Chapitre X. La CdC sous la raison sociale Compteurs-Schlumberger (1970-1987)
p. 337-352
Texte intégral
1L’objectif affiché de Jean Riboud de faire de Compteurs Schlumberger un ensemble industriel capable de rivaliser avec les plus grandes entreprises de la filière de l’instrumentation, exigeait une conversion des structures juridiques de la CdC et des restructurations de ses activités industrielles. Répétées au fil des années, entre 1970 et 1987, l’image initiale ne pouvait que s’étioler au grand dam des personnels, restés attachés à la culture d’entreprise développée et entretenue par trois générations d’entrepreneurs.
La conversion des structures de la CdC
2Les opérations financières relatives à l’OPE entérinées par les instances financières, la direction de Schlumberger Limited s’attacha à procéder à réorganisation juridique de l’ensemble des activités réunies sous sa coupe.
L’organisation juridique
3Les mesures juridiques et financières consistèrent à transformer la CdC en une société de holding assurant la gestion des portefeuilles des sociétés qui composaient son patrimoine industriel.
4Après l’absorption par fusion de deux de ses filiales Appareils de précision et de contrôle (APC) et la Compagnie européenne de régulation (CEREG), la CdC avait fait apport de la quasi-totalité de ses activités industrielles et était devenue une société de holding. Son capital social avait été porté à 190 908 500 F et son siège social transféré 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e1 mais elle avait conservé son numéro d’inscription au Registre du commerce de Paris (RC Paris B 337 804 75)2.
5La société de holding Compagnie des Compteurs constituée, les activités industrielles de la CdC étaient transférées juridiquement et financièrement, sous la forme d’apports, à trois sociétés qui se partagèrent l’activité globale industrielle.
6La Société d’instrumentation Schlumberger, prenait pour dénomination sociale Compteurs Schlumberger, société anonyme au capital de 388 611 800 F qui avait son siège social, 12, place des États-Unis à Montrouge.
7Compteurs Schlumberger, filiale de la société de holding Compagnie des Compteurs à plus de 92 % concentrait l’activité contrôle industriel de la Société d’instrumentation Schlumberger et de l’ensemble des activités de la CdC3.
8La Société nouvelle Seguin-Sergot (SERSEG) devenait filiale de la holding Compagnie des Compteurs à plus de 99 %. SERSEG reprenait l’activité robinetterie industrielle de la CdC. Son capital social était porté à 21 292 200 F et son siège social maintenu 4, place Félix Éboué à Paris 12e.
9L’activité enregistrement magnétique de CdC devenait également filiale à 88,26 % de la holding Compagnie des Compteurs, mais restait totalement indépendante de Compteurs Schlumberger4, en raison des activités industrielles de sa filiale Société d’applications industrielle de la physique (SAIP), qui ressortaient de l’instrumentation électronique de la Société d’instrumentation Schlumberger (SIS). Elles furent regroupées au sein de la société Schlumberger instruments et systèmes (SIS), société anonyme au capital de 50 983 500 F, dont le siège social était 42, rue Saint Dominique à Paris 7e.
10La filiale stéphanoise de la CdC, Compagnie radioélectrique du centre (CRC), filiale dans un premier temps de Compagnie des Compteurs, était intégrée à la société Schlumberger instruments et systèmes, vu sa spécialisation en électronique.
Le statut des filiales financières
11L’absorption de ces différentes filiales rendait inutiles les filiales financières dans lesquelles la CdC avait pris des intérêts. Elles furent transférées de la holding Compagnie des Compteurs à Compteurs Schlumberger. Il s’agissait de :
Brevatom ;
Compagnie de construction électrique (CCE) ;
Ouest control des eaux (ODE) ;
Eaux du centre et du bassin du Rhône (ECR) ;
Continentale et Garnier ;
Nordcontrol des eaux (NDE) ;
Société méridionale des eaux (SME) ;
Société des eaux du centre et du bassin du Rhône (SECR) ;
Hydrocontrol ;
Société Industrielle de fabrication de compteurs d’eau (SIFAC).
