctions de maire du chef-lieu, de sénateur et de vice-président de la Haute Assemblée. Beau-père d’un sous-préfet, Rabier entretient des relations plus qu’amicales avec les préfets de la République radicale et instaure une sorte de cogestion du département. Ainsi, la permanence des réseaux départementaux permet-elle d’amortir le choc des mouvements électoraux nationaux, voire les effets des changements de modes de scrutin10.

7Toutefois, cette domination radicale ne se transforme jamais en monopole de la représentation, et des oasis subsistent en faveur de la droite, du Giennois pauvre à la Beauce11. Plus profondément, l’incapacité des radicaux du Loiret à mettre en œuvre un véritable socialisme municipal fragilise leur fief, réduit à l’état de bastion, à l’inverse de leurs voisins de la Loire moyenne, Maurice Viollette à Dreux12, Joseph Paul-Boncour dans le Loir-et-Cher13.

La fissure du condominium départemental avec le préfet : la division des radicaux des années 1930

8Ce véritable fief radical politico-administratif survit à Rabier et profite à ses héritiers politiques du radicalisme modéré, les sénateurs Donon et Turbat, très liés au monde de l’agriculture et du syndicalisme horticole, et le géographe Gallouédec14. Le choix des grands notables en faveur de l’exercice de la présidence de l’assemblée départementale est simplifié par la seule interdiction légale de la présence du maire du chef-lieu et des parlementaires au sein de la commission départementale, cette inégalité de traitement transformant cette dernière fonction en voie de garage pour élus locaux de seconde zone.

9Mais cette permanence à la tête de l’assemblée départementale, à la mairie d’Orléans et au Sénat masque des lignes de faille : les radicaux du Loiret des années 1930 se divisent entre les « radicaux de gouvernement » marqués par l’anticommunisme et les jeunes turcs incarnés par le brillant avocat Jean Zay15, mais aussi par le docteur Dézarnaulds à Gien. L’entrée au gouvernement Blum de ces deux leaders semble conforter le fief radical, alors qu’un net mouvement de terrain vers la gauche le fissure, offrant au socialiste Claude Léwy la mairie d’Orléans et la circonscription de Montargis à Eugène Frot, ministre de l’Intérieur du 6 février 1934. Dès 1937, l’unité radicale éclate entre partisans du Front populaire et tenants de la conjonction des centres.

L’éclatement en bastions et la désertification des oasis de la gauche (1956-2010)

Un modèle en sursis jusqu’en 1956 : le principat de Pierre Dézarnaulds

10Converti au radicalisme à la Belle Époque, le département du Loiret reste à la Libération sous l’influence des notables traditionnellement portés par le cumul des mandats. En effet, l’impopularité de Vichy provoque dès la fin de l’année 1940 un regret des notables radicaux dans la population, avant que la Résistance ne vienne légitimer à nouveau les élus de « l’ancien régime ». Seul survivant des caciques du radicalisme et ancien secrétaire d’État du cabinet Blum de 1936, Pierre Dézarnaulds, élu au conseil général de 1919 à 1967, réussit de 1945 à 1956 à sauvegarder cet héritage politique à la tête de l’assemblée, reprise ensuite par les Indépendants puis par les démocrates-chrétiens16.

11Au lendemain de la guerre, la difficulté politique pour le président du conseil général du Loiret réside dans l’effondrement de l’influence radicale, prépondérante durant 40 ans dans le département, mais désormais reléguée au quatrième rang des forces électorales dans le Loiret. Cette décadence est accélérée par l’absence de tout organe local à sa dévotion. Et pourtant, le rapport de forces est tout autre, et c’est le sous-préfet de Montargis, sensibilisé à l’opinion des électeurs ruraux du Gâtinais, qui le perçoit le mieux : la liste RGR se voit réserver un bon accueil pour des raisons très diverses : l’estime acquise par les têtes de liste, les docteurs Dézarnaulds et Chevallier, maire UDSR17 d’Orléans, à l’intégrité incontestée, l’impopularité du gouvernement du tripartisme chez « ceux qui souffrent », positionnement habile à la fois contre le « communisme totalitaire » et contre les trusts. En outre, la véritable nouveauté de la campagne résulte de cette alliance qui aurait pu dérouter le camp laïc, mais qui a le grand avantage d’additionner l’influence traditionnelle des radicaux à l’aura résistante de l’UDSR, parti qui tient à Orléans le seul journal local à grande diffusion, La République du Centre, tiré à 55 000 exemplaires, Roger Secrétain étant le rédacteur en chef du journal de 1944 à 198218. Les lourdes attaques de la presse communiste contre un homme coupable d’avoir soutenu Daladier et d’aller « sur le chemin du fascisme19 » portent d’autant moins que l’opinion départementale lui sait gré de n’avoir pas voté les pleins pouvoirs à Pétain et d’avoir soutenu la Résistance. L’affirmation de s’en tenir aux enjeux locaux vole en éclats, le vieux radical « Troisième Force » incarne à merveille ce jeu de rôle lorsqu’il jure de ne penser qu’à l’intérêt départemental en dénonçant les deux périls du « communisme totalitaire » et du « pouvoir personnel » gaulliste20.

