Princes martyrs « hors la foi » dans les royaumes de France et d’Angleterre à l’époque médiévale
p. 243-256
Texte intégral
1Comme l’ont montré les travaux les plus récents sur la justice, la peine capitale est rare au Moyen Âge, réservée aux crimes « énormes », et ne concerne généralement pas les souverains. La civilisation médiévale n’est pas prête à briser ce qui peut être considéré comme un tabou, le corps du roi oint ; tout comme elle éprouve des difficultés à positionner la justice humaine face aux actions d’un élu de Dieu. Mais si l’on ne met pas à mort le roi, on trouve des moyens de lui nuire : déposition, enfermement et humiliations. Nous possédons, dans nos galeries de souverains, en particulier outre-Manche, quelques « martyrs » : des princes qui ont connu une destinée hors-norme à l’origine de leur réputation de sainteté. Ce ne sont manifestement pas des martyrs de la foi1 mais plutôt des martyrs politiques, au même titre que certains de leurs opposants, condamnés pour crime de haute-trahison. À travers les exemples d’Édouard II et Henri VI, nous envisagerons quels moyens rhétoriques sont employés pour faire de ces rois des martyrs et comment sont utilisés les topoï de l’hagiographie martyriale dans un cadre manifestement « laïcisé ». Il s’agira d’identifier les éléments susceptibles d’expliquer la mise en place d’un culte autour de ces princes qui n’ont pourtant jamais été reconnus par les autorités ecclésiales comme de vrais saints2 et de caractériser l’instrumentalisation politique dont ils ont fait l’objet, sans laquelle leurs cultes n’auraient probablement pas existé.
Un roi condamné à mort : un impensé à l’époque médiévale
2La peine de mort a constitué très tôt au Moyen Âge un sujet de débats dans les milieux intellectuels. Si le droit canonique finit par reconnaître la légitimité du pouvoir séculier à recourir à cette peine, c’est qu’on pense que l’hérétique, le relapse ou le récidiviste sont à la fois incorrigibles et dangereux pour la société et qu’il convient de les faire disparaître. Il est également indispensable de disposer d’une peine exemplaire susceptible d’effrayer les potentiels criminels et empêcher la contagion : « Bonne coze est [...] [que les malfaiteurs] soient si radement pusni et justicié selonc lor meffet, que por le doute de le justice li autre en prengnent exemple, si que il se gardent de meffere3 ». La vision foucaldienne du supplice s’applique déjà ici et constitue un instrument de sujétion et d’affirmation de l’État.
3Si la peine capitale s’institutionnalise, il est quasi-impossible de l’appliquer au souverain en raison de plusieurs barrières idéologiques4. L’onction d’abord, reçue à l’occasion du sacre, fait du roi un « christ du Seigneur5 » protégé par le précepte divin : « Ne touchez pas à mes oints6. » Le rite de l’onction confère une nouvelle vie à celui qui le reçoit, ce que Walter Ullmann appelle “the rebirth of the ruler7”. Il ne s’agit pas de sainteté mais de sacralité. Pierre de Blois écrit : « il est considérable, le pouvoir de ce sacrement » et il rappelle la transformation de David après son onction par Samuel : « L’Esprit du Seigneur s’empara de lui et fut avec lui dès ce jour-là (1 Sam. 16. 13)... Dieu le transforma profondément (1 Sam. 10. 1 ou 9. 10)8 ».
4Entre tous les princes oints, le roi de France jouit d’une position – et donc d’une protection – particulière car il est le seul à être oint avec une huile divine, ce qui justifie pleinement son titre de Rex christianissimus9. Au XIVe siècle, le dominicain anglais Nicolas de Stratton prétend que le roi d’Angleterre est, lui aussi, oint avec une huile sacrée – donnée par la Vierge à Thomas Becket au cours de son exil – mais si l’idée s’impose dans l’opinion, aucun pape ne reconnaît officiellement cette thèse10 et le roi de France demeure celui dont « la puissance est plus especialment approuve et honnouree de Dieu que les aultres11 ».
5Parce que les princes oints détiennent un pouvoir d’origine divine, toute atteinte à leur autorité et a fortiori à leur personne constitue un acte sacrilège, une atteinte à Dieu même : « celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes12 ». Dans la Bible, David se garde bien de tuer le roi Saül bien qu’il le tienne à sa merci dans la grotte du désert d’Engaddi : « Yahvé me garde [...] de porter la main sur lui car il est l’oint du seigneur13. » En 633, le IVe concile de Tolède, réuni sous l’impulsion d’Isidore de Séville, se fait l’écho de ces interdits, condamnant toute sédition ou désobéissance au roi, toute violence contre sa personne et tout tyrannicide. Le canon 75 qui précise tout cela [est repris] par les Carolingiens et post carolingiens (par exemple lors du concile de Paris en 829 ou dans la Collectio canonum d’Abbon de Fleury14). La notion de sacralité et d’inviolabilité de la personne royale demeure très vivante pendant tout le Moyen Âge. Des intellectuels de toutes les périodes s’en font l’écho. Au XIIe siècle par exemple, Orderic Vital (1075-v. 1141) s’indigne du comportement de Guillaume Crespin à la bataille de Brémule parce qu’il avait touché le heaume d’Henri Ier Beauclerc en osant « lever son épée au-dessus de la tête qui avait été ointe par le saint chrême15 ».
6L’onction rend aussi la condamnation à mort du souverain théoriquement impossible car un roi, choisi par la Providence, ne peut être jugé par les hommes. Dans son Dialogue imaginaire entre l’abbé de Bonneval et le roi Henri II Plantagenêt, Pierre de Blois met en garde le roi qui pourrait être emporté par sa mauvaise nature et se comporter en tyran :
« Vous qui exercez le pouvoir, Dieu vous a accordé de dominer la multitude, il vous demandera de justifier vos actes et vos pensées si, en tant que serviteurs de son règne, vous n’avez pas exercé une justice honnête, ni n’avez suivi la volonté divine16. »
7Le tribunal de Dieu est le seul tribunal dont puisse relever le souverain. Et comme le précise le canon 75 du IVe concile de Tolède : que le roi qui agit en tyran (contra reverentia legum) « soit condamné par une sentence d’anathème par le Seigneur Christ et qu’il reçoive de Dieu sa séparation et son jugement17 ».
