Chapitre IX. L’entrée en lice de la BPPB et le destin scellé de la Cdc
p. 291-336
Texte intégral
1En 1961, la présence bancaire au sein du conseil d’administration de la CdC en la personne de Louis Bricard, n’était pas une première. Elle existait déjà en 1888 à titre personnel et privé avec, parmi ses administrateurs, Émile Mercet de la Banque Périer, Mercet & Cie, Jules Rostand de la Banque Rostand, Deschamps & Cie. En 1910, Jules Rostand, président du CNEP, devenait président du conseil d’administration, fonction qu’il occupa jusqu’en 1930, où il fut remplacé par Albert Petsche avec, à ses côtés, Paul Boyer, autre président du CNEP. De cette représentation physique bancaire, on passe à la représentativité d’une personne morale. La Banque de Paris et des Pays-Bas (BPPB) était devenue « le représentant du groupe actionnaire le plus important apte à siéger au conseil d’administration et à jouer le rôle de partenaire actif par ses conseils, son réseau de relations et son appui financier1 ».
La BPPB et ses stratégies de management de la CdC
2La Banque de Paris et des Pays-Bas (BPPB), née en 1872 (contemporaine de la petite société de Gabriel Chamon), résulta de la fusion de deux banques : la Banque de crédit et de dépôt des Pays-Bas fondée en 1863, et la Banque de Paris créée en 1869 à Amsterdam. La BPPB, Fondamentalement, banque axée sur les affaires internationales, manifestait un intérêt mesuré pour l’industrie2. Néanmoins, en 1945, pour échapper aux nationalisations bancaires, la banque optait pour le statut de banque d’affaires que lui offrait offert la loi du 2 décembre 1945.
3Louis Bricard, âgé de 63 ans en 1961, grâce à sa carrière à la BPPB, « avait une longue expérience des affaires industrielles et une compétence financière connue de tous3 ». Il devait la mettre au service de la CdC aux côtés de Pierre Heeley et de Marcel Boyer, reconduits dans leurs fonctions opérationnelles et fonctionnelles, de directeur général, pour le premier, et de directeur administratif pour le second.
4Pierre Heeley, exactement contemporain de Louis Bricard, présentait à l’époque, un palmarès axé sur les activités industrielles de nombreuses entreprises et affichait un profil de capitaine d’industrie :
5Président de Carbonisation, entreprise et céramique (CEC),
6Vice-président de la Société de constructions métalliques et entreprises (SCME), administrateur des sociétés : Gaz à l’eau et gaz industriels (GEGI), ONIA-GEGI, Fives-Lille-Cail, Établissements céramiques Charles Fourmaintraux, Delassus, CEC à Desvres, Compagnie française Thomson-Houston-Hotchkiss-Brandt.
7Président de Stabilimenti Elettrotecnici di Barlassina (SEB) à Milan, Stabilimenti Siry Chamon à Milan CEC Iberica, CdC Great Britain Ltd à Londres4.
8À l’heure où Louis Bricard faisait son entrée à la présidence de la CdC, une déclaration de la BPPB fournissait un éclairage sur son opinion de l’entreprise :
« Nous avons resserré nos liens avec la Compagnie des Compteurs qui détient une position de premier plan dans la fabrication des compteurs, de gaz et d’électricité et de divers matériels électriques et électroniques de mesure. Son chiffre d’affaires a dépassé NF 200 millions en 1960, celui de ses filiales françaises et étrangères a été du même ordre de grandeur5. »
9Un écho semblable existe dans une note interne de la BPPB du 1er juin 1962, intitulée Etudes :
« La CdC qui occupe une place prépondérante en France dans la fabrication des compteurs d’eau, de gaz et d’électricité, possède un département d’appareils de protections et de mesures électriques, qui se situe dans les premiers rangs sur le marché européen à côté de Brown Boveri, Siemens et ASCA. Elle a créé un département techniques nouvelles qui s’intéresse à de nombreuses applications : contrôle des trajectoires d’engins balistiques, contrôle des piles nucléaires, contrôle et enregistrement magnétique6. »
10Sans préjuger des intentions de la BPPB quant au futur de la CdC, la stratégie de « mergers & acquisitions » de la banque, affichée dès les années 1950 – en adéquation avec la politique gouvernementale relative à la concentration des activités d’une même branche industrielle7 – laissait augurer d’opérations auxquelles la banque avait participé en 1957, soit une soixantaine de rapprochements, dont ceux de Fives-Lille avec Cail et la CSF, la SFR avec Sadir Carpentier et celui, en 1960, des Cartonneries de la Rochette avec Cenpa8.
La CdC, entre décentralisations et concentrations
11Dans ces mêmes années, avec son usine de Montrouge devenue trop petite et un effectif en hausse de plus de 1 000 personnes, la CdC s’était engagée dans une politique de décentralisations d’activités impulsée par Pierre Heeley. Elle visait à constituer un groupe cohérent, en adéquation avec la politique immobilière de la ville de Montrouge, de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne, élaboré par Paul Delouvrier, dans l’optique de la politique gouvernementale de décentralisation vers la province, sous l’égide de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR).
12La localisation à Massy, à la fin des années 1950 dans la banlieue sud de Paris des « activités nouvelles », avait constitué une amorce de la politique de décentralisation. Cependant, c’est le transfert en province de la fabrication des compteurs d’électricité de grandes séries, initié par Pierre Heeley, fondé sur une étude réalisée à la demande du ministère de l’Industrie par le Centre national de recherches scientifiques (CNRS)9, qui marque le point de départ de la décentralisation à la CdC.
13Le choix du lieu propice à la décentralisation de la fabrication des compteurs électriques se porta sur Poitiers, qui disposait d’une main-d’œuvre locale excédentaire, de capacités scolaires et universitaires, de liaisons routières et ferroviaires faciles avec la capitale, sans crise du logement et pourvue d’une zone industrielle bien structurée avec des industries traditionnelles.
14La première pierre d’une usine spécialement conçue, selon les préconisations de Pierre Heeley, pour réaliser les chaînes de fabrication de compteurs d’électricité, fut posée par ses soins le 29 juin 1961. Les travaux de génie civil débutèrent en août 1961, le démarrage de l’usine étant prévu pour le printemps de 1962. Officiellement ouverte le 24 avril 1962, elle employait en novembre 300 personnes, effectif porté rapidement à 500 environ, dont plus de 60 % de personnel féminin10. Le personnel qui n’avait pas suivi fut reclassé dans différents services de Montrouge.
15Une seconde décentralisation d’envergure était envisagée dès 1966. Elle répondait à une demande des Pouvoirs publics d’ouverture de débouchés à une main-d’œuvre disponible dans la région de Châteauroux. La délocalisation dans cette région, de l’atelier de fonderie du site de Montrouge, devait permettre d’affecter les locaux montrougiens libérés à une industrie plus légère après une restructuration.
16Une offre d’achat de la Société d’équipement de l’Indre d’un terrain, dans la récente zone industrielle de Châteauroux de 103 100 m2 pour 824 800 F, payable en trois termes échelonnés, fut acceptée sous les conditions suspensives d’octroi d’avantages et de primes d’adaptation, réservés aux implantations nouvelles, et de l’obtention de financements spéciaux du Fonds de développement économique et social et du Crédit national. Les prêts consentis par l’État de cinq millions et du Crédit national de quatre millions pour les bâtiments, permirent d’édifier la nouvelle usine.
17L’usine de Châteauroux, construite sur un terrain de 26 000 m2 selon le principe du vide technique avec une dalle de 7 000 m2 en sous-sol, pouvait recevoir des installations annexes, tandis qu’un bâtiment, avec une toiture en sheds à deux hauteurs était susceptible d’accueillir les ateliers de moulage et d’usinage. Les bureaux pouvaient être installés en façade du bâtiment.
Fig. 43 – L’usine de Poitiers
18À part quelques incidents au cours du déménagement, les premiers ateliers fonctionnaient le 16 avril 1968, avec un personnel d’encadrement provenant en majorité de Montrouge, tandis que le personnel de fabrication était recruté sur place. Avec la mise en service, le 24 avril, de la première machine à mouler sous pression, l’effectif dépassait 200 personnes11.
19L’atelier de fabrication de moules pour l’injection des métaux et des matières plastiques, qui avait été créé en 1964 à Vierzon, suite à l’achat d’une petite usine de 715 m2 au prix de 188 000 F, bâtie sur un terrain de 1 350 m2, était rattaché administrativement au site de Châteauroux fin 196912. En liaison constante avec le bureau d’études de Châteauroux, l’atelier occupait 48 personnes, dont 35 polyvalentes affectées à la fabrication.
20Suite aux décentralisations d’activités à Poitiers et à Châteauroux, la restructuration du site de Montrouge permit d’y réinstaller en 1963 sa filiale Contrôle et Régulation, qui avait été transférée en 1949 à Paris 14e, 48, rue Pernety13.
Fig. 44 – L’usine de Châteauroux
21L’immeuble de la rue Pernety, propriété de la Société immobilière de la rue Pernety, filiale de la CdC, loué à Contrôle et Régulation, était inclus dans l’ensemble d’urbanisme parisien dépendant de la société d’économie mixte Rénovation Plaisance. Le rachat, par la Compagnie financière de Suez (1 690 000 F, valeur de l’immeuble occupé et de l’indemnité d’éviction du locataire commercial), constitua une bonne opération financière14.
22Dans ce même secteur du contrôle et de la régulation, la CdC, avait opportunément renforcé sa position en acceptant une proposition de M. Dryer, propriétaire de la société SARL Microsen, au capital de 35 000 F, qui offrait de vendre 90 % de ses parts pour 765 000 F15.
23Dans le cadre de ses relations avec Gaz de France, favorable à une concentration rationnelle des fabrications de compteurs de gaz, la CdC décida de réunir, sur un même site, deux de ses sociétés relevant de ce domaine, dans lesquelles elle avait une participation : la Société industrielle des compteurs 70, rue Saint Blaise à Paris 20e, et la Compagnie continentale des compteurs, située à Colombes. La première faisant apport à la seconde de sa branche compteurs de gaz, l’ensemble des fabrications, antérieurement réparties entre les deux sociétés, était désormais assuré au siège de La continentale16.
24Une autre filiale, importante au sein du groupe, la Compagnie générale de construction de fours (CGCF), intégra des locaux libérés à Montrouge où elle accueillit le personnel et le matériel de la société Disticoke, à la suite de la vente de l’immeuble de cette société, rue d’Artois à Paris. Afin de réaliser cette opération, la CdC consentit un prêt de 1 500 000 F à CGCF, qui prit pour dénomination sociale Carbonisation entreprise et céramique (CEC) et pour siège le 8, place des États-Unis à Montrouge17.
