Chapitre IX. La campagne de Basse-Bretagne
p. 427-467
Texte intégral
« Je pardonnai sans peine tous ceux dont la retraite témoignait le repentir. Quelques uns des plus obstinés de leurs fautes furent pris les armes à la main et abandonnés à la justice. Leur crime méritait la mort… »
Louis XIV au sujet des Lustucrus,
Mémoires pour l’instruction du Dauphin1.
1Au moins autant que la révolte dite des « Bonnets rouges » elle-même, sa répression est un des moments clefs de la mémoire bretonne. À l’occasion du tricentenaire de l’événement, la Maison de la culture de Rennes ne fit-elle pas faire une affiche annonçant un spectacle et montrant, teintée de rouge sang, les pendus de Jacques Callot ? La marche réputée sanglante du duc de Chaulnes dans le pays breton a en effet laissé des traces, cultivées avec soin par des historiographies variées, mais qui toutes renvoient à l’idée selon laquelle les Bretons sont alors entrés, dans les larmes et les cris, dans la grande famille des peuples victimes des États-Nations d’Occident. Il faut oublier tout cela un moment pour tenter, s’il est possible, de faire triompher l’histoire sur la mémoire : ce constat banal s’impose, dans un contexte qui garde son potentiel émotivo-mémoriel. Notre propos consiste ici simplement à ouvrir le dossier réputé connu. La question principale est donc d’essayer de savoir quelle fut l’action de l’État : qu’a-t-il voulu faire, quels moyens s’est-il donnés, quel en fut le résultat ? Que sait-on au juste de cette répression présentée le plus souvent comme terrible ? Ceci amène à se demander si la répression dépasse celles qui lui sont peu ou prou contemporaines. En filigrane, une autre question vient à l’esprit, qui prolonge certaines remarques formulées plus haut, et qui concerne le rôle des habitants eux-mêmes dans cette phase moins glorieuse de l’aventure. Il ne semble pas que l’on puisse envisager en effet le processus de retour au calme comme le simple effet d’une action martiale, ce qui implique de tenter de comprendre par quels mécanismes internes aux sociétés concernées on est passé de la révolte à la soumission. Au fond, quelle a donc été cette campagne de Bretagne, surnommée ironiquement par la marquise de Sévigné, « la guerre de Bretagne2 » ?
Des « remèdes doux » aux « remèdes durs » : histoire d’un choix politique
Le virage du 13 juillet
2Face aux fureurs, le premier mouvement du duc de Chaulnes est de jouer la carte de l’apaisement, fidèle à une tactique qu’il est en droit de considérer, début juillet, comme payante au vu du précédent rennais. C’est ainsi qu’on le voit prendre des mesures visant à limiter la distribution du papier timbré3 et demander à « toutes sortes de personnes » d’aller prêcher le calme, Jésuites de Quimper en tête4. C’est dans ce cadre qu’intervient le père Lefort, à la fois pacificateur et agent de renseignements. De son côté, depuis son observatoire monastique des environs de Josselin, monseigneur du Guémadeuc envoie l’un de ses missionnaires, bretonnant de naissance, inciter les paysans à solliciter le pardon, non sans obtenir quelques succès, plusieurs paroisses étant venues semble-t-il grâce à lui demander grâce à Chaulnes dès la fin juillet5. Quant au père Maunoir, il poursuit de sa propre initiative sa mission un moment perturbée en Plouguernével, en faisant venir des habitants de paroisses insurgées grâce à l’annonce de la représentation d’un mystère qui, d’après son hagiographe, montrait le Christ « obéissant jusqu’à la mort6 ». Et il termina sa prédication en lançant à l’assistance :
« Serez vous aussi cruels que les Juifs ?… Le crucifierez-vous vous-même par la continuation de vos désordres ? »
3Chacun, dit l’hagiographe, rentra chez lui en demandant pardon et en promettant de rester fidèle au roi. Par peur de l’Enfer ou par peur des soldats ? Les deux sans doute, les seconds pouvant même être perçus comme un avant-goût du premier.
4Dans les premiers jours de juillet en effet, le duc de Chaulnes s’est rallié à l’idée que seule l’arrivée d’un contingent significatif pourrait l’aider. Pour comprendre ce retournement, il nous faut revenir un peu en arrière, et envisager le changement de tactique de la monarchie dans l’affaire de Basse-Bretagne. Jusque vers le 10 juillet, Chaulnes pense encore que tout peut rentrer dans l’ordre par l’usage de « remèdes doux », puis, il estime soudain que promesses politiques et célestes ne suffiront pas, et que l’armée est nécessaire. C’est une inflexion majeure, dont on a trace le 13 juillet, où elle se dévoile en deux temps. Ce jour-là, le gouverneur se demande dans une lettre à Colbert si le plus judicieux ne serait pas en fait de châtier les rebelles avant les états, mais après l’annonce officielle de leur convocation7. L’idée est très habile : il s’agit de désamorcer le mécontentement par une juste punition en profitant de ce que le mouvement est en train de décliner. Chaulnes craint en effet que si la punition n’est pas effective avant les états, ceux qui ont exprimé des « demandes ridicules » ne soient fort en colère de ne pas les voir satisfaites et reprennent les armes après la session. Il faut donc, comprend-on, purger les campagnes des agitateurs. Ainsi le gouverneur a-t-il visiblement bien intégré les menaces des « codes paysans » qui ne lui étaient pas destinés. Ceux-ci auraient donc eu pour effet d’accélérer le moment où sont envisagés les supplices. Aussi, dans cette perspective punitive et parce qu’il considère que tout est bientôt fini, Chaulnes demande qu’on puisse lui envoyer au moins 1 500 fantassins et 300 ou 400 dragons, troupes qu’il estime capables de s’adapter au bocage. Mais à la fin de cette même lettre, reprenant la plume après l’avoir signé de sa main, Chaulnes fait état d’une information, qui vient de lui parvenir, selon laquelle la révolte, qu’il croyait alors en voie d’apaisement, est passée dans le Léon. Là, dit-il, plusieurs maisons nobles ont été pillées, dont celle du marquis de Trévigny – qui est en réalité en Cornouaille –, par 2 000 ou 3 000 personnes. Cet épisode, que Michel Nassiet perçoit comme le moment paroxystique de la révolte, semble avoir déterminé Chaulnes à solliciter au plus vite l’arrivée de troupes car il s’empresse d’écrire à Louvois pour l’en informer, alors qu’il ne lui a apparemment pas écrit depuis deux semaines. Il dépêche de surcroît à la cour le gouverneur de Fougères, Beaumont, témoin de ces méfaits, pour qu’il raconte ce qu’il a vu8. Selon la marquise de Sévigné, qui se flatte d’avoir rencontré l’émissaire du duc à Paris, ce personnage est bel et bien envoyé par Chaulnes pour quérir des troupes9.
5On peut comprendre pourquoi le duc en est venu là. Constatant contre toute attente que dès qu’un endroit s’apaise, un autre s’embrase, que sa présence ne suffit pas à ramener le calme, que les paroles et les promesses sont insuffisantes, le duc se résout donc à passer aux « remèdes durs » aussi vite que possible, ce qui ne veut pas dire qu’il renonce aux « remèdes doux ». Seulement, il les estime insuffisants. Il est hautement probable que l’annonce de la récidive de Rennes, qui lui est faite vers le 20 juillet, et qui le consterne10, l’a renforcé dans son idée. Apprenant cette nouvelle, le duc demande que les troupes viennent par mer, afin de ne pas émouvoir inutilement les populations restées calmes jusque là11. À cette date, l’inquiétude du duc est ravivée par le fait que la région de Quimper, qu’il pensait être pacifiée, s’agite à nouveau12, ce qui le conduit aussi à demander que l’on place au moins deux compagnies d’infanterie à Quimper et autant à Concarneau et que soit renforcée la garnison de Brest13, dont le port est fermé par crainte que les paysans viennent « y detruire ce avec quoy ils apprehendoient d’estre chatiez14 ». Par là, on perçoit que quand Chaulnes indique que la révolte gagne le Léon, il indique que c’est le port de Brest qui est menacé.
6Chaulnes n’est pas seul à estimer que l’heure est venue d’employer la force armée. Monseigneur du Guémadeuc, lui aussi, en est venu à considérer que l’heure des châtiments doit sonner le plus vite possible. Effrayé par les affaires de Kergoët, Rennes et Pontivy, inquiet du bruit selon lequel sa résidence abbatiale josselinoise serait la prochaine cible, constatant – en bon pasteur – que se réveillent haines et vengeances particulières et – en bon politique – que le sentiment d’impunité est un puissant moteur favorisant l’extension de l’incendie, il en appelle à la troupe, seul remède désormais contre « ce peuple grossier et brutal15 ». Lavardin, qui rêve d’un commandement, est acquis à l’idée qu’il faut frapper fort, et estime pour sa part que 2 400 à 2 500 hommes doivent suffire16.
La Basse-Bretagne vue de la cour
7Quelle est alors la réaction du pouvoir ? Chaulnes attend de lui deux choses : des troupes pour frapper au plus vite et une confirmation de la tenue anticipée des états, promesse faite et refaite à qui voulait l’entendre. On imagine que le duc, enfermé dans sa citadelle face à la mer et à la Basse-Bretagne insurgée, devait s’impatienter, d’autant qu’il estime que les ordres qu’il reçoit de la cour sont contradictoires17. Le pouvoir flottait-il ? De Paris, monsieur du Liscoet, gentilhomme breton, écrit à son homme d’affaires guingampais le 10 juillet que « l’on fait grand bruit ici de la révolte de l’évêché de Cornouaille et l’on croit que tous les Archers des Maréchaussées de France sont commandés d’y aller18 », comme en écho aux mesures prises en mai. Mais, au moins aussi bien informé, l’ambassadeur vénitien Giustiniani, estime quant à lui le 17 juillet que l’idée d’une répression militaire n’est pas envisagée, « parce que pour la pratiquer, il faudrait une armée que l’on devrait distraire d’endroits bien plus importants19 ». Il est vrai que la maréchaussée n’est pas concernée par le combat au front, et que les deux options ne sont peut-être pas contradictoires. À en croire le diplomate, l’idée serait aussi de négocier avec les chefs de la révolte en leur proposant d’envoyer des députés directement au roi, voire d’envisager que Louis en personne se rende à leur devant pour les apaiser et « les obliger à une prompte capitulation » ! Le « code paysan » semble donc avoir été bien lu, comme doléance contre les édits – dûment mentionnés par Giustiniani comme cœur de la contestation – et comme appel au roi. La marquise de Sévigné est un bon indicateur de la perception d’un danger croissant qu’on peut avoir de la situation à Paris : le 3 juillet, ce sont dit-elle « cinq ou six cents bonnets bleus… qui auroient bon besoin d’être pendus pour apprendre à parler » ; trois semaines plus tard ils sont, à la lire, « six ou sept mille » et « dans l’état où sont les choses, il ne faut pas des remèdes anodins20 ». Le 26 juillet, la Gazette de Bruxelles croit savoir que « quelques troupes » doivent partir pour la Bretagne21.
8Si les bruits vont bon train, la décision effective tarde. Peut-être attend-on que le roi revienne de la guerre, comme le suggère Chaulnes, qui se félicite de l’annonce du retour du roi, espérant avoir enfin des réponses à ses questions22. Et de fait, le 29 juillet, on annonce bel et bien que des troupes sont en partance23. En réalité, c’est un peu plus que « quelques troupes » qui sont envoyées. Concrètement, ce sont 300 à 400 fantassins venus de Ré, Oléron et Brouage que la Marine est chargée de débarquer à Port-Louis, le risque d’être accroché par quelques corsaires hollandais et espagnols, attestés dans les parages, étant estimé réel, mais limité en raison du nombre de soldats embarqués24. En outre, le dispositif prévoit de faire venir le régiment d’infanterie de la Couronne, alors stationné au Mans. À cela s’ajoute l ‘ envoi du régiment de dragons de Tessé, jusque là disposé autour de Bordeaux, malgré les réserves de d’Albret, formulées à la lumière de la situation bordelaise toujours susceptible de basculer25. Visiblement, le choix a été fait de privilégier la turbulente Bretagne à un moment où la Guyenne paraît relativement calme. Et puis, d’Albret dispose déjà des régiments de la Chau et de Navailles. Le contingent prévoit aussi deux compagnies de mousquetaires et le régiment des gardes. L’ensemble, auquel il faut ajouter le noyau initial, constitué de la garde ducale, des archers de la maréchaussée et des nobles qui, à l’instar de Coëtlogonfils, constituent la suite de Chaulnes, peut former une petite armée de 5 000 à 6 000 hommes, peut-être un peu plus26. Une partie de ces troupes, celles qui relèvent de la maison du roi, ont été employées en 1670 pour réduire la révolte du Vivarais27 : elles savent donc quelle tâche les attend.
9Possible, si ce n’est probable indice d’une petite méfiance à l’endroit du duc de Chaulnes, les troupes sont placées sous le commandement de monsieur de Forbin, d’une célèbre lignée provençale28. Le plus mécontent de ce choix semble avoir été Lavardin, qui, a plusieurs reprises, demande ce commandement. Son amie la marquise de Sévigné écrit même qu’il « [lui] est bien dur… d’avoir acheté une charge 400 000 francs pour obeir à Monsieur de Fourbin » ; et d’ajouter que Chaulnes lui-même porte ombrage de cette nomination29. Pour autant, la mémoire collective a oublié Forbin et a polarisé sur Chaulnes tout le crédit de cette affaire, et ce, dès l’époque des faits, à en croire la marquise de Sévigné, qui remarque l’extrême impopularité de son ami dès l’automne30.
10L’annonce de la mise sur pied de ce corps expéditionnaire n’est pourtant pas sans inquiéter Chaulnes dans la mesure où Louvois a prévu que la subsistance des troupes sera à la charge des villes où elles stationneront, ce que le duc voyait non seulement comme une injustice pour celles qui n’avaient rien à se reprocher, mais aussi comme un risque que cela ne provoque des incidents aux suites fâcheuses31. Chaulnes est d’ailleurs entendu, mais Louvois précise bien que là où on avait fauté, il faudra bien payer32. D’après Marie de Talhouët, qui observe la situation depuis sa demeure des environs de Gourin mais qui est visiblement assez bien renseignée, le duc de Chaulnes aurait en outre en partie appliqué le programme du maréchal de Bellefonds qui préconisait d’employer la noblesse du pays33. Il ne s’agissait cependant pas, d’après Marie de Talhouët, d’en faire une troupe de choc, mais « un corps de reserve… en cas que les troupes ne fussent pas assez fortes pour mettre les peuples dans leur devoir34 ». L’utilisation de ce ban et arrière-ban est manifestement plus politique que militaire. À lire l’impétueuse châtelaine, il est en effet urgent d’en être pour se montrer… et intercéder.
11Les soldats envoyés par le roi sont donc plus nombreux que ce que préconisaient Chaulnes et Lavardin. Le chiffre retenu correspond à ce qui avait été envoyé en Normandie quarante ans plus tôt contre les Nu-Pieds, mais c’était à la morte-saison35. C’était aussi à peu près ce qui avait été dépêché en 1670 dans le Vivarais insurgé, là aussi en plein été, mais en période de paix36. Le nombre de soldats est en revanche supérieur à celui des troupes envoyées en 1670 pour soumettre les Angelets de Vallespir (2 000 hommes)37. Aussi le nombre d’hommes doit-il être considéré comme notable, ceci devant être relié à la taille du territoire à pacifier et au risque d’avoir à affronter une éventuelle descente hollandaise. L’effort est d’autant plus notable que l’expédition bretonne est décidée alors que la guerre bat son plein. Certes, on peut considérer que si pareille chose est possible, c’est parce que l’armée française est devenue « le géant du Grand Siècle38 ». Mais le maréchal de Bellefonds, bien au fait de la situation de l’armée, considère à la date du 19 juillet qu’il n’est que peu envisageable d’employer des troupes réglées dans le contexte présent39. Il estime de plus qu’il ne faut pas hésiter à faire confiance aux forces locales, milices et noblesse, auxquelles on adjoindrait un contingent de gentilshommes normands. Il y voit un intérêt politique : « on connaitroit mieux par cette conduite quelle est la fidélité et le zele des sujets ». Mieux, ajoute-t-il, cela éviterait des réactions hostiles qui peuvent naître de la présence des soldats. Mais Bellefonds n’est pas vraiment entendu, si tant est que sa démarche, qu’il veut discrète, ait été transmise par Colbert au roi40. Sans doute joua la méfiance envers les milices, voire envers une noblesse dont la convocation l’année précédente n’a pas donné toute satisfaction et réputée sous-militarisée41. Sur le terrain cependant, Chaulnes, on l’a vu, accepte cette présence des seigneurs du pays, mais ce ne sont que des supplétifs.
12Le choix d’envoyer des troupes est donc bien un choix politique, au moins autant que la conséquence d’une abondance de troupes. C’est sans doute une accumulation de paramètres qui explique ce choix d’une solution militaire forte. Le premier élément à prendre en compte est constitué par les nouvelles alarmantes qui ne cessent d’affluer. Chaulnes n’estime-t-il pas qu’il pourrait très bien se trouver enfermé et isolé dans Port-Louis42 ? De son côté, Seignelay, ne va pas tarder à donner des consignes afin de mettre les armes et les poudres de Brest dans le château, de crainte que la ville ne soit submergée par l’émeute43. Ce dernier point est un indice fort que la cour regarde tout cela comme grave. De fait, un homme tel que le maréchal de Bellefonds juge la situation bretonne comme particulièrement préoccupante44. Le fait que Rennes ait connu une récidive brutale a dû également peser, d’autant que l’idée est répandue que l’exemple vient toujours d’en haut, et Rennes est le sommet de l’Armorique.
