Confrontation, résistance et politisation : la guerre d’Indépendance (1808-1814), une rupture cruciale pour l’Espagne ?
p. 183-200
Texte intégral
1Le 29 octobre 1808 eut lieu à Madrid la première de Defensa de Valencia y castigo de traidores, pièce d’un dramaturge alors assez connu, Félix Enciso Castrillón. Le méchant, Don Antonio, madrilène réfugié et agent de Murat, cherchant à diviser et discréditer l’insurrection patriotique contre Napoléon, y séduisait le peuple de Valence par ses qualités de tribun. Il l’incitait à massacrer la nombreuse colonie marchande française, avant d’être démasqué et neutralisé par les autorités traditionnelles, en l’occurrence le capitaine général.
2Même si le machiavélisme impérial à l’égard de l’Espagne y était clairement dénoncé, le message de l’œuvre, en insistant sur les risques de débordements populaires, s’avérait davantage contre-révolutionnaire que patriotique1. Remportant un grand succès, avec plus de 15 000 spectateurs en deux semaines2, la pièce innovait surtout par son inscription dans l’actualité immédiate, en faisant allusion à plusieurs événements marquants de l’insurrection valencienne de mai/juin 1808. Ce n’était pourtant rien d’autre, comme nous le verrons, que la version des autorités locales, initialement fort tentées par la collaboration avec l’envahisseur français.
3Ces deux points – afflux du public et actualité – étaient nouveaux par rapport au théâtre espagnol du temps, essentiellement voué au divertissement et soumis à une double censure, politique et esthétique. Palliant l’analphabétisme majoritaire – près de 90 % de la population, selon les spécialistes –, ils rendaient manifeste l’apparition simultanée d’une opinion publique et sa politisation, dans un contexte d’invasion. Jusque-là, en Espagne, le terme de « politique » était réservé à la gestion des municipalités.
4De fait, la monarchie, depuis l’arrivée au pouvoir des Bourbons entre 1700 et 1713, conservait le monopole absolu de cette activité, tant comme patron d’un réseau pyramidal de clientélisme (donc essentiel à la perpétuation des élites dirigeantes3), que comme unique promoteur de la réforme économique et culturelle, menée dans les limites d’un strict despotisme éclairé. La nouvelle administration dépendait en effet étroitement du souverain4, tout comme l’intelligentsia progressiste ; il n’existait alors pas de véritable espace critique, contrairement à la plupart des grands États européens du XVIIIe siècle. La politisation fut dès lors imposée de l’extérieur, dans la confrontation armée avec la France révolutionnaire, en 1794-1795, puis contre Napoléon, à partir du printemps de 18085. Or, la question a été renouvelée en profondeur, à l’orée du XXIe siècle, par les travaux d’un hispaniste français, R. Hocquellet. Il s’est notamment consacré à disséquer les mécanismes institutionnels et les modalités de cette transition d’une insurrection largement traditionnelle – car fomentée par divers groupes sociaux conservateurs, omniprésents dans les juntes insurgées6 – à la révolution impulsée à Cadix par un actif noyau de politiciens libéraux. À partir de 1810, en effet, l’Ancien Régime cède la place à la souveraineté populaire, à l’affirmation balbutiante d’une conscience nationale aux dépens de la monarchie plurielle traditionnelle7, et à une certaine laïcisation de la société. Durant la majeure partie du premier XIXe siècle, la Constitution espagnole de 1812 va incarner un modèle pour la plupart des mouvements libéraux et révolutionnaires européens8.
5Cependant, force est de constater que Ferdinand VII, de retour de captivité – dorée – en France, rétablit aisément l’Ancien Régime, dès mai 1814. Son coup d’État est bien accueilli par la majorité des Espagnols. En revanche, les nombreux pronunciamientos d’inspiration libérale tentés par les principaux chefs – tant guérilleros (Espoz y Mina, Porlier...) que militaires (Lacy, Renovales, Milans del Bosch...) – de la résistance contre les Français, échouent piteusement jusqu’en 1820. C’est en cela que la réflexion entamée par Richard Hocquellet depuis sa thèse, aboutissement le plus récent du concept de « révolution bourgeoise libérale » développé par Miguel Artola à partir des années 1950, peut prêter à discussion.
6Pour ma part, je pense également que la terrible confrontation avec Napoléon, au cours de la plus longue – et sans doute aussi féroce – guerre du Premier Empire, fut un événement matriciel pour l’Espagne, qui conditionna pour une large part son avenir durant la période contemporaine (jusqu’à 1936, voire 1975). Cependant, il me semble que les éléments de continuité ou de distorsion jouèrent alors davantage que les ruptures. Plutôt que de recourir à des sources inédites et/ou spécifiques, j’appuierai ma démonstration sur les travaux récents d’historiens espagnols révisionnistes, ainsi que sur le prolongement « politique » de recherches personnelles antérieures, entreprises depuis la thèse (soutenue fin 2004) consacrée au revirement de l’Andalousie, passée de principal foyer de l’insurrection en 1808 à laboratoire de la collaboration et de la contre-insurrection en 18109.
7J’aborderai donc le problème de la modernité libérale, en m’appuyant sur les apports incontestables des travaux de R. Hocquellet, tout en questionnant leurs limites. J’envisagerai enfin un des principaux angles morts de l’historiographie récente du conflit, dans la mesure où sa seule lecture sociale à l’échelle du pays reste celle de R. Fraser : l’entrée du peuple en politique. Celle-ci résulte avant tout de sa confrontation brutale avec l’ancien allié français devenu envahisseur. Loin d’être univoque, elle présente des caractères contradictoires, qui s’affirmeront au cours des décennies postérieures, d’abord chez la génération directement impliquée dans le conflit, puis chez ses descendants, suite à la construction mythographique de la « Guerra de la Independencia » entreprise à partir des années 1830-1840.
De l’insurrection « patriotique » à la révolution par le haut ?
8L’insurrection espagnole contre Napoléon fut un mouvement populaire, dans la mesure où, suite à l’acéphalie provoquée par les manœuvres de Napoléon, une partie des élites semblait accepter le changement dynastique impulsé par la Constitution de Bayonne, ou s’y résigner. Lors de l’émeute madrilène du Dos de Mayo, première réaction collective d’envergure face à l’éventualité d’un changement dynastique, une évidence se fait jour. La démarcation apparaît nette entre les acteurs, majoritairement issus du peuple et du bas peuple, et les spectateurs provenant des couches supérieures10, refusant de se mêler à la « plèbe ». De fait, la majorité de la garnison espagnole resta passive, enfermée dans ses casernes et la plupart des autorités traditionnelles (Conseil de Castille, Conseil de l’Inquisition, plusieurs évêques...) condamnèrent aussitôt la révolte et prônèrent la soumission au nouveau pouvoir.
9Pour autant, dès la fin mai 1808, l’insurrection s’étendit dans la périphérie du pays, non occupée par les troupes françaises. Cette diffusion, à partir de quatre foyers principaux (Oviedo, Saragosse, Valence et Séville) s’accompagna d’une remarquable homogénéité politique, avec la formation simultanée, à l’échelle provinciale puis locale, de juntes. Elles assumèrent la vacance du pouvoir central et prirent la direction du mouvement patriote.
