L’Humanité et les manifestations sportives internationales dans les années 1920
p. 53-72
Texte intégral
1Considérant que « Le sport est un moyen de propagande qui ne peut être négligé1 », le Parti communiste français développe dès les années 1920 un discours spécifique qui s’affine et s’affirme au cours de la décennie suivante2. Ce discours trouve dans l’Humanité un espace d’expression privilégié : conformément à la stratégie préconisée par le Komintern et aux directives du Parti communiste dont il devient en 19213 l’organe central, le quotidien constitue un vecteur essentiel d’agitation et de propagande au service de la révolution prolétarienne4. La politique éditoriale du journal en perte d’audience depuis 19205 est repensée en profondeur en 1926 : sous l’impulsion de Paul Vaillant-Couturier, nommé au poste de rédacteur en chef, l’Humanité s’emploie désormais à gagner les masses inorganisées en traitant les mêmes sujets que les autres titres de la presse nationale, tout en veillant à les mettre en perspective6. L’augmentation du nombre de pages permet de diversifier le contenu du journal et de donner une plus grande place à l’actualité non politique (et notamment à l’actualité sportive). Mais quand bien même elle permet une augmentation des ventes7, cette nouvelle ligne éditoriale suscite des critiques au sein même du Parti, de la part de ceux qui considèrent que l’Humanité doit strictement appliquer la ligne du PCF.
2Ce changement n’entraîne cependant pas d’inflexion notable dans le discours communiste sur le sport dont les deux volets se précisent au fil des ans : critique du « sport bourgeois » d’un côté, propagande en faveur du sport travailliste et du sport soviétique qui en est présenté comme la forme la plus aboutie de l’autre. C’est ce que montre l’analyse comparée de la couverture effectuée par l’Humanité des Jeux olympiques d’été de 1924 (Paris) et 1928 (Amsterdam) d’une part et, d’autre part, des « Fêtes sportives internationales » organisées à Paris en 1924 sous l’égide de la Fédération sportive du travail d’obédience communiste, et des « Spartakiades internationales de Moscou » mises en place par l’Internationale rouge sportive en 1928 : quatre événements auxquels sont consacrés près de 200 articles de longueur variable8 de janvier à août 1924 et de janvier à septembre 1928.
3D’une manière générale, et en cohérence avec les travaux déjà menés sur le sujet9, l’analyse révèle des similitudes importantes dans les discours produits en 1924 et 1928 : ces derniers se rejoignent clairement dans une condamnation ferme des Jeux olympiques « bourgeois » et une apologie des réalisations des organisations sportives communistes. Cependant, une lecture attentive permet de mettre à jour des différences entre les deux ensembles d’articles. Des variations apparaissent, liées pour une part aux circonstances ; mais elles reflètent également la construction d’un discours sur le sport. Au final, le contenu de l’Humanité dans les années 1920 témoigne de la prise de conscience par la mouvance communiste de l’importance politique du fait sportif.
Permanences : entre critique des Jeux olympiques et célébration des manifestations sportives ouvrières
4Critique sans nuance d’un côté, célébration sans distance de l’autre, les discours sur le sport publiés dans l’Humanité en 1924 et 1928 présentent de nombreux traits communs : les arguments sont souvent identiques, de même que les procédés littéraires ou stylistiques mobilisés.
Les Jeux olympiques sous le feu de la critique
5Le récit au jour le jour des cérémonies et des compétitions olympiques offre aux journalistes du quotidien communiste l’occasion de développer une première critique du sport bourgeois. Les commentaires que suscitent les péripéties du feuilleton olympique de 1924 dénoncent tout d’abord le manque de légitimité sportive des rencontres et le faible niveau de performance des participants aux compétitions, toutes nations confondues. C’est notamment le cas à l’occasion du tournoi de rugby qui n’oppose que trois nations (Roumanie, États-Unis, France). Cette épreuve est qualifiée de « ridicule10 » à plusieurs reprises et la critique n’épargne aucune des formations en présence : les « ruggers roumains » sont « [nuls]11 » ; l’équipe de France se montre « ahurie et essoufflée12 » ; quant aux Américains, ils « s’efforcèrent de jouer à peu près convenablement, sans y réussir souvent13 ».
6En 1928, la chronique des Jeux olympiques vise plus particulièrement à souligner le ridicule dans lequel sombre la délégation française : l’équipe de France de football est éliminée dès le premier tour du tournoi olympique ; la délégation française refuse de défiler lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux ; Sera Martin, « seul espoir “de la France”14 », échoue dans le 800 m ; Jules Ladoumègue, « le dernier “espoir” français15 », est battu dans le 1 500 m. La seule médaille d’or dont parle l’Humanité est celle de Boughera El Ouafi, vainqueur du marathon16, mais c’est pour mieux souligner l’ironie de la victoire d’un athlète venu des colonies, un opprimé donc qui sauve la France d’un désastre tant de fois annoncé.
7Cette présentation des prestations françaises apparaît cependant pour le moins tendancieuse : la critique se concentre en effet sur le football et l’athlétisme ; l’Humanité ne mentionne qu’exceptionnellement les autres disciplines olympiques et ne dit rien des médailles françaises17 obtenues en aviron, boxe, cyclisme, équitation, escrime, haltérophilie, lutte, voile et water-polo. On peut avancer plusieurs explications à cela. La critique de l’Humanité porte sur des sports populaires, officiellement amateurs et gangrenés par la pratique du racolage. Or, l’escrime, l’équitation et l’aviron sont des pratiques bourgeoises ; et c’est bien le cyclisme professionnel – celui du Tour de France et des galas – qui est par ailleurs décrié par le quotidien, et non le cyclisme amateur des Jeux olympiques. En accord avec les observations de M. Attali et T. Froissart à propos du traitement par l’Humanité des Jeux de 192418, on peut croire que ce choix éditorial permet de concurrencer d’autres titres de la presse française sur leur propre terrain. Les presses socialistes et radicales, en effet, privilégient de la même façon le football et l’athlétisme. Enfin, sans doute l’engouement populaire pour ces pratiques incite-t-il également le quotidien communiste à une attention particulière (a fortiori en 1928) : la publication des résultats des épreuves olympiques vient satisfaire la curiosité du lecteur passionné de sport, quand bien même celles-ci sont soumises au feu de la critique. Il faut remarquer dans cette perspective que rien ne vient nuancer le réquisitoire de l’Humanité contre l’olympisme bourgeois, sinon le traitement de faveur dont bénéficie Jules Ladoumègue :
« L’espoir “suprême”, Ladoumègue, n’a pu – ce qui ne diminue d’ailleurs en rien sa valeur – que se classer second dans la finale du 1500 mètres plat. Il a été, après une fort belle course, battu au sprint final par le Finlandais Larva19. »
8Ce sont bel et bien deux compliments que l’auteur de ces lignes a glissés dans le récit fort bref de sa défaite, alors que les sportifs « bourgeois » sont assez systématiquement la cible de critiques. Les origines très modestes de l’athlète malheureux (fils de docker, très tôt orphelin de père et de mère, J. Ladoumègue grandit dans un milieu très pauvre), sa jeunesse (il a 21 ans au moment des Jeux), sa classe (sa foulée légendaire) ou encore son panache (il est battu sur le fil) peuvent expliquer qu’il bénéficie d’un traitement de faveur. Peut-être aussi représente-t-il l’un des premiers héros sportifs français, qu’il convient d’épargner pour ne pas indisposer un lectorat populaire ?
