Rapports à l’État, conflits et politisation des sociétés littorales du Ponant (XVIIe-XIXe siècle)
p. 139-165
Texte intégral
1Pendant bien longtemps, les zones côtières furent perçues par l’État comme des territoires sauvages, des confins mal connus voire redoutés qui échappaient à son autorité. Michel Mollat a désigné ces espaces littoraux relevant de pouvoirs seigneuriaux laïques ou ecclésiastiques sous le terme de « seigneurie maritime1 ». Cette féodalisation ne s’est d’ailleurs pas limitée à la fiscalité des droits maritimes puisqu’elle s’étendait à l’administration des affaires maritimes du pays à travers le système complexe des amiraux de France et de provinces.
2Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les guerres maritimes conduites par les États modernes font peser de nouvelles contraintes stratégiques sur les littoraux du Ponant. Alors que se dessinent les lignes défensives du « pré carré » au nord-est du royaume, ces espaces côtiers deviennent à leur tour des zones de frontières menacées à chaque conflit. Dès les premières années du règne de Louis XIV, le développement global des enjeux maritimes conduit la monarchie française à une initiative politique forte vers la mer, insérée dans les logiques économiques mercantilistes. Il s’agit d’abord de se donner les moyens d’une politique industrielle afin d’acquérir la maîtrise de la construction navale, de produire souverainement des vaisseaux, et de disposer des infrastructures portuaires nécessaires au développement du secteur maritime. Pour ce faire, l’État doit donc être en mesure de fournir les moyens navals nécessaires et adaptés. Or, le développement d’une marine étatique, s’il s’avère le meilleur choix en termes d’efficience, est assurément le plus lourd en termes budgétaires2. En effet, il nécessite une politique d’aménagements portuaires, de ravitaillement d’arsenaux, de construction navale, de recrutement et de formation des équipages, mais aussi de protection des littoraux. Dans ce système complexe, l’arsenal joue un rôle essentiel pour permettre à la France d’obtenir de la puissance maritime. En reprenant les propos de Martine Acerra, il devient « un espace centralisateur autour duquel s’organisent les forces navales3 » et nécessairement en réseau pour ses approvisionnements. Il s’agit ensuite d’inventer puis d’installer les cadres structurels pour organiser le recrutement et la formation des équipages appelés à servir à la mer. Si ces objectifs sont atteints dans les délais record d’à peine deux décennies à partir d’une remarquable volonté politique et au prix d’un effort humain sans précédent en la matière, la création ou le développement des arsenaux sur le littoral atlantique ne tarde pas à focaliser de nouveaux enjeux stratégiques. Du règne de Louis XIV jusqu’au début de la Révolution française, pas moins de 40 opérations navales sont conduites contre les côtes et les îles atlantiques de la métropole depuis les blocus ponctuels et les raids de courte durée jusqu’aux débarquements suivis par plusieurs semaines d’occupation militaire. Les populations du rivage entrent ainsi en quelques décennies dans une nouvelle ère où la problématique militaire est appelée à jouer un rôle majeur, conditionnant plus généralement une intrusion brutale de l’État sur des territoires restés jusque-là relativement en marge des processus centralisateurs.
3Nous souhaitons mesurer comment se sont traduites les ambitions françaises de puissance maritime sur les littoraux métropolitains : confronté aux rivalités internationales et aux conflits navals, quelles ont été les modalités de contrôle par l’État des frontières littorales du Ponant et plus particulièrement de la Bretagne ? Comment s’est opérée cette politique de mise en coupe réglée des seigneuries maritimes et de mobilisation des populations du rivage, ayant à son tour généré des problèmes socio-juridiques et socioéconomiques sources de conflits plus ou moins affirmés qui ont contribué à la politisation de la société ?
4Bien entendu, si les cadres mis en place par Colbert évoluent au XIXe siècle, force est de constater que la politisation des citoyens du littoral continue à s’exprimer en partie via leurs rapports à l’État et à ses agents au-delà de l’Ancien Régime, en soulignant notamment le pouvoir sur la longue durée de l’administration de la Marine. Trois éléments méritent notre attention pour mieux saisir la nature et les modalités de ces relations dont le conflit au sens large est à la fois l’enjeu structurant et souvent la résultante des rapports sociopolitiques.
Conflits maritimes et appropriation des littoraux par l’État (XVIIe-XVIIIe siècles)
Le développement d’une politique royale de défense des littoraux
5Le système de défense ponantais et de contrôle de l’État, qui commence vraiment à se mettre en place à partir des années 1680, se développe irrégulièrement au XVIIIe siècle sur la base d’un tripode.
6Il convient tout d’abord d’élaborer un dispositif de fortifications en opérant des choix stratégiques sur une ligne côtière de plus d’un millier de kilomètres et en tenant compte plus encore des contraintes budgétaires. Si l’État ne part pas de rien, en considérant l’existence d’un bâti défensif ancien et notamment de citadelles à l’entrée de certaines rades, ports ou estuaires, l’effort à accomplir n’en demeure pas moins considérable. Vauban doit d’ailleurs bien souvent composer avec des réalisations obsolètes qui n’ont pas toujours fait l’objet des meilleurs choix d’implantation et/ou de conception. En Bretagne, trois sites majeurs se distinguent alors : Brest, pour la marine royale ; Lorient, pour le commerce au lointain et le soutien de la guerre de course ou d’escadre ; Saint-Malo pour le commerce, la grande pêche et l’activité corsaire. Un important programme de constructions de redoutes, de corps de garde et de modernisation de citadelles est lancé sous le règne de Louis XIV aux abords des arsenaux et dans les îles commandant les voies de navigation. Ce dispositif se développe par à-coups tout au long du XVIIIe siècle en intégrant l’évolution de la menace et les opérations navales conduites principalement par les forces anglaises. En 1748, les 31 capitaineries comptent pas moins de 182 corps de garde et guérites d’observation4. Au seuil de la guerre de Sept-Ans, le potentiel de l’artillerie côtière bretonne monterait à environ 3200 canons dans 620 batteries5. Après une longue période de mise en sommeil, qui n’est pas sans poser le problème de la vétusté des infrastructures aggravée par le manque d’entretien, de nouveaux programmes de fortification reprennent sous le règne de Louis XV. La Royal navy ne se trompe d’ailleurs pas sur les insuffisances du dispositif breton lorsqu’elle planifie la destruction du port et de l’arsenal de Lorient en projetant un corps expéditionnaire de 5 000 hommes débarqués au Pouldu à l’automne 1746. La guerre de Sept-Ans met particulièrement à l’épreuve le système défensif breton. En 1758, l’échec anglais à la bataille de Saint-Cast ne remet pas en cause la tactique de harcèlement des littoraux préconisée par les conseillers militaires de Pitt. En juin 1761, la prise de Belle-Ile confirme, si besoin il en était, la dimension globale du dispositif défensif de l’arsenal de la Compagnie des Indes. Occupée par un corps expéditionnaire jusqu’à la fin de la guerre de Sept-Ans et servant de base pour le mouillage des frégates de la Royal navy, elle contribue à la paralysie de Lorient6. Expressions spectaculaires du pouvoir royal, ces infrastructures défensives permanentes ou provisoires, qui envahissent les littoraux en moins d’un siècle, concrétisent une appropriation poussée des territoires avec en corollaire la soumission des populations.
7Ainsi, au-delà des efforts financiers nécessaires à la réalisation d’un embryonnaire « mur de l’Atlantique », le contrôle des rivages par l’État s’appuie aussi sur une importante militarisation des populations et une mobilisation des hommes. Elle s’exprime d’abord par le contact récurrent avec les gens de guerre venus à chaque période de conflit protéger les sites stratégiques côtiers (ports, îles, estuaires..). à défaut de pouvoir financer la construction de casernes sur tout le littoral, les réquisitions de bâtisses sont nécessaires et le recours au logement chez l’habitant reste fréquemment de mise en temps de guerre. Surtout, cette offensive de l’État signifie la conscription des gens de mer et la mobilisation des ruraux. Il s’agit en premier lieu d’établir un service militaire capable de mobiliser les sociétés littorales afin de participer à la mise en défense des rivages ou à la guerre sur mer. Si la constitution des milices permet à la monarchie de disposer de troupes à bon compte pour tenir le littoral, elle contribue, d’une certaine façon, à une pédagogie de la guerre et de l’événement auprès des populations exposées aux débarquements. Appréhendé au niveau d’une île, ce cadre de contraintes assure également l’État du maintien des habitants, prévenant l’exode par la mobilisation des chefs de famille. Dès 1684, le règlement de la Marine des côtes de Bretagne prévoit l’organisation de milices, avant qu’une codification d’ensemble de la garde-côte ne soit proposée en 1716. Placées sous les ordres directs du gouverneur de la province et des capitaineries locales, mais relevant des amirautés, elles incorporent tous les hommes de 18 à 60 ans. Ce sont avant tout les paroisses rurales sur une profondeur de deux lieues (plus de huit kilomètres, souvent d’ailleurs dépassées le long des rias et des rivières) qui sont contraintes par tirage au sort de fournir les miliciens. Le nombre de capitaineries oscille entre 20 et 31 selon les périodes : 25 en 1701, 31 en 1732, 20 en 1756 puis 20 divisions relevant des deux directions de l’artillerie de Brest et de Nantes en 1778. Les effectifs théoriquement assujettis à la milice garde-côte sont supérieurs à 100 000 hommes. Dans la pratique, la distinction est toujours faite entre la grande masse des ruraux chargés de l’observation, que l’on désigne sous l’appellation de « troupes d’avis » en 1701, de « compagnies de guet et d’alerte » en 1758, puis de « gardes pavillons » en 1778 ; et les troupes utilisables en cas de débarquement appelées « compagnies franches », « compagnies détachées » ou « gardes canonniers ». Ces dernières, vraiment mobilisables pour le combat, sont estimées à 21 000 hommes en 1701 puis à seulement 10 000 à la fin du siècle. En 1756, la réforme menée par le duc d’Aiguillon, commandant en chef des troupes en Bretagne, réduit à 20 capitaineries représentant pour 200 compagnies encadrées par 400 officiers, environ 10 000 à 12 000 hommes (environ 500 par capitaineries). La réorganisation passe également par une structuration de ces unités semblable à celle de l’armée professionnelle et une meilleure formation. Le service par rotation, en renouvelant un cinquième des effectifs tous les ans, permet d’alléger en partie la contribution des ruraux dont le nombre total de mobilisables est alors estimé à près de 117 000 hommes7.
