La capitulation est dans la rue ? Retour sur les volontés de résistance ou de reddition des villes face à l’ennemi au cours de la guerre de 1870
p. 145-180
Texte intégral
1Depuis les travaux de Stéphane Audoin-Rouzeau, qui invitaient à ne pas opposer trop schématiquement le patriotisme des populations urbaines à l’indifférence du monde rural1 au cours de la guerre de 1870, le chantier que représente l’évaluation et la compréhension des processus de résistance et de reddition urbaines et rurales durant ce conflit n’a guère progressé. L’historiographie a depuis fait sienne cette invitation à nuancer la « légende noire » du comportement paysan tout en considérant qu’il y eut bien une « nette différence en matière de volonté de résistance entre ruraux et urbains2 ». Les exemples de villes se défendant à l’arrivée de l’ennemi ne sont pourtant guère nombreux. L’histoire a plus particulièrement retenu les résistances de Châteaudun, Saint-Quentin, Dijon, voire Rambervillers, toutes quatre décorées de la Légion d’honneur pour leur résistance en 18703. La liste n’est certes pas exhaustive, mais elle ne peut être beaucoup allongée car les défenseurs de ces villes n’ont pas eu de nombreux émules. Encore convient-il de s’entendre sur le caractère de ces résistances : dans la ville et par les habitants seuls, dans la ville avec l’aide d’une partie d’entre eux ou dans la ville contre l’avis du plus grand nombre et de la municipalité ? Ce point crucial, sur lequel nous reviendrons, permet de nuancer l’élan en faveur de la résistance à outrance de ces villes ouvertes, dont l’exemple devait produire, selon le gouvernement de Défense nationale, un puissant effet moral sur le pays. Avec Stéphane Audoin-Rouzeau, nous considérons que l’attitude des cités de taille modeste ou moyenne est révélatrice de la volonté de défense d’une grande partie des populations citadines, souvent « guère plus marquée que celle des campagnes environnantes4 ». Nombreuses furent ces villes à faire désarmer préventivement leur garde nationale pour ne pas s’exposer à des représailles de la part de l’ennemi.
2Partant du constat qu’il exista une « marge souvent importante entre les résolutions initiales, telles qu’elles se manifest[ai]ent à bonne distance de l’ennemi, parmi les populations urbaines, et les actions concrètes une fois ce dernier aux portes5 » de la ville, nous interrogerons les facteurs ayant favorisé ou inhibé l’expression de ce patriotisme, que l’historiographie suppose plus populaire que bourgeois, et sa transformation en défense armée active une fois venue l’épreuve du feu. Il s’agit en somme d’analyser les stratégies et les réactions des différents acteurs et groupes présents dans les villes menacées (administrateurs, militaires et populations), ainsi que les intérêts, les logiques et les différentes formes de mobilisation des habitants en fonction de leur statut socioprofessionnel et de leur position, pour mettre en lumière les forces et les tensions qui travaillent la ville et déterminent son comportement face à l’ennemi ou face à ses « défenseurs ».
3Ce questionnement, nous souhaitons le mener dans deux cadres urbains bien différents : celui des villes fortifiées et celui des villes dites ouvertes. Les études de cas sur lesquelles repose notre analyse traitent principalement de villes de l’Aisne, département très tôt envahi, ayant rendu trois places fortes et s’étant illustré par la résistance de Saint-Quentin. La diversité des situations qu’il présente ne suffisant pas à épuiser un sujet qui appelle encore de nombreuses études, les exemples pris à travers la France envahie afin d’effectuer les comparaisons nécessaires avec d’autres départements sont tributaires d’une littérature de seconde main, faute d’un accès direct aux sources locales.
« Tant qu’il restera un boulet, une cartouche, un biscuit »...
Une citadelle encombrante
4Laon, préfecture de l’Aisne, où près de 70 % des 2 459 électeurs inscrits votèrent oui au plébiscite de mai6, comptait environ 10 000 habitants en 1870. Place de guerre déclassée en 18667, dont la position défensive fut jugée admirable par Vinoy lors de la retraite du 13e Corps vers Paris au début du mois de septembre, elle ne pouvait pourtant, de l’avis du même, opposer une longue résistance en cas d’investissement faute de vivres, de munitions et d’un matériel d’artillerie suffisant8. Qui plus est, cherchant, avec le préfet impérial – dont le zèle à réchauffer le patriotisme laonnois lui valut un internement de plusieurs mois en Allemagne9 – à inspirer à la population la volonté de se défendre, il n’y trouva que « terreur » et « inertie générale » et ne parvint qu’à lui faire comprendre « qu’elle ne devait se rendre qu’à un ennemi assez considérable pour que sa capitulation ne fût pas déshonorante10 ». Le lendemain matin 6 septembre, le Corps Vinoy avait complètement évacué la ville, ne la laissant défendue que par un bataillon de mobiles de l’Aisne recrutés dans l’arrondissement, sa garde nationale et ses sapeurs-pompiers. Le soir même, les premiers uhlans faisaient leur apparition : une trentaine d’entre eux remontaient la rampe menant à la ville sous l’œil de curieux quand les mobiles de la citadelle, alertés par les clameurs de la foule, déchargèrent leurs fusils qui blessèrent deux Laonnois sans atteindre un seul cavalier. Les trois prisonniers faits ce jour ne durent leur capture qu’à la roideur d’une pente qui les démonta dans leur fuite11. La population mesurait alors la valeur de ses défenseurs. Quant au conseil municipal, déjà ouvertement en conflit avec le préfet et le commandant de place, le général Thérémin d’Hame, à qui il reprochait dès le 28 août l’insuffisance des moyens pris par l’autorité militaire pour la défense de la ville12, il renonçait de peu, avant l’arrivée du parti de cavalerie, à afficher un manifeste signifiant que « La France abandonnant Laon, Laon n’avait plus qu’un devoir, celui de pourvoir, selon ses moyens, à sa propre sécurité13 ».
5Interrogé par Thérémin d’Hame sur la conduite à tenir devant la sommation d’un premier parlementaire allemand venu, le 7 septembre, demander la reddition sans condition de la place, le ministre de la Guerre, alors qu’il l’autorisait la veille à se replier sur Soissons avec sa troupe en cas d’approche de forces supérieures, intima l’ordre à ce général de tenir « tant qu’il restera[it] un boulet, une cartouche, un biscuit14 ». Ayant eu connaissance de cette injonction à la résistance, qui risquait d’attirer sur la ville un bombardement, des conseillers municipaux et des habitants allèrent trouver le préfet pour l’accuser, ainsi que le général, d’avoir trompé le gouvernement sur la situation de la citadelle et de la ville15. L’arrivée de ce premier parlementaire avait permis cette fois, d’éprouver après celle des mobiles, la pugnacité de la garde nationale sédentaire : à son approche, le poste situé près de l’hôtel de ville s’était vidé « comme par enchantement » et ce fut à grand-peine qu’on put réunir pour aller à la rencontre de l’émissaire sept ou huit hommes, armés de fusils « dans la plupart [desquels] la balle avait été mise avant la poudre16 ».
6L’autorité municipale, qui avait affirmé en conseil dès le 28 août, que « la ville [était] prête à tous les sacrifices pour la défense utile du plateau combinée avec celle de la citadelle si, de son côté, l’autorité militaire se met[tait] en mesure d’établir les redoutes et fournir l’artillerie nécessaire17 » prenait l’ascendant sur l’autorité préfectorale et militaire. Cette ingérence, « alors surtout que l’état de siège avait concentré tous les pouvoirs aux mains de l’autorité militaire », fut jugée bien intempestive par le préfet, qui avouait quelques années après les événements que « les divergences d’idées et de conduite, qui existèrent depuis l’approche de l’ennemi jusqu’à l’occupation de la ville, entre la municipalité d’une part, l’autorité militaire et le préfet de l’autre, furent une des difficultés les plus graves du moment18 ». Il faudrait, pour être complet, ajouter deux autres acteurs à cette équation déjà bien complexe : les mobiles, qui constituaient la seule garnison de la place, ainsi que les habitants de la ville.
7La venue d’un second parlementaire le 8 septembre précipita les événements. Si Laon ne se rendait pas, la ville serait brûlée et la garde mobile prisonnière de guerre19. Après avoir rencontré le général, qui refusait encore la reddition demandée, le comte Alvensleben fut entendu par le conseil municipal, plus décidé que jamais à l’issue de cet entretien – au cours duquel le maire Vinchon demanda que « la ville elle-même [fût] épargnée et que l’attaque n’[eût] lieu que du côté de la citadelle20 » – à obtenir « que la ville [fût] isolée de la citadelle et rendue irresponsable de la résistance ordonnée21 ». C’est en ce sens que le maire adressa un télégramme à Trochu pour l’informer que la ville serait bombardée et brûlée avant toute attaque de la citadelle :
« Le Maire et le Conseil municipal supplient le gouvernement de sauver la ville de l’incendie et du pillage. Ces affreux désastres n’auraient aucun profit pour la défense nationale, car la citadelle est dans l’impossibilité absolue de se tenir contre l’armée très nombreuse qui s’approche de la ville22. »
8Le matin, il interpellait le ministre de la Guerre sur l’utilité pour la Défense nationale d’une résistance qui aurait pour effet de sacrifier inutilement ses défenseurs et de risquer l’anéantissement de la ville, sans profit aucun pour la cause du pays23.
9Quant à la garde mobile, la promesse en cas de reddition d’une remise en liberté sur parole était un argument de poids pour des troupes inexpérimentées et découragées, dont l’effectif s’amenuisait chaque jour en raison des nombreuses désertions favorisées par le « peu d’éloignement de leurs foyers et [les] mauvais conseils de certains habitants24 ». Dans la nuit du 8 au 9 septembre, « 600 mobiles environ parvinrent à s’échapper de la citadelle » dans laquelle ils étaient confinés par ordre du général qui s’y était enfermé avec ses troupes en attendant la réponse du ministre, se soustrayant ainsi « aux menaces de représailles sanglantes de la part des habitants, au cas où ils tenteraient de se défendre contre l’ennemi25 ». Les intimidations d’une partie de la population furent également dirigées contre celui à qui revenait légalement la décision de rendre la place :
« Le soir, vers 7 heures, la nouvelle se répandit que le général était à dîner dans un restaurant de la ville. Aussitôt, un petit groupe, parti, dit-on, du cercle, se porta vers le restaurant, à l’effet de tenter, auprès de cet officier, une démarche ayant pour but d’en obtenir qu’il renonçât au projet de défendre la citadelle au détriment inévitable de la ville. Un rassemblement grossit ce premier noyau, et, bientôt, quelques personnes se mirent à barricader la porte de derrière du restaurant pour empêcher le général de s’évader de ce côté. Pendant ce temps, une députation lui avait été envoyée et l’avait trouvé inébranlable dans sa résolution. On parlementait encore, lorsqu’un détachement de gardes mobiles vint disperser la foule et dégager le général26. »
10Les multiples comptes rendus qui furent faits de ce même événement par ses différents protagonistes et divers rapporteurs méritent que l’on s’y attarde : l’étude de leurs divergences, si elle éloigne le lecteur de toute certitude quant au déroulement exact des faits et à leur intensité, éclaire les intentions respectives des différents acteurs/narrateurs ou rapporteurs/narrateurs, tant les dissonances entre les récits apparaissent intentionnelles.
11Immédiatement après l’événement, le maire évoque « une foule nombreuse et exaspérée [qui] s’est portée vers l’hôtel du général. Nos exhortations et nos efforts, faute de force publique, n’ont pu le dégager qu’à grande peine27 ». La foule projetait-elle d’enlever le commandant de place pour « le confiner à la mairie afin de le forcer à rendre la citadelle28 » comme l’affirma le lendemain Thérémin d’Hame ? Le maire tait l’intervention nécessaire des mobiles pour dégager le général, laquelle est confirmée par le chef même d’une compagnie venu secourir son supérieur qui évoque « un groupe assez considérable d’habitants de la ville29 ». Il est faux, selon le préfet Ferrand, « que dans une fraction quelconque de la population, ait été conçue et agitée l’idée d’arrêter le Général et de le livrer à l’ennemi » :
« Le rassemblement sans cri, sans tumulte, presque silencieux, qui se forma le 7 7bre [...] n’était composé que d’un petit nombre de personnes pour la plupart étrangères à la ville. Le maire était accouru tout de suite auprès du général et, avec le Préfet et le Procureur impérial, il l’accompagna jusqu’à la citadelle30. »
12Le rapport du principal intéressé parle d’« une foule énorme qui criait qu’il fallait enlever le général ». Il précise, qu’à peine rentré dans la citadelle accompagné des gardes mobiles qui l’avaient secouru, ceux-là vinrent se rassembler sous ses fenêtres « criant qu’ils ne voulaient pas se défendre, qu’ils ne monteraient plus sur les remparts, qu’ils voulaient qu’on leur ouvrît les portes, et s’en aller chez eux31 ». Au même moment, deux cents gardes mobiles retournaient dans leurs familles.
13Face aux menaces de la population à l’encontre des gardes mobiles, aux désertions massives de ces derniers « travaillés par les bourgeois [nous soulignons ce terme sur lequel nous reviendrons] et par les parents et amis de leur village32 », aux incessantes démarches de l’autorité municipale, le général n’attendait plus qu’un signe de son ministre pour se rendre. Celui-ci vint dans la nuit du 8 au 9 septembre, sous la forme d’un télégramme aussi laconique que sibyllin, adressé au général commandant à Laon et au conseil municipal, ce qui en dit long sur la confusion qui régnait entre autorité militaire et municipale, l’autorité préfectorale étant tout à fait tenue à l’écart de ces tractations : « Agissez devant la sommation selon les nécessités de la situation33. » Se rendant aux exhortations du maire, Thérémin d’Hame, ne croyant pas pouvoir opposer à l’ennemi une « défense convenable » et voulant éviter une « catastrophe aussi horrible que la destruction d’une ville chef-lieu de département où la population est actuellement très agglomérée », perçut dans ce télégramme l’autorisation implicite de se rendre. Il capitula le 9 septembre 1870, sans avoir opposé aucune résistance à l’ennemi.