8Le roi est aussi protégé par le sentiment d’insécurité et de peur qui saisit la population à l’annonce de toute disparition royale. L’émotion provoquée est toujours forte ; il s’agit d’un moment de déséquilibre, de fragilisation de l’ordre naturel de la société. Le sort du royaume devient incertain, les sujets craignent que ne se rompe l’alliance avec Dieu rendue possible par l’intercession du souverain, que les bienfaits de la bonitas regis (fertilité du sol, prospérité matérielle) cessent et, dans une perspective eschatologique, ils déplorent la perte de leur pasteur18. La mort du souverain, même naturelle ou attendue, suscite l’effroi. Aussi comprend-on qu’on évite de la provoquer volontairement.
9Si ces interdits représentent une sorte de protection pour le souverain, ils ne sont toutefois pas toujours suffisants : les complots, trahisons et régicides existent au Moyen Âge. C’est la raison pour laquelle se développe toute une législation pour prévenir ce type de crime19. Il faut toutefois remarquer que dans le royaume de France, les régicides sont rares après le milieu du VIIIe siècle et la mise en place de l’idéologie du sacre. Ils sont plus fréquents en Angleterre où cette idéologie est plus fragile et où l’instabilité politique a permis des coups d’État car contre les tyrans d’usurpation, les médiévaux ont beaucoup moins de scrupules que face aux tyrans d’exercice20.
Que faire face à un « mauvais roi » ?
10Les penseurs politiques qui condamnent unanimement la tyrannie ne s’entendent pas sur l’attitude qu’il convient d’adopter envers le tyran. Certains prônent la soumission pour les raisons évoquées précédemment et l’obéissance à une « obligation originelle et sacramentelle21 », d’autres s’en tiennent au principe de la désobéissance civile, entrevoyant pour certains la possibilité de déposer un souverain qui manquerait à ses devoirs, tandis que de plus rares vont jusqu’à défendre le principe du tyrannicide.
11Il faut dire que pour des hommes qui orientent volontiers leur comportement selon les préceptes de l’Écriture, le message biblique reste confus. La 1re épître de Pierre prescrit l’obéissance « non seulement à ceux qui sont bons et modérés mais encore à ceux qui sont injustes22 », c’est même « une grâce de supporter par respect pour Dieu des peines que l’on souffre injustement23 ». En revanche, les Actes des apôtres établissent une limite à l’obéissance civile et rendent légitime, dans certains cas, la résistance : « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes24 » ; si l’autorité politique va à l’encontre de la volonté divine, il convient de lui résister25. Au VIIe siècle, Isidore de Séville apporte un argument majeur à ceux qui prônent la désobéissance au tyran : le roi doit être soumis à la Loi et n’est pas lui-même au-dessus des lois. Les sujets peuvent se trouver déliés de leur serment de fidélité et de l’obéissance qu’ils doivent au souverain si celui-ci ne respecte pas sa part du pacte qui les lie. Dans la querelle qui oppose la papauté au pouvoir temporel durant tout le XIe siècle, c’est aussi cette idée qui justifie que le pape ne se contente plus d’excommunier le souverain mais s’arroge le droit de le déposer (Quod illi liceat imperatores deponere26). En Angleterre, l’évolution des relations entre le roi et son baronnage à partir du règne de Jean sans Terre accroît cette tentation de la déposition. Le serment exigé d’Édouard II lors de son couronnement en est l’aboutissement : il est contraint de reconnaître qu’il doit gouverner avec la collaboration active de la communauté politique, ce qui rend nécessaire pour lui de savoir garder le cœur de ses sujets. Les Anglais n’hésitent pas à menacer clairement leur souverain, comme John de Statford envers Édouard III : « vous purretz perdre les coers de voz gentz et vostre bone et droiture emprise [...] et enforceretz voz enemis pour vos destruire et vous faire perdre bone fame et vostre terre, qe Dieu defende27 » ou Richard the Redeless : « L’allégeance sans l’amour ne vaut pas grand-chose28. » Rien de semblable, évidemment, dans les institutions françaises où on ne peut pas même envisager de s’adresser ainsi au souverain. Déposer le roi est une solution douce à laquelle se rallient de nombreux auteurs comme saint Thomas d’Aquin :
« si [le roi] abuse tyranniquement de la puissance royale, le peuple qui l’a institué roi peut, à bon droit, le destituer ou en limiter le pouvoir. On ne peut pas taxer d’infidélité un tel peuple [...] même s’il lui avait promis sujétion perpétuelle. En effet, le tyran a bien mérité que le pacte ne soit pas maintenu par les sujets29. »
12Thomas est, en somme, favorable à « une rébellion institutionnelle qui invite les détenteurs de charges, de richesses et de privilèges à assumer la responsabilité du renversement du despote30 ». Mais ce qui semble simple dans les faits est, en pratique, complexe comme le montrent les débats sur la légitimité du Parlement qui dépose Édouard II en 1327 ou Richard II en 139931. La déposition d’Édouard II représente une véritable révolution intellectuelle et un précédent dangereux pour la monarchie anglaise. En tout cas, en défendant la désobéissance civile et la déposition du souverain, Thomas s’oppose clairement à une action individuelle du type régicide à l’encontre du tyran d’exercice et a fortiori s’oppose-t-il à un procès pouvant déboucher sur une peine capitale. Dans son De Regimine Principum, il émet « de sérieux doutes sur la justice de tout meurtre d’un monarque légitime pour quelque raison que ce soit32 ».