9Au-delà de cette exception, les remarques sur la piètre qualité sportive des manifestations ou des prestations françaises sont en effet souvent assorties de réflexions en lien avec la question du professionnalisme des compétiteurs. En mai 1924, alors que débute le tournoi olympique de football, on fustige ainsi les équipes belge et hongroise, qui comptent dans leurs rangs plusieurs joueurs professionnels :
« Ces joueurs scientifiques, mais qui jouent plus professionnellement que sportivement, se laissent prendre de vitesse. Outre qu’ils fignolent à plaisir pour briller […] ils réagissent médiocrement et se découragent vite20. »
10En 1928, lorsque Sera Martin bat le record du monde du 800 m à quelques semaines des Jeux21, l’Humanité ne manque pas d’évoquer les « conditions mystérieuses22 » de son transfert du Racing club de France au Stade français. D’une manière générale, les concurrents olympiques sont qualifiés d’« hommes-sandwichs des consortiums sportifs23 », ou de « cabotins appointés24 ».
11Enfin, les problèmes de violence qui marquent les compétitions sont systématiquement rapportés et alimentent également la critique des manifestations olympiques. À titre d’exemple, le 19 mai 1924, on souligne l’« atmosphère de bestialité » qui règne lors d’un match de rugby25. De la même façon en 1928, les comptes rendus du tournoi olympique de football proposent un comptage minutieux des blessures et expulsions. Les qualificatifs se succèdent : « jeu brutal » le 29 mai, « dure bagarre » le 1er juin, « jeu dur » le 6 juin. Ce versant de la critique vise à contrebalancer le discours officiel des organisateurs, qui présentent les Jeux olympiques comme un « moment de concorde » et d’engagement des peuples dans des rencontres sportives pacifiques26.
12En 1928 comme en 1924, l’Humanité ne se cantonne cependant pas dans une simple chronique des péripéties du feuilleton olympique assortie de considérations critiques. Article après article, le quotidien communiste développe un argumentaire cohérent, visant à saper les fondements mêmes de l’événement présenté comme une vaste entreprise commerciale et un lieu privilégié d’expression de l’impérialisme des nations représentées.
13Le mercantilisme des tenants du mouvement olympique est dénoncé de manière récurrente. Ainsi, à l’occasion de l’ouverture des Jeux de Paris, l’Humanité titre : « Le temps de la mercante est venu27 ! » La manifestation est plus tard qualifiée de « bluffcommercial insensé28 », qui voit l’organisation d’épreuves dénuées de sens dans le seul but de « faire cracher à la caisse29 ». Le 18 mai 1924, on ironise sur le prix élevé des billets d’entrée au stade de Colombes (« le prix élevé des places du stade montre bien, n’est-ce pas, que les Jeux olympiques sont une entreprise désintéressée30 ») et l’argument est repris en de nombreuses occasions. En 1928, on dénonce
« la cupidité fatale du capitalisme affamé de plus-value, introduisant de plus en plus dans le sport des facteurs d’ordre commercial, transformant la compétition en spectacle payant, les athlètes en acteurs payés directement ou indirectement31 ».
14Les enjeux politiques, nationalistes et impérialistes, liés aux manifestations olympiques sont soulignés avec la même insistance. En 1924, on constate de façon très directe que « les divers impérialismes utilisent les Jeux olympiques comme moyen de propagande patriotique32 » ; ou encore, en guise de compte rendu de la cérémonie de clôture des Jeux, que « les athlètes représentèrent non pas le sport mais leur impérialisme national33 ». En 1928, l’ouverture des Jeux est interprétée en termes très durs :
« Les nations impérialistes modernes rassemblent à Amsterdam derrière leurs drapeaux des cohortes de spécialistes plus ou moins professionnels accompagnés de supporters chauvins, ivres de patriotisme et de haine34. »
15Le quotidien communiste développe une vision du sport « bourgeois » aux antipodes de « l’espéranto des races » célébré par Jean Giraudoux quelques mois après les Jeux35.
Célébration des manifestations ouvrières
16Lorsqu’ils évoquent les Fêtes internationales ouvrières de Paris en 1924 et les Spartakiades de Moscou en 1928, les journalistes de l’Humanité adoptent une position diamétralement opposée à celle qu’ils affichent à l’égard des Jeux olympiques.
17Ainsi, à la critique du niveau sportif des participants aux Jeux olympiques répond la description d’athlètes ouvriers livrant des démonstrations irréprochables. À propos des Fêtes de Paris en 1924, on évoque par exemple « l’admirable exécution technique de la manifestation36 ». De même, quand les sportifs bourgeois sont « ahuris et essoufflés », les sportifs ouvriers se distinguent par une parfaite tenue : c’est avec « élégance » et « le torse bombé37 » qu’ils défilent lors de l’ouverture des rencontres.
18En 1928, on oppose au déplorable spectacle du tournoi olympique de football, l’image du football soviétique :
« L’essor pris par ce jeu en Russie, est tout simplement extraordinaire. Son esprit s’avère toujours excellent, scientifique, exempt des brutalités et des exploits individuels qui caractérisent, la plupart du temps, le football bourgeois38. »
19Et si les journalistes de l’Humanité concèdent que les performances des athlètes ouvriers sont de niveau moindre que celles des sportifs bourgeois, ils s’empressent de préciser que ce sont celles de vrais amateurs et non de « professionnels rationalisés39 ».
20La comparaison des deux types d’événements concerne aussi le public qui assiste aux compétitions. Le chauvinisme, l’excitation malsaine et l’ignorance des questions sportives qui distinguent pour l’Humanité les spectateurs des Jeux olympiques, et notamment le public parisien en 1924, contrastent avec l’attitude de la foule rassemblée pour les jeux ouvriers. Celle-ci est louée pour son enthousiasme, son « fair-play » et la chaleur de l’accueil qu’elle réserve à toutes les délégations. On décrit ainsi le 14 juillet 1924 une foule « vibrante, délirante d’enthousiasme révolutionnaire » qui « [acclame] » les sportifs40. De même, le 29 août 1928, le public des Spartakiades de Moscou est salué pour son caractère « bon enfant », « tellement épris de justice qu’il est un juge infaillible41 », comme en témoigne cette anecdote : lors des compétitions cyclistes, le public russe prend parti pour un concurrent français injustement disqualifié et contraint les juges à revenir sur leur décision. Le récit se conclut sur une évocation de l’attitude très différente des officiels français et des foules chauvines de Colombes, de Buffalo ou du Vel’ d’Hiv : « Deux régimes. Différences des esprits et des cœurs42. »
21On magnifie l’unité des travailleurs, sportifs ou spectateurs, et les liens fraternels tissés à l’occasion des rencontres dans des commentaires qui, en filigrane, exaltent l’internationalisme ouvrier. Lorsque s’achèvent les Fêtes ouvrières de Paris en 1924, on peut lire : « Et c’était, sous le grand soleil, un spectacle grandiose et émouvant que celui de cette fraternisation de nos jeunes gens allemands, français, belges, tchécoslovaques43. » En 1924, en particulier, alors que l’Allemagne est exclue des Jeux olympiques, la venue de sportifs d’outre-Rhin à Paris même, pour participer aux jeux ouvriers, est saluée à travers de nombreux textes. Le 15 juillet, on rapporte ainsi :
« L’ovation redoubla lorsque vainqueurs et vaincus, ouvriers français et allemands, ayant terminé leur dur effort, se jetèrent dans les bras les uns des autres et s’embrassèrent fraternellement44. »
22De même en 1928, sur le bateau qui emmène en Union soviétique les délégations française et allemande :
« Très vite par-delà la frontière de la langue, une véritable fraternisation s’opérait. Bientôt mêlés dans des jeux fraternels, jeunes ouvriers français et jeunes ouvriers allemands ne formaient plus, sur le bateau, qu’un seul groupe compact, ardent, plein de vie, de force neuve, gerbe humaine, magnifique, qui déjà permettait tous les espoirs45. »
23Et au terme du voyage, lorsqu’apparaissent enfin les côtes d’Union soviétique, les deux délégations manifestent leur joie, d’abord de façon séparée, chacune dans sa langue, puis à l’unisson :
« Les Freie Heie ! des Allemands alternaient avec les Hourras ! des Français. Et soudain l’Internationale éclata, spontanée, formidable. Le chant s’élançait par-dessus le mat, les agrès, semblait se prolonger en un vol poétique des mouettes vers la terre rouge.
