Les relations conflictuelles de la monarchie hispanique avec les républiques de Gênes et des Provinces-Unies : structures institutionnelles et bouleversement politique
p. 45-59
Note de l’éditeur
Cet article est élaboré dans le cadre du projet de recherche financé par le MINECO espagnol et soutenu par les fonds européens FEDER sous le nom El papel de las repúblicas europeas en la conformación del Estado Moderno : ¿Alternativa modernizadora o motor del sistema? (HAR2010-19686) duquel j’ai la responsabilité.
Texte intégral
1Le rôle central joué par les républiques marchandes dans les transformations des modèles étatiques européens aux XVIe et XVIIe siècles constitue notre principal objet de recherche depuis quelques années. Le cœur de notre analyse réside dans l’étude des rapports établis entre la principale puissance militaire de l’époque, la Monarchie Hispanique, et les deux républiques les plus dynamiques – Gênes et les Provinces-Unies – avec lesquelles elle entretenait de forts liens de dépendance, notamment financiers, commerciaux et navales.
2En premier lieu, notre propos remet en question une historiographie qui rejette au second plan les structures politiques des républiques urbaines et marchandes au profit d’études centrées sur la Cour et la figure du roi. Un véritable paradigme « curialiste » relègue les républiques à un rôle subsidiaire et ne s’intéresse qu’à leur contribution dans la mise en place de la diplomatie moderne, centrée sur les questions du cérémonial et des disputes de préséance : les relazioni des délégués génois ou vénitiens sont ainsi érigés en un modèle à imiter2.
3Pourtant, jusqu’au début du XVIIIe siècle, les principales monarchies ne dépendaient pas seulement des services financiers, navals et logistiques de ces républiques, mais aussi de la circulation de l’information et des produits obtenus dans des conditions favorables par les réseaux familiaux des élites urbaines. Dans le cas d’une monarchie polycentrique comme la Monarchie Hispanique, les groupes marchands et financiers, génois d’abord, puis hollandais, surent administrer leurs affaires dans différents cadres légaux et jouèrent sur la diversité monétaire. Ces pratiques représentaient un facteur d’intégration essentiel du fait des capacités d’insertion de certains territoires périphériques au sein des réseaux de commerce international. Elles entraînaient tout à la fois des rapports de coopération et d’affrontement qui purent devenir si étroits qu’elles provoquèrent d’importantes transformations dans les structures politiques et sociales des deux républiques et de la Monarchie.
4À l’inverse de l’historiographie « curialiste », un autre courant historiographique – lié aux sciences politiques, et développé autour de l’École de Cambridge et des travaux de Pocock – a survalorisé les éléments d’innovation attribués aux républiques : elles se trouvent alors décrites comme un modèle alternatif, capable d’engendrer une nouvelle généalogie de la modernité, où les principes de tolérance, de pacifisme et de liberté commerciale seraient associés à une conception fédérale et décentralisée du fonctionnement de l’État3. Nous serions en présence d’une exception modernisatrice dans un monde dominé par le mercantilisme, l’intolérance religieuse et les tendances centralisatrices de l’État moderne, dont la Monarchie Catholique serait le contrepoint4. Comme l’avait déjà souligné Yves Durand5, ces républiques partageaient avec les systèmes dynastiques dominants une même structure sociale corporative et patrimoniale, et une forte limitation du pouvoir souverain par les nombreux privilèges, prérogatives et monopoles6. En ce sens, notre propos consiste à souligner l’impact des rapports bilatéraux avec la Monarchie Hispanique dans le processus de politisation qui se déroule au sein des deux républiques du fait de la confrontation des groupes de pouvoir dans la sphère publique (arminiens contre gomaristes, républicains contre orangistes, eminenti proespagnols contre repubblichisti), et du fait des moyens utilisés pour exprimer et défendre leurs intérêts, voire les imposer, grâce au contrôle des institutions.
5On observera aussi les entreprises de Madrid pour favoriser les groupes politiques les plus propices à ses intérêts, et les mesures adoptées pour intervenir, et parfois déstabiliser, la politique intérieure des deux répu-bliques (pensions, subornations, médiations, espionnage, concessions marchandes ou nouveaux privilèges). Cette capacité d’intervention est à nuancer du fait des capacités distinctes des deux républiques à assurer leur propre protection : Gênes dépendait du soutien militaire de Madrid pour maintenir sa liberté quand les Provinces-Unies, elles, avaient été capables de s’imposer par la force des armes à leur ancien souverain et jouissaient désormais d’un haut degré d’autonomie. Cette différence de modèle est bien soulignée par Mazarin dans une lettre adressée à Gianettino Giustiniani, au moment le plus critique des rapports entre Gênes et Madrid, pendant les années 1650 :
« Il faut que ces messieurs se mettent en tête que les Princes et les Républiques accroissent leurs conditions et leurs prérogatives non pas avec les richesses des sujets et en jouissant de la quiétude et du repos, mais avec les armes et par des ligues, en se faisant craindre et en se rendant nécessaires, comme l’ont fait les Vénitiens, les États de Hollande, les Cantons suisses et beaucoup d’autres7. »
La Monarchie hispanique et la liberté de la République de Gênes
6Suivant l’analyse d’Arturo Pacini, l’étroite alliance entre Gênes et la Monarchie Hispanique depuis la condotta8 conclue en 1528 par Andrea Doria et Charles V, qui avait fait pencher la balance du côté espagnol pendant les guerres d’Italie, s’était constituée simultanément à une reforme constitutionnelle importante dans la République : elle visait à mettre fin aux luttes de factions qui avaient été le prétexte aux interventions étrangères9. Depuis, la liberté de Gênes était assurée par la Monarchie qui, en contrepartie, retirait les bénéfices que pouvait lui offrir la République restée autonome : cela se traduisait par une stabilisation de la société urbaine semblable à celle qui avait lieu dans le reste de l’Europe10. La fermeture oligarchique supposait une reconfiguration de l’ordre nobilaire, avec une inscription obligatoire dans un des 28 alberghi (agrégations lignagères) aristocratiques qui disposaient du monopole d’accès aux charges publiques. Malgré quelques réformes partielles, réglées par l’intervention indirecte de Madrid, cette constitution aristocratique se maintint jusqu’à la fin de l’Ancien Régime11. Le monopole d’accès aux charges concernait un effectif de plus en plus limité – 1 400 aristocrates en 1590 à à peine 500 au lendemain de la peste de 165712 –, mais il n’empêchait en rien qu’un certain nombre de ces magnifici n’offrent