13Ce n’est pas la position de Jean de Salisbury (1115-1180) qui, à l’inverse, se pose comme un ardent défenseur du tyrannicide. Pour Jean, le tyran est l’image de Satan et il faut le combattre :
« De la racine malade et venimeuse germe et foisonne l’arbre qui doit, en quelque façon que ce soit, être coupé à la hache33, quiconque ne poursuit pas [le tyran] pèche contre lui-même et contre le corps entier de la communauté politique34. »
14Les propos peu modérés de Jean de Salisbury rappellent ceux de Cicéron : « Cette race impie, ce fléau doit être extirpé du genre humain35 » mais aussi certains passages de l’Ancien testament qui autorisent de nombreuses exceptions au décalogue et illustrent le juste tyrannicide par plusieurs exemples notamment l’épisode de Judith tranchant la tête du terrible Holopherne36.
15Chez les intellectuels français, ce message ne trouve pas d’écho. La question de la sanction éventuelle d’un roi de France est le plus souvent éludée et les auteurs comme saint Thomas se limitent à préconiser d’aider le roi à ne pas devenir tyran. Personne n’imagine sérieusement un roi de France tombant sous les coups de ses sujets. Comme le souligne Jacques Krynen, « soulever l’idée d’une résistance légitime, ne serait-ce que sur le plan théorique, c’est laisser supposer la tyrannie d’un roi très chrétien. La chose est inconcevable37 ». Le célèbre débat sur le tyrannicide qui émerge au début du XVe siècle, à la suite du meurtre du duc Louis d’Orléans par le duc de Bourgogne, en est l’illustration. La justification de Jean Petit ne porte que sur le « traitre et déloyal tyran » mettant en péril le pouvoir royal, non sur un éventuel roi de France devenu tyran. Lorsque Gerson (1363-1429) étend le débat, ce n’est que pour confondre son adversaire et convaincre que la position de Jean Petit n’est qu’incitation au meurtre ; la question du tyrannicide reste coupée de l’idéologie monarchique.
Des princes « martyrs » hors la foi
16Dans les faits, les hommes du Moyen Âge ont donc rejeté la possibilité de prononcer la peine capitale contre un roi. Ils s’en sont tenus à sa déposition et parfois à son emprisonnement. Parmi ceux qui ont enduré ce triste sort, certains ont été vénérés comme des martyrs. Ils ont en commun avec l’archétype du martyr, une mort violente et/ou innocente, des souffrances injustement endurées mais ne sont pas des modèles de sainteté. Leur existence n’a rien d’exemplaire. Ils ont même parfois été des pécheurs mettant en péril leur propre salut. Différence de taille avec les martyrs traditionnels, ils ne sont pas morts pour la foi et ne font pas l’objet d’un culte construit et voulu par l’Église. Ils sont plutôt l’objet de ce qu’André Vauchez nomme une « canonisation populaire38 » et/ou le fruit d’une instrumentalisation politique car l’on revendique ou l’on utilise leur mémoire. En cela, leur culte ressemble beaucoup à celui qui se développe autour de certains aristocrates, opposants à la monarchie, morts ou condamnés injustement, tels Waltheof de Northumbrie (1076), Simon de Montfort (1265) ou Thomas de Lancastre (1322) qui s’érigent en défenseurs d’une cause39. Deux rois anglais ont retenu, ici, notre attention : Édouard II mort en 1327 qui a fait l’objet d’un culte très limité et Henri VI mort en 1471 dont le culte a été beaucoup plus important. Deux rois anglais... ce n’est pas un hasard !
17Si concrètement la monarchie anglaise n’a rien à envier à sa rivale continentale qu’elle a failli abattre à deux reprises, le travail élaboré outre-Manche en matière d’idéologie et d’image du roi ne parvient pas à égaler les voisins français. Tandis qu’en France l’idéologie développée autour du sang et de la race des rois, du statut de rex christianissimus offre une assise solide à la monarchie, les Anglais ont du mal à consolider leur image. À côté de la matière arthurienne, le culte des rois martyrs et saints joue un rôle essentiel de valorisation pour une monarchie régulièrement malmenée et affaiblie par des changements de domination réguliers. Le magnifique diptyque de Wilton House qui représente le jeune Richard II entouré de Saint Jean Baptiste, Saint Edmond et Édouard le confesseur illustre ce lien particulier entre les souverains d’Angleterre et les saints rois40. Les intellectuels proches du pouvoir ne favorisent pas seulement la promotion de cultes anciens comme celui d’Edmond ; ils « fabriquent » de toute pièce des rois-martyrs comme Édouard II et Henri VI. Mais tandis qu’Edmond est un martyr de la foi, nos souverains des XIVe-XVe siècles sont plutôt des martyrs politiques.
