Chapitre IV. Reconversion et adaptation aux années de crise 1920-1930
p. 117-175
Texte intégral
1Les années 1920 s’ouvraient sous des auspices préoccupants pour la CdC avec des problèmes sociaux dans ses sites parisiens et provinciaux ainsi que dans ses établissements européens, les uns et les autres durement touchés par de nombreuses disparitions sur le champ de bataille et souffrant, en outre, d’une difficile résolution des séquelles du conflit. La réanimation du projet de transfert des usines parisiennes et sa réalisation en proche banlieue parisienne devaient permettre à l’entreprise de renouer avec ses stratégies d’expansion pour affronter plus efficacement une conjoncture qui s’annonçait difficile.
Les années de reconversion obérées par les séquelles du conflit
2Le ralentissement des fabrications de guerre constaté dans le courant de l’année 1917, confirmé en 1918, et les problèmes inhérents au retour des mobilisés, auguraient d’une reprise difficile de l’activité traditionnelle dans les différents établissements avec la perspective, déjà perceptible, de retombées sociales.
Les problèmes sociaux dans les sites parisiens et provinciaux
3La reprise du travail à Montrouge en novembre 1918 par les démobilisés entraina, de facto, le licenciement du personnel embauché pour la durée du conflit, plus spécifiquement les femmes dénommées les « munitionnettes ». Le problème et le sort de ces femmes, issues principalement des milieux modestes, que « la guerre avait fait passer du foyer à l’ouvroir, ou de la ferme et de l’atelier à la grande usine métallurgique ou chimique1 », releva de la compétence des surintendantes d’usines. De création récente, elles exerçaient ce métier avec, précisément, pour mission de régler les problèmes de l’intégration des femmes dans le monde du travail. En général, les surintendantes d’usine « jouèrent plutôt le rôle d’assistante sociale dans des secteurs de l’industrie : Michelin, Peugeot, Thomson, les Compteurs de Montrouge, les Chemins de fer, des grands magasins, l’industrie alimentaire et le textile lyonnais2 ».
4En dehors de ces problèmes de la condition féminine à l’usine, la cherté de la vie provoqua des mouvements de grève dans les établissements parisiens de la CdC en 1919 et 1920.
5Se référant à une grève déclenchée par les Syndicats de la métallurgie, le personnel parisien cessa le travail le 2 juin 1919. Il reprit rapidement à l’usine du boulevard de Vaugirard, mais seulement le 30 juin à celle de la rue Claude Vellefaux, après des négociations menées avec l’aide du Groupe patronal des industriels de la région parisienne (GPIRP).
6Ces négociations aboutirent à la fixation d’un salaire journalier minimum de 10 F et une indemnité de cherté de vie décroissante de 5 F à 0,00 F, proportionnellement aux salaires de 10 à 25 F. La grève, intervenue en 1920, fut réglée par le biais d’une aide aux familles : prime de naissance, d’allaitement, de subventions pour les enfants de moins de 14 ans et une allocation selon l’ancienneté des ouvriers âgés, incapables de travailler3.
7Dans les établissements de province, par solidarité avec les métallurgistes régionaux, des grèves éclatèrent en 1920 à Lyon, à Strasbourg et à Marquise, durant quinze jours en mars, à la suite d’un désaccord sur les indemnités de vie chère. Les mouvements prirent fin le 23 mars à Lyon, le 26 à Strasbourg et le 29 à Marquise sans que les grévistes aient reçu de réponses positives à leurs revendications.
8À Lille, la fonderie fit l’objet d’un look-out en septembre 1920. Sans indication de sa durée, le mouvement prit fin à la suite d’un arrangement amiable portant sur une augmentation de l’indemnité de vie chère et l’institution d’un sursalaire familial4.
9Les commentaires de Gabriel Chamon sur ces différents mouvements sociaux lors de l’assemblée générale ordinaire du 29 juillet 1919, sont révélateurs de la conception du rôle du patron et de celui de la condition ouvrière, alors en vigueur : « A l’heure même où un travail intensif était nécessaire pour réparer les dommages causés par la guerre, les ouvriers devraient comprendre qu’il importe avant tout d’éviter une diminution de la production qui serait fatale à l’industrie de notre pays, en même temps qu’elle amoindrirait le bien-être des travailleurs eux-mêmes, puisque la prospérité d’un pays dépend avant tout de sa puissance de production ».
10L’application de la loi du 23 avril 1919 instaurant la journée de huit heures, largement évoquée, était aussi largement déplorée.
« Elle constituait une source de charges nouvelles à l’heure où les demandes d’augmentation de salaires d’une main-d’œuvre, devenue rare après la “saignée” de la Grande Guerre, conduisaient à une augmentation des prix de revient et des prix de vente des différents produits aux dépens du développement de ceux-ci5. »
11Sur ces problèmes sociaux vinrent se greffer différentes séquelles du conflit.
Les séquelles économiques, commerciales et politiques
12Les séquelles économiques, pour la CdC, se situèrent dans le domaine de l’approvisionnement en matières premières indispensables à la fabrication des compteurs, à l’exemple du fil fin émaillé dont, de surcroît, les fournisseurs attentifs aux variations de change, exigeaient un paiement à la commande de fournitures parcimonieuses.
13Sous la menace d’une rupture de stocks préjudiciable, la CdC s’orienta d’abord vers des propositions intéressantes émanant des États-Unis où se rendit en 1922, une mission, composée notamment des administrateurs récemment nommés, Albert Petsche et Ernest Mercier. Convaincus de pouvoir réaliser le matériau indispensable en France, la CdC faisait l’acquisition de l’Émaillerie Guibout à Dieppe pour une somme de 116 937,25 F, incluant des immeubles et des terrains6.
14Le fondateur de cette entreprise, un aïeul de son directeur, Lucien Guibout, était venu s’installer à Dieppe vers 1850. La ville était à cette époque, le centre de la fabrication des pendules et des réveils comme Besançon l’était pour les montres. L’établissement fabriquait des cadrans en cuivre émaillé pour des entreprises de la région et pour les compagnies parisiennes de compteurs des rues Claude Vellefaux, Pétrelle et Vaugirard7.