13À cela s’ajoute une peur chez de hauts personnages qui peuvent craindre pour leurs biens, et être particulièrement effrayés par l’affaire de Kergoët. Ainsi les Rohan peuvent-ils faire pression pour que soit protégé le Léon, dont ils sont princes et où ils ont d’importantes possessions. De même, le duc de Richelieu, baron du Pont (-l’Abbé) grâce à sa mère née du Guémadeuc, ne peut regarder tout cela qu’avec des yeux inquiets, voire avec colère puisque ses biens sont touchés dès la fin de juin. Derrière eux, on ne peut exclure que d’autres Bretons de la cour fassent pression pour que soient protégés leurs domaines. En parcourant le rapport envoyé dix ans plus tôt par Croissy à son frère, on voit que des grandes familles comme les d’Acigné, les Locmaria, les Brissac, les Maillé, les Molac ou les du Guémadeuc ont des biens dans l’ouest breton45. Il serait bien étonnant qu’ils soient restés sans réagir à l’annonce de tels méfaits, d’autant que l’éloignement est propice à l’amplification de la perception de la gravité des événements. Il est même possible qu’une certaine psychose se soit développée dans les salons de la capitale : madame de Sévigné retarde son départ pour la Bretagne, en raison des fureurs qu’elle imagine jusqu’aux abords de Vitré et une sédition « qui augmente tous les jours46 ». Une fois que les troupes sont en route, sa résolution est prise néanmoins de partir, mais monsieur de Coulanges reste inquiet de ce voyage, écrivant à la fille de l’épistolière que ce projet est déraisonnable :
« Souffrirez-vous qu’elle aille en Bretagne, quand toute la Bretagne est soulevée, qu’on y pille, qu’on y brûle tous les châteaux et qu’on y viole toutes les femmes47 ? »
14Le même sentiment se dégage à la lecture des dépêches de la London Gazette postées de Paris : si l’embrasement paysan est effectivement évoqué dès le 7 juillet, ce n’est que le 21 que la situation est considérée comme commençant à être dangereuse48. Quant à la Gazette de Bruxelles, elle montre à l’Europe les déboires des Français en faisant état, dans sa livraison du 20 juillet, de 25 000 hommes insurgés avec un duc à leur tête, qui promettent de ne déposer les armes qu’une fois leur « code » accepté, commettent de « grands ravages » et pendent prêtres et nobles « au haut des clochers, tout habillés, avec leur épée au côté ». Le marquis de Montgaillard est annoncé au nombre des victimes, mais il est vrai que le même périodique a annoncé le trépas du marquis de la Coste le 3 juillet. Un mois plus tard, le même journal persiste : Rennes a récidivé, les paysans ne veulent pas d’amnistie et Chaulnes est bien seul et fort menacé au Port-Louis.
15Un autre paramètre a également joué, de manière cependant secondaire : il s’agit de la mort de Turenne. Cette terrible nouvelle pour le roi, la cour et le royaume, est connue du monarque le 29 juillet, et cause un « choc psycholo49 ». On sait que Louis, en cette fin de juillet, dort d’ailleurs plus mal que jamais, et crie même dans son sommeil50. Mais on sait aussi que, dès le lendemain de cette annonce, pour montrer à l’Europe que sa détermination reste entière, il désigne huit maréchaux pour former la relève. Il est probable que l’agressivité retrouvée à l’égard de la Bretagne, exactement au même moment, ait eu quelque chose à voir avec ce sursaut d’orgueil consécutif à la mort du héros.
16Enfin, un dernier élément a certainement été pris en compte : la nécessité de préserver les fondements de la jeune puissance navale française. L’effort patient de Colbert pour doter la France d’une flotte performante repose en effet sur des points d’appui. Dans le cas présent, il est assez probable que le ministre considère que l’un d’eux, Brest, est potentiellement menacé par la mer comme par la terre, ainsi que tendent à le montrer les prudentes mesures prises par Seignelay évoquées plus haut.
Le paramètre hollandais
17Un dernier élément a en effet probablement lourdement pesé dans la décision : la crainte d’un retour des Hollandais. Car si les fureurs paysannes sans chef de sang bleu impressionnent en général assez peu les rois de guerre51, on peut estimer que l’envoi d’un contingent significatif en Bretagne est sans doute voulu pour dissuader les initiatives étrangères et éventuellement les repousser. Dans un article daté de Paris le 26 juillet, la Gazette de Bruxelles fait d’ailleurs état du fait que si des troupes sont expédiées en Bretagne, c’est par peur que les insurgés reçoivent une aide extérieure52.
18Louvois, dès le 7 juillet, annonce à Chaulnes qu’une petite flotte hollandaise d’une vingtaine de navires est partie depuis une quinzaine de jours pour Cadix et qu’il importe en conséquence de se préparer à une nouvelle attaque contre Belle-Île53. La lettre n’arrive au duc que vingt jours plus tard54, mais celui-ci, dès le 12 juillet, peut voir depuis sa citadelle du Blavet, un combat naval qui peut faire sur lui, et sur son ministre de correspondant, une certaine impression, même si seules quelques unités sont engagées55. Puis les bateaux repartent vers l’Espagne56. Fausse alerte ? En fait, les Hollandais sont visiblement bien renseignés sur les événements bretons dès le mois de juillet57. Le Hollandtze Mercurius sait même que les insurgés ont envoyé au parlement « un livre de lois » – le « code paysan », donc –, qu’ils ont un meunier pour chef – Le Balp est fils de meunier –, qu’ils ont élu un duc « qu’ils attifèrent de toutes sortes de couleurs comme un perroquet » – possible écho (déformé) des prescriptions vestimentaires contenues dans le « code » – et qu’ils commettent nombre de pillages. Mais alors que le docteur Chotzen, sur la foi des archives néerlandaises, a pu établir qu’aucune opération de secours n’est prévue avant le 8 août, d’autres documents tendent à montrer que les choses ne sont pas si simples. Ainsi, dans ses Annales des Provinces-Unies, publiées en 1726, le diplomate huguenot Jacques Basnage (1653-1723) estime que la décision d’intervenir a été prise plus tôt, « mais on ne put être en état de sortir qu’au mois d’août58 ». D’après des informations secrètes écrites le 20 juillet et qui ont dû arriver à la cour de France dans les derniers jours du mois de juillet, il apparaît que les Hollandais pensent que la France est au bord du chaos :
« On se flatte icy que dans peu il paroistra de grandes revoltes en Bretagne et en Guyenne et mesme dans d’autres provinces qui ne peuvent plus soustenir les impositions qu’on leur met, et on est persuadé que c’est un des sujets qui a obligé le roy a quitter l’armée pour aller en France59. »
19Neuf jours plus tard, le même informateur renchérit : « on a de grandes esperances sur les revoltes de France60 ». Information ou intoxication ? La première option semble la bonne à lire Giustiniani, qui remarque le 24 juillet qu’Espagnols et Hollandais regardent avec un grand intérêt les affaires bretonnes61. Les Italiens aussi, visiblement, car si un front s’ouvre sur le ponant du royaume des lys, on peut penser que la France abandonnera Messine62. Toutefois, Giustiniani suggère que les Hollandais espèrent que l’incendie gagne d’autres provinces, comme si la Bretagne ne peut suffire à servir de base. Il est en effet possible que les estimations du nombre d’insurgés qui circulent aient été trouvées un peu faibles, l’ensemble s’élevant à 7 000 à 8 000 selon Giustiniani. Mais une autre difficulté est suggérée par l’ambassadeur lui-même : les insurgés, selon lui, refuseraient l’aide étrangère, estimant que leur révolte est une affaire entre le roi et eux, et le contentieux uniquement fiscal. Voilà qui fait écho tant à l’affaire de la frégate d’Ostende en juin63 qu’aux propos plus ou moins néerlandophobes du père Maillard64. C’est là peut-être une surprise pour ceux qui ont cru Sardan quand, dans son grand projet de 1674, il a évoqué très sérieusement une sécession de la Bretagne sur le modèle du Portugal de 1640. Dès le 17 juillet, le Vénitien note que les Bretons ne veulent pas d’un étranger « pour chef de leur mouvement ». Le 24, il insiste : ils sont décidés, dit-il, « à tourner leurs armes contre toutes les forces qui avaient souhaité prendre pied sur leurs côtes pour leur prêter main forte, car ils sont résolus à ne vouloir donner aucune ouverture aux ennemis de la Couronne de France… S’ils n’avaient montré cette constante fermeté de ne vouloir point adhérer à des alliances étrangères, il y aurait eu grand danger que les Hollandais, poussés par les Espagnols, ne fissent quelques tentatives ». Ces propos, dont on ne sait jusqu’où ils sont fiables, suggèrent que des contacts ont, à cette date, peut-être déjà été tentés, et que ça a été un échec. Peut-être faut-il relier ceci à des informations contenues dans une lettre anonyme envoyée au secrétaire d’État anglais Joseph Williamson en date du 17 juillet, qui évoque l’hypothèse que les paysans bretons révoltés puissent avoir pour chef « un riche hollandais déguisé en paysan65 ». L’information semble invérifiable, mais elle pourrait indiquer que, malgré l’accueil froid reçu à Belle-Île en 1674, les « ennemis de l’État » ont discrètement dépêché sur place quelques agents. C’est ce qui ressort d’ailleurs de la lettre du 20 juillet venue de l’espion haut placé aux Provinces-Unies, lettre que Louvois a en main. Une telle missive ne peut en tout cas que renforcer l’idée, côté français, qu’une solution militaire forte s’impose, d’autant qu’on ne peut exclure que des agents hollandais sont déjà à pied d’œuvre sur le terrain.
20Pourtant, et comme l’avait indiqué le docteur Chotzen, la décision hollandaise de passer réellement à l’action n’est prise que début août, après la décision française d’envoyer des troupes en nombre conséquent. Peut-être que, comme Giustiniani, les Hollandais estiment que le nombre d’hommes prévus par Louvois est trop faible pour craindre un écrasement66, ceci autorisant de tenter une opération. Ainsi le 8 août est-il décidé que Ruyter débarquera un ingénieur répondant au nom de Thomas Poulet du côté de Quimperlé (ou ailleurs si besoin67), proposera des armes et des munitions aux insurgés et embarquera « les deputés que peut estre ces gens voudroyent envoyer ». On notera la grande prudence des Hollandais, comme on notera qu’il n’est fait allusion à aucune opération sur Morlaix, ni à Le Balp. Il en va de même d’ailleurs dans les papiers de Giustiniani. Mais les choses semblent s’accélérer, car dès le 10 août, des « gens de Bretagne » sont signalés à La Haye68. Louvois est aussitôt prévenu que le prince d’Orange souhaite que ces personnes soient bien traitées, en raison de l’idée selon laquelle « les revoltes en France se fortiffiant, feront diversion de troupes que le roi sera obligé d’y envoyer69 ». On ne sait rien de ces individus, dont la présence en Hollande tend à être confirmée quelques jours plus tard par un journal privé70. En revanche, on sait que le 11 août, Ruyter, encore à quai, reçoit l’avis que l’heure est venue de se lancer sur la Bretagne avant de rejoindre la Méditerranée, la situation française apparaissant aux yeux des Hollandais comme critique en raison de la conjonction des révoltes et de la mort de Turenne. Mais les choses traînent : Ruyter est retardé par des navires marchands à convoyer et on est sans nouvelle d’un mystérieux passager – Thomas Poulet ? Charles de Rohan ? don Juan d’Autriche71 ? – qui doit embarquer et ne le fera jamais. L’amiral semble de plus peu enthousiaste, en particulier parce que les côtes bretonnes lui semblent peu propices à un débarquement. Il ne met les voiles qu’à la mi-août, sans son passager. Fin août, Lavardin rapporte que les Malouins savent que l’arrivée de Ruyter est imminente72, mais c’est presque une fausse alerte : l’amiral prend finalement la route de Messine sans avoir la moindre attention pour la Bretagne et ses « Bonnets rouges73 ». En effet, dès le 24 août, il a reçu l’ordre d’abandonner le projet breton.
21Les raisons de cette reculade de dernier moment sont obscures, mais le docteur Chotzen a sans doute raison lorsqu’il indique que l’annonce de l’arrivée de troupes terrestres a pu pousser à prendre cette décision car non seulement cela rendait l’opération encore plus risquée, mais encore, parce que le fait d’avoir obligé Louis XIV à amener des troupes dans ce secteur éloigné du front actif était déjà en soi une réussite. Ainsi le mois d’août est-il celui d’une curieuse course de vitesse, entre les bateaux hollandais se pressant lentement et les troupes françaises accourant rapidement. Tout le monde a gagné, sauf les insurgés bretons. Ceux-ci, s’ils ont espéré, en vertu du souvenir de l’année 1674, voir les voiles bataves poindre au large, se retrouvent seuls face aux troupes du Grand Roi. Mais ils ne le savent pas encore. En tout cas, fin août, Louis XIV est serein, comme l’indique une lettre un peu mystérieuse écrite par Seignelay au duc de Saint-Aignan, dans laquelle le fils du grand ministre semble indiquer que le roi n’est pas inquiet à l’idée que les Hollandais puissent fournir des armes aux révoltés bretons74. Bravade ?
Retour en Bretagne
22Il faut dire que non seulement le roi sait peut-être que les plans hollandais ont changé, mais surtout il ne peut que constater que les informations remontant d’Armorique sont encourageantes. Dès l’annonce de l’envoi des troupes, le duc de Chaulnes a d’ailleurs visiblement repris espoir. Ainsi, le 6 août, en bon serviteur, il pense déjà au rétablissement du papier timbré, imaginant qu’il pourra bientôt installer trois bureaux principaux à Nantes, Port-Louis et Saint-Malo75. Ces cités, en effet, dotées de forteresses, permettraient d’abriter les commis. Un autre bureau était aussi prévu à Rennes, comme si le duc ne pensait pas encore que la ville puisse perdre son institution-phare, par définition grosse consommatrice de papier timbré. Il est vrai qu’en imaginant des bureaux surprotégés, il indique aussi qu’à cette date, il considére les fureurs antifiscales toujours possibles. On constate aussi que les promesses qui ont pu être faites sur cette question n’étaient que des paroles destinées à apaiser les révoltés, et que l’idée de mettre tout à plat aux états est un leurre, maintenant que le rapport de force semble s’inverser.
23Car le duc – et c’est un autre motif de satisfaction pour lui – peut enfin annoncer officiellement l’ouverture des états à Dinan, ce qui est, dans cette vaste entreprise de retour au calme, sa deuxième arme, destinée à calmer les plus raisonnables. On a visiblement hésité dans les cercles décisionnaires sur le meilleur moment pour cette convocation. Promise en juin pour l’été, il semble que tout était prêt pour que l’assemblée se réunisse le 25 août, jour de la Saint-Louis76, était-ce un hasard ? Le roi a donné son accord dès le 25 juillet et des lettres de convocation sont envoyées le 12 août77. Il est possible que cette date soit à relier à l’arrivée des premières troupes à Nantes78. Aussitôt l’annonce faite, la duchesse de Chaulnes prend la route de Dinan, trop contente sans doute de s’échapper d’une ville où elle a tant souffert, comme le suggère la Gazette de Bruxelles79. Mais au dernier moment, on renonce, sans doute parce qu’on estime que l’annonce suffit à donner l’espoir d’un règlement mais surtout parce que, à la date prévue – le 1er septembre –, Chaulnes, qui vient juste de constituer son armée, n’a pu encore faire sa tournée militaire. Et si le duc repousse encore la date de réunion des états, c’était parce qu’il peut se le permettre, le rapport de force, entre le 1er août et 1er septembre, s’étant inversé. Dès le 21 août, la marquise de Sévigné est bien soulagée : « Ne craignez rien de notre guerre de Bretagne, écrit-elle à sa fille, ce n’est plus rien du tout80. »
Le reflux
Le vent tourne
24Le mois d’août est celui de l’apaisement. Les fronts semblent stabilisés. Les principales villes (Brest, Morlaix, Quimper, Concarneau) sont aux mains des autorités, et le plat-pays est entre celles des insurgés qui travaillent aux champs et attendent les états et une réponse du roi, que l’on pressent très tôt comme pouvant être militaire, ainsi que le montrent certains propos entendus à Kergoët. Fin juillet, d’Argouges note que les Bas-Bretons sont étonnés du « bruit des gens de guerre », à un moment où le roi n’a pas encore pris sa décision81. Au cours du mois d’août, le pressentiment devient certitude, et ainsi, par exemple, le 18, Chaulnes écrit aux habitants de Landerneau pour leur dire de prévoir de la farine en prévision de l’arrivée des troupes82. C’est la conséquence des ordres de Louvois qui, quelques jours plus tôt, indique à Chaulnes que l’armée devra être nourrie par les pays insurgés83. À la même date, Marie de Talhouët, aux environs de Gourin, croit savoir que même des régions peu ou pas révoltées devront payer : « tout le pays de Vannes a été taxé à donner chaque particulier quatre boisseaux de grain, et tous les fours à ban ne font que cuire et les charretés de pain d’ammonition84 marchent pour se rendre dans les passages des gens de guerre85 ». On le sait, la réputation des soldats est exécrable et la simple idée que des soudards puissent venir chez soi et traverser son champ est à même de susciter les plus vives inquiétudes86. Or, dans le cas présent, il ne s’agît pas simplement de recevoir des troupes de passage, mais encore d’être pour elles des proies à punir, ce qui peut conduire beaucoup de braves et honnêtes gens à préférer agir sagement et avec pragmatisme plutôt qu’avec héroïsme87. Il est fort probable que le clergé joue ici un rôle : une mention du recteur de Plestin le suggère fortement88, et on sait quel rôle peuvent jouer les ecclésiastiques en cas de conflits, y compris de révoltes89. De même, l’abbé de Quimperlé n’aurait pas ménagé sa peine pour ramener le calme, « passant parmi les mutins de jour et de nuit90 ».