12En dépit de l’abaissement du prestige des sénateurs au début de la IVe République, la tradition d’une présence massive des présidents de conseils généraux au palais du Luxembourg perdure. Les élections sénatoriales peuvent même jouer de fait le rôle de répétition générale avant l’affrontement pour la direction de l’assemblée départementale, même quand ces scrutins traduisent la stabilité de l’équilibre droite/gauche parmi les délégués du collège sénatorial. Mais le président sortant, Dézarnaulds, paie en 1956 les conséquences d’une recherche excessive de cumul de mandats : reconduit à l’unanimité même en 1951 lors de l’avancée du bloc modéré, il est battu par le Dr Charpentier, secrétaire général de l’influente Association des maires de France21, après s’être acharné à conquérir un mandat sénatorial à l’évidence au-dessus de ses forces, étant aveugle et pratiquement sourd22

Un glissement vers le centre-droit orchestré par les acteurs préfectoraux : de l’UDSR aux démocrates-chrétiens

13Le tournant de 1958 bouleverse cet équilibre entre notables parlementaires. L’administration préfectorale est le fer de lance de l’industrialisation tardive du Loiret, fruit indirect du souci de désengorgement de la capitale par l’aménagement du territoire du grand Bassin parisien. Rajeunie, brassée, plus qualifiée, la population de l’Orléanais ne se sent plus enserrée dans les réseaux classiques, et son comportement électoral évolue parallèlement aux grands mouvements nationaux, mais avec un constant décalage au profit des partis de droite.

14L’absence d’influence nationale des élus du Loiret aggrave leur soumission à de grands préfets proches de la place Beauvau. Les présidents du conseil général ne sont plus de grands parlementaires, le maire d’Orléans non plus23. Seule la longévité des notables compense l’infériorité de leurs attributions et de leur prestige. Mais le préfet sait faire jouer ses relations et instrumentalise les divisions départementales pour l’emporter.

15Alors que la plupart des présidents du conseil général accèdent à la députation comme à un tremplin de jeunesse, bien avant de postuler à l’ancienneté à diriger les débats départementaux, l’indépendant Perroy échappe à la règle24. Et le seul président du conseil général du Loiret depuis le Second Empire à ne pas éprouver le besoin d’étayer son assise locale par un mandat parlementaire est l’entrepreneur Pagot qui accepte, durant ses quinze années de présidence, sa subordination aux préfets successifs et agit davantage comme un défenseur des intérêts économiques locaux que comme un contrepoids politique au représentant de l’État25.

16Si le président du conseil général bénéficie d’un enracinement local impressionnant, la facilité habituelle de sa double réélection cantonale et départementale lui accorde le privilège de la durée. Mais en cas de conflit, un préfet soutenu par le ministère dispose d’atouts qui lui permettent de faire prévaloir son influence sur l’assemblée départementale. Élu d’une assemblée majoritairement rurale, le président du conseil général illustre la force de l’enracinement : hormis deux natifs de Paris, tous sont non seulement du Loiret, mais de leur canton d’élection, ne faisant une courte escapade dans la capitale que le temps de leur formation universitaire, juridique, médicale ou commerciale. Significativement, les professions libérales, médecins sous la IVe, avocats au début de la Ve, cèdent la place à des entrepreneurs après 1964.

Un bastion démocrate-chrétien par défaut ?