8Cette cartographie du service de défense à terre est, par ailleurs, très proche de celle que la législation des classes a dessinée sur ce même littoral pour imposer un service militaire obligatoire aux gens de mer, et à tous ceux qui exercent des métiers paramaritimes, afin de constituer les équipages de la flotte de guerre et de fournir la main-d’œuvre des arsenaux. Si le dispositif institutionnel est achevé avec la promulgation des grandes ordonnances de Colbert des années 1680, la géographie administrative reste elle aussi évolutive jusqu’au début du XVIIIe siècle. L’ordonnance de 1734 pose, en revanche, un cadre qui n’est guère modifié jusqu’en 1784. Elle divise le littoral breton en vingt quartiers maritimes englobant 408 paroisses sur une profondeur de douze à seize kilomètres, y compris dans les localités riveraines des fleuves et rivières. Chaque quartier est dirigé par un commissaire des classes assisté par des syndics de gens de mer. Les chefs-lieux des quartiers maritimes sont souvent des sièges d’amirautés, des ports obliques ou des capitaineries de gardes-côtes. Le système des classes, qui n’avait pas à former ces navigants déjà amarinés sur les bateaux de pêche ou de commerce, ou ces ouvriers issus des chantiers de construction, pouvait compter sur près de 15 000 hommes en 1687 et 7 000 de plus un siècle plus tard8. En fournissant près de 32 % des effectifs de la Marine, la Bretagne devient en un siècle la première province maritime française. Ainsi, l’État en s’appropriant les rivages impose la conscription aux sociétés littorales avec en corollaire une incursion nouvelle et avancée dans la vie des individus.
9Enfin, le contrôle des territoires littoraux par l’État passe par le développement des institutions. Les années 1680-1690 apparaissent à cet égard comme une période fondatrice pour l’affirmation de l’autorité de la Marine en particulier et de l’État en général, qui renforce son maillage institutionnel afin de contrôler toujours plus fortement les territoires côtiers. Les deux ordonnances d’août 1681 sur la Marine et d’avril 1689 sur les armées navales définissent notamment le domaine maritime et la juridiction de l’Amirauté sur ce territoire, conférant à l’État la maîtrise du rivage jusqu’aux plus hautes laisses des flux d’équinoxe. La carte des amirautés constitue un premier maillage des juridictions extraordinaires qui vient se superposer aux juridictions ordinaires. Il est d’autant plus prégnant que les agents de l’État ne sont pas seulement présents au chef-lieu, mais également dans certains ports secondaires dits obliques. Chaque siège est doté d’un lieutenant général, d’un lieutenant particulier, de deux conseillers, d’un procureur et d’un avocat du roi, d’un greffier, d’interprètes, d’huissiers et de sergents. S’y ajoutent également un certain nombre d’experts et de spécialistes tels les jaugeurs, les receveurs des droits, les maîtres de quais, les professeurs d’hydrographie, les experts apothicaires et les chirurgiens. Des commis et greffiers sont également présents dans les ports obliques. La juridiction administrative et règlementaire des Amirautés englobe toutes les contraintes qui concernent les activités et les hommes. Elle surveille les chenaux avec en charge le balisage, les quais, les digues et les jetées. Elle contrôle les opérations de délestage et de lestage dont les abus sont préjudiciables aux ports. Elle supervise la construction navale. Elle encadre les gens de mer, surveille la pêche et les opérations d’armement et de recrutement des équipages. La juridiction contentieuse s’étend en outre à plusieurs domaines : la construction, la vente des navires et leur avitaillement, les contrats maritimes, les chartes-parties et les affrètements, les dossiers d’assurances, les naufrages, les engagements des équipages. Ce contrôle a un coût qui se traduit de surcroît par la mise en place d’une fiscalité royale : droit sur les marchandises, droit de congé, droit d’ancrage, droit de phare et balise, droit d’enregistrement des déclarations des capitaines et pilotes, droit pour les certificats de jauge et autres expertises. En fait, seules les affaires qui se déroulent à bord de la flotte de guerre ou dans les port-arsenaux échappent à l’Amirauté, relevant soit du Conseil de guerre, sous l’autorité du commandant de la Marine dans le port (1681), soit du tribunal prévôtal, sous l’autorité de l’intendant de Marine (1704/1715)9. Mais le littoral est aussi une frontière économique et fiscale. Sur ce canevas juridictionnel vient en effet se superposer le réseau des Traites de la Ferme. Ainsi, ce sont 72 à 74 « bureaux-brigades » qui cadenassent la Bretagne essentiellement sur le littoral pour assurer des procédures de dédouanement, régler les contestations et des délits relatifs à la perception des droits levés sur les denrées et les marchandises et contrôler la contrebande. Ce maillage répressif s’est en outre densifié avec le renforcement de la Maréchaussée qui fait la chasse aux déserteurs et à leurs complices ainsi qu’aux vagabonds et aux mendiants présentant un danger pour le maintien de l’ordre. À la demande des autorités, notamment citadines, le nombre de brigades passe ainsi de 11 à 27 à l’échelle de la Bretagne entre 1720 et 1775, chacune étant constituée 144 de cinq hommes. Nous ne saurions clore ce panorama du renforcement des juridictions extraordinaires sur le littoral sans évoquer les Consulats de commerce. En réalité, la Bretagne dispose dès le XVIe siècle de consulats à Nantes, Saint-Malo, Morlaix et Quimper.
10Au total, il en résulte à la fin de l’Ancien Régime un empilement institutionnel complexe et problématique. Dans le département maritime de Brest qui comprend 86 paroisses, il n’existe pas moins de 104 instances depuis l’intendance maritime et la justice militaire en passant par trois sièges d’Amirauté et 18 ports obliques, sept quartiers maritimes, sept brigades de maréchaussée, 65 postes de la Ferme générale et deux consulats de commerce. Dans le département maritime de Vannes qui couvre 49 paroisses, l’inventaire fait apparaître une justice militaire, deux sièges d’Amirauté, quatre ou cinq quartiers maritimes, quatre brigades de maréchaussée, 68 postes de la Ferme et deux consulats de commerce. Mais cette cartographie des juridictions extraordinaires vient se surimposer à la trame des juridictions seigneuriales et royales ordinaires. Dans la subdélégation de Vannes, elle est composée de dix-huit juridictions seigneuriales laïques et ecclésiastiques, du présidial, de la sénéchaussée, des réguaires de l’évêque. à la fin du XVIIIe siècle, il en résulte un empilement institutionnel complexe, où les juridictions extraordinaires viennent se surimposer à la trame des juridictions seigneuriales et royales ordinaires.
Jeux de pouvoirs et réactions
11Malgré la densification du maillage administratif, la mise sous tutelle du littoral par l’État ne va pas de soi face à l’ancrage multiséculaire des pouvoirs seigneuriaux10. En effet, l’inaliénabilité du domaine de la couronne n’est une règle de droit public que depuis 1566 et l’ordonnance de Moulins. Or elle stipule que pour justifier de toute possession, il faut montrer des titres réguliers de concession ou d’aliénation. Ainsi, bien que l’État moderne n’ait cessé de développer des lois sur les rivages (ordonnance du 15 mars 1584, édit de février 1593, code Michau de 1630 qui reprend les articles 84 et 85 de l’ordonnance de 1584, ordonnance du 14 mars 1643 sur la protection de la ressource halieutique, réglementation des pêcheries de 1669...), son arsenal juridique est bien souvent resté sans effet dans les seigneuries maritimes. De fait, l’affirmation de l’autorité de l’État, à travers les Amirautés, se fait lentement et il faut attendre la fin du XVIIe siècle pour qu’elle parvienne à s’imposer. De même, malgré l’ordonnance de 1681 et la mise en place des juridictions de contrôle sur les hommes et les activités du domaine maritime, la résistance des seigneuries pour défendre leurs droits de pêcheries et de coutume est bien réelle. Dans les premières années du règne de Louis XV, conscient de ces difficultés, l’État décide de frapper fort en lançant trois commissions ad hoc : celle des péages en 1724, celle des pêches s’appuyant sur l’enquête de Le Masson Duparc en 1726, et enfin la commission extraordinaire de vérification des droits maritimes de 1739. Cette dernière est chargée d’examiner les titres et pancartes de tous les droits que les propriétaires percevaient sur les quais, les ports, les rivières et les rivages de la mer. Cette commission est prorogée pour la dernière fois le 24 janvier 1755. Pourtant, même après les attaques frontales de ces commissions, la résistance seigneuriale reste très vive, notamment de la part des instances ecclésiastiques. En définitive, l’État ne va pas toujours au bout de sa démarche, préférant parfois reculer pour ménager ses élites, d’autant que certains droits sont négligeables. Dans les villes portuaires, la situation n’est pas toujours plus évidente. À Lorient, les années 1700 à 1719 voient naître une ville sur la lande du Faouëdic, jaillissant spontanément tandis que la multiplication anarchique d’un habitat précaire a contraint l’État à une intervention urbanistique. En fait, si le rôle du pouvoir royal, représenté sur place par l’ordonnateur de la Marine, a été plus structurel que matériel en l’absence de fonds pour moderniser l’arsenal et exécuter les projets souvent ambitieux de ses collaborateurs, Versailles n’a cessé d’arbitrer les conflits qui sont nés de l’autonomie croissante de la ville. Au plan judiciaire, les confrontations entre les juges royaux d’Hennebont, les juges seigneuriaux de Pont-Scorffet les compétences de l’ordonnateur sont sources de fréquents problèmes11. Mais, il y a aussi des querelles de communautés avec Ploemeur, d’abord à propos de la paroisse, puis à cause de la répartition de l’imposition.