18Durant tout son règne, Édouard II d’Angleterre a été un souverain controversé notamment en raison de la place qu’il a accordée à ses favoris successifs Piers Gaveston et Hugues Despenser41. Ils possédaient sur lui un grand ascendant et il leur avait abandonné une part importante de son pouvoir. L’opposition aristocratique se cristallisa autour de la reine, Isabelle de France qui organisa avec son amant Roger Mortimer l’arrestation et l’emprisonnement de son mari, d’abord à Kenilworth puis au château de Berkeley. Quelques mois plus tard, on annonça la mort d’Édouard, annonce stupéfiante car le roi était en parfaite santé au moment de son arrestation. Il n’en fallait pas moins pour lancer la rumeur de son assassinat, un assassinat présenté de manière particulièrement barbare dans une chronique postérieure de quelques années aux évènements : la chronique de Ranulf Higden42. Mais plus que son supplice par le fer, sur lequel nous n’avons pas de sources totalement crédibles, ce sont les épreuves endurées par le roi à la fin de sa vie qui sont à l’origine de sa réputation de sainteté : la trahison de sa femme, son abdication forcée au bénéfice de son fils, son emprisonnement. Ces tourments sont présentés l’année même de sa mort dans un poème intitulé “Lament of Edward II” censé avoir été écrit par Édouard lui-même, ce que plusieurs études ont largement mis en doute43. Le poème évoque les évènements mais il est avant tout un texte d’édification morale. Il exprime la peine de la déposition (l. 19-20, 45) et de la captivité (l. 16, 81-82), ainsi que la perte de l’amour de la reine (l. 61-62). Le ton est plein d’humilité et de contrition, ce qui ne correspond guère d’ailleurs à la personnalité du roi : Édouard s’y repend de ses mauvaises actions, regrette d’avoir été mal entouré (l. 29-30) et demande pardon à Dieu : « Hay sire de salu jeo me repent/Et de toutz mes mals vus cri merci !/Ceo qe le corps soufre de torment/Soit a l’alme joie et merci (l. 21-24). » L’image donnée par les chroniques rédigées dans les années 1340 est assez similaire, comme la chronique d’Adam Murimuth44. Ainsi Édouard devient-il un martyr par l’association de deux images, celle, publique, de la victime politique et celle, privée, du pécheur repenti.
19Le contexte religieux joue probablement un rôle important dans le choix de ce modèle de sainteté. Depuis Latran IV (1215) en effet, les pratiques pénitentielles et la théologie morale se sont développées – on insiste sur la confession comme acte pénitentiel et satisfactoire. Il est d’ailleurs de bon ton, pour favoriser son image, que le roi se présente lui-même comme un pénitent. Ainsi Louis IX, qui semble avoir porté régulièrement un cilice, prescrit-il à son fils une confession fréquente45. Dans un poème écrit de son vivant et connu sous le nom des Rêves d’Adam Davy (vers 1307-1308), Édouard II est lui-même décrit souffrant, à l’instar du Christ (battu par deux chevaliers) ou encore mis en scène à Rome, vêtu de la tunique des pénitents, les jambes couvertes de sang46. Il n’est pas impossible que cette image du roi ait été aussi très largement influencée par la propagande du nouveau régime destinée à faire accepter l’impensable déposition du souverain. Claire Valente a récemment montré qu’il y avait eu une tentative de réécriture des évènements plaçant l’abdication volontaire du roi – conscient de ses fautes et de ses faiblesses et plein de contrition – avant sa déposition au Parlement, la rendant, de fait, acceptable47. Ce qui est tout à fait paradoxal d’ailleurs car Isabelle et Mortimer, responsables de la mort d’Édouard n’ont évidemment pas cherché à promouvoir son culte.
20Ce sont en réalité Édouard III et Richard II qui en sont les véritables artisans et, comme le souligne Simon Walker, ce qui distingue véritablement ce culte des autres « cultes politiques » (celui d’aristocrates traîtres par exemple), c’est précisément cette implication du pouvoir. Malgré l’émotion qu’ont pu susciter la déposition et l’annonce de la mort d’Édouard, celui-ci, qui était assez peu populaire, n’a probablement pas bénéficié d’une dévotion immédiate, ni de grande ampleur48. Le contexte politique ne s’y prêtait guère. Isabelle et Mortimer faisaient régner une sorte de terreur qui est bien illustrée par le chroniqueur de Saint Pierre lorsqu’il explique que plusieurs monastères avaient refusé de recevoir le corps du roi par peur de représailles49. C’est donc seulement quelques années plus tard, lorsqu’Édouard commence son règne personnel, que le culte se développe avec le soutien des moines de Gloucester qui y voient probablement une opportunité pour leur abbaye. La promotion du culte paternel s’inscrit dans une politique générale d’Édouard visant à rapprocher la monarchie des saints anglais. Ainsi a-t-il favorisé le culte de saint Thomas Becket, de Thomas de Cantilupe, mais surtout des saints rois : Edmond et Édouard le Confesseur. Le discours hagiographique s’est ainsi érigé en moyen de propagande. Mark Ormrod a aussi montré qu’Édouard III s’est particulièrement intéressé à la mémoire de son père quand des rumeurs ont commencé à circuler prétendant que le roi, qu’on avait cru mort, était en vie et qu’il était sur le point de récupérer sa couronne50. En 1343, Édouard III visite le tombeau de son père et offre un bateau d’or sur l’autel de Gloucester. La chronique de l’abbaye de Saint-Pierre laisse penser qu’un culte populaire, assez important, s’est ensuite développé (plebis frequentatio ; multitudinem populorum) et que les dons qu’il a fait affluer à Gloucester auraient permis la construction de la cathédrale51. Mais les preuves manifestes d’une dévotion restent tout de même limitées et il est raisonnable de penser que si culte il y a eu, ce fut un culte régional, limité à l’Ouest de l’Angleterre52.
21À la suite de son grand-père, Richard II a lui aussi cherché à instrumentaliser le martyr d’Édouard et oppose ce modèle de repentir à ses barons les plus indisciplinés en particulier durant la crise des appelants en 1385 et 1398. Il va même jusqu’à demander une canonisation de son ancêtre et, pour cela, envoie à Rome l’évêque de Lichfield, Richard Scrope53. Il adresse une lettre au souverain pontife (Urbain VI) dans laquelle il justifie sa demande par les miracles survenus sur la tombe d’Édouard (un livre aurait d’ailleurs été rédigé à cette occasion sur ces miracles qui a malheureusement disparu)54. Il ne reprend rien, en revanche, de l’image martyriale construite jusque-là par la propagande royale. Nous savons que cette canonisation ne fut jamais acceptée et que le culte a probablement disparu après l’usurpation d’Henri IV en 1399. La continuation de la Vita Edouardi secundi se fait l’écho des réticences de l’Église :
« On discute souvent ses mérites à figurer au nombre des saints [...] mais en vérité, ni son incarcération, ni la fréquence de ses aumônes ou ses miracles – choses qui ne comptent pas – ne prouvent qu’une personne est sainte si sa vie a manqué de sainteté55. »
22Les spécialistes de la question, Simon Walker et Danna Piroyansky, pensent surtout que ce culte a échoué parce qu’il ne fut pas soutenu par un mouvement populaire assez important et parce qu’il n’était pas porteur d’un message d’harmonie et de concorde nationale56.