12Dans le même registre, la holding Compagnie des Compteurs se voyait pourvue, suite à l’absorption de la Société industrielle des compteurs (SIC), de certaines des participations de CdC :
Société Industriale Misaruti-Brunt (SIM-BRUNT) ;
Société d’appareillage hydraulique du centre (SAHC) ;
Société civile de placements (PLACIMO) ;
Société d’exploitation des compteurs (SEC) ;
Société auxiliaire de vérification et d’entretien (SAVE) ;
Canalisations industrielles et contrôle (SICO) ;
Saarlendische (et des immeubles à Milan) ;
13En revanche, c’est Compteurs Schlumberger qui bénéficia d’un apport d’une partie du portefeuille de la société PLACIMO que possédait la CdC dans les sociétés :
Brasileira de Medidores, Lyonnaise de compteurs d’Eau, Immobilière et financière Lyva ;
Société européenne de traitement de l’information (SETI) ;
Charvet-Delorme ;
Compagnie des Compteurs Genève ;
Société générale de travaux cinématographiques (SGTC) ;
Société luxembourgeoise de télédiffusion (CLT) ;
Constructions métalliques et entreprises (CME) ;
Vis Nova ;
Société d’Applications Industrielles de la Physique (SAIP) ;
Sourdillon ;
Société d’études et d’applications vide optique mécanique (SEAVOM).
14En revanche, l’absorption de la Société Industrielle des Compteurs (SIC) ramena vers la holding Compagnie des Compteurs, certaines des participations de CdC :
Société Industriale Misaruti-Brunt (SIM-BRUNT) ;
Société d’appareillage hydraulique du centre (SAHC) ;
Société civile de placements (PLACIMO) ;
Société d’exploitation des compteurs (SEC) ;
Société auxiliaire de vérification et d’entretien (SAVE) ;
Canalisations industrielles et contrôle (SICO) ;
Saarlendische (et des immeubles à Milan) ;
Les transferts, les ventes et les cessions de participations
15Transfert à la Sofimo, filiale de Ciments Lafarge, des 36 % que la CdC possédait dans le capital de Carbonisation entreprise et céramique (CEC).
16Vente à Thomson-Houston des grands systèmes électroniques de trajectographie aérienne et sous-marine et des ensembles de mesures magnétiques et acoustiques.
17Vente à la société française Saunier & Duval des activités de la société belge Contigéa (équipements de chaudières et chauffe-eau à gaz, des valves et des thermo-couples).
18Cession à Robertshaw Controls Company des participations de la Compagnie européenne des thermostats (CET).
19Cessions de ses participations dans les sociétés industrielles GEGI, Jules Richard, CEC, SEAVOM, SOGEV, SPERAC.
20Cession des participations dans des sociétés sortant du cadre des compétences de Compteurs Schlumberger :
2151 % des participations détenues par la CdC dans le capital de la Société nouvelle des Éts Gaumont cédées en 1974 et celles de la société Cinépar en 1975.
22En 1977, la télévision en circuit fermé et le laboratoire de langues étaient cédés à Thomson, provoquant la nostalgie des heures de gloire qu’avait connues la CdC5.
La restructuration des activités de Compteurs Schlumberger
23L’organigramme du 1er juillet 1971 de Compteurs Schlumberger rassemblait :
24Les activités de comptage de la CdC, les fabrications de compteurs d’eau, de gaz et d’électricité, les équipements de contrôle et de protection des réseaux de transport ainsi que le secteur distribution de fluides et d’énergie électrique.
25Les activités de contrôle et de régulation de processus industriels de l’ancienne division contrôle industriel de la Société d’instrumentation Schlumberger, celles de la société Appareils de précision et de contrôle (APC) et de la Compagnie européenne de régulation (CEREG), auparavant filiales de la CdC.
Sept unités opérationnelles et leurs usines
Division électricité : compteurs et équipements de réseaux électriques : établissements de Gentilly, Massy, Montrouge, Paris et Poitiers
Division mécanique : composants et sous-ensembles mécaniques, machines de montage et de contrôle, horlogerie industrielle et appareils de contrôle de temps : établissements d’Amiens, Besançon, Châteauroux, Massy, Montrouge, Orbey, Vierzon.
Division contrôle industriel : équipements et chaînes de contrôle et de régulation, analyseurs de gaz, vannes de réglage, robinetterie industrielle de petit calibre : établissements de Massy, Pau, Rosheim, Thiers.
Département gaz : compteurs d’abonnés, compteurs industriels, compteurs de laboratoire, équipements de réseaux gaziers : établissements de Montrouge et Reims.
