Mots, politiques, territoires : l’insécurité urbaine en France depuis les années 1970
p. 47-62
Texte intégral
1L’insécurité apparaît assez brutalement en France, quelque part vers le milieu de la décennie 19701. Depuis, elle n’a plus quitté l’agenda des problèmes de société. Le terme ne vient pas du monde savant mais du débat public : il y a pris une coloration particulière en raison de la présence pendant presque toutes ces Trente Piteuses d’une Extrême-Droite qui capitalise sur l’insécurité et la xénophobie et qui s’avère capable d’imposer ses thématiques à toute la scène politique. L’investissement scientifique n’en a pas été facilité. Rendre compte des approches françaises de l’insécurité, de leur spécificité, va donc nécessiter des allers et retours entre la scène politique et la scène scientifique, un peu comme on natte une tresse.
2On y procèdera selon une progression à peu près chronologique qui abordera successivement la découverte de l’insécurité, l’insécurité et la vie locale, l’insécurité et la délinquance, l’insécurité comme politique et enfin les rapports entre insécurités et territoires.
La découverte de l’insécurité
Du maoïsme à l’insécurité
3Durant la première partie de la décennie 1970, tout au long des années Marcellin2, l’État avait redouté l’importation d’un terrorisme politique : sous l’égide d’un complot maoïste, n’allait-on pas assister au basculement dans l’action violente d’une nébuleuse gauchiste à la recherche d’une revanche ? Avec le remplacement de Raymond Marcellin par Jacques Chirac, on a assisté à un véritable déplacement de la politique de sécurité intérieure : le discours et les préoccupations se centraient désormais sur la délinquance, plus exactement sur l’insécurité qu’elle occasionne. Le changement de registre n’a toutefois pas été complet : on avait délaissé le terrorisme pour la délinquance, mais on continuait à parler de violence. Quand il a essayé de mimer les grandes commissions présidentielles américaines, le nouveau président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, a chargé Alain Peyrefitte (1977) d’étudier la violence, la criminalité et la délinquance3. Et l’éphémère loi du 5 février 1981 « sur la sécurité et les libertés » organisait une sorte de bifurcation : on donnait la priorité à la répression des infractions violentes plutôt qu’à la lutte contre la délinquance rusée ou contre la « petite délinquance ».
4C’est que la délinquance était désormais appréhendée en termes de sécurité : on vantait ou l’on dénigrait les vertus des politiques de sécurité ; c’est l’insécurité qui faisait débat ; on brandissait une revendication de sécurité. Ainsi ne s’intéressait-on ni à la criminalité d’affaires – qui pourtant soulevait les passions – ni même à celle d’appropriation, qui connaissait depuis 1960 une explosion historique – mais principalement à la délinquance violente. Du coup, l’opposition de l’époque a été prompte à soupçonner un complot politico-médiatique attaché à détourner l’opinion des vrais problèmes sociaux, le chômage et l’inflation.
Un investissement scientifique malaisé
5Les premières enquêtes empiriques sur l’insécurité ont été quelque peu décalées dans le temps par rapport à ce débat ; leurs conclusions n’ont guère fortifié la thèse du complot, même si certains de leurs auteurs étaient fortement portés au départ à en soupçonner l’existence. En 1980, Coing et Meunier ne sont pas parvenus à retrouver dans leurs entretiens le discours médiatique qu’ils croyaient à l’origine de l’insécurité, sauf à l’état de fragments réagencés par leurs interlocuteurs dans les sens les plus divers4. Quelques années plus tard, Dulong a appelé l’attention sur l’importance des rumeurs infra-médiatiques qui risquent d’échapper à des protocoles de recherche trop rigides5. Encore un peu plus tard, Hugues Lagrange a produit une synthèse équilibrée des recherches dédiées au rôle des médias dans l’insécurité : si ces derniers ne créent pas de toute pièce une préoccupation sécuritaire, ils l’attisent chez les insécures en lui fournissant des points de cristallisation sur des violences emblématiques. Leur poids sur la peur est notable en cas de consonance entre le vécu du lecteur ou de l’auditeur et le message médiatique6.
6Si le sentiment d’insécurité ne se résumait pas à une simple création artificielle, une fois le rôle des médias ramené à des proportions plus modestes, on a cherché naturellement à savoir qui en était plus particulièrement porteur. On a souvent pointé les classes moyennes en général, ou plus précisément des « petits bourgeois » que les mutations économiques, les changements des idées ou les bouleversements de la structure sociale laissaient pour compte ; en tout cas, on l’imputait rarement aux prolétaires ou aux dominants. Dulong a souligné que les milices d’autodéfense rencontrées dans ses enquêtes fleurissaient plutôt dans des localités en porte-à-faux entre une ancienne ruralité et une fausse urbanité7 ; Lagrange a pointé le poids d’un style de vie à insertion sociale pauvre ou marginale8 ; Coing et Meunier ont mis l’accent sur les conséquences de mutations économiques9... Déclinée différemment selon les auteurs et leurs terrains d’enquête, l’interprétation raccrochait l’insécurité à la difficulté de certains devant les changements qu’il leur fallait affronter.
7On ne parvenait guère cependant à enclencher un cercle vertueux d’accumulation : outre le caractère lent de l’investissement empirique du chantier et sa grande fragmentation, on assistait à un effet de dispersion dû à un manque durable d’harmonisation des outils surtout quantitatifs. Ajoutons que ces premiers travaux ignoraient alors largement tant la tradition de recherche britannique sur la moral panic que l’étasunienne sur la fear of crime10.