12Outre les résistances seigneuriales, la politique de contrôle de l’État peut aussi achopper localement sur la difficulté de recruter des officiers. À Belle-Ile-en-mer, les charges de commissaires aux classes, peu lucratives et imposant d’accepter l’exil insulaire, ne trouvent pas facilement preneur. La petite bourgeoisie locale, enrichie par le négoce sardinier florissant au début du XVIIIe siècle saisit cette opportunité en accaparant les postes, ce qui lui permet d’avoir la main sur le levier de la conscription des marins dont elle a besoin pour son propre négoce12. Par un habile jeu politique, les notables palantins, négociants devenus petits officiers royaux, font admettre à Versailles jusqu’à la guerre d’Indépendance américaine la nécessité de préserver des classes la plupart des Bellilois au profit de la milice garde-côte, conservant ainsi leurs équipages saisonniers pour la sardine au grand dam des Groisillons qui ne jouissent pas des mêmes avantages... Dans un autre registre, signalons aussi la question du difficile recrutement des capitaines de gardes-côtes, l’État ayant souvent du mal à trouver des candidats au sein de la petite noblesse, certains considèrant comme déshonorant d’avoir à encadrer des populations rurales indigentes, estimées peu fiables voire indisciplinées. De fait, le renouvellement est faible, bien souvent à la mort du capitaine ou lorsqu’il ne se sent plus en âge de continuer le service. Ces problèmes d’encadrement contribuent en partie à la faiblesse militaire de la garde-côte. En 1746, lorsqu’il rend compte de la débandade de la milice à Quiberon dévastée par la troupe réglée du général Sinclair, le capitaine général de la garde côte d’Auray se justifie ainsi par la seule présence de deux nobles d’épée pour 2 000 miliciens13.
13Par ailleurs, l’affirmation de l’autorité royale via la militarisation des littoraux est plus ou moins limitée par le système dual de défense côtière mis en place par l’État, qui n’est pas sans susciter des conflits au sein même de ses propres instances. En effet, jusqu’en 1759 les citadelles et les garnisons dépendent du Ministère de la guerre, tandis que le dispositif côtier et les milices gardes-côtes sont placés sous le commandement de la Marine. La construction et l’entretien de ce dispositif, à la charge des populations littorales sous la forme de corvées, se fait notamment sous la supervision du capitaine général de la garde-côte. Mais, si le règlement lui donne le pouvoir de contrôler le bon entretien des installations, ordinairement supporté par les paroisses, les temps de paix voient les infrastructures laissées à l’abandon, faisant même bien souvent l’objet de pillages. En fait, le contrôle étroit des capitaines par les officiers d’amirauté ne leur accorde pas de grande marge de manœuvre. Depuis les revues de troupes jusqu’aux corvées défensives, tous leurs ordres sont soumis à une demande d’autorisation, dissolvant un peu plus la cohérence locale des actions d’encadrement. Conscient des limites du système, l’État établit sous le règne de Louis XV des inspecteurs généraux pour veiller à l’application des mesures défensives, commander les revues générales, et assurer le suivi statistique des effectifs et des armements. De même, la réforme de 1756 modifie certains rapports de force administratifs en confiant à l’intendant le contrôle de la garde-côte au détriment des juges de l’amirauté. C’est dorénavant l’intendant et son réseau de subdélégués qui délivrent, par exemple, les exemptions. Les instances paroissiales sont, par ailleurs, chargées de solder leurs miliciens à partir des budgets de l’intendance14.
14Bien au-delà des résistances seigneuriales et des jeux de pouvoirs locaux, la militarisation de la Bretagne, dont participe bien entendu largement la défense des littoraux, est au cœur d’importants débats politiques entre la province et l’État monarchique à partir du règne de Louis XV. Rappelons tout d’abord qu’elle a un impact structurel sur l’organisation administrative de la fiscalité provinciale dès les années 1730. En effet, le jeu politique entamé depuis plusieurs années, afin non seulement de s’abonner au casernement mais aussi et surtout d’en assurer la gestion, aboutit favorablement à l’issue de la réunion des États de Bretagne en 1732. Dès lors, la perception des charges du casernement mais aussi celles relatives à la milice, sans oublier le dixième et la capitation, conduisent dès 1734 à la création de la commission intermédiaire des États de Bretagne et au développement de son administration. Cette structure, en émettant des avis et en participant à la création d’un discours politique, plus particulièrement sur les questions militaires, contribue de fait à nourrir d’informations les États de Bretagne qui assument pour leur part plus directement les rapports de force politiques entre la province et l’État monarchique15. Comme l’a souligné Stéphane Perréon, elle s’appuie sur un réseau très ramifié de correspondants, presque deux fois plus nombreux que ceux de l’intendant, pouvant être d’efficaces relais politiques au plus profond de la province, d’autant plus qu’ils sont généralement choisis parmi les notables locaux.
15En fait, la milice garde-côte est au cœur d’un débat politique pendant tout le règne de Louis XV. Ainsi, pendant la guerre de Succession d’Autriche, la prise en charge des dépenses extraordinaires liées à la garde-côte provoque de fortes tensions entre le pouvoir central et la Province qui a déjà à sa charge les frais de casernement et 75 000 livres annuelles pour l’entretien et la construction des ouvrages côtiers. Outre les larges dépassements exigés par le roi à ce sujet, Louis XV demande alors aux États de Bretagne de payer les frais pour la création de deux unités respectivement de 1 000 gardes-côtes, affectés à la protection des ports de Brest et de Lorient, au-delà du règlement général de 1716. De même, à plusieurs reprises, le roi exige de la province qu’elle prenne en charge les frais des camps d’entraînement des miliciens pour des sommes cumulées dépassant les 300 000 livres16 ! Si la province doit à plusieurs reprises céder devant la pression de la monarchie, ce n’est pas sans attiser l’hostilité politique des instances bretonnes.
16Plus emblématique encore de cette question est la réforme du règlement général des milices gardes-côtes imposée par le duc d’Aiguillon en 1756. En diminuant les effectifs et en rationnalisant l’organisation, le duc d’Aiguillon réduit certes les coûts de fonctionnement à 61 500 livres pour la Bretagne, soit environ 3 000 livres par capitainerie prélevées dans les paroisses littorales à hauteur de 6 livres 6 sous à 6 livres 10 sous par milicien mobilisé17 ; tout en laissant les États de Bretagne s’arroger le droit de prélever cette charge, étant entendu que l’intendant l’utiliserait comme bon lui semblerait pour le financement de la milice. Mais le système mis en place n’interdit pas à Versailles d’exiger 200 000 livres de charges extraordinaires à la province en 1757, payées une fois encore dans l’hostilité générale. Au-delà de l’aspect financier, la réforme du duc d’Aiguillon implique fortement les populations locales dans un dispositif ambivalent d’autocontrôle. Si le pouvoir des instances paroissiales est nettement affirmé pour l’organisation du recrutement, toutes les omissions ou erreurs de procédure sont sanctionnées par une amende de 30 livres, particulièrement lourde en milieu rural, payable par chaque paroissien participant à la commission de recrutement18. Le jeu de pouvoir apparaît ici subtilement en auto-responsabilisant le pouvoir local afin de mieux lui faire appliquer les mesures décidées par l’État qui se donne les moyens du contrôle via son réseau de subdélégués. Au total, la monarchie continue à faire porter aux sociétés littorales la charge humaine et financière de leur propre défense contre les guerres maritimes !
17Au plan politique, la résistance des États de Bretagne doit être soulignée. Dès 1757, le combat contre la réforme de d’Aiguillon se formalise par des correspondances et des mémoires entre les instances provinciales et l’intendance. Au modèle de « soldats-citoyens » mis en avant par l’État pour justifier une troupe mieux entraînée et mobilisable dans toute la province désignée sous l’appellation de « patrie », les députés bretons défendent le lourd et certes peu efficace système de proximité immédiate de 1716. Si la principale cause d’hostilité reste d’abord l’absolutisme fiscal, nous devons aussi prendre en considération l’intrusion toujours plus forte de l’État dans la vie des Bretons dont l’enrôlement dans une milice plus militarisée, sous le contrôle direct de l’intendant, est une forme d’expression19. Oubliant vite les louanges qu’ils adressèrent au duc aux lendemains de la bataille de Saint-Cast, les députés bretons chargent alors le commandant en chef de la Bretagne, jusqu’à sa démission en août 1768. Mais l’hostilité politique à la réforme de la milice, et plus encore aux actions passées de d’Aiguillon, se poursuit bien au-delà. En 1770, de nouveaux mémoires fustigent l’ordonnance de 1756. Emblématique de l’intervention de l’État dans l’intimité de la cellule paroissiale et des populations, ayant des conséquences socio-économiques plus ou moins profondes sur les territoires ruraux des littoraux, la réforme du règlement général de la garde-côte peut servir politiquement à une partie de l’élite bretonne20 pour élargir la base de son hostilité à la politique conduite par d’Aiguillon en Bretagne, puis au gouvernement. La lutte se poursuit à l’avènement de Louis XVI, les États de Bretagne refusant de voter les crédits pour la garde-côte en 1774, par une alliance des députés de la noblesse avec ceux du Tiers qui s’unissent conjoncturellement autour de la question des exemptions accordées21. Même si la province finit par se soumettre, le jeu d’alliance politique contre l’État monarchique mérite ici d’être relevé.