25L’entreprise devint l’un des plus importants ensembles de fabrication céramique en France avec quatre usines de produits réfractaires et deux usines de céramique sanitaire et de nombreuses carrières. Son potentiel fut encore renforcé avec sa prise de contrôle, en 1966, de la Société céramique de l’Aube, à proximité de son usine d’Alès, de la Société nouvelle des Éts Muller et de la Société des produits réfractaires de Cambrai18.
Fig. 45 – Les Établissements Walter à Gentilly
Fig. 46 – Les Établissements Walter – Hall de montage
26En 1967, faute encore de place à Montrouge, le service transformateurs relevant du secteur traditionnel de l’électricité, était transféré dans des locaux disponibles d’une filiale, Les transformateurs de mesure Walter (créés en 1918 par M. Walter) localisée à proximité la CdC, à Gentilly 64, avenue Lénine.
27Autre concentration réalisée en 1967 : la Société de construction d’appareils pour gaz à l’eau et gaz industriels, connue sous le nom de GEGI, devint ONIA-GEGI, à la suite de sa coopération avec l’Office national des industries de l’azote (ONIA) dans le domaine du craquage des hydrocarbures19.
28À l’étranger, c’est la conclusion d’un accord avec la filiale belge Eau, gaz, électricité applications (EGEA), accompagnée d’une prise de participation dans la société belge concurrente Contimeter (autorisée par l’Office des changes), qui permit la constitution en décembre 1959, d’une nouvelle société belge, Contigea qui confortait la position de la CdC en Belgique20.
29Ces différentes opérations avaient généré la prise de dispositions financières qui ne différèrent guère des stratégies traditionnelles de la CdC.
Financement et management sous la présidence de Louis Bricard
30L’assemblée générale du 13 juin 1961 décida l’émission de 172 419 actions de 100 NF, permettant de porter le capital de 51 725 700 NF à 68 967 600 NF. Par incorporation de réserves et l’attribution d’actions gratuites, le capital était porté à 74 140 100 NF.
31Cette augmentation de capital avait vocation à couvrir partiellement les dépenses du programme d’investissements concernant la décentralisation de la fabrication des compteurs électriques à Poitiers. Pour compléter son financement, un crédit à moyen terme de 12 500 000 NF (réescomptable au Crédit national), fut obtenu, en août 1961, de la BPPB et du CNEP, à raison de 47,5 % chacun, l’Union des mines n’y participant qu’à hauteur de 5 %.
32Le recours à trois emprunts obligataires, lancés dans les années 1960, relevèrent eux aussi, de la tradition de la CdC :
- 35 millions en 1963 par l’émission de 175 000 obligations 5 % de 200 F, amortissables en 15 ans, à partir du 20 mars 196321 ;
- 40 millions en 1965 avec 200 000 obligations 6 % de 200 F nominal, amortissables également en 15 ans à partir du 5 septembre 1965 ;
- 30 millions par l’émission de 75 000 obligations 6,50 % de 400 F nominal, amortissables en 15 ans à partir du 3 décembre 196722 ;
33Une stratégie de financement mixte apparaît en 1963, à l’époque du IVe Plan (1962-1965), où les concentrations d’entreprises, prônées par la BPPB, s’avéraient indispensables en France face à une compétition vigoureuse.
34Un traité d’apport-fusion en date du 5 mars 1963, relève de cette nouvelle stratégie. Conclu avec la société de portefeuille Phénix, société commerciale et financière, au capital de 22 880 000 F, il devait faire passer le capital de la CdC de 74 140 100 NF à 79 420 100 F par la création de 52 800 actions de 100 F nominal, représentant l’apport de Phénix23.
35Le traité stipulait qu’un administrateur de Phénix devait entrer dans le conseil d’administration de CdC. Maurice Ponte, président du conseil d’administration de la Compagnie générale de télégraphie sans fil (CSF), fut alors élu administrateur de la CdC pour une durée de quatre ans24.
36La société Phénix, société commerciale et financière25, faisait aux termes du traité, apport à la CdC de la totalité de son actif, essentiellement constitué de 44 000 actions de la CSF de 50 F. En rémunération, Phénix reçut les 52 800 actions, créées en mars, à raison de 3 actions CdC pour 13 actions Phénix. La rémunération était jugée équitable en référence au parallélisme de la courbe des deux titres concernant les exercices 1961 et 1962.
37Conséquence de l’émission d’actions à l’occasion de l’apport de la Société Phénix, la CdC ne disposait plus que d’une faible marge d’autorisation d’augmentation de son capital. En référence à une résolution de l’assemblée générale du 14 mai 1963, autorisant à porter le capital (jusqu’à un maximum de 150 millions, en une ou plusieurs fois), une souscription était ouverte du 7 décembre 1964 au 8 janvier 1965. L’émission de 264 733 actions de 100 F, réservées de préférence aux propriétaires des actions anciennes, permit d’augmenter le capital de 26 473 300 F. Il passa ainsi de 79 420 100 F à 105 893 400 F.
38Cet apport de capitaux devait faciliter le regroupement du département de mécanique de précision à Besançon, le développement de l’usine de Poitiers, du Centre d’automatisme et du Groupement technique Spatial26.
39En 1965, la conclusion de deux conventions d’apports-fusion à la CdC, l’une avec la Société financière d’applications industrielles et commerciales, l’autre avec la société Ateliers de constructions radioélectriques de Montrouge (ACRM), permettait de porter le capital à 107 778 400 F27. Ces deux conventions donnèrent lieu à une répartition aux actionnaires de 18 850 actions de 100 F de la CdC, à raison de 3 actions créées, jouissance au 1er janvier 1965, contre 5 actions de 100 F anciennes, représentant l’apport à hauteur de 1 885 000 F28.
40Le capital de la Société financière d’applications industrielles et commerciales de 1 975 000 F, divisé en 19 750 actions de 100 F nominal, était essentiellement constitué de 9 000 actions de 100 F de la Société d’études et d’applications du vide, de l’optique et de la mécanique (SEAVOM), société au capital de 2 275 000 F, divisé en 22 750 actions, à laquelle la CdC s’était intéressée dès 196229. Possédant 9 081 actions de cette société en plein développement, la CdC saisit l’opportunité de porter sa participation à 80 %. Localisée à Argenteuil 30, rue Raspail dans des locaux insuffisants, l’achat d’un terrain de 11 000 m2 à Franconville (Seine et Oise) permit de construire une usine de 2 000 m2 environ, dénommée la SEAVOM.
41La SEAVOM, spécialisée dans le domaine du vide, développait des systèmes de simulation d’ambiance spatiale qui l’avait amenée à soumissionner à un appel d’offres international, du Centre nationale d’études spatiales (CNES), pour la fourniture d’un simulateur d’ambiance spatiale à la suite de l’apport de la société Sapratin30. Installé à Brétigny en juin 1965, il constituait la première réalisation du genre avec une technique française, et devenait une référence pour la CdC, susceptible de lui permettre de renforcer et de compléter la gamme de ses activités dans le domaine spatial : trajectographie, météorologie, mesures thermiques, hygrométriques, magnétiques, électriques.
42L’apport-fusion conclu avec les ACRM intervint moyennant la remise à ses actionnaires de 7 000 actions de 100 F nominal de la CdC, à raison de 7 actions créées, jouissance 1er janvier 1965, contre 10 actions ACRM de 100 F au nominal.
43Les ACRM, fondés par Robert Saint-Esprit en 1927, société anonyme en 1954, spécialisés dans l’étude et la fabrication de relais électromagnétiques miniatures et sub-miniatures avaient, à proximité de l’usine de Montrouge de la CdC, leurs ateliers et leurs fabrications (complémentaires de celles du secteur Relais). Avec un effectif de 150 personnes, les ACRM réalisaient des relais intégrés dans l’avion Caravelle, l’équipement d’un simulateur SEA pour le même avion et pour le Vautour de Dassault Aviation. Les ACRM furent rattachés au département électricité de Montrouge en 196631.
44En marge de cette variante en matière de stratégies financières instillées par la BPPB, la CdC poursuivait sa politique d’expansion industrielle. En 1963, elle crée une filiale, la Société électronique et mécanique d’Aquitaine (AQMEL), dans une usine à Billère, dans la banlieue de Pau. Constituée grâce à la participation de la Société nationale des pétroles d’Aquitaine (SNPA) et la coopération industrielle de ses centres de recherches de Pau et de Lacq, la société AQMEL devait mettre au point et fabriquer en série un analyseur automatique dans ses ateliers palois et, ultérieurement, réaliser des chromatographes32.
45La SNPA, société française, dont l’État possédait la majorité des actions par le biais du bureau de recherche pétrolière, comptait parmi ses actionnaires la Compagnie française des pétroles (CFP) et la Société française des pétroles (BP)33.
46AQMEL était incluse dans une filiale dévolue à l’instrumentation, la Compagnie européenne de régulation (CEREG)34 qui, en 1963, avait réuni à Montrouge Contrôle et Régulation et, en 1966, la Société Microsen (dans le groupe depuis 1961).
47En 1965, une filiale ressortant du secteur paramédical, Etudes et constructions électromécaniques et médicales (ECEM), était aussi créée rue de Flandre à Paris 19e. Elle employait 80 personnes hautement qualifiées.
48La disparition de Louis Bricard, le 29 juillet 1965 amena au sein de la CdC un autre administrateur de la BPPB, Raymond-Maurice Doumenc35. Coopté quelques mois plus tôt, il était dorénavant, aux côtés de Pierre Heeley président-directeur général, reconduit dans ses fonctions fonctionnelles et opérationnelles, assisté de Jacques Formery, directeur-général (X37 et Ponts) à la CdC depuis 1953, et de Jacques Poujol, directeur Général Adjoint (Supélec) depuis 193436.
Fig. 47 – L’usine AQMEL à Pau
Fig. 48 – Un instrument : « l’hygromètre »
49Raymond-Maurice Doumenc, (X39 et Mines) avait commencé sa carrière comme ingénieur à l’arrondissement minéralogique de Saint-Étienne (1944-1947). Professeur à l’École supérieure des mines de Saint-Étienne (1947-1950), directeur général des Charbonnages nord-africains (1950-1956), directeur de l’Omnium nord-africain (1956-1959), il devint en 1967 directeur général adjoint de BPPB et, en 1968, administrateur de la Compagnie financière de Paris et des Pays-Bas.
50Le palmarès de ce banquier quadragénaire, bien imprégné des stratégies de mergers & acquisitions de la BPPB, a conduit à voir celles qu’il mit en place à la CdC.
À l’ère de la vice-présidence de Raymond-Maurice Doumenc
51À l’heure où il accédait à la présidence du conseil d’administration de la CdC, le processus d’expansion et de restructuration, largement engagé par Pierre Heeley, était toujours à l’ordre du jour.