S’ensevelir sous les ruines ?
14La seconde place de l’Aisne à capituler, Soissons, tombait plus d’un mois après le chef-lieu, « après s’être vigoureusement défendu [e] pendant quatre jours avec son artillerie34 », selon les termes de la dépêche militaire allemande annonçant l’événement. La ville, sous-préfecture d’une dizaine de milliers d’habitants, où l’on ne compta que 194 « non » pour 1 744 « oui » lors du plébiscite, commune bourgeoise où le commerce, l’administration et les services financiers dominaient largement l’artisanat et l’industrie (fonderie, briqueterie, fabrique de sucre et verrerie sont néanmoins présentes dans les faubourgs et les environs immédiats)35, ne semblait pourtant pas mieux disposée à la résistance que Laon. Toutes deux avaient assisté à la désastreuse retraite du 13e Corps, la garde mobile n’était pas des plus combatives, la place pas en mesure de se défendre longuement, la municipalité dubitative sur la suffisance des moyens de défense et l’intérêt pour la Défense nationale de voir raser la ville. Malgré la situation, le commandant de place renvoya deux parlementaires allemands venus le 10 septembre pour s’enquérir de ses intentions puis le 14 pour demander sa reddition36. En dépit de quelques projectiles lancés par des pièces de campagne et des nombreuses mesures fort impopulaires prises par de Nouë pour la mise en défense et la résistance de la place (inondations, coupes de bois, destructions et incendies de bâtiments et de maisons, bombardement des faubourgs37), le commandant résista donc à l’ennemi et à la population pendant plus d’un mois, quand son homologue de Laon se rendait sans avoir essuyé le moindre tir d’artillerie.
15Au moins trois facteurs concoururent à cette « résistance ». On sait qu’à Laon, le maire Vinchon, nommé sous l’Empire, prit rapidement l’ascendant sur Thérémin d’Hame et multiplia les démarches auprès d’un gouvernement de la Défense nationale présidé par Trochu. À Soissons, les problèmes posés par les élections et la désignation d’une nouvelle commission municipale ne permirent pas à l’édilité de peser aussi efficacement sur l’autorité militaire : de Nouë eut affaire au maire de l’Empire, Deviolaine, jusqu’au 23 septembre, à un bureau provisoire jusqu’au 1er octobre et, enfin, à une commission municipale présidée par Salleron à compter de cette date38. Alors que la garnison laonnoise n’était constituée que de mobiles de l’arrondissement, celle de Soissons comptait, outre deux bataillons de mobiles de l’Aisne (dont celui de l’arrondissement de Soissons), quelques troupes un peu moins « tendres » et étrangères au département, notamment le dépôt du 15e de ligne (1 600 hommes39). La valeur de ces troupes n’était pas parmi les plus élevées, mais on ne soulignera jamais assez l’importance des troupes de ligne dans l’encadrement de la mobile40. Enfin, la chronologie du siège de Soissons, qui se déroula en trois phases jusqu’à la capitulation, joua également. Durant la première, du 10 au 24 septembre, la place n’était pas un objectif prioritaire de l’ennemi qui la contournait41, habituant la population à son immédiate présence. La seconde, du 25 septembre au 8 octobre, fut celle de l’investissement au cours duquel les villages voisins subirent la présence ennemie et la garnison effectua quelques sorties. Enfin, le siège véritable eut lieu du 9 au 15 octobre. L’évolution et la gradation lente de l’intensité des hostilités contribuèrent à la fermeté des hommes de la place et des habitants de la ville, mais le bombardement eut vite raison des velléités de résistance.
16Quand celui-ci débuta, le 12 octobre au matin, l’issue de la lutte ne faisait aucun doute. Le lendemain, le commandant de place, sans demander quelles pouvaient être les conditions offertes, répondit au parlementaire venu le sommer de capituler que la place était décidée à la résistance, « sans s’occuper de ce qui s’était fait ailleurs42 ». De Nouë ne pouvait, après Laon, rendre Soissons sans une défense « honorable ». À l’inverse, suivant le même exemple, la municipalité ne pouvait rester passive quand celle du chef-lieu avait si bien su infléchir la décision militaire. Le 14 octobre, la commission municipale provisoire se réunit et conclut, dans un texte qu’elle adresse au conseil de défense, à l’inutilité de la prolongation de la lutte :
« Si l’anéantissement complet de notre ville, de ses habitants et de la troupe devait sauver la France, nous pourrions nous résigner à tous les sacrifices mais aujourd’hui il n’est plus possible de supposer que le sort de la capitale et de la France puisse dépendre de la résistance prolongée de la place de Soissons43. »
17La supplique ne sut infléchir le commandant de place, pas plus que les nombreuses lettres d’habitants qu’il recevait par ailleurs. Ces derniers tinrent donc des réunions pendant la nuit, desquelles il sortit « la détermination bien arrêtée d’employer tous les moyens pour décider le colonel de Nouë à capituler44 ». Salleron refusa de s’associer à la démarche de ses administrés – tout comme l’évêque, sollicité par une partie des habitants pour plaider la capitulation45 – mais s’adressa de nouveau, le 15 octobre, en son nom propre, au commandant. Ayant compris que seuls son honneur et son devoir de soldat faisaient obstacle à une capitulation à laquelle il refusait de se résigner, bien qu’elle ait dû lui apparaître, comme à tous, inéluctable, l’édile s’employait à le rassurer sur ce point :
« Dieu sait si la situation présente n’a pas couvert depuis hier encore votre responsabilité militaire... À vous d’apprécier jusqu’à quelle limite on doit aller pour avoir bien mérité de la Patrie, et si de plus grands sacrifices sont nécessaires et possibles46. »
18Le 15 octobre, de Nouë capitulait après quatre jours de bombardement, alors qu’une brèche était faite, que les incendies se déclaraient un peu partout en ville, et que ses bouches à feu étaient une à une rendues muettes par l’artillerie ennemie, au motif qu’« en tenant quelque peu que ce soit de plus, on eut amené la ruine complète de la ville avec le même résultat47 ». La même raison invoquée lors de son audition devant le Conseil d’enquête sur les capitulations (« la destruction complète de la place était imminente ; c’est ce qui a déterminé la reddition ») lui valut cette cinglante réponse de son président, le maréchal Baraguey d’Hilliers : « Vous étiez commandant de place pour défendre la place et non pour conserver les maisons. » Au général d’Aurelles de Paladines, qui tâchait d’en apprendre plus sur les moyens employés par la municipalité pour le décider à capituler, de Nouë reconnut l’envoi de lettres mais insista sur l’absence de « démarches en corps et verbales ». Et le général d’insister : « depuis combien de temps étiez-vous le commandant de la place ? » La réponse de l’ex-commandant de Soissons prit alors des allures de plaidoyer et d’aveu tout à la fois :
« Depuis trois ans. Mais je le répète, je n’avais pas de propriété dans la ville ; je n’avais pas de raisons personnelles pour rendre la place. J’ai fait ce que j’ai pu... J’ai pu me tromper, mais, en présence des incendies allumés de tous côtés, j’ai cru qu’il fallait capituler : militairement, j’ai peut-être manqué à mon devoir ; humainement, j’ai fait, je crois, ce que je devais faire48. »
19De Nouë n’a pas rendu la place sous l’effet immédiat de la pression de la municipalité et de la population, bien moindre qu’à Laon. Ne pouvant se résoudre à voir la ville brûler sans bénéfice pour la défense du pays, il capitula après les trois jours de résistance que son honneur de soldat lui imposait.
20La Fère, troisième place forte de l’Aisne à capituler, ne fut investie que le 15 novembre 1870, après que des troupes jusqu’alors occupées au siège de Metz furent amenées sous ses murs. Elle se rendit après trente heures d’un bombardement commencé le 25 novembre au matin49, au cours duquel « 3 500 obus tombèrent sur la malheureuse petite ville, qu’aisément on traverse en cinq minutes dans toute sa longueur50 » et qui comptait moins de 5 000 habitants. Un grand nombre de similarités existent avec les places précédemment évoquées. Comme elles, La Fère était insuffisamment défendue par une garnison inexpérimentée et mal équipée composée, hormis quelques francs-tireurs et ouvriers d’artillerie, de mobiles majoritairement originaires du département.
21Pour se débarrasser des éléments les plus indisciplinés et frondeurs, le commandant, le 11 septembre, invita « ceux qui ne se sentaient pas le courage de combattre l’ennemi » à « déposer les armes en avant de leur compagnie » pour qu’ils soient « ignominieusement conduits hors des fortifications ». Il put ainsi se débarrasser d’une centaine de mobiles qui, sans plus attendre, déposèrent leurs armes, se dépouillèrent de leurs blouses et képis et furent mis à la porte de la place51. À la fin du même mois, le commandant obtint le départ du bataillon le plus indocile52. Mesures insuffisantes au sein d’une place où chaque semaine amenait son lot de tentatives de désertion et de scènes d’insubordination. De tels comportements n’incitaient pas la population à la résistance et au respect de l’uniforme. Ce témoignage d’un mobile du Pas-de-Calais, chargé de la surveillance des travaux de défense, interpellé par un ouvrier, est éclairant sur l’état d’esprit des habitants de La Fère et plus généralement sur l’opinion que les populations menacées des petites villes pouvaient avoir de ces troupes et sur la protection qu’elles pensaient pouvoir en attendre :
« Un individu [...] charpentier à Beauton m’interpelle [...] par le cri de Hé Moblo [...] il me dit d’un air nargeux [sic] en voyant le galon que j’avais au képi : vous êtes sergent ou brigadier et sans attendre ma réponse il ajouta en parlant à un homme qui stationnait, voulez-vous parier que ce pierre là ne saurait pas démonter une pièce de canon [...] il continua en disant que ni moi ni les autres mobiles non anciens militaires qui occupaient des places n’étaient capables de démonter leur fusil..., que notre bataillon avait été chassé du pays où il était comme mal propre, que nous étions venus ici mais que nous nous serions sauvés au premier coup de feu, que si la France n’avait que des mobiles pour défendre son pays, elle pourrait se rendre immédiatement, comme dans toutes les villes où se sont déjà rendus les mobiles ; puis s’adressant de nouveau à moi qui restait stupéfait devant de semblables injures, il me dit en montrant du doigt les oies qu’une femme chassait, vous êtes plutôt capables de commander ces bêtes que des ouvriers et il continua pendant environ une demie heure [sic] sur ce ton des injures de toute nature sur les chefs et sur la mobile53... »
22À l’heure du bombardement, la pression populaire et municipale se fit pesante. À tel point que, le lendemain de la capitulation, le bruit courut à Laon « que les habitants de La Fère, affolés par le bombardement, ont voulu violenter le commandant Planche et, sur son refus de se rendre, l’ont assassiné54 ». Membre de la garnison et témoin des faits, le capitaine de la compagnie des francs-tireurs du Pas-de-Calais55 a confirmé la tentative de soulèvement contre le Conseil de défense à laquelle des mobiles s’associèrent56. Le journal du commandant de place mentionne trois démarches de la population en faveur de la capitulation. La première, ce n’est pas anodin, à l’initiative « des principaux commerçants et des notables de la ville », qui profitèrent d’une accalmie lors du bombardement « pour se réunir à l’hôtel de ville et rédiger une demande de reddition de la place ». La dernière, « émanée de la municipalité elle-même, [...] eut trouvé le sort des deux premières si nous [le commandant de place] avions eu le plus léger espoir57 ».
Commandants et municipalités face aux bruits du canon et de la rue
23Les scènes décrites à Laon, Soissons et La Fère se produisirent également dans d’autres départements. À Vitry-le-François, la municipalité décide qu’il n’y avait pas lieu de faire à la population et à la garde nationale l’appel patriotique demandé par le commandant, et qu’il n’y avait de toute façon nul appui ou soutien à attendre de l’une ou de l’autre58. À Neuf-Brisach, le commandant dut désarmer la garde nationale et les francs-tireurs et capitula sous la menace d’une rébellion complète et de la livraison de la place à l’ennemi par les mécontents59. Comme à Soissons, le commandant de Thionville prit conseil « de ses sentiments d’humanité plutôt que de ses devoirs militaires » et capitula, alors que ses remparts étaient intacts, eu égard aux souffrances infligées à la ville60. À Toul, selon le conseil d’enquête, si la population (troupes et habitants) supporta « avec courage les bombardements multipliés faits par l’ennemi » et mérita pour cela des éloges pour son bon esprit, il n’en fut pas de même du maire, du conseil municipal et de notables, qui, dès le 16 août, demandaient la capitulation, démarche renouvelée après chaque bombardement61.
24Verdun fait figure d’exception. Dans cette ville aucune pression sérieuse n’a été exercée sur le conseil de défense par le conseil municipal ou les habitants qui se sont, au contraire, toujours montrés pleins d’abnégation, d’énergie et de résolution, soit dans les bombardements, soit en formant des compagnies de francs-tireurs, auxiliaires, etc., qui toujours coopéraient aux sorties de la garnison62.
25Les exemples de Belfort ou de Bitche – où le fort était indépendant de la ville, et où la pression de la population n’aurait pu s’exercer sur la garnison et le gouverneur63 – qui disposaient d’ouvrages extérieurs et d’abris voûtés, s’ils montrent qu’il était encore possible de soutenir un siège en 187064, n’en rendent que plus évidente l’obsolescence de places dépourvues de tels ouvrages. La résistance de celles-ci signifiait la destruction des villes qu’elles étaient incapables de protéger. Pris entre leur devoir militaire, une garnison inexpérimentée et indocile, la conviction que la résistance s’apparentait à une lutte d’honneur sans grand bénéfice pour la défense du pays et travaillés par les municipalités qui plaçaient leurs intérêts ou ceux de leur ville au-dessus du – vain, selon elles – sacrifice qu’exigeait la Défense nationale, les commandants, contrairement à ce que leur imposait le décret sur le service dans les places fortes65, ne crurent pas devoir laisser brûler les villes. Sans doute eussent-ils préféré trouver une population résignée et plus pénétrée de ses devoirs, qui aurait supporté – comme à Verdun – les bombardements. Sans doute, également, estimaient-ils indigne le bombardement des édifices de soins que le drapeau floqué de la croix rouge devait « protéger » en vertu de la convention de Genève de 1864. Sous des bombardements – ou sous leur menace – dirigés autant sur la ville que sur les bâtiments militaires, les édiles, garants des intérêts de la cité, se crurent autorisés à peser sur les commandants ; des hommes qui, ayant dans certains cas passé plusieurs années dans une place, avaient noué des relations avec la population et se trouvaient en somme prédisposés à en subir l’influence.