17L’élection à la présidence de l’assemblée départementale est organiquement au diapason du sort de la majorité des cantons. Elle vient généralement couronner le parcours d’un élu chevronné et apprécié par ses pairs pour sa capacité à promouvoir la vie départementale. Aussi, en dépit de l’implantation du président qui rend improbable sa défaite personnelle aux cantonales, sa fonction peut être remise en cause par une modification de l’équilibre des forces départementales ou par l’érosion de son influence sur ses collègues. Occurrence rare en 1961, la fin de la présidence de l’indépendant Perroy est consommée par sa défaite dans le canton d’Orléans nord-ouest, qui ne fait que rejouer le succès législatif de son adversaire républicain populaire Gabelle en 1958 ; on peut y voir un véritable règlement de comptes au sein des milieux catholiques orléanais, puisque l’ancien bâtonnier paie son départ fracassant du MRP au nom de l’attachement à l’Algérie française. Ici, le changement de président intervient en l’absence de variation notable de la composition politique de l’assemblée, mais comme une sorte d’onde de choc d’un scrutin national précédent26.

18Si les préfets encore en poste à la Libération sont a priori suspects de complaisance envers le régime de Vichy, certains sortent de l’expectative passent le cap de la commission d’épuration, et des incidents de carrière peuvent faire ressurgir les zones d’ombres de leur passé. C’est le cas au début de la Ve République entre un gaulliste de la première heure, Claude Lemaître, arrêté à Paris en février 1944, torturé puis déporté à Mathausen27, et le préfet Dupuch, ancien directeur de cabinet du préfet régional de Clermont sous Vichy28. Le contentieux alourdit l’atmosphère au conseil général, jusqu’à ce que la stratégie de revanche du préfet aboutisse à la défaite du président sortant lors du renouvellement de 1964 : il suscite la candidature du docile démocrate-chrétien Pagot, et l’enjeu est bien souligné dans un ultime discours par Lemaître qui met en garde ses collègues contre le risque d’abaissement des assemblées départementales en chambres locales d’enregistrement, sous le double assaut de la manipulation préfectorale et de la vassalisation à la région29.

19Durant trois décennies, l’ancien fief radical est tenu par les démocrates-chrétiens, mais uniquement au conseil général, cette faiblesse préparant le passage du relais aux néogaullistes. Seul Henri Duvillard, chef des corps francs du Loiret dans la Résistance, réussit à s’implanter durablement, député de 1958 à 1978 sous les diverses étiquettes gaullistes, tout en étant ministre des Anciens combattants et Victimes de guerre de 1967 à 1972 puis président du Comité national du Mémorial du général de Gaulle.

Les limites de la greffe socialiste : une terre de mission possible, une désertification « résistible »

20Si l’offensive idéologique et associative du PSU dans les milieux de cadres et d’enseignants annonce la mue forcée de la SFIO, elle ne débouche que sur une exception significative : la pérennité parlementaire de Jean-Pierre Sueur, rocardien qui perd toutefois la mairie d’Orléans à cause des tensions avec le PCF et l’extrême gauche. La clé religieuse en fournit une grille d’interprétation : la déchristianisation précoce a été un point d’appui pour la gauche radicale, mais ce repère s’est brouillé après 1945 : la guerre froide a rendu le centre anticlérical avant tout anti-communiste ; le renouvellement démographique a aussi contribué à faciliter la greffe des chrétiens de gauche, mais a compliqué les relations avec radicaux et communistes. Le retour des radicaux en 1971 à la mairie d’Orléans se transforme ainsi en jeu de dupes, le vainqueur, René Thinat, devenant valoisien par rejet du programme commun.

21Avec le PSU, le chrétien de gauche Marcel Reggui accepte de se présenter pour prêcher dans le désert, sans aucune intention d’être élu30. Il sème effectivement les idées qui préparent le terrain au renouveau socialiste des rocardiens du Loiret avec Michel de La Fournière31 puis Jean-Pierre Sueur, parlementaire depuis 1981, avec une longévité inédite depuis Fernand Rabier32, significativement tous venus du syndicalisme chrétien étudiant et du monde enseignant33. À droite, l’absence de leader d’envergure nationale à la suite du retrait de Jacques Douffiagues en 1988 renforce le poids des hauts fonctionnaires, spécialistes des collectivités : derrière la présidence bonhomme de Kléber Malécot34, l’ancien préfet de région Paul Masson, est le véritable leader de la droite départementale jusqu’en 2001, « gouverneur » formé par l’École nationale de la France d’outre-mer35 ; Serge Bodard, secrétaire général de la mairie d’Orléans, est le faiseur de maire au chef-lieu. Mais les héritages fonciers ou de presse demeurent avec les Carré à Orléans et les Charrié à Pithiviers.