Insécurité et vie locale
L’irruption des collectivités locales dans les politiques de sécurité
8L’alternance politique de 1981 a entraîné – avec l’abrogation partielle de la loi « sécurité et libertés » et l’abolition de la peine de mort – une rupture, plus spectaculaire que réellement complète avec les orientations sécuritaires du septennat Giscard d’Estaing. Cependant, les émeutes urbaines de la banlieue lyonnaise ont éclaté comme un coup de tonnerre en plein état de grâce et pris de court le nouveau gouvernement. Après des bricolages d’urgence en plein été, une commission d’élus locaux – bientôt présidée par un député-maire de Seine-Saint-Denis, Gilbert Bonnemaison – a été chargée de faire des propositions. Grande nouveauté : depuis l’étatisation des polices municipales par le gouvernement collaborationniste de Vichy, la délinquance était affaire de l’État central aidé par quelques petits secteurs associatifs. Mais les nouveaux responsables politiques avaient fait leurs classes dans la vie locale et ils avaient enfourché le cheval de la décentralisation. Le Premier ministre, Pierre Mauroy, attendait surtout de cette commission qu’elle lui permette de laisser son Garde des Sceaux, Robert Badinter, faire abroger la loi Sécurité et Libertés sans trop prendre à rebrousse-poil ses collègues maires de grandes villes affrontés à des revendications sécuritaires. De manière inattendue, la Commission Bonnemaison allait largement dépasser cette mission et accoucher d’une nouvelle doctrine globale de sécurité : prévention, répression, solidarité11.
9Les grandes administrations d’État n’étaient certes pas prêtes à tolérer un tel empiètement sur leurs prés carrés respectifs mais on pouvait au moins, sans gêner personne, mettre en œuvre le volet préventif. Sur cet article, la Commission tournait assez largement le dos à la tradition de prévention spécialisée incarnée par les Clubs et équipes de rue12 et optait pour une prévention sociale territorialisée consistant à concentrer sur des zones urbaines en difficulté des politiques sociales de discrimination positive. Surtout, elle confiait au maire le soin d’organiser un partenariat local entre services étatiques, collectivités locales et secteur associatif. Le dispositif était chapeauté à l’échelle nationale par un organe paritaire réunissant les grandes administrations de l’État et les représentants des maires de grandes villes. De cet épisode, est resté un retour en force des collectivités locales dans le champ de l’insécurité, même s’il a fallu ensuite le redécouvrir périodiquement.
10En ne se préoccupant guère de rénover la prévention spécialisée, en refusant la prévention situationnelle qui commençait sa carrière outre-manche, cette politique de prévention misait toute sa fortune sur des mesures de moyen terme. L’alternance de 1986 ne lui a pas laissé le temps de déployer ses effets. Certes, la Droite revenue aux affaires ne put éradiquer un dispositif canonisé par son caractère largement bipartisan ; elle se contenta de le paralyser en écartant ses animateurs nationaux. Surtout, elle revint à la dénonciation de la violence et à la nécessité de muscler la répression13. Ce faisant, on augmentait la divergence entre le préventif et le répressif. Avant 1986, déjà, il s’était avéré impossible de les mettre en cohérence : la hiérarchie policière s’était opposée avec succès au retour à la conception originelle qui plaçait la dissuasion préventive au premier plan des tâches policières. Elle avait réussi à maintenir une doctrine d’action limitée au maintien de l’ordre et à la répression pénale.
L’étude de l’insécurité dans la vie locale
11Très logiquement, l’investissement scientifique de l’insécurité a emprunté alors à la sociologie de la ville ou à celle de la vie locale. Deux ensembles tranchent par leur cohérence et leur ampleur.
12Dans la région Rhône-Alpes, Hugues Lagrange, ensuite rejoint par son élève Sebastian Roché, a mis principalement en œuvre des démarches quantitatives14. Les résultats ont mis en exergue l’importance de la qualité des relations et des réseaux microsociaux dans l’explication de l’insécurité15.
13Dans le Nord, Dominique Duprez a plutôt utilisé des méthodes qualitatives à base de campagnes d’entretiens. Il a surtout mis l’accent sur la différence entre ceux que la délinquance apeure et ceux qu’elle préoccupe16. Il a ensuite donné à son investigation une plus vaste ampleur par une enquête menée de concert avec l’INSEE, qui mêlait qualitatif et quantitatif et embrassait un échantillon de quartiers faisant l’objet de procédures de développement social des quartiers (DSQ)17.
Insécurité et délinquance
L’insécurité entre politique de la ville et répression policière
14En 1988, après une nouvelle alternance politique, le gouvernement Rocard choisit de fusionner le dispositif de prévention avec une autre création des débuts des années 1980, le Développement social des quartiers (DSQ). Dans cette nouvelle politique de la ville, on tentait donc d’articuler les programmes de prévention avec les politiques sociales. En réalité, le poids dans ces dernières du ministère de l’Équipement et des opérations de réhabilitation du bâti et de l’environnement de proximité risquait bien de faire perdre de vue le premier volet. De surcroît, une nouvelle vague d’émeutes urbaines, cette fois aussi bien en banlieue parisienne qu’à la périphérie lyonnaise, faisait bégayer l’État entre cette nouvelle logique interministérielle – caractérisée par la création d’une délégation interministérielle à la Ville (DIV) – et le retour à une logique ministérielle illustrée par la création d’un ministère de la Ville et de sous-préfets à la Ville.
15Surtout, en raison de l’abandon de deux des trois volets du rapport Bonnemaison, aucune coordination ne fonctionnait vraiment pour éviter les contradictions entre ces politiques urbaines et les politiques de répression aux mains du ministère de l’Intérieur. Toute la décennie sera occupée par la succession de mesures – favorisées par l’instabilité politique de la période – pour tenter de résoudre le problème sans jamais parvenir, malgré un feuilleté de plus en plus complexe, à réduire la dualité Ville-Intérieur.
16Au sein du premier pôle, l’aspect préventif ne parvient pas à prendre de la consistance, de sorte que les multiples expériences locales manquent d’un interlocuteur central capable de fournir évaluation, pilotage, discernement des bonnes pratiques. Du coup, la prévention sociale manquait de substance et, peu à peu, triomphe une conception purement défensive. En combinant prestations de main-d’œuvre (vigiles) et de technologie (télésurveillance), le marché privé de la sécurité avait déjà permis d’enfermer dans des bulles de sécurité d’abord les entreprises, surtout celles exposées à recevoir le public, ensuite avec plus de difficulté les réseaux de transport public, enfin les équipements collectifs. Les élus locaux étaient de plus en plus séduits par ces formules de prévention situationnelle dont les promoteurs en Europe sont anglais et néerlandais18. Ce mouvement s’est accéléré au milieu de la décennie 1990 quand une loi Pasqua y a soumis les entreprises de spectacle sportif ou musical.