23Que dire maintenant du culte d’Henri VI ? Nous pouvons souligner qu’il présente un certain nombre de similitudes avec celui d’Édouard : il s’agit d’un culte fondamentalement politique où la propagande récupère un modèle hagiographique pour construire de toute pièce une réputation de sainteté et servir les intérêts du pouvoir en place. Bertram Wolffe a montré que ce culte a été promu par Henri VII pour faire oublier les échecs politiques de son oncle, tout en valorisant l’image de la monarchie en ajoutant un saint-martyr supplémentaire à la galerie des rois d’Angleterre57.
24Au moment de sa mort, Henri VI est peu populaire ; son règne a été marqué par des défaites militaires (perte de la Normandie en 1450, perte de la Guyenne en 1453), des erreurs politiques et des crises de folie récurrentes. En 1464, alors qu’il avait déjà très largement abdiqué tout pouvoir réel au profit d’Édouard iv, il est capturé et reconnaît la perte de son trône. Défendu par les légitimistes à la tête desquels se trouve son épouse Marguerite d’Anjou et au bénéfice de rivalités aristocratiques violentes (guerre des deux roses), Henri recouvre ses pouvoirs en octobre 1470. Mais il est à nouveau pris et emprisonné l’année suivante et probablement assassiné en prison. Comme pour Édouard ii, sa mort, peu documentée, ne constitue pas le motif de son martyre, à l’inverse de ses dix dernières années de vie, marquées par un mauvais traitement : déposition, exil, séparation d’avec sa femme et son fils, pauvreté, humiliation publique et emprisonnement. Le discours hagiographique qui se construit autour du personnage après sa mort, notamment sous le plume de son chapelain John Blacman en 1480, fait d’Henri VI un souffre-passion à l’image de Job58. Parmi les thèmes que développe cette hagiographie, celui de l’innocence du roi domine très largement et rend d’autant plus injuste et terrible le traitement qui lui est infligé. Ce thème n’est probablement pas autre chose, au départ, qu’un héritage des débuts du règne d’Henri VI. En 1429, en effet, John Lydgate, moine de Bury-Saint-Edmund, avait composé un poème pour commémorer le couronnement du prince qui n’avait alors que huit ans : sa jeunesse et son innocence y étaient célébrées. On retrouve également ces thèmes dans le Liber de Illustribus Henricis, offert au roi par John Capgrave vers 144659. Il est significatif d’ailleurs que l’iconographie du roi, avant comme après sa mort, ait privilégié cette image de jeunesse. Du point de vue du discours religieux, se dessine un lien avec un topos des martyrologes : celui de l’enfant martyr pur et vierge injustement tué. Plusieurs miracles attribués à Henri confirment ce lien avec les enfants : sur 138 miracles qui lui sont attribués, 31 concernent des petits de moins de 5 ans et 24 des jeunes gens60. En dépit de cette spécificité, Henri VI est également présenté par Blacman comme un modèle de piété laïque, à l’instar de saint Louis, ce que relaient de nombreuses chroniques de la fin du XVe siècle, notamment la chronique de Crowland61 : dévotion, ascétisme, charité et chasteté dans le mariage sont les principales vertus du roi qui mérite, d’après cette littérature, sa réputation de sainteté. On le compare volontiers sur ces points à saint Edmond62.
25Mais cette dimension religieuse ne doit pas faire oublier que ce culte a d’abord été une arme anti-yorkiste et qu’il s’inscrit au cœur de la propagande dynastique des Tudor. Un certain nombre de miracles attribués à Henri ont d’ailleurs une dimension politique évidente comme la guérison d’une jeune fille atteinte par les écrouelles que ses parents avaient refusé de présenter à Richard III l’usurpateur63. Henri VI était le demi-frère d’Edmond Tudor, le père d’Henri VII et nous savons que le lien oncle-neveu était fort au Moyen Âge. Henri VII instrumentalise l’image de son oncle pour consolider sa légitimité. Il est édifiant de constater que sous son règne, ni la déposition du roi (par deux fois !), ni son inaptitude réelle à gouverner n’ont affecté son iconographie posthume, puisqu’il conserve ses attributs de roi : son sceptre, sa couronne et son globe.
26Dans sa logique de propagande, Henri VII a cherché à faire reconnaître la sainteté (plus que le martyre) de son parent64. Aussi a-t-il adressé des lettres à trois papes successifs : Innocent VIII, Alexandre VI et Jules II, qui se gardèrent bien de rejeter la demande du souverain anglais mais exigèrent des compléments d’enquête ce qui permettait de faire traîner l’affaire65. Au final, la canonisation n’eut jamais lieu. Mais le culte, qui était très populaire, a perduré pendant plusieurs décennies. Ses promoteurs avaient eu la bonne idée de faire d’Henri VI un saint guérisseur66 ce qui, dans une société largement ébranlée par les épidémies, notamment les vagues récurrentes de peste, lui a assuré un grand succès67 – de nouvelles épidémies sont attestées dans les années 1470, en 1499, 1509-1510, 1516-1517 et 1527-1530. Les registres de miracles montrent que les pèlerins qui se déplacent sur la tombe du roi viennent, en effet, de toute l’Angleterre et même du Pays de Galles ou de l’Irlande68. Le déclin du culte coïncide avec l’apaisement de ces épidémies et surtout avec l’évolution des pratiques religieuses : au XVIe siècle, les hommes ne vont plus guère en pèlerinage et ne pratiquent plus le culte des saints69.