« Freie Heie ! Hourra !
« L’internationale
« Sera le genre humain46. »
Sport ouvrier contre sport bourgeois : les moyens littéraires et stylistiques au service d’une idéologie sportive
24Les Jeux olympiques, par leur caractère emblématique, sont une occasion idéale de déployer un discours de critique du sport bourgeois, parfois aussi qualifié de « capitaliste ». Les incidents et les travers de cette manifestation sont présentés comme autant de preuves de sa décadence :
« À la faveur [des épreuves olympiques], nous voyons se préciser l’évolution du sport bourgeois qui tend fatalement à devenir, sous le régime de la finance, un spectacle violent pour snobs et désœuvrés47. »
25Les « événements » olympiques viennent légitimer le discours de l’Humanité sur le sport. On peut lire ainsi le 20 mai 1924, une fois encore à propos du tournoi olympique de rugby :
« Cet écœurant match de rugby France-États-Unis est bien la démonstration la plus éclatante qui puisse donner raison à la violente campagne entreprise depuis l’année dernière par l’Humanité contre les empoisonneurs bourgeois du sport48. »
26Une question revient régulièrement en 1924 comme en 1928 : « Qu’est-ce que cela a de commun avec le sport49 ? » À travers cette interrogation à laquelle le quotidien laisse à ses lecteurs le soin de répondre, point une thèse qui se construit progressivement et s’impose : ce n’est pas le sport en tant que tel qui est condamnable, mais ce que les dirigeants du sport bourgeois en ont fait. L’idée est d’ailleurs très présente d’un sport pur et sain par essence, perverti par les organisateurs bourgeois de la pratique50 et qu’il convient de libérer d’une telle emprise. Les Jeux olympiques sont ainsi décrits comme un « sabotage inouï des plus élémentaires conceptions honnêtes du sport51 ». Au-delà d’une rhétorique de la dénonciation, l’Humanité entend ainsi proposer une véritable réflexion sur les activités physiques et circonscrire un « vrai » sport, face au modèle olympique présenté comme déviant. Le 11 juin 1924, on affirme avec force : « Quel travail n’avons-nous pas à faire sur [le sport] trop délaissé jusqu’à présent par beaucoup de militants communistes52. » Le mouvement sportif ouvrier, incarné par la Fédération sportive du travail, est présenté comme la seule alternative possible au sport bourgeois :
« [La Fédération sportive du travail] reste, dans la malsaine ambiance, la seule organisation où la pure idée sportive puisse se conserver intacte et prospérer en dehors de toute basse compromission53. »
27De même, la pleine réussite des manifestations ouvrières, maintes fois affirmée, doit attester le dynamisme et les vertus du mouvement sportif communiste, et faire œuvre de propagande en sa faveur. Le titre d’un article publié le 16 juillet 1924, en conclusion des Fêtes ouvrières parisiennes, est de ce point de vue très significatif. On affirme simplement qu’à travers cet événement : « Le sport ouvrier international a prouvé sa vitalité. »
28Au-delà du contenu, les articles publiés en 1924 et 1928 sont assez comparables du point de vue de la forme et des moyens littéraires mis en œuvre pour soutenir le discours. Les champs lexicaux mobilisés à propos des Jeux olympiques de Paris et d’Amsterdam puisent dans un registre commun. En effet, en 1924 comme en 1928, les termes récurrents dans les articles peuvent être classés en cinq catégories principales, qui renvoient chacune à une dimension forte de la critique des manifestations olympiques : les « passions malsaines » du public54, la « malhonnêteté » des organisateurs bourgeois55, l’emprise de l’« argent » sur l’événement56, le « ridicule » de la manifestation57 et la « décadence » du sport bourgeois58. Il s’agit dans le discours sur le sport développé par l’Humanité, comme dans le discours communiste59, de signifier la division bipolaire de la société en deux classes qui ont vocation à s’opposer. La critique des Jeux olympiques de Paris et Amsterdam s’effectue en outre sur un ton souvent véhément et indigné :
« Une nuée de spectateurs s’abattent sur les jeux et démontrent par les comportements scandaleux dont le récent tournoi olympique de football nous a fourni tant d’exemples, combien étroitement, combien ignoblement sont, maintenant, liées les affaires et les patries, ces patries au nom desquelles les bourgeois nous commandent de tuer et de mourir60.. »
29L’ironie et l’humour ont cependant leur place. Ainsi, par exemple, le récit de l’ouverture de la saison d’art des Jeux olympiques de 1924 en raille le côté grotesque :
« Le programme se composait […] d’une tragédie où le nom du grand Eschyle se trouvait compromis, [mettant en scène] des guerriers grecs coiffés de morions et d’écumoires à plumets, […] levant les guibolles et criant Oh ! »
30On ironise par ailleurs en reprenant les expressions chères aux organisateurs des Jeux, en ajoutant des guillemets pour en souligner le caractère inapproprié. Le 7 juin 1924, on annonce ainsi l’affiche de la finale de « l’inoubliable tournoi » de football olympique61. L’expression est reprise le 9 juin, puis modifiée le 12 (avec une intention néanmoins similaire) où l’on évoque « la fête universelle du football62 ». En 1928, la décision de la délégation française de ne pas participer au défilé de la cérémonie d’ouverture des Jeux inspire ce commentaire ironique : « “notre délégation” a fait grève. Tout simplement63 » ; un comble pour des représentants du « sport bourgeois ».
31La moquerie glisse vers l’insulte lorsqu’il s’agit de dénigrer les organisateurs des Jeux de 1924 et les notables présents. Les mots sont durs pour évoquer les personnalités assistant à l’ouverture de la manifestation, non pas « éminentes », mais « proéminentes64 ». On précise ainsi que les athlètes « défileront devant la tribune d’honneur pleine de gueules congestionnées et de quincaillerie honorifique65 ». Gaston Vidal, sous-secrétaire d’État à l’enseignement technique en charge du Service de l’éducation physique et du sport au ministère de l’Instruction publique, est qualifié de « grosse futaille […] se prélassant devant une ridicule tenture de velours grenat66 ». Dans le même registre, l’évocation du public de la tribune officielle n’est guère flatteuse. Celui-ci est « peu brillant », composé de « vieux messieurs fatigués et vieilles dames enluminées67 ».