52En 1966, la société Charvet Delorme (C-D), localisée à Tassin-la-Demi-Lune en région lyonnaise, où elle employait 90 personnes, entrait dans le Groupe CdC37 en raison du caractère complémentaire de ses fabrications avec celles de l’usine de Beançon. La modernité de ses ensembles d’horlogerie technique permettait à C-D de s’honorer entre autres, dans les années suivantes, de l’équipement des centrales de Pierrelatte et de Cadarache du Commissariat à l’énergie atomique.
53Charvet-Delorme, à l’heure où l’entreprise intégrait le Groupe CdC, avait l’avantage d’avoir développé une activité analogue à celle de la SETI38, société qui symbolisait l’entrée de la CdC dans le secteur de l’informatique. La production de calculateurs se poursuivit dans un contexte concurrentiel et de conflit d’intérêts, à l’heure de la création, dans le cadre du Plan Calcul, de la Compagnie internationale pour l’informatique (CII), à laquelle la Compagnie Thomson-Houston et la CdC avaient, sans succès, souhaité être associées.
54Ces deux sociétés reportèrent alors leur intérêt sur les périphériques de calculateurs et les systèmes de télégestion et créèrent à parts égales en 1966 – encouragées par les Pouvoirs Publics – la société Systèmes et périphériques associés aux calculateurs (SPERAC)39. Thomson apportait son département de télégestion, créé en 1964, et la CdC ses équipes et ses technologies de périphériques à bandes magnétiques et ses projets de disques magnétiques, localisées à Massy.
55Dans le secteur nucléaire, la CdC qui avait pris le contrôle en 1966 de la Société d’applications industrielles de la physique (SAIP) à Malakoff, spécialisée dans l’instrumentation nucléaire électronique et dans les matériels de diagnostics médicaux, augmenta sa participation dans la filiale de SAIP, Nucléomètre, spécialisée dans les applications des radio-isotopes à l’industrie. Les deux sociétés furent réunies en une seule dénommée SAIP-Nucléomètre en 196940.
56Encore en 1966, la CdC regroupa à Montrouge deux filiales, Contrôle et Régulation et Microsen (intégrée au groupe depuis 1961), pour en faire une filiale unique, dévolue à l’instrumentation, sous la raison sociale Compagnie européenne de régulation (CEREG41).
57Dans le contexte de l’année 1967, caractérisé par un ralentissement de l’expansion de l’économie française et par une compétition sévère de la concurrence42, la CdC fit, comme par le passé, appel au marché financier et lançait, en décembre, un emprunt obligataire 6,50 % de trente millions de francs, afin de poursuivre son programme de développement.
58Cependant, cette même année 1967, la BPPB introduisait un nouveau mode d’expansion, illustré par une convention établie le 13 mars 1967 :
59La BPPB faisait apport à la CdC de 58 500 actions (100 F au nominal) d’une société récemment créée au capital de 5 900 000 F, la société Omnium de financement et de participations (Ofinpar) 12, rue de Castiglione à Paris, et de 22 590 actions de 100 F de la Compagnie européenne des thermostats (CET). La BPPB recevait, en contrepartie, 28 216 actions de 100 F de la CdC, créées à cet effet, portant ainsi le capital de cette dernière à 110 600 000 F. À l’issue de l’opération, la CdC possédait 99 % du capital de la Société Ofinpar et 51 % de celui de la CET, tandis que la BPPB renforçait sa position d’actionnaire important et influent au sein du conseil d’administration43.
60L’intérêt de l’opération résidait dans le fait que la quasi-totalité de l’actif d’Ofinpar était constituée de participations, chiffrées à 14 696 468,25 F, dans deux entreprises industrielles œuvrant dans un domaine apparenté à celui de la CdC :
61Les Établissements Boutillon – société anonyme au capital de 350 000 F, dont le siège social était à Suresnes 3, rue de Saint-Cloud, dans laquelle Ofinpar possédait 66,5 % – fabriquaient des appareils de distribution d’essence dits volucompteurs. Ils se partageaient le marché avec la Société Boutillon services pétroliers (BSP), dont le siège social était à Rueil et contrôlaient 91 % de l’activité de la société Fomop, propriétaire d’installations industrielles à Alger mais dont le siège social était à Aubervilliers.
62La Compagnie européenne des thermostats (CET), au capital de 4 430 000 F dont le siège social était à Montrouge, 4 rue Marcellin Berthelot, dans laquelle Ofinpar possédait 51 %. Créée en 1960, elle avait développé une activité commerciale à Mélisey (Haute-Saône) destinée à distribuer les matériels Robertshaw. L’acquisition, réalisée en janvier 1966, du fonds de commerce de Robertshaw-Controls avait amené l’installation de l’activité industrielle d’appareils de régulation domestique de grande série dans une usine de 2 600 m2 dans la région de Reims44.
63Le renforcement du Groupe CdC se poursuivit en 1968 avec un accord de fusion conclu par La Mécanoplastique et ses filiales, les sociétés Franplatic et Baldon Plastiques installées à Montereau. Ces opérations offraient des perspectives d’avenir avec un regroupement des activités dans trois usines : Massy, Orbey et Châteauroux. En complément, une prise de participation dans la Société Dubar Autier, qui possédait deux usines, l’une à Lille, l’autre à Seclin, assura à la CdC une introduction dans le secteur des vannes pour l’industrie pétrolière45.
64À l’étranger, la transformation de l’antenne anglaise en une filiale dénommée Parkinson Cowan Compteurs, dont le siège était à Manchester, créée à 50 % avec la société Parkinson Cowan Ltd, constitua un exemple de la volonté de commercialiser, dans le Royaume-Uni, les produits dénommés Technique gaz et les appareils de comptage industriel récemment conçus par la CdC46.
65La même année, mais dans son secteur traditionnel d’activité, la CdC prit une importante participation dans les Établissements Jules Richard à Paris 19e, société plus que centenaire, de renommée internationale, spécialisée dans la construction d’appareils de mesure et de contrôle pour l’industrie et la métrologie47.
66Dans ce contexte expansionniste, la CdC décidait, en 1968, pour se soumettre aux dispositions de la loi du 24 juillet 1966, d’actualiser ses statuts. L’objet de la société devenait :
« l’étude, la fabrication, la vente et l’exploitation de tous matériels, simples ou complexes, destinés au comptage des liquides, gaz et énergies de toutes natures, ainsi qu’à toutes fonctions de mesure, analyse, détection, traitement d’informations, protection, contrôle, régulation et automatisation de tous phénomènes de nature mécanique, physique ou chimique, également de tous appareils et installations destinés à la production, la transformation, le transport, la distribution, le stockage, l’utilisation et la consommation des fluides et énergies de toutes natures :
– à ces mêmes fins, toutes entreprises, toutes prestations d’études et de services, la prise, l’achat, l’exploitation et la vente de tous brevets ;
– toutes prises de participations ou d’intérêts par voie d’acquisition, de création, d’apport, de fusion ou autrement, se rattachant directement ou indirectement à l’objet ci-dessus et, d’une façon générale toutes opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières, nécessaires ou utiles au développement des affaires de la Société48 ».
67À cette occasion, la CdC confirma sa dénomination Compagnie des Compteurs avec son sigle « CdC » inscrit dans un trapèze. La dénomination devait toujours être précédée ou suivie immédiatement de la mention société anonyme49.
68On ne peut évoquer l’année 1968 sans une référence aux événements socio-politiques qui secouèrent la France et apportèrent leur lot de perturbations au sein de la CdC, au demeurant relativement peu commentées par l’entreprise.
Les événements de Mai 1968 et le retrait des descendants du fondateur
69En février, un accord paritaire, au niveau national, avait été signé par le CNPF et les syndicats concernant l’indemnisation du chômage partiel. Alors que fin mars, la CFDT et la CGT s’étaient entendues pour préparer une journée d’action le 17 mai, le mouvement étudiant avait éclaté le 10 entraînant la « grande nuit des barricades ». « L’ordre de grève générale de 24 heures était lancé pour le 13 mai. Le mouvement de grève avec occupation des usines se généralisa du 17 au 20 mai : l’économie du pays était presque paralysée dans les jours suivants50. »
70À la CdC à Montrouge, les blouses bleues, en majorité des OS au nombre de trois mille, lancèrent, après une réunion tenue dans la cour de l’usine par les délégués syndicaux, l’ordre de grève avec occupation des locaux le vendredi 17 mai. Les grévistes, défilant dans les couloirs des différents services enjoignaient le personnel, (plus de 6 000 personnes), à évacuer les locaux et les parkings intérieurs et à se rassembler entre les entrées de l’avenue Jean Jaurès et de la place des États-Unis. À l’aide de porte-voix, ils informèrent le personnel du ralliement au mot d’ordre de grève générale, lui donnant pour consigne de se porter à l’écoute d’informations, qui seraient diffusées par la radio, fournies par téléphone ou par le bouche-à-oreille, en vue de rassemblements au même lieu dans les jours suivants.
71Des ingénieurs, responsables de l’exécution de contrats commerciaux, exigeant une continuité coûte que coûte, purent quitter les lieux avec les dossiers concernés sans opposition des grévistes, et se replier soit dans des locaux administratifs de certaines filiales parisiennes non touchées par la grève, soit au siège social parisien 3, rue Dosne, afin de rester en contact avec les clients intéressés51.
72Des contacts furent maintenus entre la direction du personnel, les délégués syndicaux et les délégués du Comité central d’entreprise (CCE) durant les trois semaines de l’occupation de l’usine de Montrouge. Plus ou moins tendus52, jamais rompus, il en était rendu compte lors des rassemblements du personnel (entre les places Jean Jaurès et des États-Unis), afin de l’informer de l’évolution de la situation.
73Des négociations aboutirent, notamment sur un point crucial pour le personnel, le versement d’un acompte sur la paie du mois de mai. Il fut organisé et réalisé, sous la responsabilité de la direction du personnel en présence de délégués syndicaux et du comité d’entreprise, à l’entrée d’un local de la CdC, rue Marcellin Berthelot à Montrouge53.
74Le développement des mouvements de grève et leur évolution avaient bien été appréhendés par la direction du personnel comme le montre un commentaire publié, a posteriori, sur la négociation de Grenelle :
« qui avait débuté le 25 mai pour aboutir le 27 au protocole de Grenelle jamais signé. Le jeudi 30 mai la grève, encore quasi générale, les événements se succèdent : dissolution de l’Assemblée nationale, annonce des élections législatives, manifestations en faveur du régime. La reprise du travail s’amorce le 5 juin 1968 (SNCF, RATP), tandis que la métallurgie, principalement la construction automobile, résiste à la cessation du conflit. Renault, Peugeot, Citroën connurent de 33 à 36 jours de grève54 ».