27Pour conclure, nous espérons avoir montré à quel point discours religieux et politique s’entremêlent dans la construction du « martyr hors la foi ». La volonté politique est à l’origine de la fabrique du martyr. Il s’agit d’un processus de re-légitimation des souverains malmenés puisqu’ils deviennent des modèles : modèle du repentir et de la pénitence pour Édouard, modèle de la piété laïque pour Henri VI. Mais leurs cultes sont surtout une forme de protestation contre le triomphe du non-droit et pallient l’indignation suscitée par la mort d’un oint du Seigneur. Ils tendent à rétablir l’ordre, l’harmonie et la cohésion sociale ou sont utilisés pour défendre une cause, soutenir une dynastie, asseoir une légitimité. Nous constatons toutefois à quel point ces cultes non reconnus par l’Église restent éphémères : sur le terrain du religieux, le politique ne peut pas tout...
Notes de bas de page
1 Au Moyen Âge, la majorité des princes réputés « martyrs » sont morts en défenseurs de la foi comme Oswald, roi de Northumbrie tué et démembré par le roi Penda de Mercie en 642, Edmond, roi d’East Anglia massacré vers 869-870 par les Danois, Venceslas, duc de Bohême, et Étienne de Hongrie. La plupart de ces martyrs ont acquis une sainteté officielle.
2 John W. McKenna, “Piety and Propaganda: the Cult of King Henry VI”, Beryl Rowland (dir.), Chaucer and Middle English Studies, Londres, Kent State Univ Press, 1974 ; John M. Theilmann, “Political Canonization and Political Symbolism in Medieval England”, Journal of British Studies, 29, 1990, p. 241-266; Simon Walker, “Political Saints in Later Medieval England”, Richard H. Britnell, A. J. Pollard (dir.) The McFarlane Legacy : Studies in Late Medieval Politics and Society, Stroud, Palgrave Macmillan, 1995, p. 77-106.
3 Philippe de Beaumanoir, Coutumes du Beauvoisis, éd. Auguste-Arthur Beugnot, Renouard, Paris, 1842, t. 1, chap. xxx, § 61, p. 429.
4 Voir Jean-Philippe Genet, “Murdering the Anointed”, Robert Von Friedeburg (dir.), Murder and Monarchy. Regicide in European History, 1300-1800, Londres, Palgrave Macmillan, 2004, p. 83-95.
5 En 1184, Pierre de Blois, clerc de l’entourage d’Henri II Plantagenêt, qualifie ainsi le roi : sanctus et christus Domini est, Epistolae, no CL, dans Patrologia Latina (cité ensuite PL), éd. J.-P. Migne, t. 207, col. 440. Trad. Egbert Türk, Pierre de Blois. Ambitions et remords sous les Plantegenêt, Turnhout, Brepols, 2006, no 48, p. 256.
6 Ps 105, 15.
7 Walter Ullmann, The Carolingian Renaissance and the Idea of Kingship, Londres, Routledge, 1969, p. 71 sq..
8 Magna enim est hujus efficacia sacramenti [...] mutatus est invirum alium et insiliente in eum spiritu Domini, Pierre de Blois, Epistolae, no X, PL, t. 207, col. 28-29, trad. Egbert Türk, op. cit., no 36, p. 183. La manifestation matérielle de cette transformation est la possibilité pour le roi de faire des miracles par l’imposition des mains. Les rois touchent en particulier les écrouelles (inflammation des ganglions lymphatiques due au bacille de la tuberculose). Voir Pierre de Blois, Ibid. CL, col 440, trad. Egbert Türk, op. cit., no 48, p. 256 ; Marc Bloch, Les rois thaumaturges, étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, 1983 [1924], p. 41.
9 Interpolant les données de Grégoire de Tours, Hincmar de Reims relate que la sainte ampoule fut apportée miraculeusement lors du baptême de Clovis, Vita Remigii, MGH, SS. rer. Merov, III, c. 15, p. 297.
10 Lettre de Jean XXII à Édouard II, Avignon, 4 juin 1318, English Coronation Records, éd. Leopold G. Wickham Legg, Westminster, A. Constable, 1901, p. 69-72.
11 Jean Gerson, « Vivat rex », Œuvres complètes, éd. Palémon Glorieux, t. vii, Paris, 1968, p. 1140.
12 Rom. 13, 1-2.
13 I Sam. 26, 9.
14 Tolède iv, can. 75, Concilios visigóticos e hispano-romanos, éd. et trad. José Vives, Barcelone-Madrid, CSIC-Instituto Enrique Flórez, 1963, p. 217-223 ; Yves Sassier, Royauté et idéologie au Moyen Âge, Paris, Armand Colin, 2002, p. 111.
15 Dextram cum framea ferientem super caput leuauerat quod (per pontificale ministerium) sacro chrismate delinitum fuerat, Orderic Vital, The Ecclesiastical History of Orderic Vitalis, éd. Marjorie Chibnall, Oxford, Clarendon Press, 1980, vol. VI, p. 238.
16 O vos qui placetis vobis, in turbis data est vobis potestas a deo, qui interrogabit opera et cogitationes vestras, quoniam cum essetis ministri regni illius, non recte iudicastis neque secundum dei volontatem ambulastis. Horrende et cito apparebit vobis, quoniam iudicium durissimum his qui presunt fiet, exiguo enim conceditur misericordia et forcioribus instat cruciatus, Pierre de Blois, Dialogus inter regem Henricum II et abbatem Bonnevallis, éd. R. B. C. Huygens, Revue Bénédictine, 68, 1958, p. 105.