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22L’UMP a été tentée de donner le coup de grâce à la gauche, sous le quinquennat Sarkozy, à la faveur des deux redécoupages annoncés : régional et législatif. En parachevant l’effet du mode de scrutin et du découpage des circonscriptions qui morcelle l’agglomération orléanaise, elle a isolé dans l’océan céréalier les banlieues à habitat collectif, marginalisant les rares bastions ouvriers, à l’instar de la commune cheminote de Fleury-les-Aubrais36. Mais cet empressement ne souligne-t-il pas paradoxalement une fragilité du fief conservateur : la droite « régresse » dans la capitale régionale aux élections cantonales et régionales, n’est-elle pas menacée de ne garder que des « butes témoins », les reliefs ruraux isolés d’une prépondérance en peau de chagrin ?

23Dans ce contexte électoral mouvant, les enjeux politiques d’un redécoupage régional sont majeurs : très comparables au Loiret, l’Indre-et-Loire a basculé à gauche, rejoignant le Cher ; si la gauche tient à garder le Berry en région Centre, ou au besoin à s’ouvrir vers l’aval du fleuve, le président du conseil général UMP, le sénateur Éric Doligé, lorgne vers le sud de l’Île-de-France, afin de constituer un fief inexpugnable en agrégeant à l’Eure-et-Loir les Yvelines et la Seine-et-Marne, départements aux structures sociales et à l’évolution politique voisines. Domaine royal ou vent de galerne, il faudra choisir, avec le risque de fragiliser le statut de capitale régionale d’Orléans, ville aux conseillers généraux de gauche, mais qui vient de réélire, pour un 3e mandat, un maire qui se revendique de l’héritage gaulliste.

Notes de bas de page

1 J.-P. Worms, « Le préfet et ses notables », Sociologie du travail, Paris, 3/66, p. 249-275 ; M. Longepierre, Les conseillers généraux dans le système administratif français, Paris, Cujas, 1971, 215 p. ; O. Loubes, Jean Zay, L’inconnu de la République, A. Colin, 2012, 288 p.

2 Y. Durand, Le Loiret dans la guerre 1939/1945, Roanne, Éditions Horvath, 1983, 232 p.

3 Archives nationales (AN), 558 AP 2-3 : papiers du comte Henri Siméon (1803-1874).

4 C. Marcilhacy, « Les caractères de la crise sociale et politique de 1846 à 1852 dans le département du Loiret », Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier-mars 1959, p. 5-59.

5 AN, 44 AP 13 : ministère de l’Intérieur, notation du personnel de l’administration préfectorale (1853, 1860-1863). Dossier personnel, AN, F/1bI/161/20. B. Leclère, V. Wright, Les préfets du Second Empire, Paris, A. Colin, Cahiers de la FNSP, 1973, p. 197.

6 Archives départementales du Loiret (Arch. dép. Loiret), 25736. G. Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains contenant toutes les personnes notables de la France et des pays étrangers, Paris, Hachette, 1880 ; B. Yvert, Dictionnaire des ministres, Paris, Perrin, 1990, 1264 p., p. 415 ; P. Albert, Histoire générale de la presse française, Paris, PUF, 1969, t. II, p. 292.

7 J. Goueffon, « Le parti républicain dans le Loiret à la fin du Second Empire », dans L’esprit républicain, actes du colloque d’Orléans des 4-5 septembre 1970, Paris, s. d., p. 289-298.

8 Arch. dép. Loiret, 25725 (dossier individuel de conseiller général), 2 M 104, 2 M 135, 2 M 137.

9 J. Goueffon, « Les élections cantonales, reflet de la politique locale sous la IIIe République, l’exemple du Loiret », dans Actes du 93e congrès national des sociétés savantes, Tours, 1968, section d’histoire moderne et contemporaine, tome II, p. 471-489.

10 J. Mollard, Fernand Rabier : un homme d’État radicalement orléanais, Éditions de A à Z patrimoine, 2001, 202 p. ; J.-N. Jeanneney, L’Argent caché. Milieux d’affaires et pouvoirs politiques dans la France du XXe siècle, Paris, Le Seuil, 1984, p. 73-95.