18Paradoxalement, malgré le sous-encadrement et les hostilités politiques de la province, les formes de réactions populaires semblent plus diffuses. Elles sont, de toute façon, plus difficiles à saisir dans les sources. Dans les paroisses, les assemblées pour le recrutement des miliciens par tirage au sort sont bien souvent tendues. Par exemple, à Landerneau, le subdélégué de l’intendant signale qu’il a dû avoir recours à une brigade de la maréchaussée pour encadrer l’opération en 1726. La misère rurale, les difficultés à tenir l’exploitation agricole ou à assurer la campagne de pêche en période de guerre exacerbent ces problèmes. Pendant la guerre de Succession d’Autriche, les corvées imposées par la Province pour la réparation des routes soulèvent de nombreuses plaintes, puis des refus de la part des populations littorales déjà mobilisées à la réfection des ouvrages défensifs et à la milice. Quelques années plus tard, le duc d’Aiguillon confirme les difficultés à ce sujet, et par sa réforme fait exempter des corvées de réfection des routes les miliciens servant pour leur période quinquennale22.
19Les réactions ne sont, bien entendu, pas homogènes. À Belle-Ile-en-mer, où les populations sont totalement immergées dans le fait militaire et au contact de 2 000 à 3 000 hommes de troupe en période de conflit, elles n’ont guère la possibilité de résister, ni moins encore de se soustraire aux corvées. Plus généralement, les cas d’absence au cours des revues sont signalés à maintes reprises par les sources mais restent relativement secondaires rapportés à la grande masse des miliciens. Il faut dire que le dispositif répressif mis en place peut aller de dix sols d’amende à la prison en passant par les galères en cas de désertion23 ! Ainsi, les résistances à l’incorporation dans la garde-côte semblent-elles rester faibles24. En fait, comparé aux milices de terre qui conduisent des hommes à servir très loin de leurs villages avec des risques bien plus élevés, ou aux marins enrôlés sur les vaisseaux du roi pour le combat naval, le sort des garde-côtes peut presque paraître enviable. D’ailleurs, les cas de fraudes à l’enrôlement amenant des journaliers à venir résider dans les paroisses littorales pour échapper aux revues de leurs paroisses d’origine, sont bien connus sous le règne de Louis XV.
Guerres, mobilisation et rapports à la politique des populations
20Reste à savoir en quoi le rapport à la guerre et l’enrôlement des populations littorales pour porter les armes a pu participer de leur politisation et sous quelle forme. L’appréciation demeure, bien entendu, difficile et délicate. Tout au plus l’étude des sources locales nous permet-elle d’envisager au moins deux grandes pistes de réflexion.
21Nous pouvons ainsi nous demander en quoi la lutte contre l’ennemi venu de la mer, principalement britannique, a pu être facteur de constitution d’un sentiment d’appartenance à un groupe dont le territoire proche est menacé. Étant donné que les miliciens gardes-côtes sont d’abord et avant tout les paysans qui cultivent les sols susceptibles d’être envahis, cette entrée doit à l’évidence être prise en considération, probablement plus d’ailleurs que le sentiment patriotique que l’État souhaite développer et entretenir pour justifier son dispositif de contrôle des littoraux. En la matière, les six drapeaux et les félicitations adressés par le ministre de la Marine à la milice belliloise « en considération de son zèle et de son exactitude au service25 » ne semblent à l’évidence pas en mesure de compenser les quelque 100 000 journées de corvées défensives et de gardes effectuées par les Îliens pendant la guerre de Succession d’Autriche26 ! Pourtant, malgré les misères des années 1750, les miliciens bellilois s’illustrent encore pendant la guerre de Sept-Ans, plusieurs officiers et canonniers étant distingués à la fin des hostilités. En revanche, l’occupation militaire anglaise, avec son lot de destructions, de prélèvements du cheptel et de corvées sous commandement étranger peut sembler plus propice à forger un sentiment patriotique. Dans le nord de la Bretagne, si la contribution des miliciens gardes-côtes à la bataille de Saint-Cast n’apparaît en rien déterminante pour la victoire, comme la reconstruction a posteriori des opérations a pu le laisser entendre27, le plus important n’est-il pas au fond ce mythe créé après les événements, propre à fédérer un sentiment patriotique d’appartenance au territoire, à la province et/ou à la nation ? Louis XV ne s’y trompe manifestement pas lorsqu’il exprime dès décembre 1758 auprès des États de Bretagne des éloges pour ses sujets bretons en mettant en avant un « sentiment national de défense de la patrie28 ». Cette instrumentalisation politique ne permet-elle pas ainsi à l’État d’essayer de conforter son modèle de mobilisation des milices gardes-côtes, contesté peu de temps auparavant par ces mêmes États de Bretagne, et plus globalement l’importante contribution humaine et financière de la Province à la défense de son territoire ? Par ailleurs, la création, à partir de la guerre de Succession d’Autriche, des grands camps de milices gardes-côtes afin de formaliser une instruction militaire plus efficace, contribue probablement à renforcer le sentiment de défense du territoire, via des périodes de deux à trois semaines d’entraînement en brassant les effectifs venus de toutes les capitaineries bretonnes et en les soldant. La réforme du duc d’Aiguillon impose ainsi le maintien de l’entraînement et de la mobilisation au-delà des périodes de conflits, faisant franchir un palier supplémentaire dans la mobilisation et la conscription des sociétés littorales contre les événements militaires. Ce brassage renforce la notion de conscription contre l’ennemi et a pu susciter des sentiments d’appartenance à un groupe fondé sur d’autres critères que les liens sociaux-économiques des paroisses rurales.
22Pour autant, la charge représentée par les corvées défensives et la participation à la milice ont pesé si lourdement sur une partie de la population littorale que cette notion de mobilisation susceptible d’être structurante d’un sentiment civique fédérateur doit être relativisée. Ainsi, il existe de réelles disparités entre la grosse masse des miliciens des compagnies de paroisses ou de guet et la minorité des miliciens des compagnies franches plus exposées en cas de débarquement et entrainées à faire le coup de feu. À partir de 1756 et au-delà de la guerre de Sept-Ans, la réforme du duc d’Aiguillon, si elle aplanit en partie ce problème, conduit les miliciens recrutés pour une période de cinq ans à douze périodes d’entraînement de deux à trois jours, sans compter les jours de marche pour rallier les camps où se déroulent les revues, soit environ six à sept semaines par an de service en temps de paix, et potentiellement plus en temps de guerre en fonction de la conjoncture. Mais cette pression n’en est pas moins susceptible de participer à une certaine politisation des sociétés littorales. À commencer par des revendications à l’encontre des exemptions diverses à l’enrôlement dans la milice. Par ailleurs, il a pu résulter des contacts plus ou moins propices à l’échange et à la circulation des idées dans le cadre des rassemblements de miliciens gardes-côtes. Plus encore, le poids des corvées défensives, les dommages infligés au matériel agricole à l’occasion des charrois, l’occupation de certains champs pour le campement des troupes, ont plus ou moins impacté les systèmes économiques des zones côtières rurales, entraînant des réclamations aux lendemains des conflits. En août 1747, Le Bescond de Kermarquer, receveur du domaine de Belle-Ile, doit mettre en garde la Commission des Domaines contre les dangers économiques de la multiplication des corvées « détournant beaucoup de la culture de la terre [...], qui ne produit plus rien faute de cultivateurs29 ». En 1752, un rapport expédié à Versailles dresse un tableau catastrophique de l’agriculture insulaire, avec un taux de friches atteignant 35 % des terres labourables30 ! L’exemple bellilois, certes très poussé, semble trouver des échos ailleurs en Bretagne. À cet égard, les plaintes et autres demandes de dommages participent également de la politisation des sociétés littorales.
Marine et politique sur le littoral : la construction d’un espace politique au XIXe siècle
23Au XIXe siècle, si le jeu politique dans les communes littorales est dominé par le rapport à l’État, c’est notamment en raison de la domination de la Marine nationale sur les espaces côtiers. Elle est à la fois un ministère de la guerre maritime mais aussi un entrepreneur industriel de la construction navale militaire. Elle est ensuite une administration qui encadre tous les usages du domaine maritime et par conséquent tous les usagers qui ont un rapport à la mer, quelle qu’en soit la nature. C’est enfin une institution qui encadre et contrôle les gens de mer et, pendant longtemps, les professions ouvrières des arsenaux à travers l’inscription maritime. Le dossier complexe du domaine maritime, du fait des mutations des usages qui se traduisent par une privatisation du littoral au profit des conchyliculteurs, ou des promoteurs de la balnéarisation, en est un premier exemple. Ces dossiers révèlent une offensive contre l’État, pour critiquer ses choix en matière de politique maritime militaire, pour stigmatiser ses choix en matière de politique d’aménagement portuaire marchand, pour dénoncer le gouffre financier et l’inadaptation de l’inscription maritime. Nous avons choisi de privilégier ce rapport à l’État/Marine à l’échelon local en nous focalisant sur les enjeux et les pratiques politiques autour de deux champs, d’une part les crispations politiques autour des usages et des aménagements dans les communes littorales bretonnes, d’autre part la structuration de la vie politique dans les ports arsenaux de Brest et Lorient.
24La législation sur le domaine public et le droit d’endigage de 1807 conduisent à distinguer le domaine public maritime, dont le plus loin est la limite des hautes marées d’équinoxe de mars, des terres exondées par les travaux d’endigage. Le premier est inaliénable selon le texte de 1852, qui traduit une véritable reprise en main par l’État du littoral, consolidant ce dogme. Les secondes, qui appartiennent au domaine privé de l’État, sont susceptibles d’être concédées. En 1872, le grand changement intervient avec l’appropriation privative du domaine public maritime. La loi sur l’endigage est détournée. Les concessionnaires ne se contentent pas des zones d’alluvionnement exondées mais forcent sur des espaces encore largement inondés. L’endigage, conçu pour développer la poldérisation à but agricole, sert au développement de marais à poissons. C’est que la loi de 1872, en créant une redevance pour les concessions précaires sur le domaine maritime mais en exemptant les inscrits maritimes, pousse à détourner la loi de 1807 pour développer les activités ostréicoles et aquacoles sur le domaine privé qui échappe aux redevances31.