32En 1928 également, la moquerie et l’ironie participent à l’entreprise de dénigrement des Jeux : le baron Schimmelpenninck Van Der Oye, président du comité olympique hollandais est rebaptisé « Baron Schimmelpen… atchoum68 ! ». On se gausse des Hollandais après l’élimination de leur équipe dans le tournoi de football : « Le prestige national des Hollandais qui reçut mercredi un rude choc, n’est plus en cause, mais il reste pour les organisateurs la perspective de belles recettes. Et cela seul compte69. »
33Dans la période qui précède les Fêtes internationales de 1924 et les Spartakiades de Moscou, le style des articles est souvent impératif : « Aujourd’hui, tous au stade Pershing70 » ; « Clubs, organisations, municipalités, participez à la souscription pour les Spartakiades71 » ; « C’est un devoir pour vous, sportifs ouvriers, de venir en foule et d’assurer, face aux jeux bourgeois corrompus, un succès magnifique à ces deux manifestations72. » Falloir et devoir sont des verbes fréquemment employés73. Au-delà de cette caractéristique, la ferveur et le lyrisme dominent pour effectuer, dans un tout autre style d’écriture que celui réservé aux Jeux olympiques, le récit des manifestations sportives ouvrières. La célébration des événements s’effectue également à l’aide de lexiques assez semblables en 1924 et 1928. Les termes se rapportant aux idées de « force74 », d’« unité75 », de « succès76 » de « beauté77 » et de « développement78 » dominent, ainsi que le vocabulaire lié aux « émotions79. »
34La qualité de l’organisation des Fêtes de 1924 est saluée avec enthousiasme : « Il serait superflu d’ajouter que l’organisation de cette belle manifestation fut en tout point parfaite. Pas un accroc, pas une réclamation80. » La description du public, déjà commentée, livre des passages particulièrement significatifs, qui témoignent également d’une certaine solennité de ton :
« Le public dressé comme un seul homme criait sa joie et son espoir en un avenir prochain où les représentants sportifs des Républiques des soviets du monde seront réunis pour honorer le monde ouvrier, celui qui ne se vend pas81. »
35Sous la plume de Paul Guitard82, les comptes rendus des Spartakiades mobilisent les ressources du langage poétique pour évoquer, à chaque fois que l’occasion s’en présente, la fusion des individus dans la masse : que ce soit durant le voyage des délégations française et allemande (« gerbe mouvante » des bras qui s’agitent à la vue de la côte russe), lors des défilés des Spartakiades (« mosaïque de chair83 », « nous entendions au loin le cœur du peuple qui battait à grands coups sourds par les artères de la ville84 »), ou dans les tribunes des stades moscovites (où la foule assemblée devient « un beau corps unanime », une « masse vivante qui palpite et qui vibre autour de nous », « un personnage unanime et colossal » : « Ils sont venus […] se déployer comme un drapeau vivant85 »), Paul Guitard souligne ainsi l’unité des prolétaires de toutes les régions de l’Union soviétique et de tous les pays, tendus vers un même but, « énorme machine humaine86 ».
1924-1928. Éléments de différenciation
36Au-delà de fortes similitudes, les corpus d’articles de 1924 et 1928 présentent quelques points de différenciation. La critique des Jeux olympiques, si elle passe par un argumentaire commun aux manifestations de 1924 et 1928, inclut également des accents propres à l’événement parisien d’une part et aux Jeux d’Amsterdam d’autre part. De la même façon, des nuances apparaissent dans la manière de couvrir et commenter les Fêtes ouvrières de Paris et les Spartakiades de Moscou. Des éléments conjoncturels, souvent, expliquent ces spécificités. Toutefois, les différences mises à jour entre les discours de 1924 et 1928 signalent également les évolutions d’un discours communiste sur le sport tel qu’il se modèle au cours des années 1920.
Des différences conjoncturelles
37Une part des différences dans le traitement des Jeux olympiques de 1924 et de 1928 et notamment le nombre et la longueur des articles plus conséquents en 1924 qu’en 1928, peut être imputée à la localisation des deux manifestations. Les Jeux de 1924 se déroulent à Paris, sous les yeux des journalistes de l’Humanité et des lecteurs parisiens du quotidien communiste. Il est dès lors plus facile – voire nécessaire au travail de sape de l’édifice olympique – d’envisager la manifestation sous tous les angles. Ainsi, les aspects organisationnels, avant et pendant la manifestation, sont régulièrement évoqués (un aspect absent des comptes rendus des Jeux de 1928). En amont, on dénonce le coût élevé des équipements financés par des fonds publics, leur laideur et le retard des travaux de construction. Le suivi de la rénovation de la piscine des Tourelles, futur stade nautique olympique, est de ce point de vue significatif. À la mi-avril, à six semaines seulement de la fin prévisionnelle du chantier, on précise que cette réalisation a déjà « englouti douze millions et plus » et que « le futur stade n’offre guère aux regards qu’une carcasse encore grossière87 ». Durant les Jeux, les difficultés pratiques et les problèmes de sécurité des installations sont régulièrement soulignés. À titre d’exemple, le 5 mai, on qualifie de « lamentable » le système de transport des athlètes et spectateurs88. De même, le 1er juillet, l’état de la piste d’athlétisme est soupçonné de « pouvoir causer bien des accidents89 ».
38C’est certainement parce que tout se joue à l’échelle de la capitale parisienne que l’on relève une critique singulièrement nourrie et virulente à l’encontre des officiels. Hommes politiques et responsables du mouvement olympique français sont connus des journalistes et des lecteurs du quotidien. L’occasion se présente d’assimiler les Jeux olympiques à une manifestation éminemment bourgeoise, organisée par et pour une population mondaine marginale, riche, oisive… et parfois grossière. On évoque ainsi « une tripotée de ministres » et « un plein tombereau de parlementaires […] [banquetant] sans vergogne aux frais des contribuables90 ». Les organisateurs sont qualifiés de « profiteurs du travail des masses populaires », animés d’ambitions « mesquines et malfaisantes91 ». Le 13 juillet, le compte rendu d’une épreuve de cross country, dépeinte comme particulièrement éprouvante du fait de la chaleur, précise encore que « les pontifes se vautraient sur l’herbe de la pelouse ou buvaient des bocks dans la tribune », tandis que les athlètes « s’effondraient victimes d’insolations92 ».
39On ne relève dans l’Humanité rien de comparable à propos des Jeux d’Amsterdam. Le discours sur les Jeux de 1928 se démarque de celui des Jeux de 1924 en ce sens qu’il est tout autant critique des événements que du compte rendu qui en est fait dans la presse « bourgeoise ». En effet, alors qu’en 1924, les lecteurs de l’Humanité assistaient – ne serait-ce que de loin – aux Jeux qui se déroulaient en France, en 1928, ils ne vivent l’événement que par comptes rendus dans la presse interposés. Telle est donc la cible principale de la critique : non pas tant l’organisation ou les événements en eux-mêmes, mais la presse bourgeoise, dont le quotidien communiste ne rate pas une occasion de critiquer « le battage échevelé93 » et la propension coupable à attiser les passions chauvines.
40Les nuances observées entre les corpus liés aux manifestations ouvrières de 1924 et 1928 tiennent également en partie à des facteurs conjoncturels. La couverture médiatique des Spartakiades de 1928 est tout d’abord sensiblement plus importante que celle des Fêtes internationales ouvrières de 1924. l’Humanité consacre ainsi une trentaine d’articles à la manifestation de 1924 et une soixantaine de textes, qui plus est assez longs, aux Spartakiades de 1928. Un tel contraste traduit des différences au niveau de l’ampleur des événements. La manifestation parisienne n’est à l’origine que la fête annuelle, nationale, de la Fédération sportive du travail, qui acquiert en 1924 une dimension internationale, en réaction aux Jeux olympiques organisés à Paris et à l’éviction des délégations allemandes et russes des compétitions « bourgeoises ».