17À l’extrême fin du siècle cependant, le gouvernement Jospin esquisse, après le colloque de Villepinte, plusieurs innovations en matière de sécurité :
- la conversion d’une police d’ordre en police de proximité ;
- le développement d’un néo-prolétariat de sécurité constitué d’agents locaux de médiation sociale financés sur des emplois-jeunes ;
- une politique destinée à sanctionner les communes refusant d’investir dans l’habitat social.
18L’ensemble aurait pu constituer l’armature d’une politique de sécurité cohérente. Toutefois, ces mesures – engagées sur des bases incertaines et souffrant de l’absence d’un pilotage politique unifié – ont cristallisé de farouches oppositions politiques et corporatistes. Elles n’auront pas le temps de prospérer puisque le retour de balancier politique de 2002 entraîne leur ruine.
Peur et préoccupation
19Si les premières recherches françaises sur le sentiment d’insécurité ne s’intéressaient guère à sa liaison avec la délinquance, l’évolution des politiques de sécurité et la (tardive) réception de la tradition de recherche sur la fear of crime ont progressivement réorienté l’attention des chercheurs19. En 1993, Hugues Lagrange a réanalysé dans ce sens son enquête grenobloise tandis que Jean-Pierre Grémy réexaminait les données d’une enquête collective notamment pilotée par Annick Percheron20. Tous deux concluaient à des relations entre peur et insécurité, significatives mais partielles. Du coup, sous l’influence de Sebastian Roché, on s’est demandé s’il ne fallait pas mettre surtout en cause les incivilités21. Malheureusement, l’insuffisance des données disponibles contrastait avec l’abondance des hypothèses ; cette situation n’a pas permis d’aller très loin dans la vérification empirique de ces différentes liaisons.
20Finalement, la dialectique délinquance-insécurité a surtout été traitée par la réception – tardive et difficile – de la distinction suggérée dès 1971 par Furstenberg entre peur (fear) et préoccupation (concern)22. Grâce à la mobilisation d’une belle série d’enquêtes jusqu’alors peu utilisées dans le champ de l’insécurité, il a été possible de démontrer que, si ces deux facettes de l’insécurité pouvaient être coprésentes chez certains acteurs sociaux, leurs mécanismes différaient largement23. La préoccupation abstraite apparaît liée à un manque de ressources (de l’éducatif au professionnel) qui fait appréhender le changement et haïr tout désordre ; très facilement, elle se combine avec la punitivité et la xénophobie. En revanche, elle est assez peu sensible aux variations de l’exposition personnelle à la délinquance. Tout au contraire, la peur concrète se montre fortement liée au risque encouru, modulé toutefois par la plus ou moins grande vulnérabilité éprouvée. L’addition de nouvelles données a ensuite permis de documenter l’extension ultérieure des préoccupations sécuritaires à des fractions sociales qui y avaient été jusqu’alors rétives24. La disponibilité d’enquêtes sur cet aspect de l’insécurité, la contamination de tout le débat public par les thèses de l’Extrême-Droite expliquent probablement pourquoi la recherche française a finalement consenti à la préoccupation une place importante alors que son homologue anglo-saxonne concentrait de plus en plus son intérêt sur la peur.
21Au milieu des années 1990, quelques auteurs ont été tentés de lire dans les mutations concernant la criminalité et le sentiment d’insécurité la brisure d’un mouvement pluriséculaire de civilisation des mœurs, mais cette lecture n’a pas prospéré25. Le processus décrit par Norbert Elias26 est bien antérieur à la constitution du monde ouvrier et, a fortiori, de la société salariale, de sorte qu’on ne voyait pas pourquoi leur remise en cause depuis deux décennies aurait entraîné nécessairement la sienne. J’ai alors proposé une autre construction théorique de long terme27. Dans les sociétés européennes d’ancien type, entretenir des relations sociales régulières au-delà de la proximité immédiate était hors de portée de la plupart, de sorte que ces sociétés se caractérisaient par une sociabilité vicinale28. Du coup, la protection des personnes et des biens ressortait, pour l’essentiel, aux normes et aux médiations de petites sociétés locales. Même étatisées, ces formations sociales n’abandonnaient à l’autorité publique que ce qui échappait aux contrôles sociaux de proximité. Cette situation a duré tardivement dans le XIXe siècle, au moins dans les profondeurs rurales qui regroupaient alors les quatre cinquièmes de la population. Mais quand il est devenu progressivement moins coûteux d’entretenir des relations régulières au-delà même de la proximité géographique, alors le règne des petites sociétés locales et leurs capacités de contrôle sur leurs membres se sont affaissés. Pour la première fois, les États nationaux se sont trouvés en position d’assurer en vraie grandeur la sécurité des personnes et des biens. Au-delà des fantasmes d’élimination des « incorrigibles » qui ont traversé les pays européens entre la grande crise des années 1880 et la Première Guerre mondiale, ils y sont parvenus en ajoutant à la classique dissuasion par la peine, un important volet préventif et un embryon de politique sociale qui s’inscrivait dans le lent passage de l’État libéral du XIXe siècle à un État social.