10L’analyse de R. Hocquellet apparaît ici particulièrement éclairante. Les juntes, assemblées traditionnelles des corps structurants des principales villes, incarnaient donc l’union et la défense du « Bien public » face à l’usurpateur étranger. Les partisans de Ferdinand VII, la grande noblesse de l’ancienne Couronne d’Aragon ou d’Andalousie, mise à l’écart par les Bourbons, et le patriciat urbain y occupèrent une place prédominante11. L’analyse sociologique d’un panel de 29 juntes (soit 585 personnes), à travers 10 régions espagnoles actuelles, confirme d’ailleurs cette continuité. 23,9 % de leurs membres provenaient des autorités municipales, 23,6 % du clergé, 18,3 % des officiers (donc de la noblesse, suite à la très forte « réaction nobiliaire » opérée dans l’Armée durant la seconde moitié du XVIIIe siècle12) et 14,7 % des représentants provinciaux et locaux de la Couronne, contre seulement 2,2 % pour les négociants et commerçants et 3,2 % pour les artisans et autres travailleurs manuels13.
11R. Hocquellet note cependant que le « bas peuple », par son rôle majeur dans le soulèvement, bénéficia alors d’une certaine revalorisation : on le définit désormais comme énergique, ardent, héroïque et – de façon significative – soumis aux autorités14. En fait, il apparut alors comme le garant de la tradition face aux errements cosmopolites d’une partie des élites, en conformité avec les théories proches du Volksgeist herdérien déjà présentes chez l’érudit catalan Antonio de Capmany15. Reste que les juntes s’efforcèrent aussitôt de concilier défense de l’ordre établi et mobilisation « totale » contre l’envahisseur. Ainsi, la Junte Suprême de Séville, qui imposa son hégémonie à toute l’Andalousie et à une partie de l’Estrémadure, se refusa à armer les journaliers les plus robustes, constitués en réserve16.
12Assez rapidement, néanmoins, leur attitude va évoluer, intégrant diverses innovations. Au-delà des « cérémonies de l’information », s’impose la nécessité d’une communication directe avec les gouvernés, en rupture avec la confidentialité de règle sous l’Ancien Régime. Elle se fait en parallèle avec l’essor sans précédent de « médias » de combat : 27 journaux voient le jour à travers la Péninsule durant l’été 180817 ; sermons enflammés, libelles, estampes et pièces de théâtre « engagées » se multiplient également. Là encore, cela contrastait avec la stricte censure antérieure, résultant du resserrement des liens entre la monarchie et l’Inquisition contre la menace représentée par la Révolution française.
13Il s’agit bien là d’une tendance de fond, montrant l’évolution de la pensée des élites face à la disparition du pouvoir central comme à la faillite d’un système de gouvernement identifié à l’ancien favori Godoy. Pour R. Hocquellet,
« le pactisme espagnol de 1808 cherche à faire la synthèse entre la néoscolastique [qui justifie que la communauté assume l’exercice du pouvoir, en cas de défaillance de l’autorité légitime] et la philosophie du droit naturel basée sur le principe du contrat entre des individus18 ».
14L’effort impératif de coordination de la résistance devrait jouer dans le même sens, en promouvant une dimension nationale de la lutte. Les appels en faveur d’un gouvernement centralisé des Espagnols, garant d’efficacité, se multiplient, au détriment de la monarchie plurielle prédominante au siècle antérieur. La Junte centrale, difficilement formée en septembre 1808, est chargée de cette tâche d’unification, en plus d’incarner la continuité du pouvoir, par la reprise de l’apparat symbolique et cérémonial de la monarchie. Mais son programme de « communication » échoue à concilier ces deux impératifs19 : c’est là, bien sûr, le résultat des fortes dissensions existant entre ses membres, mais cela démontre surtout, me semble-t-il, l’absence prolongée d’une dimension nationale du soulèvement, y compris parmi les élites.
15De fait, les indices sur son caractère local foisonnent. Début 1810, plusieurs corregidors andalous – donc représentants du pouvoir central monarchique – affirment au voyageur anglais William Jacob, ébahi, leur conviction que la résistance ne peut se concevoir qu’au niveau provincial, voire local :
« Les Andalous devaient seuls défendre l’Andalousie, les valenciens, Valence et les catalans la Catalogne, [...] et que l’Espagne en tant que royaume doté d’un intérêt commun, devrait être organisée autour d’un centre unique et concentrer ses forces en unissant ses efforts, et se libérer ainsi de l’invasion, ne semblait jamais avoir effleuré son esprit20. »
16Au moment de rédiger ses mémoires, au début de la monarchie libérale, près de vingt ans après la guerre, l’ancien chef de guérilleros Francisco Espoz y Mina, alors surnommé « le Roi de Navarre » par les occupants et désormais opposant déclaré de l’absolutisme, témoigne toujours d’une conscience politique essentiellement régionale. Ses préjugés, voire ses suspicions, à l’encontre des Basques, Aragonais et Catalans enrôlés dans ses bandes sont constants. La primauté accordée aux Navarrais parmi les gradés provoqua le mécontentement des sous-officiers et joua sans nul doute un rôle majeur dans l’échec du pronunciamiento libéral qu’il tenta à Pampelune en septembre 181421.
17Corporatisme et attachement à la petite patrie militaient donc en faveur de la tradition ; la résistance se différenciait de la révolution, y compris dans la guérilla, pourtant qualifiée de « première guerre révolutionnaire » par M. Artola dès la phase technocratique du franquisme22. L’éminent historien défendait là une perspective sans nul doute aussi irréaliste qu’anachronique, mais cela n’empêche pas qu’elle soit encore prégnante dans le débat actuel sur la guérilla.
18De plus, l’apparition de l’opinion publique constitue une donnée ambivalente, dans la mesure, où comme nous le verrons, le camp réactionnaire est mieux préparé à l’utiliser, par ses pratiques comme par une idéologie déjà bien ébauchée. Et si les différentes Juntes provinciales ont très tôt exclu l’hypothèse d’un pouvoir militaire23, il n’en reste pas moins que plusieurs protagonistes militaires se présentèrent en sauveurs devant l’opinion. On attribue généralement la paternité du premier pronunciamiento de l’Espagne contemporaine au général absolutiste Elío, en mai 181424 ; mais le Manifeste du marquis de La Romana, en octobre 1809, constitue un précédent en la matière. Auréolé par son odyssée danoise et la « petite guerre » souvent victorieuse menée contre les Français à travers les Asturies et la Galice, ce dernier s’en prend violemment à la Junte centrale et prône une régence, solution beaucoup plus conservatrice, en faisant acte implicite de candidature25. Dès lors, les militaires n’agissaient plus sur le plan politique régional au nom du Roi et comme ses agents, à l’instar des capitaines généraux du XVIIIe siècle, mais bien comme un moyen de pression autonome autant qu’intéressé26. Les deux – ou trois, si l’on retient comme tel le Motín de Aranjuez qui porta Ferdinand VII au pouvoir – premiers pronunciamientos étaient donc réactionnaires, alors que la majorité des suivants (plus de 40 entre 1814 et 1923) au cours du XIXe siècle furent d’inspiration libérale27 : ces deux faits me paraissent relativiser fortement la rupture politique survenue au cours du conflit.
19L’interprétation de l’évolution politique au cours des deux premières années du conflit proposée par R. Hocquellet, dans une série d’articles et de communications prolongeant sa thèse, présente donc plusieurs points faibles de mon point de vue, dont certains sont liés à sa démarche même. En effet, elle se focalise sur les élites, en mettant à profit les nombreuses enquêtes prosopographiques menées sur différents organismes et secteurs de l’administration des Bourbons espagnols, notamment sous l’égide de la Maison des Pays ibériques de Talence. Elle tend donc à privilégier une révolution par le haut, sans prendre en compte les conditions d’apparition d’une politique proprement populaire, dans la lignée des travaux de E. P. Thompson et R. Dupuy28.