75À la CdC, la reprise dans des ateliers et bureaux, dont l’intégrité avait été assurée par les ouvriers en grève, qui avaient particulièrement veillé au respect des installations, s’échelonna dans le calme entre 4 et le 17 juin selon les établissements, avec la perspective, pour le personnel, de l’application des accords conclus « dans l’esprit des réformes législatives et des accords réalisés à l’échelon national » incluant55 :
- augmentation du SMIG de 37 % pour la dernière zone industrielle ;
- projet de loi sur l’exercice des droits syndicaux ;
- loi sur la formation professionnelle accordant aux salariés la possibilité de suivre des cours en recevant une rémunération substantielle ;
- relance du droit conventionnel en matière de salaires, fixation de la durée du travail, droits syndicaux, âge de la retraite.
76À propos de l’âge de la retraite, une lettre du groupe des personnes âgées du groupe Compteurs avait été adressée le 30 mai 1968 aux autorités gouvernementales et à la direction de la CdC, exprimant le refus des membres du personnel destinés à être mis d’office en retraite à 55 ans, qui demandaient à travailler jusqu’à 60 ans pour bénéficier d’une retraite au même taux qu’à 65 ans56.
77Dans le cadre des accords signés le 11 octobre et le 18 décembre 1968 entre l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) et les Fédérations syndicales de la métallurgie (FIMMTM), la CdC avait signé un accord la concernant portant sur les points suivants :
- augmentations des salaires et appointements dans le cadre des accords de Grenelle, réduction des horaires de travail avec généralisation de l’horaire hebdomadaire de 45 heures à tous les établissements de la CdC ;
- amélioration de l’allocation d’ancienneté du personnel horaire ;
- mensualisation partielle des ouvriers professionnels et extension des catégories de maîtres-ouvriers57 ;
- modalité de paiement et de récupération des heures de grève ;
- mise en place de la commission de formation et d’emploi du personnel ;
- réunions des délégations du personnel aux échelons départements ;
- réorganisation de la commission paritaire.
78Alors que l’activité avait repris normalement après les événements du mois de mai, Pierre Heeley estimant les perspectives d’avenir préoccupantes, pour la profession en général et pour la CdC en particulier, annonça au conseil d’administration lors de la séance du 2 juillet 1968, jour de ses 70 ans, sa décision de renoncer à son mandat de président-directeur général et proposa au conseil d’administration de désigner, le vice-président, Raymond-Maurice Doumenc pour lui succéder58.
79Pierre Heeley, en devenant simplement président d’honneur, conjointement avec Jean Le Duc, Marcel Boyer, en abandonnant ses fonctions de directeur général adjoint mais demeurant administrateur, laissait la direction de la CdC à la BPPB. Il mettait un terme à la dynastie familiale industrielle des Chamon. Seul Bernard Heeley, fils de Pierre, représentait encore la famille dans une filiale de l’entreprise.
80Bernard Heeley, né en novembre 1928, Ingénieur (ESE 1953), avait effectué son service militaire dans la Marine nationale. À son issue, son père, à l’instar de son propre parcours, considérant que Bernard ignorait tout de l’industrie, lui fit faire un stage chez Alsthom durant un an comme OS tôlier. Bernard Heeley intégrait la CdC en février 1957 au service des appareils de mesure. En 1964, il était affecté au département électricité, service des transformateurs de mesure, avant de devenir, en 1967, directeur de la Société des anciens établissements E. Walter, filiale de la CdC, à l’occasion du transfert du secteur « transformateurs » de la CdC dans cet établissement59.
81Après son retrait de la CdC Pierre Heeley maintint ses mandats au sein des conseils d’administration de plusieurs entreprises, ainsi que ceux qui lui avaient été confiés dans différents organismes syndicaux patronaux. Ainsi, il demeurait :
- président de la chambre syndicale des fabricants de compteurs d’eau et autres appareils de contrôle pour l’eau et autres liquides ;
- membre du comité directeur et du conseil d’administration de la Fédération des industries mécaniques et transformatrices des métaux (FIMT) ;
- membre du Groupe des industries métallurgiques et minières (GIMM), du conseil d’administration de la chambre syndicale de la mécanique de haute précision et du Comité de Stabilimenti Siry Chamon (Milan) ;
- président de CEC Iberica (Madrid), administrateur de CdC (SA Genève), de Compania de Contadores (Barcelone), de CdC Great Britain60.
82L’administrateur de la BPPB, Raymond-Maurice Doumenc, adoubé en 1966, était dorénavant à la tête de la CdC avec à ses côtés un ingénieur engagé en juin 1968, Robert Counoy (Mines 49), nommé directeur à la direction générale « chargé de l’étude et de la préparation des affaires nouvelles61 ».
La présidence à part entière et le jugement à la Salomon de la BPPB
83À l’occasion de l’assemblée générale du 30 juin 1969, Raymond-Maurice Doumenc mentionnait les effets d’un « long arrêt » de l’activité et des répercussions économiques qui en avaient résulté « notamment dans le cas des activités d’électronique, très sensibles aux fluctuations de conjoncture et qui, devant les retards et l’étalement des marchés publics, ont exigé un effort d’adaptation d’autant plus important qu’elles vivaient auparavant dans une optique de rapide expansion ».
84Dans un éditorial annexé dans le Bulletin CdC été 1969, le nouveau président précisait qu’il était nécessaire, après une année 1968 difficile, « de forcer l’allure, compte tenu des charges nouvelles et d’une concurrence nationale et internationale qui ne désarme pas. Une gestion stricte et efficace est de plus en plus que jamais nécessaire pour rendre les diverses activités de plus en plus compétitives ».
85Les activités de la CdC sont réparties en branches62 : Électricité, Électronique, Fluides (départements Liquides et Gaz inclus), Mécanique et Activités diverses (SEAVOM, Mécanoplastique, ONIA-GEGI, CEC) dotées de moyens informatiques de contrôle de la production, de méthodes de prévision et de contrôle budgétaire63.
86Simultanément à ces premières restructurations fonctionnelles, opérées dès l’entrée en fonction de Raymond-Maurice Doumenc, des mesures destinées à financer le programme de développement envisagé, avaient été engagées.
87Le conseil d’administration, dans sa séance du 10 décembre, décidait de porter le capital de CdC à 147 600 600 F par l’émission de 368 666 actions nouvelles de 100 F nominal64. Le conseil entérinait également des actes d’apport-fusions, réalisés par l’intermédiaire d’organismes financiers65, qui officialisaient l’absorption par la CdC de :
- la Société Seguin-Sergot (Serseg), qui possédait trois usines à Lyon, Mâcon et Ruffec ;
- la Société des anciens établissements E. Walter, de la Société financière d’analyses industrielles et commerciales (Sofianco) ;
- la Société marseillaise d’études et de financement et de la Société générale commerciale et financière.
88En rémunération de ces apports, 405 334 actions de 100 F furent créées. Le capital de CdC s’élevait à 188 000 000 F, divisé en 1 880 000 actions de 100 F66.
89La restructuration des activités industrielles se poursuivit ensuite par le biais de cessions ou de concentrations d’activités similaires67 :
90Les Usines métallurgiques de Marquise, qui assuraient la fabrication et l’usinage des ensembles à base d’acier et de fonte moulés mais qui travaillaient surtout pour la clientèle extérieure, étaient cédées par le biais d’un apport à la Société générale de centrifugation, filiale à 50 % de la Société générale de fonderie et des Établissements métallurgiques A. Dufrenne et du Val d’Osne. La première faisait, en outre, l’apport d’une fonderie située à Antoigne (Sarthe) et de son activité mécanique de Soissons, la seconde de ses usines de fonderie et de mécanique de Wassy et Sonnevoire68. À l’issue de l’opération, la CdC possédait 34 % de la Société générale de fonderie.
91La Fonderie de Choisy, qui jouissait d’une excellente réputation mais connaissait des difficultés financières et devait procéder à une décentralisation, était intégrée à la Fonderie de Châteauroux de la CdC.
92Dans le secteur de l’électricité, les compteurs triphasés fabriqués à Montrouge et les compteurs monophasés à la Compagnie de construction électrique (CCE) étaient regroupés à Poitiers. La création simultanée avec la Société Baco de Strasbourg, d’une société commune de fabrication des disjoncteurs, amena la fermeture de l’usine principale de la CCE d’Issy-les Moulineaux.
93Dans le secteur des compteurs d’eau, les fabrications des usines de la CdC et de la Société Vincent Frères étaient rassemblées au sein de la Société industrielle de fabrication des compteurs d’eau tandis que, dans le domaine des hydrocarbures, un accord conclu entre la Société Boutillon et la Société des compteurs & moteurs Aster menait à la constitution de la Société Volucompteurs Aster-Boutillon.
94Dans le secteur de la robinetterie pour l’industrie pétrolière, une prise de participation, à hauteur de 40 % du capital de la SA Marcel Malbranque, localisée à Illies (Nord), et la fusion d’une partie de la filiale de CdC, Dubar & Autier, devaient placer la Société Malbranque en tête des sociétés européennes de sa spécialité.
95Afin de réaliser un ensemble à l’échelle européenne, le secteur de la régulation industrielle faisait l’objet d’un regroupement, au sein de CEREG, des activités d’AQMEL et de celles de la société Appareils de précision et de contrôle (APC), localisée rue de l’Eglise à Paris 15e, dont la CdC avait pris le contrôle.
96Dans le domaine de l’informatique, les retombées négatives de la convention « Périphériques » (signée le 28 juin 1968 dans le cadre du Plan Calcul, par les présidents de SPERAC et des sociétés mères) sur les systèmes développés par SPERAC, contraignaient la CdC à céder, conjointement à la Compagnie générale d’électricité et au Groupe Thomson-Brandt, sa participation de 50 % dans le capital de SPERAC, alors que celle-ci était censée permettre à la CdC de « développer un programme correspondant aux besoins des ordinateurs du Plan Calcul et de constituer un catalogue complet de périphériques en y associant les sociétés françaises les plus qualifiées pour leurs produits69 ».
97Après cette opération, la CdC se consacra à la réalisation d’équipements pour les appareils de combat de l’Armée de l’air (enregistreurs des paramètres de vol, de surveillance automatique du taux de fatigue des réacteurs). Ce marché déboucha sur la fourniture de viseurs gyrostabilisés destinés à guider le tir d’engins par hélicoptères ou autres véhicules70.
98En Italie, les structures, revues en 1968 dans le cadre de la législation italienne, avaient amené à transformer Siry Chamon en société financière. L’activité compteurs gaz devait être assurée par Sim Brunt, celle des compteurs d’électricité par Siry Chamon Elettricita. Siry Chamon Impianti rassemblait les activités d’engineering et Stabilimenti Elettrotecnici di Barlassina (SEB) se consacrait à la réalisation des appareils de protection et de mesure.