15Une autre matière première, l’étain, très utilisé en ferblanterie, influencé par les variations du cours de la livre sterling, objet d’une spéculation intense8, demeura un sujet de préoccupation. En relation avec le problème des Réparations dues à la France et à la Grande-Bretagne par l’Allemagne, au titre des dommages de guerre, il empoisonna les relations économiques entre les années 1923 et 1925, empreintes des désaccords politiques, qui ne furent réglés qu’après plusieurs conférences entre la France et l’Angleterre9.
16Dans le domaine politique, le caractère ingrat pris par les relations franco-allemandes eut pour effet de priver la CdC de l’opportunité de réactiver la coopération technique et commerciale, établie en 1912, avec la firme allemande Martini & Hunecke, en matière de prévention du danger présenté par les liquides inflammables. L’impossibilité d’une reprise de la coopération se révéla d’autant plus dommageable que George Heeley avait réussi à assurer, durant le conflit, l’exploitation d’un dispositif mis au point par ses soins.
17La situation politique et militaire avait eu aussi pour effet de perturber une reprise des relations de la CdC avec sa filiale allemande et ses autres filiales européennes.
Les séquelles dans les établissements européens
18Les différents établissements européens avaient connu des perturbations dans le conflit mais leur retour à l’activité de paix fut principalement affecté par des modifications de leur statut, en fonction de l’élaboration de lois nouvelles dans les différents pays, mais aussi par le climat concurrentiel qui s’y était instauré10.
19L’établissement de Leipzig avait été perturbé par le conflit et son sort ne fut réglé qu’après la transaction du tribunal mixte franco-allemand, qui lui accorda une allocation forfaitaire de 275 000 F à titre d’indemnité. Par la suite, c’est le maintien de la société en commandite simple qui fut décidé, sa représentation devant être assurée par la Twentsche Bank de Dordrecht11.
20Après avoir envisagé la cession de l’immeuble pour un million de francs, plus sa valeur d’exploitation, évaluée à 1 800 000 marks, un projet de réorganisation fut finalement entériné par la conclusion d’un accord commercial avec l’Office de compensation franco-allemand, basé sur le tarif douanier en vigueur12.
21La régularisation immobilière ne prévint en rien la concurrence allemande qui se révéla agressive à l’heure où la France « traversait une crise industrielle avec une main-d’œuvre rare et un rendement insuffisant, en raison de l’application de la loi de la journée de huit heures13 ». Cette concurrence allemande était estimée d’autant plus redoutable qu’elle s’exerçait dans le domaine de l’électricité, à l’exportation comme sur le marché intérieur, et dans les régions libérées en Europe, dont certaines municipalités avaient opté pour des commandes à des fournisseurs d’outre-Rhin pour des raisons d’économies14.
22Néanmoins, la CdC avait pu établir des contacts ponctuels avec les firmes allemandes Siemens et AEG. Ils permirent de parvenir à une entente portant sur certains appareils fabriqués, leur prix et leur contingentement15 mais leur portée devait rester limitée.
23En revanche, la concurrence allemande se révéla très active en Suisse par le biais de la société Landis & Gyr. La CdC réussit à la contourner grâce à l’autorisation obtenue d’inclure les appareils produits par cette entreprise dans des installations industrielles16.
24La société Landis & Gyr, une émanation de l’Institut électrotechnique Theiler & Cie créée en 1896 à Zoug (Suisse), avait pris successivement pour raison sociale : Institut électrotechnique Theiler & Cie, Theiler & Cie et H. Landis, société spécialisée dans la fabrication de compteurs électromécaniques relevant du principe Ferraris.
25Si la concurrence allemande touchait aussi l’Autriche, la situation de la filiale de la CdC, la Société Danubia, à Vienne avait l’avantage de bénéficier d’un taux de change bas lui permettant de fabriquer des appareils, destinés aux régions environnantes, à un prix de revient très réduit et dans des ateliers destinés à devenir conséquents. Leur extension devait subir quelques retards en raison d’améliorations exigées par l’Inspection du travail, quant aux conditions des travailleurs17.
26La succursale de Bruxelles ayant souffert du conflit, l’agrandissement de ses ateliers fut décidé pour permettre la fabrication de l’ensemble des compteurs d’électricité, afin de contourner les effets du nouveau traité de commerce franco-belge qui taxait, de droits prohibitifs, les appareils fabriqués en France.
27La succursale Contigea, provenant de l’absorption en 1881 de la Maison Dejaifve & Mignot, fusionna avec Eau, gaz, électricité & applications (EGEA), à la suite d’accords intervenus entre la Compagnie belge pour la fabrication des compteurs et la Société Electrobel, qui avaient des intérêts communs18.
28En Espagne, la législation entraîna la création à Madrid d’une société anonyme, la Compania para la Fabricacion de Contadores y Materiel Industrial, qui reçut, en apport, l’actif de la maison de Barcelone ainsi que sa clientèle. Un terrain, acquis à proximité des bureaux occupés jusque-là, devait permettre de réunir des services, disséminés dans différents quartiers de la ville, ainsi que la création d’un atelier destiné à mieux desservir des clients dans des régions méridionales.
29Le regroupement de cette succursale de Madrid avait été décidé en raison des perspectives offertes par les pourparlers engagés avec le représentant de la Sociedad Generale Contadores & Material Industrial de Madrid, qui réalisait le montage des compteurs Siemens. Ces pourparlers devaient introduire la CdC dans un certain nombre de sociétés espagnoles clientes et contribuer à la disparition du concurrent allemand, présent dans la péninsule. Pour les besoins de la cause, un terrain était acheté à Madrid pour 130 000 pesetas19.
30En Italie, l’établissement de Milan présentait, en octobre 1920, un caractère révolutionnaire avec l’occupation de l’usine par les ouvriers prétendant y demeurer et s’emparer de la direction. Sans appui des Pouvoirs publics italiens, les directeurs français, alors qu’ils étaient en droit de réclamer leur assistance pour la défense de la propriété et le rétablissement de l’ordre, durent quitter les usines. L’ordre rétabli en novembre, les directeurs réintégrèrent les locaux où ni dégâts ni vols ne furent constatés20.
31Par la suite, alors que la succursale bénéficiait d’une bonne situation industrielle mais éprouvait des problèmes de recrutement de ferblantiers, le décès d’Étienne Siry père, le 26 mars 1924, entraîna la liquidation de la Société Siry-Chamon de Milan, afin de se conformer à la législation du pays. En raison de l’acte de société antérieur, l’établissement dut être transformé en une succursale au capital de 90 000 lires, dénommée Stabilimenti Siry-Chamon.