20De fait, seul son cadrage chronologique serré le préserve de la boutade marxienne, qui bien qu’exagérée, n’en contient pas moins une part de vérité : « À la Isla de León (ou Cadix), des idées sans actes ; dans le reste de l’Espagne, l’action sans idées29. » Par ailleurs, si l’on se réfère aux analyses de Carl Schmitt, la confrontation armée implique l’apparition du politique. Or, en se cristallisant sur la gestation d’une conscience à la fois politique et nationale au sein des élites, R. Hocquellet néglige cette dimension essentielle. Le décalage est d’ailleurs flagrant, dans son ouvrage, entre résistance (réduite à la portion congrue) et révolution, à mon sens surreprésentée. Enfin, il s’engage trop en faveur d’une rupture décisive, relevant des seuls liberales, et envisagée uniquement dans le temps court.
Un soulèvement durablement marqué du sceau de la réaction ?
21Comme l’a souligné R. Hocquellet, le personnel des juntes insurgées était, pour l’essentiel, conservateur. Les partisans aristocratiques et ecclésiastiques de Ferdinand VII jouèrent un rôle primordial dans au moins deux des principaux foyers de l’insurrection, Séville et Valence. Ils disposaient d’une expérience préalable en matière de campagnes d’opinion – ils sont vraisemblablement à l’origine de plusieurs des rumeurs visant Godoy, à l’instar de celle lui attribuant la prétendue mort par empoisonnement de la première épouse du Prince des Asturies, en 1806 – et de manipulation des foules. Ils en firent la démonstration, derrière le comte de Montijo (déguisé en roturier), lors de l’émeute d’Aranjuez du 18 mars 1808, qui provoqua la chute de Godoy et contraignit Carlos IV à abdiquer en faveur de son fils.
22D’autre part, la guerre contre la France révolutionnaire avait été l’occasion d’une cristallisation de la pensée réactionnaire, avec notamment le fameux ouvrage du capucin Diego José de Cadix, El soldado católico en guerra de religión (1794), prônant la guerre sainte contre les Français impies. Il faut également tenir compte du rôle des nombreux religieux français réfugiés en Espagne à partir de 1791. Malgré le cordon sanitaire établi par Floridablanca, dont le but explicite était d’imposer un silence total sur les événements français, certains des thèmes contre-révolutionnaires les plus mobilisateurs, à l’instar du « complot universel », connurent une certaine diffusion en Espagne. Ainsi, l’impression clandestine d’un ouvrage virulent de l’abbé Barruel, Histoire du clergé pendant la Révolution française, est attestée à Malaga en 1799, et le consul français Chompré en rendit responsable le fils d’un négociant britannique naturalisé30.
23Un chanoine notoirement conservateur, Baltasar Calvo, voulut se charger, à Madrid en 1803, d’une édition semi-clandestine des Causas de la Revolución de Francia du jésuite Lorenzo Hervás y Panduro (juin 1794), synthèse des théories complotistes31. La tentative fut contrée par l’Inquisition, mais ce même chanoine devait réapparaître à Valence dans les premiers jours de juin 1808. C’est le personnage à l’origine du « Don Antonio » évoqué au début de l’introduction. Pas sûr qu’un ecclésiastique de cour, âgé de 45 ans, aurait pu s’imposer en cinq jours (voire moins) aux habitants de Valence, alors qu’il ne disposait pas de réseaux d’influence sur place. Car il était originaire de Jérica, à une soixantaine de kilomètres de Valence, et avait longtemps vécu à Madrid, à part un exil temporaire à Ségorbe, à 56 km de Valence, au printemps 1806, localité où un de ses neveux était en garnison au moment de l’insurrection.
24À l’évidence, il profita en l’occurrence de conditions propices préexistantes : la persistance d’une tradition latente de francophobie (pour l’essentiel, économique) dans la région du Levant, l’évidente lâcheté des autorités et la passivité intéressée d’une faction de la bourgeoisie locale, puisque le clan des Bertrán de Lis, très impliqué dans le soulèvement, disposait d’une milice privée... Pour autant, la réussite – toute provisoire – du coup de force de Calvo s’explique très probablement par sa maîtrise du discours contrerévolutionnaire européen. La terreur qu’il suscita parmi les autorités traditionnelles de la ville justifia d’ailleurs que son arrestation (dès le 7 juin, son exécution n’ayant lieu que le 3 juillet à l’issue d’une incarcération à Palma de Majorque) s’accompagne d’une véritable campagne de presse visant à en faire, contre toute vraisemblance, un séide de l’occupant. On en constate la première esquisse dans la Gazeta de Valencia du 17 juin, reprise et affinée dans les numéros des 1er et 8 juillet, avant d’être exposée dans son Manifeste publié le 14 août par le magistrat José-Maria Manescau, chargé de la mise en œuvre de la répression32. Dès le 9 août, cette version est connue à Madrid, reprise dans son journal par un homme cultivé, le comédien Rafael Pérez33, ce qui atteste du succès de la manœuvre. Outre disculper la Junte de Valence et les citadins de la responsabilité des massacres, son but semble évident : couper Calvo des nombreux partisans qu’il avait su rallier.
25De façon générale, l’insurrection s’inscrivit dans une religiosité traditionnelle, marquée par une forte ambiance millénariste. Les Vierges locales et les saints patrons furent aussitôt enrôlés dans la lutte et produisirent les miracles attendus, contre un ennemi identifié à l’Antéchrist34. Les violences populaires qui s’exercèrent contre les Français, qu’il s’agisse de résidents ou de soldats isolés, malades et/ou blessés, trahissaient cette conviction. Le massacre, outre le rôle confédérateur qu’il remplit pour ses agents, bien connu grâce aux analyses de divers sociologues35, exprime aussi une vision politisée du corps des ennemis. Leur mort seule ne pouvait suffire : il y fallait tout un rituel complexe de déshumanisation, à la fois révélation de leurs péchés et annonce de leur sort infernal, puisque le démembrement leur interdisait toute chance de résurrection.
26Déjà en Calabre, en 1806-1807, les soldats impériaux capturés et leur alliée objective, la bourgeoisie rurale et citadine, avaient été victimes de supplices élaborés – crucifixions, autodafés, éventrations, mutilations faciales... allant peut-être jusqu’à l’anthropophagie partielle36. À travers la Manche et l’Andalousie orientale, des scènes d’horreur similaires – sauf l’anthropophagie, non mentionnée par les témoins – se reproduisirent durant l’été de 1808, aux dépens des traînards ou des éclaireurs des généraux Dupont et Vedel37. Deux résidents français de Malaga furent décapités et mutilés le 20 juin, puis leurs têtes fichées sur des bâtons, promenées à travers la ville, dans une ambiance ouvertement festive38. Enfin, on découvrit un charnier à Valence, en 1996 : 173 squelettes, que divers indices archéologiques, paléopathologiques et historiques permirent d’identifier à des traînards et des blessés de l’armée de Moncey, capturés et massacrés à l’arme blanche le 29 juin 1808. Plusieurs des corps avaient subi des mutilations (décapitations, essorillements) puis furent profanés (têtes coupées disposées sur l’anus ou le bas-ventre des cadavres)39.