41Les articles publiés au sujet des Spartakiades depuis l’été 1927 visent à mobiliser l’attention du public populaire. La manifestation moscovite fait l’objet d’une propagande qui monte en puissance dès le début de 1928 : du 15 janvier au 5 mai 1928, le feuilleton publié quotidiennement dans l’Humanité est « Spartacus » de Raphaël Giovagnoli. Le compte rendu du conseil national de la Fédération sportive du travail en février 1928 est l’occasion de souligner l’importance de l’événement et de préciser le dispositif de préparation des sportifs des organisations ouvrières de Paris et de la province à l’événement. La grande fête sportive des 14 et 15 juillet, organisée afin de procéder à la sélection des sportifs appelés à constituer la délégation de la Fédération sportive du travail fait l’objet d’un battage régulier et d’un compte rendu détaillé.
42Il s’agit rien de moins que de tenter de détourner les classes laborieuses des manifestations des organisations sportives bourgeoises94, afin d’en précipiter l’effondrement, afin également de développer une pratique sportive prolétarienne indépendante, faisant table rase de l’héritage du sport bourgeois.
43Enfin, au cours des semaines qui précèdent les Spartakiades, de nombreux articles ne semblent avoir pour objet que d’inviter les lecteurs à participer au financement du voyage de la délégation française. Le même mot d’ordre revient en toute occasion : « Faites rentrer les fonds ! »
Sport ouvrier et olympisme : du rejet à l’appropriation
44La comparaison des corpus de 1924 et 1928 révèle, sur des points assez précis, une évolution sensible, que les circonstances seules ne peuvent justifier. Les marques d’une pensée qui se modèle, se modifie, s’affine témoignent ainsi de la nouveauté du discours sur le sport publié dans le quotidien communiste et d’une progression dans la prise en compte de cette question.
45La position des journalistes à l’égard de l’olympisme, tout d’abord, évolue de 1924 à 1928. Les Jeux de l’Antiquité grecque apparaissent en 1924 comme un idéal dont les jeux modernes, loin de s’approcher, constituent plutôt l’antithèse. On s’offusque ainsi de voir les organisateurs des Jeux de Paris se réclamer des jeux grecs. Les Jeux de 1924 sont « une vaste foire du muscle que la rhétorique bourgeoise, pillant le vocabulaire grec, dénomme avec une belle audace Jeux olympiques95 ». La référence aux jeux antiques est jugée ô combien illégitime et prouve, d’après le quotidien, « l’absolue bêtise de dirigeants qui prétendent ressusciter la légendaire solennité d’Olympie dans leur époque écœurante96 ». Le dénigrement du mouvement olympique passe également par le discrédit de Pierre de Coubertin, affublé du titre de « champion olympique du lancement de salive97 ».
46En 1928, si la critique des jeux bourgeois se répète, elle est également suivie d’une sorte de retournement en faveur du sport travailliste. En 1924, le projet porté par Pierre de Coubertin était condamné en tant que tel. En 1928, si l’on moque encore ses « candides espérances98 », si l’on écrit qu’il « a vécu assez longtemps pour assister à la faillite de son rêve », le mouvement sportif ouvrier le reprend à son compte : les Spartakiades sont présentées comme un olympisme ouvrier (face à l’olympisme bourgeois), le comité chargé par la Fédération sportive du travail de mettre sur pied une délégation française est baptisé « Comité Olympique Ouvrier Français99 ». Certains aspects du discours de P. de Coubertin sont même repris tels quels dans le discours communiste sur le sport, et notamment l’opposition entre jeux grecs (jeux « olympiques ») et jeux romains (« jeux du cirque ») qui permet d’opposer la pratique amateur au spectacle professionnel.
47Selon P. de Coubertin, « ni les exercices du Champ de Mars, ni la fréquentation des thermes, ni la bestialité du cirque n’ont de rapport avec l’athlétisme grec. Tout diffère, tendances et formes. Le gladiateur a rabaissé et tué l’athlète100 ». Pour le quotidien communiste, les jeux bourgeois « n’apparaissent plus aujourd’hui que sous la forme d’un commerce spectaculaire, comparable aux combats de gladiateurs que l’ancienne Rome entretenait à grand renfort d’écus et de sesterces101 ». Alors que dans les manifestations ouvrières, « l’idée olympique a été épurée. […] Le rêve des Hellènes, nous venons de le voir, seize siècles plus tard, aux prises avec la réalité102 ».
48À quatre ans d’intervalle, cette différence de traitement interroge. Il est vrai qu’entre-temps, Pierre de Coubertin a cédé la présidence du CIO à Henri de Baillet-Latour ; il n’est plus désormais que l’inspirateur des Jeux ; il est donc plus facile de dénoncer la trahison du projet olympique qu’il a porté depuis 1892. Par ailleurs, le sport communiste évolue dès les années 1920103. En donnant une plus large place à la compétition et à la performance, il se rapproche – jusqu’à se confondre avec – du sport bourgeois. Présenter l’olympisme bourgeois comme une dénaturation du sport et le sport soviétique comme une réalisation de l’idéal antique qui passe pour en être la forme la plus pure, permet de légitimer cette évolution tout en conservant la possibilité de critiquer le sport bourgeois.
La place des femmes
49La place réservée aux sportives est totalement différente en 1924 et 1928. En 1924 rien ou presque n’en est dit dans les comptes rendus des Fêtes sportives internationales, alors même que la Fédération sportive du travail, organisatrice de l’événement, s’est constituée un an plus tôt sous le signe d’une mixité affirmée, en réponse à des organisations bourgeoises entretenant soigneusement la séparation des hommes et des femmes dans le sport104. La même année, on ne parle des femmes que dans le cadre de la critique des Jeux olympiques pour souligner l’incongruité de leur présence, ce qui tendrait à prouver que le quotidien communiste n’est guère sensible aux prises de position du sport travailliste français en faveur du sport féminin, en même temps qu’il rejoindrait le PCF dans une relative indifférence à l’égard de cette question105 :
« La Belgique exhibe des escrimeuses qui brandissent guerrièrement d’inoffensifs fleurets. La France, nation galante, fait ouvrir son défilé par une douzaine de “sportives” accortes et dont les maillots blancs accusent les formes106. »
50En 1928, l’Humanité ne dit rien de la participation des femmes aux Jeux olympiques, si ce n’est pour annoncer brièvement quelques épreuves féminines. Son silence ne peut que surprendre, dans la mesure où les Jeux d’Amsterdam consacrent l’ouverture de l’olympisme au sport féminin… Ne peut-on comprendre ce silence en relation avec l’insoluble dilemme face auquel l’admission des femmes aux Jeux olympiques place le quotidien communiste ? Peut-il en effet parler d’olympisme féminin sans saluer par là même une conquête féminine ? Cela reviendrait à ouvrir une brèche dans le réquisitoire contre le sport bourgeois que l’Humanité développe jour après jour. Peut-il englober les sportives dans les attaques dont les sportifs bourgeois sont la cible ? Non seulement les critiques auxquelles les champions prêtent le flanc ne s’appliquent guère aux sportives, mais il est délicat de les attaquer sans contredire les propos tenus par ailleurs sur l’émancipation des femmes. Rester discret sur les épreuves féminines des Jeux permet d’éluder le problème, une solution d’autant plus simple que les Françaises étaient peu nombreuses, qu’elles n’ont pas particulièrement brillé lors des Jeux d’Amsterdam et que, peut-être, la presse « bourgeoise », une des cibles de la critique communiste, en a elle-même peu parlé.
51En revanche, les articles publiés par l’Humanité sur les Spartakiades font aux femmes une place conséquente. Les résultats techniques des épreuves féminines sont rapportés comme ceux des épreuves masculines, ils sont assortis de quelques éléments de récit lorsque des ouvrières françaises y ont participé, comme pour les ouvriers français. Sur la trentaine de photos publiées sur le sujet, un tiers représente des sportives.