32Cette disposition eut l’avantage de resserrer des liens avec des groupes importants de l’industrie gazière et électrique en relation avec la renommée de la famille Siry. La fabrication à Milan du compteur Sigma, dont le brevet avait été déposé en 1927, permit aisément son introduction à Rome par l’intermédiaire d’Italgas21.
33Aux Pays-Bas, à Dordrecht, la fabrication d’appareils spéciaux connaissant un franc succès, la création d’une société pour leur exploitation en Angleterre fut décidée, en raison de la similitude des marchés hollandais et anglais.
34En Pologne, des contacts, visant à créer un organisme chargé de la vente des appareils de la CdC, aboutirent à la création d’une société polonaise à Varsovie, destinée à fabriquer le compteur BT de la filiale Compagnie de constructions électriques (CEC) d’Issy-les-Moulineaux22. Une entente avec la Maison Spotenski conduisit à la reprise de la société grâce au rachat de 80 % des actions23.
35En Suisse, l’établissement de Genève était devenu, en 1920, une société anonyme au capital de 150 000 F, divisé en 150 actions de 1 000 F chacune. Dénommée Compagnie pour la fabrication des compteurs et matériel d’usines à gaz, plus communément CdC Genève, dont le siège était à Châtelaine, commune de Verbier, elle avait été constituée suivant les actes établis par Me Gampert, notaire à Genève. CdC Genève avait pour objet « la fabrication, la réparation et la vente de compteurs à gaz et d’appareils servant à l’éclairage, des compteurs à eau, appareils hydrauliques, des compteurs d’électricité, appareils de mesure, et tout ce qui concernait les mesures électriques et autres industries s’y rattachant ». Selon les statuts « les 150 actions ont été toutes souscrites par les fondateurs et étaient entièrement libérées24 ».
36Si l’établissement suisse conserva son activité commerciale, le transfert de son usine de Wolhen, principalement affectée à l’horlogerie, d’abord prévu à Chambéry, fut réalisé à Besançon après l’achat de deux terrains, avenue Villarceau, de 11 000 m2 pour 325 000 F et d’un terrain complémentaire de 615,78 m2, cédé par la ville de Besançon pour 9 236,75 F. Le coût de la construction de l’usine fut estimé à 900 000 F et l’outillage entre 600 000 et 700 000 F. Une partie du personnel de Wolhen avait rejoint le site de Besançon en septembre 192425.
37En Tchécoslovaquie à Prague, c’est la Société PAV était fondée pour représenter les intérêts de la CdC et fournir ses appareils aux clients locaux et à ceux des pays balkaniques. À cette fin, trois bâtiments furent acquis, de respectivement 606 m2, 306 m2 et 303 m2, ainsi qu’une maison d’habitation de 336 m2 avec un terrain clôturé de 6 000 m2 pour le prix global de 600 000 couronnes soit, au cours de 1920, 250 000 F26.
38La Société PAV joua un grand rôle dans la collaboration franco-tchèque qui s’instaura à l’occasion de la construction de la nouvelle usine à gaz municipale de la ville. Le bureau créé sur place, fonctionna avec un personnel parisien compétent, détaché de Paris, pour participer à la mise en exploitation du nouveau compteur Sigma, pour lequel de nombreux brevets avaient été pris en France et à l’étranger27. Cependant, alors que les affaires de cet établissement se développaient, les mesures de protection, prises ultérieurement par les États d’Europe centrale, contrecarrèrent sérieusement le développement de cette société.
39Dans le contexte tumultueux de la reprise de l’activité industrielle traditionnelle, Anatole Foiret avait demandé en 1919 à être déchargé de ses fonctions d’administrateur. Demeurant ingénieur-conseil au sein du comité de direction, il demanda et obtint d’être assisté de Laurent Millet, un technicien entré jeune en 1882 à la CdC28. En juillet de la même année, les actionnaires de la CdC étaient informés, lors de l’assemblée générale ordinaire, de l’évolution du conseil d’administration et des remaniements managériaux intervenus et envisagés au sein de l’entreprise.
Les remaniements et les fluctuations managériales
40Le temps ayant fait son œuvre de nouvelles personnalités de la filière du comptage et de la banque étaient aux côtés de Gabriel Chamon en 192029.
Les administrateurs en 1920
41La disparition en 1916 de Jules Ancel (ancien président de la Société technique du gaz, administrateur de la Compagnie du gaz de Lyon), et de l’ingénieur Alphonse Frager (actif et influent au sein de l’établissement de Maine-Vaugirard) avait amené à coopter deux nouveaux administrateurs : Auguste Boutan, ingénieur de l’École centrale des arts & manufactures (administrateur délégué du Gaz de Lyon et président de la Société des forces motrices d’Amiens) et Henry Damour, président de la Compagnie du gaz de Lyon.
42Charles Michel, directeur de l’établissement de Maine-Vaugirard également coopté en 1917 voyait, lui aussi, à ses côtés de nouveaux administrateurs nommés en 1919 lors du conseil d’administration :
43Louis Watel-Dehaynin, très apprécié des dirigeants de l’industrie du gaz où il occupait une place importante, apportait à la CdC sa valeur technique et professionnelle. Administrateur de la Société d’éclairage, chauffage et force motrice (ECFM) aux côtés de Gabriel Chamon, il était administrateur délégué et membre du conseil de surveillance de la Compagnie française d’éclairage et de chauffage par le gaz.
44Paul Boyer, président du Comptoir national d’escompte de Paris (CNEP), il devait faire bénéficier la CdC de sa compétence dans les questions financières et contribuer à renforcer les liens avec cette banque qui avait toujours apporté un appui cordial à la CdC30.
45Ernest Chamon, démobilisé, était nommé simultanément cinquième membre du comité de direction et administrateur, en vertu de la volonté de Gabriel Chamon selon laquelle les administrateurs-directeurs doivent être formés tout en restant fidèle aux traditions du passé31.
46En 1920, c’est la présence du corps des ingénieurs au sein du conseil d’administration de la CdC qui est remarquée.
Les ingénieurs au conseil d’administration
Tableau XXIII – Organisation de la CdC en 1920
Établissements au 29-33, rue Claude Vellefaux et Bld Vaugirard.