leurs services maritimes et financiers au Roi Catholique, et finissent par s’insérer dans les rangs de la haute aristocratie castillane, napolitaine, sicilienne, milanaise ou flamande grâce à un accès privilégié au patronage royal13. De cette façon, ces patriciens trouvaient un débouché politique et social à leur appui financier et militaire, comme en témoignent les cas des Spinola, Balbi, Serra, ou Grillo. Ces élites agissaient aussi comme un élément essentiel de cohésion dans les territoires dispersés de la Monarchie Hispanique14. Face aux autres communautés d’hommes d’affaires établies dans les domaines du roi d’Espagne, les Génois possédaient un avantage supplémentaire : leur « pureté de sang catholique ». L’obtention de titres, de fiefs, et autres honneurs (ordres militaires, postes de conseillers, majorats...) par un secteur de l’aristocratie, connu sous le terme d’eminenti, provoqua une différenciation au sein de la noblesse génoise qui allait à l’encontre de l’unité théorique établie en 1528. Cette situation déboucha sur une campagne politique contre les effets indésirables d’une possible double fidélité – à la République et au Roi Catholique. Même si ceux qui servaient militairement – le duc de Tursi, un Doria, le marquis de los Balbases, un Spinola... – étaient exclus des charges publiques génoises car Grands d’Espagne, ils exerçaient néanmoins une grande influence sur la politique intérieure de la République par le biais de leurs réseaux familiaux et clientélaires15. Cette influence suscita une opposition grandissante qui propagea libelles, gravures et dénonciations selon lesquels les asientos (prêts d’argent et services de galères) avec l’Espagne seraient à l’origine de l’appauvrissement de la République et de la disparition d’emplois dans la société. D’après une opinion qui gagnait du terrain au sein de l’élite dirigeante, les trop nombreuses relations avec le Roi Catholique conduisaient à une dépendance de la République. Campanella qui assignait aux Génois une fonction structurante au sein de la Monarchie espanole écrivait :
« J’ose dire que le Roi domine plus à Gênes qu’à Milan, parce qu’à Gênes, on ne peut rien faire ni décider sans son accord : ils craignent sans cesse de perdre les domaines qu’ils possèdent dans les territoires du Roi Catholique16. »
7À partir de 1580, on assiste à la formation d’un groupe qualifié de repubblichisti ou « navalistes » au sein de l’élite dirigeante : ses membres exigeaient une révision des liens avec la Monarchie Catholique et prônaient un programme de réarmement et un renforcement des organes administratifs de gouvernement afin de rompre les relations qui unissaient le destin de la République aux intérêts de quelques particuliers et de la couronne espagnole. Entre 1637 et 1657, simultanément à l’affrontement militaire entre Madrid et Paris, ce groupe contrôla les principales magistratures de la République, obtenant le soutien d’importants intellectuels comme Anton Giulio Brignole Sale ou Bernardo Veneroso. Ils demandaient l’application de mesures visant à restaurer la grandeur passée et la souveraineté pleine et entière de la République17. La disparition des luttes de faction, si caractéristiques de la puissance de la thalassocratie médiévale génoise avant le XVIe siècle, supposait une soumission complète aux vœux de l’Espagne, une perte totale d’autonomie et un abandon des principes civiques de défense de la République18. Ces choix avaient deux contreparties : une protection par la Monarchie Hispanique et des possibilités nouvelles de promotion sociale pour l’élite restreinte qui se plaçait au service du Roi. Cette élite était chaque fois plus éloignée des principes de sobriété et de frugalité propres aux vertus républicaines, comme celles de la Hollande, prise alors pour modèle19. Le seul moyen de retrouver une position internationale aurait été d’entreprendre ce programme d’armement naval et d’abandonner les marchés espagnols pour mieux s’ouvrir au monde du Levant ottoman et aux domaines d’Outremer, par le biais de la création de compagnies de commerce pour le Brésil et pour l’Asie, en suivant le modèle des compagnies de commerce de la VOC et de la WIC.
8Cette nouvelle politique de neutralité active se traduisit donc par le désir de limiter la dépendance envers l’Espagne, par l’établissement de contacts diplomatiques officiels avec la France, l’Angleterre et l’Empire et par l’institution de nouveaux repères d’ordre symbolique, comme le couronnement en 1637 de la Vierge Marie, reine de la République, grâce au contrôle que la Banque de San Giorgio exerçait sur la Corse20. Cette aspiration à atteindre une reconnaissance internationale de premier rang s’effectua en même temps que l’adoption de mesures répressives contre les lignages hispanophiles qui disposaient d’intérêts dans les possessions du Roi Catholique, accusés de mener un train de vie incompatible avec l’austérité propre à l’idéal républicain. Le duc de Tursi finit par perdre les privilèges dont il avait bénéficié pour son escadre de galères placée au service de Philippe IV, et amarrée dans le port de Gênes : on lui retira la logietta dans laquelle il entreposait les munitions et le ravitaillement des navires21. On interdit à ces familles d’eminenti d’entretenir des contacts avec l’ambassadeur espagnol sans permission spéciale de la République. Impuissant, l’ambassadeur assista à la mise en place de mesures telles que la suppression de la tarima22 qui lui avait permis d’occuper une position équivalente à celle du doge lors des cérémonies officielles23.
9En relation avec les thèses « navalistes », Gênes entreprit une politique de travaux publics – construction d’une nouvelle enceinte, élaboration d’un nouveau système d’adduction d’eau pour la ville, dragage du port... – destinée à renforcer l’indépendance de la République, mesures auxquelles s’ajoutèrent la création de compagnies commerciales et le démarrage d’un coûteux programme de construction navale en marge des escadres privées de galères. Ces choix aggravèrent l’endettement de Gênes et accentuèrent la terrible pression fiscale sur les secteurs populaires. Or, l’échec de ces mesures exarcerba l’instabilité politique au sein de la République. Dans une lettre au roi d’Espagne datée de 1649, l’ambassadeur Ronquillo notait : « L’hostilité et la haine entre factions s’accroissent chaque jour, ce serait un miracle si cela n’entraînait pas une désorganisation24. » La détérioration des relations avec Madrid, sans cesse précisée par le représentant espagnol, menaçait à tout moment la stabilité intérieure de la République : elle permettait l’apparition d’une série de conjurations intestines, comme la mobba dei gentiluomini de 1646, la conspiration de Gian Paolo Balbi de 1648, ou le complot anti-espagnol de Stefano Raggio et Ottaviano Sauli en 1650 qui bénéficia de l’appui de la France25.