Départements liquides : compteurs de d’eau et de liquides divers, équipements de réseaux et de distribution d’eau : établissements de Bourges, Haguenau, Montrouge et Reims.
Département comptage hydrocarbures : compteurs, distributeurs, activités de service : établissements de Suresnes, La Courneuve, Abbeville.
Division internationale : gestion des filiales étrangères et coordination des ventes à l’exportation.
Quatre directions fonctionnelles
Direction du personnel.
Direction du contrôle de gestion.
Direction des services techniques centraux.
Direction des études et de la recherche.
Une direction générale6
Président-directeur général : Jérôme Seydoux.
Directeurs : Malcom Mc Corquodale, James H. Poyner.
Directeur du personnel : Jean-Paul Bize (CdC).
Directeur des études et recherches : Paul Bizouard (CdC).
Un conseil d’administration
Président : Jérôme Seydoux.
Vice-président : Jacques Formery (CdC).
Administrateurs : Michel Bedat, Jean Daridan, R. M. Doumenc, Jean Riboud.
26Ces différentes restructurations juridiques et opérationnelles avaient ravivé l’inquiétude parmi le personnel, appelé désormais « les Compteurs » qui se référaient aux suites d’opérations identiques intervenues à la Compagnie générale d’électricité, chez Thomson, Westinghouse, au CEA et chez Bull. La CGT syndicat des compteurs estimait pour sa part que « l’OPE constituait un coup direct à l’indépendance de l’industrie électrique et électronique, notamment dans son compartiment Mesure7 ».
Le personnel « Compteurs » dans l’expectative
27Le communiqué du comité central d’entreprise 20 février 1970, n’avait pas contribué à apaiser les craintes du personnel pas plus que celles exprimées dans un Bulletin CdC par René Le Bras, syndicaliste mutualiste qui fit carrière dns l’entreprise8. Jérôme Seydoux, petit-fils de Conrad Schlumberger, nommé président-directeur général de Compteurs Schlumberger ne dississipa davantage l’angoisse persistante du lendemain, lors du comité d’entreprise du 16 octobre, pas plus que le 22 décembre alors qu’il accédait à la fonction de président directeur général de Compteurs Schlumberger9.
28Des craintes étaient déjà exprimées à la suite de la réorganisation de la Compagnie européenne de régulation (CEREG), première filiale de la CdC à faire l’objet d’une refonte avec le secteur Instrumentation de Schlumberger10.
Les « Compteurs » dans les restructurations
29Le personnel de production, « les blouses bleues », se déclarait indifférent en général laissant percevoir, à travers des tracts syndicaux, qu’il considérait que leur statut demeurerait inchangé quel que soit le nom de l’employeur, le lieu de travail et les mesures prises pour conjurer les crises d’ordre politique et économique constamment évoquées11.
30Parmi les ingénieurs, les techniciens, le personnel des services commerciaux et administratifs, le sort incertain des uns et des autres rendait l’atmosphère pesante, due à la crainte de faire figure de doublons entrainant une mise à disposition du service du personnel, d’être dans l’attente d’une hypothétique affectation dans un des services recomposés, plus ou moins éloignés de leur domicile et, dans le pire des cas, d’être l’objet d’un licenciement pur et simple, négocié par les organismes syndicaux.
31Pour les personnels intégrés, l’adaptation risquait d’être difficile eu égard aux principes de management à l’américaine teintés de la culture d’entreprise des frères Conrad et Marcel Schlumberger, pionniers en matière de systèmes de détection du pétrole et d’hydrocarbures. Réfugiés aux États-Unis en 194012, des membres de la dynastie familiale y avaient fondé Schlumberger Limited.
32Le mode management, transposé au sein de l’entité Société d’instrumentation Schlumberger (SIS) créée en région parisienne en 1960, en concurrence avec les activités similaires de la CdC, avait généré un complexe de supériorité chez bien des membres de son personnel qui se glorifiaient de faire partie des « Pétroles ». Le choc des cultures était inévitable et se concrétisa en une certaine condescendance, proche d’un ostracisme, envers les « Compteurs13 ».
La survivance de la culture d’entreprise de la CdC
33La culture « Compteurs » survécut néanmoins grâce à l’intégration de cadres supérieurs de la CdC présents dans l’organigramme des activités industrielles de 197114. Y figuraient notamment :
Paul Bizouard, ingénieur (X46), centre de recherches, entré à la CdC en mars 19511
Raymond Maillard (CNAM-CdC 1959), département électricité, entré à la CdC en octobre 1942.