99La stratégie affichée de la nouvelle direction bancaire consistait « à profiter de toute opportunité de procéder, au sein du Groupe, à des concentrations et des coordinations d’activités et à la conclusion d’accords d’orientation permettant d’éviter les dépenses inutiles71 ». Elle allait dans le sens de la restructuration de l’industrie prônée par les Pouvoirs publics et approuvée par la BPPB, à l’heure où elle était devenue le principal actionnaire de la CdC et où son président, Jacques de Fouchier, se faisait le promoteur d’une opération publique d’échanges (OPE) entre la CdC et Schlumberger Limited72.
100Vue par les CdCistes comme le jugement à la Salomon de la banque, l’annonce de l’OPE mit fin à des spéculations internes et externes sur des associations envisagées avec d’importantes sociétés d’instrumentation, comme la Société Bailey, Alsthom, voire Siemens, alors en plein remaniement en 196973.
101Siemens avait procédé, en 1966, à une refonte de trois de ses sociétés imposée par « la situation de l’entreprise qui obligeait à chercher des solutions nouvelles ». En octobre 1969, Siemens procédait à un remaniement accompagné d’une nouvelle structure financière74, ce qui ne plaidait pas en faveur d’un rapprochement de CdC avec la firme allemande.
Les tenants et les aboutissants de l’OPE de Schlumberger
102La BPPB était engagée dans les dernières années 1960 dans des opérations de concentration, initiées par Jacques de Fouchier, l’opération publique d’achat (OPA) concernant la Société Boussois, Souchon, Neuveselle (BSN), et par Jean Reyre, sur le CIC et le Crédit du Nord. Les unes et les autres ne furent pas considérées comme des réussites.
103En revanche, l’OPE de Schlumberger avec la CdC est présentée, en 1970, comme un succès par Jacques de Fouchier. Il s’honore « d’avoir négocié, avec son ami Jean Riboud, président directeur général de Schlumberger Ltd, la cession de la CdC, ce vieux bébé qui avait été confié au très fiable et très solide Raymond-Maurice Doumenc, seul moyen de tirer un parti valable d’actifs industriels encore importants75 ».
104Cet extrait de l’ouvrage de Jacques de Fouchier, à vocation autobiographique, diffère notablement de la présentation de la CdC, faite en février 1970, par Raymond-Maurice Doumenc :
« Créée il y plus d’un siècle, la Compagnie des Compteurs est devenue une des plus importantes entreprises mondiales de fabrication de compteurs de gaz, d’eau et d’électricité. Tout en poursuivant cette production traditionnelle et, en vue de préparer les mutations industrielles mettant en œuvre des techniques évoluées, la Compagnie a abordé des productions de plus en plus complexes et a étendu progressivement son activité à des secteurs nouveaux et très divers qui, pour la plupart, ont la caractéristique commune d’intéresser les applications de la mesure et du contrôle et comportent fréquemment une part d’ingénierie. La CdC avait acquis une position mondiale sur les marchés des instruments de mesure, de comptage, dans l’électronique de contrôle et de régulation76. »
105Parallèlement à cet aspect purement financier de l’OPE, une forme de cousinage est perceptible entre les deux sociétés.
Le cousinage originel de la CdC et de Schlumberger
106À l’époque où Gabriel Chamon se préoccupait de créer une dynastie familiale industrielle à la fin du XIXe siècle, la famille Schlumberger était implantée depuis des décennies en Alsace dans le domaine du textile, plus spécifiquement dans la fabrication des indiennes. Dans les années 1920, deux descendants de la famille, Conrad et Marcel Schlumberger, s’engagèrent dans la prospection pétrolière77 à l’heure où la CdC prenait une place conséquente au sein de la filière de la mesure et du comptage.
107En 1968, dans le cadre des parentèles respectives des familles Chamon et Schlumberger, on peut entrevoir une illustration d’un simili cousinage des deux entreprises :
108À l’heure où Pierre Heeley démissionnait de la présidence de la CdC en septembre 1968, deux de ses contemporains de la famille Schlumberger faisaient de même :
109René Seydoux se retirait à 65 ans, après 36 ans d’activité dans le groupe comme président du conseil d’administration de la Société de prospection électrique Schlumberger (SPE), de Schlumberger Overseas et directeur général adjoint de Schlumberger Well Surveying Corporation à Houston (Texas).
110Jean de Ménil, gendre de Marcel Schlumberger, président du conseil d’administration, renonçait à cette fonction après 31 ans passés au sein de Schlumberger Limited78.
111On peut voir également une forme de cousinage industriel, volontairement ignorée dans les deux entreprises, dans le domaine des hydrocarbures79.
112George Heeley, le gendre de Gabriel Chamon, avait développé, en 1911, un système de comptage des hydrocarbures à destination des dépôts d’essence et de l’industrie automobile qu’il associa à un système allemand. Intégrée au service liquides divers, l’activité a fait l’objet, dans des publications de la CdC, de rappels historiques au sujet de la prospection pétrolière dans les XIX et XXe siècles. Curieusement, on trouve les mêmes photographies dans les archives de Schlumberger, à propos des systèmes de forage et des instruments qui y sont associés80.
113Dans cette même veine de cousinage industriel, le système de détection de mines d’Henri Doll destiné aux chars de combat. Expérimenté en France en 1939, sous les auspices du ministère de l’Armement, puis aux États-Unis, peu après Pearl Harbor, en accord avec les autorités militaires américaines, il présente une parenté avec le correcteur de tir inventé en 1919 par François Brocq, alors ingénieur à l’établissement de Maine-Vaugirard de la CdC81.
114Cette parenté anecdotique rappelée, c’est l’opportunité, pour Schlumberger, de renforcer sa position dans la mesure et l’instrumentation, qui a conduit à rechercher l’attraction que la CdC présentait pour la firme essentiellement parapétrolière.
L’opportunité historique de l’OPE pour Schlumberger
115Schlumberger, comme ses dirigeants se plaisaient à le rappeler, exerçait un métier relevant de l’industrie de la mesure avec sa spécialité le logging ou la mesure des paramètres physiques indispensables à la découverte du pétrole, à laquelle s’ajoutait l’instrumentation en France à la fin des années 1950.
116Dans le domaine du logging, les frères Schlumberger avaient fondé en 1926, la Société de prospection électrique (SPE), qui avait son siège à Paris 7e, 30, rue Fabert. En 1934, la société américaine Schlumberger Well Surveying Corporation (SWSC) était créée, dénommée ensuite Schlumberger Overseas pour les pays du Proche-Orient et de l’Asie et Schlumberger Surenco pour l’Amérique Latine et Schlumberger of Canada82.
117L’origine de l’introduction de Schlumberger dans l’instrumentation remonte à la création aux États-Unis à Houston par Henri Doll, gendre de Conrad Schlumberger, de la société sans but lucratif de recherches électromécaniques, Electro Mechanical Research (EMR), concepteur d’un système de détection de mines.
118Restructurée plusieurs fois Electro Mechanical Research (EMR) devenait en 1946, une société sous statut américain localisée à Princeton (New Jersey). En 1959, Schlumberger acquérait la totalité des actions et regroupait sous sa coupe83 :
- Weston Instruments à Newark (New Jersey) ;
- Weston Components à Archalb (Pensylvanie) ;
- Heath Benton Barbor (Michigan) ;
- Solartron Electronic Group à Farnborough (G. B.).
119Ces différentes implantations, aux yeux des autorités fiscales françaises et américaines, présentaient le caractère ambigu d’un bicéphalisme franco-américain, qui obligea la firme Schlumberger à choisir la nationalité de ses établissements : ou la société française rachetait la société américaine ou cette dernière rachetait sa consœur parisienne.
120Après de longues et laborieuses tractations entre ces autorités fiscales, la société de holding de droit commun Schlumberger Limited était créée le 6 novembre 1956 à Curaçao Handelskade 9 B, Willemstad (Antilles néerlandaises), pays qui avait conclu des accords bilatéraux avec la France et les États-Unis84. Le problème juridique réglé, Schlumberger Limited était pourvue d’une direction générale bicéphale, l’une 277 Park Avenue, à New-York (NY) 10017, l’autre 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e, également siège social de la Société de prospection électrique (SPES).
121Dans les années 1960, les perspectives moroses évoquées en matière de prospection pétrolière85 constituèrent une incitation à investir les gains réalisés aux États-Unis dans le domaine de l’instrumentation en France où Schlumberger s’efforçait de s’implanter.
122La société de holding française Société d’instrumentation Schlumberger (SIS), créée en 1960, filiale de Société de prospection pétrolière Schlumberger (SPES), regroupait en France en 1965, onze entreprises dans lesquelles des participations avaient été prises entre 1959 et 1964 :
- Société d’étude, fabrication recherches en appareils de mesure SEFRAM à 50 % décembre 1959 ;
- Lie Belin (60 %) en août 1960 ;
- Quentin & Cie (51 %) en septembre 1960 ;
- Rochar Électronique (51 %) en septembre 1960 ;
- Ateliers de constructions de Bagneux (65 %) en novembre 1960 ;
- Les laboratoires de Physique Appliquée (LEGPA) (51 %) en septembre 1960 ;
- Société d’électronique, matériel automatique, contrôle (SEMAC) (60 %) ;
- Tolana SA (52 %) en juin 1961 ;
- Le Bœuf (100 %) en décembre 1964 ;
- Le Pyrométrie Industrielle (100 %) en décembre 1964 ;
- Le Contrôle de chauffe (100 %) en décembre 1964.
123Le coût de ces acquisitions s’était élevé à 8 914 000 $ pour Rochar (implantée à Montrouge, employeur de 268 personnes) et pour Tolana (implantée à Bagnolet, employeur de 195 personnes) à 1 326 000 $ et à 260 000 $ pour SEFRAM.
124Le 1er juin 1965, ces sociétés avaient été regroupées en trois divisions : APPLIED PHYSICS DIVISION (ACB, Semac, Legpa, Contrôle de chauffe) à Bagneux et une usine à Marmoutiers en Alsace (effectif 550 personnes),
125INDUSTRIAL CONTROL DIVISION (La Pyrométrie industrielle, Le Bœuf) à Bagneux et une usine à Rosheim également en Alsace (effectif 510 personnes),
126ELECTRONICS DIVISION (Lie Belin, Quentin) à Rueil-Malmaison et une usine à Manneville en Normandie (effectif 450 personnes).
127Opérationnelle en matière d’instrumentation86, œuvrant dans les mêmes secteurs que la CdC, Schlumberger pouvait afficher son ambition de rivaliser avec les grandes entreprises d’instrumentation, Tektronix, Honeywell, Hewlett Packard.
128Les éléments patrimoniaux de Schlumberger Limited dans le domaine de l’instrumentation amène à voir, en regard, ceux de la CdC qui jouèrent un grand rôle dans la réalisation de l’OPE pilotée par sa banque actionnaire.