25Ce calme croissant est donc le fruit d’une alchimie mêlant satisfaction des résultats obtenus, espoir que le roi et les états comprennent, peur de la soldatesque, mais aussi impuissance : les commis ont déserté le pays, les seigneurs souvent aussi, et avec eux les papiers qu’on aurait pu brûler, à en croire du Guémadeuc91. Il n’y a plus grand-chose à faire. Mieux, le feu, pour la première fois, ne semble pas reprendre plus loin. Certains activistes tentent en effet le 11 août, dans le Vannetais proche, à Meslan et Berné, de relancer la machine insurrectionnelle, mais c’est l’échec92. Quelques écrits attestent pourtant que le calme n’est pas total, mais aucune action forte ne se dégage vraiment. Ainsi, le 14 aout, de simples « desordres » sont signalés à Lanmeur, obligeant les gens de justice à se retirer dans la ville voisine de Morlaix93. La Gazette de Bruxelles note aussi, le 9 août, que « les mutins font mine d’assieger Concarneau94 », mais rien qui suscite l’inquiétude, à en croire l’érudit Julien Trévédy95. D’après Marie de Talhouët, des inquiétudes demeurent96. Vers le 18 août, elle note que quelques menus mouvements émanent d’une poignée de Gourinois, et signale aussi que le lieu de la naissance de la révolte de Basse-Bretagne reste sous tension :
« ceux de Chateaulin se veulent défendre et font des retranchements et attirent à leur parti toutes les paroisses qu’ils peuvent. L’on dit que Pleyben est avec eux, mais non pas ceux du Quergouet. L’on dit que l’ordre du Roi est que l’on mette le feu dans Chateaulin et qu’il n’en reste pas une maison debout et efface entièrement le nom de Chateaulin et que l’on mette la barre loyale [sic] qui était là ailleurs ».
26Il est difficile de dire dans quelle mesure il ne s’agit pas de rumeurs, mais remarquons néanmoins que, dans une dépêche postée de Paris le 9 août, la Gazette de Bruxelles rapporte qu’apprenant que les troupes arrivent, les insurgés se retranchent et bloquent les chemins97. À croire la dame de Talhouët, le fait que « ceux de Kergoët » eux-mêmes résistent aux sirènes de la rébellion, et que, finalement, « ceux de Châteaulin » – manière de désigner des « aires rebellionnaires » – ne bougent guère, tend à montrer qu’un ressort est cassé. Ceci n’est certainement pas sans lien avec ces rumeurs de destructions qui planent sur la petite cité où tout a commencé, avec l’idée de déplacer le siège de la justice, écho peut-être déformé de l’idée de transférer le parlement, qui commence à circuler98.
27D’autres éléments attestent que la page est en train de se tourner, et que l’idée que le rapport de force s’inverse se diffuse à grande vitesse. Ainsi, en plein mois d’août, alors que Chaulnes est cantonné et démuni à Port-Louis, la justice punitive peut commencer à faire son œuvre. Un meunier des environs de Briec, Laurent Le Quéau, 30 ans, est interrogé par les juges du présidial de Quimper, pour les faits survenus le 9 juin au manoir de la Boixière99. Le 17 août, après avoir été soumis à la question et avoir livré de nombreux noms, il est exécuté. Il est évident qu’une telle chose n’a été possible, comme au Nevet en juillet, que parce que les populations, qui hier encore terrorisaient villes et notables, ont accepté que cela soit, dans le contexte précis de l’annonce de l’arrivée des troupes. On ne peut d’ailleurs exclure que, comme à Saint-Michel de Bordeaux au même moment, et comme le suggèrent des témoignages évoqués plus haut, la première phase du processus judiciaire ait été accomplie par les gens du pays eux-mêmes. Et on peut aussi se demander si le fait que l’homme ait été meunier n’explique pas, au moins en partie, qu’il ait pu être lâché par une communauté rurale qui n’aimait pas toujours ces personnages, comme le rappelle le « code paysan » lui-même. On ne sait rien en revanche de Marc Le Moign, condamné à la corde le même jour par un jugement rendu par la cour d’Hennebont sous l’autorité du prévôt des maréchaux venu avec Chaulnes à Port-Louis100. Son corps, « porté sur le grand chemin de cette ville à Quimperlé pour estre attaché à un arbre », est un message lancé à toute la Basse-Bretagne. Chaulnes commente : « Les arbres commencent à se pencher sur les grands chemins, du costé de Quimperley, du poids qu’on leur donne101 », phrase qui lui a été souvent reprochée et l’a fait passer pour un imperator sanguinaire. Quatre jours plus tard, la même cour condamne également à mort par jugement prévôtal Christophe du Quellenec et, le lendemain, une certaine Jeanne Kerprat est mise au pilori. Un troisième accusé est quant à lui relâché, signe que la répression balbutiante est aussi peu aveugle qu’elle est prudente. Le 29 août, enfin, l’homme qui avait été battre le tambour pour lever les hommes contre l’abbaye de Langonnet, tailleur d’habits de son état âgé de 29 ans, est placé dans la prison de Quimperlé et aussitôt condamné aux galères sous l’autorité du lieutenant général de la maréchaussée102.
28Tout cela s’inscrit dans la ligne de la doctrine royale en matière de répression, ainsi qu’on le retrouve dans la commission envoyée au marquis de Cludon pour commander en Trégor :
« Pardonner ceux qui par leur soubmission et par leur repentir se rendront dignes de nostre clemence ou au contraire de chastier severement et reduire par la force ceux qui persisteront dans leur desobeissance103. »
29La marquise de Sévigné ne dit pas autre chose, dans un style cependant différent : « On dit que nos mutins demandent pardon ; je crois qu’on leur pardonnera moyennant quelques pendus104. »
30Punir fort, mais juste, en séparant le bon grain momentanément égaré de l’ivraie irrécupérable ici-bas : c’est au fond ce que Chaulnes préconise depuis le mois de juin, et c’est cette voie qu’a donc choisie le roi. Ce dernier est d’ailleurs en parfaite cohérence avec ce qu’il écrit au sujet de la révolte des Lustucrus du Boulonnais de 1662 dans ses Mémoires pour l’instruction du Dauphin105.
31Début août, le conseil décide d’une « abolition en faveur des seditieux de la province de Bretagne106 ». Mais en même temps, il s’agît de ne pas perdre de temps dans l’éclat des supplices, car ceux-ci sont jugés particulièrement dissuasifs. Aussi, dès le 30 juillet, est envoyée une commission à Chamillart – préposé aux missions délicates en Bretagne – « pour aller faire le procez aux coupables des seditions », à leurs complices, et le faire « extraordinairement », sans appel possible107. Pourtant, le 16 août la marquise de Sévigné note depuis Paris, qu’« on a ôté Chamillart qui étoit odieux à la province », et qu’on l’a remplacé par Marillac, « fort honnête homme » ajoute-t-elle108. Le remplacement de l’intendant de Caen par celui de Poitiers ne change rien en apparence. Sous son autorité, présidiaux et cours royales doivent, en lien avec le lieutenant-général de la maréchaussée, juger prévôtalement les séditieux, ce qui veut dire sans appel109. Le parlement est désormais bel et bien exclu explicitement de la procédure et les leçons du printemps ont été retenues : une justice mobile et expéditive est nécessaire, pensée en complément de la mise en route de l’armée, mais fondée en droit. En même temps, en se privant des services du précieux mais rude Chamillart, le pouvoir montre qu’il souhaite éviter tout contentieux avec les élites provinciales à l’heure où il fallait aussi préparer la réunion des états. Au-delà, il est loisible de voir là une nouvelle étape dans la normalisation de la Bretagne : la procédure choisie, associant commissaire départi et juges locaux afin de procéder à des exécutions sans appel, est la même que celle décidée le 24 juin pour traiter les séditions de Guyenne, la même aussi que celles mises en place, toujours en août, à la suite du meurtre d’un capitaine des gabelles en Anjou et de l’apparition de placards en Normandie110. Partout, il faut en finir vite.
Médiations notabilaires et collaborations paysannes
32Concrètement, la procédure mise en place, connue en particulier grâce aux documents publiés par La Borderie pour le Trégor111 – mais qui ont à l’évidence valeur pour l’ensemble de l’aire à pacifier – consiste à s’appuyer dans chaque paroisse sur un seigneur ou le capitaine du lieu, pour distinguer les paroisses naguère insurgées des autres. Toutes doivent être désarmées, tandis que les premières doivent en outre descendre leurs cloches et se saisir « des plus mutins » – et non de tous les rebelles –, ou à défaut donner leur nom. Ce sont là les conditions pour obtenir l’amnistie et l’exemption des gens de guerre que les habitants devront demander par le biais d’une requête préparée à l’avance et présentée à Chaulnes par des députés. Ceux-ci, nommés à l’issue de la grande messe par leurs co-paroissiens, verront leurs noms notés par les recteurs. Ainsi, en provoquant ces rencontres, Chaulnes entend-il réactiver des liens de fidélité passant par le contact, la relation inégalitaire avec chaque paroisse de Basse-Bretagne ou presque.
33Cette politique enregistre des succès dès le mois d’août car, à côté des premières exécutions, d’autres initiatives attestent que le message a été bien reçu. Plusieurs indices montrent le rôle important joué par la noblesse dans la réduction des fureurs. Ainsi, dès la fin juillet, Montgaillard lui-même aurait promis à sept paroisses de ne pas avoir de gens de guerre112. Non loin de là, en pleine zone insurgée, près de Gourin, Marie de Talhouët écrit à son époux ces mots précieux pour nous, à la date du 18 août :
« Il n’y a rien à craindre ici ni pour moi ni pour votre maison, mais il faut que vous alliez promptement trouver Monsieur le Duc de Chaulnes. La plupart des messieurs de ce pays l’ont déjà été afin de conserver leurs sujets et empêcher que les gens de guerre passent sur leurs terres ou que du moins l’on ne leur fasse aucun mal ce que Mr le duc a accordé pour les lieux où il n’y a point eu de désordre113. »
34La suite permet mieux qu’aucun document connu de percevoir les mécanismes à l’œuvre, vue depuis les fenêtres du manoir où cette femme au caractère bien trempé livre une analyse inédite de la situation au cœur de l’été :
« J’ai parlé ce matin à la messe du matin à nos sujets qui m’ont témoigné grande joie de me voir ici et m’ont dit qu’ils ne veulent point d’autre juge entre vous et eux que moi et ceux qui ont procès avec vous me prient de faire leur accord. Je leur ai dit que j’avais procure générale de vous et que pour leur montrer que j’avais obtenu de vous leur pardon en venant au logis vous m’aviez donné pouvoir de rester avec eux et qu’ils pouvaient venir me trouver après dîner car la grand-messe se dit à une chapelle à demie lieue d’ici et ceux à qui j’ai parlé diront aux autres ce que je leur ai dit et Mr le curé le dira aussi, ainsi je crois qu’ils me viendront tantôt, mais je ne crois pas qu’ils demandent aucun écrit, ils se fieront à ce que je leur ai dit, à ce que ceux à qui j’ai parlé m’ont dit. Ils étaient beaucoup car ils savaient que j’étais ici, ils ont dit qu’ils garderaient votre maison et qu’ils mouraient plutôt tous que votre maison aurait aucun mal. Je leur ai encore dit que je vous allais envoyer un homme pour que vous alliez trouver Mr de Chaulne. Ils m’ont dit qu’ils vous priaient de les garantir des gens de guerre et qu’ils seraient tous à vous. Ils ont témoigné grande envie de vous voir. Je crois que vous n’allongez pas votre chemin de passer par ici et cela les rassurerait encore car cette trève n’a fait aucun mal, aussi il sera aisé de les garantir. Mais ceux de Gourin qui ont brûlé le papier timbré et fait autre chose voudrait bien qu’ils se révolteraient et hier au soir il en vint dans ce bourg cinq ou six sans dire ce qu’ils voulaient. Je leur parlai et leur fis donner à boire et à manger et leur dis qu’ils devaient aller trouver Mr le duc et demander pardon et ne prendre point les armes et qu’ils auraient leur pardon pourvu qu’ils ne se missent pas présentement avec ceux de Chateaulin. Ainsi ils s’en retournèrent contents et dirent ce que je leur avais dit à leurs camarades. Il fallait me croire puisque je venais de Paris et mon fils était chez le roy qui savait bien ce qu’il fallait faire. Tous vos sujets en disent autant… »
35Ce témoignage montre d’abord que l’exigence de voir la noblesse résider dans ses châteaux, exprimée dans le « code paysan », n’est pas isolée et qu’il s’agit d’une revendication forte. De plus, on voit que, dans le cas présent, des procès existent entre seigneurs et paysans, mais que des médiations sont possibles, d’autant qu’on n’a ici apparemment rien à se reprocher en matière de rébellion114. Jouant sur la peur de la soldatesque, sur ses réseaux très-hauts placés, s’appuyant sur le clergé local, profitant des occasions de rencontres offertes par le pardon local115, offrant habilement à boire et à manger, la dame de Talhouët sait se faire intercesseur, en montrant, véritable bonne mère des habitants de ce pays, que le chemin de la sortie de crise est celui de la demande de pardon. Le père Maunoir aurait-il fait mieux ?
36Comme l’indique ce témoignage de Marie du Talhouet, des paroisses qui ont des choses à se reprocher peuvent donc se racheter. On en a d’autres exemples. Vers le 20 août, les paysans de Bannalec suivent leur seigneur, le marquis de Quimerch, qui les conduit à Port-Louis implorer du duc de Chaulnes un pardon, après avoir donné comme gage de leurs bonnes résolutions le fait de descendre leurs cloches116. Nul doute que pour en arriver là, il dut y avoir de patientes et persuasives médiations dont nous ignorons le détail. Le 27 août, la sanior pars de Plomeur (tout près de Pont-l’Abbé), probablement inspirée par le clergé, et sentant que le vent a définitivement tourné, propose au sieur du Haffond dont le manoir a été pillé quelques semaines plus tôt, de le dédommager – sur présentation des pièces justificatives –, en échange de son intervention pour « leur faire obtenir une admestye de Mgr le duc de Chaulnes117 ». Le 1re septembre, apprenant que les habitants de Landerneau ne se sont pas encore précipités aux pieds du gouverneur, la duchesse de Rohan, en tant que princesse de Léon, leur écrit pour leur demander vigoureusement de le faire au plus vite en se recommandant d’elle, afin qu’ils évitent ce faisant à sa principauté le logement des gens des guerres ; elle ajoute qu’il faut aussi, pour montrer leur bonne volonté, qu’ils procèdent au désarmement des faubourgs et promettent de dédommager le fermier dont la maison a été pillée118. C’est chose faite quelques jours plus tard119. On sait aussi que la duchesse écrit de son coté au duc pour plaider la cause de ses gens. Alors qu’il est encore et toujours à Port-Louis à attendre des troupes, Chaulnes se réjouit de la tournure que prennent les événements :
« Je reçois des sousmissions des paroisses qui recognoisent leurs fautes. Trois des plus mutines, avant de me demander pardon, ont porté leurs armes chez leurs seigneurs, my leur cloches à terre, et m’ont amenés deux des plus criminels de leurs paroisses. Tous ces effets de leurs veritables repentirs et de leur soubmission, joinct aux assurances d’obeir aux ordres du roi et de payer tous les droits accoutumez, m’ont desarmés… Toutes les paroisses admènent des prisonniers pour obtenir plus facilement leurs graces120. »
37Dans cette même lettre, Chaulnes note que, dans le secteur de Quimper, il a refusé le pardon de trois paroisses seulement, dont Combrit121. En revanche, il a, dès le 30 août, accepté que la paroisse voisine de Saint-Evarzec soit exempte du logement des gens de guerre, affectant de ne pas la considérer comme rebelle122, alors que l’on sait que plusieurs de ses habitants seront poursuivis pour sédition123. Qui sait si les « recteur, prestres, fabriques et deputtez des habittans assemblés en corps politique » venus présenter une requête de sauvegarde au duc n’ont pas obtenu satisfaction en échange de quelques noms de rebelles, ou réputés tels124 ? La méthode mise en œuvre apparaît à travers le cas bien documenté de Landerneau, où l’on voit le duc de Chaulnes écrire le 1er septembre aux autorités locales afin de les exhorter à « purger » elles-mêmes leur cité des séditieux, faute de quoi il se verrait dans l’obligation de demander aux troupes déjà stationnées à Brest de le faire, et pour cela de venir s’installer à demeure125. Visiblement, les notables locaux ne se font pas prier, arrêtant quatre mutins aussitôt expédiés à Brest, et entreprenant une nuit durant une opération de police dans une quinzaine de villages des alentours, en vain cependant. À cette date, le duc n’a toujours pas bougé de sa forteresse, il est encore largement sans troupe et Le Balp tient toujours le cœur de la péninsule. Le retour à l’ordre repose donc d’abord et avant tout, dans cette phase initiale si capitale, sur les populations.
38C’est alors, et alors seulement, que la Gazette de France sort d’un silence qui contraste avec les bavardages parfois hauts en couleurs de la presse étrangère126. Une dépêche datée du 31 août publiée le 7 septembre est un authentique communiqué de victoire : « Les seditions arrivées en Basse-Bretagne ont esté entierement dissipées par le seul bruit de la marche des troupes du Roy. » La suite insiste sur la modération du gouverneur avec des mots comme « ménagé », « prudence » et « douceur ». L’article ne cache ni l’absence de troupes à l’œuvre sur le terrain, ni la collaboration des paysans – car on précise qu’il s’agit bien d’eux – qui déposent leurs armes et leurs cloches, arrêtent les principaux coupables127, rétablissent les bureaux et promettent réparations aux seigneurs. Quelques criminels, certes, « ont esté pendus sur les grands chemins » – visibilité oblige –, mais pour les autres, « le duc de Chaulnes leur a procuré une Abolition générale ». La campagne de Basse-Bretagne s’annonçait bien.