47Le corps des ingénieurs avait été représenté jusque-là par Anatole Foiret, ingénieur de l’École centrale des arts & manufactures, l’un des créateurs de la CdC, et par Alphonse Frager, ancien élève de l’École Polytechnique, directeur de l’établissement de Vaugirard, décédé en mai 1920.
48Un troisième ingénieur avait été nommé administrateur de la CdC en 1909, Albert Petsche (1860-1933), X-Ponts, licencié en droit. En 1896, il était nommé directeur de la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage (SLEE) avec l’appui de son beau-père Eugène Bruniquel, administrateur délégué depuis 1889.
49Administrateur de la CdC à 49 ans, Albert Petsche avait déjà derrière lui un passé prestigieux, incluant une participation à des missions d’études en Allemagne, en Suède et en Norvège. Ingénieur d’État, en poste à Bayeux, il avait mis en place le service des eaux, puis avait rejoint le service municipal de la ville de Paris. Aux termes de missions d’études en Angleterre, en Belgique et aux Pays-Bas, il installa à l’usine électrique du quai de Javel à Paris, le premier four d’incinération d’ordures ménagères, destiné à fournir de l’énergie via des chaudières à vapeur. Albert Petsche joua également un rôle au sein du secteur de la place de Clichy et de la Société du triphasé, qui s’était dotée de l’usine d’Asnières en 1912. Administrateur délégué de la Société lyonnaise (SLEE), il en devint le président en 1922.
50Durant la guerre de 1914-1918, Albert Petsche, colonel de Génie en 1916, avait joué un rôle aux côtés de Louis Loucheur et était devenu président de la Commission interministérielle du charbon. Grâce à lui, la SLEE sortit du conflit mondial en position plutôt favorable32.
51Albert Petsche était devenu président de la CdC, au lieu et place de Gabriel Chamon qui avait passé la main, en 1925, à l’approche de ses 80 ans. Devenu administrateur directeur général, il conserva ses mandats d’administrateur de la Compagnie parisienne de distribution d’électricité (CPDE), administrateur délégué de la Compagnie française du centre et du midi et vice-président d’Alsthom.
La relève des aînés
52La relève fut assurée par des ingénieurs influents dans le monde de l’électricité qui, ralliés à l’entregent des Chamon, ou particulièrement intéressés par l’évolution de la CdC, marquèrent celle-ci de leurs empreintes.
53Robert Ellisen ingénieur de l’École centrale des arts & manufactures, délégué de la Compagnie générale du gaz pour la France et l’étranger, présidait aux destinées de vingt usines en France, seize à l’étranger, en Belgique, en Roumanie et en Grèce. Il émargeait aussi à la Compagnie du gaz de Mulhouse, à la Compagnie du gaz de Marseille et était, de plus, administrateur de compagnies ferroviaires, de sociétés électriques et d’assurances.
54Ernest Mercier (1878-1955)33, ancien élève de l’École Polytechnique (1897), classé 13e sur 223, avait intégré le corps du Génie Maritime. Après avoir débuté sa carrière à Toulon et suivi les cours de l’École supérieure d’électricité, il entra à la société Nord Lumière en 1912 où il étudia l’électrification de la région parisienne.
55La mobilisation d’Ernest Mercier en 1914, l’avait mené au Monténégro puis aux Dardanelles et aux côtés de l’armée roumaine sur le Danube. Colonel à la fin de la guerre, il avait été nommé au Cabinet du ministre de l’Armement, Louis Loucheur.
56Grand patron électricien, soutenu par la Banque Rothschild, dénommé The French Technocrat34, Ernest Mercier visita les États-Unis après la guerre à l’invitation de General Electric Cny. Il contribua à l’édification des super-centrales de Gennevilliers et de Vitry, les plus modernes d’Europe dont la CdC fut l’un des fournisseurs, créa la compagnie l’Union de l’électricité, la Compagnie française des pétroles en 1921, fonda Alsthom, dont il devint administrateur ainsi que de la Compagnie générale d’électricité (CGE). Il participa également à la création de la Compagnie Française de Raffinage en 1929.
57Albert Petsche et Ernest Mercier avaient figuré parmi l’équipe de techniciens, qui avait entouré le Président Clemenceau. Albert Petsche, à ce poste, avait jeté les bases d’une politique nationale d’indépendance énergétique et soutenu, en 1919, les efforts d’Ernest Mercier en faveur d’une standardisation des fréquences de courant de la région parisienne35.
58Tous deux administrateurs de la Société alsacienne de construction mécanique (SACM), fondée en 1872 (contemporaine de la CdC), cette entreprise fut l’un des principaux vecteurs de l’introduction de la technologie de Siemens en France. Albert Petsche et Ernest Mercier avaient aussi travaillé au mouvement américanophile : Le Redressement français, société d’études proche des milieux d’affaires qui se donnait pour but, dans les années 1920, « de procéder à une rationalisation de l’économie française et de réviser la Constitution pour confier le pouvoir aux techniciens compétents plutôt qu’aux politiques, aptes seulement à ses yeux, à faire des discours36 ».
59Ernest Mercier, avant d’être pressenti par Albert Petsche pour devenir administrateur de la CdC en 1921, agissait en qualité d’ingénieur-conseil à la CdC depuis 1919. Dans le cadre de cette mission, il avait estimé que les conditions de travail en vigueur à l’établissement de Vaugirard exigeaient une réorganisation rapide. Il suggéra une décentralisation, possible selon lui, à Clichy. Requérant des investissements importants, cette solution et celle de Meudon furent abandonnées en faveur de Montrouge, localité préferée pour transférer les établissements de la rue Claude Vellefaux, du boulevard de Vaugirard et de l’avenue du Maine37.
60Alphonse Frager, en son temps, avait préconisé le transfert de certaines fabrications de compteurs d’électricité à l’occasion de la création, en 1908, de la filiale Compagnie de construction électrique (CCE) à Issy-les Moulineaux, dont l’extension avait été poursuivie, grâce à des acquisitions réalisées entre 1918 et 1921 de terrains contigus ou à proximité38.