Le patrimoine de la CdC
129En 1970, le patrimoine immobilier de la CdC était composé de dix usines principales en France : Montrouge, Massy, Reims, Poitiers, Besançon, Dieppe, Châteauroux, Lyon, Mâcon, Ruffec et une aux Pays-Bas à Dordrecht (dont la superficie globale dépassait 600 000 m2 avec une surface bâtie développée de 325 000 m2 environ), de succursales et d’agences en France : Bordeaux, Lille, Limoges, Lyon, Marseille, Nancy, Nice, Rennes, Strasbourg, Toulouse, Alger et de filiales à l’étranger.
130L’organigramme du groupe Compagnie des Compteurs, principales filiales et participations industrielles et commerciales, établi en 1969, illustre cette implantation quasi internationale, qui mérite une énumération87.
Tableau XL – Organisation du Groupe CdC
- Carbonisation, Entreprise et Céramique (CEC) à Montrouge (35,67 %)
- Continentale & Garnier, Paris (23,46 %) ;
- Compagnie de construction électrique (CCE), Issy-les-Moulineaux (53,92 %) ;
- Compagnie européenne de régulation (CEREG) Montrouge (78,12 %) ;
- Compagnie de fabrication de Vis (Nova-Blacas) (75,17 %) ;
- Société européenne pour le traitement de l’information (SETI), Massy (99,4 %) ;
- Constructions radioélectriques et électroniques du centre (CRC) Saint-Étienne (76,99 %) ;
- Société industrielle des compteurs (SIC) Paris (99,73 %) ;
- La Mécanoplastique, Massy (71,31 %) ;
- Transformateurs de mesures E. Walter, Gentilly (99,95 %) ;
- Da et Dutilh, Paris (10,14 %) ;
- Charvet Delorme, Lyon (86,19 %) ;
- Société industrielle de fabrication de compteurs d’eau (70,02 %) ;
- Société d’études et d’applications du vide, de l’optique et de la mécanique (SEAVOM) (95,54 %) ;
- Construction d’appareils pour gaz à l’eau et gaz industriels (GEGI), Montrouge (51 %) ;
- Union pour études et réalisations industrielles (UNIPERI) Paris (97,73 %) ;
- Société civile immobilière et financière (IMMOFINA) (96,21 %) ;
- Omnium de financement et de participation (OFINPAR) (99,96 %) ;
- Anciens Établissements Boutillon, Suresnes (99,92 %) ;
- Société d’applications industrielles de la physique (SAIP) (72,76 %) ;
- Société de participations cinématographiques, Paris (99,85 %) ;
- Compagnie européenne des thermostats, Montrouge (50,99 %) ;
- Société Dubar Autier, Lille (74,97 %) ;
- Générale d’hydraulique et de mécanique (34 %) ;
- Appareils de précision et de contrôle (APC) (65,5 %) ;
- Société nouvelle SERSEG (98 %) ;
- Volucompteurs Aster-Boutillon (15,79 % + 43,72 %) des Anciens Ets Boutillon ;
- Canalisations industrielles et contrôles (CICO) (19,09 % + 24,61 %) de Continentale et Garnier ;
- Société Thermel, Levallois-Perret (34 %) ;
- Contigea – eau, gaz, électricité et applications, Bruxelles (22,27 % + 11,04 %) ;
- Stabilimenti Siry Chamon SpA, Milan (75%, 225% Italgas);
- Compania para la Fabricacion de Contadores y Material Industrial SA, Barcelone (75,15 %) ;
- Stabilimenti Elettrotecnici di Barlassina (SEB), Milan (60 % et 40 %) Stabilimenti Siry Chamon SpA ;
- Danubia AG, Vienne (100 %) ;
- Companhia Brasileira de Medidores, Sao Paulo (49,56 % + 20 % Placimo) ;
- Companhia Chilina de Medidores Sa, Santiago (50,25 %) ;
- Sociedad Argentina de Medidores, Buenos-Aires (98,65 %),
- Compagnie des Compteurs, Genève (6,66 % + 93,33 % UNIPERI) ;
- CdC Great Britain, Londres (100 %) ;
- Patrimonial Compsa, Madrid (98,45 % + 1,54 % Contadores) ;
- Compagnie des Compteurs Deutschland (100 %) ;
- Companhie Argentina de Medidores (CAMSA) Buenos-Aires (60 %) ;
- Robertshaw Europa NV, Amsterdam (50 %) ;
- Robertshaw Italia, Turin (48,35 %) ;
131Autre élément qui entra en ligne de compte lors de la négociation de l’OPE : les résultats comptables et financiers de la CdC ;
Les résultats financiers de 1945 à 1969
132Ils sont illustrés par des graphiques concernant la rentabilité financière, la prospérité de l’entreprise, la rentabilité de l’exploitation et la rentabilité des actions établis à partir d’éléments des bilans.
La rentabilité financière : ratio du bénéfice sur les fonds propres
Tableau XLI – Bénéfices et fonds propres
Source : Archives CdC Montrouge.
133Le ratio inférieur à 5 % des années 1945 à 1947 est expliqué par la faiblesse du bénéfice alors que le doublement du capital le porte à 20 %, exceptionnellement en 1951. Leur légère progression maintient le ratio quelque peu en dessous de 15 % alors que l’augmentation progressive des fonds propres le fait fluctuer au-dessous de 5 % jusqu’en 1969.
La prospérité de l’entreprise
Tableau XLII – Fonds propres sur passif du bilan
Source : Archives CdC Montrouge.
134Le ratio des fonds propres, le capital, les réserves et le report à nouveau, sur le passif du bilan, incluant ces valeurs et celles des dettes contractées pour investir et développer l’entreprise, considéré comme représentatif de sa prospérité, fait ressortir que celle-ci se situe entre 1945 et 1949 autour de 30 %, plafonne au-dessus de 50 % entre 1958 et 1965 et frôle les 60 % en 1963 et 1964.
La rentabilité d’exploitation : ratio bénéfice sur actif
135La courbe de la rentabilité d’exploitation est soumise à l’évolution des postes de l’actif, notamment des fonds de roulement (les valeurs d’exploitation, les valeurs réalisables et les comptes financiers), qui varient en fonction des stocks de marchandises et de produits finis, selon les exigences de l’activité commerciale. La courbe accuse un point bas (environ 1 %), durant les trois années de reprise de l’activité après la Libération. Ce même point bas se retrouve en 1957 et 1968, tandis que, dans l’intervalle, elle passe et demeure aux environs de 2 %, alors qu’entre 1948 et 1968 le bénéfice oscille entre 3 % et près de 5,5 %.
Tableau XLIII – Bénéfices sur actif du bilan
Source : Archives CdC Montrouge.
Rentabilité des actions
Tableau XLIV – Rentabilité des actions
Source : Archives CdC Montrouge.
136Leur rentabilité, inévitablement soumise aux à-coups économico-financiers, atteint son maximum, au dessus de 20 % entre 1949 et 1952, pour se stabiliser aux environs de 12 % jusqu’en 1957 et retomber à 5 % en fin de période. L’évolution d’autres éléments du passif du bilan : les dettes par rapport aux fonds propres et aux fonds de roulement et les dettes à court et à long terme ont paru intéressantes à illustrer.
Tableau XV – Total dettes sur fonds propres
Source : Archives CdC Montrouge.
137On distingue deux périodes, l’une entre 1945 et 1957, avec un montant quasi stable et bas des fonds propres, de 50 000 à 100 000 K € 1945 à 1957, tandis qu’ils sont en forte croissance, de 100 000 et 400 000 K € entre 1958 et 1969. Les dettes, dans la première période, fluctuent imprimant un pic du ratio en 1950. Elles progressent régulièrement entre 1959 et 1968 et dépassent même les fonds propres révélant un taux d’endettement générateur d’un ratio qui passe de 60 % à 100 %.
Tableau XLVI – Total dettes sur fonds de roulement
Source : Archives CdC Montrouge.
138Les fonds de roulement sont constamment supérieurs au total des dettes entre 1945 et 1969 mais en trois séquences. Entre 1945 et 1952, le ratio se présente sous la forme d’un arc qui, de 40 % passe à 50 % pour retomber à 40 %, tandis que, jusqu’en 1960, il demeure à cette valeur, alors que les fonds de roulement sont deux fois plus élevés que les dettes. À partir de 1961, les dettes augmentent progressivement, excepté en 1966, mais elles rejoignent presque les fonds de roulement en 1969. Sur toute la période, le ratio est passé de 30 à 80 %.
Tableau XLVII – Évolution des dettes à court et long termes
Source : Archives CdC Montrouge.
139Cette augmentation des dettes a conduit à en rechercher le profil déterminé par l’évolution des dettes à court et à long terme.
140Il en ressort que les dettes à court terme sont maîtrisées, sur la longue période de 1946 à 1968, à hauteur de 60 000 K€ avec seulement deux pics en 1966 et 1969.
141Quant aux courbes du graphique du portefeuille sur le total des dettes, il montre une évolution quasi identique en tendance et en valeur, suggérant que les dettes à long terme avaient permis de financer les participations prises dans diverses sociétés d’instrumentation, notamment entre 1963 et 1966.
Tableau XLVIII – Portefeuille sur total dettes
Source : Archives CdC Montrouge.
142Un autre patrimoine, tout aussi important, celui de la propriété industrielle constituée de nombreux brevets conçus par des ingénieurs et des techniciens encouragés dans cette voie, contribua à renforcer l’attrait et la renommée de la CdC.
La propriété industrielle : un nombre considérable de brevets
143Dès son origine, et durant son parcours centenaire, la CdC s’était attachée à déposer des brevets même si elle était, occasionnellement, taxée de conservatisme avec une base de compteurs à gaz dont la durée de vie atteignait plusieurs décennies.
144Ce préjugé défavorable est démenti, par la rétrospective publiée en 1951, avec le slogan : même débit, 10 fois plus petit, illustrant la miniaturisation réalisée entre 1879 et 1951 des premiers compteurs de gaz aux compteurs Duplex, Sigma, Gallus et Delta.
Fig. 49 – Rétrospective schématique des compteurs de gaz
145C’était aussi passé sous silence l’évolution en matière de compteurs d’électricité avec la gamme des compteurs O’K entre 1898 et 1918, des compteurs à induction ACT 1, ACT 2, ACT 3, ACT 4, ACT 5, entre 1901 et au-delà de 1919, le compteur innovant Actadis en 1918, la série des ABC à compter de 1925, le Naïade en 193288, le Pulsadis dans les années 194089 et, à la fin des années 1950, les systèmes d’enregistrement installés dans les grands magasins ou embarqués à bord de trains ou d’avions (boîtes noires)90.