11 L’industriel Bapterosses à Briare « fait la prospérité de son canton », puis la dynastie Loreau à Gien conteste l’emprise du maire radical Dézarnaulds. Le conservatisme beauceron trouve en Darblay un porte-parole épaulé dans le Val par le châtelain de Cléry, le comte de Tristan, issu de la famille des Tascher de la Pagerie. L. Girard, A. Prost et R. Gossez, Les conseillers généraux en 1870. Étude statistique d’un personnel politique, Paris, PUF, travaux du Centre de recherches sur l’histoire du XIXe siècle, 1967, 211 p., p. 82.

12 F. Gaspard, Un homme, trois Républiques, Musée de Chartres, 1985.

13 G. Dupeux, Aspects de l’histoire sociale et politique du Loir-et-Cher, 1848-1914, Paris, Mouton, 1962, 631 p.

14 G. Joumas, « Louis Gallouédec », Les Hommes du Siècle, Orléans, La République du Centre, 28 novembre 2000 ; G. Joumas, « Louis Gallouédec (1864-1937) : un vulgarisateur de la géographie engagé en politique », dans G. Baudelle, M.-V. Ozouf-Marignier, M.-C. Robic (dir.), Géographes en pratiques (1870-1945), Le terrain le libre et la cité, Rennes, PUR, 2001, p. 117-122.

15 A. Prost, Jean Zay et la gauche du radicalisme, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, 250 p. ; M. Ruby, Jean Zay : député à 27 ans, ministre à 31 ans, prisonnier politique à 36 ans, assassiné à 39 ans, Orléans, Éditions Corsaire, 1994, 415 p. ; F. Marlin, L’action politique de Jean Zay dans le Loiret, 1932-1939, université d’Orléans, faculté des lettres, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, 1988, 438 p., XCIX p.

16 M. Verbeke, Pierre Dézarnaulds (1879-1975). Un grand notable radical dans les années trente, faculté des Lettres d’Orléans, mémoire de maîtrise, 1984, 178 p.-XXVIII annexes ; G. Lauvergeon, « Pierre Dézarnaulds », Les Hommes du Siècle, Orléans, La République du Centre, 2001.

17 É. Duhamel, L’UDSR ou la genèse de François Mitterrand, préface d’Hubert Védrine, Paris, CNRS Éditions, coll. « Histoire », 2007, 376 p.

18 Arch. dép. Loiret, 2 M 35330 c : rapport du sous-préfet de Montargis au préfet du Loiret le 24 octobre 1946.

19 Arch. dép. Loiret, 25731-25732 : dossier individuel de conseiller général, canton de Châtillon-sur-Loire, Dr Dézarnaulds. Propos d’un contradicteur communiste lors de la réunion publique du 8 novembre 1946 à la salle des fêtes d’Orléans. Une caricature de l’organe communiste Le Travailleur dans son numéro du 2 novembre 1946 représente le vieux président Dézarnaulds tiré par le vélo-taxi de l’UDSR, s’éloignant de Marianne (« R.F., 500 mètres ») pour rejoindre l’évêque et le capitaliste (« La Réac, 200 mètres »).

20 Éditorial de Roger Secrétain, La République du Centre du 19 mars 1949.

21 P. Le Lidec, Les maires dans la République. L’association des maires de France, élément constitutif des régimes politiques français depuis 1907, thèse de science politique, université de Paris I, Économica, coll. « Études politiques », 2001, 648 p.

22 Arch. dép. Loiret, 2 M 35338Il : rapport des RG du 18 octobre 1955. Ne fait alors que rejoindre l’attention de l’administration préfectorale, obnubilée par la propagande hostile au Plan Marshall, vivement combattue à Montargis par l’orateur national du RPF Gaston Palewski. La presse locale ne s’y trompe pas, soulignant l’importance des résultats cantonaux dans la détermination du rapport des forces entre les grands élus départementaux.