Robert Michard, directeur du personnel et des affaires sociales (diplôme Droits et Lettres et École des chefs d’entreprise), entré à la CdC en mai 1955.
Jean Perducat, ingénieur (AM Cluny 1931), directeur de la branche mécanique, à la CdC depuis février 1936.
Jean Tessera, ingénieur (AM Paris 1931, ESE 1935), directeur de la branche électricité, entré à la CdC en octobre 19382.
34Cette présence réconfortante pour les personnels concernés ne dissipa pas longtemps l’angoisse et l’inquiétude réapparut à l’annonce de délocalisations et de rationalisation de certaines fabrications traditionnelles de la CdC.
Des délocalisations rationnelles
35La rationalisation des fabrications était inscrite en clair dans la déclaration du 3 juin 1970 du président démissionnaire :
« Si, il y a développement ou regroupement d’activités, elles ne se feront pas nécessairement là où elles sont15… »
36Lors du comité central d’entreprise du 22 juin 1972, les délégués étaient informés d’un regroupement à Montrouge et de deux délocalisations, l’une en banlieue parisienne, l’autre en province.
L’opération Ramona
37Ramona devait regrouper à Montrouge toutes les fabrications du département équipements électriques, dispersées tant à Montrouge qu’en province, d’améliorer les conditions de travail et de moderniser les moyens de production. Réunies en une direction, appelée division énergie, elle regroupait les fabrications, le marketing et la recherche. Le budget de l’opération était estimé à 8 millions, les nouveaux ateliers devant être terminés courant 1974. L’intégration du personnel ouvrier dans ces locaux, ne se fit pas sans une contestation des conditions de travail, qui aboutit à plusieurs débrayages16.
38L’opération Ramona inspira, a posteriori en 1993, deux anciennes ouvrières, qui réalisèrent un film intitulé « Quand les compteurs s’arrêtent ». Elles y évoquent, allègrement caricaturés, se souvenant avec nostalgie des années d’avant 1968, les bons et les mauvais moments de quelques 350 femmes travaillant, en 1973, à Montrouge sur les chaînes de fabrication de compteurs, sous la férule de petits et grands chefs17.
L’opération Martel
39Martel avait pour objet le transfert du département tarifications à Poitiers où la CdC avait créé, en 1962, un établissement de fabrication de compteurs électriques de grande série, employeur de 1 118 personnes en 1973. À terme, en mai 1974, l’établissement devait regrouper l’ensemble des activités, les études, le marketing, l’administration et la gestion du département électricité. Le montant total des investissements était estimé à 20 millions de francs et la fin des travaux prévue pour 197418.
L’opération Colomba
40Colomba consista à regrouper à Colombes, après un achat à la municipalité d’un terrain mitoyen d’une filiale de l’ex-CdC, les activités de la division gaz de Montrouge. Les investissements étaiennt chiffrés à 20 millions de francs et l’achèvement des travaux programmé pour 1974.
41Les répercussions de ces opérations sur le personnel font état d’une affectation de 145 personnes de l’ex-division gaz affectées à Colombes sur un effectif de 219 salariés. La suppression des postes supprimés conduisit à la mise en cessation d’activité du personnel qui avait atteint l’âge de la retraite ; les autres devaient être reclassés à Montrouge.
42Une source syndicale précise que les opérations Ramona, Martel et Colomba avaient été précédées du licenciement de « 50 à 60 ingénieurs et cadres et plus de 200 ouvriers, employés et techniciens, sans compter les mises en cessation d’activités depuis 197019 ».
43Jean Riboud avait réalisé son objectif de recentrer et d’insérer les métiers de base de la CdC sous la raison sociale Compteurs Schlumberger dirigée par Jérôme Seydoux depuis 1971. La démission de ses fonctions de président directeur général de Compteurs Schlumberger, lors du conseil d’administration du 3 mai 1976, mettait fin à une première période de cinq ans d’adaptation aux stratégies de Schlumberger.
44Avec René Mitieus, nommé directeur général, une nouvelle ére de management se profilait avec, entre autres, le renouvellement de personnalités à la direction générale de Compteurs Schlumberger atteint par la limite d’âge.