10Bien au-delà des arguments simplistes des repubblichisti, les liens qui unissaient Madrid et Gênes dépassaient les seuls intérêts particuliers des partisans (les asentistas). L’imbrication économique a pu avoir des conséquences dramatiques sur divers secteurs de la République, commerciaux et manufacturiers, car logiquement l’économie génoise réagissait négativement aux crises qui avaient lieu dans les possessions espagnoles. Les révoltes de Naples et de Sicile en 1647 et 1648 obligèrent le gouvernement de la République à soutenir la monarchie pour protéger les intérêts des hommes d’affaires dans divers secteurs, comme la laine, la soie ou le ravitaillement en céréales. Il envoya en Sicile 11 galères récemment armées pour appuyer l’Espagne, alors même que ces galères auraient dû être le symbole d’une autonomie nouvelle de la République face aux asentistas et aux particuliers qui servaient le Roi Catholique26.
11L’échec d’autres dispositions alternatives face à la dépendance espagnole découragea les repubblichisti. Les projets d’expansion outre-mer se heurtèrent au monopole des Provinces-Unies en Asie27. Si la « république sœur » était admirée, non seulement elle refusa d’accorder à Gênes un statut protocolaire particulier, mais elle adopta une position implacable pour interdire toute pénétration commerciale dans les Indes Orientales28. Des navires fort coûteux avaient été achetés à Amsterdam pour débuter les activités de la Compagnia Genovese delle Indie Orientali : ils furent saisis par la VOC près de Batavia. De façon similaire, les bonnes paroles avec lesquelles Cromwell accueillit l’envoyé génois à Londres ne se traduisirent par aucun soutien militaire, ce qui illustrait la faiblesse de l’alternative républicaine29. L’affaiblissement des relations entre Gênes et Madrid atteignit un seuil critique quand se posa à nouveau la délicate question de Finale, enclavé dans les possessions génoises et annexé par l’Espagne depuis la fin du XVIe siècle : le gouverneur espagnol du Milanais voulait relier le marquisat aux territoires de Lombardie30. Ainsi, en 1649, au lieu de passer par le port de Gênes, la seconde épouse de Philippe IV, Mariana d’Autriche, prit le chemin de Finale. La tension s’accrut entre la République et Madrid au point de provoquer en 1654 un embargo total sur les biens des particuliers de Gênes dans les terres italiennes de la Couronne. Cette mesure était conçue comme une riposte à la saisie par Gênes de navires venus de Finale et accusés de troubler le trafic maritime en Ligurie31. La résolution rapide de ce conflit, en dépit des tentatives françaises d’envenimer les relations hispano-génoises et malgré la menace génoise d’emprisonner tous ceux qui réaliseraient des prêts à des étrangers, démontrait l’imbrication des intérêts génois et espagnols32. L’embargo espagnol fut un succès qui avait puisé son origine dans le fait que, depuis 1648, Madrid disposait d’un nouvel et efficace allié : les Provinces-Unies. Celles-ci pouvaient encore mieux que Gênes ravitailler les marchés italiens, ibériques et américains en produits nécessaires aux élites locales. Elles étaient indépendantes et possédaient une puissance militaire suffisante pour ne pas dépendre du soutien militaire de la Monarchie Hispanique, mais surtout, elles possédaient d’indispensables ressources maritimes pour entretenir les relations entre les territoires disséminés de la Couronne, en Europe et outre-mer33.
Les Provinces-Unies, souveraineté segmentée et interdépendance avec la Monarchie hispanique
12Par le premier article de la paix de de Westphalie, la Monarchie Catholique reconnaissait les Provinces-Unies comme État libre, indépendant et souverain. De plus, Philippe IV promettait de supprimer de sa titulature et de ses armes les titres de comte de Hollande et de Zélande – ce qui supposait des négociations supplémentaires34. Dans le même temps, comme les cantons suisses, la République avait cessé de se placer sous la juridiction de l’Empereur et, par l’article 53 de la paix, le roi d’Espagne offrait sa médiation entre la République et l’Empereur pour obtenir la reconnaissance de cette situation35.
13Étrangement, à la veille de la guerre de Dévolution, la Monarchie Hispanique, avait suivi un chemin inverse car, à la mort de Philippe IV (1665), pour contourner les prétentions territoriales de Louis XIV qui prétextait l’héritage de son épouse, Madrid tentait de renouer les liens qui l’unissaient avec l’Empereur par le biais du cercle de Bourgogne, en particulier pour les Pays-Bas méridionaux et la Franche-Comté, dans le but d’obtenir un possible appui militaire. Comme l’a mis en évidence Thomas Maissen, à l’image de ce qui était arrivé pour quelques cantons suisses, loin d’aspirer à la souveraineté pleine, de type bodinien, à laquelle la France les poussait, ces États continuaient à voir dans le recours à la Diète et dans le maintien des symboles de la souveraineté impériale une garantie à leur existence36.
14Ainsi, la République des Provinces-Unies avait obtenu d’être reconnue comme un État souverain sur la scène internationale alors que celle de Gênes continuait d’être placée sous la juridiction de l’Empereur, auquel elle payait une contribution symbolique37. Vito Vitale a largement démontré que le maintien de l’alliance espagnole et de la juridiction impériale limitait cette reconnaissance que Gênes réclamait. Néanmoins, ces demandes avaient été prises en considération par la France, l’Angleterre et même par la Porte, mais elles étaient rejetées par Venise et par le Grand-Duché de Toscane38. De surcroît, les Provinces-Unies jouissaient d’un pouvoir maritime qu’enviaient non seulement le parti « navaliste » génois, mais aussi l’ensemble de monarchies européennes qui y voyaient un modèle à imiter. Colbert avait tenté de tisser, avec peu de réussite, un réseau de compagnies commerciales similaires aux compagnies hollandaises39. Pour la Monarchie hispanique, l’arbitrisme de la fin du xviie siècle engagea ouvertement des propositions de réforme du monopole des Indes, préconisant des mesures semblables à celles adoptées par les compagnies hollandaises, ainsi que l’illustrent les remarques novatrices de celui qui fut aussi le représentant extraordinaire à La Haye de Charles II d’Espagne entre 1671 et 1679, Francisco Manuel de Lira, et qui allait occuper l’influente charge de Secrétaire du Despacho Universal durant le gouvernement d’Oropesa40.