22Longtemps stable, ce modèle a été bousculé dans la deuxième partie du XXe siècle par une explosion historique de la délinquance d’appropriation liée à l’entrée dans la consommation de masse et dans la société de consommation29. Dans un premier temps cependant, cette prédation de masse n’a pas suscité de fortes préoccupations sécuritaires. Elle apparaissait comme une conduite d’expérimentation juvénile à laquelle on mettait facilement fin en ramenant ses auteurs vers un marché du travail fortement intégrateur qui consentait un statut stable, avec des contrats de travail à durée indéterminée, même aux salariés sans qualification30. Par ailleurs, l’État social fonctionnait comme un bloqueur des névroses sécuritaires, chacun se persuadant que demain serait meilleur qu’aujourd’hui et, qu’en tous cas, la génération suivante aurait un sort plus heureux que l’actuelle. Tout a changé à partir du milieu des années 1970 quand le marché du travail s’est dualisé en ne consentant plus aux non-qualifiés que des positions précaires à faible valeur intégratrice, tandis que s’affaiblissait le modèle de l’État social. Alors, une préoccupation sécuritaire s’est assez brutalement cristallisée autour de la délinquance, surtout chez ceux qui se sentaient mal armés pour faire face aux mutations économiques et sociales. Ils appréhendaient, pour eux et pour leurs proches, une précarisation de leur statut social, ils ne supportaient plus les désordres des plus mal lotis qu’eux, de ceux qui tentaient par une délinquance d’appropriation à grande échelle de rester dans le jeu de la société de consommation et par des bouffées de violence de basse intensité, de riposter à la déqualification sociale qu’ils ressentaient.
L’insécurité comme politique
Un enjeu politique majeur
23Dans sa tentative pour stabiliser une politique de sécurité, le gouvernement Jospin n’a pas réussi à intégrer les deux pôles – la politique de la ville et celle de la police – sacrifiant assez largement celle-là à celle-ci ; il a mené assez maladroitement sa tentative pour convertir cette dernière à une formule de police de proximité. Finalement il a dû affronter une véritable révolte de la Police nationale et même de la Gendarmerie au prétexte d’une loi sur les garanties des libertés en procédure pénale, mais en fait sur la doctrine d’action de la police. De ces défis, il est d’autant moins parvenu à sortir par le haut qu’il a cédé à la panique internationale des lendemains de l’attentat new-yorkais de 2001. Finalement, la Gauche a perdu les élections de 2002. Largement sur le thème de la sécurité.
24Depuis, les bilans officiels de l’Observatoire des ZUS31 soulignent de manière lancinante l’aggravation de la situation relative de ces zones, probablement parce que l’affectation incessante de nouveaux résidents très précaires, notamment de migrants récents, déjouent tous les efforts concentrés sur ces zones. Au surplus, les gouvernements de Droite ont déplacé la politique de la ville vers la rénovation immobilière (loi de 2003 sur la rénovation urbaine, dite « loi Borloo ») en vue de dissoudre les zones urbaines difficiles, grâce à des programmes de destruction d’immeubles et de relogement de leurs habitants. En fragilisant le financement des associations de terrain et des emplois de médiation, ils ont affaibli les capacités locales de prévention, de plus en plus invitées à se rabattre sur une conception purement situationnelle, illustrée par la faveur pour la vidéosurveillance. Quant à l’État central, il s’est replié sur une conception purement répressive de la sécurité qui se traduit par un durcissement de l’affrontement entre police et « jeunes de banlieue » et culmine dans les émeutes urbaines de 2005, accompagnées de plusieurs répliques, comme celles de Villiers-Le-Bel en 2007.
25Cette politique, combinée avec une ferme xénophobie, a obtenu un beau succès lors des élections de 2007, faisant revenir vers la Droite des électeurs partis depuis vingt-cinq ans vers l’Extrême-Droite... Succès sans lendemain, toutefois : en 2012 et plus encore en 2014, l’Extrême-Droite a atteint un score inédit en profitant probablement de la légitimation accordée à ses thèses par la politique sécuritaire menée depuis 2002.
Retour à une analyse politique de l’insécurité
26Que cette nouvelle phase coïncide avec un retour à une analyse essentiellement politique de l’insécurité n’a rien d’étonnant. La thèse de Bonelli (2008), constitue une bonne illustration de cette phase de l’investigation scientifique32. Elle soutient que le gouvernement de gauche de la fin du siècle précédent a constitué un moment tournant dans l’invasion du politique par l’insécurité, sous l’influence d’élus comme Julien Dray. L’analyse s’attache à la manière dont l’institution policière a traduit l’injonction politique d’une police de proximité en un harcèlement continu des groupes de jeunes des zones urbaines populaires, avec une pénalisation systématique de leur indiscipline sociale. Elle montre aussi comment les contrats locaux de sécurité ont incliné les élus locaux vers une option de prévention situationnelle sous l’influence de pseudo-experts agissant comme prescripteurs en faveur de prestataires privés de sécurité. Mais si le virage sécuritaire pris par le gouvernement Jospin a été tellement décisif, comment se fait-il qu’il se soit heurté à une quasi-révolte de ses polices, avant de perdre les élections de 2002 sur le thème de la sécurité ? S’il avait suivi une stratégie « blairiste », on se serait attendu à ce qu’il remporte le même succès que son modèle lors des élections britanniques de 199733. Bonelli se contente de présenter la suite, la période Sarkozy, comme une continuation sans grande innovation de la politique Jospin, avec un renforcement du rôle et des pouvoirs du maire, un durcissement de la répression des petits délits et un développement des technologies de contrôle et de surveillance. Ce dernier trait connaît une telle extension entre 2007 et 2012 que sa cible réelle semble dépasser les jeunes des quartiers populaires. Faute de pouvoir compter sur une forte légitimité ou sur le relais d’organisations de masse, ce gouvernement aurait été conduit à miser massivement sur son appareil policier pour prévenir les remous suscités par un déplacement de l’équilibre entre État social et État néolibéral. Un État qui penche vers le libéralisme est toujours plus incliné à la répression qu’un État social, dans la mesure où il dispose de moins d’arguments pour s’assurer la loyauté des citoyens.
27Cependant l’alternance politique de 2012 a fait avorter ce débat ; elle a coïncidé avec une attention nouvelle portée au lien entre sentiment d’insécurité et territoires.