146Cette politique est confirmée par le dépôt de cinquante brevets entre 1901 et 1913, dont le compteur Duplex, et d’une vingtaine d’autres en 1910 et 191191. On la retrouve aussi dans les domaines d’activité de la CdC de la mesure, du contrôle, de la régulation, de la télévision, l’automatisme, et l’informatique. Des sondages décennaux dans la base informatisée de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) ont révélé le nombre de dépôts entre 1919 et 1968, soit :
- 58 dépôts en 1919, 1920, 1921, 1922 (presque 15 par an et plus d’un par mois) ;
- 45 dépôts en 1932, 1933, 1934, 1935 (11 par an et un par mois) ;
- 42 dépôts en 1941, 1942, 1943, 1944 (10 par an et quasiment un par mois) ;
- 30 dépôts en 1955 (2 à 3 par mois) ;
- 15 dépôts en 1957 (plus d’un par mois) ;
- 27 dépôts en 1958 (plus de 2 par mois) ;
- 75 dépôts en 1960, 1961, 1962, 1963 (entre 18 et 20 par mois) ;
- 15 dépôts en 1967, comportant le nom de l’inventeur (plus d’un par mois) ;
- 52 dépôts en 1968 (un par semaine).
147L’inventivité au sein de l’entreprise est attestée aussi par le nombre d’ouvriers, contremaîtres et ingénieurs de la CdC, récipiendaires de prix et de médailles décernées entre 1950 et 195692 par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale (SEIN). L’inventivité est aussi encouragée par une forme d’autonomie qui existait au sein des différentes équipes, ou « chacune d’elles travaillait comme si elle était à son compte ».
148Dans ce domaine, Paul Bizouard (X46) entré à la CdC en 1951, développa au centre de recherches, en liaison avec la société américaine Acton Laboratories, un oscillographe, mit au point des générateurs de fréquences acoustiques et des servo-amplificateurs linéaires ou non et initia un programme de nacelles stabilisées pour ballons stratosphériques pour le Centre national d’études spatiales (CNES). Paul Bizouard fut le premier ingénieur de de la CdC à être nommé, le 27 février 1962, Chevalier de l’Ordre du mérite commercial et industriel, de création récente, réservé à un nombre restreint d’ingénieurs faisant carrière dans la recherche93.
149Cette activité inventive renvoie à l’importance des ressources humaines que constituait le personnel de la CdC, l’un des critères retenu par Schlumberger lors de son OPE.
Les ressources humaines
150Un document de septembre 1968 de la direction du personnel et des affaires sociales (DPAS) de la CdC remis par un ancien directeur, a permis de reproduire un ensemble de graphiques de la répartition du personnel par structures géographiques et par catégories socio-professionnelles94.
151En 1968, le Groupe employait au total 22 547 personnes, réparties par structures, soit 8 687 à Montrouge, 8 721 dans les filiales françaises et 5 139 dans les maisons correspondantes étrangères (MCE).
Tableau XLIX – Effectif total Groupe CdC, 1968
Tableau L – Effectifs ouvriers Groupe CdC, 1968
Tableau LI – Effectif collaborateurs Groupe CdC, 1968
Tableau LII – Effectif ingénieurs et cadres Groupe CdC, 1968
152Par catégories socio-professionnelles, le groupe (22 547) se répartissait en 65 % d’ouvriers, 29 % de collaborateurs et 6 % d’ingénieurs.
Tableau LIII – Effectif total
153L’effectif de la Compagnie répartit géographiquement et en valeur absolue montre la dominance de l’établissement de Montrouge.
Tableau LIV – Effectifs totaux compagnie
Tableau LV – Effectifs de la compagnie par catégories socio-professionnelles
154La répartition par âge donne une image de la démographie de l’entreprise :
Tableau LVI – Répartition effectifs par âge du personnel
Tableau LVII – Répartition âge du personnel, 2 sexes
Tableau LVIII – Répartition âge du personnel masculin
Tableau LVIX – Répartition âge du personnel féminin
Tableau LX – Âge du personnel ingénieurs et cadres supérieurs
Tableau LXI – Âge du personnel collaborateurs
Tableau LXII – Âge du personnel ouvriers
155Une pyramide des âges et un histogramme des anciennetés paraissent infirmer le qualificatif d’entreprise vieillie de la CdC, évoqué de l’OPE par Schlumberger.
156L’histogramme des anciennetés paraît être aussi significatif d’une mobilité régionale des ouvriers et d’une stabilité décroissante des collaborateurs, ingénieurs et cadres consécutive à un marché de l’emploi bien fourni.
157Ce quasi-répertoire des critères d’attraction de la CdC, qui entrèrent en ligne de compte pour évaluer sa valeur marchande, a conduit à en voir la traduction dans les termes de l’OPE, qui scellèrent le sort de l’entreprise et de son personnel.
Tableau LXIII – Pyramide des âges du personnel
Tableau LXIV – Histogramme des anciennetés
La traduction dans les termes de l’OPE de Schlumberger Limited
158Fondées sur la valeur et la renommée de la CdC, les conditions de l’OPE de Schlumberger furent déterminées, dès l’assentiment des instances politiques et financières, par la BPPB et la Banque Neuflize, Schlumberger & Cie.
Les circonstances financières, économiques et politiques favorables à l’OPE
159À la fin des années 1960, Jean Riboud95 président-directeur général de Schlumberger Limited émettait des doutes sur la pérennité du business pétrolier, craignait les incidences de l’inflation aux États-Unis et évoquait la perspective d’une récession économique concomitante. Il estimait que l’heure était venue pour Schlumberger d’investir en France96.
160En 1968, année difficile pour l’industrie française, le chiffre d’affaires de la Société d’instrumentation Schlumberger (SIS) avait décliné alors que la construction d’un nouvel établissement, à Villacoublay d’une superficie de 15 800 m2, avait été entreprise pour y concentrer les activités de la région parisienne, à l’exception de celle relevant du contrôle industriel et de l’électronique, qui demeurait à Vélizy97.
161En décembre 1969, la firme franco-américaine, avec son slogan « Schlumberger is measurement », estimait que des opérations de regroupement permettrait de constituer un ensemble pourvu de moyens adaptés au développement futur de l’instrumentation. La CdC, grâce à sa position mondiale sur les marchés des instruments de mesure, de comptage, de contrôle et de régulation électronique, qui permettaient l’analyse et l’interprétation des mesures collectées, se révélait particulièrement attractive. L’ensemble industriel, imaginé par Jean Riboud, devait avoir la capacité de rivaliser avec les plus grandes entreprises de la filière de l’instrumentation98.
162Les autorités gouvernementales, plus précisément la Commission permanente de l’électronique du Plan de 1968, était favorable à un rapprochement de Schlumberger et de CdC :
« La situation pour la mesure électronique, a mis en évidence l’importance des pôles que constituaient en France les activités des deux groupes dans ce domaine. Toutefois, malgré les actions de regroupement et de développement déjà réalisées, les constructions obtenues restent encore très faibles, au regard des conclusions d’orientation que le rapport formulait et qui peuvent s’appliquer à l’ensemble des activités de mesure et de la Compagnie des Compteurs99. »
163L’agrément de la Commission des opérations de bourse (COB) à l’offre publique d’échanges, publié au bulletin de la cote officielle du 16 février 1970, décida du lancement de l’opération. Annoncée en décembre 1969 par Schlumberger Limited, elle se déroula selon la procédure adoptée par la chambre syndicale des agents de change100.
164Préalablement au lancement de l’opération, et pour la couvrir financièrement, le conseil d’administration de Schlumberger Limited, « en vertu des pouvoirs qui lui avaient été conférés (article VIII du Deed of Corporation-acte de constitution) avait décidé, le 21 janvier 1970, de procéder à l’émission d’un emprunt de 488 800 000 F, représenté par des obligations de 260 F convertibles en actions ordinaires101 ».
165Une note interne, rapportant un propos de Jean Riboud concernant la CdC, fait ressortir que l’OPE de Schlumberger lui était favorable car elle aurait risqué d’éclater en trois morceaux : « la CGE intéressé par tout ce qui ressortait de l’électricité, Thomson prenant une autre partie et Saint-Gobain & Pont-à-Mousson les compteurs de gaz, d’électricité, d’eau102… »
Les modalités de l’OPE
166La transaction, établie par la BPPB et la Banque Neuflize, Schlumberger& Cie, s’éleva à soixante-dix-neuf millions de dollars, les sociétés filiales étant acquises pour treize millions de dollars. L’opération consista à offrir aux actionnaires de la CdC de convertir leurs titres à raison de deux actions CdC (1 888 000 en circulation) pour une action Schlumberger (940 000, soit 8 % des actions en circulation).
167Pour chaque action de la CdC de 100 F nominal apportée à l’échange, coupons no 14 et suivants, jouissance du 1er janvier 1969, il devait être remis :
- une obligation convertible Schlumberger Limited de F 260 nominal ;
- et une somme de 10 F à titre de soulte en espèces ;
- sous la condition qu’une quantité minimale de 650 000 actions CdC soit proposée, compte tenu de l’engagement de l’Omnium de Participations Financières et Industrielles d’échanger 259 000 actions CdC qu’il détenait contre 129 500 actions Schlumberger Limited, laquelle avait en portefeuille 32 850 actions de la CdC.
168Caractéristiques principales des obligations convertibles Schlumberger Limited
- Monnaie : Francs français
- Montant nominal maximum : F 488 800 000
- Nominal de l’obligation : F 260
- Jouissance des obligations : 1er avril 1970
- Intérêt annuel : 4 % jusqu’au 1er avril 1972, 6 % à partir du 1er avril 1972
- Amortissement obligatoire : En huit annuités à partir du 1er avril 1972 (première échéance 1er avril 1973), l’amortissement obligatoire portant sur la différence entre le huitième de l’emprunt et le nombre d’obligations converties ou amorties par anticipation pendant l’année.
- Prix de remboursement : Le pair, plus une prime croissant de F 5 à F 40, par augmentation annuelle de F 5.
- Amortissement anticipé : total ou partiel, à tout moment, à partir du 1er avril 1972 au gré de la Société émettrice – au pair le 1er avril 1972, puis au prix prévus ci-dessus pour l’échéance suivant la date de l’amortissement annoncé.
169Convertibilité :
- Période : au gré des porteurs, à tout moment, à partir du 1er avril 1972. Le droit à la conversion était maintenu durant les 45 jour suivant l’amortissement obligatoire ou anticipé.
- Base de conversion : deux obligations convertibles pour une action Schlumberger Limited
- Jouissance des actions Schlumberger : jouissance courante au moment de leur immatriculation sur les registres de la Société (coupons trimestriels).
Les conditions financières de l’OPE
170Les résultats des deux sociétés durant les années 1965, 1966, 1967, 1968 et 1969, estimés difficilement comparables, figurant dans la présentation de l’OPE, il apparut judicieux d’extraire des bilans les rubriques assorties de graphiques susceptibles de représenter le poids des deux entreprises et de justifier l’attraction pour Schlumberger de l’activité instrumentation de la CdC103.