15L’indépendance politique et militaire acquise, les Provinces-Unies se caractérisèrent par un modèle de souveraineté où l’autonomie de chaque territoire qui composait l’union était exacerbée41. Cette souveraineté s’appuyait sur les États provinciaux et intégrait les villes. Un tel modèle de souveraineté fragmentée avait plus à voir avec le modèle bourguignon à l’époque des Habsbourg, l’ancien suzerain, qu’avec une structure constitutionnelle s’appuyant sur les formes de centralisation et d’homogénéisation en cours d’élaboration en France. Il ne faut donc pas oublier que ces territoires avait été non seulement sous la juridiction des Habsbourg, mais aussi qu’à partir de la révolte de 1566 les relations étaient demeurées vivantes pendant ce long conflit, et qu’elles entraînèrent d’importantes modifications dans les systèmes institutionnels, politiques et économiques respectifs, ce qui soulignent les fortes concordances existantes. Pourtant, simultanéités et influences mutuelles ont été reléguées par l’historiographie nationaliste désireuse d’insister sur les éléments antogonistes et sur l’exceptionnalité du modèle néerlandais42.
16En effet la révolte des Pays-Bas finit par modérer les prétentions hégémoniques de la Monarchie Catholique et permit de limiter les dérives absolutistes commencées sous Philippe II. Dès lors, sauf pour des temps limités comme lors du valimiento d’Olivares qui se traduisit par la perte du Portugal et de la Catalogne durant la décennie 1640, la Couronne s’efforça de maintenir de bonnes relations avec les élites des possessions périphériques, et montra un respect rigoureux des libertés et privilèges locaux, ce que souligne la profonde stabilité des Pays-Bas méridionaux tout au long du XVIIe siècle43.
17Quant aux Provinces-Unies, elles parvinrent à maintenir leur indépendance, en grande partie grâce aux nombreuses transformations instaurées durant le gouvernement de Charles Quint. Comme à Gênes, l’Empereur avait impulsé un net processus d’aristocratisation au sein des villes hollandaises contre le pouvoir des corporations. De cette façon, et comme l’ont démontré les travaux de Tracy, les États provinciaux, contrôlés par le tout puissant patriciat urbain, réussirent à articuler une nouvelle structure fiscale et institutionnelle sans laquelle un État indépendant aurait eu bien des difficultés à se maintenir44.
18La nature corporative du système politique néerlandais et la patrimonialisation des principales charges publiques entre les mains d’une élite toujours plus restreinte connurent une impulsion nouvelle à la suite du rétablissement des relations avec l’Espagne durant la trêve de Douze ans (1609-1612), puis à partir de la paix de Westphalie de 164845. En effet, face au désir du stathouder de réouvrir le conflit contre Madrid, le gouvernement de Philippe IV pencha résolument en faveur de la province de Hollande d’autant plus qu’un affrontement violent avait été ouvert par Guillaume II en 1650 contre le parti des régents. La couronne espagnole devint même un des principaux garants de la cause républicaine et de la tolérance religieuse face à une dérive monarchiste du parti orangiste soutenue par le petit peuple et proche du calvinisme intransigeant. Comme le traité de commerce et de navigation de 1650 le met en lumière, la Monarchie n’hésita pas à multiplier les concessions commerciales à la République dès lors que le régime des régents parut assuré durant la première période sans Stathouder46. De plus, Madrid et Bruxelles réagirent vigoureusement pour freiner les tentatives démocratiques mises en marche depuis 1654 par les corporations de la ville d’Anvers, qui menaçaient en outre de s’étendre aux Provinces-Unies47. Le fait que le modèle de gouvernement républicain se soit éloigné des modèles classiques de participation civique – comme en témoignent les émeutes et révoltes populaires consécutives aux fréquentes hausses des impôts indirects et l’ostentation croissante des richesses par les oligarchies – explique la méfiance grandissante du parti des régents envers le peuple48. L’accord avec Madrid facilita l’évolution de la production manufacturière vers des produits de luxe du fait de l’accès privilégié aux importations de la laine de merinos, et de la forte demande des marchés hispaniques en produits haut de gamme. Le com-merce de ces objets, argent, esclaves et produits coloniaux venant de l’Amérique espagnole tomba entre les mains d’un groupe fortuné et assez limité d’hommes d’affaires. à la faveur d’un contrôle absolu sur les charges publiques et par le recours à des pratiques de clientélisme et d’alliances matrimoniales endogames, un puissant patriciat urbain parvint à conserver les ressorts du pouvoir et à imposer des décisions législatives pour promouvoir ses propres intérêts mercantiles49. Les classiques vertus républicaines de frugalité et de modération des mœurs cédaient le pas à l’ostentation et au luxe. Commerce et vertu devenaient deux notions antagonistes comme le soulignaient dans leurs sermons les prédicateurs calvinistes. Selon Clé Lesger, à partir de la fin de la décennie 1660, l’impact des mesures mercantilistes impulsées par la France et l’Angleterre conduisit les plus puissants hommes d’affaires hollandais et régents des villes à diversifier leurs investissements et à les réorienter vers les investissements immobiliers. Comme il était advenu au sein de l’oligarchie génoise dès la fin du XVIe siècle, avec la prolifération de somptueux palais, d’abord sur la Strada Nuova, et plus tard via Balbi, Amsterdam connut un boom immobilier qui se traduisit par l’édification de palais au bord des nouveaux canaux, ce qui permit aux élites de briller d’un éclat jusque là inconnu50. Le luxe et l’abondance étaient étroitement liés à la politique de neutralité, appelée Ware Vrijheid, qu’encourageait le Grand Pensionnaire Johan De Witt. Critiqué par les Orangistes, le pacifisme menaçait de restreindre l’autonomie de la République en échange de juteuses concessions marchandes. Ainsi que le délégué français à La Haye se chargea de l’exprimer devant les États généraux en 1651, l’alliance avec Madrid pouvait entraîner des conséquences similaires à celles dont Gênes souffrit après l’accord de 1528 :
« Ayant tant engagé ses sujets et habitants que maintenant elle les maltraite et les tient dans une sévère dépendance pour avoir tiré tous ses effets sous le prétexte du commerce51. »
19L’autonomie de la République paraissait menacée par le pouvoir corrupteur de l’argent et de l’intérêt particulier ; la politique des frères De Witt était dénoncée pour sa corruption, son libertinage et sa soumission. Elle aurait favorisé la désunion entre les états et les villes, si hétérogènes, toujours selon l’idéologie orangiste, que seule la lutte contre l’Espagne avait pourtant maintenus solidaires.