27Bientôt, deux événements, promus au statut de nouvelles ordalies et instaurant une temporalité spécifique d’attente, servirent de catalyseurs de cette sensibilité sacrificielle, les doubles sièges de Saragosse et de Gérone. Dans cette dernière ville, la logique de l’honneur militaire céda progressivement place, à partir de novembre 1809, à une exigence de sacrifice absolu des vies et des biens des habitants. L’analyse lexicographique fouillée des proclamations de Palafox durant le second siège de Saragosse, entre octobre 1808 et février 1809, montre la progression exponentielle des valeurs locales et religieuses, aux dépens des évocations récurrentes initiales de la patrie ou du roi40.
28Par là, Saragosse devint une école pratique de la contre-révolution où, parmi les 50 000 défenseurs (tant civils que militaires), se formèrent de nombreuses personnalités réactionnaires, comme Pedro Pablo Álvarez, voire de futurs leaders carlistes : Tomás de Zumalacarrégui, Juan José Marco del Pont ou Rafael Maroto41. Mais les étapes mêmes d’une carrière militaire étaient susceptibles de forger une conviction. À cet égard, le dossier militaire de Pedro Pablo Álvarez s’avère éclairant42. D’origine noble, mais simple cadet surnuméraire (soldado distinguido) en 1807, son ascension fulgurante se fit auprès des principaux hérauts de la contre-révolution présents dans le nord de l’Espagne : l’évêque de Santander, Rafael Ménendez de Luarca, José Palafox lors des deux sièges de Saragosse, le marquis de La Romana et Francisco de Longa... Son action comme gouverneur de Castro Urdiales, entre décembre 1812 et mai 1813, démontra qu’il avait pleinement intériorisé le discours servil (réactionnaire)43.
29R. Hocquellet reconnaît que, durant les premiers temps de la guerre, dominèrent des valeurs traditionnelles, la trilogie « Patrie, roi et religion », avec une conception très circonscrite de la première, sous forme de « petite patrie », dans les textes publiés entre le 24 mai et le 1er juin 1808, pour laisser bientôt la place à une conception moderne de la Nation44. En fait, nous avons déjà noté qu’elles se prolongèrent bien au-delà. Ainsi, jusqu’au printemps 1810, chaque ville, même d’importance secondaire, exigea d’avoir sa propre fabrique d’armes, de munitions et de poudre, au prix d’un saupoudrage des maigres ressources matérielles et surtout humaines (armuriers et autres ouvriers spécialisés) dont disposait la Junte centrale. De même, chaque bande de guérilleros constitua à la fois un échelon de pouvoir supplémentaire et la manifestation par excellence du provincialisme, voire du localisme de la lutte, en s’attachant, par impératif de survie, à son terroir45. Seules les plus importantes, en se militarisant à partir de 1811, étaient capables d’opérer sur plusieurs provinces. Mais ce phénomène de régularisation n’affecta vraiment que le tiers septentrional de la Péninsule, hormis la Galice, les Asturies et la Catalogne, notamment parce qu’elles réactivèrent des structures pluriséculaires d’autodéfense, Trozos, Alarmas et Somatenes.
30Si l’on s’intéresse à la trajectoire des leaders de la guérilla (à l’exception des quelques « généraux » promus durant la guerre, à l’instar de Espoz y Mina, et dont les espoirs d’ascension sociale furent ruinés par le rétablissement de l’absolutisme), la plupart montrèrent une fidélité persistante à cet idéal politique réactionnaire. Dès avril 1820, des guérillas se formèrent contre le gouvernement libéral, parvenu au pouvoir en janvier. On ne compta pas moins de 122 soulèvements royalistes de 1820 à 1823. Ils furent souvent dirigés par d’anciennes cabecillas – chefs guérilleros – tels le curé Merino, Longa, Abuin « El Manco », ancien lieutenant de l’Empecinado, un temps renégat, passé dans la contre-guérilla impériale et exilé en France, Uranga, Zabala, Zapatero « Cuevillas »... que l’on retrouvera encore pour la plupart, à partir de 1833, à la tête de bandes carlistes46. De telles continuités sont avérées dans les principaux foyers du carlisme, la Catalogne, avec l’engagement (ininterrompu ?) du notable de Manresa Maurici Carrio i Serracanta entre 1794 et les années 1830, les provinces basques, le sud de l’Aragon47... En fait, seule la Navarre constitue ici un contre-exemple.
31La guerre « politisée » contre les Français fournit bien une Welstanchauung, dans les faits souvent réactionnaire, à toute une génération. Ainsi que l’écrit P. Rújula, « depuis la guerre d’Indépendance, les armes restèrent souillées d’une substance politique difficile à nettoyer et qui pouvait être invoquée plus tard, sans qu’il soit besoin de justifications nouvelles48 ».
L’anticléricalisme, vecteur ou indice de politisation populaire ?
32Pour autant, la résistance à l’envahisseur n’était pas univoque, même si l’extrême diversité des réactions n’a été que récemment prise en compte par l’historiographie49. En Andalousie, comme en Estrémadure et dans le Levant, là où les tensions sociales étaient les plus virulentes depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, la guérilla s’accompagna d’un brigandage récurrent visant les notables et la noblesse locale, souvent alliés objectifs des Français. Ce dernier se perpétua bien après l’évacuation des troupes impériales en 1812-1813, jusqu’à justifier la création de la Guardia civil en mars 1844. Pour les journaliers et petits paysans, comme pour les déserteurs, particulièrement nombreux dans ces zones longtemps restées en marge du conflit, c’était un réflexe de survie, qui pouvait susciter une conscience de classe balbutiante et donc un rejet de l’ordre établi, chez les plus mûrs ou les plus éprouvés.
33En contradiction, au moins apparente, avec la prégnance de la sensibilité réactionnaire, l’anticléricalisme put alors servir de catalyseur. Car là encore, la guerre semble bien avoir constitué un tournant. Dans l’Espagne de la fin du XVIIIe siècle, un tel phénomène était très minoritaire, demeurant le plus souvent évangélique en visant les déviances, avérées autant que scandaleuses, de certains ecclésiastiques. Sinon, c’était l’œuvre de quelques médiateurs culturels isolés : petits employés, militaires, médecins, maîtres d’école, résidents ou voyageurs étrangers, souvent aussi libertins, si l’on en croit un échantillon découvert dans le diocèse de Séville50. Car l’Inquisition, désormais alliée de la monarchie face à la menace révolutionnaire, s’était vouée à leur traque : entre 1789 et 1807, 52,5 % des 560 procès qu’elle instruisit concernaient blasphèmes ou possession de livres interdits51. On peut donc considérer que leur audience était jusqu’alors à peu près nulle. Pourtant, dès 1815, les proposiciones (déclarations hétérodoxes voire blasphématoires) s’étaient multipliées, notamment en Galice, dans le royaume de Murcie et en Andalousie52. De plus, en 1822 survint une flambée de violence anticléricale (meurtre d’une centaine de moines et de prêtres, incendies d’églises et de couvents, principalement en Catalogne, mais affectant aussi la plupart des grandes villes53), qui scanderait par la suite chaque crise politique ou sociale de l’Espagne contemporaine, jusqu’au printemps 1937.