26L’influence qui s’exerça sur les commandants était principalement, on l’a dit, soit le fait des municipalités, soit celui des notables. Est-ce à dire que les classes modestes, qui souffrirent particulièrement des destructions ordonnées pour la mise en défense des places, acceptaient plus aisément les affres du siège ? Est-ce l’indice d’un patriotisme populaire ou celui d’une soumission plus grande à l’autorité, du fait de leur position ? Les édiles et les notables, en pesant sur les commandants ou en leur refusant leur concours, agissaient-ils dans l’intérêt de la ville ou pour le leur, qu’ils plaçaient dans les deux cas au-dessus de ce que le gouvernement prétendait être l’intérêt général, là où ils ne voyaient – et il n’est pas question de douter de leur conviction sincère – que défense impraticable et résistance inutile ? L’émeute de Laon contre le commandant, les incitations à la désertion et les menaces des habitants contre les mobiles indiquent que la rue ne se résignait également pas au siège. Mais les rues des places fortes étant emplies de ruraux des alentours, venus trouver refuge dans les enceintes fortifiées, emportant parfois toute leur richesse avec eux66, il est difficile, en l’absence de procès-verbal signalant les meneurs, de tirer des conclusions sur la composition des foules. Quand il s’agit de laver l’honneur des villes dénoncées après-guerre pour leur pusillanimité dans les conclusions du conseil d’enquête sur les capitulations, cette impossibilité à mesurer la part prise par leurs propres habitants et celle qui revenait aux populations réfugiées dans les places, fut un des arguments avancés par les conseillers municipaux qui avaient eux-mêmes repoussé l’idée d’une résistance contre plus forte troupe que des petits détachements de cavaliers ennemis67.
27Les devoirs d’un commandant dans une place assiégée, que celui de La Fère définissait comme « ceux du médecin qui n’hésite pas à sacrifier une phalange pour sauver le corps entier68 », lui imposaient de prendre des mesures fort impopulaires. Brutales et ruineuses, telles que la destruction de propriétés ou l’inondation, ou restrictives des mouvements des habitants, telle la condamnation de certains accès de la ville. Or, septembre 1870 – et même encore octobre – fut un mois d’intenses activités électorales municipales et législatives – même si les élections annoncées furent ajournées – dont il ne faudrait pas sous-estimer la portée sur l’échiquier politique local, sur les rapports entre autorités municipale et militaire et sur les décisions des candidats. Les demandes d’adoucissement ou d’atténuation de mesures lésant la population, les démarches en faveur d’une capitulation qui épargnerait un bombardement aux habitants doivent également être analysées par ce prisme. De la même manière, le contexte impose certaines précautions. Il faut, qu’on nous pardonne cette évidence, se garder de tenir pour républicain convaincu tel individu ou groupe proclamant hautement ses sympathies pour la République en s’adressant au préfet du gouvernement de la Défense nationale. La lettre d’habitants d’un faubourg de La Fère se disant « gardes nationaux électeurs et républicains dévoués » et dénonçant au préfet des mesures du comité de défense de nature à refroidir le « patriotisme et l’union des citoyens » en est un bon exemple. Isolés de la ville suite à sa mise en défense et ne disposant pas même d’un « sentier détourné » qui leur servirait, le cas échéant, « à [se] replier sur la ville et [se] rallier à [leurs] camarades en cas d’attaque de l’ennemi », les soixante-quatre pétitionnaires réclamaient des laissez-passer personnels pour entrer dans la place le jour afin de « prendre part au service commun du pays comme citoyen[s] et soldat [s]69 ». Leur demande fut appuyée par la commission municipale provisoire, qui précisait qu’il s’agissait pour ces habitants de « vaquer à leurs affaires et de remplir leurs devoirs de citoyens70 ». On est tenté de penser que la requête avait essentiellement pour but la première de ces deux justifications. La veille, le commandant avait déjà accordé « à regret » cinquante permissions nominatives « dans un esprit de conciliation et pour entretenir la bonne résolution de se défendre ». Il soupçonnait donc les premières autorités de la ville de n’avoir ratifié cette requête « qu’en présence des élections prochaines71 ».
28Ce document illustre l’un des aspects du jeu complexe d’influences entre habitants, autorités administratives et militaires, qui agissent les uns sur les autres et réagissent les uns aux autres au sein d’une place forte. Ici, la résistance n’est pas qu’affaire de patriotisme, elle est également politique et elle doit beaucoup à la personnalité des hommes supposés la diriger et l’exalter, voire la conduire contre la volonté de la population. Si l’on considère qu’un réflexe de survie pousse quasi systématiquement les habitants et les municipalités à faire front commun pour une reddition la plus indolore possible, on mesure combien il était important que la garnison et son chef ne fussent pas liés d’une quelconque façon aux intérêts de la cité, ou tout au moins qu’il se trouvât une majorité d’éléments extérieurs au « pays ». La position des commandants de 1870, ayant pour toute garnison mobiles et gardes nationaux sédentaires « locaux », était intenable eu égard au rapport de force, d’avance en leur défaveur.
29Plus encore que dans les villes fortifiées, que leurs murs et la présence militaire – dont on sait l’emprise qu’elle exerçait sur l’espace urbain72 et sur les esprits – destinaient à protéger Paris et à supporter les souffrances d’un siège, où la résistance à l’ennemi jusqu’à l’épreuve du bombardement n’allait pourtant pas de soi, les questions politiques et l’autorité de notabilités n’ayant pas à composer avec l’élément militaire devaient influencer, voire conditionner, les résistances de villes ouvertes que les soldats rechignaient à défendre et où l’envahisseur ne s’attendait guère à trouver une opposition active qu’il s’employait à prévenir.
La rue, l’écharpe et le uhlan
Qu’est-ce qu’une reddition honorable ?
30Les redditions sans combat de Nancy73 (environ 50 000 habitants) le 12 août, et de Châlons74 (environ 15 000 habitants) le 24 août, connurent une large publicité et ouvrirent, dès avant la phase républicaine de la guerre, le débat sur la résistance que les villes ouvertes pouvaient ou devaient opposer à l’ennemi. Les prises de possession de ces deux villes par de très faibles détachements de cavaliers : quatre pour la première – « Moins ils seront et plus vous serez coupables !75 » déclarait Gambetta le 14 août à la tribune du corps législatif à des députés demandant de répéter leur nombre –, une vingtaine pour la seconde, furent flétries au sénat comme au corps législatif76. Des sénateurs et des députés demandèrent la révocation du maire de Châlons, exemple de ces fonctionnaires « qui invitent les habitants à ne faire aucune résistance, qui donnent, en un mot, des conseils de pusillanimité77 », « qui s’empressent de recommander non seulement la prudence, mais en quelque sorte la complaisance envers l’ennemi78 ». Marie-Denis Larabit estimait quant à lui que « les bourgeois chasseurs, qui sont presque tous adroits tireurs, doivent faire respecter leurs villes insultées par des coureurs insolents, et gagner du temps pour sauver l’honneur79 ». À gauche, des voix, celle de Jules Favre notamment, s’élevaient pour réclamer qu’on armât les villes. Quant à Émile Keller, député du Haut-Rhin, il ne voulait voir dans cette absence de résistance que la conséquence de l’abandon militaire et du désarmement de ces villes :
« Nous avons là des villages et des villes qui sont exposés à être rançonnés par trois ou quatre cavaliers ennemis. Ces villages et ces villes n’ont nulle envie de suivre l’exemple de Nancy... Ces villages et ces villes sont prêts à affirmer, en versant leur sang, leur ferme volonté de rester français. Je demande que le Gouvernement s’en préoccupe ; je demande qu’on ne continue pas à leur refuser des armes80... »
31C’était autant l’absence de réaction de la population que les appels au calme lancés par les maires qui provoquaient une indignation à laquelle les municipalités incriminées tâchèrent de répondre81, sans que leurs arguments parvinssent à convaincre les chambres ou la presse du territoire encore préservée de l’invasion. La proclamation tant décriée du maire de Châlons82 fut pourtant, malgré la réprobation publique, suivie de bien d’autres. Le maire de Reims (environ 60 000 habitants en 1870), qui avait lu dans les journaux la critique des proclamations des maires de Mulhouse, de Nancy et de Châlons et « s’était promis de garder le silence », supplia à son tour les habitants, lors de l’arrivée de l’ennemi dans sa ville le 4 septembre, « de rester calmes, de contenir les sentiments qui [les] oppress[ai]ent et d’accepter avec une douloureuse résignation [...] ce qu’[ils] ne pouv[aient] plus empêcher83 ».
32Le recours à ce type de proclamation, alors même que leurs auteurs savaient s’exposer à l’anathème interroge. Passons sur le caractère « coutumier » de ces placards des autorités municipales dont on trouve de nombreux exemples en 181484 et 1815 et qui, un siècle plus tard, en 1914 étaient encore en usage85. Les sachant compromettants, il fallait que les édiles soient convaincus de leur utilité pour se risquer à les faire afficher. Est-ce à dire que si les premières autorités de la commune ne s’étaient pas employées à décourager les plus téméraires de prendre les armes, on eut observé des actes de résistance spontanée ? Le soutien que le maire de Châlons, décrié par les chambres, obtint de sa population, laquelle s’associa massivement à une protestation que le conseil municipal adressa au ministre de l’Intérieur (3 200 signatures furent réunies en « moins de deux heures » dans cette ville qui comptait environ 4 200 électeurs86), nous semble être autant l’indice de l’influence qu’un maire pouvait avoir sur la population que du sentiment largement partagé par celle-ci de l’impossibilité et de l’inutilité d’une résistance civile face à des troupes qui venaient de défaire les armées impériales. Le calme qui régna lors des prises de possession de nombreuses villes ne pouvait être le fruit de ces seules proclamations, qui prévinrent certainement néanmoins quelques entraînements de la part de populations dont Gobineau mettait l’absence de dispositions à concourir activement à la défense du territoire non sur le compte d’un manque d’« antipathie » envers les armées allemandes, mais sur l’idée dans laquelle elles avaient été élevées « que les affaires publiques ne concernaient que l’administration ». Selon lui, on ne devait guère s’étonner de l’absence de dispositions à entraver la marche de l’ennemi dans un pays devenu un « automate » mû par « d’innombrables rouages administratifs » et dont le peuple, persuadé que l’administration était en état de faire face à tout et qu’agir en dehors d’elle constituait le plus grand des crimes, ne s’occupait que de ses affaires personnelles87. L’analyse de Gobineau suggère donc que l’opposition que manifestèrent plus tard au cours de la guerre certains administrés envers leurs municipalités promptes à décréter toute défense de la ville impossible fut le signe que la République parvint à sortir le pays de cette apathie à laquelle le régime précédent l’avait encouragé. Que l’honneur de la ville fut préservé par les « bourgeois chasseurs », que celle-ci fut défendue par le peuple en arme ou que la municipalité n’aille pas au-devant de l’ennemi pour lui offrir l’assurance qu’il ne serait rien tenté contre lui, toutes ces idées étaient donc déjà largement débattues dans les dernières semaines de l’Empire, au cours desquelles les appels à la levée et à la résistance populaire furent multipliés.
33Une autre raison cependant poussait les maires à afficher de tels appels au calme. Il s’agissait de prouver aux troupes allemandes les bonnes dispositions des municipalités et de se prémunir contre les représailles consécutives à d’éventuelles résistances de la part de leurs administrés. Nul autre que Gobineau n’a mieux dépeint ce moment qui se répéta en maintes localités où, la reddition étant décidée, l’angoisse principale lors de la prise de possession de la ville portait sur le respect de la consigne de calme transmise à l’ensemble des habitants :
« Les Saxons étaient arrivés à Mouy, Beauvais devait se décider à la résistance ou à la soumission. Les ressources pour résister consistaient en huit cents bourgeois et ouvriers de la ville, gardes nationaux armés de fusils à percussion et dont certainement il n’y a pas d’exagération à affirmer que six cents n’avaient jamais manié une arme de leur vie... ; pas un soldat, pas un officier sérieux..., pas le plus petit canon. D’ailleurs, une ville ouverte de tous les côtés. Aux yeux du sens commun, il n’y avait pas même lieu de poser une question... La canaille de Beauvais se déclarait résolue à tirer sur l’ennemi. Par un accident incompréhensible, elle avait beaucoup de cartouches et on n’avait pas osé la désarmer. Les bourgeois se disaient en gémissant que, si ces misérables faisaient feu sur les Saxons ne fût-ce qu’au nombre de trois ou quatre, ils s’enfuiraient aussitôt à travers champs et que la ville serait brûlée ou pour le moins rançonnée. J’avoue que je ne comprends pas que le fait n’ait pas eu lieu ; car un vagabond n’avait absolument rien à perdre ni rien à risquer dans un pareil coup et il était certain d’être reçu à bras ouverts, porté sur le pavois et traité de grand homme par tous les journaux et les autorités de la République. Heureusement rien de semblable n’eut lieu. Mais les habitants, la municipalité surtout, en avaient une crainte mortelle et on était cruellement tourmenté.