20L’invasion franco-anglaise de 1672 mit en évidence l’impossibilité de maintenir la neutralité de la République et d’assurer son hégémonie marchande. Les régents, également pressés par la mobilisation populaire en faveur de Guillaume III durent admettre que le commerce ne pouvait pas être conservé sans l’usage de la force, ce qui se traduisait par un renforcement de l’armée de terre et le rétablissement du prince d’Orange dans ses attributions militaires antérieures. Finalement, la République ne dut sa survie qu’à l’étroitesse des liens qui avaient été établis avec les systèmes dynastiques dominants. Les relations familiales de Guillaume III avec les Stuart favorisèrent un accord avec l’Angleterre alors qu’une alliance concertée avec les Habsbourg de Vienne et de Madrid permit en 1673 d’obtenir l’évacuation française des territoires occupés52. Cela ne signifie pas que la couronne espagnole ait vu d’un bon œil la transformation des Provinces-Unies en un État souverain dans les mains du prince d’Orange. En effet, à La Haye, l’envoyé espagnol, Lira, exprima son soulagement quand, en 1675, la pression conjointe de la Hollande et de la très orangiste Zélande freinèrent la nomination de Guillaume III comme duc de Gueldre étant donné que la Monarchie Hispanique, selon ses paroles, désirait : « dans ce gouvernement, plus l’aristocratie que la monarchie53. » L’ambassadeur espagnol auprès des États généraux non seulement exposait la réticence de Madrid face à une éventuelle attaque contre le système républicain de gouvernement, mais il insistait sur les similitudes entre la structure de la Monarchie Catholique, fondée sur le respect de la diversité constitutionnelle et des libertés urbaines comme facteur de cohésion. Il ne faut pas s’étonner qu’en 1672, quand les troupes françaises envahissaient le territoire de la République, un libelle circula proposant un retour à la souveraineté des Habsbourg, à cause du respect que la dynastie montrait pour les privilèges et prééminences des États sous sa juridiction, et parce qu’elle seule pouvait soutenir « son gouvernement estimable et la liberté dont aujourd’hui ils jouissent ». On comparait avec les autres alternatives possibles :
« En premier lieu, en aucune manière la France n’est opportune, bien que voisine, parce qu’ils [les Français] sont naturellement inquiets et peu constants, et aussi parce qu’ils ne respectent jamais leur parole, qu’ils sont si acerbes et absolus, ce en quoi, ils ne gouverneraient pas les Provinces-Unies avec la prudence et la docilité qu’elles requièrent pour leur gouvernement [...]. Pas plus l’Angleterre parce qu’elle détruirait les provinces pour peupler ses royaumes ; le prince d’Orange ne convient pas parce qu’avec lui, on n’obtiendra pas l’union et jamais il n’a été opportun de faire du criado [vassal serviteur] un seigneur, pas plus qu’il n’a l’autorité nécessaire [...]. Seuls quelques princes de cette maison d’Autriche pourraient être appropriés et convenir, pour la docilité de leurs dispositions quand ils ont gouverné pendant de nombreuses années, et parce qu’on a vu qu’ils respectaient leur parole, et maintenaient les privilèges de leurs vassaux, ils ont le pouvoir de protéger et autorité pour motiver respect et vénération54. »
21À Gênes, la politique d’entente avec Versailles s’était révélée incapable d’empêcher l’application d’un programme qui cherchait à libérer la monarchie francaise de la tutelle de ces Républiques. La pression militaire culmina en 1684 avec le terrible bombardement de la ville par la flotte française55. La même année, en reconnaissance du soutien militaire prêté par le gouverneur espagnol à Milan, la République acceptait à nouveau que le Roi Catholique récupère le titre de « Protecteur de la liberté de la République », qu’il portait depuis l’accord de 1528 et qu’il avait retiré en 1672 pour calmer les exigences de Louis XIV56. Comme l’avaient réalisé les Provinces-Unies depuis l’alliance de La Haye en 1673, Gênes pariait sur une alliance avec la Monarchie Hispanique dont la faiblesse militaire et la structure institutionnelle paraissaient bien moins menaçantes pour son indépendance que la véhémence francaise. De plus, l’ambassadeur génois à Madrid notait à propos de l’effacement des aspirations républicaines :
« Ils ne se trompent pas complètement, s’ils nous supposent d’une certaine manière inséparables de leur fortune : connexion d’intérêts, proximité des États, rentes et fiefs, trafic qui n’est pas souhaitable par ailleurs, ou pas aussi général que dans les royaumes du Roi Catholique, sont des liens si forts qu’un autre choix serait de l’imprudence57. »
22Cette communauté d’intérêts se trouve confirmée par Manuel de Lira, dans une lettre de 1673 adressée à son homologue à Gênes, le marquis de Villagarcía. Devant la crainte que suscitait l’effacement des républiques face à la poussée française :
« II semble que nous soyons dans l’ère critique des républiques selon l’accord fait par celle de Gênes, pour lequel nous devons comprendre le peu d’avantages qu’elle tire de cette subordination à la France, point de départ qui peut entraîner pour nous de graves inconvénients, ce qui serait de très mauvais augure pour cette République et mettrait en grand danger nos intérêts58. »
23Ces paroles prémonitoires décrivent la perte d’influence des Républiques marchandes qui allait se confirmer au siècle suivant, avec, entre autre, un programme d’émancipation à leur égard et de centralisation administrative que la nouvelle dynastie des Bourbons allait mettre en œuvre dans le royaume d’Espagne suivant le modèle français.
Notes de bas de page
2 Manuel Herrero Sánchez, « Republican Diplomacy and the power balance in Europe », dans A. Alimento (éd.), War, trade and neutrality. Europe and the Mediterranean in seventeenth and eighteenth centuries, Milan, FrancoAngeli, 2011, p. 23-40.
3 Outre l’étude classique de John Greville Agard Pocock, The Machiavellian Moment. Florentine Political Thought and the Atlantic Republican Tradition, Princeton, Princeton University Press, 1975, voir Martin Van Gelderen et Quentin Skinner (éd.), Republicanism. A Shared European Heritage, Cambridge, Cambridge University Press, 2002. Une perspective plus articulée et moins simpliste est développée autour de la comparaison entre les Provinces-Unies et les Cantons suisses étudiée par André Holenstein, Thomas Maissen et Martin Prak (éd.), The republican alternative : the Netherlands and Switzerland compared, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2008. J’ai effectué une première critique sur les limites de l’interprétation du républicanisme d’Ancien Régime : Manuel Herrero Sánchez, « Las repúblicas mercantiles, ¿ alternativa al modelo dinástico ? Génova, las Provincias Unidas y la Monarquía Hispánica en la segunda mitad del siglo xvii », dans Ana Crespo et Manuel Herrero (éd.), España y las 17 Provincias de los Países Bajos. Una revisión historiográfica (siglos XVI-XVIII), Cordoue, Universidad de Cordoba, 2002, p. 189-228.