34Or, quoique toujours dépeint comme intrinsèquement irréligieux par ses adversaires absolutistes54, le libéralisme développé à Cadix à partir de 1810 restait très modéré en la matière, sauf chez les plus exaltés, groupuscule au sein d’une minorité : l’article 12 de la Constitution de 1812 proclamait la pérennité de l’identité catholique de l’Espagne... Et ce n’est qu’à l’épreuve de la « década ominosa » (1824-1833), au cours de laquelle se multiplièrent exils, condamnations arbitraires, emprisonnements et exécutions contre ses partisans, qu’il se posa en adversaire résolu de l’Église espagnole. Cela implique donc l’émergence de convictions antireligieuses « par le bas », durant le conflit et suite aux bouleversements qu’il entraîna.
35Reste à analyser ce processus et à tenter de le circonscrire, tâche à l’évidence difficile, d’autant qu’il fut le fruit de la convergence de divers facteurs. Le plus évident fut l’attitude des occupants : si Napoléon se montra d’abord bien disposé envers l’Église espagnole, c’était là simple opportunisme. Une fois celle-ci passée du côté des insurgés à la nouvelle de Baylen, il mit en œuvre une politique de laïcisation, activement poursuivie par le roi Joseph. Il s’ensuivit une désacralisation accélérée du paysage, juridique (fin du droit d’asile dans les églises, création des cimetières extra muros à la place des enclos paroissiaux traditionnels, mesure que le despotisme éclairé des Bourbons n’avait guère pu imposer, suppression partielle puis totale des ordres monastiques) mais surtout pratique et inscrite dans le quotidien.
36En effet, couvents et églises furent victimes du pillage systématique des troupes impériales à cause des richesses considérables qu’ils abritaient (tableaux de maître, orfèvrerie sacrée, réserves de vivres et de « combustibles » divers...) ; d’où la dégradation de nombreux lieux de culte, promesse de destruction à court terme faute de réparations longues et coûteuses55. Provoquant une rupture brutale dans l’univers sonore familier des habitants, l’enlèvement des cloches fut attesté par de nombreux témoignages dans le nord du pays ; le banquier et homme d’affaires Jean Joseph François Alexandre Barrillon était chargé de la récupération de leur métal56. De plus, les bâtiments religieux furent très souvent adaptés aux besoins de l’occupant : pour Marmont, « les couvents en Espagne, si considérables, bâtis si solidement, peuvent, avec quelques arrangements, devenir d’excellents postes57 ». De fait, cet usage est attesté de toutes parts, nécessitant une nouvelle consécration (au moins pour les nombreuses églises concernées) dès la fin du conflit.
37Un second facteur tient aux modalités mêmes de l’engagement du clergé contre Napoléon après Baylen. L’ayant analysé par ailleurs58, je me contenterai d’en pointer ici les caractères contradictoires : politisation rhétorique et « médiatique » des masses supposant l’acceptation du paradigme révolutionnaire, aspiration à obtenir un statut de guide, mais refus divers et fréquents de se conformer à ce rôle dans les actes. Un tel déphasage pouvait donner à réfléchir. Car la guerre se révéla « sainte » d’abord par récupération de la religiosité populaire, puis, de plus en plus, par procuration, reposant sur les seuls sacrifices exigés du peuple. La hiérarchie ecclésiastique s’obstina à préserver ses biens, ses vies (en fuyant massivement aux Baléares pour les prélats catalans...) et ses privilèges, y compris en se soumettant au « Roi intrus », à l’instar du haut clergé méridional au printemps 1810...
38En s’engageant ostensiblement contre (ou pour) l’occupant, le clergé espagnol, désormais politisé, contribua à sa propre désacralisation. Dans les deux cas étroitement associé au maintien de l’ordre, il s’identifia progressivement aux riches notables honnis pour leurs pratiques d’oppression. Or, c’était là une des principales motivations de l’athéisme de l’époque moderne, notamment obsédante chez l’abbé Meslier, et à l’origine de l’unique blâme qu’il subit au cours de sa charge (longue et victorieuse entreprise de dissimulation), pour un prêche de 171659. Dès lors, certains des « résistants » y virent des cibles privilégiées. L’évêque auxiliaire de Séville fut entièrement dépouillé par des brigands à Morón de la Frontera le 25 octobre 1809 ; en Biscaye, à partir de 1810, plusieurs bandes de guérilleros n’hésitèrent pas à menacer, humilier et dépouiller des prêtres ; à Pradanos de Bureba, en Vieille Castille, en mars 1813, des soldats espagnols débandés en torturèrent un, tout en proférant force blasphèmes, pour obtenir des rations et de l’argent60...
39Enfin, le discours ecclésiastique patriote imposa une grille de lecture apocalyptique du conflit. Loin de ne se concentrer que sur un ennemi diabolisé, à travers les figures jumelles du révolutionnaire impie et du franc-maçon (d’ailleurs bientôt appliquées aux liberales de Cadix), elle se voua également à juger à son aune les moindres réactions de la population. Elle se focalisa notamment sur les accommodements que cette dernière avait fini par trouver avec la situation, afin de pouvoir survivre. Appropriation par des journaliers affamés de terres désormais en friches en Estrémadure et dans la Basse Andalousie, chute généralisée du produit de la dîme, alors principal revenu de l’Église, contestation des droits féodaux dans le Royaume de Valence furent perçus, à travers son prisme, comme autant de prémices de la Révolution maudite. Les femmes, surtout, constituèrent des boucs émissaires privilégiés : déjà, au XVIIIe siècle, elles incarnaient, en tant que « victimes » des modes françaises, un agent du cosmopolitisme aux yeux des tenants de la tradition. L’essor de la prostitution privée (en réponse à la famine de 1811-1812), des naissances illégitimes et des abandons d’enfants61 furent dénoncés comme autant de symptômes du déclin de la religion. Mais bien d’autres changements, survenus dans la vie quotidienne suite au conflit, furent ainsi condamnés. En janvier 1815, une virulente homélie de l’évêque de Valladolid, parue dans la presse puis lue en chaire à travers tout le diocèse, trois semaines durant, stigmatisait la diffusion des blasphèmes et autres jurons, le non-respect du repos dominical et des jours fériés, le déclin de la communion pascale (etc.) depuis les « troubles62 ».
40Le discours d’ordre moral, perceptible dès 1813 et effectif avec le retour de Ferdinand VII, s’accompagnait d’une législation désormais répressive, notamment contre la « délinquance » féminine (adultère, prostitution, avortement, infanticide...)63. Il eut donc un effet performatif, qui échappa à ses instigateurs les plus virulents...
***
41 Penser avec, penser contre R. Hocquellet autour de la politisation induite par la « guerre d’Indépendance » espagnole s’est avéré délicat : cette communication constitue aussi, dans mon esprit, un hommage critique. Or, je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer, ni d’échanger des idées avec lui de son vivant ; je ne le connais donc qu’à travers son œuvre d’historien et encore de façon incomplète, puisque je n’ai pu avoir accès à certains de ses derniers travaux. Par là, mon interprétation ne prend peut-être pas en compte les dernières évolutions de sa pensée. Si je partage la plupart de ses prémisses, notamment sur le caractère non spontané du soulèvement de 1808 et sa prompte canalisation/récupération par les élites traditionnelles, ses conclusions en faveur de l’apparition précoce d’une conscience nationale comme d’une « rupture libérale », effective dès 1810, me laissent bien davantage sceptique.
