1 Sur la polémique en général, voir par exemple, Catherine Kerbrat-Orecchioni et al., Le Discours polémique, Lyon, Centre de recherches linguistiques et sémiologiques de Lyon, 1980 ; Didier Francfort et al., Culture de la provocation, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2007.
2 C’est même au réfutateur (Origène) que nous devons d’avoir conservé le texte de Celse, autrement perdu. Il en fait de très longues citations afin de mieux situer ses propres arguments et d’améliorer leur impact.
3 Même cela n’est pas une nouveauté radicale : confère les Mazarinades. Mais la mutation quantitative est réelle.
4 Sur la jeunesse de Ménard, nous disposons de ses propres souvenirs dans Traîtres et pillards (voir les références ci-après), chap. III et d’un rapport du commissaire central de Rennes (18 avril 1898), destiné à l’information du préfet alors que Ménard était candidat aux législatives (ADIV, 3 M 326). Rapport très complaisant, on va y revenir, mais acceptable pour l’essentiel si on le confronte à d’autres sources.
5 Auberge attestée dès 1690. Elle devint célèbre au temps du second procès Dreyfus (1899), pour avoir été le quartier général des partisans du capitaine. Elle est devenue depuis le restaurant Lecoq-Gadby, toujours un haut lieu de la sociabilité rennaise en 2007.
6 Il était le dernier d’une fratrie de six enfants. Trois filles moururent assez jeunes. En 1898, les trois fils vivaient toujours, l’aîné, Louis, était greffier à la Cour de cassation, le second, Eugène, était impliqué dans le milieu politique rennais (il avait été un boulangiste ardent et ami de Le Hérissé), Jules était le benjamin.
7 ADIV, 4 E 7981, étude de Me Daniel, notaire à Bruz (Ille-et-Vilaine), contrat du 30 mars 1882.
8 Idem.
9 ADIV, 3 M 326.
10 Ce qui lui permit d’éditer son abondante littérature, toujours à compte d’auteur et dont on imagine qu’elle ne lui rapporta guère.
11 ADIV, 3 U 4 1213 (janvier 1894). Il semble toutefois que des difficultés sexuelles aient joué un rôle considérable. Plusieurs témoins attestent qu’Eugénie redoutait les maternités. C’est en tout cas le prétexte qu’elle donnait, semble-t-il, à son peu d’enthousiasme à partager la couche conjugale.
12 ADIV, 1 U 5 351 (Première chambre civile). Sans vouloir donner raison à Ménard, il est vrai que l’arrêt est extraordinairement hypocrite. Il dit que : 1° Eugénie est atteinte de la syphilis mais que pour l’instant la maladie semble avoir disparu ; 2° Elle est de « parfaite honorabilité » et de « conduite irréprochable », donc « la maladie dont elle a été atteinte ne peut être attribuée à des écarts d’existence » ; 3° Mais l’épouse – pas plus que la cour – se garde bien d’accuser Ménard, qui peut prouver qu’il n’est pas porteur de la maladie. On ne saura donc pas qui a transmis celle-ci à Eugénie. Peut-être le Saint-Esprit.
13 Ce qui est confirmé au moins de deux façons : par sa description quasiment extasiée des manifestations d’étudiants rennais contre Andrade et les autres professeurs dreyfusards au début de 1898 : « Les étudiants ont respecté la propriété et la Société. Andrade et Zola seuls ont été conspués, parfois les Juifs mais rarement [sic] » (ADIV., 4 M 50, rapport du 17 janvier 1898) ; par le rôle assez ignoble qu’il joue dans la machination qui va mettre fin à la carrière de l’officier juif Roubach, accusé de proxénétisme, à peu près en même temps. Roubach était sinon encore tout à fait le fiancé officiel, du moins le « flirt » accepté par les parents de Blanche, la fille préférée de Vadot. Voir Journal d’Edmond Vadot, Bibliothèque municipale de Rennes [en dépôt aux Archives municipales de Rennes], Manuscrit 1069, cahier n° 3, juin 1898, p. 13.
14 Ibidem.
15 Traîtres et pillards, p. 107.
16 Entendons-nous. Ménard fut jugé pour coups et blessures en correctionnelle (jugement en ADIV, 3 U 4 6 673). Si la justice avait estimé que la mort de Roulleau, qui survint peu après, était la conséquence des coups, cela aurait valu à l’ancien négociant la cour d’assises pour coups et blessures suivis de mort sans intention de la donner, crime prévu par l’article 309 du code pénal depuis la loi du 28 avril 1832. Il n’en fut rien. Difficulté d’établir un lien de cause à effet ? Ou plutôt, nous pencherions nettement pour cette solution, crainte de la justice que le jury n’acquitte triomphalement Ménard, hypothèse probable ? Le tribunal lui-même reconnaissait que Roulleau, un vieil ami, avait trahi Ménard dans son conflit avec sa femme. Mais pour Vadot et les « honnêtes gens », aucun doute : Ménard était bien le responsable de la mort de l’avoué.