Insécurités et territoires
28Sur ce point, les recherches françaises ont mis l’accent sur l’importance de la peur dans les quartiers de relégation : un niveau identique d’exposition à la délinquance y est davantage ressenti qu’en centre-ville, dans la mesure où il souligne aux yeux des habitants la relégation sociale dont ils pâtissent34. À partir de là, on a vu s’esquisser une répartition tripartite – des zones résidentielles où victimation et insécurité demeurent à l’étiage, des centres-villes où une forte exposition délinquante ne s’accompagne pourtant pas de beaucoup d’insécurité, des quartiers de relégation où le risque de victimation va de pair avec une forte insécurité35. Une recherche récente fait apparaître une situation encore plus complexe, où l’insécurité apparaît selon plusieurs avatars. L’institut d’aménagement et d’urbanisme d’Île-de-France (IAU-IdF) réalise depuis le début du siècle de belles enquêtes dont l’analyse secondaire a permis d’approfondir les différentes combinaisons territoriales de la victimation et de l’insécurité36.
L’Île-de-France : un contexte particulier
29Globalement, l’Île-de-France constitue par rapport au reste du territoire national une aire où le risque de victimation est élevé. Toutefois, la situation varie d’un endroit à l’autre. S’éloigner de la capitale constitue la meilleure protection contre le risque de victimation : ceux qui résident en grande banlieue y sont moins exposés. Il n’est pas toujours nécessaire d’aller bien loin pour gagner une relative tranquillité : il suffit par exemple de choisir les zones résidentielles de la proche banlieue Sud-Ouest, dominées par l’encadrement d’entreprise. L’air de Paris, en revanche, n’immunise pas ses résidents. Tout au contraire, ils sont plutôt plus exposés à la victimation que la moyenne des Franciliens... Pour les habitants des arrondissements les plus cossus du Centre, du Sud et du Sud-ouest de la capitale, ce risque est toutefois limité, ces secteurs étant largement protégés par le coût prohibitif de l’immobilier. Pour ceux qui résident dans les arrondissements Nord et Nord-est, le risque est également de proximité, mais il les atteint davantage. Moins aisés que les résidents des arrondissements cossus, ils n’ont pu rester dans Paris qu’en investissant d’anciens quartiers populaires dont le peuplement traditionnel a été largement remplacé par l’immigration37. Comme on peut s’y attendre, la proche banlieue populaire Nord, incluant de nombreuses zones de relégation, subit quant à elle une forte pression délinquante quoique, finalement, le risque soit aussi élevé dans la partie Nord de la capitale qui jouxte cette banlieue. En fin de compte, l’exposition au risque de victimation dépend beaucoup de l’implantation : Paris et sa proche banlieue Nord constituent une zone où il est élevé tandis que le reste de la région est moins exposé. De surcroît, dans le premier cas, on est plus que proportionnellement exposé à un risque de proximité lié au quartier où l’on habite. Dans le second cas, s’il arrive d’être victimé, c’est plutôt loin de sa résidence. On voit ainsi s’esquisser un clivage entre deux victimations : une première, plutôt liée au cadre de vie, tandis que la seconde concerne davantage une vie menée loin de chez soi.
Un sentiment d’insécurité pluriel
30Le sentiment d’insécurité fonctionne différemment et il apparaît surtout lié au rang social. Ceux qui bénéficient de multiples capitaux – éducatifs, professionnels, financiers – ne présentent guère de crispations sécuritaires : la délinquance constitue à leurs yeux un enjeu mineur. Qu’ils y soient ou non exposés, ils adhèrent globalement à une vision « sociale » du monde, où l’accès au travail et aux revenus constitue un défi bien plus important, même si les cadres du privé se distinguent par une consonance plus « moraliste ».
31On comprend sans peine l’irénisme prôné par les habitants de la proche banlieue résidentielle, là où la pression délinquante est limitée. Pour les Parisiens, le prestige et les avantages de la résidence dans la capitale empêchent une plus forte exposition à la victimation de se traduire en insécurité. Le cas des arrondissements Nord et Nord-est rappelle la différence entre la peur concrète – qui est une sorte d’anticipation du risque – et la préoccupation abstraite. Soumis à un risque élevé dans des zones de résidence incomplètement gentrifiées, les habitants de cette partie de la capitale manifestent de manière réaliste qu’ils sont conscients des risques encourus dans leur voisinage immédiat. On peut y lire un écho de la concurrence entre usages populaires et usages élitistes de l’espace public dans les quartiers en voie de gentrification. Pour autant, l’enjeu n’est pas tel au regard des avantages de la vie parisienne qu’il les fasse verser dans une crispation sécuritaire. Eux aussi communient donc dans la vision d’un monde décontracté qui convient à des gagnants. Non plus que dans la punitivité à laquelle ils ne croient pas, ils ne versent dans la xénophobie malgré la forte composante migratoire de leur zone de résidence. Il est vrai qu’ils contournent largement cette dernière en organisant à bas bruit une sorte de séparation douce par une stratégie de choix des établissements scolaires qui peut s’étendre d’ailleurs à toute une série d’autres lieux de sociabilité ou de distraction38. Le risque de victimation représente alors un « résidu » qu’une telle stratégie ne peut pallier, qu’il faut accepter et gérer si l’on préfère rester dans Paris.
32L’insécurité est au contraire l’apanage des classes populaires et des petites classes moyennes, mais elle ne fonctionne pas forcément de la même manière. Pour ceux qui habitent la proche banlieue Nord, les peurs concrètes sont à leur acmé et le risque élevé de victimation est vécu comme l’insupportable conséquence d’une assignation à résidence à laquelle on ne peut échapper, faute de moyens. Du coup, ces peurs s’accompagnent de fortes crispations sécuritaires. Certes, ces enquêtés savent que l’accès à l’emploi et aux revenus constitue un enjeu de plus grande ampleur. Mais l’insécurité vient redoubler les difficultés économiques dans lesquelles on se débat. Pourtant, les zones de relégation n’ont pas fait l’objet d’un désinvestissement public. On y a déversé beaucoup d’argent et on y a déployé beaucoup d’équipements et de moyens mais cette politique de réactivité face aux désordres n’est pas de taille à lutter contre les méfaits d’une désindustrialisation et d’un sous-emploi chroniques. En outre, la composition démographique de ces zones s’est modifiée par l’effet du regroupement familial qui a renforcé la concentration des néo-immigrés : si la mobilité spatiale y est forte, elle n’y est donc pas nécessairement ascendante39. Un tropisme traditionnel, favorable aux partis de gauche y est concurrencé par une tentation abstentionniste car ces couches populaires se retrouvent de moins en moins dans le jeu politique.