42Pour autant, les six années d’un conflit polymorphe – à la fois affrontement délocalisé des impérialismes français et britannique, guerre de libération, guerre civile, lutte sociale – furent bien une période matricielle pour l’Espagne. Un historien espagnol qualifie cette brève période de « nœud historique ouvrant les portes de la politique et de la société particulières à l’Espagne contemporaine et actuelle64 ». Car sa confrontation extrêmement brutale et traumatisante avec la modernité politique incarnée par le régime napoléonien, a fortiori affectant le bastion européen de l’absolutisme avec son voisin portugais65, entraîna de profondes répercussions pour son évolution durant la majeure partie du XIXe siècle.
43Le libéralisme s’y développa en vase clos, cantonné dans l’enclave fortifiée de Cadix, sauf entre les printemps de 1813 et 1814, où il connut une certaine diffusion, profitant de la retraite des troupes françaises pour implanter un cérémonial politique et un personnel « rénovés », mettant donc en application les nouvelles normes constitutionnelles à l’échelle locale66. Mais cet « enracinement » éphémère du libéralisme, encore méconnu, s’avéra probablement superficiel. En outre, à son éloignement du « pays réel » s’ajoutait une coupure volontaire avec les racines intellectuelles et culturelles européennes de ce courant de pensée, afin de ne pas donner prise aux accusations de trahison diffusées par ses adversaires, profitant sans scrupules de la récente liberté de la presse qu’ils déploraient et condamnaient par ailleurs. Il en vint donc à forger une version « purement » autochtone, autant que passablement biaisée, et relativement modérée.
44Enfin, tant le contexte militaire défavorable – au moins jusqu’à l’automne 1812, avec l’évacuation de l’Andalousie et la retraite du roi Joseph et de l’Armée du Centre sur Valence – que la sociologie urbaine de ses partisans (membres de la bourgeoisie négociante et des professions libérales, pour l’essentiel) le tinrent à l’écart de la population rurale majoritaire, pour laquelle il éprouvait un mépris et une défiance comparables à celle des Afrancesados. Autant de caractéristiques qui s’épanouiraient et se renforceraient par la suite, à l’épreuve du pouvoir, sous la monarchie constitutionnelle qui suivit la disparition de Ferdinand VII en 1833, pour en faire un mouvement socialement oligarchique et politiquement antidémocratique67, malgré un renouvellement plus large des élites dirigeantes...
45En revanche, le courant réactionnaire, plus précocement organisé (grâce à l’action pionnière du partido fernandino) et disposant de multiples relais à travers le pays, jouirait d’une réelle popularité durant la majeure partie de la période. Ainsi que l’écrit J.-R. Aymes, « incontestablement, les “ultras” sont plus en consonance avec les convictions, la mentalité et la manière d’être du peuple et du bas peuple68 ».
46Le recours à la violence, que ce soit sous forme de chantage exercé par une minorité d’activistes (pronunciamiento), d’ingérence constante de l’Armée, de jacqueries, puis d’attentats anarchistes et de contre-terrorisme étatique, s’imposa durablement dans le pays. Il culmina lors des trois guerres carlistes, qui se révélèrent, en conformité à leur « matrice » de 1808-1814, à la fois très décousues, civiles, partiellement irrégulières, internationalisées et marquées de violences extrêmes réciproques, entre 1834 et 1876. Car il fut retenu par les différents partis en présence, comme unique moyen susceptible de faire évoluer les choses, sans préjudice de ses motivations initiales. Ainsi, en se prévalant de l’exemple de 1808, démocrates et républicains des années 1850-1860 développèrent une conception insurrectionnelle, élitiste et dirigiste de la politique69. De même, la violence anticléricale débridée, initialement « révolutionnaire », fut progressivement infléchie, à l’orée du XXe siècle, en substitut/palliatif de lutte des classes, par des leaders démagogiques comme Alejandro Lerroux70.
Notes de bas de page
1 Emmanuel Larraz, Théâtre et politique pendant la guerre d’Indépendance espagnole (1808-1814), Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 1988, p. 307. Je remercie l’auteur de m’avoir aimablement communiqué le texte de cette pièce. Voir aussi Ivy L. McClelland, « A propaganda play of 1808. F. Enciso Castrillón’s La defensa de Valencia y castigo de traidores », Bulletin of Spanish Studies, vol. 86, 7-8, 2009, p. 241-257.
2 Emmanuel Larraz, Théâtre et politique..., op. cit., p. 309 et 341.
3 Jean-Pierre Dedieu, Après le roi. Essai sur l’effondrement de la monarchie espagnole, Madrid, Casa de Velázquez, 2010, p. 16-19.
4 Contrairement aux letrados employés par les Habsbourg, selon Jean-Pierre Dedieu, « Amistad, familia, patria y rey : Las basas de la vida política en la Monarquía española de los siglos XVII y XVIII », dans La naissance de la politique moderne en Espagne (milieu XVIIIe siècle-milieu XIXe siècle), Mélanges de la Casa de Velázquez, 35-1, 2005, p. 42-43.
5 María-Victoria López-Cordón Cortezo et Jean-Philippe Luis, « De la Ilustración à la victoire du libéralisme modéré. Considérations pour une histoire de la naissance de la modernité politique en Espagne », dans La naissance de la politique..., op. cit., p. 15-26.
6 Richard Hocquellet, Résistance et révolution durant l’occupation napoléonienne en Espagne, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2001 (version publiée de sa thèse de 1999). L’auteur est décédé en janvier 2009.
7 C’est à Cadix, en 1810, que le slogan « ¡Viva España! » apparaît, succédant aux « Vive Ferdinand VII » ou « Mort aux Français » parmi les patriotes, cf. José Álvarez Junco, « Identidad heredada y construcción nacional. Algunas propuestas sobre el caso español, del Antiguo Régimen a la Revolución liberal », Historia y Política, 2, 1999, p. 144.
8 Vittorio Scotti Douglas, « Independencia, guerra popular, constitución : modelos españoles para la Europa decimonónica », dans Francisco Acosta Ramírez et Marta Ruiz Jiménez (coord.), « Baylen 1808-2008 ». Bailén : su impacto en la nueva Europa del siglo xix y su proyección futura, Jaén, Universidad de Jaén, 2009, p. 47-79.
9 Jean-Marc Lafon, L’Andalousie et Napoléon. Contre-insurrection, collaboration et résistances dans le midi de l’Espagne (1808-1812), Paris, Nouveau Monde/Fondation Napoléon, 2007.
10 Divergence soulignée par plusieurs des témoins de l’événement, le très jeune Ramón de Mesonero Romanos, dans ses Memorias de un setentón, natural y vecino de Madrid (1886) et l’officier de marine Antonio Alcalá Galiano, dans ses Recuerdos de un anciano (1878). Cités dans l’anthologie de José Manuel Guerrero Acosta, Memorias del Dos de Mayo, Madrid, Alfaguara, 2008, p. 88-89 et 124-127.
11 Richard Hocquellet, Résistance et révolution..., op. cit., p. 93-96 et 145-154.
12 Francisco Andújar Castillo, Los militares en la España del siglo xviii. Un estudio social, Universidad de Granada, 1991, p. 157-164.
13 Ronald Fraser, La maldita guerra de España. Una historia social de la guerra de Independencia, 1808-1814, Barcelona, Crítica, 2006, p. 776-777, le restant se partageant entre notables locaux (10,4 %) et petits fonctionnaires (3,6 %). Une partie des données de ce panel provient de la thèse de Richard Hocquellet.
14 Richard Hocquellet, Résistance et révolution..., op. cit., p. 120-123.
15 Françoise Etienvre, Rhétorique et patrie dans l’Espagne des Lumières. L’œuvre linguistique d’Antonio de Capmany (1743-1813), Paris, Honoré Champion, 2001, p. 197-198.