- 637 m2 au prix de 26 200 F
- 500 m2 à 30 F le m2, soit 15 000 F
- 1 023 m2 à 67 F le m2, soit 68 541 F
- 510 m2 à 40 F le m2, 20 400 F
- 645,64 m2 à 45 F le m2, soit 29 054 F
- 440,21 m2 à 66 F le m2, soit 29 054 F
- 659,48 m2 à 38 F le m2, soit 25 060 F au lieu dit le Clos des Moulineaux
- 294,52 m2 pour le prix total de 14 000 F, 9 rue du Docteur Lombard39.
61L’acquisition de l’immeuble en 1921 de 245 m2, au prix de 35 000 F, concrétisa l’installation de la CCE sur une superficie de 5 700 m2 au 9, rue des Lombards à Issy-les-Moulineaux qui devint alors le siège social de la CCE.
62Une fois encore, l’œuvre du temps amena de nouvelles personnalités au sein de la direction de la CdC.
Le comité de direction et les administrateurs des années 1930
63Louis Desanges, nommé en 1930 et Marcel Lebon en 1933 appartenaient tous deux aux filières traditionnelles, le premier était président et administrateur-délégué de la Société gaz & eaux et le second gérant de la Société Lebon & Cie.
64Marcel Lebon s’honorait de compter dans son ascendance Philippe Lebon, l’inventeur de la distillation des produits du bois, objet du brevet du 28 septembre 1799. Il était aussi apparenté à Charles Lebon, le fondateur en 1847 de la Compagnie Lebon, qui avait obtenu des concessions d’éclairage public en France et en Espagne.
65Cependant, ce sont les disparitions en trois ans, 1933, 1934 et 1935, de George Heeley, Albert Petsche, Gabriel Chamon, Laurent Millet et Ernest Cuvelette, piliers de la fondation et de la culture d’entreprise, qui amenèrent de nouveaux entrants au sein du conseil d’administration. Ces derniers étaient appelés à jouer un rôle aux côtés du seul représentant de la seconde génération, Ernest Chamon, administrateur directeur général, assisté de deux de ses neveux, Pierre Heeley, secrétaire du conseil d’administration, investi de fonctions commerciales, et Marcel Boyer, de fonctions administratives et techniques.
66Le décès en 1935 de Georges Magnier, administrateur délégué de la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage (SLEE), administrateur de la CdC et quelques mois président, amena à la présidence Georges Vautier, ingénieur lyonnais, devenu administrateur de la CdC en 1911 à l’âge de 32 ans.
Tableau XXIV – Organisation de la CdC en 1930
Établissements au 12, place des États-Unis à Montrouge.
67Georges Vautier, ingénieur électricien de la faculté des Sciences de Lyon40 avait débuté dans l’industrie par différents stages à la Compagnie Westinghouse au Havre et dans une usine hydro-électrique à Clermont-Ferrand. Entré ensuite comme ingénieur à la Compagnie du gaz de Besançon, il passa à la direction générale du Groupe Vautier à Lyon, chargé de l’administration technique et financière d’usines à gaz et d’électricité en France, en Italie et en Espagne. Il se consacra également au développement et à la transformation de la Compagnie hydro-électrique d’Auvergne, dont il devint vice-président, puis président.
68Georges Vautier avait aussi créé, en 1919, les Compagnies réunies du gaz et d’électricité, dont le siège social était à Lyon et leur direction à Paris. Il en devint administrateur délégué, puis directeur général. Georges Vautier était, en outre, président de nombreuses organisations et entreprises :
- Syndicat professionnel de l’industrie du gaz en France (1930-1933) et vice-président du Syndicat professionnel des producteurs et distributeurs d’énergie électrique ;
- La Compagnie générale du gaz pour la France et l’étranger à Paris ;
- La Compagnie générale de gaz et d’électricité à Bruxelles ;
- L’Union houillère électrique ;
- Compagnie d’azote Belge.
69Un autre ingénieur était devenu administrateur en 1935 en remplacement d’Ernest Cuvelette, Roger Boutteville, ancien élève de l’École Polytechnique, introduit dans la filière du comptage. Il avait l’avantage d’être adjoint d’Ernest Mercier à l’Union d’électricité.
70Conséquence de ces mouvements, le conseil d’administration comptait, en 1939, sept ingénieurs (contre cinq à la fin des années 1920), quatre personnalités des filières du gaz et de l’eau et une du secteur bancaire.
- Georges Vautier, ingénieur, président
- Prosper De Lachomette, ingénieur
- Ernest Mercier, Polytechnicien
- Pierre Azaria, Centralien
- Auguste Boutan, Centralien
- Roger Boutteville, Polytechnicien
- Paul Boyer, du secteur bancaire
- Henry Damour, de la filière gazière
- Louis Desanges, de la filière gaz & eau
- Robert Ellisen, Centralien
- Marcel Lebon, de la filière gazière
- Louis Watel Dehaynin, de la filière gazière.
71Artisans et partisans de l’expansion de l’entreprise, ces administrateurs étaient en faveur d’un regroupement des ateliers parisiens dans un établissement industriel moderne pourvu d’équipements plus sophistiqués, qui devait permettre une diminution des frais généraux et une augmentation des capacités de production, de nature à faire face à la concurrence de plus en plus active.
La réactivation du regroupement des sites parisiens à Montrouge
72Le projet initial montrougien qui prévoyait une répartition des ateliers, d’abord sur deux étages, puis sur trois, pour accueillir les ateliers et le personnel, avait été stoppé fin 1918, en raison de l’augmentation extraordinaire des prix de la construction, alors qu’une superficie couverte utile de 12 000 m2, dédiée à des ateliers, était déjà réalisée. Le coût évalué à 3 600 000 F, la ville de Montrouge avait répondu favorablement à une demande de prêt de 300 000 F, pour la viabilité d’une voie traversant les terrains dévolus à la nouvelle usine41.
L’extension de l’embryon du puzzle montrougien
73Le chantier de construction réactivé, une succession d’acquisitions allait permettre de réaliser un véritable puzzle triangulaire cerné par l’avenue de la Gare (devenue avenue Jean Jaurès), la rue de Fontenay (devenue Maurice Arnoux) et la rue Gabriel Péri. Composé de parcelles achetées au fil des années, payées comptant en billets de la Banque de France, les actes notariaux avaient été signés par Gabriel Chamon jusqu’en 1919, puis par Ernest Chamon à partir de 192042 :
- Un terrain, avenue Verdier de 864 m2 pour 19 440 F en 1918.