Le sentiment d’insécurité aux confins de la région Île-de-France
33Aux confins franciliens, l’insécurité prend une toute autre allure. Elle y revêt le tour paradoxal d’une combinaison avec une exposition à la victimation plus faible que dans le reste de l’Île-de-France40. Si les crispations sécuritaires abstraites, la punitivité et la xénophobie sont au plus haut, les peurs concrètes, elles, ne flambent que lorsqu’il est question de transports en commun, notamment ferroviaires. Là gît la curiosité de la situation : on ne se plaint pas de l’environnement immédiat, que l’on estime plutôt agréable, que l’on ne souhaite pas quitter, où l’on n’éprouve pas de crainte particulière. À son voisinage, on reproche seulement un sous-équipement typique de zones excentrées : les aménités y sont plus rares qu’à Paris, bien sûr, mais aussi que dans la proche banlieue, même populaire. Plus exactement, on ne dispose sur place que de « l’atmosphère villageoise », l’accès à toutes les autres aménités supposant un déplacement. La vie sociale y apparaît moins pauvre que pour les résidents de la proche banlieue populaire. Certes, comme partout, le style de vie des classes populaires et des petites classes moyennes n’est pas coloré par le haut rythme de sorties qui caractérise celui des classes favorisées, mais c’est surtout en raison de moyens limités. Le gros investissement, c’est la propriété de la maison individuelle à laquelle on s’accroche comme au témoin d’une appartenance de moins en moins facile aux classes moyennes. On se replie sur une sociabilité locale colorée par un engagement associatif, qu’il ne faut pourtant pas confondre avec une vie « communautaire » de type traditionnel : les périurbains sont moins intéressés par une vie au village que par l’impression de vivre dans un village41. La concentration de la peur sur les transports en commun signifie que c’est vraiment la seule situation où l’on s’estime exposé, d’autant plus que, malgré la forte mobilisation des moyens de transports personnels, le recours aux transports en commun s’opère sur des fins de ligne plus mal contrôlées que les sections centrales. Une telle concentration signifie aussi que le problème ne se situe pas dans la community locale, à laquelle on reproche peu de choses, mais dans son implantation : pour être tranquille, pour pouvoir être propriétaire, il a fallu aller loin, faire le deuil des centres-villes et des villes centres. On est au calme certes, mais on l’est au prix fort : repoussé en périphérie, contraint à de longs déplacements. Ni parisien, ni banlieusard, ce mode de vie périurbain développe peut-être un séparatisme spatial sous la forme d’un « clubbisme » résidentiel, mais il le paie par un éloignement et donc une forte dépendance envers les transport42. En Île-de-France, ces contraintes ont été durcies par l’accroissement considérable de la pression du marché immobilier et des coûts de déplacement.
34Le score relativement élevé de l’extrême-droite signe une difficulté, surtout dans les fractions les plus populaires de ces populations de grande banlieue, à se trouver représentées dans le jeu politique classique. Bien qu’il se renouvelle largement d’une échéance à l’autre, l’électorat frontiste apparaît toujours selon le mot de Nonna Mayer, « ethnocentrique, favorisant l’entre-soi, méfiant à l’égard des autres43 ». Xénophobe, autoritaire, répressif et sécuritaire, il se rétrécit ou s’élargit selon qu’il existe (comme en 2007) ou non (comme en 2002, en 2012 et 2014) à Droite, une offre alternative qui lui semblerait plus performante que celle du Front national. Dans une perspective plus territoriale, Hervé Le Bras pointe l’importance du vote d’Extrême-Droite aux présidentielles de 1995 et 2002 dans la périphérie francilienne, alors que les immigrés sont plutôt implantés dans la partie centrale de la région44. Se sentant en quelque sorte « étrangers » au centre (dans toutes les dimensions, y compris politiques), ces périurbains s’en prendraient à d’autres étrangers – installés, eux, dans ce centre – qu’ils ne connaissent que par des contacts rares et fugaces. Ce vote lui semble alors traduire le désarroi ou le porte-à-faux de ces électeurs. La crispation sécuritaire des classes de grande banlieue pourrait constituer une autre facette du même syndrome.
35Retrouve-t-on dans ces banlieues éloignées, le vertige de la modernité tardive que pointe Jock Young45 ? Une portion des classes moyennes inférieures est conduite, d’après lui, à éprouver un ressentiment, une sorte de revanchisme moral. Leur peur de tomber s’accompagne d’une obsession pour les règles, d’une diminution de la tolérance à la déviance, d’une réponse disproportionnée aux violations des normes. Elle produit un ressentiment envers un monde populaire, notamment immigré, qui paraît séparé de la société « décente » dont il gaspillerait les impôts sans faire aucun effort. Si l’on suit Maurin, la hantise du déclassement occupe une place particulière dans la société française : tout risque de chute y prend un tour gravissime dans les couches moyennes d’une formation sociale particulièrement hiérarchisée selon les rangs et les statuts46.
36Regarder l’insécurité sous l’angle des territoires conduit l’observateur à une question sociale : classes moyennes et classes populaires traditionnelles mobilisent la préoccupation sécuritaire pour rétablir la distance avec des catégories populaires plus mal loties qu’elles et, ainsi, conjurer symboliquement la menace de la précarité. La délinquance devient alors un enjeu de classement social, d’autant plus facilement que les politiques de sécurité ciblent mieux l’ordre public et la grande criminalité que la sécurité des citoyens. La forte composante immigrée de ces catégories populaires précaires favorise par ailleurs une combinaison fréquente entre insécurité et xénophobie.