Le Tro Breizh du duc de Chaulnes
Une marche militaire
39Le premier objectif du duc de Chaulnes est d’arracher les mauvaises herbes, pour empêcher toute reprise du feu rebellionnaire. C’est à l’extrême fin du mois d’août qu’il peut revêtir la cuirasse du soldat et enfin commencer à faire mouvement, soit juste après l’arrivée des mousquetaires, mais avant celle du régiment de la Couronne128. Commence alors un « tro Breizh », pour reprendre l’expression de Serge Duigou, qui s’achèvera à Rennes un mois et demi plus tard. Le 30, le gouverneur est à Quimperlé, et, de là, il envoie des hommes à Concarneau et à Quimper. Il est dans la capitale de la Cornouaille le 1er septembre129, et de là, espère rencontrer les révoltés quelque part sur le littoral130. Le duc est ensuite à Carhaix le 18131, dès le 20 à Morlaix et le 26 à Lannion132. Ceci dit, il ne semble pas qu’il faille avoir l’image d’une armée en campagne qui marcherait d’un même pas derrière son chef, puisqu’on voit à un moment des troupes à Carhaix avant que Chaulnes n’y arrive133, et des soldats s’attarder aux alentours après son départ134. On peut donc supposer que plusieurs détachements évoluent conjointement, les uns en avant, les autres en arrière du duc de Chaulnes. Dès le 12 septembre, Louvois semble considérer l’affaire comme réglée pour l’essentiel, puisqu’il demande à Chaulnes de faire repartir les mousquetaires et les gardes suisses et françaises135. La campagne de Basse-Bretagne n’a pas duré un mois.
40Il importe de souligner que l’armée du roi ne combattit pas en Bretagne136. Pourtant, il semble que Le Balp était prêt à en découdre. C’est ce que montre en particulier le dernier épisode de cette affaire. D’après la veuve du marquis de Montgaillard et une « déclaration de la ville de Carhaix137 », le plan de Le Balp aurait été, vers le 1er septembre, de lever 27 ou 28 paroisses, de prendre Carhaix et Quimper, puis de marcher sur Chaulnes pour l’affronter138. Il n’eut pas le temps d’accomplir ce glorieux projet. Sans doute conscient des faiblesses opérationnelles qui sont les siennes, il tente de convaincre Montgaillard et son frère de prendre la tête de l’armée paysanne. Dans la nuit du 2 au 3 septembre, au Tymeur, l’affaire tourne au drame : le frère du marquis tue le notaire d’un coup d’épée, puis, fort du soutien d’une petite centaine de paysans, fait répandre la nouvelle de la mort du chef et celle de l’arrivée imminente de l’armée du roi139. Le lendemain, 4 000 paysans se pressent au Tymeur afin d’avoir la preuve de la mort de Le Balp, ce qui donne l’occasion à Montgaillard de clamer que ceux qui seront pris les armes à la main seront pendus par le duc de Chaulnes. Le spectacle du corps sans vie du notaire devenu chef d’armée paysanne est le signal de la dispersion définitive des « Bonnets rouges ». La plupart des historiens insistent sur l’idée que c’est à ce moment que s’achève la révolte de 1675. Privés de leur chef charismatique, les « Bonnets rouges » se seraient débandés. Le fait est difficilement contestable, et a l’avantage de présenter indirectement une insurrection qui s’étale dans le temps, jusqu’au début de septembre. Or, force est de constater que bien avant cette issue dramatique, la révolte était terminée, même s’il y avait encore des « Bonnets rouges » susceptibles d’agir. Le meurtre n’est venu que donner le coup de grâce à une entreprise qui n’avait déjà plus de ressort, dont il ne restait plus qu’une façade.
41Le premier élément punitif consiste à accueillir les gens de guerre, à la fois bras armés de la punition et punition en soi, le tout se déclinant tant au niveau collectif – par le paiement et l’approvisionnement – qu’individuel – par le logement. Dès le mois d’août, il est prévu que les paroisses insurgées et elles seules doivent, en vertu du principe de punition solidaire, subir cette charge détestée. L’accueil des troupes est en effet coûteux. Ainsi, à la chapelle Sainte-Barbe de Brasparts, on doit payer 21 livres « pour les cavalliers de Ch[ate] aulin pour les rastions touchant la révolte140 ». Quant aux deux chapelles de Plogonnec, entre Quimper et Châteaulin, elles doivent payer 90 livres141. Landerneau, seule ville de Basse-Bretagne pour laquelle nous avons une étude, n’a pas à accueillir dans l’immédiat la soldatesque, grâce à son attitude conciliante et à la duchesse de Rohan, mais doit néanmoins fournir près de 10 000 livres de farine, 15 tonneaux d’avoine, 115 moutons et 39 bovins142. À Guingamp, où on n’a pourtant (presque) rien à se reprocher, on fait provision d’avoine, de foin, de paille, on achète 48 bovins et 200 moutons, plus du bois143. Les paroisses à quatre lieues à la ronde sont sollicitées.
42En second lieu, la soldatesque est redoutée en raison des débordements qu’elle a la réputation de commettre. À Guingamp, les femmes sont si terrorisées qu’elles se réfugient dans les couvents144. De son côté, la sœur du sieur de Kernabat indique que si la récolte a été effectivement bonne, « tout sera pillé par les troupes qui vont venir icy145 ». En prévision, plusieurs maisons nobles demandent au roi des lettres de sauvegarde146. On comprend bien la motivation qui est la leur à la lecture de la demande de sauvegarde demandée à Chaulnes par un juge seigneurial des environs de Callac147 : celui-ci, ayant été lui-même pillé par les révoltés, estime que le fait d’avoir à recevoir des troupes serait une double peine. Un hôte de Maël-Pestivien fait la même démarche, sans que l’on sache là non plus s’il obtient satisfaction148. On sait aussi que des paroisses entières obtiennent pareilles lettres de sauvegarde, comme Guiscriff dans le Vannetais149, ainsi que Ploumilliau, dans le Trégor150 et Saint-Evarzec en Cornouaille151. Les gens de Plouisy, en Trégor également, qui prétendent ne rien avoir à se reprocher, demandent la même chose, mais on ne sait si leur démarche est couronnée de succès152. C’est là la procédure recommandée par Chaulnes pour les paroisses ne s’étant pas rebellées, ou en tout cas s’étant soumises. Les cas de Guiscriff et de Saint-Evarzec montrent d’ailleurs que les paroisses se voient remettre un document préparé et pré-signé du duc de Chaulnes, liant fortement soumission et repentir d’une part et sauvegarde de l’autre. Sans doute certaines communautés ont-elles d’autant plus de chance d’être entendues qu’elles ont de puissants protecteurs. La marquise de Sévigné indique que Pomponne lui-même, qui a des terres en Bretagne, a fait le nécessaire auprès de Forbin pour qu’elles soient épargnées – ainsi que celles des Sévigné – par la soldatesque153. Plus tard, elle se félicitera de voir que Chaulnes ménage ses biens aux portes de Rennes154. François de Simiane, marquis de Gordes, obtient de son côté, d’après Morel, que sa terre de Guignen près de Rennes soit exemptée tant du logement des troupes que de leur fourniture155.
43Pourtant, si les instructions de Louvois au sujet du logement des troupes sont sévères, celui-ci n’indique pas qu’il leur faut se livrer à des débordements particuliers : la Bretagne ne doit pas être le deuxième Palatinat de la guerre156. Des débordements ont lieu, mais en l’état actuel du dossier, ils sont peu documentés. À l’évidence, la troupe de Chaulnes s’est fait remarquer au sortir du cœur de la zone insurgée, entre Morlaix et Guingamp. Alerté par des désordres commis par le régiment de Navailles à Belle-Isle-en-Terre, Louvois demande à Jonville de s’enquérir de la vérité et d’y mettre bon ordre157. À peu près à la même date, et non loin de là, le recteur de Plouaret rapporte que les soldats, arrivés le 24 septembre, « ont tués, blessés, pillés et faict aultres mechancetés » restées impunies158. Sur la page précédente du registre, le même a consigné la mort, la veille, d’un couple, tué d’un coup de fusil : sont-ce des victimes des violences militaires ? C’est difficile à dire. Mais ce qui semble certain, c’est que la justice exemplaire réclamée par le ministre ne semble pas être apparue clairement aux yeux de l’ecclésiastique, au moins au moment où il écrit.
Roués, pendus, galériens et clochers arasés
44Outre ces exactions, contemporains et postérité ont principalement retenu la participation active de l’armée à la répression orchestrée par Chaulnes. Le Rennais Cormier de la Courneuve a bien résumé ce qui est dès lors apparu comme le trait saillant du Tro Breizh martial du duc :
« [le duc de Chaulnes] a fait pendre et punir quantité de mutins révoltés, tant à Hennebont, Auray, Carhais qu’autres villes où il y avoit eu du desordre159 ».
45Il faut cependant aller au-delà des images qui se nourrissent des célèbres pendus de Jacques Callot. Car, dans le prolongement de ce qui s’est esquissé dans les semaines précédentes, l’annonce de l’entrée en campagne de Chaulnes conduit bien des gens à faire profil bas. Si la corde est bel et bien promise aux plus coupables ou aux plus compromis, le pardon est garanti aux autres, pour peu qu’ils se soumettent. C’est ce qu’exprime, dans son langage inimitable, la marquise de Sévigné le 24 septembre à sa fille, dans une lettre écrite depuis les environs de Nantes :
« Nos pauvres bas bretons, à ce que je viens d’apprendre, s’attroupent quarante, cinquante par les champs et dès qu’ils voient les soldats, ils se jettent à genoux et disent « mea culpa » : c’est le seul mot de françois qu’ils sachent… On ne laisse pas de pendre ces pauvres Bas Bretons ; ils demandent à boire et du tabac, et qu’on les dépêche, et de Caron, pas un mot160. »
46Marie de Talhouët, à nouveau, lui fait écho à propos des gens des environs de Gourin :
« Je leur ai fait si belle peur que enfin ces canailles se sont résolues d’aller tous se jeter aux pieds de Mr le Duc à genoux. Je leur ai dit qu’il fallait qu’ils s’y missent puisqu’ils n’avaient pas été au-devant de lui et le trouver plus loin et que si vous n’obteniez leur pardon qu’ils étaient tous perdus et que les soldats ravageraient tout161. »
47La peur du soldat et de la corde ne sont pas les seules à jouer, puisque le duc, qui ne néglige rien et veut à l’évidence éviter un embrasement, croit utile de se servir de missionnaires, dans le prolongement de ce qui a été esquissé dès juillet. À en croire son hagiographe, le père Maunoir, fort de son succès obtenu aux environs de Carhaix, serait venu trouver Chaulnes pour lui proposer ses services, « soit pour persuader aux peuples de s’abandonner à la clémence du roy, soit pour résoudre et assister aux supplices ceux qui y seroient condamnés162 ». Le duc accepte et deux autres jésuites du collège de Quimper sont aussi envoyés sur les routes prêcher la soumission. Quant à Maunoir, il suit le duc de la Cornouaille au Trégor, louant chez le gouverneur, toujours selon son biographe, « la clémence et la fermeté, la justice et la sagesse ». D’après cette même source, le missionnaire continue son œuvre une fois les troupes parties, considérant que les temps sont propices à la conversion. Ainsi l’infatigable père se rend à Pontivy, « plusieurs paysans y ayant été tués dans la chaleur de leurs crimes et d’autres venant d’y être exécutés163 ». Une autre « mission militaire » est aussi menée peu après au cœur du pays bigouden, en Plozevet, à la demande d’un gentilhomme du lieu. Les missionnaires, ajoute l’hagiographe, « pensoient à ces paroles de David : “on les tuoit, et ils retournoient à Dieu” parce qu’en effet la mort des uns fut le principe de la conversion des autres164 ». L’année suivante, le célèbre missionnaire poursuit l’effort et la majorité des lieux où il œuvre ne doit probablement rien au hasard165 : Penmarc’h, Beuzec-Cap Sizun, Plomeur, Treffiagat, Tréogat, Pleyben, Commana, Riec, Caudan voire Auray ont été le cadre de troubles en 1675, ou en ont été proches. Les croix érigées et datées, comme à Pleyben, sonnent comme un rappel de ce passé haïssable. Mieux, à Commana, en 1682, l’inscription sur le nouveau retable du nom du recteur malmené en 1675 semble indiquer que l’on est vite entré dans le temps de la repentance et du pardon : il serait étonnant que l’action du talentueux jésuite missionnaire y soit étrangère166. Si l’appel au Ciel n’est pas nouveau pour calmer les fureurs rebellionnaires167, il semble que le fait d’associer missions et répression ait été en revanche inédit. Ce serait la rencontre entre la dynamique de la Réforme catholique et la prudence de Chaulnes, qui voulait à tout prix casser la spirale des troubles.
48Face à l’avancée du duc de Chaulnes, certains, ne se faisant pas trop d’illusion sur leurs chances d’échapper aux châtiments, préfèrent la fuite. Ainsi, le 23 septembre, le procureur général signale que des insurgés bas-bretons pourchassés par Chaulnes ont trouvé refuge à Rennes168. D’autres, semble-t-il, tentent leur chance par la mer, à l’image des Nu-Pieds qui s’enfuirent en 1639 à Jersey et Guernesey169. D’après la Gazette de Hollande, certains cherchent en 1675 à gagner ces îles, ce qui semble cependant curieux étant donné leur éloignement du foyer de révolte, mais qui reste possible170. Chaulnes a l’idée de tendre une « embuscade » aux fuyards en faisant placer une frégate entre la terre ferme et les îlots des Glénan, en face du pays bigouden qui avait été si fortement insurgé quelques semaines plus tôt171. On sait que ces îlots constituent un abri que les corsaires ennemis de la France savent utiliser pour faire relâche172. Chaulnes attend beaucoup de ce plan en termes de prisonniers, mais on ne sait si l’opération eut le moindre succès. Elle tend au moins à indiquer que le duc a été particulièrement méthodique dans la répression des environs de Quimper, où il est resté plus longtemps qu’en aucun autre endroit. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est que les alentours de la capitale cornouaillaise ont été, et en premier, particulièrement engagés, de Briec à Pont-l’Abbé. Les habitants ont ce faisant montré le mauvais exemple aux autres, ce qui justifie un traitement plus sévère. La seconde est qu’il fallait envoyer d’emblée un puissant signal à tous les insurgés de Bretagne, tout en assurant les arrières de la future marche dans le pays bocager dont Chaulnes se méfiait.
49C’est ainsi qu’on remarque que c’est dans le seul pays bigouden que des clochers sont apparemment arasés, soit six connus répartis dans quatre paroisses173. Tout a été dit sur la violence symbolique que cela représente, comme atteinte à la dignité communautaire des paysans, à leur fierté. À vrai dire, l’affaire est mal documentée174, et rien n’interdit de penser que d’autres églises, ailleurs, ont été aussi décapitées175. Il semble assez probable – mais la chronologie de ces destructions nous échappe – que ces paroisses aient payé pour l’exemple. Par ailleurs, le choix des paroisses visées ne doit rien au hasard : Chaulnes dit avoir refusé son pardon à quelques unes, dont Combrit. Ces paroisses du pays bigouden, celles des « codes paysans », des quasi-premières attaques de châteaux, sont aussi celles qui, le 2 juillet, devaient rester mobilisées quand les autres devaient baisser les armes. Un détail, qui se trouve dans un des factums que la marquise de Montgaillard produisit pour défendre l’honneur de son défunt mari, indique en outre que le clocher de Combrit a été orné d’un drapeau rouge, le projet étant d’en faire autant dans toutes les paroisses insurgées176. Etait-ce aussi un signal adressé aux Hollandais qu’on espérait voir arriver du côté des Glénan ? C’est également en Combrit que les historiens situent l’épisode le plus dramatique de la répression : la pendaison de 14 paysans aux branches d’un chêne devant le manoir du Cosquer, propriété de feu le marquis de Kersalaün. La chose est certes possible, mais il faut cependant dire que cet événement ne repose sur aucun document connu à ce jour. L’historien de ce pays, Serge Duigou, parle de « tradition » et Yvon Garlan et Claude Nières évoquent l’affaire au conditionnel177. Il n’est pas certain qu’on puisse en savoir davantage178. En revanche, de récentes découvertes font état de quatre pendaisons de Combritois, effectuées à Pont-l’Abbé179.
50Le dossier des arrestations et des exécutions connues à ce jour ne permet pas d’aller très loin. En l’état, il repose principalement sur des sources narratives : les propos tardifs de l’hagiographe du père Maunoir, les écrits des Rennais Cormier de la Courneuve et Toudoux180, quelques mentions épistolaires de la marquise de Sévigné, auxquels il faut ajouter ces lignes souvent citées de la sœur du marquis de Kernabat, qui écrit de Guingamp le 24 septembre :
« Les paysans ont été bien punis de leur rebellion. Ils sont presentement souples comme un gant. On en a pendu et roué une quantité en ce pays de Cornouailles particulierement à Quimper-Corentin181. »
51Un peu moins éloignée du front que Marie de Sévigné, cette Guingampaise estime donc que c’est surtout en basse Cornouaille que la répression est la plus forte, ce qui s’accorde avec les indices rassemblés plus haut au sujet du pays bigouden. En l’état actuel des connaissances, il est très difficile de se faire une idée précise de ce qui s’est réellement passé, car on connaît très mal l’activité répressive durant les quelques semaines que dura la campagne du trio Chaulnes-Marillac182 - Maunoir. Le fait que le dossier soit plus étoffé pour la période en amont et pour celle en aval de ce Tro Breizh laisse supposer que des exécutions ont bien dû avoir lieu en vertu de la commission extraordinaire envoyée par le conseil, mais que les archives ont disparu, ou dorment encore dans quelque lieu inexploré.