25Ce sont d’abord les crispations lors des enquêtes d’utilité publique dans les communes littorales autour des concessions du domaine maritime qui remettent en cause les pratiques collectives ancestrales sur l’estran. Le décret du 10 novembre 1862 du ministre de la Marine introduit la procédure de l’enquête dans l’examen des demandes de concession du domaine maritime, rompant avec une pratique dominée par l’administration qui ignorait complètement les maires et les conseils généraux dans les dossiers d’endigages, de concessions de pêcheries et de parcs conchylicoles. Cette réhabilitation à côté des acteurs institutionnels (conseils généraux et chambres de commerce) des acteurs locaux, à savoir les municipalités et en particulier le Maire et les usagers du littoral, était une nécessité devant les difficultés rencontrées par l’État dans ces dossiers. Les riverains, dans leur ensemble, défendent leurs pratiques qui ne distinguent pas nécessairement les limites entre terre et estran. Le modèle du pêcheur-paysan est encore très largement présent, les professions libérales y voyant l’occasion d’investir, les détenteurs de capitaux exogènes flairant la possibilité de spéculer sur les besoins agricoles et sur les perspectives nouvelles qu’offrent l’aquaculture et le développement balnéaire32.
26Ce dossier révèle aussi un volet du débat sur les inscrits maritimes. En effet, l’État et la Marine ont voulu – au nom de la défense du vivier de l’inscription maritime – préserver sur les parcs les intérêts des inscrits. Mais ceux-ci s’avèrent souvent incapables de développer les parcs ostréicoles et sont stigmatisés comme des obstacles au progrès par les « forces innovantes et entrepreneuriales » (Chambres de commerce, milieux économiques), avec l’appui des conseils généraux, des ingénieurs des Ponts et chaussées et des scientifiques. « Les forces innovantes » veulent confier, sous forme de grandes concessions, ces communaux de la mer à des industriels quand les parquiers inscrits sont traités de parasites. Dans une lettre adressée à Napoléon III, l’ingénieur chargé de la surveillance des pêches à Brest n’hésite pas à parler « du spectre de l’inscription maritime » au même titre que les spectres du remboursement de la rente, du suffrage universel, de la liberté du commerce qui n’effrayèrent guère l’Empereur. Cette offensive aboutit en 1896 à radier les parquiers de l’inscription maritime qui perdent alors leurs privilèges. Elle montre comment les endigages pour les activités aquacoles sont tolérés à partir de 1869, que la transmission des parcs devient une réalité de fait avant qu’en 1915 la pérennité de la propriété ne commence à l’emporter sur la précarité, mettant fin au dogme absolu de l’inaliénabilité33.
27Parallèlement, la plage est au cœur des conflits entre l’État propriétaire du domaine maritime et les communes qui considèrent qu’elle fait partie du territoire de la commune34. En 1852, la commune de Pornic est ainsi traînée devant le conseil d’État pour avoir loué la plage de la Sablière. L’État vend ou loue le domaine maritime pour l’installation de cabines et des établissements de bains. Les contentieux éclatent avec les communes quand l’État concède à des personnes privées l’usage de la plage. Au Pouliguen, la concession de la plage de Naux à Lafond et Clémenceau, de Nantes, inquiète les populations locales. Les communes revendiquent la location des plages. Le conseil municipal de Quiberon demande, en 1909, à devenir concessionnaire de la plage pour assurer la police et la sécurité. Globalement les communes réclament d’être les seules concessionnaires des plages. Quand l’État concède, il ne cesse de faire monter les prix des baux. En 1929, le conseil municipal de Saint-Gilles-Croix-de-Vie soutient des députés qui ont déposé un projet de loi accordant aux communes le produit total des revenus des plages en compensation des dépenses d’entretien qu’elles doivent faire pour suppléer aux carences des Ponts et chaussées.
28Les crispations apparaissent également dans les communes portuaires. Elles sont fréquentes quand l’État refuse de prendre en considération les demandes des acteurs pour financer les équipements nécessaires afin d’accompagner le développement des activités maritimes. En effet, tout avant-projet né d’une demande des usagers, des chambres de commerce et des élus locaux, doit être soumis à une enquête nautique pluripartite. Par exemple, la commission nautique locale du projet de port au Bono (Morbihan) est composée du maire de la commune, d’un constructeur naval, de trois marins, du syndic des gens de mer, et du maître de port d’Auray. Cette enquête est associée à une instruction effectuée par la conférence mixte des travaux publics qui réunit l’ingénieur, des représentants du Génie militaire, des Travaux hydrauliques et du Service des ports du ministère des Travaux publics. L’ingénieur est surtout au cœur de l’articulation entre l’intérêt général, qu’il est censé représenter en tant qu’ingénieur d’un corps d’État, et les intérêts locaux incarnés par les élus, les chambres de commerce, les organismes économiques et professionnels. Or, pendant longtemps, l’ingénieur des Ponts et Chaussée, l’homme des travaux maritimes civils et militaires, joue le jeu des élites locales dont il est issu. Il faut attendre la fin du siècle pour qu’il incarne davantage une vision globale, même si parler de politique d’aménagement du territoire serait abusif35.
29Dans les petits ports, le regard est particulièrement critique face à ces ingénieurs qui élaborent le projet, le chiffrent, et finalement conseillent l’État sur la décision à prendre. Or dans les petits ports de pêche et de cabotage, les nombreuses initiatives des acteurs locaux, qui mériteraient d’être prises en compte par le budget de l’État, ne passent pas l’étape du projet au grand dam des usagers et des élus ! Bien souvent, l’instruction du dossier est tellement longue qu’il n’est plus en phase avec les besoins lorsqu’elle s’achève. Combien de bassins à flot ne sont pas construits, comme à Lannion, car le projet est en voie d’être validé alors que l’activité du port ne le justifie plus ! Combien de ports de pêche sardiniers, thoniers ont finalement vu l’achèvement de leurs équipements alors que l’activité était déclinante ! Ainsi, dans l’exemple du Bono, la commission nautique s’est réunie en 1878, alors que l’activité de la pêche connaissait une croissance forte depuis les années 1855-1865. Or, les premières réalisations, déjà dépassées, remontent à 1883 et il faut attendre 1916 pour que le port soit achevé alors qu’il est trop tard. Pour financer les travaux, il a en outre fallu des contributions complémentaires de la part des usagers, de la commune et du Conseil général36. De même, Groix est devenu le premier port thonier français entre les années 1870 et la première guerre mondiale. En 1911, il devient même le premier port d’armement de la côte atlantique avec 491 unités dont 269 dundees pour la pêche au thon. Or les infrastructures portuaires ne sont pas du tout à la hauteur. La création de Port-Tudy, entre 1880 et 1914, n’est pas capable d’offrir une surface de mouillage suffisante pour accueillir une flotte sans cesse croissante d’une part ; d’autre part la digue noroît de l’avant-port est trop courte pour sécuriser l’accès du violent ressac comme le montrent les naufrages à proximité du port. Il faut attendre 1935 pour que la digue soit rallongée de 115 mètres. Mais c’est bien tard, le port de Groix connaissant déjà le reflux avec un recul de 78 unités37.
30On peut donc concevoir les frustrations, les récriminations, les pétitions contre cette administration qui enterre les dossiers. Dans ces conditions de nombreux ports de cabotage, de pêche, mais encore plus ces équipements qui répondent à tous les usages du littoral, y compris celui d’une meilleure circulation le long d’une côte ennoyée, n’existent que par les usagers. Sur l’estran, cales, estacades, terre-pleins, appontements des chantiers navals (1870-1914), des ostréiculteurs (1860-1924), des promoteurs du balnéaire et de la plaisance (1860-1920) sont l’œuvre des usagers. On assiste à une privatisation du littoral avec l’accord de l’État, qui invente le concept d’équipement privé à usage public sur le domaine public maritime quand il ne veut pas le financer. C’est un volet de la politique de l’État en matière d’aménagement du littoral qui est toujours passé sous silence38.
31Quelle est l’interaction entre ces conflits locaux et les clivages politiques ? Les débats sur les concessions sont-ils un des éléments « d’une école pratique de la vie publique » pour reprendre une expression de Prévost Paradol en 186839 ? Le jeu politique se nourrit certes de ces tensions et il est classique de vouloir classer politiquement les gens du littoral, conservateurs ou républicains, tout comme on le fit en croyant voir dans la marine cuirassée la marque des conservateurs contre les républicains partisans des torpilleurs. Au niveau communal, la ligne de fracture politique réside dans les questions concrètes posées par les usages et l’appropriation du littoral. Elle est souvent difficile à identifier car le rapport à la mer des riverains est pluriel. Un cultivateur qui recherche les engrais marins n’a pas nécessairement le même point de vue qu’un paysan-pêcheur ou qu’un dragueur d’huîtres. Pour tout riverain du monde agricole et de l’artisanat, l’estran est un complément de ressources de temps immémoriaux. Il s’intègre dans une gestion pluriactive du littoral. Les conflits d’incompatibilité entre ces usages traditionnels et des « baigneurs » qui veulent des plages totalement libérées du séchage des algues, de l’étendage de filets, ou du prélèvement de sable, se multiplient avec le développement des stations balnéaires. Il n’empêche, défendre les intérêts collectifs et limiter les amodiations, protester contre les refus de l’État de prendre en charge certains équipements est-il un acte républicain quand la privatisation classe son promoteur parmi les conservateurs qui pourtant sont assimilés aux forces de progrès économiques et d’innovation ? André Siegfried distinguait les communes républicaines maritimes par le comportement démocratique et égalitaire des marins comme à Mesquer, Le Croisic, Batz, Le Pouliguen ; des communes plus à droite et légitimistes de l’arrière-côte comme Guérande. Le commissaire de l’inscription au Croisic, Henri Gabriel de Puységur, ne met-il pas sa mutation à Nantes en 1877 sur le compte d’une sanction contre ses opinions républicaines40 ! Locmariaquer qui, de réactionnaire, devient avec le temps républicaine, selon André Siegfried, est le meilleur exemple du clivage qui s’est fait dans une commune autour de la question des concessions ostréicoles41.