17 Tolède iv, can. 75, op. cit., p. 220-221.
18 La mission du roi est définie dans l’Admonitio generalis (789) par exemple : le roi a pour tâche de guider ses sujets vers la rédemption et de « conduire le peuple de Dieu au pâturage de la vie éternelle », Capitularia regum Francorum, éd. A. Boretius, MGH, Hanovre, 1883, i, p. 52. Le mot regimen (gouvernement) appartient d’ailleurs au vocabulaire spirituel, c’est, à l’origine, le regimen animarum. Voir Michel Senellart, Les Arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Seuil, 1995, notamment p. 41.
19 John G. Bellamy, The Law of Treason in England in the Middle Ages, Cambridge, Cambridge University Press, 2004 [1ère éd. 1970]; Simon H. Cuttler, The Law of Treason and Treason Trials in the Later Medieval France, Cambridge, Cambridge University Press, 2003 [1re éd. 1981].
20 Jean-Philippe Genet, « La monarchie anglaise : une image brouillée », Joël Blanchard (dir.), Représentation, pouvoir, royauté à la fin du Moyen Âge, Paris, Picard, 1995, p. 93-107.
21 Lettre de François Hallé, avocat du roi, au chancelier, 10 septembre 1482, Lettres de Louis XI, roi de France, éd. Joseph Vaesen, Étienne Charavay, Paris, Renouard, 1905, t. ix, p. 359.
22 I Pe 2, 18.
23 I Pe 2, 19.
24 Ac 5, 29.
25 Mario Turchetti, « “Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes”. Aux sources théologiques du droit de résistance au siècle de la Réforme », Jean-Claude Zancarini (dir.), Le droit de résistance, Fontenay-aux-Roses, ENS éditions, 1999, p. 71-102.
26 « Dictatus papae », Gregorii VII Registrum, mgh, Epistolae selectae in usum scholarum, éd. Erich Caspar, Berlin, 1967, I, p. 204.
27 Adae Murimuth Continuatio Chronicarum. Robertus de Avesbury de Gestis Mirabilibus Regis Edwardi Tertii, éd. Edward M. Thompson, R. S. 93, Londres, 1889, p. 326.
28 “For legiance without love litill thinge availith”, Richard the Redeless and Mum and the Sothsegger, éd. James Dean, Kalamazoo, 2000 (www.lib.rochester.edu/camelot/teams/tmsmenu.htm), i, v. 111. Un large passage du poème est édité dans Aude Mairey, Une Angleterre entre rêve et réalité. Littérature et société dans l’Angleterre du XIVe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007, p. 137-138.
29 Saint Thomas d’Aquin, De regimine Principum, éd. la Gazette française, Paris, 1926, i, chap. 6.
30 Franklin L. Ford, Le meurtre politique. Du tyrannicide au terrorisme, PUF, Paris, 1990 [1985], p. 189.
31 La Chronique de Lichfield s’en fait l’écho : elle ne nomme pas Parlement l’assemblée qui dépose Édouard mais « council », voir Claire Valente, “The Deposition and Abdication of Edward II”, English Historical Review, vol. 113, no 453, p. 862.
32 Franklin L. Ford, op. cit., p. 189.
33 Jean de Salisbury, Policratici sive De nugis curialium et vestigiis philosophorum libri VIII, éd. C. C. J. Webb, Oxford, Clarendon, 1965[1909], viii, 17.
34 Jean de Salisbury, Policraticus I-IV, éd. K. S. B. Keats-Rohan, Brepols (Corpus Christianorum. Continuatio Mediaevalis, 118), Turnhout, 1993, iii, 15.
35 Cicéron, De officiis, iii, 6 [http://webu2.upmf-grenoble.fr/DroitRomain/Francogallica/deofficiis3fran.htm] d’après Cicéron, De la vieillesse, de l’amitié, des devoirs, trad. Ch. Appuhn, Paris, 1933. Aristote qui déclare pourtant que « la tyrannie est le pire des gouvernements » ne valide pas, pour sa part, le tyrannicide, Politique, Livre v, chap xi.
36 Les pères de l’Église eux-mêmes ont du mal à dépasser ces contradictions. Saint Ambroise (v. 335-397), par exemple, défend le principe de la désobéissance, sans aller jusqu’au régicide, De paradiso, 6, PL, t. 14, col. 287, tandis que saint Augustin (354-430) prône plutôt l’obéissance tout en admettant des exceptions : « quelquefois Dieu ordonne le meurtre soit par une loi générale, soit par un commandement temporaire et particulier », La cité de Dieu, trad. Louis Moreau, Seuil, Paris, 2004 [1854], i, xxi.
37 Jacques Krynen, L’Empire du roi. Idées et croyances politiques en France, XIIIe-XVe siècle, Paris, Gallimard, 1993, p. 361.
38 André Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge d’après les procès de canonisation et les documents hagiographiques, Paris, De Boccard, 1994, p. 181.
39 Maïté Billoré, « La monarchie anglo-normande face à la conspiration. La révolte des Earls de 1075 », Corinne Leveleux-Teixeira, Bernard Ribémont (dir.), Le Crime de l’ombre. Complots, conspirations et conjurations au Moyen Âge, Paris, Klincksieck, 2010, p. 41-62 ; « Le corps outragé d’Evesham. À propos de la mort du comte Simon de Montfort (4 août 1265) », Lydie Bodiou et alii (dir.), Corps outragés, corps ravagés de l’Antiquité au Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2011, p. 473-488 ; J. C. Russell, The Canonization of Opposition to the King in Angevin England, New York, Haskins Anniversary Essays, 1929, p. 280-289.
40 National Gallery, Londres.
41 Natalie Fryde, The Tyranny and Fall of Edward II. 1321-1326, Cambridge, Cambridge University Press, 1979 ; Claire Valente, “The deposition”, art. cit., p. 852-881 ; Roy Martin Haines, King Edward II : his Life, his Reign, and its Aftermath, 1284-1330, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2003.