52Quelques éléments tendent à montrer qu’il ne s’est pas rien passé. Ainsi, outre les pendaisons de Pont-l’Abbé, un autre cas est connu par une pièce tardive qui évoque un certain Guégonnen, condamné à mort le 12 octobre 1675 à Carhaix183. Il est aussi probable que parmi les condamnés se trouve Yves Le Fol, de Kergrist-Moëllou. Tôt désigné comme un meneur184, il est pourtant absent de la liste des personnes exclues de l’amnistie de février 1676, et on peut donc penser qu’il a été arrêté et condamné avant cette date, soit à mort, soit plus probablement aux galères, n’ayant proféré « que » des menaces armes à la main. Il est aussi possible que François Gourlay, cet ecclésiastique qui souffla le vent de la sédition contre le recteur de Duault, connut un sort comparable185. Vite dénoncé, il est arrêté dès septembre 1675 et est absent de la liste des réservés en 1676. À moins que… Un prêtre du nom de « Mathias » Gourlay réapparaît dans les registres paroissiaux de Duault en avril 1676 à l’occasion d’un baptême186 et selon l’historien de ce pays, Joseph Lohou, ce serait le même Gourlay que le rebelle de 1675. Dans ce cas, le séditieux ecclésiastique aurait en fait été relâché. Quant à Jean Banaléguan, il est exécuté comme « cheff de la sedition et révolte » de Paule et Glomel, à une date qui a été peut-être tardive187.
53Les archives judiciaires, ou plutôt pénitentiaires, ne sont pas totalement muettes et permettent d’avancer, au moins un peu. À Lannion, ainsi, cinq séditieux sont détenus de septembre 1675 à mars 1676, ayant été arrêtés par la maréchaussée, et semblent avoir bénéficié de l’amnistie de février188. Mais on sait aussi que six autres ex-révoltés y sont encore incarcérés en octobre 1677189. À Brest, quatre personnes arrêtées à Landerneau avant l’arrivée des troupes sont internées et trois autres sont encore signalées en prison en 1676 et 1677190. À Carhaix, cinq hommes sont en prison et condamnés aux galères dès les 10 et 11 octobre, l’un étant de manière certaine un séditieux : qu’en est-il des autres ? ont-ils été libérés suite à l’amnistie ? sont-ils morts en prison ? se sont-ils enfuis ? En février et mars 1676, des évasions de condamnés aux galères sont en effet signalées ici ou là : 12 à 15 (on appréciera la précision) à Morlaix, cinq à Concarneau, d’autres à Carhaix191. Toujours à Carhaix, un autre individu, toujours détenu en 1677, affirme croupir là depuis 1675, et il ne fut certainement pas le seul à connaître les geôles sans être condamné ni à mort, ni aux galères.
54Les deux listes d’individus détenus à la conciergerie du parlement de Bretagne ne sont de leur côté pas faciles à exploiter. Celle de 1675, qui recense les personnes incarcérées pour sédition, ne semble pas indiquer de Bas-Bretons pris lors de la mission du duc de Chaulnes192. Il en va à première vue différemment de la liste des prisonniers gardés en 1676 dans la conciergerie de la cour, mais cette source ne permet pas de savoir qui étaient ceux qui étaient là pour crime de sédition193. Tout juste note-t-on que le présidial de Quimper condamne au plus tard le 2 janvier 1676 un groupe de onze hommes aux galères : sur le lot, trois seront des exclus de l’amnistie de février 1676, comme rebelles de Combrit. Mais rien ne dit que les huit autres aient été condamnés aux galères pour sédition, même si le fait qu’ils soient cités ensemble plaide en ce sens194. Quant aux trois autres individus condamnés à la même peine « par sentence provôtale rendue à Châteaulin », ce ne sont sans doute pas des rebelles car leurs noms ne figurent pas dans la liste des réservés et qu’ils ont été détenus à la conciergerie de février à juillet 1676. Même si nous savons qu’il y eut des exceptions195, s’il s’était agi d’anciens révoltés, ils auraient dû être libérés. En revanche, le prêtre Jean Dollo, signalé dans les geôles du parlement et envoyé aux galères après avoir été condamné à Carhaix, a été un des chefs des séditieux196. La liste mentionne un autre prêtre, Alain Maillard, réputé être l’homme de la révolte de Guiscriff, condamné à une semblable peine par arrêt du parlement197. Au-delà de ces quelques cas que l’on peut plus ou moins cibler, combien des 42 personnes entrées dans la conciergerie du parlement en 1676 et parties au cours de cette même année servir le roi les rames à la main étaient des séditieux ? Un chiffre d’une vingtaine de forçats condamnés pour sédition pourrait être acceptable au vu de cette source198. Mais tous les forçats ne transitaient pas par la conciergerie du parlement : sur les cinq cas condamnés les 10 et 11 octobre à Carhaix aux galères, un seul voit son nom dans les listes des geôles parlementaires199. D’autres estimations conduisent par ailleurs à une appréciation plus élevée du nombre de forçats. Ainsi les recherches d’Yves Le Gallo, réalisées à partir des archives de la Marine, montrent l’existence de deux chaînes « bretonnes » d’environ 90 forçats chacune et constituées entre l’automne 1675 et le printemps 1676, sans qu’il soit cependant possible de savoir combien de ci-devant « Bonnets rouges » elles comprenaient200. Ces chiffres peuvent être néanmoins précisés grâce au patient travail d’un élève d’Yves Le Gallo, Jo. Le Nigen, qui, au terme d’un récent dépouillement des registres des galériens arrivés à Marseille, donne des chiffres tendant à montrer que le nombre de condamnés bretons – Rennais compris – a dû être assez réduit.
Tableau 15. – Les galériens originaires de Bretagne (1675-1678)201.
Arrivée à Marseille |
Total |
Dont Bretons |
Dont indiqués comme condamnés pour révolte |
Dont sans motif indiqué |
10 avril 1675 |
28 condamnés |
8 |
0 |
1 |
25 octobre 1675 |
35 condamnés |
9 |
0 |
0 |
24 mars 1676 |
31 condamnés |
5 |
0 |
3 |
8 septembre 1676 |
40 condamnés |
11 |
2 |
2 |
6 mai 1677 |
46 condamnés |
8 |
0 |
3 |
9 octobre 1677 |
39 condamnés |
13 |
0 |
13 |
3 mai 1678 |
49 condamnés |
11 |
0 |
0 |
16 novembre 1678 |
52 condamnés |
14/15 |
1 |
0 |
55Même les chaînes d’octobre 1675 et mars 1676 ne sont pas remplies d’Armoricains. De plus, les cas déclarés de séditieux sont extrêmement peu nombreux : 3 pour l’ensemble des chaînes arrivées en Provence entre octobre 1675 et novembre 1678. On pourait supposer que des révoltés sont à chercher parmi ceux, nombreux (un gros quart du total), pour lesquels le motif est inconnu. C’est peut-être le cas des 13 galériens bretons arrivés le 9 octobre 1677, pour lesquels aucun motif de condamnation n’est indiqué. Mais il faut rester prudent : les lieux d’origine – si tant est qu’ils donnent les lieux des méfaits commis et qu’on arrive à les identifier202 – ne recouvrent qu’imparfaitement les zones insurgées203. Reste que dans cette liste figure un certain « Vincent Miette », marchand de Rennes204, qui a toutes les chances d’être le « Vincent Miet, marchand », également de Rennes, exclu de l’amnistie de février 1676. Il n’est de plus pas impossible que certains étaient sous un régime de double peine : condamnés pour vol ou meurtre, ils étaient aussi des séditieux. En effet, on peut supposer, dans le prolongement de ce que nous avons pu noter au sujet de certains exécutés de l’été, que la foudre punitive est tombée sur des gens à qui la justice avait des choses à reprocher et qui n’avaient pas plus que d’autres participé aux événements, mais servirent de boucs émissaires205. Faut-il considérer que la marche militaire du duc de Chaulnes en Basse Bretagne fut finalement une opération de basse police servant à nettoyer la province de ses malfrats, réels ou supposés ?
56Un dernier indice est fourni par l’étude des affaires criminelles traitées par la cour royale de Carhaix, étudiées par Pierre-Yves Nicot206. Cette juridiction, dont le sénéchal porte le titre de « subdélégué » de Marillac, n’a pas été exclue des procédures judiciaires visant à punir les rebelles. Ses archives en témoignent, avec l’envoi aux galères du prêtre Dollo et la condamnation à la roue d’Alain Le Moign. Celui-ci, identifié comme un des meneurs dans l’affaire de Briec, parvient à échapper de longs mois à la justice, avant d’être pris et jugé à Carhaix en octobre 1676. Il est exécuté et son corps porté à Briec pour y être exposé « avecq defense à toutes personnes de l’en oster ». Mais Pierre-Yves Nicot n’a découvert aucune autre condamnation à mort ou aux galères pour des faits de révoltes. Il est possible qu’en reprenant l’étude à frais nouveaux, on puisse découvrir parmi les autres condamnés à mort des années 1675-1677, que certains individus ont été impliqués dans la révolte. Toutefois, les condamnés à mort ne sont que cinq pour ces trois années, quand on en compte par exemple quatre pour la seule année 1672 et six pour 1688207. En étendant le regard à l’ensemble de l’activité judiciaire, on constate néanmoins un net gonflement du nombre d’affaires traitées à Carhaix dans les années 1675-1677. Ainsi par exemple, la moitié des peines pécuniaires prononcées de 1662 à 1690 l’ont été de 1675 à 1678. On retrouve là un phénomène bien identifié pour des époques plus récentes et mieux documentées, à savoir que les périodes qui suivent un conflit politique violent sont marquées par une intense activité répressive, dans le cadre d’une « restauration de l’autorité208 ». La révolte dite des « Bonnets rouges » aurait donc conduit à un accroissement de la pression judiciaire sur la société, mais sans que cela se traduise par un nombre de galériens ou de pendus remarquable, y compris pour fait de révolte.
57Peut-on cependant considérer que si la juridiction royale de Carhaix a eu à traiter si peu de cas, c’est parce que la justice extraordinaire de Marillac a fait en septembre un travail remarquable de sévérité ? Si à Landerneau et à Morlaix, aucune exécution n’a été retrouvée209, on sait qu’à Carhaix, un certain Guégonnen a été condamné « au dernier supplice » suite à un procès « réglé à l’extraordinaire » en octobre 1675210. Son nom n’apparaît cependant pas dans l’étude de Pierre-Yves Nicot. Combien sont-ils dans ce cas ? Pourquoi le document qui le mentionne – la requête tardive d’un prisonnier oublié – ne parle que de son cas ? Est-ce parce que la justice a été, dans la région de Carhaix, particulièrement timide, comme le laissent supposer divers indices211 ? Il est difficile de conclure avec fermeté, même si on ne peut que constater que la riche et féconde érudition bretonne, en un siècle et demi de recherches, n’a finalement pas permis de découvrir beaucoup de suppliciés et de galériens. N’est-ce pas en soi un signe ? Pour en être certain, il faudrait reprendre pied à pied l’enquête, juridiction par juridiction, paroisse par paroisse, sans oublier les fonds de familles.
58À l’appui de l’idée d’une répression probablement moins sanglante qu’on ne l’a dit, apparaît le fait que Chaulnes et Marillac n’ont pas rendu compte de leurs exploits judiciaires en haut lieu212. En effet, les archives parisiennes sont étonnement silencieuses sur ce sujet, alors qu’on a vu avec quel entrain Lavardin a narré ses prouesses nantaises du printemps, suivi en cela par les représentants du roi en Guyenne l’été. On sait aussi que Pellot, traquant les « Invisibles » en Chalosse, n’avait pas agi différemment. Si des cohortes de malheureux avaient effectivement été pendus et mis à la chaîne, n’aurait-on pas d’autres indices épistolaires que les propos lacunaires de nos deux dames évoquées plus haut, du tardif biographe du père Maunoir et des Rennais Cormier et Toudoux ? Les bons serviteurs n’auraientils pas été désireux de faire savoir au maître que la sinistre moisson était bonne, et ne demeurèrent-ils pas silencieux car celle-ci ne l’était guère213 ? Il est vrai que condamner, qui plus est à mort, n’est pas chose aisée, pour des raisons pratiques et juridiques, on en a vu plusieurs exemples en Basse Bretagne, à Nantes et à Bordeaux. Car, pour procéder à d’expéditives exécutions militaires, il faut attraper des hommes armes à la main, ou sinon se contenter de ceux qu’on vous amène. Quelques années plus tôt, dans l’affaire des Lustucrus, sur presque 600 prisonniers, tous pris lors du choc final, seuls 8 sont mis à mort, et 363 envoyés aux galères214. Ainsi, à la différence des répressions des récentes révoltes du Boulonnais mais aussi du Vivarais215, la chaîne n’aurait pas été privilégiée, alors que l’on sait que Colbert avait grand besoin de rameurs pour les 25 galères du roi et ne s’était pas privé de le faire savoir216. Si elle ne l’a pas été, c’est peut-être tout simplement parce qu’on a eu peu de monde à y envoyer, faute d’avoir pu prendre des coupables en grand nombre. La marche de l’armée de Chaulnes aurait alors été comme un coup de pied dans une fourmilière, comme le montre le précieux témoignage de Quarré d’Aligny, officier présent aux côtés du duc pendant sa marche punitive :
« Nous continuâmes notre chemin en basse Bretagne où nous devions rencontrer les révoltés au bord de la mer… Après avoir fait bien des camps, et être arrivés au lieu où où nous devions trouver, à ce qu’on disoit, les révoltés, on n’y trouva pas une âme. On reprit par l’autre côté de la mer par le milieu de la province, et enfin on vint à Rennes, où tous les mutins qu’on avoit pris furent roués et pendus. Voilà comme cette révolte pris fin, et les troupes retournèrent aux ordres que le roi avoit donné217. »
59C’est donc l’image d’un ennemi insaisissable qui se dégage218. Mais comment lire la mention aux mutins exécutés ? S’agit-il d’individus capturés en Basse-Bretagne et exécutés à Rennes, ou bien l’auteur fait-il allusion aux Rennais arrêtés à la fin de l’année dans la capitale provinciale et exécutés dans celle-ci ? Deux arguments non décisifs plaident en faveur de cette dernière hypothèse. Le premier est que l’on ne voit pas très bien pourquoi Marillac aurait attendu d’être à Rennes pour mettre à mort des séditieux, d’autant que la maxime du temps veut que de telles exécutions se déroulent au plus près des lieux des méfaits commis, à des fins pédagogiques, comme le montrent d’ailleurs les quelques cas connus. De plus, Chaulnes avait les moyens militaires de faire procéder à de telles éxécutions sans craindre de mouvements. La seconde est que les scripteurs rennais n’évoquent pas l’exécution de rebelles bas-bretons dans leur ville. Dans le doute, il vaut mieux pour l’heure mettre ce témoignage au crédit d’une répression peu virulente en Basse-Bretagne. Celle-ci n’aurait dès lors pas été très différente de celle que le comte de Chamilly a mené en 1670 en Vallespir après la révolte des Angelets, le choix ayant été alors fait d’agir avec doigté, c’est-à-dire « sans repandre beaucoup de sang », en se contentant de chasser les « plus mutins », et ce, d’après un officier, non sans lien avec la proximité de la frontière219. Le bilan en termes de punitions y fut d’ailleurs des plus médiocres. Dans le cas de Chaulnes, pourrait avoir joué une volonté, dans cette province frontalière qu’était aussi la Bretagne, d’être prudent, cumulée avec une certaine incapacité à être sévère.
60Le bilan chiffré de la répression en Basse-Bretagne paraît donc pour l’heure très difficile à établir, mais il semble bien qu’on n’ait pas atteint les sommets parfois décrits. Jusqu’à un certain point, on pourrait rapprocher le cas breton de ce que la Chalosse a connu après la révolte dite des Invisibles. Dans les deux cas, la fin de la rébellion n’est pas marquée par un rude engagement final susceptible de mettre à mort ou d’emprisonner d’un coup de futurs galériens, comme en Boulonnais ou en Vivarais. En Chalosse, on compensa par une longue traque d’environ trois ans, qui mena au moins une vingtaine d’individus à la roue ou à la potence et une cinquantaine à la chiourme220, mais rien ne dit qu’on atteignit de tels chiffres en Bretagne. Quelques indices invitent à penser que, en Bretagne, les procédures furent elles aussi longues. Ainsi Yves Rivoual est-il condamné dès le 9 octobre 1675, mais n’arrive à Marseille que quatre ans plus tard, après avoir été repéré dans les prisons de Carhaix en janvier 1676221. Le prêtre Maillard, quant à lui, arrêté en novembre 1675, n’est finalement condamné qu’en octobre 1676222. La fuite des plus compromis, la probable mauvaise volonté des témoins, les inévitables lenteurs et timidités judiciaires pourraient expliquer le rythme du processus. Dans l’immédiat, le silence épistolaire de Chaulnes et de Marillac peut renvoyer à la réalité d’une courte tournée qui permet surtout – et ce n’est pas rien – de montrer la puissance du roi et d’engranger les gestes de loyauté et de soumission sur une province frontière en temps de guerre, ce qui faisait une grosse différence avec la Chalosse du milieu des années 1660. Par la suite, le temps aidant, Chaulnes et Marillac étant repartis, et son successeur Pomereu n’ayant pas dans ses prérogatives de punir les rebelles, l’ardeur répressive tend à faiblir d’autant plus que les fuyards sont introuvables, et que les juges peuvent nourrir – l’armée partie – la crainte de représailles. Ces magistrats – pas tous, on le verra223 – peuvent aussi considérer que l’oubli est salvateur, le cas échéant portés par un esprit de pardon favorisé par les missions et l’idée qu’il ne fallait pas donner trop d’occasions de réveiller la bête. Pour le duc, qui garde un œil sur les menaces pouvant venir de la mer, ce compromis peut passer pour à peu près acceptable, et les roués rennais224 satisfaire son désir de réparation. Pour toutes ces raisons, en l’état actuel du dossier et même s’il est trop tôt pour conclure de manière ferme et définitive, il semble que la répression des « Bonnets rouges » a été moins brutale que les autres opérations comparables réalisées dans les mêmes années, pour autant que l’on puisse le savoir. L’image d’une opération qui tient plus de la pacification que de la répression semble devoir s’imposer, ce qui ne veut bien entendu pas dire que cela se fit sans que des punitions soient ordonnées.