- Un terrain de 431,97 m2, également avenue Verdier appartenant à la ville de Montrouge, fut échangé avec un terrain enclavé de 329 m2 rue de Fontenay appartenant à la CdC contre un versement par celle-ci de 10 000 F.
- En 1920, deux terrains l’un de 1 749 m2, l’autre de 1 018 m2 situés avenue Verdier, enclavés dans une superficie de 4 330 m2, dans laquelle une voie viabilisée faisant l’objet d’une servitude indemnisée à hauteur de 3 250 F, furent acquis pour 249 410 F.
- L’abandon en 1921 d’une bande de terrain de 4 370 m2, située avenue de la Gare et place du Président Wilson, au profit de la ville de Montrouge, valut à la CdC de bénéficier d’une indemnité de 44 000 F.
- La cession sans soulte d’une portion de terrain de 9 m2, incluse dans une plus grande surface, Grande rue et rue Marcellin Berthelot, fut réalisée en 1922 ainsi que l’acquisition, suite à la mise en adjudication par le tribunal de première instance, de deux superficies, respectivement de 346 m2 et de 241 m2 rue de Fontenay mises à prix, l’une à 17 000 F, l’autre 8 200 F, soit 25 200 F.
- En 1923, la CdC, pour permettre l’ouverture d’une voie d’utilité publique entre l’avenue de la Gare et la nouvelle gare de Montrouge Châtillon, céda un terrain de 357,10 m2 (prix illisible). Cette même année, elle acquit 26,5 % d’une propriété avec jardins d’agrément et potager, d’un total de 3 102 m2, pour le prix de 26 510 F, les 73,5 % du terrain restant étant acquis par la Société du Lion Noir pour 73 589 F.
- Une portion de 79 m2 enclavée dans la propriété de la Maison de santé, de retraite et de convalescence du Grand Montrouge 75 Grande rue, était acquise en 1924 pour 5 000 F.
- En 1925, l’acquisition de quatre terrains était réalisée, deux situés avenue de la Gare et rue de Fontenay de 700,25 m2 et 294,50 m2 pour 154 186 F, et deux autres, avenue de la Gare et rue Pierre Boillaud de 643 m2 et de 311,15 m2 pour 120 000 F, soit 274 186 F pour les 4 terrains.
- En 1927, une partie d’un immeuble à usage d’usine et d’une maison de rapport 73, Grande rue, de 4 156 m2 et 236 m2, acquise au prix de 777 000 F, conduisit à résilier le bail consenti par le propriétaire à la Société Lagache & Glaszmann, qui fut indemnisée à hauteur 41 300 F par la CdC. La résiliation concernant les constructions élevées par cette société, achetées 77 325 F, donnèrent lieu à une indemnisation de 10 875 F. L’ensemble de l’opération s’éleva à 906 500 F43.
- En 1928, des terrains bâtis loués également à la Société Lagache et Glaszmann, situés rue Marcellin Berthelot et place des États-Unis de 1 047,70 m2, étaient acquis au prix de 120 695 F. L’acte de vente excluait l’exercice de professions utilisatrices des produits dangereux.
74Le total des acquisitions entre 1918 et 1928 s’élevait à 1 660 551 F. Ajoutées à celles réalisés en 1917, à hauteur de 1 499 607 F, la valeur totale des terrains acquis atteignait 3 160 158 F. Rapportées à la valorisation des Terrains & Constructions de Montrouge au bilan du 31 mars 1928 : 27 011 974 F, le coût des constructions et des aménagements industriels réalisés, revenait à 27 011 974 F – 3 160 F soit 23 851 816 F.
75Sur ce puzzle montrougien, d’une superficie couverte de 17 000 m244, un ensemble industriel fut édifié, sous la supervision d’Ernest Mercier, par l’entreprise du bâtiment et de travaux publics Darras et Jouanin, 25, rue Guersant à Paris 17e (fondée en 1914, par ces deux ingénieurs sortis de l’École centrale des Arts & manufactures de Paris). Leurs réalisations pour le compte de la CdC sont attestées par trois cartes postales appartenant à un collectionneur privé45.
76Un événement imprévu vint bousculer les programmes de construction et de transfert des activités.
L’événement déclencheur, l’incendie de « Vaugirard »
77L’incendie, qui se déclara le 7 février 1921 entre 19 heures et 19 h 30, dans l’un des ateliers de montage des transformateurs et d’appareils spéciaux de Vaugirard, fut rapidement circonscrit grâce à l’arrivée, quatre minutes après l’alerte, des pompiers de la ville de Paris. La cause de ce sinistre ne fut pas élucidée, en dehors de l’éventualité d’une cigarette, mal éteinte, jetée à proximité. Trois ateliers de montage de transformateurs et d’appareils de mesure, quatre magasins renfermant une quantité considérable de marchandises et de pièces détachées, en réserve pour la construction des appareils de mesure, subirent les ravages de l’incendie, qui provoqua une diminution de production et un retard des livraisons aux clients46.
78Le sinistre n’engendra aucun chômage, le personnel ayant été affecté, soit à la remise en état des lieux, soit dans des locaux prêts à les accueillir avenue Verdier à Montrouge. Des offres spontanées d’entreprises de mises à disposition d’ateliers furent d’un grand secours, dont celles du Matériel téléphonique, des Hauts-fourneaux de Pont-à-Mousson, de la Société industrielle des téléphones (SIT), de la Compagnie française pour l’exploitation des procédés Thomson-Houston (CFTH), de la Compagnie continentale pour la fabrication des compteurs, de la Maison Garnier, de Chauvin & Arnoux, des Établissements Barriquand & Marre, de la Maison Hurtel…
79Le CNEP consentit un découvert de 500 000 F47 alors que le sinistre avait été évalué à 6 480 000 F. Cette somme acceptée par l’assurance fut complémentée par une indemnité de 1 300 000 F pour les marchandises48. Néanmoins, le sinistre conduisit à lancer un emprunt de vingt millions, par le biais de l’émission de 40 000 obligations de 500 F, pour vingt millions garantis par le CNEP49. Le sinistre remit évidemment en cause les prévisions de transfert de l’ensemble de ses fabrications à Montrouge.