Ce qui ne troublait pas moins, c’était de trouver la façon, la mesure de la reddition de la ville, il fallait faire l’indispensable, on y était résolu ; mais autant que possible, on tenait, et avec raison, à ne pas s’exposer aux insultes, aux calomnies, aux indignations calculées des spéculateurs en toutes choses entre autres en patriotisme. La commission municipale, chargée du sort de la ville et seule restée debout au milieu des ruines administratives, avait dans son propre sein de grands embarras. Le préfet avait cru devoir y introduire six républicains zélés qui, en de tout autres temps, n’eussent assurément pas été en position de régler le sort de leurs concitoyens. Ces gens, tout aussi persuadés de la nécessité de se soumettre que leurs collègues, se fiaient sur les très bonnes intentions qu’ils leur voyaient à cet égard pour faire les pointilleux, soulever des scrupules, faire miroiter leur patriotisme, leur haine de l’étranger, leur mépris de la mort, se faire en un mot une réputation de braves à leurs dépens et ne rien risquer à tout ce manège88. »
34Cette citation pose brutalement la question, dont il sera question plus loin, de la réalité, de la substance et des motivations de cette résistance républicaine et populaire que Gobineau moque. Elle met également en lumière un problème auquel les élus – ou les nommés – de 1870, comme ceux de 181489 et de 1815, furent partout confrontés : comment préserver l’honneur d’une ville que l’on rend sans combat ? Autrement dit, en présence de quelles forces pouvait-on rendre la ville sans s’attirer les foudres du gouvernement et de l’opinion ? Ce que Gobineau résume ainsi :
« On ne voulait pas se rendre à une dizaine ; on voulait être pris en règle et par des troupes présentes en personne et non par représentants. On fut satisfait, car, en une minute et par tous les côtés à la fois, les Saxons pénétrèrent sur la place90... »
35La présence d’une force suffisante d’occupation était également le meilleur gage de préservation de l’ordre public face aux agitations révolutionnaires qui parcouraient les villes privées de toute force de maintien de l’ordre autre que la garde nationale sédentaire.
36Entre les redditions de Nancy et de Châlons d’août 1870 et la circulaire de Gambetta à ses préfets et sous-préfets datée du 23 octobre 1870 :
« Veuillez prévenir tous les maires de toutes vos communes que la résistance à l’ennemi est plus que jamais à l’ordre du jour ; que tout le monde doit faire son devoir, notamment les magistrats municipaux qui ne peuvent faire moins que les gardes nationaux mobilisés. Après les héroïques exemples donnés par des villes ouvertes telles que Châteaudun, Saint-Quentin et autres, par des villages exclusivement gardés par des compagnies de pompier, il est d’absolue nécessité que chaque ville, chaque commune paie sa dette à la Défense nationale, que tout le monde se pénètre du devoir imposé à la France. Les villes et communes qui se rendraient sans avoir tenté de résistance seraient dénoncées aux pays par le Moniteur91. »
37C’est moins le discours et le ton, somme toute assez semblables à ceux de proclamations des derniers jours de l’Empire menaçant, comme cette dépêche du ministre de la Guerre du 2 septembre, de déférer devant les conseils de Guerre tout fonctionnaire – et notamment les maires – qui n’entraînerait pas la population à la défense du territoire92, qui constituent une rupture avec le régime déchu que la survenue de résistances auxquelles les villes ouvertes se refusaient jusqu’alors.
L’exemple de résistance d’une « ville ouverte de toutes parts » : la défense de Saint-Quentin
38La résistance de Saint-Quentin, préfecture provisoire en raison de l’occupation de Laon, dut beaucoup à l’activité d’Anatole de la Forge93, préfet républicain de l’Aisne, arrivé le 18 septembre dans cette ville industrielle et ouvrière d’un peu plus de 33 000 habitants qui avait voté très majoritairement « non » au plébiscite. Il se montra immédiatement un zélé partisan de la guerre à outrance94, ce qui n’était pas du goût de la municipalité95, pourtant présidée à partir du 21 septembre, après la dissolution des conseils municipaux, par le député républicain Malézieux. La séance de la commission municipale qui se tint le 4 octobre éclaire sur ces divergences. Le préfet y exposa son objectif :
« Si l’ennemi se présente en nombre et en force quelconque, il ne distinguera pas s’il a devant lui une bande de partisans, une troupe de quelques cent hommes, ou bien une armée munie d’artillerie ; il résistera à outrance, ne restât-il à ses côtés qu’un peloton de combattants. M. Le Préfet sait que, dans une lutte aussi inégale, les défenseurs de la ville seront écrasés jusqu’au dernier, et que la ville elle-même sera exposée à la dévastation et à toutes les horreurs de la guerre ; mais il obéit à une consigne, il remplit un devoir d’honneur ; il compte sur le puissant effet moral que produira sur la France et sur l’ennemi lui-même l’exemple d’une ville ouverte, dépourvue de garnison, affrontant et subissant tous les périls d’une attaque de vive force96. »
39La discussion de la commission s’ouvrit après cette communication. Ses membres reconnaissaient le « devoir de résistance que le patriotisme et l’honneur imposent à tous les Français » et approuvaient « toutes les mesures qui tendent à assurer une défense locale efficace », mais ils achoppaient sur la notion de résistance à outrance souhaitée par le préfet, comme le montre la suite des débats :
« Reste à examiner le cas d’attaque par des forces évidemment écrasantes. Si l’intérêt supérieur de la défense nationale exigeait une résistance à outrance, si cette résistance devait avoir pour effet d’arrêter la marche envahissante des armées ennemies, et de contribuer au salut de la France, la Commission n’hésiterait pas à prendre sur elle la plus terrible responsabilité ; prête à tous les sacrifices... Tel n’est pas le cas. Saint-Quentin, ville ouverte de toutes parts, peut être envahi à la fois sur un grand nombre de points... Une résistance extrême, sur des points isolés, ne sera qu’illusoire, et elle entraînera fatalement des conséquences dont on ne saurait calculer l’étendue et la gravité97. »
40La commission municipale « ne fut pas pouvoir prendre une part de responsabilité dans la résolution de résistance à outrance que M. le Préfet lui a fait connaître98 » et les préparatifs de défense s’organisèrent sous la direction énergique d’Anatole de la Forge, alors que la municipalité se tint délibérément en retrait. Le 7 octobre l’ennemi était annoncé pour le lendemain. Le préfet sembla s’en féliciter dans deux télégrammes qu’il adressa au gouvernement et au commandant de La Fère : « Cette fois c’est la bonne ! » débutaient-ils tous deux : « J’irai avec gardes nationaux et pompiers défendre nos barricades, nous ferons notre devoir en républicains99 », écrivait-il dans le premier. « Nous allons courir aux barricades en vrais Français » concluait le second, qui demandait un renfort de 500 hommes qu’il n’obtint pas100. Eu égard à l’énergie déployée par le préfet pour organiser la résistance, faire dresser des barricades et recruter des francs-tireurs, on ne saurait évoquer une résistance spontanée des habitants. Tous les gardes nationaux, mobilisables et sédentaires, ainsi que les pompiers, avaient d’ailleurs reçu l’ordre de prendre les armes au son du tocsin, sous peine d’être traduits devant une cour martiale101.
41Il ne nous appartient pas de revenir sur le déroulement détaillé de la journée du 8 octobre. Contentons-nous de souligner que le détachement allemand qui se présenta devant Saint-Quentin, majoritairement constitué de Landwehr102, ne s’attendait guère à une quelconque résistance de la part d’une ville ouverte qu’il savait dépourvue de troupe de ligne et dans laquelle il croyait pouvoir pénétrer aussi aisément que dans les autres communes de l’Aisne. Le commandant de La Fère n’y croyait guère plus, qui répondit à une demande de renforts adressée par le préfet le 5 octobre : « Je ne pourrais envoyer que 400 mobiles de St-Quentin qui savent que la ville étant ouverte ne veut pas se défendre » et l’invitait donc à prendre des troupes à Arras ou à Lille103. Les « assiégés » vinrent donc assez aisément à bout des troupes ennemies qui battirent en retraite après quelques heures de fusillade et 21 hommes mis hors de combat104 en emmenant 14 otages pris dans la population des faubourgs105. Sur la dépêche d’Anatole de la Forge rendant compte de ce succès et vantant l’« ardeur admirable » de la garde nationale, des pompiers, des francs-tireurs et de la population de la ville106 est griffonnée cette consigne pour le général Espivent de la Villeboisnet : « Il faut que le Général commandant la division seconde cet élan en envoyant du renfort, l’inviter à se transporter sur les lieux. » Le préfet conclut : « Là où les populations se défendent, il faut qu’elles soient vigoureusement soutenues107. » Tout à son succès, il observe que, dans la population, « au découragement succède un sentiment d’orgueil patriotique » et il espère que l’exemple de Saint-Quentin réveillera « le sens moral un peu engourdi de certains départements envahis108 ». La presse couvrit d’éloges la cité, l’Écho du Nord comparant cette résistance du 8 octobre à la bataille des Thermopyles109. Les adresses de félicitations affluèrent de toutes parts110 et tout spécialement des départements voisins111, comme les renforts de volontaires et de gardes nationaux112 le lendemain de la victoire. De la Forge, qui savait combien il était opportun de flatter les amours-propres locaux, annonça que cette date prendrait place dans l’histoire de la cité à côté de la glorieuse défense de 1557113. Habilement, il demandait au gouvernement de Tours, le 10 octobre, un « remerciement officiel pour la ville de Saint-Quentin [qu’il] puisse publier. C’est nécessaire pour trouver des imitateurs114 », croyait-il devoir ajouter. Gambetta s’exécuta, qui félicita la ville de Saint-Quentin pour « sa belle résistance à l’ennemi » et la remerciait « du grand exemple » qu’elle venait de donner aux villes ouvertes115.
42Qui étaient ces gardes nationaux qui repoussèrent l’ennemi le 8 octobre ? Si l’appellation « garde nationale sédentaire » signifie bien qu’il s’agit de la population même de la ville, elle ne nous renseigne guère sur le statut social des défenseurs. Certes, cette garde nationale sédentaire du temps de guerre compte désormais parmi elles les ouvriers et elle n’est plus, sur le papier au moins, cette garde bourgeoise de l’ordre social, qui, le 1er mai 1870 à Saint-Quentin, avant l’arrivée de 500 troupiers des garnisons de Laon et de La Fère et au prix d’une soixantaine de blessés, avait tenu tête avec la gendarmerie et les sapeurs-pompiers à une importante émeute d’ouvriers réclamant la libération de l’un d’entre eux devant la prison116. Seize signataires d’une lettre adressée le 1er octobre 1870 à de la Forge, se déclarant « animés du plus pur patriotisme », et dont le style semble trahir leur appartenance à la classe moyenne ou à la petite bourgeoisie, dénonçaient l’attitude d’un grand nombre d’individus « jouissant de leurs droits civiques et d’une certaine aisance se reposant tranquillement chez eux, riant même de nous à la montée ou à la descente d’une garde », profitant de ce que « l’administration n’apporte pas assez d’attention à l’appel de tous les hommes qui doivent faire partie de la garde nationale ». Ce texte ne témoigne pas d’un engouement particulier de la bourgeoisie saint-quentinoise pour les exercices militaires. Il ne nous éclaire pas en revanche sur l’assiduité des ouvriers. Si la résistance du 8 octobre fut bien populaire, rien n’indique qu’elle fut massivement ouvrière, quoique de nombreux auteurs républicains l’aient prétendu ultérieurement117. Les deux victimes de cette défense étaient respectivement modeleur et marchand épicier118. Rien n’indique non plus que les habitants qui ne faisaient pas partie de la garde nationale sédentaire se soient spontanément portés aux barricades. La résistance, énergiquement commandée par le préfet rappelons-le, fut essentiellement l’affaire des francs-tireurs et volontaires levés par lui, des sapeurs-pompiers et des commerçants, artisans, employés, petits bourgeois et ouvriers de la garde nationale qui s’astreignaient plus ou moins volontairement à son service, et non l’effet d’un élan spontané de la population.
43La municipalité, qui avait envoyé pendant le combat une dépêche au préfet, alors au milieu des combattants à la barricade principale, pour lui signifier « le désir qu’elle lui [avait] toujours exprimé que la résistance soit limitée à une défense honorable119 » et l’inciter à cesser la résistance, rebaptisait quelques jours plus tard, dans le souci de « perpétuer la mémoire de la journée du 8 octobre 1870 », la place du Chemin de Fer en place du Huit-Octobre, le boulevard Napoléon en Boulevard du Huit-Octobre et décidait d’élever un monument commémoratif de la défense de Saint-Quentin sur la nouvelle Place du Huit-Octobre120.
44Aussi symbolique et importante qu’elle pût l’être pour un gouvernement républicain qui appelait à la levée en masse et à la guerre de guérilla, la défense de Saint-Quentin n’émut guère le général Espivent de la Villeboisnet dont, le lendemain même du 8 octobre, Testelin demandait « formellement la mise en retrait d’emploi », eu égard aux « efforts inouïs pour obtenir [de lui] l’envoi [à Saint-Quentin] de deux compagnies d’infanterie et d’un bataillon de mobile121 ». Les troupes envoyées de si mauvais gré se retiraient d’ailleurs quelques jours plus tard et, le 17 octobre, le conseil de guerre tenu à Lille en présence d’Anatole de la Forge et de Malézieux concluait à l’impossibilité de défendre la ville122. La municipalité de Saint-Quentin persistait dans sa déclaration du 4 octobre et le préfet, qui voulait obtenir du conseil « l’autorité suprême », « indispensable à l’unité de la résistance123 », démissionna immédiatement après sa réunion. Le 20 octobre, la commission municipale saint-quentinoise, en présence des officiers de la garde nationale et des sapeurs-pompiers, ceux-là mêmes qui s’étaient battus le 8 octobre, s’employait à décourager toute nouvelle volonté de résistance à l’approche – annoncée – de l’ennemi :
« Un conseil de guerre tenu à Lille, a décidé que Saint-Quentin était une mauvaise position stratégique, que les troupes destinées à la défense seraient sacrifiées sans utilité. En somme, St Quentin est abandonné à ses seules forces, St Quentin ne peut compter que sur lui-même... Il faut donc envisager la position de sang-froid, et prévoir la venue, peut-être très prochaine, d’un corps nombreux désireux de venger l’échec du 8 8bre...
MM. les officiers, consultés individuellement et successivement, émettent d’une façon unanime l’opinion suivante... : le départ des soldats l’a attristée, en lui faisant croire que l’armée elle-même ne croyait pas qu’il fût possible de tenir tête à l’ennemi. Néanmoins, s’il s’agissait de se sacrifier pour arrêter la marche envahissante de l’ennemi, la garde nationale n’hésiterait pas. Elle ne craint pas plus les boulets que les balles, mais à quoi bon exposer à la destruction non seulement les propriétés particulières, mais encore les usines qui fournissent la subsistance à tant d’ouvriers.