45René Mitieus, diplômé de l’École supérieure d’électricité (ESE), après quatre ans passés chez Texas Instruments, était entré en 1972, à 48 ans, chez Schlumberger Limited pour prendre la direction générale de la Division contrôle industriel (DCI), l’une des six divisions créées aux lendemains de l’OPE lors de la restructuration des activités de la CdC20.
46À la période de 1971 à 1976, marquée par les stratégies de management initiées dès la constitution de Compteurs Schlumberger, allait succéder une autre séquence de vie de l’entreprise, davantage marquée par un management à l’américaine.
Le management de Compteurs Schlumberger (1976-1987)
47En 1976, René Mitieus considérant qu’après six ans d’activité l’appellation Compteurs Schlumberger n’était intégrée ni par la clientèle, ni par les correspondants extérieurs, qui percevaient mal l’identité de chacune des unités, une réorganisation s’imposait.
La réorganisation des activités en groupes industriels
48Elle consista à organiser les activités de contrôle et régulation de Compteurs Schlumberger et de Malbranque-Serseg, de façon « à les répartir en groupes industriels de taille humaine exerçant leurs activités dans un secteur homogène de marché21 ».
49De cette répartition, naquirent trois sociétés filiales sous des raisons sociales plus représentatives de leur activité :
Enertec : électricité et électronique ;
Flonic : eau, gaz, chaleur, mécanique ;
Sereg : contrôle industriel et vannes.
50Chaque société avait sous sa coupe les usines, les agences et les filiales étrangères relevant de son activité propre, avec l’obligation de se concentrer pour créer un Groupement d’intérêt économique pour la recherche (GIERS), destiné à assurer la direction des Études, le fonctionnement d’un laboratoire central et d’un service des brevets22.
51Schlumberger instruments & systèmes (SIS) avait connu, en 1975, un sort quasi semblable avec la constitution de trois départements autonomes :
département équipements (Villacoublay) : enregistreurs magnétiques de mesure, capteurs et systèmes de télémesure ;
département instruments (Saint-Etienne et Bagneux) : oscilloscopes, fréquencemètres, synthétiseurs de fréquence et instrumentation nucléaire ;
département audio-professionnel (Rueil) : équipements son des studios de radio et de télévision.
52Les jauges étaient rattachées à la Division contrôle industriel (DCI) de Compteurs Schlumberger.
53Cet organigramme et les structures qu’il définissait resta en vigueur jusqu’à « la rationalisation du Groupe Schlumberger, commencée en 1983, avec la répartition des filiales par zone géographique en 1984, année de la cession aux sociétés du groupe concernées, des actions qu’il détenait dans les filiales espagnole, belge, autrichienne et d’Amérique latine »23. Cette rationalisation avait consisté à répartir les activités en lignes de produits au sein d’une entité dénommée Mesure et Régulation (Measurement and Control), relevant de la maison mère Schlumberger Limited.
54La holding CDC, qui avait alors pour vocation essentielle de développer ses filiales françaises, avait acquis une participation majoritaire dans Benson SA, société française spécialisée dans la conception et la fabrication de systèmes de dessin assistés par ordinateur. La poursuite de l’acquisition de cette société à hauteur de 96,8 % du capital, l’intégra au sein des filiales françaises de Schlumberger Limited : Aster-Boutillon, CGST-SAVE, CICO, Comptage immobilier et Vector24.
55Les opérations de 1983 qui eurent pour résultat de libérer des locaux de Montrouge conduisirent à mettre à l’ordre du jour, la rénovation du site de Montrouge25.
La rénovation du site de l’ex CdC
56Après une série de rencontres entre maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage, organisées en 1984 et 1985 par l’Institut français d’architecture et la Caisse des dépôts et consignations, la rénovation devait être réalisée selon le thème « Construit dans le construit ».
57La première de ces rencontres réunit à Montrouge les architectes Renzo Piano et Noriyaki Obake, l’architecte paysagiste Alexandre Chemetoffet Alain Vincent, responsable du département immobilier chez Schlumberger ainsi que Robert Duperrier, chargé de la réhabilitation des 12 500 m2 de l’usine, (135 000 m2 planchers de l’ensemble construit), dans un délai très court afin d’éviter de perturber le travail des 2 200 salariés restés sur place26.