L’illustration des conditions de l’OPE
Tableau LXV – L’illustration des conditions de l’OPE
171Un autre paramètre, présent dans la présentation de l’OPE, a retenu l’attention :
172Les bénéfices par action (en francs) des deux sociétés pour les années 1966 à 1969 :
173Les actionnaires de la CdC étaient informés de l’opération par une lettre en date du 20 février 1970 du président du conseil d’administration, Raymond-Maurice Doumenc, accompagnée d’une note d’information sur l’OPE :
« Offre publique d’échange d’actions de la Compagnie des Compteurs contre des obligations convertibles de Schlumberger Limited, tandis qu’un communiqué de presse annonçait que la Compagnie des Compteurs et Schlumberger Limited, après approbation de leurs conseils d’administration respectifs, chercheront activement à établir une coopération, étroite entre elles à l’échelle mondiale, tout spécialement dans le domaine de leurs activités électronique et d’instrumentation et que, pour concrétiser cette collaboration, Schlumberger donnera aux actionnaires de la Compagnie des Compteurs la possibilité d’échanger leurs actions contre des obligations Schlumberger104. »
174Le comité central d’entreprise, informé officiellement le même jour, se faisant le porte-parole du personnel, exprimait ses craintes et ses interrogations consécutives à la coopération à établir et les restructurations à opérer évoquées par le président, le 3 juin, à savoir que « s’il y a développement ou regroupement d’activités, elles ne se feront pas nécessairement là où elles sont et que la garantie de l’emploi ira de pair avec une mobilité croissante de la main-d’œuvre105 ».
175Raymond-Maurice Doumenc, en déclarant aux représentants syndicaux présents au conseil d’administration du 25 juin 1970 que « nous venons de tourner une belle page de la CdC », mettait un terme à l’histoire d’une entreprise familiale qui, en un siècle et trois générations, avait illustré les évolutions industrielles de la France du XXe siècle. Passée du statut artisanal de l’atelier acheté par son fondateur à celui de grande entreprise, elle était devenue attractive pour Schlumberger Limited, candidate au rachat des activités industrielles de la CdC pour rééquilibrer ses activités de part et d’autre de l’Atlantique.
Notes de bas de page
1 Ibid. Conseil d’administration 10 octobre 1961.
2 Longuemar (de) P., « Les grandes banques ont-elles aidé les entreprises ? », Entreprises et Histoire, no 2, 1992, p. 82-96.
3 Ibid. Conseil d’administration 10 octobre 1961.
4 Archives historiques de Paribas, sans cote ni date.
5 Ibid. Rapport d’activité de la BPPB.
6 Id. Cote DEEF 60582 CL.
7 Entreprises et histoire, décembre 1992, no 2, article de Pierre de Longuemar.
8 Gueit L., op. cit., p. 139.
9 Plaquette CdC 1961.
10 Id.
11 Ibid. Conseils d’administration 13 décembre 1966, 14 mars, 10 octobre 1967 et Bulletins CdC, no 60 et no 62.
12 Ibid. Bulletin CdC, no 66.
13 Cf., p. 243.
14 Ibid. Conseil d’administration 14 avril 1964.
15 Id. 10 janvier 1961.
16 Ibid. Assemblée générale ordinaire du 21 juin 1960.
17 Ibid. Conseil d’administration 5 juillet 1960.
18 Bulletin CdC, Présence 1961 et assemblée générale ordinaire 28 mai 1968.
19 Id.
20 Ibid. Assemblée générale ordinaire 21 juin 1960 et conseil d’administration 8 décembre 1959.
21 Archives Paribas cote N 4T36C34 (imprimé de lancement de l’emprunt).
22 Centre des archives du monde du travail à Roubaix (CAMT), cote 65 AQM 140.
23 Archives Schlumberger, 42 rue Saint Dominique à Paris « Présentation de la CdC ».
24 Ibid. Assemblées générales extraordinaires des 4 avril et 14 mai 1963.
25 Roger Boutteville, administrateur de CdC était président d’honneur de la société Phénix.
26 Archives du Crédit Lyonnais, cote DEED 62585 CL.
27 Ibid. Assemblée générale extraordinaire et à caractère constitutif 20 mai 1965.
28 Id.
29 Id. Assemblée générale ordinaire 19 juin 1962.
30 Id. 19 juin 1962, 14 mai 1963 et conseils d’administration 9 février et 6 juillet 1965.
31 Ibid. Assemblées générales ordianaires 19 juin 1962, 14 mai 1963 et conseils d’administration 9 février et 6 juillet 1965.
32 Id. 14 mai 1963 et Bulletin CdC, no 44.
33 Id. Bulletin CdC, n ° 44.
34 Id. Assemblée générale ordinaire 13 juin 1967.
35 Id. Conseil d’administration 20 mai 1965.
36 Ibid. Conseils d’administration 20 mai, 28 septembre 1965 et note interne de la CdC du 29 septembre 1965.
37 Ibid. Conseil d’administration 20 mai, 28 septembre 1965 et note interne de la CdC du 29 septembre 1965.
38 Cf., p. 270.
39 Mounier-Kuhn P., op. cit., 7e Colloque sur l’Histoire de l’informatique et des télécommunications., et conseil d’administration du 24 octobre 1966 de la CdC.
40 Ibid. Conseil d’administration 24 juin 1966 et assemblée générale ordinaire 30 juin 1969.
41 Id. assemblée générale ordinaire 13 juin 1967.
42 Id.
43 Id.
44 Ibid. Assemblée générale ordinaire 28 mai 1968.
45 Note d’information CdC, décembre 1968.
46 Ibid. Assemblée générale ordinaire 28 mai 1968.
47 Id.
48 Ibid. Assemblée générale ordinaire 28 mai 1968.
49 Id. 22 décembre 1949 et 28 mai 1968.
50 Cf. p. 240.
51 Témoignage personnel (à l’époque secrétaire dans une filiale de CdC à Montrouge).
52 Entretien téléphonique avec Robert Michard, direction du personnel et des affaires sociales (DPAS) le 17 mai 2004. Participant aux négociations de Grenelle, signataire des accords, il fut « coincé » une journée à Montrouge sur le site de Montrouge par les grévistes qui scandaient « Michard à la chaîne ».
53 Entretien avec Pierre Cochery, direction du personnel et des affaires sociales (DPAS) le 9 juillet 2003, à son domicile à Verrières-le-Buisson.
54 Cf. p. 240.
55 Id.
56 Archives du Centre Malher Paris 1 Sorbonne, Fonds Le Bras, carton CdC, FLB 2.
57 Cf. p. 240.
58 Bulletin CdC, no 61.
59 Entretien avec Bernard Heeley, à son domicile parisien le 2 septembre 2008.
60 Archives de la Mutuelle des Compteurs.
61 Ibid. Conseil d’administration 2 juillet 1968 : la rémunération du nouveau président par référence à celle du directeur général, était fixée soit des appointements mensuels de 15 000 F plus 1 000 F de frais de représentation.
62 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique Paris 7e.
63 Bulletin CdC, no 65.
64 Ibid. Conseil d’administration 10 décembre 1968 et note d’information de la BPPB.
65 Id. assemblée générale extraordinaire 17 juillet 1969.
66 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris.
67 Ibid. Assemblée générale ordinaire 30 juin 1969.
68 Id. Conseil d’administration 2 juillet 1968.
69 Ibid. Assemblée générale ordinaire 30 juin 1969.
70 Id.
71 Ibid. Assemblée générale ordinaire 30 juin 1969.
72 Jacques de Fouchier s’honore de cette négociation dans son roman autobiographique La Banque et la Vie, Éditions Jacob 1989.
73 Information de Bernard Heeley le 2 septembre 2008.
74 Michel A., Siemens, Trajectoire d’une entreprise mondiale, Paris, Institute Ed. 1997, p. 112-113.
75 Fouchier (de) J., op. cit.
76 Archives CdC Montrouge. Note de R. M. Doumenc 20 février 1970.
77 Giguel P., « Naissance et évolution d’une multinationale Schlumberger », mémoire de maîtrise, Paris 1, 1999.
78 Giguel P., op. cit.
79 Bulletins CdC, no 29 et no 54.
80 Archives CdC.
81 Le correcteur Brocq de la CdC a été recopié en 1942 par les Alliés dans le PC 35 et 39 et dans le « director M7 » de Sperry.
82 Grüner-Schlumberger A. : SWSC regroupa deux antennes, l’une Schlumberger Electrical Prospecting à Houston puis à New-York, l’autre en Californie Schlumberger Electrical Coring.
83 Note d’information de Schlumberger sur l’OPE.
84 Giguel P., op. cit.
85 Entretien avec Jean-Dominique Percevault, direction des ressources humaines à Schlumberger, 42, rue Saint Dominique à Paris 7e, le 11 mars 2004.
86 Archives Schlumberger, 42 rue Saint Dominique à Paris 7e.
87 Id. Document de la Société d’éditions économiques et financières (SEF) à Paris de décembre 1970.
88 Bulletin CdC, Cadres, n ° 10.
89 Invention de Jacques Pelpel (Licence de sciences, ESE 1929), entré à la CdC en 1931.
90 Invention d’Oscar Cytrin (ERB Bordeaux, AISIM) entré à la CdC en 1958.
91 Giguel P., « Constitution et stratégies de développement de la Compagnie des Compteurs », mémoire de DEA, Paris 1, 2002.
92 La Société d’encouragement à l’industrie nationale (SEIN) 4, place Saint Sulpice Paris 6e, a fondé sous le patronage de Napoléon 1er en 1801 à l’initiative de Chaptal, Thénard et Cavaillé-Coll.
93 Bulletin CdC, n ° 42.
94 Archives personnelles de Marc Benain (directeur DPAS), remis lors de l’entretien à son domicile parisien, le 21 mars 2002.
95 Schlumberger C., Schlumberger racines et paysages, Oberlin 1986 : Jean Riboud de la Banque Istel & Cie, engagé en 1952 par Marcel Schlumberger.
96 Archives Schlumberger, 42, rue Saint Dominique à Paris 7e.
97 Rapport annuel Schlumberger 1968.
98 Id. 1969.
99 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e.
100 Id.
101 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e.
102 Id. Note de Robert Michard, (directeur DPAS).
103 Chiffres en milliers de francs. Parité Franc/Dollar : US 1 $ = 5,50 F, retenue dans les opérations de l’OPE. (*) Situation arrêtée au 30.09.1969.
104 Archives Schlumberger, 42, rue Saint-Dominique à Paris 7e. L’OPE fut réalisée par la Banque de Neuflize, Schlumberger, Mallet et la Banque de Paris et des Pays-Bas (BPPB).
105 Id. Tract 16 octobre 1947.
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Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008