Sans doute elle repoussera aisément quelques centaines de pillards ; mais que faire contre un corps nombreux, contre l’artillerie qui nous décimerait à une distance considérable ?...
En résumé, la garde nationale, quelle que soit son indignation contre les envahisseurs, écoutera surtout la voix de la raison. Si le rappel est battu, elle sera tout entière à son poste, prête à repousser l’ennemi, si, contre toute attente, il ne se présentait qu’en petit nombre124. »
45Le lendemain, le colonel von Kahlden revint avec plus d’hommes et de l’artillerie pour prendre possession de la ville. Ce qu’il fit après avoir fait tirer quelques obus et coups de fusil. Saint-Quentin s’était défendu sans aucun soutien militaire le 8 octobre grâce à l’action d’un préfet de combat. Celui-ci s’était assuré le concours des gardes nationaux et des sapeurs-pompiers qui, en maints autres endroits et dans des situations analogues, ramenaient leurs armes, sous l’influence des municipalités. Ainsi firent-ils, à Saint-Quentin même, une fois Anatole de la Forge parti.
Villes rendues, villes vendues ?
46Les villes qui résistèrent activement à l’ennemi, à l’instar de Saint-Quentin, furent rares. Celles qui le firent sans troupes extérieures, plus encore. L’exemple de Saint-Quentin montre qu’il exista bien, au sein des communes menacées par l’ennemi, des individus prêts à prendre les armes et à en faire usage à son arrivée. Mais cet exemple est moins un modèle qu’une singularité, en ce sens qu’il s’agit de la seule ville où la résistance, menée par les habitants, fut tout à la fois initiée et dirigée par le préfet. Il semble d’ailleurs délicat de déduire un modèle ou tout au moins un schéma de la résistance urbaine à l’envahisseur en 1870. Les quelques exemples suivants, présentés ici dans un ordre chronologique, qui n’épuisent pas l’ensemble des contextes, témoignent de la diversité des situations.
47Épernay (environ 12 000 habitants), dont le maire fut révoqué à la suite de ces événements125 par décret de l’Impératrice Eugénie pour avoir défendu aux habitants de se battre, repoussa le 26 août quelques dizaines de uhlans. Un détachement de quelques hommes de ce peloton, qui avait pu pénétrer sans rencontrer la moindre résistance en ville, fut reçu en arrivant à la gare par le feu d’une dizaine de soldats du génie qui s’y trouvaient encore. La décharge blessa un cavalier et mit en fuite ses compagnons qui furent pris en chasse, à la fois par les soldats et par une partie de la population, notamment des ouvriers du chemin de fer qui faillirent écharper le cavalier démonté à coups de barre de fer126. Deux Allemands trouvèrent la mort au cours de cette poursuite dans les rues, un quatrième fut blessé et fait prisonnier. Il serait abusif de parler de résistance de la ville puisque celle-ci fut le fait des soldats du génie – jusqu’à leur décharge, les envahisseurs n’avaient pas été inquiétés –, « aidés » ensuite d’ouvriers, quand la réaction majoritaire de la population fut de s’en tenir éloignée et de fermer magasins et portes sur le passage de l’ennemi en fuite. L’élément déclencheur et la participation ouvrière sont en revanche très significatifs.
48La « résistance » de Dreux (environ 7 000 habitants) du 8 au 10 octobre – aucun combat n’eut lieu dans la ville, les accrochages se pro-duisirent dans les villages voisins – est un cas complexe, souvent cité pour illustrer l’action des autorités municipales contre la résistance à outrance127. Le maire de la ville fut en effet arrêté, amené à Tours où il fut interrogé avant d’être relâché et publiquement flétri dans les pages du Moniteur universel pour sa lâcheté128. Or, les entraves mises par la municipalité à l’action du sous-préfet Sirven ne semblent pas si évidentes que cela et il est loin d’être établi que le maire ait couru au-devant de l’ennemi, comme on le lui reprocha, pour s’empresser de lui promettre d’obtempérer aux réquisitions. Quant aux 150 000 francs qu’il aurait fait voter et promis aux Prussiens, rumeur qui agita beaucoup la ville et que la presse relaya, il s’agissait d’un faux bruit. Certes, le maire s’était prononcé, comme la majorité de ses homologues, contre une résistance de la garde nationale sédentaire qu’il croyait inutile et dont il redoutait les conséquences pour sa commune, mais il crut et soutint par moments la défense, notamment lorsqu’arrivèrent les renforts de mobiles demandés par Sirven. Les deux hommes passèrent d’ailleurs de façon assez parallèle par des phases de découragement et d’enthousiasme qui conduisirent, lorsque la résistance, faute d’artillerie, fut jugée impossible par les deux autorités, au désarmement des gardes nationaux et au renvoi des renforts venus défendre la ville à la demande du sous-préfet – parmi lesquels il faut signaler 500 gardes nationaux ruraux. Ce désarmement, opéré en l’absence de Sirven parti pour Chartres, donna lieu à un début d’émeute qui prit pour cible le maire, bloqué plusieurs heures dans l’hôtel de ville, sur lequel des coups de feu furent tirés129. Une scène comparable eut lieu le 5 décembre 1870 à Rouen (environ 101 000 habitants), à la suite de l’évacuation nocturne des troupes régulières devant défendre la ville. Ce départ soudain s’effectua contre la volonté du maire et de son conseil, mais des gardes nationaux, l’attribuant à la municipalité, se regroupèrent devant l’hôtel de ville où se trouvait réuni le conseil municipal, qu’ils criblèrent de balles130. Plusieurs heures, l’émeute gronda sur la place, le dépôt des armes de la ville fut pillé et le poste des sergents de la ville détruit. Comme à Dreux, le bruit se répandit que le maire avait décidé le versement d’une somme considérable à l’envahisseur131.
49Petite ville des Vosges d’un peu plus de 5 000 habitants, la défense de Rambervilliers est remarquable parce qu’elle constitue l’un des très rares cas de résistance spontanée par les seuls habitants. Alors que la municipalité avait prescrit le désarmement des gardes nationaux, ceux-là refusèrent de s’y soumettre et, le 9 octobre, 200 d’entre eux tinrent tête à 2 000 Badois, au cours d’un combat qui s’acheva dans les rues et qui attira sur la localité de sanglantes représailles. Le rapport officiel mentionne 19 gardes nationaux tués au cours des combats. Parmi ces hommes âgés de 20 à 55 ans, on dénombre quatre manœuvres, deux plâtriers, un paveur, un ouvrier de fabrique, un sagard, un tonnelier, deux cultivateurs, deux sapeurs-pompiers, un voyageur de commerce, un facteur, un garçon marchand de vin et un garçon brasseur. Les motivations de cette résistance spontanée, qui fut menée par des hommes de condition modeste – l’instituteur y participa activement –, où la camaraderie supplanta la hiérarchie (« Il ne faut pas croire cependant que les officiers aient pu disposer les hommes à leur gré : chacun avait suivi ses amis, et plutôt l’inspiration du moment que l’ordre des chefs132 »), aussi courageuse et opiniâtre que vouée à l’écrasement, resteront impénétrables. Osons néanmoins l’hypothèse que l’attachement au « pays » a autant joué que celui voué à la patrie et qu’il s’agissait autant de sauver l’honneur de la petite ville de Rambervillers et le sien propre que celui de la France au cours d’une résistance qui ne pouvait être qu’éphémère et meurtrière.
50La défense de la ville d’Épinal, le 13 octobre, par ses gardes nationaux et pompiers aidés de quelques francs-tireurs fut toute d’improvisation et de confusion. Par petits groupes, alors que la générale était battue en ville et que l’indécision régnait sur l’attitude à adopter, des gardes nationaux se portèrent au-devant de l’ennemi pour faire le coup de feu. Le commandant de la garde nationale parti prendre des instructions auprès du préfet, c’est semble-t-il un ancien sous-officier qui, à la tête d’une trentaine de volontaires, amorça la résistance en gagnant les faubourgs pour aller à la rencontre de l’ennemi. Soulignons l’importance, ici comme ailleurs, des anciens sous-officiers dans l’impulsion de la résistance et la direction des gardes nationales livrées à elles-mêmes face à l’envahisseur. Ce premier groupe fut bientôt imité par d’autres hommes et les engagements commencèrent autour de la ville, dans les bois, champs, hameaux, puis dans les faubourgs. L’absence de direction et le désordre dominent dans le récit de cet épisode qu’a donné René Perrout. Après trois heures de fusillades dispersées, les quelque 300 hommes qui prirent part à la lutte, moins cinq tués, sept blessés et douze prisonniers, se replièrent vers Épinal où l’ennemi avait déjà pénétré et où l’occupation commençait. Certains ne rentrèrent pas dans la ville et allèrent s’enrôler dans un bataillon de mobilisés ou une compagnie de francs-tireurs133.
51Châteaudun est certainement le cas le plus connu. La résistance – et le martyre – de cette ville d’environ 6 500 habitants aux troupes du général von Wittich le 18 octobre connut une grande publicité dans la presse internationale de l’époque, qui s’émut des représailles dont les habitants furent les victimes. Châteaudun, dont le gouvernement de Tours décréta le 20 octobre 1870, en lui octroyant 100 000 francs pour réparer les pertes subies, qu’elle avait « bien mérité de la patrie134 » et qui reçut la Légion d’honneur dès 1877135, devint le symbole de la résistance des villes ouvertes. Ses dispositions à la résistance avaient été hautement affirmées avant l’arrivée de l’ennemi. Le 29 septembre, dans une correspondance à son mari, Virginie Vallée lui confiait que la veille, alors qu’un bruit annonçait l’arrivée des uhlans, « toutes les femmes de Saint-Jean arrivaient avec des faux et des fourches ». Dans la même lettre, elle faisait part à son époux de cette intuition :
« Nous avons caché du linge et des effets dans la terre de crainte que les Prussiens ne mettent le feu à la ville, car c’est un élan patriotique ici dont tu ne te fais pas d’idées, on se défendra énergiquement et alors tu comprends que si nous avons le dessous, gare à la ville136. »
52Cet élan patriotique, cette volonté de se défendre avaient connu des soubresauts les jours précédents durant lesquels velléités belliqueuses alternèrent avec volontés de désarmement. Lorsque le 18 octobre la ville s’opposa à près de 8 000 hommes, la résistance était orchestrée par le commandant des francs-tireurs de Paris, le comte de Lipowski, qui avait reçu les pleins pouvoirs de la municipalité pour assurer sa défense. Celle-ci fut menée par ses 700 hommes, 200 autres francs-tireurs et de 200 à 300 gardes nationaux de la ville et des environs. En soulignant la présence minoritaire des habitants parmi les défenseurs, il ne s’agit pas de minorer le zèle et l’énergie de ceux qui soutinrent l’épreuve du feu dans les rues de leur propre ville, bientôt bombardée et incendiée, mais de remarquer que la défense de la ville s’est moins opérée par la ville qu’avec son aide, contrairement à ce qu’une certaine mémoire de l’événement pourrait faire croire137. En ce sens, la résistance de Châteaudun138 présente quelques similarités avec celle de Dijon (40 000 habitants) le 30 octobre.
53Comme à Châteaudun, la population refusa bruyamment le départ des troupes chargées de défendre la ville qui furent rappelées sous sa pression ; ici aussi la résistance fut majoritairement le fait de troupes extérieures à la ville (troupes de ligne, mobiles et francs-tireurs) appuyées par des gardes nationaux et des volontaires qui luttèrent contre des troupes très supérieures en nombre jusque dans les rues de la ville. Le bilan de cette résistance fut le plus lourd des villes ouvertes s’étant défendues : 160 hommes furent tués, environ 340 blessés et 100 prisonniers. Parmi ces hommes on dénombre 60 gardes nationaux sédentaires, mobilisés et volontaires du département de la Côte-d’Or décédés, 116 blessés et 31 prisonniers. Céline Laudin, qui a étudié le profil de ces 60 hommes de 17 à 60 ans, dont la moyenne d’âge est de 38 ans, observe qu’ils appartenaient aux milieux populaires139. La liste des 116 blessés confirme cette analyse : les métiers du petit artisanat et du petit commerce sont majoritaires, les ouvriers et les cultivateurs ont également pris part à la défense : on compte quatorze manouvriers décédés ou blessés, soit presque autant que de jardiniers et cultivateurs (douze). Huit menuisiers, sept cordonniers, sept charpentiers, six employés aux chemins de fer, cinq scieurs de long, cinq serruriers, cinq peintres figurent parmi les victimes ou les blessés140. Deux comptables, un architecte, un professeur au lycée et un autre au collège, un propriétaire, un ancien magistrat, un étudiant, un ingénieur civil et un huissier, représentants des classes supérieures, figurent également dans ces listes.