32Les résultats les plus visibles sont que des communes implosent quand le poids des activités maritimes atteint un niveau suffisant pour que leurs acteurs puissent revendiquer et obtenir une scission. Dans certaines paroisses littorales à dominante rurale, des quartiers halieutiques prennent leur essor à la faveur du développement de l’industrie sardinière. Le gros bourg explose car la croissance démographique est forte et les municipalités doivent apprendre à ordonner le développement ; mais la majorité rurale qui domine la municipalité n’est pas toujours prête à accompagner financièrement les aménagements nécessaires. La fusion entre le quartier des pêcheurs et le port est telle qu’ils s’émancipent de la tutelle de la commune rurale dont ils dépendent. Étel se sépare d’Erdeven et Le Guilvinec de Léchiagat. Dans les communes littorales où les quartiers balnéaires connaissent un fort développement, les conflits débouchent également sur des scissions. Le balnéaire vient appuyer les arguments halieutiques comme à Larmor-Baden dans le golfe du Morbihan. L’argumentation est parfois globale comme à Larmorplage où il est démontré que la dynamique balnéaire concerne l’ensemble de la population. Mais c’est au nom de la seule identité balnéaire que Pornichet s’arrache à Saint-Nazaire et à Escoublac.
33La croissance des activités balnéaires n’empêche pas les professions agricoles et maritimes de garder le contrôle des majorités municipales dans les communes littorales. Cette métamorphose qu’accompagnent les populations locales quand elles ne la prennent pas en mains a-t-elle des conséquences sur la gestion municipale et la vie politique locale ? Jusqu’aux années 1880, la gestion communale reste aux mains soit des agriculteurs, soit des professionnels de la mer. Avant 1940, les activités de service, même si elles sont en plein développement, ne sont pas suffisantes socialement pour influer sur la vie politique municipale. Bénodet, Carnac et Notre-Dame-des-Monts vont rester sous tutelle du monde agricole jusqu’à la guerre. Il est toujours difficile pour un non originaire, notamment dans les îles et les presqu’îles, d’arriver au poste de maire. Les conseils sont plus soudés dans la défense des activités maritimes quand elles sont menacées que pour proposer une politique balnéaire à long terme. Les populations locales n’ont pas décidé de porter à la mairie ceux qui incarnent le mieux l’activité balnéaire, même si celle-ci occupe de plus en plus de place dans les campagnes électorales entre les deux guerres. Il y a donc un décalage entre le nouveau profil de ces communes littorales et la composition des conseils qui reflète encore largement l’ancienne identité42. Le balnéaire est au cœur des tensions qui se développent dans ces communes. Les citoyens ne manquent pas de stigmatiser les élus qui profiteraient de leur position.
34Enfin, les conflits sont l’occasion d’observer les méthodes d’action politique. Les riverains ne participent guère aux enquêtes en se rendant auprès de l’enquêteur. Les citoyens favorables font la démarche. Les opposants préfèrent la pétition qui permet de structurer un groupe d’opposition comme les auteurs d’une pétition au Sénat en 1864 à Locmariaquer « au nom de propriétaires, domaniers, cultivateurs, marins et pêcheurs qui disent représenter une population moitié agricole, moitié maritime ». L’outil paraît adapté au point que le maire organise une contre pétition. Mais le choix de l’action violente est fréquent. Les vols dans les concessions, ou les agressions contre les gardes pour dissuader les gros concessionnaires, arrivent à décourager Coquebert de Neville, propriétaire à Saumur en 1883. Le dérapage violent, avec plusieurs centaines de manifestants, peut se produire comme à Quiberon en 1881 ou à Étel en 1882, en plein choc sardinier, pour s’opposer à une remise en cause de l’usage collectif de l’estran. Le comble pour les gens de mer d’Étel était de voir un conserveur demander une concession43 !
Marine et politique dans les villes ports : l’État entrepreneur militaro-industriel
35À quelle échelle observer le débat et le jeu politique ? On peut les observer au sommet de l’État, au parlement, dans les commissions de l’Assemblée et du Sénat, où ce travail de recherche est amorcé. Par exemple, au niveau national, le débat de la « Jeune école », qui n’est pas seulement un débat de techniciens et de tacticiens, oppose sous la Troisième République les tenants des cuirassés à ceux d’une marine légère et agressive de torpilleurs et de croiseurs. Martin Motte44 considère que la querelle du cuirassé et du torpilleur fut dans la Marine l’équivalent de l’affaire Dreyfus, d’autant que le débat provoqué par les tenants de la « Jeune école » va largement déborder le cadre des seuls cercles de la Marine.
36Quelle place pour la flotte française ? Après avoir fait jeu égal avec la Royal Navy, elle doit se contenter d’observer la compétition entre la flotte anglaise et la Kriegsmarine avant 1914, avant de redevenir elle-même une des trois premières flottes mondiales avant 1939. Mais dans tous les cas la Marine n’a jamais constitué une arme décisive dans les trois guerres qui se sont succédé depuis 1870. Avec quels marins ? L’inscription maritime45 est accusée d’être devenue un organisme de l’État providence, incapable de répondre aux besoins d’une Marine de haute technologie car elle ne fournit que des marins issus de la petite pêche. Ce débat oppose les partisans et adversaires de cette institution mise en place sous Colbert.
37Depuis le XVIIe siècle, la France respecte un dogme, du moins en apparence : la flotte de guerre de l’État doit être construite dans les arsenaux d’État. Or, ces derniers sont accusés d’être non compétitifs par leurs coûts et par leurs délais de livraison quand l’industrie privée met en avant ses performances. Pour réclamer une part des appels d’offre, Rondet-Saint, le président de la Ligue maritime, écrit dans son livre L’avenir de la France est sur la mer paru en 1911 :
« Avec 28 000 ouvriers et employés, presque autant que ce qu’ont les Anglais pour une flotte quadruple, ces ateliers nationaux sont la négation même des méthodes industrielles les plus élémentaires. »
38C’est le procès des entreprises industrielles d’État, dont la productivité est trop faible et les coûts trop élevés, arguments qui étaient déjà développés dans le rapport Lamy de 1878. Or ces attaques ont d’autant plus d’écho que l’État a beaucoup investi. Le coût à la tonne du cuirassé français est supérieur de 30 % au coût anglais et de 20 % au coût allemand. On peut le comprendre quand on constate qu’entre 1872 et 1894 la durée de construction des cuirassés est supérieure à dix ans, soit souvent une durée supérieure à celle de leur service actif. La résultante c’est le plan de charge des arsenaux et donc la politique de l’emploi dans les ports militaires46. Ces villes ports présentent trois caractéristiques :
l’obsession du plan d’équipement et du plan de charge qui conditionnent le niveau de l’emploi. Les élus observent le budget annuel de la Marine, les acteurs locaux se contentent d’observer l’occupation des cales des arsenaux ;
la difficulté d’existence d’un pouvoir économique civil autour des chambres de commerce qui puisse faire contrepoids à la Marine ;
des municipalités plutôt de gauche, avec une gauche souvent pacifiste qui administre des villes de production d’engins de guerre d’une entreprise d’État au service de la Marine d’État.
Le contrat moral entre la Marine et la main-d’œuvre des ports arsenaux
39Cette contrainte contractuelle détermine les difficultés de mise en œuvre d’une politique économique par un État prisonnier d’une certaine conception des relations Marine-colonie ouvrière. Dans ces deux villes neuves, nées pour la construction navale militaire, existe un contrat moral entre l’État et la population ouvrière scellé par la mise en place du système des classes et de l’inscription maritime. Le journal Le Brestois écrivait en 1833 que d’après ce contrat, l’État
« s’est engagé à dépenser annuellement parmi eux une somme proportionnée à l’importance du port. C’est presque à cette condition qu’ils s’y sont établis, qu’ils y ont apporté leur industrie, en sorte que si cette somme normale se trouve diminuée, ils se sentent bientôt à leur malaise et se plaignent instinctivement que le contrat est violé47 ».
40Le directeur des travaux maritimes de Lorient précisait dans un rapport la même année qu’en vertu de ce même contrat
« ces hommes se sont résignés à des salaires très inférieurs à ceux des chantiers particuliers, à rester astreints, jusqu’à cinquante ans à toutes les réquisitions de la Marine48 ».
41Or le rythme des investissements dans le plan de charge comme dans l’infrastructure est directement tributaire des capacités financières de l’État et des fluctuations de sa politique navale. Les villes-ports vivent au rythme des guerres, même si la guerre apporte jusqu’en 1815 son lot de difficultés car les ports militaires bretons sont une cible pour la flotte anglaise. Ensuite, et jusqu’en 1940, les conflits ou la potentialité de confrontation nourrissent les plans d’équipement et de construction des arsenaux qui peuvent déployer leurs activités sans aucune menace étrangère. Les hauts niveaux d’investissements se font par cycles (1661-1696, 1769-1786, 1840-1870, 1890-1914, 1924-1928, 1933-1939), ou à la faveur des conflits sous formes de pics brutaux mais souvent éphémères49.