42 Polychronicon Ranulphi Higden monachi Cestrensis, éd. Joseph R. Lumby, Longman, Londres, 1882, VIII, chap. xliv, p. 324 ; Higden († 1364) précisa que le roi avait été tué cum veru ignito inter celanda confossus. Cette version fut ensuite reprise par plusieurs chroniqueurs, notamment Geoffrey the Baker (+ 1360), Chronicon Angliae temporibus Edwardi II et Edwardi III, éd. John A. Giles, Londres, 1847, p. 95.
43 Paul Studer, “An Anglo-Norman poem by Edward II, king of England”, The Modern Language Review, vol. 16, 1921, p. 34-46. Pour le poème, p. 40-43. Pour une mise au point sur le débat historiographique concernant l’auteur du poème : Claire Valente, “The Lament of Edward II. Religious Lyric, Political Propaganda”, Speculum, no 77, 2002, p. 422-439.
44 Quibus auditis, ipse cum fletu et ejulatu (avec des pleurs et des lamentations) respondit quod ipse multum doluit de eo quod sic demeruit erga populum sui regni, Adae Murimuth Continuatio, op. cit., p. 51.
45 Henri-François Delaborde, « Le texte primitif des Enseignements de Saint Louis à son fils », BEC, no 73, 1912, p. 73-100 et 237-262, ici paragraphes 5 et 10 par exemple, p. 240, 241.
46 Adam Davy’s Dreams about Edward the Second, éd. Frederick James Furnivall, Londres, 1878.
47 Claire Valente, “The Déposition”, art. cit., p. 869-871.
48 Le manque de popularité d’Édouard II se manifeste par le recul de la pratique du toucher des écrouelles : 214 cas en 1316, 79 entre juillet 1320 et juillet 1321 (contre 885 pour Édouard III entre juillet 1338 et mai 1340) : « À un monarque sans prestige, écrit Marc Bloch, on ne demandait plus guère de guérisons », Les rois thaumaturges, op. cit., p. 103.
49 Historia et cartularium Monasterii Sancti Petri Gloucestriae, éd. W. H. Hart, RS 33, Londres, 1863, vol. i, p. 44.
50 Mark Ormrod, “The Personal Religion of Edward III”, Speculum, no 66, 1989, p. 858-60.
51 Historia et cartularium, op. cit., i, p. 46.
52 Simon Walker, art. cit., p. 84.
53 Sur les efforts faits par Richard pour faire canoniser Édouard, voir John M. Theilmann, art. cit., p. 257.
54 The diplomatic Correspondance of Richard II, éd. Édouard Perroy, Londres, Camden Soc., 1933, p. 62-63 et 210.
55 De cuius meritis an inter sanctos numerandus sit frequens in vulgo..., sed revera nec carceris inclusion nec etiam oblationum frequentia aut miraculorum simulacra, cum talia sint indifferentia, quemquam sanctum probant nisi corresponderet sanctimonia vite precedentis. Monachi cuiusdam Malmesberiensis Vita Edwardi II dans Chronicles of the Reigns of Edward I and Edward II, éd. William Stubbs, RS. 76, Londres, 1883, p. 290.
56 Simon Walker, art. cit., p. 90-91; Danna Piroyansky, Martyr in the Making : Political Martyrdom in the Late Medieval England, New York, Palgrave Macmillan, 2008, p. 121. Nous savons, en effet, que ce qui motive Richard II est le conflit qui l’oppose à ses barons.
57 Bertram Wolffe, Henry VI, Londres, Yale University Press, 2001 [1981] ; Ralph Allan Griffiths, The Reign of King Henry VI, Stroud, Sutton Publishing, 1998 [1re éd. 1981].
58 Henry the Sixth : A Reprint of John Blacman’s Memoir, éd. M. R. James, Cambridge University Press, Cambridge, 1919. Parmi les ouvrages qui en font un martyr, nous pouvons également citer Knyghthode and Bataile : a XVth Century Verse Paraphrase of Flavius Vegetius Renatus’Treatise « De Re Militari », éd. R. Dyboski, Z. M. Arend, Londres, Oxford university Press, 1971 [1ère éd. 1935].
59 John Capgrave, The Book of the Illustrious Henries, éd. Francis Charles Hingeston, Londres, Longman, 1858 [rééd. récente, Nabu Press, 2010].
60 The Miracles of King Henry VI, éd. Ronald Knox, Shane Lesley, Cambridge, Cambridge University Press, 1923.
61 The Crowland Chronicle Continuation (1459-1486), éd. Nicholas Pronay, John Cox, 1986, p. 128-130.
62 Henry the Sixth, op. cit..
63 The Miracles, op. cit., p. 109-110; voir Eamon Duffy, The Stripping of the Altars : Traditional Religion in England, c. 1400-c. 1580, Londres, Yale University Press, 2005 [1re éd. 1992], p. 165.
64 Les lettres qu’Henri VII adresse au pape mettent en valeur la piété du roi et les miracles produits sur sa tombe, pas ses souffrances. On craint probablement que le rappel de ces évènements ne soit contreproductif et ravive les tensions politiques. Concilia Magnae Britanniae et Hiberniae, 446-1717, éd. David Wilkins, Bruxelles, 1964 [1737], vol. iii, p. 640.
65 Alexandre demande un complément d’enquête en 1494, Julius en 1504 et 1507. Voir Calendar of Entries in the Papal Registers Relating to Great Britain and Ireland, Papal Letters, éd. Michael J. Haren, RS 159, vol. 18, Dublin, 1989, p. 150, 566-67.
66 Il guérit de la peste, de fortes fièvres, de migraines : The Miracles, op. cit., p. 5, 82, 128, 129, 132, 146, 147.
67 Danna Piroyansky, op. cit., p. 85-87.
68 Ibid., p. 79. The Miracles, op. cit., p. 16.
69 Eamon Duffy, op. cit., p. 385, 398, 407.
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