54À Tours (ville d’un peu plus de 42 000 habitants), le 21 décembre, les Allemands furent accueillis par une foule hostile qui tira quelques coups de fusil. L’envahisseur lui répondit en tirant au canon, faisant six morts et six blessés. Le bombardement cessa après l’entrevue qu’eut le maire avec l’ennemi, au cours de laquelle il rejeta la « responsabilité des coups de feu sur les “républicains rouges”, une minorité d’agités141 ». Une polémique éclata après cette entrevue : l’édile fut accusé d’avoir demandé lors de sa négociation avec un officier prussien « l’occupation de la ville pour prévenir un soulèvement142 ». Ingo Fellrath récuse cette hypothèse, qui considère que le maire n’a pas demandé une occupation, mais a indiqué que si celle-ci devait avoir lieu il fallait que l’occupant soit suffisamment nombreux « pour étouffer toute velléité de débordement143 ». Cette crainte d’un soulèvement révolutionnaire au sein d’une ville menacée par l’ennemi n’est pas sans rappeler la situation d’Orléans, bien étudiée par Wencke Meteling, où Claire Geffrier craignait plus les rouges que les Prussiens144 :
« Si Orléans veut être sage et ne pas se défendre, tout cela ira comme sur des roulettes... Si nous les recevons bien, les Prussiens, ils ne nous feront point de mal ; nous paierons les frais de la guerre, des contributions, c’est tout simple ; mais au moins, si la ville ne se défend pas, il n’y aura pas de violence à craindre145. »
55La dernière ville ouverte à s’être opposée activement à l’ennemi fut Dole, le 21 janvier 1871. Cette commune d’un peu plus de 11 000 habitants est, avec Rambervillers, l’une des très rares à s’être défendue avec sa seule population à laquelle se joignirent quelques soldats et francs-tireurs qui y étaient soignés ou en convalescence. Comme à Rambervillers, l’honneur et la camaraderie semblent avoir été des ressorts puissants de la résistance. Mais contrairement à sa devancière vosgienne, celle-ci fut sans doute moins populaire et plus bourgeoise. Quelques acteurs ou témoins de cette résistance ont laissé des souvenirs dans lesquels on découvre la présence d’un percepteur, d’un substitut, de bourgeois et d’excellents chasseurs dans les rangs des défenseurs146 encadrés, là encore, par d’anciens militaires. Au détour d’une phrase, on apprend qu’un premier noyau de volontaires fut rejoint par quelques volontaires de la réserve147 ce qui semble indiquer que la résistance fut majoritairement le fait d’hommes de la garde nationale sédentaire active capables de s’équiper à leurs frais. Quant aux motivations de cette résistance, la réponse d’un de ses acteurs au général Koblinski déclarant que la ville avait eu tort de défendre est éclairante :
« La ville à vrai dire ne s’est pas défendue. Quelques hommes de cœur se sont portés devant vous. On ne vous croyait pas si nombreux148. »
56Les défenseurs se portèrent au-devant d’un ennemi qu’ils croyaient à leur portée ; dont ils pensaient pouvoir repousser le premier assaut pour sauver l’honneur. En allant à sa rencontre, les gardes nationaux croisèrent des gendarmes qui s’enfuyaient dans l’autre sens, ce qui sembla les affermir dans leur volonté d’en découdre149. Quelle part faut-il accorder au réflexe patriotique dans cet élan, et quelle part à ce que nous pourrions appeler une émulation virile renforcée par la fuite honteuse de l’autorité, un effet d’entraînement et de concurrence entre hommes – entre chasseurs et tireurs ? L’orgueil local ou régional fut un moteur puissant, qui sourd sous la plume des narrateurs.
57Populaires ou bourgeoises, républicaines ou commandées par le désir de protection de la rue, spontanées ou préparées, les résistances des villes ouvertes de 1870 furent multiformes et il est malaisé de les attribuer au seul réflexe patriotique. Les municipalités essayèrent de les décourager quasi systématiquement, mais il suffit d’un élément déclencheur ou d’un commandant résolu pour que les gardes nationales concourussent à la défense de leur propre ville malgré les représailles que celle-ci encourait et qu’après Châteaudun nul ne pouvait ignorer. Le peu de résistance doit certainement être attribué moins au manque de bonnes volontés qu’à l’abandon militaire des villes ouvertes : l’absence de troupes décourageait des gardes nationaux qui pouvaient envisager une résistance aux côtés de l’armée régulière dont ils réclamaient la présence, mais qui, livrés à eux-mêmes, suivirent les conseils de prudence des municipalités.
Conclusion
58Donnons une dernière fois la parole à Gobineau et à son sens de la formule :
« Ce fut un cri général d’indignation quand on apprit la soumission de Beauvais. À Gisors, à Gournay, à Amiens, à Rouen, à Évreux, on ne put assez se récrier contre le manque d’énergie des gens de Beauvais qui, dans une ville toute grande ouverte, ne s’étaient pas servi des ressources qu’ils n’avaient pas, sous le commandement de personne, pour se couvrir d’une gloire militaire à laquelle les occupations pacifiques de ses bourgeois ne les avaient jamais fait prétendre. Il est de fait que Beauvais n’imita pas Numance et Sagonte. Mais probablement, ces villes fameuses par leur résistance obstinée, et qui leur tourna si mal et servit à si peu de chose, n’avaient eu que l’alternative d’être détruites en résistant ou détruites en ne résistant pas. Malgré tout ce qu’on imprimait et récitait sur la férocité allemande, Beauvais ne se jugea pas enfermée dans un pareil dilemme et l’expérience sembla prouver qu’elle avait eu raison. Du reste, Gisors, Gournay, Amiens, Rouen et Évreux, après avoir fait de loin beaucoup de bruit, n’ont pas plus résisté que Beauvais et ont eu pour cela la même et excellente excuse qu’elles ne le pouvaient essayer150. »
59Les villes confrontées à l’envahisseur en 1870 savaient en effet qu’il ne s’agissait pas d’une lutte à mort et qu’en l’absence de résistance elles pouvaient s’attendre à être traitées de façon tout à fait supportable par l’ennemi. Il n’est pas inutile d’insister sur ce point qui invite à nuancer considérablement une lecture de l’événement assez répandue biaisée par une utilisation sélective de la presse qui s’attache de façon privilégiée aux « atrocités » réelles, exagérées ou fantasmées qui y sont évidemment abondamment relatées, mais ne retient pas les articles – qui voisinent avec les récits d’atrocités – relatant l’entrée des Allemands dans telle ou telle localité au milieu des curieux sachant qu’ils ne couraient guère de danger s’ils s’abstenaient de toute hostilité. Le sacrifice exigé par Gambetta s’apparentait donc à un martyre : il s’agissait de lutter non pour défendre sa vie, ses proches ou ses biens, mais de le faire au nom de l’intérêt commun, de la défense de la patrie et de la République. Dans des villes où il ne restait que les habitants qui n’avaient pas été appelés à concourir à la défense du pays ou qui ne s’y étaient pas portés spontanément comme volontaires, il se trouva bien peu d’hommes prêts à opposer une résistance armée spontanée. Après-guerre, toute une littérature, écrite pour partie par des membres des municipalités, mais dans laquelle il faudrait également compter Lavisse151, fit sienne, en des termes assez semblables à ceux de Gobineau, l’impossibilité, l’inutilité et l’inconscience de la défense des villes ouvertes par leurs habitants ; « cette tendance un peu exclusive à justifier [...] l’obéissance des populations aux injonctions de l’ennemi » que Ludovic Cartier, commandant de francs-tireurs d’une compagnie boulonnaise, dénonçait dans une brochure qu’il publia en réponse à la relation du siège de La Fère d’un des membres de la commission municipale de cette ville et dans laquelle il critiquait « la tranquille facilité » avec laquelle cet auteur démontrait « l’impossibilité qu’il y avait de lutter152 ».
60Comme nous y invitait Stéphane Audoin-Rouzeau, il est effectivement nécessaire de revenir sur l’opposition schématique entre patriotisme des villes et apathie des campagnes qu’on aurait tort de réduire à un décompte des résistances armées actives qui furent rares et qui ne serait pas si défavorable aux campagnes ; mais dans quelle mesure ces résistances ressortissentelles du patriotisme ? Par ailleurs, si la forme la plus « aboutie », absolue du patriotisme (mourir pour la patrie) se mesure bien en présence de l’ennemi et constitue un marqueur quasi infaillible de celui-ci – les motivations des défenseurs de Rambervillers ou de Dole posent néanmoins question –, si le patriotisme peut naître ou croître au contact de l’occupant153, le « défaut » de résistance n’est pas la preuve de son absence, mais celle qu’il n’allait pas jusqu’à un sacrifice que l’on considérait comme peu profitable à la nation. Si l’on peut mesurer l’intensité du patriotisme à l’ampleur des sacrifices que l’on est prêt à consentir à la cause commune et à la défense de la patrie, on ne saurait déduire d’un civil qui supporte quelques jours de bombardement avant d’exercer des pressions sur le commandant qu’il n’est pas patriote. Il est intéressant de prendre le problème par un autre bout et de constater le peu de sanctions à l’encontre des mobiles réfractaires et déserteurs dont il a été régulièrement question au cours de cette étude. N’était-ce pas, d’une manière implicite, reconnaître qu’on ne pouvait encore exiger de ces hommes, qui n’y étaient pas préparés, le sacrifice de leur vie, que mourir pour la patrie n’était pas encore un devoir que l’on pouvait imposer à des civils que l’autorité militaire rechignait à armer puisqu’elle les considérait comme des non-valeurs ? Réinterroger le patriotisme des villes et des campagnes suppose donc de prendre en considération, outre les résistances armées – leur défaut comme leur réalisation –, un ensemble d’attitudes, de comportements avant l’investissement ou l’arrivée de l’ennemi et une fois celui-ci présent. Le code d’honneur que l’on s’impose envers l’occupant, les représailles contre des concitoyens « compromis », etc. peuvent trahir un attachement à la patrie qui n’implique pas chez ceux qui le ressentent des dispositions au sacrifice.
61La « légende noire » des paysans de 1870, l’idée répandue que ceux-là voyaient d’un meilleur œil l’arrivée des Allemands qu’ils ravitaillaient volontiers que celle des francs-tireurs français, ne doivent pas faire oublier que l’invasion fut souvent plus rigoureuse et moins supportable dans les villages qui n’étaient pas protégés, contrairement aux villes de quelque importance, par l’autorité d’un officier supérieur et se trouvaient à la merci d’exactions et de violences perpétrées en toute impunité. Les réquisitions, la charge des logements furent écrasantes pour certaines communautés, les violences parfois nombreuses. Certains villages se trouvèrent quant à eux préservés de cette invasion et de cette occupation discontinues et, ailleurs, des villageois ne survécurent au chômage et aux rudesses de l’hiver 1870 que grâce à la « générosité » de l’occupant. L’histoire de la guerre de 1870 est avant tout une histoire urbaine ; la guerre de 1870 « au village » reste très mal connue. Il y a là un vaste chantier à explorer, qui ne peut aboutir sans un important travail quantitatif, lequel permettrait de prendre conscience de l’ampleur des résistances villageoises, mais également de mettre en lumière les élans de solidarité de ruraux qui se portèrent au secours des villes menacées.
62Pour aller plus loin dans l’analyse des résistances urbaines, il est indispensable de saisir le plus finement possible le profil et les parcours des gardes nationaux locaux qui prirent les armes. En l’absence de telles données, on peut néanmoins avancer l’hypothèse que lorsqu’il s’est trouvé des défenseurs, ceux-là appartenaient majoritairement au petit peuple des villes (employés, commerçants, artisans) et à la petite bourgeoise. En somme à la garde nationale sédentaire active, capable de s’équiper à ses frais. Les participations ouvrières avérées (ouvriers des fabriques, ateliers, industries, ouvriers textiles, du chemin de fer, manouvriers, journaliers, etc.), voire majoritaires dans certaines localités, sont difficiles à évaluer. La garde nationale était avant tout, dans une ville en guerre dépourvue de gendarmes ou de garnison, une garde de l’ordre urbain. Les ouvriers, perçus par les autorités municipales comme particulièrement susceptibles d’attenter à l’ordre public et sujets à l’exaltation, étaient objet de mesures particulières destinées à les assagir en leur assurant des secours, des subsistances à bas coût ainsi que du travail pendant les périodes de chômage que l’état de guerre induisait154. Armer ce monde jugé difficilement contrôlable et turbulent n’était sans doute pas la priorité des notabilités municipales, sans compter qu’en présence d’un nombre restreint de fusils, il était préférable d’armer les « bourgeois chasseurs » qu’évoquait Larabit, dont on pouvait espérer qu’ils sachent les manier. La question de la résistance à l’ennemi a en effet pour arrière-plan celle de la paix sociale. On perçoit dans certains centres urbains, comme l’a montré Jean-François Chanet, les discordances entre un élan populaire et la peur, chez les possédants, de voir prendre à cet élan un tour révolutionnaire155. Les velléités de résistances se heurtent alors à une volonté d’ordre, que celui-ci soit assuré par une autorité française ou ennemie, que les notables craignaient moins que l’agitation intérieure, lorsque la première se délitait.
63Il est remarquable enfin que les villes de 1870, à part Rambervillers et Dole, ne se défendirent pas lorsqu’elles étaient livrées à elles-mêmes. La présence d’un préfet, comme à Saint-Quentin, put suffire. Plus souvent, il s’agit de francs-tireurs comme à Châteaudun, de mobiles – mais recrutés en dehors du département – voire de troupes de ligne – même en très petit nombre. La présence d’un « corps étranger » à la ville – que les populations réclamèrent parfois spontanément – pour animer la résistance, même dans un rapport de forces extrêmement déséquilibré, la rendit possible. En son absence, les municipalités, dans un réflexe de préservation des intérêts de la cité, de maintien de l’ordre public et social, mais également de préservation des intérêts particuliers, parvenaient quasi systématiquement à étouffer les velléités de résistance et à faire rendre la ville dans le « calme ». Rares furent les communes où les habitants se retournèrent violemment contre des maires jugés pusillanimes.
64Partant de ce constat qu’il fallut – à de rares exceptions près –, en 1870, la présence d’éléments exogènes pour déclencher la résistance d’une ville – il serait plus juste de dire « pour permettre à une fraction de la population d’exprimer ses velléités de résistance » – les résistances armées de villages ou les secours armés apportés aux villes par des communautés villageoises interrogent d’autant plus qu’ils se produisirent sans concours ou présence extérieure, là où les conditions de possibilité d’une défense armée étaient moins propices qu’en milieu urbain (topographie, faiblesse de l’armement, des effectifs, dévastation et ruine du village probables en cas de représailles).
Annexe
Sigles et abréviations
AD Aisne : Archives départementales de l’Aisne.
AD Jura : Archives départementales du Jura.
AD Loiret : Archives départementales du Loiret.
AM Chauny : Archives municipales de Chauny.
AM Châlons-en-Champagne : Archives municipales de Châlons en Champagne.
AM Nancy, Archives municipales de Nancy.
AM Saint-Quentin : Archives municipales de Saint-Quentin.
AM Soissons : Archives municipales de Soissons.
AMAE PA-AP : Archives du ministère des Affaires Étrangères, papiers d’agents-archives privées.
AN : Archives nationales de France.
SHD : Service historique de la Défense.