Le transfert des fabrications parisiennes et du siège social
80Après avoir envisagé un échelonnement des travaux sur plusieurs années afin de ménager les ressources financières, Ernest Mercier, devenu administrateur en 1921, proposa l’achèvement en deux phases de l’établissement de Montrouge, destiné à devenir une grande usine moderne. L’achèvement de la première phase, prévu en novembre 1921, incluait les travaux déjà réalisés, chiffrés à 9 163 713 F, qui permettaient de disposer d’une superficie de 17 000 m2. La seconde phase, qui devait aboutir au printemps 1922, prévoyait que la superficie couverte devait atteindre 58 000 m2. Elle avait été provisionnée à hauteur de quatorze millions incluant, outre la valeur des outillages, l’aménagement des nouveaux ateliers50.
81Ce calendrier prévisionnel réalisé, Ernest Mercier était en mesure, en juillet 1922, de présenter le plan de deux constructions triangulaires, de part et d’autre de l’avenue de la Gare, l’une donnant sur la rue de Fontenay, l’autre sur l’avenue Verdier, abritant un ensemble d’ateliers couvrant environ 60 000 m2.
82L’installation de la chaufferie terminée, Ernest Mercier annonçait que les bâtiments étaient prêts à accueillir l’ensemble du personnel du siège social de la rue Claude Vellefaux et de la succursale de Maine-Vaugirard, dès la mise en place des services indispensables : réfectoires, salles de repos et un restaurant coopératif destiné au personnel51.
83Le transfert de l’activité à Montrouge, à peu près achevé, dans le premier semestre de 1923, fut qualifié d’œuvre considérable, réalisée au prix de beaucoup d’efforts de tous. Les nouveaux ateliers, selon l’information donnée aux actionnaires réunis en assemblée générale, devaient permettre de satisfaire les demandes de la clientèle dont les commandes étaient en hausse.
84« Réputé présenter une élasticité de nature à permettre des agrandissements ultérieurs52 », le nouvel établissement industriel fit l’objet d’une promotion à laquelle Ernest Mercier ne fut pas étranger, qui se traduisit par « la visite de l’établissement, considéré comme l’un des plus intéressants de la région parisienne, par les personnalités de dix huit nations qui participèrent à la Conférence internationale pour la Haute Tension tenue à Paris en 192353 ».
Fig. 9 – CdC, siège social 12, place des États-Unis à Montrouge
Fig. 10 – Vue aérienne du site industriel de Montrouge
85Le personnel, dans ce nouvel environnement, expérimentait des conditions nouvelles de travail qui ont été immortalisées, notamment dans des ateliers essentiellement féminins.
Fig. 11 – Montrouge – atelier « bobinage » (1924)
Fig. 12 – Montrouge – atelier « montage » 1924
86Le regroupement des activités parisiennes et le transfert du siège social de Paris au 12, place des États-Unis à Montrouge avaient entraîné la conclusion d’un contrat d’assurance avec plusieurs sociétés étrangères54 ainsi que la liquidation du patrimoine immobilier parisien.
La liquidation du patrimoine immobilier parisien
87La première transaction, concernant une maison de 346 m2 30, rue Vicq d’Azir, fut réalisée en 1923 au prix de 115 000 F55. Les immeubles parisiens complètement libérés en 1924, les actionnaires étaient informés des pourparlers engagés pour leur cession.
88La partie de l’immeuble située à l’angle des rues Claude Vellefaux et de la Grange aux Belles, objet d’une promesse de vente à hauteur de 3 250 000 F, comportait l’engagement de l’acquéreur du versement d’un million de francs en cas de non-réalisation. La vente fut réalisée moyennant le versement d’un million le 1er juillet, d’un autre million à la signature de l’acte, le solde devant être réglé le 31 décembre 192456.
89La partie de l’immeuble à l’angle de la rue Claude Vellefaux et de la rue Vicq d’Azir, d’une surface de 2 816 m2 fut aussi cédée, en juillet 1924, pour 2 900 000 F, à la Soudure autogène française (SAF)57. L’ensemble industriel triangulaire (rue Claude Vellefaux, rue de la Grange aux Belles, rue Vicq d’Azir), avait été été vendu pour la somme de 6 265 000 F.
90Ce montant, rapproché de la valeur des acquisitions faites en 1880 et 1881, respectivement pour un montant de 270 000 F et de 300 000 F, et celles réalisées entre 1894 et 1910, respectivement pour 53 801 F, 175 000 F, 77 000 F, 100 000 F et 150 050 F, soit au total 1 125 851 F, montre que la CdC réalisa, en 1924, une plus-value confortable, à moduler selon les variations monétaires.
91En ce qui concerne les locaux industriels du boulevard de Vaugirard et de l’avenue du Maine, libérés eux aussi au début de 1924, une option prise pour leur vente ne fut levée qu’au 1er avril 1925, en raison de l’état général des affaires immobilières, évoqué au moment de l’expiration des délais prévus.
92Le dédit de 100 000 F prévu fut versé mais, en raison de la plus-value qui s’annonçait sur les propriétés voisines de la gare Montparnasse, les nouvelles propositions furent laissées sans suite, dans l’expectative d’une opération ultérieure plus intéressante. Seul, un terrain mitoyen de l’école communale fut cédé pour 215 000 F à la chambre de commerce58.
93Ce n’est qu’en 1929, que de nouveaux pourparlers aboutirent à la vente de la partie de l’immeuble du boulevard de Vaugirard, donnant sur l’impasse du Maine, suite à une promesse de vente de 7 899 000 F avec un dédit d’un million59.
94Le succès du regroupement des sites parisiens à Montrouge reposait sur l’adhésion du personnel qui devenait garant du climat social et de la fusion des cultures d’entreprise chères à Gabriel Chamon et à Jules Michel.
La culture d’entreprise et le climat social après le transfert à Montrouge
95À l’heure du transfert des deux sites parisiens de la CdC, le logement du personnel demeurait la préoccupation primordiale des dirigeants de l’entreprise et de Gabriel Chamon en particulier.
96Agé de 76 ans en 1922, Gabriel Chamon se montra soucieux de demeurer au plus près du personnel. Ce souhait fut exaucé par la réalisation, dans le bâtiment H du site de Montrouge, d’un petit appartement incluant une cuisine, un bureau et une chambre. Il le préféra souvent, dans les années suivantes, à sa résidence parisienne 4, avenue Van Dyck, après le décès de son épouse en 1924 et la vente du château d’Annet60.