Tableau 16. – Bilan de quelques répressions du XVIIe siècle.
Révolte |
Morts au combat |
Exécutions |
Envoyés aux galères |
Référence |
Périgord, 1637 |
1000 à 1500 |
Une dizaine |
Bercé, p. 426 sq. |
|
Bocage normand, 1639 |
300 |
15 à 20 |
« Un certain nombre » |
Foisil, p. 302 sq. |
Boulonnais, 1662 |
? |
8 |
363 |
Héliot |
Chalosse, 1664-65 |
- |
20 |
Une cinquantaine |
Ferron |
Vivarais, 1670 |
Beaucoup |
15 ? plus de 30 ? |
Plus de 100 |
Vissac ; Roux, Gout, Volane ; Sabatier, p. 141 |
Quercy, 1707 |
Env. 100 |
6 |
? |
Bercé, p. 525 |
61En guise d’épilogue, et comme un symbole de cette marche punitive mitigée quant à ses résultats, il importe d’évoquer la deuxième mort de Sébastien Le Balp. Ce dernier avait eu droit à des obsèques normales dans sa paroisse225. Pourtant, au mois d’octobre 1675, Marillac ordonne de faire le procès à son cadavre226. Le commissaire, soucieux d’apaiser la veuve de Montgaillard, lui fait demander si elle souhaite que le corps du chef soit exposé devant la porte de sa demeure, « pour reparer… les insolences qu’il y avait commises ». On ne sait ce que décida la belle-sœur de l’assassin de Le Balp, mais on sait en revanche que le cadavre du défunt fut traîné sur une claie le visage contre terre, puis rompu et exposé sur une roue. Voilà qui montre, après l’affaire des clochers, combien la répression savait manier les symboles. Faute de mieux ?
Montgaillard, une certaine idée de la noblesse
62Ceci nous conduit à évoquer un des prolongements les plus connus de la révolte de Basse-Bretagne : la mort du marquis de Montgaillard, qu’on peut relier aux difficultés à poursuivre les rebelles. À la suite d’une altercation, celui-ci est assassiné dans les rues de Carhaix le 12 septembre par le comte de Beaumont et le sieur de Pontgan, de la famille de Quengo-Tonquédec227. Ce dernier a pu assouvir une vengeance privée, puisque son frère avait dû, par le passé, subir des coups de cannes de Montgaillard, lorsqu’ils servaient ensemble sous Turenne, épisode qui brisa d’ailleurs la carrière du marquis. Surtout, la sœur de Pontgan n’est autre que la marquise de Trévigny, qu’on imagine avoir été traumatisée par le pillage de son château de Kergoët228. Or, ce qui est principalement reproché à Montgaillard par ses futurs assassins est de couvrir les anciens insurgés du pays229, y compris des capitaines comme Le Flamand et Le Diquer dont le rôle a été apparemment notable dans l’affaire de Kergoët230. La veuve de Montgaillard aura beau crier que tout cela était faux, l’accusation n’est peut-être pas sans fondement. Montgaillard, après la mort de Le Balp, n’a en effet pas renoncé à tout rôle et, dans les jours qui précèdent sa mort, il bat la campagne pour prêcher la soumission231. Mais d’après les accusateurs du marquis, ce dernier se vantait d’avoir obtenu de Chaulnes la promesse d’une amnistie pour les pilleurs de Kergoët. Que Montgaillard ait, ce faisant, cherché à protéger « ses » gens est tout à fait possible. En effet, la sœur du sieur de Kernabat, au sujet de son métayer réputé avoir voulu soulever Guingamp et que son frère a fait mettre en prison, écrit :
« J’aurais pourtant grand regret qu’il fut pendu à cause qu’il est notre homme232. »
63La même dame remarque que, lors de l’étape trégorroise de la tournée du duc de Chaulnes, son frère compte le suivre au moins autant pour se montrer – comme le préconisait un mois plus tôt Marie de Talhouët – que pour protéger ce et ceux qui pouvaient l’être. Il en va semble-t-il de même de l’abbé de Quimperlé, qui, en même temps qu’il cherche à ramener les populations dans le droit chemin, intercède auprès de Chaulnes pour leur éviter la venue des gens de guerre233. Aussi peut-on penser que Montgaillard était dans cet état d’esprit, qui consistait à trouver un équilibre entre punition et protection. Ce dernier point correspond bien à une éthique nobiliaire, une tentation de patronage faisant des gentilshommes-seigneurs un corps intermédiaire par excellence entre ceux qu’ils estiment être leurs gens et le roi qui les voit, lui, d’abord comme ses sujets. Montgaillard, rejeté par l’État royal pour sa violence jugée d’un autre âge, vivant un exil intérieur au Tymeur, a pu un moment penser que son heure était venue. Il surjoua le rôle de puissant du lieu, dans l’ivresse qui a suivi la mort de Le Balp, porté par l’aura que cette affaire, qui s’est conclue chez lui, a pu lui accorder dans le pays. Le marquis recevait même des lettres de Chaulnes et de d’Argouges qui ne pouvaient que lui donner le sentiment d’être l’homme fort de la région. En somme, l’hypothèse que nous formulons est que Montgaillard, exclu des honneurs de la guerre, a trouvé ici un autre chemin d’affirmation de son identité nobiliaire. Et qu’il en est mort. Deux ans après le « suicide » de d’Artagnan à Maëstricht234, à l’autre bout du front de la même guerre, l’assassinat du marquis de Montgaillard était un signe qu’il ne saurait être de salut pour la gentilhommerie hors des rectilignes allées du roi. Comme d’Artagnan, gascon comme lui, Montgaillard avait pourtant réussi dans son entreprise au service du roi, mais pas selon la bonne méthode. Alors que le premier subit une deuxième mort par la plume désapprobatrice de Vauban, Montgaillard fut une deuxième fois assassiné lorsque le roi finit par accorder une lettre de rémission à Beaumont, seul coupable poursuivi. Le destin de Montgaillard croise par ailleurs celui d’un autre noble, d’Audijos, le rebelle qui a accepté, moyennant une humiliation publique, les règles de l’État royal, tandis que Montgaillard, redevenu fidèle serviteur, meurt la tête haute dans un combat à tous égards singulier.
La fin du voyage
64En marge des mesures individuelles ou collectives visant à punir et à extirper de la bonne terre la mauvaise graine de la sédition, la campagne de Chaulnes tend à s’assurer que la rébellion ne repartira pas malgré le rétablissement de l’ordre fiscal. Aussi, dans le prolongement à l’évidence direct des initiatives déjà prises avant le début de sa marche, a-t-il imaginé une requête envoyée semble-t-il dans toutes les paroisses du secteur insurgé, que les habitants doivent signer235. Il semble que cet acte prévoie la livraison des coupables, la dépose des cloches ayant sonné et… l’acceptation des bureaux du roi236. Ce dernier point peut d’ailleurs poser de nouveaux problèmes : autour de Guingamp – mais on peut supposer qu’il en va de même ailleurs – les habitants refusent de signer, disant que c’était la gabelle qu’on voulait leur imposer237. Le seigneur de Plouisy, dans le Trégor, aurait été à six reprises expliquer la nécessité qu’il y à s’exécuter. Faut-il relier cela au fait que les états n’étant pas encore réunis, les gens rechignent à voir ainsi cette question être réglée ? On ne saurait l’exclure. Reste que, dès la fin du mois de septembre, Chaulnes assure au parlement, par la voix de Coëtlogon-père, qu’il a partout rétabli les bureaux238.
65Près de Gourin, Marie de Talhouët fait également état des difficultés à faire signer ce papier, mais aussi à obtenir que les paysans rendent leurs armes239. Un autre aspect important est en effet de désarmer les habitants. Ainsi, en vertu d’une ordonnance de Chaulnes prise en ce sens le 18 septembre, les paroissiens de Maël-Carhaix déposent leurs armes, la liste étant dressée par le recteur240. Le document, apparemment conservé dans les papiers de la paroisse et communiqué par le recteur à l’archiviste Jean Lemoine, amène à se poser la question de l’efficacité d’une telle mesure : on est certes impressionné par le fait de voir une cinquantaine de personnes, y compris des « maîtres » et des « sieurs de » rendre les armes, mais ce n’est sans doute pas toute la population en âge de porter les armes241. La mesure ne concerne pas que les campagnes : à Landerneau aussi, il faut désarmer242. Des indices montrent des paroisses n’ayant pas pris les armes, ou situées hors du cœur de la zone soulevée, sont aussi concernées. D’après la sœur du sieur de Kernabat, des paroisses non insurgées du Trégor doivent s’exécuter et ce sont les capitaines de paroisse qui sont chargés de la besogne243. Plus loin encore vers l’est, la paroisse de Trébry, près de Lamballe, est désarmée en vertu d’une ordonnance du gouverneur prise cette fois le 28 septembre244, comme pour prévenir le prochain passage de ses hommes.
66Même après avoir quitté la zone naguère insurgée, le duc continue de superviser les punitions, en particulier celles qui concernent le Vannetais, où il ne semble pas s’être rendu après son départ de Port-Louis245. C’est là un indice de la confiance qu’il a désormais dans sa force, car ces régions ont semble-t-il été assez troublées246. Le 31 octobre, depuis Rennes, il commande ainsi aux habitants de Callac de déposer leurs cloches et de les porter à Vannes chez le comte de Lannion, gouverneur de cette ville. Le même jour, les habitants de trois paroisses du même secteur reçoivent l’ordre de porter leurs armes dans le château voisin des du Guémadeuc.
*
67La Gazette de France, devenue soudain bavarde, annonce fièrement le 2 septembre que « la punition exemplaire des plus coupables » a rétabli le calme247 ; la dépêche du 21 septembre ajoute que les Hollandais, qui ont espéré tirer parti de ce soulèvement, en sont pour leur frais248. Et si la London Gazette garde le silence, celle de Bruxelles veut encore faire croire que le front breton existe toujours : dans une dépêche du 10 septembre, on y annonce que la Basse-Bretagne est toujours insoumise, « à la réserve de quelques paroisses ». Ce ne sont bien sûr que des mots. L’été des « Bonnets rouges » est bel et bien terminé et le plus remarquable est qu’en même temps qu’il se meurt, le feu nulle part ne reprend. Désormais, le temps de la mémoire s’ouvre, riche assurément, comme en témoigne, à la fin du XXe siècle, Per-Jakez Hélias :
« Deux de nos aïeux, l’un appelé Yann Gouarlaouen, l’autre seulement connu sous le nom de Pôtr Tin et âgé de quatorze ans, pas un de plus, avaient été pendus aux arbres de Guilguiffin après la révolte des Bonnets rouges, pendus par le duc de Chaulnes, le duc damné, qu’il n’arrête pas de bouillir au feu d’enfer, même après le jour du Jugement, le salaud249 ! »
68Le duc de Chaulnes aurait donc réussi à réduire la révolte et aurait en même temps échoué à en éteindre le souvenir par une politique qui n’avait pourtant pas été particulièrement brutale. De fait, la repression-punition fut d’abord – et sous réserve de découvertes archivistiques futures – une pacification, ce qui n’excluait pas des exactions ponctuelles des soldats et des supplices. N’en déplaise aux entrepreneurs de mémoire victimaire et aux lecteurs pressés de la marquise de Sévigné, Chaulnes n’est, au vu des archives connues, ni Turenne, ni Turreau250. Même par rapport aux répressions les plus récentes, celle-ci semble, toujours en l’état actuel du dossier, relativement modérée. On est en effet loin des près de 400 forçats du Boulonnais de 1662. On est de même assez loin semble-t-il, de la répression de la révolte de Roure, dans le Vivarais de 1670251. L’absence d’engagement final un temps soit peu massif, comme on en vit dans le Périgord de 1637, dans l’Avranchin de 1639, dans le Boulonnais de 1662 ou dans le Vivarais de 1670 – en attendant le Quercy en 1707 – a empêché tant l’élimination physique et massive de séditieux que leur capture en nombre. Bref, sans mort au combat, avec un nombre d’exécutions et de forçats sans doute relativement limité, la répression des Bonnets rouges fut assez tempérée. Seule l’affaire des clochers arasés n’est assurément pas banale252, mais pas nouvelle pour autant : plusieurs clochers du Vivarais ont en effet connu pareil sort en 1670253. La vraie nouveauté du processus répressif semble donc avoir été l’enrôlement des missionnaires, et ce point peut nous conduire à penser que la démarche de Chaulnes et Marillac a été délibérément de chercher – au-delà de quelques supplices jugés nécessaires – l’apaisement, par sagesse, par réalisme et, au moins pour le premier, peut-être aussi par tempérament et conviction254. Qui sait si le duc ne songeait pas, peut-être inspiré par Maunoir, à la promesse faite à Abraham de sauver Sodome s’il s’y trouvait cinquante ou même dix justes255, remplaçant ainsi l’habituel principe de punition solidaire par celui de salut solidaire. Qui sait aussi si ne se mêlait pas à tout cela un peu de pitié pour des misérables dépeints il y a peu comme des victimes de la dureté seigneuriale, mais aussi de mépris pour des rebelles qui restaient de simples paysans sans chefs dignes de ce nom, aux yeux des grands256. Reste qu’il pouvait y avoir aussi de la politique dans la modération de la répression : Boris Porchnev a ainsi remarqué que déjà Richelieu et Mazarin préconisaient en la matière de marier avec adresse l’argument de la force et « la douceur et le raisonnement », et ce, expliquait l’historien soviétique, pour trois raisons : la conscience de manquer de troupes ; la crainte de raviver l’insurrection en réprimant trop fortement ; enfin, « la peur de ruiner les contribuables257 ». Dans le cas présent, s’ajoutait que la Bretagne était frontalière.
69Mais réduire la faiblesse des résultats quantitatifs à la seule intention des autorités ne permet pas de tout expliquer. Entre le moment où est annoncé l’envoi des troupes et leur arrivée, les gens qui peuvent craindre pour leur vie ont le temps de disparaître258. Il fallait donc aller chercher presque un à un les coupables supposés ou réels. Or, combien ont été protégés par des solidarités locales pouvant impliquer d’ailleurs des nobles et des ecclésiastiques ? Et la barrière de la langue a pu aussi être un bouclier efficace, même s’il ne faut pas en exagérer l’importance259. Le nombre remarquable de personnes exclues de l’amnistie de février 1676 – nous y reviendrons260 – pourrait être le signe d’une incapacité à mettre la main sur bien des rebelles ou réputés tels dont on connaissait le nom mais qui, à cette date, avaient pour la plupart échappé à Chaulnes. La situation apparaît dès lors paradoxale, puisqu’on a vu que, dès l’été, les populations n’ont pas hésité à collaborer avec les autorités en livrant ou dénonçant des brouillons. Sans doute ceci révèle-t-il des divisions au sein des campagnes, mais pas seulement. L’empressement des communautés à se précipiter aux pieds du gouverneur de Bretagne peut tout aussi bien révéler une intelligence tactique qui n’est pas nécessairement en rupture avec les prises d’armes précédentes. Acteurs de leur destin dans la révolte, pourquoi n’auraient-ils pas cherché à l’être au moment de la répression ? Comprenant bien où était leur intérêt, les paysans bretons baisèrent la main qu’ils ne pouvaient couper. On pouvait ainsi très bien se révolter contre des injustices, se soumettre en espérant ne pas tout perdre, et pour cela livrer les plus compromis et descendre les cloches, mais en même temps faciliter la fuite de parents ou amis. Derrière cela plane une claire compréhension de ce dont est capable l’État royal, avec sa force armée (et la capacité de nuisance de celle-ci), son goût pour les supplices et son besoin de galériens. Planerait aussi une claire conscience des limites de la capacité d’action de cet État. Ainsi, si la phase ascendante de la révolte rattache les insurgés bretons aux « furieux » des années cardinales, la phase descendante – mais aussi la « Requête » envoyée au roi – révèle plutôt l’intégration des paysans bretons dans l’État royal. Pour Chaulnes, et aussi pour le roi, l’important était que l’objectif du retour au calme soit atteint. Après tout, comme l’avait noté Yves-Marie Bercé, le point capital est dans l’affirmation du principe d’autorité et dans la démonstration la plus visible de l’inutilité de la révolte261. Dans cette perspective, la dimension spectaculaire est essentielle. Les clochers meurtris du pays bigouden comme la deuxième mort de Le Balp avaient de quoi frapper les esprits. Chaulnes pouvait commencer à songer aux états de Bretagne, conformément à son plan, mais avant cela, il lui fallait réduire Rennes.