23 « Libération Nord » avec Pierre Ségelle, placé sous la présidence d’André Dessaux, rassemble Georges Carré, le docteur Chevallier, le docteur Grosbois, se réunit régulièrement à l’hôpital d’Orléans. Cette formation locale de « Libération Nord » accueille et protège des évadés et parachutés et entretient le contact avec Londres, mais ce réseau est décimé en 1943. Sollicité par ses amis politiques, Roger Secrétain se présente sous l’étiquette UDSR aux élections législatives partielles de 1951, pour remplacer le docteur Chevallier, député UDSR décédé. Il devance le RPF Henri Duvillard, en 1955, il est président du groupe UDSR. Aux élections législatives de 1956, il n’est pas réélu, distancé par les candidats du parti communiste, de la SFIO, du parti radical, du MRP, du groupement national des indépendants d’action démocratique et paysanne et même par le candidat poujadiste. Il est élu maire d’Orléans en 1959, réélu en 1965 puis battu en 1971. Il jette ainsi les bases de la politique urbanistique du quartier de la Source et de la renaissance de l’université. Président fondateur de l’association des maires du Loiret, il est également, en qualité de maire de chef-lieu de région, membre de droit du conseil régional de la région Centre de 1964 à 1971.

24 Arch. dép. Loiret, 2 M 35 3332, M 77886-77887, 77 898, 2 M 35 338. Il bénéficie de l’invalidation d’un élu poujadiste pour être repêché en février 1956 avant d’être élu dans la foulée à la présidence en 1958 à la faveur de la maladie de son prédécesseur Charpentier et du changement de République.

25 Son manque d’ambition nationale s’explique autant par son parcours corporatif et municipal que par son âge, 62 ans lors de sa première élection. Rapport du préfet Dupuch au ministre de l’Intérieur le 16 mars 1964 et Procès-verbaux des sessions du Conseil général du Loiret, Orléans, Imprimerie Puget et Cie.

26 La Nouvelle République du 13 juin 1951.

27 Arch. dép. Loiret, 2 M 35330 a, 2 M 28203, 77898, 77899. 25731-25732 : dossier individuel de conseiller général, canton de Châteauneuf-sur-Loire Sénateur-maire de Châteauneuf-sur-Loire, secrétaire d’État UDSR à la Jeunesse et aux Sports de Pleven en 1951, il condamne le régime d’assemblée et devient naturellement président du conseil général en 1961 à la faveur de la défaite de l’indépendant pro-Algérie française, l’ancien jeune patriote Perroy. Évocation de son arrestation par le père Riquet dans La République du Centre du 27 février 1961.

28 AN, CAC 920231/20. CAOM. 1Gb 78. R. Bargeton, Dictionnaire biographique des préfets (septembre 1870-mai 1982), Paris, Archives nationales, 1994, p. 218.

29 Séance du conseil général du Loiret du 18 mars 1964, procès-verbal de la session de 1964, Orléans, Imprimerie Émile Puget et Cie.

30 M. Reggui, Les massacres de Guelma Algérie, mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales, Paris, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2006, 192 p.

31 M. de La Fournière, F. Borella, Le Syndicalisme étudiant, Paris, Le Seuil, 1954, 190 p.

32 J. Molard, Fernand Rabier : un homme d’État orléanais, préface de Jean-Pierre Sueur, Sury-en-Vaux, Éditions A à Z patrimoine, 2007, 200 p.

33 J.-P. Sueur, J.-P. Siret, Les étudiants, la politique et l’Église : une impasse ?, Paris, Fayard, 1970, 144 p.

34 Entretien avec l’auteur le 14 février 2001 à Neuville-aux-Bois, P. Allorant, Le président du Conseil général du Loiret de 1871 à 1982, Cahiers du Laboratoire collectivités locales, no 2-série histoire, PUO, Maisonneuve et Larose, 2003, p. 18 ; Who’s who in France, 30e édition, 1998-1999, 1998, Levallois-Perret, p. 1145.

35 Entretien avec l’auteur le 21 mars 2001 dans son bureau du Palais du Luxembourg, P. Allorant, Le président du Conseil général du Loiret de 1871 à 1982, Cahiers du Laboratoire collectivités locales, no 2-série histoire, PUO, Maisonneuve et Larose, 2003, p. 18 ; Who’s who in France, 30e édition, 1998-1999, 1998, Levallois-Perret, p. 1182 ; R. Bargeton, Dictionnaire biographique des préfets (septembre 1870-mai 1982), Paris, Archives nationales, 1994, p. 386-387.

36 P. Nivet, Une commune cheminote de la banlieue d’Orléans : Fleury-les-Aubrais (Loiret) de 1911 à 1971, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine sous la direction d’Antoine Prost, Paris I, 1987, 272 p.

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