42La hiérarchie du dispositif maritime militaire introduit des inégalités entre Brest et Lorient. Brest est le port d’attache de la flotte du Ponant, et l’avenir du premier arsenal de l’Atlantique n’a jamais été remis en cause, tout comme celui de Toulon. Lorient est un arsenal mixte Compagnie des Inde-Marine royale sous l’Ancien Régime, car même après sa reprise par l’État en 1770, il doit cohabiter avec les activités marchandes. Il vit de toute façon dans l’orbite de Brest. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il est conservé après 1815, mais sa modernisation, pour être en état de répondre aux besoins de la Marine durant le cycle des innovations de l’ère industrielle, n’a pas mis fin aux interrogations récurrentes sur sa fermeture à intervalles réguliers (1833, 1851, 1871, 1875, 1920-1926). Le projet de ne conserver que trois arsenaux sur chaque façade maritime, Toulon, Brest et Cherbourg, a renforcé les menaces. La lenteur de l’aménagement de l’arsenal de Cherbourg, du fait des grands travaux préliminaires de la digue, a sans aucun doute favorisé le maintien de Lorient. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le projet de privatisation fait long feu mais il faut attendre 1926 pour que Lorient soit confirmé, uniquement comme chantier de construction neuve et base d’essais, alors que Rochefort était définitivement fermé.
43Du fait de l’irrégularité des plans de charge et des menaces qui pèsent spécifiquement sur Lorient, la question de l’emploi est majeure. Aussi l’État n’a-t-il pas les mains libres pour mener sa politique militaire et industrielle. Il doit tenir compte à la fois du contre-pouvoir politique local qui vit le regard fixé sur le budget de l’État, et de la population ouvrière qui n’a pas d’alternatives d’emploi en dehors de l’arsenal. En dernière analyse, toute baisse du plan de charge, tout désengagement sont assimilés à une violation de cet engagement moral de l’État et à une trahison des intérêts nationaux, pour reprendre les termes d’un article de l’Armoricain du 8 août 1833.
L’attitude des élus locaux et nationaux
44Dans ces conditions, toute la vie politique locale se trouve complètement conditionnée par ce rapport à l’État. La Marine militaire est un acteur et un enjeu privilégié de la politique intérieure très peu pris en compte jusqu’ici par l’historiographie. Cet objet politique mérite d’être étudié en tant que tel. En effet, Les élus locaux, maires, députés, sénateurs de tout bord sont d’abord là pour défendre les intérêts de leur port arsenal. Dans la première moitié du XIXe siècle, en période censitaire le député est souvent un officier général, amiral, ou un ingénieur du génie maritime. En 1839, alors que les Brestois supportent mal la priorité donnée à Toulon, l’élection du député varois entraîne ce commentaire éclairant :
« La Ville de Toulon vient de rendre à la Ville de Brest un service dont nous la remercions sincèrement. Au lieu d’élire un officier général de la Marine, comme précédemment, elle a choisi pour député un M. Clappier50. »
45À Lorient, en 1869, à la faveur d’une élection partielle, Dupuy de Lôme, l’enfant du pays, est élu par un raz-de-marée plébiscitaire. Ingénieur du Génie maritime à la pointe de l’innovation, il est surtout directeur du matériel au Ministère de la Marine et inspecteur général du Génie maritime, véritable ministre en second. Le rédacteur de L’Abeille de Lorient concluait son article ainsi :
« Nous faisons des vœux pour que la situation du budget de la Marine permette d’allouer successivement chaque année des fonds pour entreprendre des travaux d’un intérêt si considérable pour notre port51. »
46D’une certaine manière, s’impose l’idée – avec l’avènement de la République et du suffrage universel – de la nécessité d’avoir des élus locaux qui s’investissent dans les dossiers de la Marine et plus généralement de la défense, que ce soit le maire, souvent député ou les parlementaires. Lorsque dans les années 1920, l’avenir de l’arsenal de Lorient, est plus qu’en pointillé, on mesure alors le degré de leur implication dans les débats. De début avril 1920 à décembre 1926, on comptabilise pas moins de dix-huit contacts certains avec le Ministère dont s’est fait écho la presse locale, soit une moyenne d’une réunion tous les trois ou quatre mois52. Les parlementaires sont également très actifs lors des débats aux assemblées, que ce soit le député Pierre Bouligand, ou le Sénateur Alfred Brard, par ailleurs vice-président de la Chambre de commerce. Déjà en 1879, Audren Kerdrel, sénateur du Morbihan, lors de la précédente menace sur le port militaire, était intervenu et avait publié le texte de son intervention. Mais Lorient dispose surtout de deux grosses pointures politiques. Louis Nail est maire de 1904 à 1912, conseiller général et président du Conseil général en 1913, député, secrétaire d’État à la Marine Marchande, Garde des sceaux, vice-président du Conseil en 1915-1917. Alphonse Rio, après une carrière maritime devient député du Morbihan en 1919 puis sénateur spécialisé sur les dossiers maritimes. De 1921 à 1924, il est député, sous-secrétaire d’État aux ports, à la Marine marchande et aux pêches, c’est-à-dire au moment de la construction du port de Keroman, débutée en 1922. Ensuite, comme sénateur il est membre de la commission de la Marine puis en devient président en 1931 et le reste jusqu’à la guerre. Son action avec les députés lorientais est souvent décisive. Il est également président de la ligue maritime et coloniale, président de l’Association des grands ports français et membre de l’Académie de Marine.
47Mais c’est aussi dans le jeu politique local que la référence à l’État devient un élément clef. La peur du suffrage universel lors de son instauration en 1848-1850 apparaît tant le vote ouvrier déstabilise le jeu politique municipal lorientais. Il est intolérable
« car on ne peut admettre que, par le fait de l’existence d’un arsenal d’État, les propriétaires, les marchands et les artisans se trouvent placés hors de droit commun53. [...] Le mal vient de l’intervention dans les élections municipales d’agglomérations d’ouvriers attachés aux arsenaux d’État, souvent manipulés par les démagogues54 ».
48Cette inquiétude se prolonge lors des scrutins nationaux : ainsi, lors du plébiscite du 28 décembre 1851, le préfet maritime lance un appel aux ouvriers pour qu’ils ne se laissent pas tenter par les discours anarchistes :
« La prospérité de la ville dépend de l’existence du port militaire et de l’arsenal. L’existence du port militaire de l’arsenal dépend surtout de la stabilité du gouvernement et les ouvriers comprendront qu’ils voteraient contre eux en votant contre le gouvernement55. »
49Dans ces villes de l’État avec ses uniformes et ses matricules qui indiquent le positionnement de chacun dans la hiérarchie des emplois civils et militaires, une des composantes politiques particulièrement fortes à Brest est l’antimilitarisme. Yves Le Gallo écrit d’ailleurs qu’il
« y avait quelque paradoxe à vouloir être antimilitariste à Brest. D’une part, parce que la préparation de la guerre était la seule grande industrie de la ville [...] ; d’autre part parce que l’antimilitarisme se définit par l’hostilité à l’égard de l’armée, considérée en tant que corps et institution, et qu’à Brest l’armée, c’était essentiellement la Marine, mer nourricière et puissance tutélaire, en bref la plus bretonne et la plus brestoise des institutions françaises ».
50Il conclut en indiquant que l’antimilitarisme brestois
« se ramène à un sentiment complexe où interviennent la haine du galon, le refus de l’autorité et l’impression que pouvaient avoir certains civils d’appartenir à une humanité subalterne56 ».
51Le rapport ambivalent à la Marine et à l’État apparaît donc comme une des composantes fondamentales de la vie politique des deux villes-arsenal fondamentalement de gauche aux XIXe et XXe siècles avec cette quadrature du cercle politique : comment être à la fois pacifiste et défenseur de l’emploi dans les arsenaux ? La Troisième République s’ouvre à Brest sur la Commune de Brest avec une section de l’Internationale. Brest la rouge fait peur. En 1904, certains s’inquiètent de voir le courant collectiviste, antimilitariste et révolutionnaire investir la mairie au cœur du premier port de guerre du Ponant. Brest va demeurer une ville socialiste avant de glisser vers le radical-socialisme. À Lorient où la puissance du grand corps des officiers généraux est moins affirmée, l’orientation est à gauche mais elle se différencie avant tout comme une ville républicaine et radicale, puis socialiste dans un département qui reste fortement monarchiste.
***
52En définitive, les conflits maritimes apparaissent bien comme l’enjeu de nouveaux rapports entre l’État et les sociétés littorales dès la fin du XVIIe siècle. Cette modification des relations vers des systèmes de pression toujours plus contraignants est à son tour parfois source de conflits et de politisation. L’étude du service de la garde-côte apporte un éclairage intéressant sur l’une des formes de politisation des populations côtières. En désignant localement ses cadres intermédiaires, généralement des petits notables locaux, le système de la milice côtière a pu conduire à renforcer le rôle politique de personnes bien souvent déjà actrices au sein des instances paroissiales. Par ailleurs, il participe assurément d’une expression politique commune le temps de la Révolution venu. En effet, les cahiers de doléances des paroisses littorales révèlent bien l’hostilité des sociétés rurales à l’égard du service militaire et plus particulièrement des corvées défensives auxquelles se soustrait en fait une partie de la population, tels les employés de la domesticité57. La décision de supprimer la milice garde-côte en 1792, après avoir supprimé les milices bourgeoises, traduit d’une certaine façon la méfiance première des révolutionnaires à l’égard des paysans en armes, que les pouvoirs d’Ancien Régime avaient d’ailleurs rigoureusement encadrés dans le cadre de la milice. Confiée d’abord aux garde-nationaux, la défense des littoraux fait l’objet de diverses mesures de réorganisation, le pouvoir politique ayant semble-t-il du mal à trancher entre méfiance et interrogations sur l’efficacité du dispositif.