Tableau 17. – Les exécutions capitales connues en Basse-Bretagne
Notes de bas de page
1 Paris, Tallandier, 2007, p. 183.
2 Lettres, Gerard Gailly (éd.), Paris, Gallimard, 1953, t. I, p. 819, lettre du 21 VIII 1675.
3 BNF, MC 172, fol. 203, lettre de Chaulnes à Colbert, 30 VII 1675.
4 BNF, MC 172, fol. 80, lettre de Chaulnes à Colbert, 13 VII 1675.
5 BNF, MC 172, fol. 167, lettre de du Guémadeuc à Colbert, 23 VI 1675.
6 Cité par Yvon Garlan et Claude Nières, Les révoltes bretonnes de 1675, Paris, Editions sociales, 1975, p. 150.
7 BNF, MC 172, fol. 80, lettre de Chaulnes à Colbert, 13 VII 1675.
8 SHD, A 1 442, fol. 143, lettre de Chaulnes à Louvois, 13 VII 1675.
9 Lettres, op. cit., p. 770, lettre du 24 VII 1675.
10 BNF, MC 172, fol. 145, lettre de Chaulnes à Colbert, 20 VII 1675.
11 BNF, MC 172, fol. 145 et 172, lettres de Chaulnes à Colbert, 20 et 27 VII 1675.
12 BNF, MC 172, fol. 114, lettre de Chaulnes à Colbert, 16 VII 1675.
13 SHD, A 1 442, fol. 185, lettre de Chaulnes à Louvois, 16 VII 1675.
14 Prosper Levot, Histoire de la ville et du port de Brest. 1. La ville et le port jusqu’en 1681, Brionne, Le Portulan, 1972, p. 142.
15 BNF, MC 172, fol. 167, lettre de du Guémadeuc à Colbert, 23 VI 1675.
16 BNF, Clairambault 796, lettre de Lavardin à Chaulnes, 27 VII 1675.
17 BNF, MC 172, fol. 108, lettre de Chaulnes à Colbert, 15 VII 1675.
18 Hervé Le Goff, « Au travers des liasses d’archives : la correspondance des familles », Trégor mémoire vivante, 1996, no 9, 1996, p. 36-44.
19 Cité par Yvon Garlan, Claude Nières, op. cit., p. 149.
20 Lettres, op. cit., p. 755 et 770-771.
21 Jean Lemoine, CLXIII.
22 BNF, MC 172, fol. 165, lettre de Chaulnes à Colbert, 23 VII 1675.
23 SHD, A 1 426 bis, fol. 268, lettre de Louvois à Lavardin, 29 VII 1675 et Arch. nat., B 2 31, fol. 267, lettre de Seignelay à Chaulnes, 30 VII 1675.
24 Arch. nat., B 2 31, fol. 265 et 272, lettres de Seignelay à Demuyn et à Châteaurenaud, 30 VII et 2 VIII 1675.
25 SHD, A 1 443, fol. 38, lettre de d’Albret à Louvois, 3 VIII 1675.
26 SHD, A 1 427, fol. 461 et 428 fol. 175 et 221, lettres de Louvois à Chaulnes, 25 VIII, 12 et 14 IX 1675. Dans une lettre de Chaulnes à un notable breton, le gouverneur dit que son armée aurait comptée 7 000 hommes (François-Xavier Séjourné, Histoire du véritable serviteur de Dieu Julien Maunoir, Paris-Poitiers, Oudin, 1895, t. II, p. 184).
27 Gérard Sabatier, « De la révolte de Roure (1670) aux Masques armés », dans Jean Nicolas (dir.), Mouvements populaires et conscience sociale, XVIe-XIXe siècle, Paris, Maloine, 1985, p. 141.
28 Lettres, op. cit., p. 779, lettre du 31 VII 1675.
29 Ibid., p. 785 et 807, lettres du 2 et 16 VIII 1675.
30 Ibid., p. 873, lettre du 9 X 1675.
31 SHD, A 1 443, fol. 36, lettre de Chaulnes à Louvois, 3 VIII 1675.
32 SHD, A 1 427, fol. 176, lettre de Louvois à Chaulnes, 12 VIII 1675.
33 BNF, MC 172, fol. 138, lettre de Bellefonds à Colbert, 19 VII 1675.
34 Hervé Le Goff, art. cit.
35 Les troupes commandées par Gassion, en 1639, avaient quitté les fronts picard et flamand à la mi-novembre.
36 Raoul de Vissac, Anthoine du Roure et la révolte de 1670, Paris, Lechevalier, 1895, p. 54 : 1 600 à 1 700 chevaux et 4 000 fantassins.
37 Philippe Toreilles, « La révolte des Angelets », Revue d’Histoire et d’Archéologie du Roussillon, t. II, 1901, p. 46-54.
38 Notons ainsi que, à l’annonce des troubles du sud-ouest de 1636, le pouvoir dépêche en plein été trois régiments, mais à peine arrivés en Saintonge, ils durent repartir vers le front, où l’urgence commandait qu’ils soient (Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants. Etude des soulèvements populaires au XVIIe siècle dans la France du sud-ouest Paris-Genève, Droz, 1974, p. 367, 396-397).
39 BNF, MC 172, fol. 138, lettre de Bellefonds à Colbert, 19 VII 1675.
40 Hostile à cette guerre, il est en disgrâce depuis 1674 (Georges Couton, La chair et l’âme. Louis XIV entre ses maîtresses et Bossuet, Grenoble, PUG, 1995, p. 108 ; voir aussi sur les déboires qu’a connu ce personnage : John A. Lynn, « L’évolution de l’armée du roi, 1659-1672 », HES, 2000, p. 486).
41 BNF, Clairambault 796, fol. 333, lettre de Lavardin à Colbert, 27 VII 1675. Ce constat est encore formulé vingt ans plus tard par l’intendant Béchameil de Nointel (La Bretagne de la fin du XVIIe siècle d’après le mémoire de Béchameil de Nointel, Jean Meyer, Jean Bérenger [éd.], Paris, Klincksieck, 1976, p. 155).
42 BNF, MC 172, fol. 114, lettre de Chaulnes à Colbert, 16 VII 1675.
43 Arch. nat., B 2 31, fol. 271, lettre de Seignelay à du Seuil, 2 VIII 1675.
44 BNF, MC 172, fol. 138, lettre de Bellefonds à Colbert, 19 VII 1675.
45 La Bretagne en 1665 d’après le rapport de Colbert de Croissy, Jean Kerhervé, François Roudaut, Jean Tanguy ed., Brest, CRBC, 1978, p. 141, 162, 174, 183, 201.
46 Lettres, op. cit., p. 770, 777, 785, lettres du 24, 26 VII et 6 VIII 1675.
47 Ibid., p. 801, lettre du 9 VIII 1675.
48 Jean Lemoine, CLXIII.
49 André Corvisier, Louvois, Paris, Fayard, 1983, p. 197.
50 Stany Perez, ed., Journal de santé de Louis XIV, Grenoble, Jérôme Million, 2004, p. 188. Georges Couton arrive à peu près aux mêmes conclusions sur un « passage à vide » du monarque (op. cit., p. 108).
51 Boris Porchnev, Les soulèvements populaires en France au XVIIe siècle, Paris, Flammarion, 1972, p. 104.
52 Jean Lemoine, CLXIII.
53 SHD, A 1 426 bis, fol. 63, lettre de Louvois à Chaulnes, le 7 VII 1675.
54 BNF, MC 172, fol. 189, lettre de Chaulnes à Colbert, 27 VII 1675.
55 BNF, MC 172, fol. 80, lettre de Chaulnes à Colbert, 13 VII 1675.
56 BNF, MC 172, fol. 108, lettre de Chaulnes à Colbert, 15 VII 1675.
57 Ch.-M. Chotzen, « Le gouvernement hollandais et la révolte du papier timbré », AB, 1942, 49, p. 102-132.
58 Ibid., p. 125. Basnage parle d’un projet visant à « porter la terreur sur les côtes de France », conforme, donc, au programme de l’année précédente.
59 SHD, A 1 442, fol. 138, lettre à d’Estrades, 20 VII 1675.
60 SHD, A 1 442, fol. 223, lettre à d’Estrades, 29 VII 1675. Des sources écossaises signalées par Hervé Le Goff montrent qu’entre la fin de juillet et le début d’août, l’Europe a bien pu penser que la situation était effectivement critique en Bretagne, avec 25 000 hommes mobilisés.
61 Cité par Yvon Garlan et Claude Nières, op. cit., p. 194.
62 Jean Bérenger, « La révolte des bonnets rouges et l’opinion internationale », ABPO, t. 82-4, 1975, p. 443-458.
63 Supra, chapitre V.
64 Jo. Le Nigen, « Alain Maillard : un meneur des Bonnets rouges ? », BSAF, t. cxli, 2013, p. 415-432 ; supra, chapitre VII.
65 Cité par Charles-Edouard Levillain, Vaincre Louis XIV. Angleterre-Hollande-France. Histoire d’une relation triangulaire, 1665-1688, Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 250.
66 Jean Bérenger, art. cit., p. 453.
67 Pourquoi là, si près de Port-Louis ? Faut-il penser que ce serait une suite de l’affaire de Groix et de Port-Louis de l’année précédente ? (supra chapitre I et Henri-François Buffet, Vie et société au Port-Louis des origines à Napoléon III, Rennes, Bahon-Rault, 1972, p. 105-106).
68 Ch.-M. Chotzen, art. cit., p. 118.
69 Ibid.
70 Charles-Edouard Levillain, op. cit., p. 250.
71 Cette dernière hypothèse est rapportée par Giustiniani (Jean Bérenger, art. cit., p. 453).
72 BNF, MC 172, fol. 516, lettre de Lavardin à Colbert, 31 VIII 1675.
73 La vie et les actions mémorables du sieur Michel de Ruyter, Amsterdam, 1677, p. 250.
74 Arch. nat., B 2 31, fol. 300, lettre de Seignelay à Saint-Aignan, 31 VIII 1675.
75 BNF, MC 172 bis, fol. 239, lettre de Chaulnes à Colbert, 6 VIII 1675.
76 Jean Lemoine, « La révolte du papier timbré ou des bonnets rouges en Bretagne en 1675 », AB, 1897, t. 12, p. 556.
77 Arch. mun, Rennes, BB 561, reg. délib., 22 et 29 VIII 1675.
78 Lettres, op. cit., p. 806, lettres du 16 VIII 1675.
79 Jean Lemoine, CLXIII. Il semble qu’elle avait annoncé qu’elle n’irait qu’une semaine pour tout préparer, puis qu’elle devait retourner dans sa capitale (Jean Lemoine, art. cit., p. 557). Etait-ce une ruse pour s’échapper ? La duchesse ne revint à Rennes qu’en octobre, dans les fourgons de l’armée du roi.
80 Lettres, op. cit., p. 819.
81 BNF, Clairambault 796, fol. 329, lettre de d’Argouges à Colbert, 27 VII 1675.
82 Jehan Bazin, « La révolte du papier timbré à Landerneau », BSAF, t. 93, 1967, p. 46-47.
83 SHD, A 1 427, fol. 176, lettre de Louvois à Chaulnes, 12 VIII 1675.
84 Ie le pain de munition.
85 Hervé Le Goff, « À travers les liasses d’archives. La correspondance privée du fonds des familles », Trégor, mémoire vivante, 1995, no 8, p. 87-96.
86 Voir par exemple le témoignage récent de Marie du Bois : « L’armée [du roi] nous donna beaucoup à craindre à cause que les gens de guerre vivaient dans des libertés étranges, puisqu’ils violaient, volaient, tuaient, brûlaient communément » (François Lebrun, Moi, Marie du Bois, gentilhomme vendômois valet de chambre de Louis XIV, Rennes, Apogée, 1994, p. 93).
87 Comme le montrera bientôt le mécanisme des conversions au catholicisme au moment des prochaines dragonnades : la peur du soldat a plus d’effet que le soldat lui-même (Yves Krumenacker, « Les dragonnades du Poitou : leur écho dans les mémoires », BSHPF, 1985, p. 405-422).
88 « En raison desquels [tumultes] j’eus à faire moult pérégrinations ; j’aurais beaucoup à dire sur chacune des nombreuses que je fais » » (Arch. dép. Côtes d’Armor, reg. BMS Plestin, 1675 ; trad. fr. Augustin Pic, op.) : sans doute faut-il entendre « pérégrinations », nous dit Georges Provost (comm. privée, oct. 2011) au sens de « démarches visant à l’apaisement ».
89 Anne Bonzon, « Le curé, médiateur social », Revue d’histoire de l’Église de France, 2011, t. 97, p. 35-56 ; sur le rôle plus particulier du clergé dans les révoltes : Gauthier Aubert, « Parlement et maintien de l’ordre : Rennes, 1662-1675 », dans Gauthier Aubert, Olivier Chaline (dir.), Les parlement de Louis XIV. Opposition, coopération, autonomisation ?, Rennes, PUR, 2010, p. 227-239.
90 Placide Le Duc, Histoire de l’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, Quimperlé, Clairet, 1881, p. 539-540.
91 BNF, MC 172, fol. 167, lettre de du Guémadeuc à Colbert, 23 VII 1675.
92 Jean Lemoine, CLIX.
93 « Déclaration du sénéchal de Lanmeur faisant mention de troubles survenus dans cette localité », BSAF, 1930, t. 57, p. xxx.
94 Jean Lemoine, CLXIII.
95 Julien Trévédy, Histoire de Concarneau, Paris, Res universis, 1990, p. 170.
96 Hervé Le Goff, « À travers les liasses d’archives », art. cit. (1995).
97 Jean Lemoine, CXLIII.
98 Infra, chapitre X.
99 Jean Lemoine, CXLVII.
100 François Jegou, Histoire de la fondation de Lorient, Lorient, 1870, p. 232.
101 Lettre de Chaulnes à Boiséon, 21 VIII 1675 (publié par François-Marie Luzel « Documents inédits relatifs à la révolte du papier timbré dans le Finistère en l’année 1675 », CTHS, 1892, p. 96).
102 Sur Jean Harscouet, voir les documents publiés par Jean Lemoine, CLVIII et CLX. Il semble cependant n’être parti de Rennes « avec la chesne » que le 31 juillet 1676. Il arrive à Marseille le 8 septembre suivant. Bien que condamné aux galères à vie, il est libéré en 1694 pour servir dans l’armée (SHD Toulon, 1 O 97, no 2813, d’après document très aimablement communiqué par Jo. Le Nigen).
103 Arch. aff. etr., mémoires et documents, 1511, fol. 225.
104 Lettres, op. cit., p. 807, lettre du 16 VIII 1675.
105 Cf. exergue. Autre exemple plus ancien de ce type d’amnistie conditionnée : le cas de Moulins en 1640, où Condé explique que l’amnistie serait obtenue moyennant la restitution des biens volés, l’arrestation des principaux séditieux et l’assurance d’une parfaite soumission au roi (Boris Porchnev, Les soulèvements, op. cit., p. 227).
106 Arch. aff. etr., mémoires et documents, vol. 940, fol. 282 sq.
107 Emmanuel Penicault, Faveur et pouvoir au tournant du Grand Siècle. Michel Chamillart, ministre et secrétaire d’État de la guerre sous Louis XIV, Paris, École des chartes, 2004, p. 49-50.
108 Lettres, op. cit., p. 805.
109 Jean Lemoine, « La révolte du papier timbré ou des bonnets rouges en Bretagne en 1675 », art. cit., t. 13, p. 188 ; Séverin Canal, « Essai sur Auguste-Robert de Pomereu, intendant d’armée en Bretagne (1675-1676) », AB, 1909, p. 499.
110 Arch. nat., E* 1781, fol. 388, 445, 453.
111 Dans Les Bonnets rouges, Paris, UGE, 1975, p. 195-198.
112 BNF, Clairambault 796, fol. 329, lettre de d’Argouges à Colbert, 27 VII 1675.
113 Hervé Le Goff, « À travers », art. cit. (1995).
114 Des gens de la trêve en question, le Saint, ont peut-être participé au pillage de Kergoët, mais ce n’est pas certain (D. Tempier, « La révolte du papier timbré en Bretagne. Nouveaux documents », Mémoires de la société archéologique des Côtes-du-Nord, 1885-1886, p. 135). Deux habitants sont désignés parmi les suspects du pillage de Carhaix.
115 La « grand messe » dans une chapelle, nous dit Georges Provost, indique que c’est à nouveau lors d’un pardon qu’une partie de l’affaire s’est jouée.
116 Abbé Peyron, « Pièces relatives à la révolte du papier timbré », BSAF, 1894, t. 21, p. lxii.
117 Daniel Bernard, « La révolte du papier timbré en pays bigouden », MSHAB, 1962, t. 42, p. 59-67.
118 Jehan Bazin, art. cit., p. 47.
119 Yvon Garlan et Claude Nières, op. cit., p. 160-161.
120 Lettre de Chaulnes à Boiséon, 21 VIII 1675 (publiée par François-Marie Luzel, « Documents inédits », art. cit., p. 96).
121 Étaient-ce les paroisses qui étaient restées mobilisées en vertu de l’accord de Tréminou du 2 juillet ?
122 Arch. dép. Finistère, 318 G 16.
123 Infra, chapitre X, figure 9.
124 Parmi les quatre reservés de Saint-Evarzec dont le nom apparaît dans l’amnistie publiée en 1676, figurent ceux de deux sonneurs de cloches, qui ont dès lors peut-être pris le visage de traîtres appelant à la révolte en sonnant le tocsin contre l’avis de la sanior pars et de la majorité des habitants… du moins officiellement ?
125 Jehan Bazin, art. cit., p. 47-48.
126 Jean Lemoine, CLXIII.
127 Phénomène comparable dans le Vivarais en 1670 après la révolte de Roure : « … les habitants même témoignent le repentir et contribuent à nous livrer les coupables » écrit l’intendant (cité par Gérard Sabatier, art. cit., p. 142).
128 SHD, A 1 444, fol. 163, lettre de Chaulnes à Louvois, 30 VIII 1675.
129 Sigismond Ropartz, « En passant par Landerneau », Revue de Bretagne et de Vendée, 1866, t. XIX, p. 256 ; BNF, MC 172, fol. 426, lettre de Chaulnes à Seignelay, 2 IX 1675.