Notes de bas de page
1 « Discussion des données empiriques sur l’apparition du sentiment d’insécurité, Ph. Robert, M.-L. Pottier, « On ne se sent plus en sécurité » ; délinquance et insécurité ; une enquête sur deux décennies », Revue française de science politique, 1997, XXXXVII, 6, p. 707-740.
2 Ministre de l’Intérieur au début de la présidence Pompidou.
3 A. Peyrefitte (Dir.), Réponses à la violence, Paris, Presses Pocket, 1977.
4 H. Coing., C. Meunier, Insécurité urbaine, une arme pour le pouvoir, Paris, Anthropos, 1980.
5 R. Dulong, L’autodéfense ; enquête sur quelques faits indécidables, Paris, Méridiens, 1983.
6 H. Lagrange, La civilité à l’épreuve, Paris, PUF, 1995.
7 R. Dulong, op. cit.
8 J. P. Bozonnet, B. Denni, P. Kukawka, H. Lagrange, Perceptions de la violence et sentiment d’insécurité, Grenoble, Université des Sciences Sociales, IEP-BDSP, 1983. H. Lagrange, « Perceptions de la violence et sentiment d’insécurité », Déviance et Société, 1984, 8, 4, p. 321-344.
9 H. Coing, C. Meunier, op. cit.
10 Vue d’ensemble sur la littérature scientifique internationale, in Robert Ph., V° Insecurity and fear of crime, in G. Ritzer (ed.), The Blackwell Encyclopedia of Sociology, Oxford, Blackwell Publishing, 2014, réed.
11 Commission des maires sur la sécurité, Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité, Paris, La Documentation Française, 1982.
12 Voir la seconde partie de Ph. Robert, P. Lascoumes, Les bandes d’adolescents ; une théorie de la ségrégation, Paris, Éditions ouvrières, 1974. M. Mohammed, L. Mucchielli (dir.), Les bandes de jeunes. Des blousons noirs à nos jours, Paris, La Découverte, 2007.
13 L’enjeu devenait de taille : depuis les élections locales de 1983, l’Extrême-Droite stérilisait une partie de l’électorat traditionnel de la Droite grâce à un programme combinant dénonciation de l’insécurité, punitivité et xénophobie.
14 H. Lagrange et S. Roché, Baby alone in Babylone ; deux perspectives d’analyse du sentiment d’insécurité : système d’attitude et formes de sociabilité en milieu urbain, Saint-Martin-d’Hères, CERAT, 1987-1989. 3 vol.
15 Voir aussi la thèse que Roché a tirée de cette décennie d’enquêtes, S. Roché, Le sentiment d’insécurité, Paris, PUF, 1993.
16 D. Duprez, M. Hedli, Le mal des banlieues ? Sentiment d’insécurité et crise identitaire, Paris, L’Harmattan, 1992.
17 D. Duprez, « La dramaturgie de la relégation. Vie quotidienne et sociabilités dans les cités », Profils, 1996, 41, p. 55-73. Lointaine héritière des expériences habitat et vie sociale (HVS) de la fin des années 1970, cette procédure a connu un essor à partir du rapport de la commission Dubedout en 1983.
18 B. Benbouzid, La prévention situationnelle. Genèse et développement d’une science pratique (1965-2005), Lyon, Université Lumière-Lyon II, thèse de géographie, aménagement et urbanisme, 2011.
19 Introduite par un article de Renée Zauberman, « La peur du crime et la recherche », L’Année sociologique, 1982, 32, p. 415-438. Elle n’influencera vraiment les travaux français sur l’insécurité qu’à partir de la décennie 1990.
20 H. Lagrange, « La peur à la recherche du crime », Déviance et Société, 1993, 17, 4, p. 385-417. J.-P. Grémy, « La délinquance permet-elle d’expliquer le sentiment d’insécurité ? », Les Cahiers de la sécurité intérieure, 1996, 23, p. 54-67. A. Percheron, P. Perrineau, D. Boy, N. Mayer, « Attitudes des Français à l’égard des problèmes de sécurité », Les Cahiers de la sécurité intérieure, 1990, 1, p. 17-52.
21 S. Roché, La société incivile. Qu’est-ce-que l’insécurité ?, Paris, Seuil, 1996 et « La théorie de la “vitre cassée” en France. Incivilités et désordres en public », Revue française de science politique, 2000, 50, 3, 387-412. Ces travaux sont marqués par l’influence d’une littérature américaine qui pointait le rôle des désordres sociaux (vandalisme, ivresse, bandes, harcèlement dans la rue, trafic de drogue) et physiques (bâtiments à l’abandon, accumulation d’ordures et de déchets, défaut d’entretien), notamment W. G. Skogan, Disorder and Decline : Crime and the Spiral of Decay in American Neighborhoods, Berkeley, University of California Press, 1990.
22 F. Furstenberg, “Public reaction to Crime in the Street”, American Scholar, 1971, 40, p. 601-610.
23 Elles ont été menées à bien pour le compte de l’industrie énergétique (soucieuse de prendre le pouls de l’opinion) par une association, Agoramétrie, dont Jean-Pierre Pagès a été la cheville ouvrière. Ph. Robert, M.-L. Pottier, « “On ne se sent plus en sécurité” ; délinquance et insécurité ; une enquête sur deux décennies », Revue française de science politique, 1997, XXXXVII, 6, p. 707-740.
24 Ph. Robert, M.-L. Pottier, « Les préoccupations sécuritaires : une mutation ? », Revue française de sociologie, 2004, 45, 2, p. 211-242.