4 Sur la persistance d’une vision encore déformée de la Monarchie, voir P. Burke qui la définit comme : « the classic example of an anti-enterprise culture where político-religious values took precedence over economic ones » : Peter Burke, « Republics of Merchants in Early Modern Europe », dans Jean Baecheler, John A. Hall y Michael Mann (éd.), Europe and the Rise of Capitalism, Oxford, Basil Blackwell, 1988, p. 230.
5 Yves Durand, Les Républiques au temps des Monarchies, Paris, PUF, 1973.
6 Mentionnant les républiques italiennes, Elena Fasano Guarini met en question le fait que l’on puisse parler d’un « modèle républicain » bien qu’il existe une rhétorique commune alimentée par la liberté et la participation directe au gouvernement de la cité : Elena Fasano Guarini, « La crisi del modello repubblicano : patriziati e oligarchie », dans La storia. I grandi problemi dal Medioevo all’Età contemporanea, Turín, UTET, 1987, vol. III (l’Età Moderna), p. 553-584.
7 Archives Générales de Simancas [désormais AGS], Estado, leg. 3608, Consulte du Conseil d’État dans laquelle se trouve une lettre de Mazarin à l’ambassadeur génois à Paris, Gianettino Giustiniani. Paris, le 8 janvier 1655.
8 Il s’agit de l’accord militaire où la puissance navale des galères génoises d’Andrea Doria est mise au service de Charles Quint : il débouche sur un processus implicite de subordination et de protection : voir le texte de ce contrat de condotta dans Vicente De Cadenas y Vicent, El protectorado de Carlos V en Génova. La « Condotta » de Andrea Doria, Madrid, Hidalguía, 1977, p. 85-88.
9 Arturo Pacini, I presuposti politici del « secolo dei Genovesi » : la Riforma del 1528, dans Atti della Società ligure di Storia Patria, nouv. sér., XXX/1, Gênes, 1990 ; dito, La Genova di Andrea Doria nell’Impero di Carlo V, Florence, Oslchki, 1999. Voir aussi les pages lumineuses d’Arturo Pacini et Carlo Bitossi, dans Dino Puncuh (éd.), Storia di Genova. Mediterraneo, Europa, Atlantico, Gênes, Società ligure di Storia patria, 2003, p. 325-508.
10 Comme le mentionne Marino Berengo, entre le XIVe et le XVIIe siècle, les sociétés urbaines européennes connurent un processus de concentration du pouvoir entre les mains d’oligarchies et de remises en cause des vieilles formules des assemblées populaires. Marino Berengo, L’Europa delle città. Il volto della società urbana europea tra Medioevo ed Età Moderna, Turin, Einaudi, 1999.
11 Rodolfo Savelli, La repubblica oligarchica. Legislazione, istituzioni e ceti a Genova nel Cinquecento, Milan, Giuffré, 1981. La monarchie hispanique fut accusée à diverses reprises, comme en 1628 lors de la conjuration de Giulio Cesare Vachero, d’impulser des mouvements destinés à ouvrir l’accès au corps de la noblesse à des familles d’origine populaire Ces accusations ne sont pas fondées si on tient compte du risque d’ingérence étrangère que pouvait provoquer une telle politique : Manuel Herrero Sánchez, « La quiebra del sistema hispano-genovés (1627-1700) », Hispania, LXV, 219 (2005), p. 120-121.
12 Pour les caractéristiques de l’oligarchie génoise, voir les études fondamentales d’Edoardo Grendi, La repubblica aristocratica dei genovesi. Politica, carità e commercio fra Cinque e Seicento, Bologne, Il Mulino, 1987 ; Carlo Bitossi, Il governo dei magnifici. Patriziato e politica a Genova fra Cinque e Seicento, Gênes, ESIG, 1990.
13 Manuel Herrero Sánchez, « Génova y el sistema imperial hispánico », dans Antonio Álvarez-Ossorio et Bernardo García García (éd.), La Monarquía de las Naciones. Patria, nación y naturaleza en la Monarquía de España, Madrid, Fundación Carlos de Amberes, 2004, p. 528-562.
14 Une étude modèle sur ces familles génoises au service du Roi Catholique est celle d’Edoardo Grendi, I Balbi. Una famiglia genovese fra Spagna e Impero, Turin, Einaudi, 1997. Voir aussi les contributions de Rocío Ben Yessef sur les Serra, de Manuel Herrero et Antonio Álvarez Ossorio sur le 3e marquis de los Balbases (Paolo Spinola Doria), et d’Alejandro García Montón sur Domenico Grillo, dans Génova y la Monarquía Hispánica (1528-1713), Gênes, Atti della Società ligure di Storia patria, 2 vol. , 2011.
15 Nous avons analysé le rôle d’Ambrosio Spinola, 1e marquis de los Balbases, et de son fils, Filippo Spinola, auprès de l’ambassadeur espagnol à Gênes. Dans ces deux cas, leurs épouses restèrent attachées à la République par leurs liens avec les élites locales : Manuel Herrero Sánchez, « La red genovesa Spínola y el entramado transnacional de los marqueses de los Balbases al servicio de la Monarquía Hispánica », dans Bartolomé Yun Casalilla (éd.), Las redes del Imperio. Élites en la articulación de la Monarquía Hispánica, 1492-1714, Madrid, Marcial Pons, 2009, p. 97-133.
16 Tommaso Campanella, La Monarquía de las Naciones, éd. Primitivo Mariño Gómez, Madrid, Centro de Estudios Constitucionales, 1982, p. 82-83. Campanella reprenait la comparaison classique entre Gênes et Venise que Botero avait développée en analysant l’impact du mythe vénitien comme miroir pour de nécessaires réformes : Benoît Maréchaux, « Cultiver l’alternative au système philo-hispanique. Attraction, diffusion et appropriation du modèle vénitien dans la pensée républicaniste génoise du premier XVIIe siècle », dans Génova y la Monarquía Hispánica..., op. cit., t. 2, p. 657-693.
17 Voir les analyses précises de Claudio Costantini, « Politica e storiografia : l’epoca dei grandi repubblichisti », dans La letteratura ligure. La Repubblica aristocratica (1528-1797), Gênes, Costa & Nolan, 1992, vol. II, p. 93-135 et les nombreux travaux de Carlo Bitossi sur la formation du parti repubblichista, dont Carlo Bitossi, « Il tempo degli oligarchi. Note sulla storia politica genovese nella prima età moderna », Annali dell’Università di Ferrara. Sezione lettere, Nuova serie 4 (2003), p. 139-140 y Id., « Navi e politica nella genova del Seicento », Atti della Accademia Ligure di Scienze e Lettere, serie VI, V (2002), p. 261-283.