16 Manuel Moreno Alonso, « El Ejército de la Junta Suprema de Sevilla », Milicia y sociedad en la Baja Andalucía (siglos XVIII y XIX), Madrid, Deimos, 1999, p. 454-455.
17 Richard Hocquellet, Résistance et révolution..., op. cit., p. 103.
18 Richard Hocquellet, « Du consensus populi à la volonté générale. La représentation du pouvoir chez les dirigeants patriotes pendant la guerre d’Indépendance », in La naissance de la politique moderne..., op. cit., p. 93.
19 Richard Hocquellet, « La publicidad de la Junta Central española (1808-1810) », dans François-Xavier Guerra et Annick Lempérière (dir.), Los espacios públicos en Ibéroamérica, Ambigüedades y problemas, siglos XVIII-XIX, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1998, p. 140-167.
20 William Jacob, Travels on the south of Spain, letters written in 1809 and 1810, London, F. Johnson & Co, 1811, p. 346-347 et 360.
21 Manuscrito de Matías Calvo. Memorias de un monegrino durante la Guerra de la Independencia, édition de Juan José Marcén Letosa, Huesca, Mira Editores, 2000, p. 137-138.
22 Miguel Artola, « La guerra de guerrillas. Planteamientos estratégicos en la Guerra de la Independencia », Revista de Occidente, II, 10, 1964, p. 12-43.
23 Dans son manifeste du 3 août 1808, l’influente Junte Suprême de Séville rejeta catégoriquement l’éventualité de retenir un dictateur militaire, sur le modèle romain, en alléguant l’exemple de Bonaparte ; Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique, Espagne, 670.
24 Matthieu Trouvé, « La culture du pronunciamiento en Espagne », Parlement[s], 12, 2009, p. 87-99.
25 Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique, Espagne, 680, traduction du Manifeste de La Romana du 14/10/1809.
26 Jean-Pierre Dedieu, Après le roi..., op. cit., p. 123.
27 Matthieu Trouvé, « La culture du pronunciamiento... », art. cit., p. 91.
28 Edward P. Thompson, « The Moral Economy of the English Crowd in the 18th Century », Past & Present, 50, 1971, p. 76-136 ; Roger Dupuy, La politique du peuple XVIIIe-XXe siècle : racines, permanences et ambiguïtés du populisme, Paris, A. Michel, 2002.
29 Karl Marx, « La révolution espagnole », Œuvres complètes, Politique I, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 1994, p. 857-921, p. 882 (série d’articles parus dans le New York Daily Tribune entre juillet et septembre 1854).
30 Archives du ministère des Affaires étrangères, Correspondance consulaire et commerciale, Malaga, 16, rapport de Chompré au ministre des Relations extérieures du 1er messidor an VII (19 juin 1799). Sur le « complot universel », cf. Raoul Girardet, Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil, 1986, p. 25-62.
31 Javier Herrero, Las orígenes del pensamiento reaccionario español, Madrid, Alianza Editorial, 1988 (1re éd., 1971), p. 157-159.
32 Alberto Gil Novales, « Gazeta de Valencia, 1808 », Trienio, Ilustración, Liberalismo, 48, 2006, p. 72 et 74 ; et Manifiesto de la causa formada por el Señor José María Manescau, alcalde del crimen de la Real Audiencia de Valencia, por comisión de la Junta Suprema de Gobierno contra el canónigo de San Isidro D. Baltasar Calvo, Valencia, Benet Montfort, 1808, p. 5-8. Sur l’événement lui-même, voir Jean-Marc Lafon, « Le pogrom antifrançais de Valence (5-6 juin 1808) », in Frédéric Rousseau et Burghardt Schmidt (dir.), Les « dérapages » de la guerre du XVIe siècle à nos jours/Kriegsverbrechen vom 16. Jahrhundert bis zum Gegenwart, Hambourg, Dobu Verlag, 2009, p. 85-96.
33 Rafael Pérez, Madrid en 1808. El relato de un actor, edición de Joaquín Álvarez Barrientos, Madrid, Biblioteca histórica, 2008, p. 133. Il conclut ainsi : « Qu’il puisse exister des hommes si malfaisants est terrifiant »...
34 Jean-Marc Lafon, « Église et sentiments religieux dans la lutte espagnole contre Napoléon », dans Jean-François Muracciole et Frédéric Rousseau (dir.), Combats. Hommage à Jules Maurin, historien, Paris, Éditions Michel Houdiard, 2010, p. 407-417.
35 Michel Maffesoli, Alain Pessin, La violence fondatrice, Paris, Éditions du Champ urbain, 1978, p. 97-120 ; Wolfgang Sofsky, Traité de la violence, Paris, Gallimard, 1998, p. 168 (1re éd. allemande, 1996).
36 Milton Finley, The Most Monstrous of Wars. The Napoleonic Guerrilla Warfare in Southern Italy (1806-1811), Columbia, University of South Carolina, 1994, p. 49-53 ; Nicolas Cadet, « Violences de guerre et transmission de la mémoire des conflits à travers l’exemple de la campagne de Calabre de 1806-1807 », Annales historiques de la Révolution française, n ° 348, 2007, p. 151-152 et Nicolas Cadet, « Les difficultés méthodologiques posées par l’étude des massacres au cours des guerres napoléoniennes : le cas de l’insurrection calabraise de 1806-1807 », La Révolution française, 3, 2011 [en ligne sur revues.org].
37 Jean-Marc Lafon, « La première campagne d’Andalousie (mai/juillet 1808) : violences exacerbées, confrontées, enfouies », Revue historique des Armées, n ° 239, 2005, p. 30-49.
38 José Mendoza y Rico, Historia de Málaga durante la Revolución Santa que agita a España desde Marzo de 1808, edición de Manuel Olmedo Checa, Málaga, Real Academia de Bellas Artes de San Telmo y Academia Malagueña de Ciencias, 2003, p. 86-87.
39 Marcos José Miquel-Feucht, Manuel Polo Cerdá et José Delfín Villalaín Blanco, « Anthropological and paleopathological studies of a Mass execution during the War of Independence in Valencia, Spain (1808-1812) », dans Franco Rollo (dir.), Osteoarchaeology of the Napoleonic Battlefields, Journal of Paleopathology, 13-1, 1999, p. 15-23.
40 Genís Barnosell Jordá, « La Guerra de la Independencia como guerra religiosa : el ejemplo de los sitios de Zaragoza y Gerona », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, Debates, mai 2010 [http://nuevomundo.revues.org/5971/].
41 Pedro Rujúla, « La guerra como aprendizaje político : de la Guerra de la Independencia a las guerras carlistas », in El carlismo en su tiempo : geografías de la contrarrevolución, Pamplona, Gobierno de Navarra/Institución Príncipe de Viana, 2008, p. 41-64, p. 47.
42 Archivo General Militar (Ségovie), I, A-893.
43 Victoriano Punzano Martínez, Los Gobernadores de Armas de Castro Urdiales, 1812-1813, Santander, Estudio, 1982, p. 106-107.
44 Richard Hocquellet, Résistance et révolution..., op. cit., p. 105-114 et p. 125-126.
45 Antonio José Carrasco Álvarez, « Colaboración y conflicto en la España antinapoleónica (1808-1814) », Spagna contemporanea, 9, 1996, p. 7-44, p. 18-22.