25 H. Lagrange, La civilité à l’épreuve..., op. cit. ; S. Roché, La société incivile, op. cit.
26 N. Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973.
27 Ph. Robert, Le citoyen, le crime et l’État, Genève-Paris, Droz, 1999.
28 Où la société locale monopolise toutes les relations habituelles de ses membres.
29 Ce phénomène s’explique par la conjonction du développement de biens semi-durables très liés aux modes de vie et à la distinction sociale, d’un affaissement de la prégnance normative et de l’affaiblissement des capacités de surveillance privée (lié au zonage urbain) et publique (dû à la disparition de toute une série de métiers, aux effets pervers de la professionnalisation de la police et à la concentration de grands concours de population dans des espaces juridiquement privés). Voir Ph. Robert, L’insécurité en France, Paris, La Découverte, 2002, et Ph. Robert, « Des blousons noirs au sentiment d’insécurité », in R. Lévy, L. Mucchielli, R. Zauberman (dir.), Crime et insécurité : un demi-siècle de bouleversements. Mélanges pour et avec Philippe Robert, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 17-41.
30 Ceux que l’on désignait comme ouvriers spécialisées [sic, les « OS »] par opposition aux ouvriers qualifiés.
31 Caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d’habitat dégradé ainsi que par un déséquilibre accentué entre habitat et emploi, 751 zones urbaines sont classées « sensibles », dont 717 en France métropolitaine. Observatoire national des zones urbaines sensibles, Rapport annuel, Paris, (www.ville.gouv.fr).
32 L. Bonelli, La France a peur. Une histoire sociale de l’insécurité, Paris, La Découverte, 2008.
33 Anthony Charles Lynton Blair, Premier ministre travailliste de Grande-Bretagne de 1997 à 2007, a incarné le New Labour caractérisé pour les politiques de sécurité par la formule Tough on Crime, Tough on the Causes of Crime.
34 P. Peretti-watel, « L’inscription du sentiment d’insécurité dans le tissu urbain », Les Cahiers de la sécurité intérieure, 2000, 39, p. 201-221. R. Zauberman, Ph. Robert, M.-L. Pottier, « Risque de proximité ou risque lié au style de vie. Enquêtes et évaluation de la sécurité urbaine », Les Cahiers de la sécurité intérieure, 2000, 42, p. 193-220 ; T. Le Jeannic, « On pardonne tout à son quartier sauf... l’insécurité, les dégradations, le bruit », INSEE Première, 2007, 1133.
35 N. Herpin, H. Lagrange, « La victimation de proximité, les précautions et la peur. Étude sur la cohésion sociale de voisinage », Revue économique, 2005, 56, 2, p. 285-312.
36 Dans le cadre d’un programme CRIMINSEC financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR). Résultats détaillés, in Zauberman R., Robert Ph., Névanen S., Bon D., « Victimation et insécurité en Île-de-France : une analyse géosociale », Revue française de sociologie, 2013/1, vol. 54, p. 111-153.
37 Coll., « La question de la gentrification urbaine », Espaces et sociétés, 2008, p. 132-133. C. Guilluy, Atlas des fractures françaises. Les fractures françaises dans la recomposition sociale et territoriale, Paris, L’Harmattan, 2000. À comparer avec H. Lagrange (dir.), L’épreuve des inégalités, Paris, PUF, 2006 ou H. Lagrange, Le déni des cultures, Paris, Le Seuil, 2010 sur le XVIIIe arrondissement de Paris. Voir aussi E. Préteceille, “The fragile urban situation of cultural producers in Paris”, City, Culture and Society, 2010, 1, 1, p. 21-26.
38 H. Lagrange, L’épreuve..., op. cit., A. Clerval, « Les anciennes cours réhabilitées des faubourgs : une forme de gentrification à Paris », Espaces et sociétés, 2008, p. 132-133, 1-2, 91-106. C. Guilluy, Fractures françaises, Paris, François Bourin, 2010. Ces auteurs montrent que la cohabitation entre « gentrifieurs » et migrants cache une sécession sociale (fondée notamment sur le choix des établissements scolaires) sans séparation physique. Ce que Lagrange appelle joliment une sécession sans guerre.
39 J.-L. Pan Ké Shon, « Ségrégation ethnique et ségrégation sociale en quartiers sensibles. L’apport des mobilités résidentielles », Revue française de sociologie, 2009, 50, 3, p. 451-487.
40 Même s’ils sont objectivement moins exposés que les autres Franciliens, ces enquêtés peuvent néanmoins ressentir fortement leurs victimations. D’abord, les taux franciliens de victimation sont bien plus élevés que ceux de la France entière, du moins en matière patrimoniale : Ph. Robert, R. Zauberman, Mesurer la délinquance, Paris, Presses de Sciences Po, 2011, p. 122-127. Ensuite, les périurbains se contentent peut-être moins facilement d’une exposition moindre que celle des Parisiens et des banlieusards. Probablement, voudraient-ils que leur éloignement leur apporte une complète tranquillité.
41 E. Charmes, La ville émiettée ; essai sur la clubbisation de la vie urbaine, Paris, PUF, 2011.
42 C.-J. Webster, « Property Rights and the Public Realm. Gates, Green Belts and Gemeinschaft », Environment and Planning B, 2002, 29, 3, p. 397-412 et « The Nature of Neighbourhood », Urban Studies, 2003, 40, 13, p. 2591-2612. E. Charmes, op. cit., p. 40 et 64, tout comme E. Préteceille, « La ségrégation sociale a-t-elle augmenté ? La métropole parisienne entre polarisation et mixité », Sociétés Contemporaines, 2006, 62, 2, p. 69-93, soulignent que le périurbain des classes moyennes et celui des catégories populaires ne se confondent pas.
43 N. Mayer N., « Comment Nicolas Sarkozy a rétréci l’électorat Le Pen », Revue française de science politique, 2007, 57, 3, p. 429-445, et « L’électorat Le Pen de 1984 à 2007 », dans A. Cohen, B. Lacroix, Ph. Riutort (dir.), Nouveau manuel de science politique, Paris, La Découverte, 2009, p. 441-443.
44 H. Le Bras, Une autre France, Paris, Odile Jacob, 2002.
45 J. Young, The Vertigo of Late Modernity, London, Sage, 2007.
46 É. Maurin, La peur du déclassement, une sociologie des récessions, Paris, Seuil, La République des Idées, 2009.
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