18 Le modèle d’action de la thalassocratie paraît s’adapter en grande partie au concept de Imperial Republics suggéré récemment par Edward Andrew, contre la vision idyllique traditionnelle qui lie pacifisme et républiques marchandes : Edward G. Andrew, Imperial Republics. Revolution, War, and territorial expansion from the English Civil War to the French Revolution, Toronto, University of Toronto Press, 2011. Voir en particulier le ch. 1 « Machiavelli on Imperial Republics », p. 18-26.
19 Eco Oste Gaspard Haitsma Mulier, « Genova e L’Olanda nel Seicento : contatti mercantili e ispirazione politica » dans Raffaele Belvederi (éd.), Rapporti Genova-Mediterraneo-Atlantico, Atti del Congresso Internazionale di studi storici, Gênes, Pubblicazioni dell’Istituto delle scienze storiche, Università di Genova, 1983, p. 431-444.
20 Giuseppe Felloni (éd.), La Casa di San Giorgio : il potere del credito, éd. par Giuseppe Felloni, Gênes, Brigati, 2006, p. 294, 2006.
21 AGS, Estado, leg. 3608, lettre du secrétaire de l’ambassade d’Espagne, Diego de Laura, sur ces sujets Gênes, 9 août 1655.
22 L’estrade [NdT].
23 AGS, Estado, leg. 3604, Advertencias del procedimiento y fines con que camina la república de Genova, 1649. La Couronne riposta en limitant l’usage de la despensa de l’ambassadeur de Gênes à Madrid et surtout en imposant une amende de 400 écus à tout Génois qui se rendrait dans la résidence d’un viceroi, gouverneur ou ambassadeur sans autorisation préalable, AGS, Estado, leg. 3604, Relation anonyme remise au conseil d’État sur les réponses à donner aux mesures génoises Madrid, avril 1649.
24 AGS, Estado, leg. 3604, Lettre de Ronquillo, Gênes, 26-III-1649.
25 Carlo Bitossi, « Mobbe’e congiure. Note sulla crisi política genovese di metà seicento », dans Miscellanea Storica Ligure, XVIII (1986), p. 587-626.
26 Thomas A. Kirk, Genoa and the Sea. Policy and Power in an Early Modern Maritime Republic, 1559-1684, Baltimore, John Hopkins University Press, 2005. Il ne faut pas oublier la forte crainte que provoquèrent les événements révolutionnaires parmi l’élite dirigeante génoise.
27 Thomas A. Kirk, « A Little Country in a World of Empires: Genoese Attempts to Penetrate the Maritime Trading Empires in the Seventeenth Century », The Journal of European Economic History, 25, n ° 2 (1996), p. 407‑421 et Sanjay Subrahmayam, « On the significance of Gadflies: the Genoese East India Company of the 1640s », Journal of European Economic History, 17, n ° 3 (1988), p. 559-581.
28 Le consul génois à Amsterdam, Stephano d’Andrea, précisait que les Hollandais acceptaient que les représentants génois demeurent couverts devant les tribunaux ou devant les bourgmestres, mais pas devant les États Généraux. Manuel Herrero Sánchez, « La quiebra del sistema... », art. cité, p. 137-138.
29 Vito Vitale, La diplomazia genovese, Milan, Istituto per gli studi di politica internazionale, 1941, p. 34-35.
30 Paolo Calcagno, « Una schermaglia di antico regime : la “partita” del Finale fra Genova, Milano e Madrid », Génova y la Monarquía Hispánica, op. cit., vol. 2, p. 459-494.
31 Carlo Bitossi, « Il granello di sabbia e i piatti della bilancia. Note sulla politica genovese nella crisi del sistema imperiale ispanoasburgico, 1640-1660 », dans Génova y la Monarquía Hispánica..., op. cit., vol. 2, p. 495-526 et Thomas A. Kirk, « La crisi del 1654 come indicatore del nuovo equilibrio mediterraneo », Ibid. p. 527-538.
32 La même année, la France offrait à Gênes une alliance contre Madrid, Biblioteca Nacional [désormais BNM], Ms. 1443, « Proposizione dei ministri del Cristianesimo alla repubblica di Genova per far lega offensiva e difensiva » inclue dans une lettre envoyée à la république par Luigi Delomenie, Reims, 11 juin 1654.
33 Sur l’analyse comparative des deux modèles de républiques marchandes : Manuel Herrero Sánchez, El acercamiento hispano-neerlandés (1648-1678), Madrid, CSIC, 2000, p. 287-317.
34 Certes, le roi montra plus de réticences à tenir ces engagements. En 1651, le gouverneur des Pays-Bas méridionaux lui remettait des plaintes des États Généraux sur le maintien de la titulature de comte de Hollande et de Zélande, Archives générales du Royaume de Belgique [désormais AGRB], SEG, 250, f. 1, fol. 206, Lettre du gouverneur au roi, Bruxelles, 2 mai 1651. Le mois suivant, Philippe IV ordonnait qu’on supprime cette titulature, AGS, Estado, leg. 2076, Lettre de l’archiduc au roi, Bruxelles, 19 juin 1651. Toutefois, en 1655, le souverain écrivait de nouveau à l’archiduc pour qu’on supprime des sceaux et des armes les symboles touchant les Provinces-Unies, AGRB, SEG, 259, ff. 159, Le roi au gouverneur, Madrid, 28 juin 1655.
35 Voir l’édition de ces traités dans Joseph Antonio de Abreu y Bertodano, Colección de los tratados de Paz, Madrid, 1740-1752, disponible sur google book.
36 Thomas Maissen, « Des insignes impériaux à un imaginaire républicain : la représentation de la Confédération helvétique et des Provinces-Unies autour de 1648 » dans Klaus Bussmann et Jacques Thuillier (éd.), 1648 : paix de Westphalie, l’art entre la guerre et la paix, Paris, Klincksieck, 1999, p. 477-511 ; Thomas Maissen, « Inventing the Sovereign Republic : Imperial Structures, French Challenges, Dutch Models and the Early Modern Swiss Confederation », dans André Holenstein, Thomas Maissen et Maarten Prak (éd.), The republican alternative..., op. cit., p. 125-149.
37 Friederich Edelmayer, « Génova en la encrucijada entre el Sacro Imperio y la Monarquía Católica » ; Génova y la Monarquía Hispánica..., op. cit., p. 617-626.