52P. Guitard se fait même l’avocat du sport féminin. Il brosse un jour un portrait de Maria Shamanova, ouvrière de l’usine Dynamo de Moscou, « jeune fille brune, belle de formes, riche de courage et d’active volonté107 » : « Son beau corps – écrit-il – était transfiguré par l’acte olympique108. » Il joue, quelques jours plus tard, les convertis : « J’avoue sincèrement que je n’étais pas un partisan convaincu du sport féminin. » Et réitère son éloge de la sportive :
« À voir sur les terrains la grâce des femmes s’allier à la force […] à mesurer ces corps, statues de chair, j’ai ouvert les yeux sur l’évidence. La Russie des Soviets a fait la femme l’égale de l’homme. Le code rouge l’a délivrée des chaînes séculaires109. » Il poursuit : « De cette culture physique intensive au service de tous, il est né une élite harmonieuse dont la brune Shamanova, merveilleuse athlète, est un des prototypes les plus parfaits110. »
53Bref, contrairement à ce que défend le discours bourgeois, l’effort ne défigure pas la femme, il ne la rabaisse pas, il participe de sa beauté. Sans doute parce que cette beauté-là ne repose sur aucun artifice ; c’est une « beauté sincère111 ».
54Son propos, comme celui de nombreux voyageurs français en visite en URSS au cours des années vingt112, fait écho à la politique d’émancipation de la femme engagée par les Bolcheviks : législation sur le divorce, légalisation de l’avortement, crèches, buanderies collectives et réfectoires qui libèrent la femme des tâches domestiques, apologie de l’union libre113. On notera toutefois, selon les observations déjà effectuées par M. Amar à propos de l’attitude de la Fédération sportive du travail, qu’à travers des discours célébrant la beauté « saine et naturelle » née du sport, le quotidien se place dans une position ambiguë sur le thème de la séduction féminine. En dépit d’allusions au courage ou à la force des athlètes soviétiques, P. Guitard, manifestement sous le charme, s’inscrirait davantage dans une position de défense d’un modèle « intermédiaire » (qui concède aux femmes le droit de pratiquer le sport sans les soustraire à l’obligation de plaire) que dans un plaidoyer en faveur d’une véritable égalité des hommes et des femmes sur le stade114.
L’exemplarité du sport en Union soviétique
55En 1924, les Fêtes sportives internationales organisées par la Fédération sportive du travail visent pour l’essentiel à prouver la vitalité du mouvement sportif communiste et à montrer qu’un autre sport est possible : un sport qui soit l’antithèse du sport bourgeois et qui se fonde sur les vertus du prolétariat :
« La Fête fédérale comportera au point de vue sportif un intérêt certain, non entaché [de] professionnalisme et [de] mercantilisme […]. Nous avons la prétention d’organiser autre chose que de lamentables exhibitions dans le genre du fameux tournoi de rugby qui se joua le mois dernier à Colombes115. » La fête est également le point de départ d’une mobilisation des masses laborieuses : « Du grand succès [de la fête] dépend l’avenir du sport ouvrier116. »
56En 1928, le modèle soviétique devient l’exemple à suivre pour le mouvement sportif ouvrier, alors que les références à la Russie soviétique sont très rares en 1924. Les Spartakiades de 1928 sont l’occasion pour les sportifs ouvriers des différents pays représentés de prendre la mesure de ce qui a été réalisé en Union soviétique, dont les remarquables performances réalisées par les athlètes russes lors des Spartakiades sont la preuve : ils se sont classés premiers dans presque toutes les épreuves. « La fête en l’honneur de Spartacus est devenue laboratoire d’une culture humaine117. » L’enseignement à tirer de cette manifestation sera considérable est-il rappelé à plusieurs reprises : en quelques années, « nous savons que nos camarades ont su créer une race nouvelle grâce à la culture physique, aux jeux collectifs118 ». Ce qui a été réalisé en Union soviétique doit constituer un modèle pour les sportifs ouvriers des autres pays :
« Nous pouvons dire que le sport existe seulement dans la Russie soviétique car il y est à l’abri de la pourriture de l’or. Il y existe magnifiquement parce qu’animé d’un esprit collectif développant toute sa force et toute sa beauté119. »
57Les longs articles de P. Guitard, déjà évoqués, servent au mieux cette entreprise de valorisation de l’URSS. C’est en quelque sorte à un voyage par procuration qu’ils invitent les lecteurs de l’Humanité, voyage en Union soviétique dont on connaît l’importance stratégique pour les dirigeants communistes120 et l’impact bien réel sur certains parcours militants121.
Conclusion
58Le corpus étudié montre bien l’existence d’une réflexion sur le sport. Le temps du rejet total du sport par le mouvement ouvrier français est révolu. Un discours s’est construit, qui présente une conception singulière de ce que le sport doit et ne doit pas être. En se montrant très présent sur les questions sportives, très engagé et capable de développer un discours relativement construit sur le sujet, le quotidien communiste se situe en phase avec le PCF, voire en avance sur le parti122.
59Par ailleurs, si les thèmes développés, tant dans la critique du sport bourgeois que dans la célébration des réalisations du sport ouvrier, sont conformes au discours des organisations sportives travaillistes, ils apparaissent également comme le prolongement du contenu des autres rubriques et font écho aux mots d’ordre du mouvement communiste international : la décadence du sport bourgeois, promis à un prochain effondrement (tout comme la société capitaliste) ; l’émancipation du prolétariat (capable de prendre en charge sa propre pratique sportive) ; l’égalité de l’homme et de la femme devant la pratique sportive (qui fait écho au contenu des articles sur la place de la femme en Union soviétique que l’Humanité publie par ailleurs au cours de la période) ; la défense des peuples coloniaux victimes de l’impérialisme des puissances coloniales (c’est toute « l’ironie » de la médaille d’or de Boughera El Ouafi) ; la lutte « classe contre classe » ; le soutien affiché des mouvements ouvriers nationaux à l’Union soviétique (une déclaration en ce sens est lue à l’occasion des Spartakiades123) dans un contexte dominé par la signature du pacte Briand-Kellogg en août 1928124. En ce sens, le discours du quotidien communiste sur le sport apparaît davantage comme un prolongement du discours politique qu’il développe par ailleurs, que comme un discours spécifique.
60Ce survol appelle quelques prolongements. Dans le cadre de cette analyse en effet, nous nous sommes bornés à caractériser un discours sur le sport et les étapes de son élaboration. Pour en comprendre le contenu et l’évolution, il conviendrait d’en reconstruire le processus de production, de se pencher sur la politique éditoriale du quotidien, ses relations avec les directives du Parti, l’itinéraire des rédacteurs, réguliers ou occasionnels, et leurs pratiques.
Notes de bas de page
1 Archives de la FSGT, transcription d’un document préparatoire au congrès du parti d’octobre 1923, revue fédérale Sport Ouvrier, 5 octobre 1923.
2 Y. Gastaut, « Le Parti communiste et le sport (1964-1981) », J.-F. Loudcher, C. Vivier, P. Dietschy et J.-N. Renaud (dir.), Sport et idéologie, Besançon, ACE-SHS, 2004.
3 La décision est prise lors de l’assemblée générale de janvier 1921. Voir A. Courban, L’Humanité (avril 1904-août 1939). Histoire sociale, politique et culturelle d’un journal du mouvement ouvrier français, thèse d’histoire, université de Dijon, 2005.