Notes de bas de page
1 S. Audoin-rouzeau, 1870, La France dans la guerre, Paris, A. Colin, 1989, p. 136 et 321.
2 Id., « 1870 : une étape oubliée vers la guerre totale. Étude d’opinion publique », Historiens et géographes, no 338, décembre 1992, p. 93.
3 Voir H. Tausin, Les villes décorées de la Légion d’honneur, Paris, Libr. historique des Provinces, 1898 et O. Roynette, « Qu’est-ce qu’une ville d’honneur ? L’exemple de Bazeilles pendant la guerre de 1870-1871 », in X. Boniface (dir.), Du sentiment de l’honneur à la Légion d’honneur, actes du colloque de Boulogne-sur-Mer, La Phalère, Revue européenne d’histoire des ordres et des décorations, 2005, p. 149-164.
4 S. Audoin-rouzeau, 1870, La France dans la guerre, op. cit., p. 213.
5 Ibid., p. 217-218.
6 M. Melleville, Le dernier chapitre de l’histoire de Laon. Récit de ce qui s’est passé dans cette ville et ses environs avant et pendant l’occupation allemande, Laon, chez l’auteur, 1871, p. 6.
7 C. Carême, « 1870-1871 à Laon, la municipalité et l’occupation allemande », Mémoires de la fédération de sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, t. LII, « L’Aisne envahie », 2007, p. 181.
8 J. Vinoy (général), Campagne de 1870-1871, I. Siège de Paris. Opérations du 13e corps et de la troisième armée, Paris, H. Plon et Cie, 1872, p. 90-91. Le général omet de préciser que les soldats de son corps se livrèrent, avec des mobiles et des habitants, au pillage de la gare qu’ils dépouillèrent des marchandises et des provisions accumulées depuis plusieurs jours. SHD Lq 7, Rapport sur les événements qui se sont passés à Laon pendant l’invasion du département de l’Aisne en 1870, Génie, Direction de Mézières, Place de Laon, 31 août 1871.
9 V. Wright, Les préfets de Gambetta, texte complété, mis à jour et présenté par É. Anceau et S. Hazareesingh, préface de J. P. Machelon, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2007, p. 422.
10 J. Vinoy, Campagne de 1870-1871..., op. cit., p. 97.
11 SHD Lq 7, Rapport sur les événements qui se sont passés à Laon..., document cité.
12 AD Aisne, Archives communales déposées de Laon, Registre des délibérations du conseil municipal, séance du 28 août 1870.
13 G. Dupont, L’explosion de la citadelle de Laon. Épisode de l’invasion allemande (1870). Avec pièces justificatives inédites, Caen, F. Le Blanc-Hardel, 1877, p. 62.
14 SHD Ln 7, Dépêche télégraphique du ministre de la Guerre au général commandant à Laon, 8 septembre 1870.
15 Id., Dépêche télégraphique du préfet de l’Aisne au président du gouvernement provisoire et aux ministres de l’Intérieur et de la Guerre, 8 septembre 1870.
16 SHD Lq 7, Rapport sur les événements qui se sont passés à Laon..., document cité.
17 AD Aisne, Archives communales déposées de Laon, Registre des délibérations du Conseil municipal, séance du 28 août 1870.
18 AD Aisne J 1329, Acte de dépôt aux archives départementales de l’Aisne des documents officiels, pièces et écrits relatifs à la prise de Laon et à l’explosion de la citadelle le 9 septembre 1870 par le préfet Ferrand.
19 SHD Ln 7, Dépêche télégraphique du général commandant à Laon au ministre de la Guerre, 8 septembre 1870.
20 SHD Lq 7, Rapport sur les événements qui se sont passés à Laon..., document cité.
21 AD Aisne J 1329, Acte de dépôt aux archives départementales..., document cité.
22 SHD Ln 7, Dépêche télégraphique du maire au général Trochu, 8 septembre 1870.
23 Id., Dépêche télégraphique du maire au ministre de l’Intérieur, 8 septembre 1870.
24 SHD Lm 2, Rapport du commandant du 3e bataillon de la garde nationale mobile de l’Aisne au ministre de la Guerre, 15 septembre 1871.
25 SHD Lq 7, Rapport sur les événements qui se sont passés à Laon..., document cité.
26 M. Melleville, Le dernier chapitre..., op. cit., p. 41-42.
27 SHD Ln 7, Dépêche télégraphique du maire au général Trochu, 8 septembre 1870.
28 Rapport du général Thérémin d’Hame au ministre de la Guerre, 9 septembre 1870, cité par P. Lehautcourt (pseud. du général Palat), « La capitulation de Laon (9 septembre 1870) », Revue historique, t. CII, 1909, p. 290.
29 SHD Lm 2, Rapport du commandant du 3e Bataillon de la garde nationale mobile de l’Aisne..., document cité.
30 AD Aisne J 1329, Acte de dépôt aux archives départementales, document cité.
31 Rapport du général Thérémin d’Hame au ministre de la guerre, 9 septembre 1870, cité par P. Lehautcourt, « La capitulation de Laon... », art. cité, p. 290.
32 Id.
33 SHD Ln 7, Dépêche télégraphique du ministre de la Guerre, 8 septembre 1870.
34 Dépêche militaire allemande officielle du 16 octobre, signée von Krenski. W. Filippi, La Guerre de 1870-1871. Documents officiels allemands. Collection des dépêches télégraphiques du quartier général allemand, de S. M. le roi de Prusse à la reine Augusta, etc., etc. du 31 juillet 1870 au 5 février 1871, Paris, E. Lachaud, 1871, p. 46.
35 N. Urbain, « Soissons et la guerre de 1870-1871 », Mémoires de la fédération de sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, t. LII, « L’Aisne envahie », 2007, p. 142-143.
36 SHD Lq 7, Journal tenu par le commandant du génie de la place de Soissons conformément à l’art. 253 du règlement sur le service des places.
37 SHD Ln 11, Registre des délibérations du conseil de défense de la place de Soissons.
38 N. Urbain, « Soissons et la guerre de 1870-1871 », art. cité, p. 152.
39 Agrégat d’hommes issus du dépôt dudit régiment, d’autres venant du camp de Châlons et enfin d’échappés de Sedan. SHD Ln 11, Déposition de commandant Denis, major du 15e, 13 novembre 1871.
40 Sous le feu notamment, comme l’abbé Leroux, à Soissons durant le bombardement, s’en fit le rapporteur : « L’artillerie mobile du Nord frissonnait et boudait bien un peu sous les premières volées de mitraille ; le cœur des conscrits faiblissait et battait la générale au baptême du feu ; mais les artilleurs de la ligne, plus aguerris et encadrés par des soldats d’élite, prennent le rôle des grognards légendaires, les encouragent, les réconfortent, surtout leur donnent l’exemple de la bravoure et du sang-froid, et bientôt les conscrits font bonne contenance et rivalisent d’ardeur avec les anciens. » Le siège de Soissons en 1870. Impressions et souvenirs, Soissons, Impr.-Libr. G. Nougarède, 1909, p. 39.
41 La guerre franco-allemande de 1870-71. Rédigée par la section historique du grand état-major prussien, seconde partie, Histoire de la guerre contre la République, 11e livraison, Opérations devant Paris et sur la partie occidentale du théâtre de la guerre jusqu’à la fin d’octobre, traduit par le chef d’escadron É. Costa de Serda, Berlin, E. S. Mittler et fils ; Paris, J. Dumaine, 1876, p. 200.
42 « Rapport du chef d’escadron Roques-Salvaza qui commanda l’artillerie de la place pendant le siège », Bulletin de la Société archéologique historique et scientifique de Soissons, t. XIX, 1912, p. 116.
43 AM Soissons, Registre des délibérations du conseil municipal, séance du 14 octobre 1870.
44 D. Vincent, Souvenirs d’un soldat de 1870. Siège de Soissons, Reims, A. Marguin, 1901, p. 216.
45 Leroux (abbé), Le siège de Soissons en 1870..., op. cit., p. 56.
46 SHD Ln 11, Lettre de Salleron à de Nouë, 15 octobre 1870.
47 Id., Rapport du Lt-Colonel commandant la place de Soissons sur les événements qui se sont accomplis depuis la mise en état de siège de la place jusqu’à la reddition, 12 août 1871.
48 Id., Déposition de M. le Lt-Colonel de Nouë, ex-Ct de la place de Soissons.
49 SHD Lq 7, Copie du journal de siège de La Fère tenu par le commandant L. Delmas de la Coste.
50 E. Lavisse, Essais sur l’Allemagne impériale, Paris, Hachette, 1888, p. 36.
51 SHD Lq 7, Lettre de Delmas de La Coste au maire de Fontaine-Notre-Dame qui s’inquiétait de voir revenir quatre gardes mobiles de sa commune, 12 septembre 1870.
52 Id., Anatole de la Forge au commandant Delmas de la Coste, 29 septembre 1870.
53 Id., Lettre du surveillant du génie Leroy, soldat au 3e bataillon, 6e compagnie de garde mobile du Pas-de-Calais au commandant de place de La Fère, 24 octobre 1870, orthographe respectée.
54 É. Fleury, Éphémérides de la guerre de 1870-71 dans le département de l’Aisne, Laon, Impr. du Journal de l’Aisne, 1871, p. 47.
55 Ludovic Cartier, publiciste à Boulogne-sur-Mer. SHD Lm 39, Francs-tireurs du Pas-de-Calais.
56 L. Cartier, Défense de la Fère. Lettre rectificative à un historien, Paris, E. Dentu, 1871, p. 16.
57 SHD Lq 7, Copie du journal de siège de La Fère..., document cité.
58 G. Cappé, Souvenirs de 1870. La Mobile de Vitry, Vitry-le-François, Impr. Tavernier et fils, 1887, p. 21-22.
59 Documents publics pour servir à l’histoire de la guerre de 1870-1871. Les capitulations des places fortes. Rapports du conseil d’enquête... sur les capitulations de Lichtemberg, Marsal, Vitry-le-François, Toul, Laon, Soissons, Schlestadt, Verdun, Neuf-Brisach, Phalsbourg, Montmédy, Amiens, La Fère, Thionville, Paris, Guise, Mézières, La Petite-Pierre, Paris, Libr. Centrale, 1872, p. 24-25.
60 Ibid., p. 37.
61 Ibid., p. 10.
62 Ibid., p. 17. Sur les bonnes dispositions et l’abnégation de la population voir le témoignage de l’aumônier du collège de Verdun Ch.-N. Gabriel (abbé), Journal du blocus et du bombardement de Verdun pendant la guerre de 1870, Verdun, Impr. Lallemant, 1872 et M. Poullin, Les Forteresses françaises en 1870-71. Nos places assiégées, Paris, Bloud et Barral, [1893].
63 C. Thoumas (général), Les capitulations. Étude d’histoire militaire sur la responsabilité du commandement, Paris, Berger-Levrault, 1886, p. 221.
64 M. Barros et A. Picon, « Villes et guerres nationales au XIXe siècle », in A. Picon (dir.), La ville et la guerre, Besançon, Éd. de l’Imprimeur, 1996, p. 177.
65 « Rapport et décret impérial sur le service dans les places de guerre et les villes de garnison », Bulletin des lois, no 1166, 1863, p. 825-983.
66 Leroux (abbé), Le siège de Soissons en 1870..., op. cit., p. 13-14.
67 SHD Ln 7, Protestation de la mairie de la ville de Laon contre l’avis du conseil d’enquête sur les capitulations, 10 mai 1872.
68 SHD Lq 7, Lettre du commandant de place de La Fère au préfet de l’Aisne, 14 octobre 1870.
69 SHD Lq 7, 6 octobre 1870.
70 Id.
71 Id., Lettre du commandant de place de La Fère au préfet de l’Aisne, 14 octobre 1870.
72 Voir C. Espinosa, L’armée et la ville en France, 1815-1870, Paris, l’Harmattan, coll. « Logiques historiques », 2008, notamment p. 252-256.
73 Voir H. Sicard-lénatier, Les Alsaciens-Lorrains à Nancy, 1870-1914, Haroué, PLI-G. Louis, 2002, p. 36-37.
74 Voir C. Farenc, Problèmes de l’occupation allemande en Champagne, 1870-1873, thèse d’État, université Paris I, 1976, p. 174-179, « les Prussiens à Châlons ».
75 Annales du Sénat et du Corps législatif, 9 août-4 septembre 1870, séance du 14 août, p. 120.
76 Ibid., séances des 25 et 29 août au corps législatif, des 26 et 30 août et du 3 septembre au sénat.
77 Propos du sénateur Larabit, ibid., séance du 30 août, p. 70.
78 Propos du député Guyot-Montpayreux, ibid., séance du 25 août 1870, p. 215.
79 Ibid., séance du 30 août, p. 70.
80 Ibid., séance du 23 août, p. 175.
81 AM Nancy 1D 388, procès-verbaux imprimés des délibérations du conseil municipal, séance du 29 août 1870, p. 694-698.
82 « Les troupes prussiennes peuvent, d’un moment à l’autre, être à nos portes. Nous n’avons à Châlons aucuns moyens [sic] d’arrêter ni même de retarder leur marche. Nous adjurons nos Concitoyens de contenir leurs patriotiques et douloureux sentiments et d’éviter toute espèce d’actes d’hostilité. Non seulement ces actes n’auraient aucun résultat utile, mais ils pourraient attirer des malheurs sur les monuments de notre cité, sur nos foyers et sur nos familles. » AM Châlons-en-Champagne 2/3D 24, placard du 23 août 1870.
83 S. Dauphinot, Souvenirs du maire de Reims pendant la guerre franco-allemande, Reims, Libr. L. Michaud, 1904, p. 36-37.
84 À Mâcon, par exemple, le 12 janvier 1814, jour de l’occupation de la ville par les Autrichiens. Proclamation du maire reproduite par V. Develay, La France devant les deux invasions, 1814-1815, d’après des documents officiels et inédits, Paris, J. Corréard, 1864, p. 246-247.
85 La proclamation du maire, des adjoints et conseillers municipaux de Chauny de 1914 présente la particularité d’être directement inspirée de celle adressée aux habitants lors de la guerre précédente, le 9 septembre 1870. Le texte du registre de 1870 est en effet raturé, légèrement modifié au crayon et daté du 29 août 1914. AM Chauny, Registre des déclarations aux habitants et arrêtés municipaux, 9 septembre 1870.