53Au XIXe siècle, si les menaces directes sur les littoraux se dissipent peu à peu, l’État n’en conserve pas moins un rôle primordial, en devenant notamment le premier employeur des villes-ports arsenaux. Le secrétariat d’État à la Marine, puis le ministère du même nom, est à la fois un ministère de la guerre maritime et l’administration d’un réseau d’entreprises de constructions navales financées par le budget de la nation. L’intendant de Marine, le préfet maritime au XIXe siècle assurent ainsi la double fonction militaire et entrepreneuriale dans les ports arsenaux. Dans ces conditions toute la vie politique locale se trouve complètement conditionnée par ce rapport à l’État. La tutelle plurielle de la Marine sur les territoires, les activités et les hommes du littoral aboutit à construire un espace public ou l’apprentissage politique et le positionnement politique se font par rapport à l’État. Les auteurs de cet article ont ainsi souhaité démontrer comment le bras armé de l’État dans les conflits maritimes s’est approprié le littoral au point de verrouiller l’espace politique. Par suite, toute action politique dans les communes du littoral a consisté, et consiste encore, d’une manière ou d’une autre, à prendre position par rapport à l’État et ses représentants. L’émancipation à l’égard de cette pression prendra probablement encore du temps.
Notes de bas de page
1 Michel Mollat, La vie quotidienne des gens de mer en Atlantique (IXe-XVIe siècles), Paris, Hachette, 1983, p. 34-69.
2 Nicholas Rodger, « Vision générale sur les marines à l’époque moderne », dans Christian Buchet, Jean Meyer et Jean-Pierre Poussou (dir.), La puissance maritime, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2004, p. 61.
3 Martine Acerra, « L’arsenal, pivot de la puissance maritime ? », dans Christian Buchet, Jean Meyer et Jean-Pierre Poussou (dir.), La puissance maritime..., op. cit., p. 436.
4 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 4708.
5 Georges Minois, Nouvelle histoire de la Bretagne, Paris, Fayard, 1992.
6 Christophe Cerino, Sociétés insulaires, guerres maritimes et garnisons. Belle-Ile au siècle de Louis XV, Université de Rennes 2, Thèse de doctorat, 2001.
7 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 4405.
8 Martine Acerra et André Zysberg, L’essor des marines de guerre européennes (1680-1790), Paris, SEDES, 1997, p. 186-187.
9 Morgane Vary, Intégration sociale des populations maritimes sur le littoral breton au XVIIIe siècle, université de Bretagne Sud, Thèse de doctorat sous la direction de Gérard Le Bouëdec, 2007, p. 146-170 et Gérard Le Bouëdec (dir.), L’Amirauté en Bretagne des origines au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 2012.
10 Pierre Martin, Les fermiers du rivage : droits maritimes, seigneurs et fraudeurs en Bretagne sous l’Ancien Régime, université de Bretagne Sud, Thèse de doctorat sous la direction de Gérard Le Bouëdec, 2003.
11 Christophe Cerino, Lorient et la Marine royale (1703-1719), Université de Rennes II, Mémoire de maîtrise, 1991, 170 p.
12 Toutes les citations de cet article relatives à Belle-Ile-en-mer sont extraites de Christophe Cerino, Sociétés insulaires..., op. cit.
13 Arch. dép. du Morbihan, 9 B27.
14 Benoît Gremare, La militarisation de la Bretagne (1661-1789). Étude du processus de militarisation de la province bretonne de 1661 à 1789, Master d’histoire, université de Bretagne Sud, 2007, p. 58.
15 Stéphane Perreon, L’armée en Bretagne au XVIIIe siècle, Rennes, PUR, 2005, p. 57.
16 Benoît Gremare, La militarisation de la Bretagne..., op. cit., p. 26.
17 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 4405.
18 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1144.
19 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 3670.
20 Il est significatif d’observer que dans les mémoires présentés par les États, elle reproche notamment à la réforme de remettre en cause l’ordre social en demandant aux paroisses de lever des fonds pour ensuite gager des officiers d’épée à la tête des capitaineries, renversant de fait la logique des donneurs d’ordre.
21 Benoît Gremare, La militarisation de la Bretagne..., op. cit., p. 52 et 92.
22 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 1145.
23 Alain Boulaire, « Garde-côtes et gardes-côte en Bretagne aux XVIIe-XVIIIe siècles », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, 1992, p. 307-317.
24 Pour les résistances à l’incorporation dans les milices de terre, voir Stéphane Perreon, L’armée en Bretagne..., op. cit., p. 254-274.
25 Bib. mun. de Quimper, Ms. 11.
26 SHD/Marine, Lorient, 1-E4, 1746, fol. 201-209.
27 Lettres patentes adressées aux États de Bretagne citée par Yann Lagadec, Stéphane Perréon et David Hopkin, La bataille de Saint-Cast (11 septembre 1758). Entre histoire et mémoire, Rennes, PUR, 2009, p. 251.
28 Ibid., p. 166-234.
29 Arch. dép. d’Ille-et-Vilaine, C 5126.
30 Arch. nat., Fonds Marine, D2 56.
31 Danielle Closier, La terre et la mer. Les enjeux de la limite. France, Littoral atlantique, XIXe-XXe siècle, Thèse soutenue à l’EHESS sous la direction de Daniel Nordman, 2010, p. 40-108.
32 Ibid., p. 91 et suivantes.
33 Jeanine Le Bihan, Ostréiculture et société ostréicole en Bretagne sud (1850-1986), thèse de doctorat sous la direction de Gérard Le Bouëdec, université de Bretagne Sud, 2007.
34 Voir à ce sujet Johan Vincent, L’intrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, PUR, 2007. C’est la continuité d’une conception perpendiculaire du territoire terre-estran du finage villageois contre une conception latérale et autonome d’un espace qui appartient au domaine maritime. Philippe Jacquin le montre bien dans la guerre des algues aux XVIIIe et XIXe siècles qui oppose les populations des paroisses puis des communes riveraines ; Philippe Jacquin « La guerre des algues. Contestations et affrontements pour le partage de l’estran dans la France de l’ouest (XVIIIe-XIXe siècles) », dans François Chappé et Gérard Le Bouëdec (dir.), Pouvoirs et Littoraux, Rennes, PUR, 2000, p. 617-621.
35 Anne Vauthier-Vezier, L’estuaire et le port, l’identité maritime de Nantes au XIXe siècle, Rennes, PUR, 2007, p. 129-148.
36 Julien Amghar, La construction portuaire et les activités maritimes dans le golfe du Morbihan du XVIIIe au début du XXe siècle, Mémoire de DEA, Université de Bretagne Sud, 2001, p. 224. Cette thématique est reprise dans sa thèse, Les petits ports et les usages du littoral en Bretagne au XIXe siècle, Université de Bretagne Sud, 2006.
37 Gérard Le Bouëdec, Les Bretons sur les mers, Rennes, Ouest-France, 1999, p. 163-164.
38 Julien Amghar, Les petits ports..., op. cit. C’est un des acquis essentiels de cette thèse.
39 Danielle Closier, La terre et la mer..., op. cit., p. 173.
40 Ibid., p. 183.
41 André Siegfried, Tableau de la France politique de la France de l’Ouest sous la IIIe République, Paris, Armand Colin, 1913, p. 156.
42 Johan Vincent, L’intrusion balnéaire..., op. cit., p. 217-223.
43 Danielle Closier, La terre et la mer..., op. cit., p. 143-157.
44 Martin Motte, Une éducation géostratégique, Paris, Économica, 2004.
45 Gérard Le Bouëdec et al., « Les inscrits à la petite pêche et leur rapport au service de la Marine, l’exemple de la Bretagne Sud au XIXe siècle », Revue d’histoire maritime, n° 8, 2008, p. 187-205.
46 Gérard Le Bouëdec « La Marine en débat sous la IIIe République (1870-1914) », dans Alain Cabantous et al., Les Français, la Terre et la Mer, Paris, Fayard, 2005, p. 570-585.
47 Article du Journal Le Brestois du 28 juin 1833 cité par Yves Le Gallo, Brest et sa bourgeoisie sous la Monarchie de Juillet, Étude sur la Marine et l’officier, Paris, PUF, 1968, p. 68.
48 Gérard Le Bouëdec, Le port et l’arsenal de Lorient, de la compagnie des Indes à la Marine cuirassée, une reconversion réussie (XVIIIe-XIXe siècles), Paris, Librairie de l’Inde, 1994, p. 671. Voir le Rapport du directeur des Travaux de Lorient du 25 mai 1833.
49 Gérard Le Bouëdec, « L’État et les ports militaires bretons de Brest et Lorient, de Colbert au XIXe siècle », dans Gilbert Nicolas (dir.), La construction de l’Identité régionale, les exemples de la Saxe et de la Bretagne (XVIIIe-XXe siècles), Rennes, PUR, 2001, p. 47-51.
50 Yves Le Gallo, Brest et sa bourgeoisie..., op. cit., p. 71.
51 Gérard Le Bouëdec, Le port et l’Arsenal..., op. cit., p. 659.
52 Aymeric Laville, L’arsenal de Lorient pendant l’Entre-deux-guerres (1920-1926), université de Bretagne-Sud, Mémoire de Master 1, 2009, p. 66-74 ; L’arsenal de Lorient pendant l’Entre-deuxguerres (1927-1930), Mémoire de Master 2, 2010, p. 75-85.
53 L’Abeille du Morbihan, 5 janvier 1850.
54 L’Abeille du Morbihan, 28 décembre 1851.
55 L’Abeille du Morbihan, 11 et 28 décembre 1851.
56 Marie-Thérèse Cloître (dir.), Histoire de Brest, Brest, CRBC, 2000, p. 181.
57 Abbé Toulemont, « La milice garde-côte », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. LVI, 1929, p. 38-43.
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