58Renzo Piano et son équipe étaient retenus pour transformer l’îlot industriel classique en un hôtel industriel accueillant les différentes activités de sociétés du Groupe Schlumberger.
59Deux dispositions principales étaient mises en œuvre : l’organisation fonctionnelle de l’ensemble par la création d’un espace commun de desserte de tous les bâtiments et la réalisation d’un forum regroupant tous les services communs. Elles devaient restituer une unité visuelle du cadre industriel, tout en favorisant son intégration dans la commune par l’aménagement d’un parc de quatre hectares ouvrant sur la ville27.
60L’inauguration du site eut lieu en 1985, sans la participation de Jean Riboud, président-directeur général de Schlumberger Limited pendant vingt-cinq ans, décédé à 65 ans le 20 octobre.
61Cette année 1985 fut déclarée « année de tristesse et de frustration durant laquelle l’industrie pétrolière fut fortement secouée, tandis que l’industrie des semi-conducteurs traversait la crise la plus sévère de son histoire et alors que les autres industries, que ce soit aux États-Unis, en Europe ou au Japon restaient dans l’expectative, chacun attendant un signal annonçant la maîtrise de l’inflation et donc la fin de l’austérité28 ».
62Les différentes stratégies de restructurations industrielles et juridiques perdurèrent au sein de Compteurs Schlumberger, au gré des événements et des opportunités, dictées par la préoccupation de s’imposer sur un marché devenu de plus en plus concurrentiel. La succession de ces restructurations, accompagnées le plus souvent de réductions d’effectif, ne manquèrent pas de constituer une source d’inquiétude permanente pour le personnel.
63Un tract syndical mentionne, qu’entre 1977 et 1985, l’effectif d’Enertec était passé de 5 000 emplois à 3 800 (-24 %), celui de Flonic de 4 700 à 2 200 (-54 %) et celui de Sereg de 2 900 à 1 800 (-38 %)29.
La restructuration de 1987
64En 1987, les filiales à taille humaine, créées en 1976 pour pallier les inconvénients du regroupement des activités de la CdC sous le logo Compteurs Schlumberger, n’apparaissaient plus judicieuses, au motif « qu’il était jugé plus opportun de les réunir sous le seul nom de Schlumberger, fort de sa réputation mondiale de haute technicité et de solidité financière constituant le plus grand dénominateur commun susceptible de se substituer à sept marques en crédibilisant ainsi l’ensemble pour les clients30 ».
65L’initiateur de cette restructuration, René Mitieus, devenu no 2 de Schlumberger, la justifiait auprès du personnel et des actionnaires réunis en assemblée générale : « Pourquoi se priver du nom de Schlumberger et apparaître plus petit que l’on est31 ? »
« L’ensemble des activités pouvait ainsi bénéficier d’une meilleure identité auprès de la clientèle et profiter de l’image de service, de qualité, de probité commerciale et de puissance industrielle qui s’attache au nom de Schlumberger, le seul nom devant être dorénavant utilisé pour la totalité des groupes opérationnelles32. »
66L’opération prévoyait la fusion-absorption des sociétés Enertec, Flonic, Sereg ainsi que celles des filiales Adret, Benson SA, Câbles Vector et Volucompteurs Aster Boutillon. Ainsi naquit la société anonyme Schlumberger Industries qui avait son siège social à Montrouge 50, avenue Jean-Jaurès, filiale de Schlumberger Limited. René Mitieus était nommé président-directeur général de la nouvelle entité industrielle qui était répartie en groupes industriels :
Électricité ;
Eau & Gaz ;
Régulation & Capteurs ;
Transactions Électroniques ;
Systèmes de Défense ;
Division Graphique ;
Division Instruments – Division Testeurs33.
67La nouvelle entité était intégrée dans l’organigramme général de Schlumberger de 1987 ci-après :
68Compteurs Schlumberger, héritière de la CdC, dont une belle page de l’histoire avait été tournée en 1970, voyait en 1987, après quinze ans de tribulations juridiques, les activités traditionnelles et l’image de son ancêtre, s’évanouir dans la nébuleuse de la multinationale parapétrolière, après avoir fait sienne, durant un siècle, la devise d’Albert Pérard :
« La mesure est sans doute et avant tout le garant de la bonne foi des transactions. C’est aussi le guide sûr de toute action réfléchie, le stimulant puissant de la recherche scientifique, et il n’est pas d’industrie moderne dont elle ne conditionne les progrès34. »
Notes de bas de page
1 L’immeuble du siège administratif de la CdC 3, rue Dosne, Paris 16e avait été vendu.
2 Ibid. Assemblée générale extraordinaire 22 décembre 1970 et archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e.