4 Ibid.
5 140 000 exemplaires en 1920 ; 100 000 en 1923 d’après C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral et F. Terrou, Histoire générale de la presse française¸ Tome 3 : de 1871 à 1940, Paris, PUF, 1972.
6 Voir notamment A. Courban, op. cit.
7 160 000 exemplaires en 1927 et 180 000 en 1928, d’après C. Bellanger et al., ibid.
8 De quelques lignes à plusieurs colonnes avec photographies.
9 Voir notamment : M. Attali et T. Froissart, « Entre rejet et fascination : le traitement contrasté de la VIIIe Olympiade dans la presse française de gauche » et K. Bretin, « Le mouvement sportif ouvrier international et le modèle olympique dans les années 1920 », T. Terret (dir.), Les Paris des Jeux olympiques de 1924, Biarritz, Atlantica, 2008.
10 « L’ouverture des Jeux olympiques », 5 mai 1924 ; « Le tournoi olympique de rugby », 12 mai 1924.
11 « Le tournoi olympique de rugby », 12 mai 1924.
12 « Amérique bat France », 19 mai 1924.
13 « Le tournoi olympique de rugby », 12 mai 1924.
14 « Sera Martin seul espoir “de la France” est battu », 1er août 1828.
15 « Aux Jeux olympiques d’Amsterdam – Le dernier “espoir” français Ladoumègue est battu », 3 août 1828.
16 L’information est réduite à ce simple titre : « Enfin une victoire française ! C’est – ô ironie ! – celle de l’arabe El Ouafidans le marathon » (6 août 1928).
17 La délégation française a rapporté 21 médailles (dont 6 en or) des Jeux d’Amsterdam.
18 M. Attali et T. Froissart, art. cit.
19 « Aux Jeux olympiques d’Amsterdam – Le dernier “espoir” français Ladoumègue est battu », 3 août 1928.
20 « Le tournoi de football olympique », 30 mai 1924.
21 À l’occasion des championnats de France d’athlétisme des 14 et 15 juillet 1928, dernière grande épreuve préparatoire aux Jeux olympiques.
22 « Olympisme bourgeois – Les championnats de France d’athlétisme », 15 juillet 1928.
23 « Amsterdam et Moscou », 21 mai 1928.
24 « Sous le signe de l’Impérialisme – L’ouverture des Jeux olympiques s’est faite hier à Amsterdam », 29 juillet 1928.
25 « Amérique bat France » ¸ 19 mai 1924.
26 M. Attali et T. Froissart, art. cit.
27 9 mai 1924.
28 « Le tournoi de football olympique », 29 mai 1924.
29 « Après le scandale du match France-Amérique », 20 mai 1924.
30 « À Colombes, les boutiques poussent comme des champignons », 18 mai 1924.
31 « Sous le signe de l’Impérialisme – L’ouverture des Jeux olympiques s’est faite hier à Amsterdam », 29 juillet 1928.
32 « Le tournoi de football a ouvert les Jeux olympiques », 26 mai 1924.
33 « Échos de tous les sports », 27 juillet 1924.
34 « Sous le signe de l’Impérialisme – L’ouverture des Jeux olympiques s’est faite hier à Amsterdam », 29 juillet 1928.
35 J. Giraudoux, Le sport, Paris, Hachette, 1928.
36 « Le sport ouvrier international a prouvé sa vitalité », 16 juillet 1924.
37 « Une journée émouvante », 14 juillet 1924.
38 « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – En finale de football, Moscou bat Leningrad », 26 août 1828. À noter : le qualificatif « scientifique », qui participait à la critique des joueurs professionnels belges et hongrois en 1924, exprime en 1928 une des qualités du football soviétique.
39 « Avant les Spartakiades de Moscou – La première journée de la fête fédérale d’athlétisme marquera une date décisive dans l’histoire du mouvement sportif ouvrier français », 15 juillet 1928. La « rationalisation » est un des travers du capitalisme, fréquemment dénoncé dans l’Humanité ; elle est synonyme de dégradation des conditions de travail des ouvriers et la cause la plus fréquemment évoquée des accidents du travail dont ils sont victimes.
40 « Une journée émouvante », 14 juillet 1924.
41 P. Guitard, « Le film des spartakiades », 29 août 1928.
42 P. Guitard, « le sport à l’ombre des drapeaux rouges – Le film des spartakiades », 31 août 1928.
43 « Le sport ouvrier international a prouvé sa vitalité », 16 juillet 1924.
44 « La dernière journée de la Fête fédérale fut triomphale », 15 juillet 1924.
45 P. Guitard, « Préface aux Spartakiades – À bord d’un bateau soviétique avec les délégations sportives fraternellement unies », 17 août 1928.
46 Idem, 17 août 1928.
47 « Le tournoi de football olympique », 30 mai 1924.
48 « Après le scandale du match France-Amérique », 20 mai 1924.
49 « L’ouverture des Jeux olympiques », 5 mai 1924.
50 La Fédération sportive du travail n’est pas la seule organisation sportive à dénoncer les dérives du sport en ces années 1920. Au même moment, les défenseurs du sport universitaire jettent les bases d’une organisation séparée au sein de l’UNEF, avec l’appui des Amis du sport universitaire, et tiennent un discours en tous points comparable (voir notamment J. Thibault, Sport et éducation physique [1870-1970], Paris, Vrin, 1972).
51 « Après le scandale du match France-Amérique », 20 mai 1924.
52 « Échos de tous les sports », 11 juin 1924.
53 « Les vertueux de la 11e heure », 22 mai 1924.
54 Avec des mots et expressions tels que « brutal », « haineux », « ardeur intempestive », « atmosphère houleuse ».
55 « Amoral », « maquignons », « combines », « intrigues », « manœuvres ».
56 « Profit », « argent », « mercantile », « sport commercialisé », « sport publicitaire ».
57 « Comédie », « jeu de cirque », « risible », « grotesque ».
58 « Agonie », « débâcle », « défaite », « cancer », « déclin ».
59 D. Mayaffre, « 1789/1917 : l’ambivalence du discours révolutionnaire des communistes français des années trente », Mots, 69, 2002.
60 « Sous le signe de l’Impérialisme – L’ouverture des Jeux olympiques s’est faite hier à Amsterdam », 29 juillet 1928.
61 « Le football olympique », 7 juin 1924.
62 « Échos de tous les sports », 12 juin 1924.
63 « Olympisme bourgeois – Les “jeux” d’Amsterdam ont mal débuté », 30 juillet 1928.
64 « On tape à la caisse pour les JO », 15 février 1924.
65 « Le tournoi olympique d’athlétisme », 5 juillet 1924.
66 « Un après-midi nautique aux Tourelles », 19 juillet 1924.
67 « La saison d’art des Jeux olympiques », 4 mai 1924.
68 « Olympisme bourgeois – Les “jeux” d’Amsterdam ont mal débuté », 30 juillet 1928.
69 « À Amsterdam – Le premier tour du tournoi de football est terminé », 1er juin 1928.
70 12 juillet 1924.
71 30 mai 1928.
72 « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – cet après-midi à la piste municipale et au stade nautique des Tourelles », 29 juillet 1928.
73 C’est un trait caractéristique du discours communiste relevé par B. Robert, « Le lexique communiste (1932-1946), description d’une évolution », Mots, 3, 1981.
74 « Ardeur », « énergie », « puissance », « vaillamment ».
75 « Solidaire », « nombreux », « alliance », « masse ».
76 « Exploit », « réussite », « perfection ».
77 « Magnifique », « splendeur ».
78 « Avenir », « progrès ».
79 « Émouvant », « touchant ».
80 « Une journée émouvante », 14 juillet 1924.