86 AM Châlons-en-Champagne 2/1D 27. Registre des délibérations du conseil municipal, séance du 31 août 1870, fo 283-284.
87 A. de Gobineau, Ce qui est arrivé à la France en 1870, texte établi par A. B. Duff, introduction de J. Gaulmier, Paris, Klincksieck, 1970, p. 144.
88 Ibid., p. 179-180.
89 Par exemple à Dijon : P. Gaffarel, Dijon et l’occupation autrichienne en 1814, Dijon, Impr. de Darantière, 1893, p. 10.
90 A. De Gobineau, Ce qui est arrivé à la France en 1870, op. cit., p. 182.
91 J. Reinach (éd.), Dépêches, circulaires, décrets, proclamations et discours de Léon Gambetta, 4 septembre 1870-6 février 1871, t. I, Paris, G. Charpentier, 1886, p. 370-371.
92 Reproduite par G. Dupont, L’explosion de la citadelle de Laon..., op. cit., p. 149-150.
93 V. Wright, Les préfets de Gambetta, op. cit., p. 259-262.
94 Voir G. L., Souvenirs de l’invasion en Picardie. Anatole de la Forge à Saint-Quentin, Amiens, Impr. de Jeunet, 1879.
95 « La commission municipale s’en méfia toujours un peu et le considéra comme un écervelé et même comme un “fou furieux” ». É. Fleury, Il y a vingt-cinq ans. Documents, récits, souvenirs sur les événements de la guerre de 1870-1871 à Saint-Quentin et dans le Saint-Quentinois, Saint-Quentin, Impr. du Journal de Saint-Quentin, 1895-1896, p. 27-28.
96 AM Saint-Quentin 4H 22, Extrait du procès-verbal des délibérations de la commission municipale provisoire, séance du mardi soir 4 octobre 1870.
97 Id.
98 À la suite de cette délibération, on lit : « Sur l’observation d’un membre, après lecture du présent procès-verbal, la Commission croit devoir insister de nouveau sur un point important de la déclaration de M. le Préfet : la mission que le Gouvernement provisoire de la défense nationale lui a confiée est une véritable consigne de soldat. » Tous les membres ont signé cet ajout au procès-verbal.
99 SHD Lf 14, Préfet de l’Aisne au Gouvernement à Tours, 7 octobre 1870 à minuit.
100 SHD Lq 7, Préfet de l’Aisne au Commandant de Place à La Fère, 8 octobre 1870 à minuit dix.
101 Ordre du jour du chef de bataillon faisant fonction de lieutenant-colonel, Dufayel, 6 octobre 1870. Cité par C. Lefranc, Souvenirs de la guerre (1870-1871). Considérations critiques, morales et politiques sur la guerre. Récits, incidents, faits inédits. Événements accomplis dans le département de l’Aisne, dans la ville et l’arrondissement de Saint-Quentin, depuis le commencement des hostilités jusqu’à la conclusion de la paix, Saint-Quentin, Meurisse-Hourdequin, 1871, p. 97-98.
102 La guerre franco-allemande de 1870-71. Rédigée par la section historique du grand état-major prussien, seconde partie, Histoire de la guerre contre la République, 18e livraison, Opérations sur le théâtre Sud-Est de la guerre jusqu’au milieu de janvier 1871. Opérations devant Paris depuis le commencement de 1871 jusqu’à l’armistice, traduit par le chef d’escadron É. Costa de Serda, Berlin, E. S. Mittler et fils ; Paris, J. Dumaine, 1881, p. 1296. Cet ouvrage parle de « petite expédition ».
103 SHD Lq 7, Copie du journal de siège de La Fère..., document cité.
104 É. Fleury, Il y a vingt-cinq ans..., op. cit., p. 61.
105 AM Saint-Quentin 1I 29, Rapport de police du 10 octobre 1870.
106 SHD Lf 14, Préfet de l’Aisne au Gouverneur général, à Testelin, préfet du Nord et commissaire général, et au préfet de la Somme, 9 octobre 1870.
107 Id., Minute d’un télégramme adressé au général Espivent de la Villeboisnet, 9 octobre 1870.
108 AN F7 12674/Aisne, Préfet de l’Aisne au Gouvernement à Tours, 9 octobre 1870.
109 « Inscrivons Saint-Quentin dans nos fastes guerriers, comme Lacédémone dévouait les Thermopyles à l’immortalité. » Cité par A. Deroux, L’invasion de 1870-71 dans l’arrondissement de Saint-Quentin. Événements politiques et militaires, contributions, impôts, réquisitions, etc., Saint-Quentin, Meurisse-Hourdequin, 1871, p. 49.
110 À titre d’exemple, les archives municipales de Saint-Quentin conservent une lettre expédiée depuis Cherbourg le 15 octobre par un lieutenant de vaisseau à bord de la foudroyante. AM Saint-Quentin 3D 87.
111 De Lille, Douai, Béthune, Calais ou Tourcoing par exemple. AM Saint-Quentin 4H 22 et 3H 144.
112 B. Fleury, « La Journée du 8 octobre à Saint-Quentin », Mémoires de la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne, t. XXIII, 1978, p. 157.
113 AD Aisne, archives communales déposées de Laon 4H 68, Placard du 9 octobre 1870.
114 AN F7 12674/Aisne, Préfet de l’Aisne au Gouvernement à Tours, 10 octobre 1870.
115 AD Aisne, archives communales déposées de Laon 4H 68, Placard du 10 octobre 1870.
116 Journal de Saint-Quentin du 3 mai 1870, cité par le Journal des débats politiques et littéraires, jeudi 5 mai 1870, p. 3.
117 Notamment Charles Lefranc pour qui, à l’annonce de l’arrivée de l’ennemi, « tous les ouvriers de la ville se port[èrent] au bureau de l’état-major et y demand[èrent] des armes ». Souvenirs de la guerre (1870-1871)..., op. cit., p. 96.
118 É. Fleury, Il y a vingt-cinq ans..., op. cit., p. 67.
119 AM Saint-Quentin 4H 22.
120 AM Saint-Quentin, Registre des arrêtés, 14 octobre 1870.
121 J. Reinach (éd.), Dépêches, circulaires, décrets, proclamations et discours de Léon Gambetta, 4 septembre 1870-6 février 1871, t. II, Paris, G. Charpentier, 1891, p. 507.
122 Le procès-verbal de ce conseil est reproduit par É. Fleury, Il y a vingt-cinq ans..., op. cit., p. 105.
123 SHD Lq 6, Préfet de l’Aisne au gouvernement à Tours, 17 octobre 1870.
124 AM Saint-Quentin 4H 22, Procès-verbal de la séance du 20 octobre 1870.
125 Voir C. Farenc, Problèmes de l’occupation allemande en Champagne, 1870-1873, thèse citée, p. 192-200, « L’incident d’Épernay et ses conséquences » et M. Leroy, Épernay à l’heure prussienne, 1870-1872, mémoire de DEA d’histoire, université de Reims, 1995, p. 8-14.
126 L.-M. Petit, Histoire d’Épernay et de l’invasion 1870-1871 dans l’arrondissement, vol. 1, Épernay, Impr. du Courrier du Nord-Est, 1898, p. 191.
127 P. Allorant, Le corps préfectoral et les municipalités dans les départements de la Loire moyenne au XIXe siècle (1800-1914), Orléans, Presses universitaires d’Orléans, 2007, p. 361-362 ; S. Audoin-rouzeau, 1870, la France dans la guerre, op. cit., p. 215 ; É. Bonhomme, La République improvisée : l’exercice du pouvoir sous la Défense nationale, 4 septembre 1870-8 février 1871, Saint-Pierre-du-Mont, Eurédit, 2000, p. 313.
128 Le Moniteur universel, no 286, mardi 18 octobre 1870.
129 Les renseignements qui précèdent sont tirés des ouvrages suivants : R. de Coynart, La Guerre à Dreux, 1870-1871. Correspondances, relations, extraits, notes et pièces officielles, Paris, Didot, 1872 et A. Sirven, La Défense de Dreux en octobre 1870, réponse à la commission d’enquête sur le gouvernement de la défense nationale, Paris, A. Sagnier, 1874.
130 L. Brindeau, Les Événements de 1870-1871 au Havre, I. Du 15 juillet 1870 au 25 janvier 1871, Le Havre, Société anonyme du Journal du Havre, 1909, p. 310.
131 AMAE PA-AP 79-41, Procès-verbal de la séance du conseil municipal de Rouen du 5 décembre 1870.
132 M. Vélin, Défense d’une ville ouverte. Rambervillers en 1870, Nancy, J. Royer, 1895, p. 10. Outre ce document, nous avons également utilisé pour la rédaction de ce paragraphe, F. Bouvier, « Les héros oubliés. La défense de Rambervillers en 1870 », La Nouvelle Revue, t. XL, mai-juin 1886, p. 514-525.
133 R. Perrout, « Épinal pendant la guerre. II. Le choc », Le Pays Lorrain et le Pays Messin, 1913, p. 166-182.
134 Le Moniteur universel, no 290, samedi 22 octobre 1870.
135 H. Tausin, Les villes décorées de la Légion d’honneur, op. cit., p. 27-34.
136 « Correspondance privée août 1870-mars 1871. J.-A. Clément, V. Vallée », Bulletin de la société dunoise : archéologie, histoire, sciences et arts, t. XX, no 281, « Châteaudun en 1870 chronique familiale », 1991, p. 16 pour cette citation et p. 15 pour la précédente.
137 Odile Roynette évoque la résistance de « quelques centaines de gardes nationaux sédentaires, aidés par des unités de francs-tireurs » quand il serait plus juste de parler de la résistance d’un millier de francs-tireurs aidés par 200 à 300 gardes nationaux, O. Roynette, « Qu’est-ce qu’une ville d’honneur ?... », art. cit., p. 151.
138 Les renseignements sur cet épisode sont tirés des ouvrages suivants : E. de Lipowski (comte de, général), La Défense de Châteaudun, suivie du rapport officiel adressé au ministre de la guerre, Paris, Impr. de C. Schiller, 1871 ; P. Montarlot, Journal de l’invasion : Châteaudun (4 septembre 1870-11 mars 1871), Châteaudun, Pouillier-Vaudecraine, 1871 ; L. Rousset (Lt-Colonel), Histoire générale de la guerre franco-allemande (1870-1871), t. II, Paris, Jules Taillandier [1900], p. 22-24.
139 C. Laudin, L’occupation allemande en Côte-d’Or et ses conséquences de 1870 à 1877, mémoire de maîtrise d’histoire, université de Bourgogne, 2000, p. 48, et sur la bataille de Dijon, p. 46-50.
140 M. H. Clément-janin, Journal de la guerre de 1870-1871 à Dijon et dans le département de la Côte-d’Or, première partie, 14-31 octobre 1870, Dijon, J. Marchand ; Manière-Loquin, 1873, p. 87-93.
141 I. Fellrath et F. Fellrath-bacart, La guerre de 1870-1871 en Touraine. Un nouvel éclairage, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 65.
142 Ibid., p. 62.
143 Ibid., p. 65.
144 Wencke Meteling, Ehre, Einheit, Ordnung. Preußische und französische Städte und ihre Regimenter im Krieg, 1870/71 und 1914-19, Baden-Baden, Nomos, 2010, p. 161.
145 AD Loiret Br 11373, Notes et souvenirs de Claire Geffrier, 8 septembre 1870. Je remercie Philippe Nivet de m’avoir communiqué une transcription de ce document.
146 AD Jura 2J 12, Mémoires de la guerre de 1870-71 à Dole par Louis Billard, p. 12.
147 J. Étienne, « Les Prussiens devant Dole (1870) (suite) », Bulletin du Cercle républicain des Franc-Comtois à Paris, no 24, mars 1891, p. 379 [BM Dole].
148 M. Budin, Invasion de Dole le 21 janvier 1871. Épisode de l’hôtel de la Ville de Lyon, Dole, Impr. Pillot, [s. d.], p. 10 [BM Dole].
149 « Indigné de voir ces vieux soldats se sauver ainsi devant quelques centaines de Prussiens, je leur reprochai leur fuite précipitée et en même temps, comme pour accentuer mon indignation, mes hommes lancèrent ce cri unanime : En avant ! » J. Étienne, « Les Prussiens devant Dole (1870) (suite) », art. cité, p. 377.
150 A. de Gobineau, Ce qui est arrivé à la France en 1870, op. cit., p. 182-183.
151 S. Audoin-rouzeau, « Ernest Lavisse et L’invasion dans le département de l’Aisne (1872) », in O. Carpi et Ph. Nivet (dir.), La Picardie occupée du Moyen âge au XXe siècle, actes du colloque d’Amiens du 13 juin 2003, Amiens, Encrage, 2005, p. 71-80.
152 L. Cartier, Défense de la Fère..., op. cit., p. 23.
153 Selon François Roth, celui-ci « n’est ni une construction intellectuelle ni un projet politique, il naît du contact direct, physique avec l’ennemi et surtout avec l’occupant. » La guerre de 1870, Paris, Fayard, 1990, p. 549.
154 À Nancy, le conseil municipal décidait le 12 août la création de chantiers où les ouvriers sans ouvrage pourraient « utiliser leurs bras et assurer leur subsistance et celle de leur famille » et l’organisation de secours en bons de pain pour les familles les plus pauvres ; dans la même séance le conseil municipal observait qu’il devrait s’occuper activement de la police de la ville dans des « circonstances où les causes de désordre et de conflit [pouvaient] si facilement se produire chez une population exaspérée par la misère et les malheurs de la patrie ». AM Nancy 1D 388, procèsverbaux imprimés des délibérations du conseil municipal, séance du 12 août 1870, p. 651.
155 J.-F. Chanet, « “From the Wound a Flower Grows”. A Re-Examination of French Patriotism in the Face of the Franco-Prussian », in W. M. Van Ginderachter et M. Beyen (ed.), Nationhood from Below. Europe in the Long Nineteenth Century, New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 224.
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