38 Vito Vitale, La diplomazia genovese..., op. cit., p. 27-36
39 Daniel Dessert et Jean-Louis Journet, « Le lobby Colbert. Un Royaume, ou une affaire de famille ? » Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 30-6 (1975), p. 1303-1335.
40 Manuel Francisco de Lira, Memorial sobre el comercio con las indias dirigido a Carlos II, v. 1691-1693, éd. de Juan Sempere y Guarinos, Biblioteca Española Económico-Política por D. Juan Sempere y Guarinos, t. IV, Madrid, I. Sancha, 1821, p. 5-44 (BNM, U/4862).
41 Jonathan Israel, The Dutch Republic. Its Rise, Greatness, and Fall, 1477-1806, Oxford, Clarendon Press, 1995 et Maarten Prak, The Dutch Republic in the Seventeenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2005.
42 Cette exceptionnalité hollandaise perdure aux yeux des historiens néerlandais malgré des études comme celle de Karel Davids et Jan Lucassen (éd.), A Miracle Mirrored. The Dutch Republic in European Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1995. De même, on peut encore lire du côté espagnol que « le plus extraordinaire fut la rencontre entre les cultures ibériques et flamandes, ce qui équivaut à un choc entre le monolithisme idéologique et la tolérance, entre le mercantilisme et le libéralisme, entre la centralisation hiérarchisée et l’autonomie égalitaire » ; Miguel Angel Echevarría Bacigalupe, Flandes y la Monarquía Hispánica (1500-1713), Madrid, Silex, 1998, p. 12.
43 Manuel Herrero Sánchez, « La Monarquía Hispánica y la cuestión de Flandes », dans S. Camañes (éd.), La Monarquía Hispánica en tiempos del Quijote, Madrid, Silex, 2005, p. 501-527.
44 James D. Tracy, Holland under the Habsburg Rule, 1506-1566: The Formation of a Body Politic, Berkeley, University of California Press, 1990.
45 Ce processus est analysé de façon magistrale par Jonathan Israel, The Dutch Republic and the Hispanic World, 1606-1661, Oxford, Clarendon Press, 1982 p. 42-65 et 375-394.
46 Manuel Herrero Sánchez, El acercamiento..., op. cit., chap. 1 et 2.
47 Après avoir étouffé la révolte d’Anvers en 1659, le rapport remis par le gouverneur de Flandres, le marquis de Caracena, se faisait l’écho des réjouissances auxquelles donnèrent lieu cette information quand elle parvint aux Provinces-Unies : « En Hollande, on s’est réjoui de ce qui s’est passé à Anvers car le maintien de la dignité des magistrats leur est très important et parce qu’il serait de bien mauvais exemple que le peuple d’Anvers ne fusse pas châtié » AGRB, Secrétairerie d’État et de Guerre (SEG), leg. 265, ff. 332-335, Lettre de Caracena au roy, Bruxelles, 29 novembre 1659.
48 Daniel Jeen Roorda indique que de 1650 à 1658, des conflits de factions éclatèrent dans les villes de Hollande et de Zélande, impulsés par le menu peuple pro-orangiste et favorable à des réformes démocratiques contre le processus d’aristocratisation lancé par l’élite patricienne du parti républicain : Daniel Jeen Roorda, « Party and Faction. The Riots of 1672 in the Towns of Holland and Zealand. A Trial of Strength between Parties and Factions », Acta Historiae Nederlandica, 2 (1969), p. 204. En 1654, le secrétaire de l’ambassade espagnole à La Haye, Vincent Richard, soulignait les conséquences négatives que pourrait avoir l’exclusion de la famille d’Orange du Stathoudérat : « ...comme ils aiment tellement le prince d’Orange et qu’ils se trouvent chaque jour opprimés par de nouveaux tributs et de nouveaux impôts, par la moderne régence, si cela se confirme, il sera bien imprévisible qu’ils se révoltent contre les magistrats et qu’il s’ensuivra une terrible révolte » : AGS, Estado, leg. 2083, lettre de Vincent Richard au roi, La Haye, 15 avril 1654.
49 Sur l’aspect patrimonial de l’État néerlandais : Julia Adams, The Familial State. Ruling Families and Merchants Capitalism in Early Modern Europe, Ithaca, Cornell University Press, 2005; Manuel Herrero Sánchez, Las Provincias Unidas y la Monarquía Hispánica (1588-1702), Madrid, ArcoLibros, 1999, p. 66.
50 Clé Lesger, « Cluster of achievement: the economy of Amsterdam in its golden age », dans P. O’Brien (ed.), Urban achievement in Early Modern Europe. Golden Ages in Antwerp, Amsterdam and London, Cambridge, Cambridge University Press, 2001, p. 79-80. Pour Gênes : Emilio Poleggi, Strada Nuova. Una lottizzazione nella Genova del Cinquecento, Gênes, SAGEP, 1972 et Giorgio Doria, « Investimenti della nobiltà genovese nell’edilizia di prestigio (1530-1630) », dans Giorgio Doria, Nobiltà e investimenti a Genova in Età Moderna, Gênes, Istituto di Storia Economica dell’Università di Genova 1995, p. 235-285.
51 AGS, Estado, leg. 2076 Consulte du Conseil d’État sur un mémoire que l’envoyé français à La Haye, Brasset, porta aux États Généraux, Madrid, 19 avril 1651.
52 Manuel Herrero Sánchez, « La Monarquía Hispánica y el Tratado de La Haya de 1673 », dans Jan Lechner et Harm den Boer (éd.), España y Holanda. Amsterdam, Diálogos Hispánicos n ° 16, 1995, p. 103-118.
53 Archivo Histórico Nacional (AHN), Estado, libro 146, lettre de Lira au marquis de Villagarcía, La Haye, 7 mars 1675.
54 AHN, Estado, libro 721. Discurso político sobre las Provincias Unidas para su mejor conservación. Exigencias de una cabeza rectora que unifique a los Estados Generales dentro de los Austrias, 1672.
55 Carlo Bitossi, « Il picolo sempre succombe al grande : la Repubblica di Genova tra Francia e Spagna, 1684-1685 » dans Il bombardamento di Genova nel 1684. Atti della Giornata di studio nel terzo centenario, Gênes, La Quercia edizioni, 1988, p. 39-69.
56 AGS, Estado, leg. 3636, Relation de l’ambassade de Juan Carlos Bazán à Gênes entre 1684 et 1693.
57 Raffaele Ciasca, Istruzioni e relazioni degli Ambasciatori Genovesi. Spagna, Rome, Istituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, 1957, vol. V, p. 190.
58 AGS, Estado, leg. 8652, Lettre de Lira au marquis de Villagarcía, La Haye, 10 avril 1673.
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