81 Idem.
82 Paul Guitard accompagne la délégation française à Moscou. Rédacteur à l’Humanité de 1924 à 1929, il appartient, comme Aragon, à cette mouvance du mouvement surréaliste ralliée au communisme (voir M. Rieuneau, Guerre et révolution dans le roman français de 1919 à 1939, Paris, Klincksieck, 1974). Il signe la majeure partie des comptes rendus des Spartakiades publiés dans l’Humanité : de longs articles de facture très littéraire qui tranchent avec le contenu habituel de la rubrique sportive du journal. Géo Charles, lauréat du concours de littérature des Jeux olympiques de 1924, est également du voyage (voir J.-F. Loudcher, C. Vivier et A. Gounot, « L’écrivain Geo-Charles et sa vision du sport à travers ses notes de voyage en URSS en 1928 », La littérature et le sport, Actes du Ve colloque international du CESH, Madrid, Universidad politécnica, 2002). Mais le quotidien communiste ne publie de lui que quelques comptes rendus techniques.
83 « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – L’étoile au front », 18 août 1928.
84 « 15 000 sportifs de tous les pays défilent à Moscou sur la Place rouge », 18 août 1928.
85 « Aux Spartakiades de Moscou – Journées de force et de lumière », 21 août 1928.
86 « Le film des Spartakiades », 29 août 1928.
87 « La piscine des Tourelles », 13 avril 1924.
88 « L’ouverture des Jeux olympiques », 5 mai 1924.
89 « Informations olympiques », 1er juillet 1924.
90 « On tape à la caisse pour les JO », 15 février 1924.
91 « Aujourd’hui ouverture du tournoi athlétique », 5 juillet 1924.
92 « L’odieux cross-country », 13 juillet 1924.
93 « Face à la comédie olympique d’Amsterdam – Les Spartakiades triompheront grâce à l’effort international du prolétariat », 16 juin 1928.
94 Assister à une réunion cycliste organisée par la Fédération sportive du travail, déserter pour l’occasion les vélodromes bourgeois, c’est affirmer son « idée de classe contre classe » (« Dimanche à la Cipale, vous assisterez en foule à la dernière réunion cycliste avant les Spartakiades », 27 juillet 1928).
95 « À Colombes, les boutiques poussent comme des champignons », 18 mai 1924.
96 « Aujourd’hui ouverture du tournoi athlétique », 5 juillet 1924.
97 « Échos de tous les sports », 27 juillet 1924.
98 « Sous le signe de l’Impérialisme – L’ouverture des Jeux olympiques s’est faite hier à Amsterdam », 29 juillet 1928.
99 en faisant ainsi référence à l’olympisme, les dirigeants de la Fédération sportive du travail adoptent une ligne en contradiction avec les orientations prises par l’Internationale rouge sportive qui, par l’emploi du terme « spartakiade », entend différencier les manifestations sportives qu’elle organise des « Jeux olympiques » que supervise le CIO et des « olympiades ouvrières » de l’Internationale sportive de Lucerne d’obédience socialiste. Cette liberté prise par la fédération ouvrière française justifie plusieurs rappels à l’ordre, et notamment la « lettre des délégués envoyés à Moscou pour préparer la spartakiade, adressée au camarade Gatigon et aux camarades de la FST [Fédération sportive du travail] » (16 juillet 1928), retrouvée par Y. Deschamps (Un mouvement sportif communiste perçu par les Français, les Spartakiades [1928-1934], mémoire master 1, université de Dijon, 2011) dans les archives du Komintern (fonds 517/1 719, citée p. 30).
100 Souvenirs d’Amérique et de Grèce, Paris, Hachette, 1897, p. 111. Un exemple parmi d’autres de ce thème, développé en maintes occasions par P. de Coubertin.
101 « Face à la comédie olympique d’Amsterdam – Les Spartakiades triompheront grâce à l’effort international du prolétariat », 16 juin 1928.
102 P. Guitard, « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – le film des Spartakiades », 29 août 1928.
103 A. Gounot, « Face au sport moderne. 1919-1939 », J. Vigreux et S. Wolikow (dir.), Cultures communistes au XXe siècle. Entre guerre et modernité, Paris, La Dispute, 2003.
104 M. Amar, « “La sportive rouge” (1923-1939), pour une histoire des femmes au sein du sport ouvrier français », P. Arnaud (dir.), Les origines du sport ouvrier en Europe¸ Paris, L’Harmattan, 1994, p. 171.
105 M. Amar souligne ainsi que nombre de documents du PCF des années vingt consacrés aux femmes ne mentionnent pas le sport, et notamment les programmes des élections législatives de 1924 et 1928 (art. cit., p. 173).
106 « Les Jeux olympiques inaugurés par une ridicule cérémonie », 6 juillet 1924.
107 « Aux Spartakiades de Moscou – Journées de force et de lumière », 21 août 1928.
108 Ibid.
109 « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – le film des Spartakiades », 29 août 1928.
110 Ibid.
111 « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – La fête de l’eau sur la Moskowa », 23 août 1928.
112 S. Cœuré, La grande lueur à l’Est. Les français et l’Union soviétique, 1917-1939, Paris, Le Seuil, 1999.
113 W. Goldman, « Les femmes dans la société soviétique », M. Dreyfus, B. Groppo, C.-S. Ingerflom, R. Lew, C. Pennetier, B. Pudal et S. Wolikow (dir.), Le siècle des communismes, Paris, Éditions de l’Atelier, 2000. À la fin des années trente cependant, la conception de l’émancipation de la femme des révolutionnaires bolcheviques n’est plus à l’ordre du jour ; la politique stalinienne vante les mérites de la famille socialiste forte et la fécondité de la femme.
114 M. Amar, art. cit., p. 174-175.
115 « La 3e Fête fédérale de la FST », 4 juin 1924.
116 « Pour la 3e Fête fédérale », 2 juillet 1924.
117 « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – le film des Spartakiades », 29 août 1928.
118 « Le sport à l’ombre des drapeaux rouges – Le sens profond de la première Spartakiade », 5 septembre 1928.
119 « Face à la comédie olympique d’Amsterdam – Les Spartakiades triompheront grâce à l’effort international du prolétariat », 16 juin 1928.
120 Voir notamment S. Cœuré, op. cit.
121 F. Sabatier, « Mobilité affinitaire et mouvement sportif ouvrier : l’itinéraire de Rosette Guérard, 1924-1950 », Le Mouvement social, 215, 2006.
122 Le quotidien communiste revendique dès 1924 « une thèse sur le sport » (1er juillet). Par la voix de M. Cachin, il se prévaut également d’une certaine avance sur le sujet, au regard du PCF : « La bourgeoisie internationale a domestiqué le sport comme tout le reste ; elle réalise un effort immense pour faire servir à ses fins de classe la poussée de la jeunesse de tous les pays vers les exercices physiques […]. Notre Parti communiste français n’a pas donné jusqu’à présent, il faut bien le reconnaître, une attention suffisante à cette action urgente. Il est temps qu’il renonce à cette attitude et qu’il accorde dans ses organes centraux une large place aux préoccupations qui absorbent à cette heure, sur toute la Terre, des millions de jeunes hommes » (16 juillet 1924).
123 Le 12 août, un athlète allemand lit au nom de tous les sportifs étrangers une déclaration où il est précisé : « Nous lutterons contre le danger de guerre et soutiendrons en cas de guerre l’Union soviétique » (14 août 1928).
124 Présenté dans l’Humanité du 26 août 1928 comme une « coalition criminelle des impérialistes contre l’Union soviétique ».
Auteurs
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