3 Ibid. Assemblée générale extraordinaire 22 décembre 1970 et Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e.
4 Id.
5 Entretien avec André Cazalas à son domicile parisien, rue du Ranelagh le 31 juillet 2003.
6 Archives Schlumberger, 42, rue Saint Dominique Paris 7e.
7 Archives du Centre Malher, Paris Panthéon Sorbonne, Fonds Le Bras, tract 11 décembre 1969.
8 Id.
9 Ibid. Rapport annuel de 1970.
10 Id.
11 Archives du Centre Malher, Paris 1 Panthéon Sorbonne. Fonds Le Bras, CdC, carton no 5, tract de la CFDT, Compteurs Schlumberger du 14 décembre 1973.
12 Archives Schlumberger, 42, rue Saint Dominique Paris 7e.
13 Entretiens le 27 mai 2004 avec Jean-François Sulzer et le 8 juin 2004 avec Jean-Paul Bize, alors en charge d’entités de Schlumberger relevant antérieurement d’activités de CdC.
14 Cf. p. 341, (organigramme 1971).
15 Cf. p. 336.
16 Archives du Centre Malher, Paris 1 Panthéon Sorbonne. Fonds Le Bras, CdC, carton no 5. tract de la CGT du 25 octobre 1973.
17 Film de Véronique Sanson réalisé en 1993 avec Isabelle Martin et Rosy Chamullas (dix ans après leur licenciement), par Les Films du Village, distribué par Images de la Culture à Paris 16e.
18 Ibid., l’opération Martel n’est pas commentée par le tract du 25 octobre 1973.
19 Archives du Centre Malher, Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Fonds Le Bras, CdC carton no 5. Tract de l’ensemble des syndicats CFDT, CFTC, CGC, CGT, CGT-FO du 12 avril 1973.
20 Archives Schlumberger, 42 rue Saint-Dominique à Paris 7e (assemblée générale ordinaire 18 juin 1974), entretien avec René Mitieus le 22 janvier 2004.
21 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e.
22 Ibid. Assemblée générale extraordinaire 28 juin 1977.
23 Id. 4 avril 1984.
24 Id. 26 avril 1983 et 24 avril 1984.
25 Le Moniteur des travaux publics du 30 septembre 1983 p. 60 mentionne le projet Schlumberger dans l’ouvrage : Renzo Piano, projets et architecture, 1964-1983, Paris, Éditions Le Moniteur, 1983.
26 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e.
27 Ibid. Assemblées générales ordinaires 26 avril 1983, 24 avril 1984, Architecture d’aujourd’hui (juin 1984) et Techniques & architecture (mai 1985).
28 Ibid. Assemblée générale ordinaire 30 avril 1986 de Compteurs Schlumberger et rapport annuel Schlumberger Limited 1985.
29 Tract du 23 juin 1986 du PCF, cellule Jacques Duclos, Schlumberger Montrouge.
30 Note interne Schlumberger du 12 mars 1987.
31 L’Usine Nouvelle, no 38 du 17 septembre 1987.
32 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e. Assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 29 juin 1987.
33 Ibid. Assemblée Générale Ordinaire Schlumberger Industries 28 juin 1988.
34 Albert Pérard (1880-1960), membre de l’Institut, membre du bureau des Longitudes, directeur honoraire du bureau international des Poids et Mesure.
Notes de fin
1 Le bulletin Compteurs Schlumberger no 11 de juin 1973, fait état de la présence de Jean Tessera à la tête de la division énergie, composée de deux unités, les départements équipements électriques et tarification électrique, qui employait 3 280 personnes, réparties dans les anciens établissements de la CdC de la région parisienne : Montrouge, Massy, Gentilly, Paris (rue Saint-Maur), Issy-les-Moulineaux et Poitiers.
2 Un article dans le même bulletin fait état de la nomination de Jean Tessera au poste de directeur du centre de recherches de Montrouge chargé, pour l’Europe, de l’ensemble des recherches d’instrumentation du groupe Compteurs Schlumberger, Malbranque-Serseg et Schlumberger Instruments & Systèmes.
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Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008