17 Maire de Rennes à cette date. Journal de Vadot, op. cit., cahier n° 3, 4 avril 1898, p. 8.
18 Voir note 4.
19 On se méfiera toutefois un peu : on ne prête qu’aux riches et le secrétaire général peut être fort injuste envers les gens qu’il n’aime pas (et il y en a !). Cependant, la possession par Maulion d’une telle lettre expliquerait bien la haine pathologique que Ménard conçut contre le premier président.
20 Journal de Vadot, op. cit., cahier n° 3, p. 7, 4 avril 1898.
21 Journal de Vadot, op. cit., cahier n° 3, p. 10, 9 avril 1898.
22 Voir le terrible roman de Lucien Descaves, Sous-offs (1889), une des meilleures peintures de la vie de garnison à cette époque.
23 Sans jeu de mots…
24 Toute l’affaire est dans son dossier personnel, Archives Municipales de Rennes, K 99.
25 Dans une ville moyenne dépourvue de vraie base industrielle, l’armée était une source essentielle d’emplois, d’activités, de profits et les finances municipales, par le biais de l’octroi, en tiraient des revenus importants et indispensables. Voir notre article, « La garnison de Rennes au xixe siècle (1815 - 1880) : une charge ou une chance ? »,
Philippe Bragard, Jean-François Chanet, Catherine Denys & Philippe Guignet, L’armée et la ville dans l’Europe du Nord et du Nord-Ouest. Du xve siècle à nos jours, Louvain-la-Neuve, Bruylant- Académia, 2006, p 1 29-148.
26 Journal de Vadot, op. cit., cahier n° 2, p. 63-64, 20 octobre 1897.
27 Daudet aussi, dira-t-on, mais avec bien plus de variété dans la forme.
28 Voir notre article, « L’image des juifs dans l’œuvre comique de Jean Drault », in ANTISÉmythes, L’image des juifs entre culture et politique, Marie-Anne Matard-Bonucci (dir.), Préface de Pierre Birnbaum, Nouveau Monde Éditions, 2005, p. 373-394. [La graphie du titre est exacte].
29 Mis à part le souci « écologiste » assez propre à Ménard, on va y revenir.
30 Voir Zeev Sternhell, La Droite révolutionnaire, 1885-1914. Les origines françaises du fascisme, Paris, Seuil, 1978, p. 192-196.
31 Voir leurs notices dans Jean Maitron (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. Troisième partie, 1871-1914 : de la Commune à la Grande Guerre, Paris, Les Éditions ouvrières, 1973.
32 Lettre publiée par Ménard dans Le Coq hardi du 7 mai 1898. Il date d’ailleurs la lettre de janvier 1897, époque où le journal était en pleine activité. Les références exactes ne sont pas obsessionnelles chez Ménard…
33 Inamovible député de Rennes, très républicain, très nationaliste et plutôt antisémite (encore qu’il ne s’agisse pas chez lui d’une monomanie).
34 En tout cas chez les leaders. Chez les militants et encore plus les électeurs, c’est beaucoup moins net et moins sûr.
35 Analyse politique exacte, d’ailleurs…
36 Voir Marc Crapez, La Gauche réactionnaire, Mythes de la plèbe et de la race, Paris, Berg International, 1997.
37 Auguste.
38 Sur Leroux, voir notre article, « Un préfet de la Troisième république contre le populisme boulangiste : Marie-Gabriel Leroux, préfet d’Ille-et-Vilaine (1889-1897) », Éric Pelisson (dir), La loi de pluviôse an viii, deux cents ans après : le préfet et les libertés (xixe-xxe siècles), Limoges, PULIM, 2001, p. 207-234.
39 Ibidem, p. 170-175.
40 Ménard prétend qu’on aurait tenté de le déclarer fou et de l’enfermer. Leroux et Maulion étaient d’accord ; c’est l’honnêteté du procureur général qui l’aurait sauvé.
41 Un crime politique…, op. cit., p. 14-15.
42 Ibidem, p. 20.
43 Catherine Kerbrat-Orecchioni, « La polémique et ses définitions », Centre de recherches linguistiques et sémiologiques de Lyon, Le discours polémique, Lyon, PUL, s.d. (1981), p. 24.
44 D’autres « Ménard » existent-ils ? On ne demande qu’à les connaître. Mais, par exemple, Jean El Gammal, « Polémistes et provocateurs de l’affaire Dreyfus à 1914 » Culture…, op. cit., p. 13 -24 ; ne cite que des noms connus, connus des spécialistes sans doute mais connus (Taxil, Tailhade, Gohier, Gustave Hervé…). Ne sera pas « Ménard » qui veut : une persévérance assez prolongée et continue dans l’invective, une activité éditoriale réelle sont indispensables pour prétendre à ce rang…
45 Hors mouvements fascistes ou analogues : ni blancs, ni rouges, disaient les Croix-de-Feu, « Bleusblancs-rouges ! » (L’identification de la droite à la couleur « bleue » étant vraiment très récente et méritant une petite archéologie sémantique – à faire).