46 Michael Kasper, « Los guerrilleros de la Francesada durante el Trienio Constitucional », Trienio, Ilustración, Liberalismo, 23, 1994, p. 61-102.
47 Respectivement Joan-Xavier Quintana i Segalà, « Matices de una historia de la contrarrevolución », Hispania Nova, 9, 2009 [http//hispanianova.rediris.es] ; Michael Kasper, « Los guerrilleros de la Francesada... », art. cit., p. 92-96 et Pedro Rújula, « La guerra como aprendizaje político... », art. cit., p. 49-51 et 54-55.
48 Pedro Rújula, « La guerra como aprendizaje político... », art. cit., p. 51, et Pedro Rújula, « La guerre d’Indépendance et les origines politiques de la contre-révolution », dans Jean-Philippe Luis (dir.), La guerre d’Indépendance espagnole et le libéralisme au XIXe siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2011, p. 159-176.
49 Voir notamment La complejidad de la Guerra de la Independencia, Revista de Historia Militar, numero extraordinario 1, 2008 et Cristina Borreguero Beltrán (Coord.), La Guerra de la Independencia en el Mosaico Peninsular, Universidad de Burgos, 2010.
50 José Antonio Alejandre García, María-Jesús Torquemada, Palabra de hereje. La Inquisición de Sevilla ante el delito de proposiciones, Universidad de Sevilla, 1998. Lucienne Domergue, Le livre en Espagne au temps de la Révolution Française, Presses universitaires de Lyon, 1984, p. 174-183 était parvenue à des conclusions similaires à partir d’un panel plus dilaté spatialement de « librespenseurs ».
51 Gérard Dufour, « La Inquisición y la Revolución francesa », Repercusiones de la Revolución Francesa en España, Madrid, Universidad Complutense, 1990, p. 551.
52 Ronald Fraser, La maldita guerra de España..,. op. cit., p. 535.
53 Emilio La Parra López, « Los inicios del anticlericalismo español contemporáneo (1750-1835) », in Emilio La Parra López et Manuel Suárez Cortina (dir.), El anticlericalismo español, Madrid, Biblioteca Nueva, 1998, p. 60.
54 Ainsi dans la féroce satire du hiéronymite Ramón Valdivares y Longo, El liberal en Cádiz o aventuras del Abate Zamponi (1814), édition critique de Joaquín Álvarez Barrientos, Diputación de Cádiz, colección Bicentenario, 2008 ; et plus généralement Javier Herrero, Los orígenes del pensamiento..., op. cit., p. 291, 296-297, 303, 328-330, 336-337 pour l’assimilation récurrente des liberales aux athées chez les principaux ténors et journaux du camp réactionnaire.
55 Pour un exemple local, voir José Carlos Gutiérrez Pérez, « Documentación sobre las reparaciones en la iglesia de Torrequebradilla (Jaén) tras la Guerra de la Independencia », Boletín del Instituto de Estudios Giennenses, 201, 2010, p. 263-273.
56 Jean-Henry Rattier, « Notes d’un sergent-major », Revue rétrospective, XX, 1894, p. 323 ; Carnet de campagne du commandant Giraud, Paris, Téqui, 1898, p. 180 ; « Souvenirs inédits du Mameluck Ali : le séjour à Burgos en 1810 », Revue du Souvenir Napoléonien, 439, 2002, p. 33 ; Gaspard de Clermont-Tonnerre, L’expédition d’Espagne (1808-1810), Paris, Perrin, 1983, p. 462.
57 Mémoires du maréchal Marmont, duc de Raguse, de 1792 à 1841, imprimés sur le manuscrit original de l’auteur, Paris, Perrotin, 1856-1857, vol. IV, p. 88.
58 Jean-Marc Lafon, « Église et sentiments... », art. cit.
59 Georges Minois, Histoire de l’athéisme, Paris, Fayard, 1998, p. 298 et 300-301.
60 Francisco Luis Díaz Torrejón, Guerrilla, contraguerrilla y delincuencia en la Andalucía napoleónica (1810-1812), Lucena, Fundación para el Desarrollo de los Pueblos de la Ruta del Tempranillo, 2004-2005, I, p. 312-313 ; José Carlos Enríquez Fernández, Javier Enríquez Fernández, Enriqueta Sesmero Cutanda, « Criminalidad y guerrilla vizcaínas en la Guerra de la Independencia », in El Jacobinisme. Reació i revolució a Catalunya i a Espanya (1789-1837), Universitat Autonoma de Barcelona, 1990, p. 248-249 ; José Pardo de Santayana y Gómez de Olea, Historia de una guerrilla. Francisco de Longa, de guerrillero a general en la Guerra de la Independencia, Madrid, Leynfor, 2007, p. 405.
61 Attesté par exemple à l’orphelinat (Casa Cuna) de San Justo à Cordoue entre 1810 et 1813, cf. Enrique Águilar Galván, « Córdoba durante la dominación napoleónica », Actas del III Congreso de Historia de Andalucía. Andalucía contemporánea, Córdoba, CajaSur Publicaciones, 2003, vol. III, p. 63-64.
62 Jorge Sánchez Fernández, Valladolid durante la Guerra de la Independencia Española (1808-1814), thèse dirigée par Celso Almuñia Fernández, Universidad de Valladolid, 2002, p. 551-555 (consultée sur [www.cervantes.virtual.com]). Peut-être fallait-il voir dans ce zèle de l’évêque Vicente de Soto y Valcarce le désir de faire oublier sa compromission auprès des autorités d’occupation, Ibid., p. 515, mais il reprenait aussi là une pastorale prononcée en 1807.
63 Jean-Louis Guereña, « La réglementation de la prostitution en Espagne au XIXe et au XXe siècles », in Raphaël Carrasco (dir.), La prostitution en Espagne de l’époque des Rois Catholiques à la IIe République, Besançon, Annales littéraires, 1994, p. 240 ; Jorge Sánchez Fernández, « La Real Chancillería de Valladolid durante la Guerra de la Independencia », Trienio, Ilustración, Liberalismo, 39, 2002, p. 28-29.
64 Pedro Rújula, « A vueltas con la Guerra de la Independencia. Una visión historiográfica del Bicentenario », Hispania, 235, 2010, p. 492.
65 Jean-Pierre Dedieu, Après le roi..., op. cit., p. 5.
66 Pedro Rújula, « Un despertar constitucional. Experiencia política y memoria(s) en la España liberada (1812-1814) », dans Fernando Durán López & Diego Caro Cancela (eds.), Experiencia y memoria de la Revolución española (1808-1814), Universidad de Cádiz, 2011, p. 213-233.
67 Isabel Burdiel, « Morir de éxito : el péndulo liberal y la revolución española del siglo XIX », Historia y Política, 1, 1999, p. 181-203 ; Pedro Díaz Marín, « La cultura de la participación. Elecciones y ciudadanía en el liberalismo inicial (1834-1837) », dans La naissance de la politique moderne..., op. cit., p. 99-118.
68 Jean-René Aymes, La crise de l’Ancien Régime et l’avènement du libéralisme en Espagne (1808-1833). Essai d’histoire politico-culturelle, Paris, Ellipses, 2005, p. 215.
69 Florencia Peyrou, « Nation et liberté. La guerre d’Indépendance dans le démo-républicanisme du XIXe siècle », dans La guerre d’Indépendance espagnole et le libéralisme..., op. cit., p. 154 et 157.
70 José Álvarez Junco, El emperador del paralelo : Lerroux y la demagogia populista, Madrid, Alianza Éditorial, 1990.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008