130 Mémoire des campagnes de M. le comte Quarré d’Aligny, sous le règne de Louis XIV jusqu’à la paix de Riswich, Paul Foisset (éd.), Beaune, 1886, p. 84.
131 Mais d’après une source landernéenne, il y serait déjà le 14 (Jehan Bazin, art. cit., p. 48).
132 Jean Lemoine, art. cit., p. 189.
133 Jean Lemoine, CXLV.
134 Des soldats sont signalés à Callac le 24 septembre (Arch. dép. Finistère, 2 B 656).
135 SHD, A 1 428, fol. 175, lettre de Louvois à Chaulnes, 12 IX 1675.
136 Contrairement à ce que pensait La Borderie.
137 Jean Lemoine, CXLI.
138 Est-ce cette armée paysanne que les troupes royales ont cherché en vain à affronter, d’après les mémoires d’un officier présent, Quarré d’Aligny ? (Mémoire des campagnes de M. le comte Quarré d’Aligny, op. cit., p. 84).
139 Jean Lemoine, CXLI.
140 Arch. dép. Finistère, 27 G 31 (document communiqué par Georges Provost). Brasparts se situe au nord de Châteaulin.
141 Arch. dép. Finistère, 168 G 10 et 12 (document également communiqué par Georges Provost).
142 Jehan Bazin, art. cit., p. 49.
143 D’après la sœur du sieur de Kernabat, cité par Hervé le Goff, Les riches heures de Guingamp des origines à nos jours, Guingamp, Editions de la Plomèe, 2004, p. 259.
144 Ibid.
145 Ibid., p. 258.
146 Arch. aff. étrang., mémoires et documents, vol. 940, fol. 352 : maisons de Kernou et de Keruroset (Léon), de Tolezo ( ?) au baron de Liscoet en Cornouaille.
147 Jean Lemoine, CLI.
148 Jean Lemoine, CLII.
149 François Jegou, op. cit., p. 231 sq. Cas aussi de Lanvénégen, trève de Guiscriff d’après Jo. Le Nigen, art. cit.
150 Yvon Garlan et Claude Nières, op. cit., p. 162.
151 Arch. dép. Finistère, 318 G 16.
152 Hervé Le Goff, op. cit., p. 259.
153 Lettres, op. cit., p. 779 et 782, lettres du 31 VII 1675.
154 Ibid., p. 892, lettre du 27 X 1675.
155 Gauthier Aubert, Marie-Laure Flahaut, « Rennes de la révolte du Papier timbré à la veille de la Révolution à travers deux chroniques inédites », BMSAHIV, 2009, t. CXIII, p. 93-185, p. 137.
156 Le premier sac du Palatinat date en effet de l’été 1674, œuvre des troupes commandées par Turenne.
157 SHD, A 1 428, fol. 444, lettre de Louvois à Jonville, 25 IX 1675.
158 Arch. dép. Côtes d’Armor, BMS Plouaret, 24 IX 1675 [en ligne].
159 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 1 F 1637.
160 Lettres, op cit., p. 860.
161 Cité par Hervé Le Goff, « Au travers », art. cit. (1996).
162 RP. Boschet, Le parfait missionnaire, ou vie du RP. Julien Maunoir, Lyon, 1834, p. 337-340.
163 Cité par Arthur de la Borderie, dans op. cit., p. 120.
164 La phrase est souvent attribuée à Maunoir lui-même, ce que la source ne permet pourtant pas d’affirmer.
165 François-Xavier Séjourné, op. cit., p. 187.
166 Je reprends ici les remarques formulées par Georges Provost dans de nombreux échanges sur le sujet, en particulier lors d’une visite in situ en septembre 2011.
167 Boris Porchnev note par exemple qu’en 1635 à Bordeaux, des processions sont organisées pour « calmer la fureur de la foule » (Les soulèvements, op. cit., p. 188).
168 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 1 Bb 572, reg. sec., 23 IX 1675.
169 Madeleine Foisil, La révolte des Nu-Pieds et les révoltes normandes de 1639, Paris, PUF, 1970, p. 305.
170 Cité par Jean Lemoine, art. cit., p. 189. L’armée arrivant par le sud, certains ont en effet pu tenter leur chance en fuyant du côté des îles anglo-normandes.
171 BNF, MC 172 bis, fol. 426, lettre de Chaulnes à Seignelay, 2 IX 1675 ; Arch. nat., B 2 31, fol. 314, lettre de Seignelay à Chaulnes, 11 IX 1675.
172 La Bretagne en 1665, op. cit., p. 212.
173 Combrit, Lanvern, Plonéour et Tréguennec (Daniel Bernard, art. cit., p. 60).
174 Le principal élément de datation vient de la demande de Combrit de rebâtir son clocher, en 1775, qui donne lieu à une enquête qui conclut qu’en 1675, « en punition de ce mauvais traitement, le roi ordonna la demolition de leurs clochers » (Arch. dép. Ille-et-Vilaine, C 1214).
175 Le fait que le clocher de Briec soit reconstruit dans les années 1690 laisse éventuellement ouverte l’hypothèse qu’il ait été détruit en 1675, mais aucun document, y compris ceux relatifs à la recontruction, n’indique une destruction punitive (Arch. dép. Finistère, 34 G 12).
176 Jean Lemoine, CXLI.
177 Serge Duigou, La révolte des Bonnets rouges en pays bigouden, Quimper, Editions du Ressac, 1989, p. 15 ; Yvon Garlan et Claude Nières, op. cit., p. 162.
178 Mais l’enquête serait à faire pour pister l’information.
179 Serge Duigou, Annaick Fleitour, Pont-l’Abbé, Plomelin, Editions Palantines, 2009, p. 14. Le registre paroissial de Combrit, mal tenu pour les derniers mois de 1675 (signe d’une désorganisation liée à la présence des troupes ?), laisse ouverte l’hypothèse que l’indication des inhumations de Christophe Le Calvez, 40 ans et de Catherine Pochet ( ?), 37 ans, puissent être liés à la repression, mais sans certitude aucune (Arch. dép. Finistère, BMS, Combrit).
180 Ce dernier note en effet que Chaulnes arrive à Rennes en octobre « apres avoir fait le long de sa route punir ceux qui avoient fait les temeraires » (Floriane Machart, Un certain regard sur Rennes au XVIIe siècle : vie de la cité et révolte urbaine, mémoire de Master 2, université Rennes 2, 2011, p. 39).
181 Cité par Hervé Le Goff, op. cit., p. 258.
182 D’après Quarré d’Aligny, ce dernier serait cependant arrivé plus tard en Bretagne, ayant rejoint Chaulnes seulement à Rennes (Mémoires, op. cit., p. 84).
183 Jean Lemoine, CLX.
184 Jean Lemoine, CLVII.
185 Joseph Lohou, « Claude Budes, sieur recteur et ses paroissiens », Pays d’Argoat, 1999, no 31 [en ligne] ; Arch. dép. Côtes d’Armor, 20 G 66.
186 Arch. dép. Côtes d’Armor, G Duault, registre paroissial, 29 IV 1676.
187 Mentionné comme reservé de l’amnistie en février 1676, il est dit décédé dans un document du mois d’octobre suivant (Arch. dép. Finistère, 2 B 731).
188 Jean Lemoine, CLX.
189 Jean Lemoine, CLX.
190 Jehan Bazin, art. cit., p. 50.
191 Arch. nat., B 6/8 (d’après notes fournies par J. Le Nigen). Parmi les sept évadés de Carhaix, se trouve François Pasquiou, mis en prison à Carhaix le 8 octobre et qui pourrait bien avoir été un rebelle puisqu’il a été interrogé par le grand prévôt (Arch. dép. Finistère, 2 B 656).
192 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 2620.
193 Arch. dép. Loire-Atlantique, B 2622. À la différence de la liste de 1675, celle de 1676 ne comprend pas une catégorie à part pour les révoltés.
194 Deux solutions les concernant : soit ce sont des individus qui auraient été libérés si l’amnistie, enregistrée par le parlement en mars, était arrivée plus tôt ; soit ce sont des gens étrangers à toute cette affaire.
195 Infra, chapitre XI.
196 Jean Lemoine, CLV.
197 Jo. Le Nigen, art. cit.
198 En effet, sur les 66 détenus à la conciergerie de la cour en 1675, pour autre chose que les révoltes, 18 ont été condamnés aux galères.
199 Jean Lemoine, CLX.
200 Yves Le Gallo, « Le paysan bas breton et le mythe au XVIIe siècle », ABPO, 1975, p. 483-484.
201 SHD Toulon, 1 O 97 et 98, registres de matricules.
202 Le greffier provençal a noté ce qu’il a entendu…
203 Consulté sur ce point, M. Temple (SHD de Toulon) relève par ailleurs que neuf galériens d’origine bretonne arrivent à Marseille avec la chaîne de Paris en 1676 et 1677. Aucun des noms relevés ne semble renvoyer à des cas connus pour rébellion. Que M. Temple soit vivement remercié pour ces informations.
204 SHD Toulon, 1 O 98, no 3178 (d’après document très aimablement communiqué par Jo. Le Nigen).
205 Supra, chapitre VII. C’est la conclusion à laquelle arrive Jo. Le Nigen au sujet de Maillard (art. cit.).
206 Pierre-Yves Nicot, La délinquance et la criminalité dans la juridiction de Carhaix de 1660 à 1690, mémoire de maîtrise, Jean Tanguy (dir.), UBO, 1994, p. 109-110.
207 Ibid., p. 112. Le tableau récapitulatif signale également six pendus en 1678 : peut-il y avoir là quelques anciens rebelles ?
208 Aurélien Lignereux, « 1800-1859. Comment naissent les rebellions », Revue d’histoire du XIXe siècle, no 35, 2007, p. 71-90.
209 Sigismond Ropartz, « En passant par Landerneau », Revue de Bretagne et de Vendée, 1866, t. XIX, p. 256 ; Louis Le Guennec, Notice sur la paroisse de Plougonven, Morlaix, 1922, p. 101.
210 Jean Lemoine, CLX.
211 Infra, chapitre XI.
212 Mais nous n’avons pas toute la documentation : ainsi, par exemple, nous savons que Chaulnes a écrit à trois reprises début octobre à Louvois des courriers que personne n’a retrouvés à ce jour (SHD, A 1 429, fol. 302, lettre de Louvois à Chaulnes, 18 X 1675).
213 L’argument, avouons-le, contient une faiblesse de taille : les spectaculaires punitions rennaises quelques semaines plus tard ne donneront pas davantage lieu à des échanges de lettres de la part des autorités, en tout cas connues de nous.
214 Pierre Héliot, « La guerre dite des Lustucrus », Revue du Nord, 1935, p. 298.
215 Cf. tableau 15 ci-dessous.
216 André Zysberg, Les galériens. Vies et destins de 60 000 forçats sur les galères de France, Paris, Le Seuil, 1987, p. 71.
217 Mémoires, op. cit., p. 84-85.
218 À quoi fait écho le fait que l’armée n’impressionne pas tous les habitants de la même manière ? Le 17 septembre, un meunier des environs de Carhaix, dira avoir été attaqué et incendié par une bande armée de fusils, ayant à sa tête un prêtre (Arch. dép. Finistère, 2 B 656). Est-ce là l’ultime éclat des derniers « Bonnets rouges » ?
219 Philippe Toreilles, art. cit.
220 Sur l’ensemble de la période 1664-1667, l’étude de Michel Ferron permet de comptabiliser 20 exécutions effectives et trente par contumace (« Un cadet de Gascogne : Bernard Daudeyos », Bulletin de la Société de Borda, no 302, 1961, p. 129-158) ; Yves-Marie Bercé parle lui d’une grosse trentaine de morts de 1664 à 1667 (Histoire des Croquants, op. cit., p. 596).
221 Jean Lemoine, CLX. Notons, pour complexifier un peu le dossier, que son nom n’apparaît pas dans la liste des exclus de l’amnistie de février 1676 ; mais il faisait peut-être partie des assaillants de Kergoët, collectivement non concernés par la dite amnistie puisqu’il était détenu à Carhaix, bien qu’il soit originaire du Trégor.
222 Jo. Le Nigen, art. cit.
223 Infra, chapitre XI.
224 Infra, chapitre X.
225 Jean Lemoine, CLXI.
226 Jean Lemoine, CXLI. Autre exemple de cadavre de séditieux supplicié, celui de Pilate, lieutenant d’Audijos, en 1665 (José Cubéro, Une révolte antifiscale au XVIIe siècle, Paris, Imago, 2001, p. 148-149).
227 Jean Lemoine, CXLIV.
228 Tentant de faire flèche de tout bois lors de la longue procédure qui suivit la mort de son époux, la marquise de Montgaillard affirma aussi que Beaumont envisageait d’épouser l’héritière de Trévigny (Jean Lemoine, CLIII).
229 Jean Lemoine, CXLII et CXLV.
230 D. Tempier, art. cit., p. 133-134.
231 Emile Ducrest de Villeneuve, « Révolte des paysans en Cornouaille, assassinat du marquis de Montgaillard », Association bretonne, 1896, p. 277.
232 Cité par Hervé Le Goff, op. cit., p. 259.
233 Placide Le Duc, op. cit., p. 539.
234 Hervé Drevillon, Batailles. Scènes de guerre de la Table ronde aux Tranchées, Paris, Seuil, 2007, p. 149 sq.
235 Témoignage de la sœur de monsieur de Kernabat, cité par Hervé Le Goff, op. cit., p. 258.
236 D’après la Gazette de France du 7 septembre (Jean Lemoine, CLXIII). À ma connaissance, le texte original de cette requête n’a pas été retrouvé.
237 Témoignage de la sœur de monsieur de Kernabat, cité par Hervé le Goff, op. cit., p. 258.
238 Arch. dép. Ille-et-Vilaine, 1 Bb 575, reg. sec., 26 IX 1675.
239 Hervé Le Goff, « Au travers » art. cit. (1996).
240 Jean Lemoine, CLXII.
241 Un siècle plus tard, Jean-Baptiste Ogée y recensera 1 700 communiants (Dictionnaire historique et géographique de Bretagne, Rennes, 1855, t. II, p. 33).
242 Jehan Bazin, art. cit., p. 48.
243 Cité par monsieur de Kernabat, cité par Hervé le Goff, op. cit., p. 258.
244 Arch. dép. côtes d’Armor, Trébry, reg. BMS [en ligne].
245 Cité par Yvon Garlan et Claude Nières, op. cit., p. 158-159.
246 Il est possible que ce secteur corresponde à la paroisse « soulevée contre son seigneur et son curé », que Chaulnes a traversée vers le 10 juillet avant d’arriver à Hennebont (BNF, MC 172, fol. 80, lettre de Chaulnes à Colbert, 13 VII 1675). On se souvient aussi que des troubles ont été signalés non loin de là en juin, à Questembert.
247 On notera en passant le « des plus », qui laisse entendre là aussi que les punitions concernent peu de monde.
248 Jean Lemoine, CLXIII.
249 Le Cheval d’orgueil, Paris, Plon, 1975, p. 428.
250 Dans une lettre souvent citée de Marie de Sévigné, il est vrai que l’on lit ces mots terribles : « Vous savez les misères de cette province : il y a dix ou douze mille hommes de guerre qui vivent comme s’ils étoient encore au-delà du Rhin » (Lettres, op. cit., p. 944). Cette lettre date du mois de décembre et s’inscrit dans un contexte différent de celui de la marche de Chaulnes en Basse-Bretagne en septembre (cf. infra, chapitre XI).
251 Gérard Sabatier, art. cit. ; Raoul de Vissac (op. cit., p. 59) donne des chiffres beaucoup élevés.
252 Le terrifiant Foullé, dans le Limousin des « années cardinales » n’avait pas été aussi loin, se contentant de faire descendre les cloches (René Fage, « Un terroriste au XVIIe siècle : intendant Etienne Foullé », Bulletin de la Société archéologique et historique du Limousin, 1906, t. 56, p. 14).
253 L. Gout, J. Roux, J. Volane, Histoire de l’Ardèche, E. Tourrette, Aubenas, 1908, p. 81. L’idée aurait été envisagée, mais non exécutée, à Bordeaux, après la révolte de 1635 (Yves-Marie Bercé, Histoire des Croquants, op. cit., p. 316). Elle est reprise en 1675 : infra, chapitre XII.
254 Evidemment, au vu de ce qu’il fera bientôt dans le Poitou avec les protestants, on est enclin à penser que Marillac était capable de brutalité. Mais la question se pose aussi de savoir à quel moment il a rejoint Chaulnes.
255 Gn, 18, 20-32.
256 La question d’une éventuelle pitié conduit à se demander jusqu’où Chaulnes était sincère quand il évoquait les paysans bas-bretons comme victimes de la dureté de leur seigneur, son insistance à les acabler pouvant servir aussi à masquer l’échec de sa politique (infra, chapitre VII).
257 Boris Porchnev, Les soulèvements, op. cit., p. 105 ; sur la peur que l‘intervention des troupes puisse être un remède pire que le mal, voir également les remarques de l’intendant en Dauphiné en 1645 (ibid., p. 132).
258 Quand les enquêteurs arrivent à au village de Kernevez en Duault en septembre 1675, une vieille femme leur déclare « sous serment que son mari et tous les habitants du village étaient absents » (Joseph Lohou, art. cit.).
259 Comme le montre la procédure mise en place pour retrouver les séditieux de Duault : ce sont des officiers de justice locaux qui sont chargés de mener les enquêtes judiciaires, et ils sont forcément bilingues (ibid.).
260 Infra, chapitre XI.
261 Yves-Marie Bercé, Histoire des Croquants, op. cit. p. 444.
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