Le logement du personnel garant de la culture d’entreprise
97La distance entre Montrouge et le personnel résidant à proximité de l’établissement de Vaugirard, environ deux kilomètres, ne constituait pas vraiment un handicap pour des parisiens habitués à la marche à pied. En revanche, il n’en était pas de même pour les ouvriers et employés logés aux alentours de la rue Claude Vellefaux qui devaient envisager de déménager.
98Le seul moyen de transport en commun à leur disposition aurait été la ligne, appelée Montrouge-Gare de l’Est, reliant cette gare à la Porte d’Orléans. À dater de 1860, la ligne était desservie par des omnibus tirés par des chevaux puis fut équipée, à partir de 1900 et jusqu’en 1914, d’automotrices à impériale de marque Mekarski, fonctionnant à l’air comprimé. Ultérieurement électrifiée, la ligne subsista jusqu’en 193661.
99Ernest Chamon, chargé de tous les problèmes sociaux, s’engagea à assurer le logement du personnel transféré par le biais de la création à Montrouge de la Société immobilière de la banlieue sud de Paris, chargée de la construction « de centaines de logements sociaux à Malakoff, à quelques centaines de mètres de l’usine pour accueillir les salariés anciens et nouveaux62 ».
100Le financement fut assuré avec l’aide de la Caisse foncière de crédit sur la base d’un emprunt obligataire à 6 % et par l’émission d’actions de 500 F. La CdC souscrivit pour 250 actions, soit 125 000 F, au capital de la Société immobilière de la banlieue sud de Paris, fixé à 500 000 F porté à 1 000 000 F par la suite63.
101Le problème du logement résolu, pour les 2 900 personnes de « Claude Vellefaux » et les 2 200 de « Maine Vaugirard64 », il devenait primordial de réussir à instaurer, au sein du nouvel établissement, un climat social d’intégration soutenu par une interprétation patronale plus ou moins lénifiante.
L’interprétation patronale
102Dans le langage convenu de l’époque, elle est largement exprimée lors des conseils d’administration et dans les rapports aux assemblées générales à destination des actionnaires :
« Dans tous nos services, nous avons pu constater le même zèle, le même désir de mettre nos nouveaux ateliers en mesure de donner satisfaction aux demandes de la clientèle illustrée par l’augmentation des commandes65. »
103En 1925, ce sont « les dirigeants, les collaborateurs de tout rang, ingénieurs, employés, ouvriers qui devaient recueillir l’expression de la gratitude de l’entreprise, à l’heure même où les premiers signes d’une crise touchaient déjà sérieusement diverses industries66 ».
104Les « plus vifs remerciements adressés à tous, ingénieurs, employés, ouvriers qui ont été les artisans de l’œuvre commune. Nous avons été heureux de voir récompenser leur mérite dans la personne de leurs chefs, MM. Ernest Chamon et Laurent Millet qui ont reçu la croix de chevalier de la Légion d’Honneur » sont, par ailleurs, révélateurs de la culture patronale de l’époque que Gabriel Chamon faisait sienne.
105La formulation d’une « récompense dans la personne des chefs » en constitue une autre facette avec l’hommage « en miroir », rendu à l’occasion de l’accession, en 1927, au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur d’Horace Guilbert, entré à 13 ans en 1865 à la Fonderie de Marquise qui totalisait, cas unique, 75 ans de services ininterrompus67.
106Dans le même temps, Ernest Chamon introduisait une forme de paternalisme social en créant, le 13 mars 1926, le Groupe amical des trentenaires, dont il devint président d’honneur.
Le paternalisme social
107Les statuts du Groupe amical des trentenaires prévoyaient de resserrer les sentiments d’amitié entre collègues se connaissant depuis longtemps et leur permettaient de recevoir chaque année, en une réunion amicale, les camarades ayant atteint leurs trente années de service, de venir en aide à ceux de ses membres qui, malades ou nécessiteux, ne pourraient subvenir à certains de leurs besoins et, en cas de décès, de participer aux frais funéraires68.
108Dans le même esprit d’assistance, en raison de la cherté de la vie, outre une gratification trimestrielle de 50 F, chaque ouvrier, ayant trente années de service, devait recevoir une prime de 300 F à l’occasion de la remise de la médaille du travail et bénéficier, annuellement, d’un congé supplémentaire de huit jours.
109Le personnel fut, par ailleurs encouragé, lors de la promulgation des lois des 5 et 30 avril 1928 sur les assurances sociales (dites lois Laval-Tardieu visant à protéger les salariés de l’industrie et du commerce contre les risques maladie, maternité, vieillesse, invalidité, décès)69 à souscrire à cette assurance facultative. La CdC participa, à cette occasion, à la mise en place, en région parisienne, de la Caisse primaire sociale d’assurance no 75870.
110La création en 1926 de l’école d’apprentissage de la CdC constitua un autre volet, à double entrée, du paternalisme de l’entreprise : le maintien de la culture de l’entreprise et la fidélité d’un personnel qualifié issu d’un apprentissage scolarisé en son sein. L’entrée à cette école était très prisée de nombreux membres du personnel qui souhaitaient voir leurs enfants y apprendre un métier, garant d’un emploi et de la perspective de formations et de promotions ultérieures. Située dans des locaux de l’usine à Montrouge, rue de Fontenay, l’école bénéficiait du slogan alors très répandu « lorsqu’on entre à la CdC, on y fait carrière en dépit des vicissitudes de la vie professionnelle ».
111Un numéro de l’Amicale Schlumberger, « Le Trait d’Union », mentionne la fréquentation de cette école d’un membre du personnel, entre 1926 et 1930, qui obtint son CAP à la fin de l’année et bénéficia, par la suite, de promotions internes. Ajusteur-outilleur à l’outillage central pendant quelques années, il devint contremaître au service Découpe, puis pressenti plus tard pour diriger, à Reims, l’installation du service découpe-embouti des compteurs à gaz.
112Dans ce contexte consensuel, pourvue d’un potentiel de production regroupé dans un établissement moderne, de méthodes de management rajeunies, sa culture d’entreprise préservée, la CdC poursuivit son expansion en mettant à profit les opportunités susceptibles de contribuer à contourner les crises des années 1920-1930.
Les stratégies de contournement des crises de 1920-1930
113Dans le climat délétère des années 1920, à l’heure où l’approvisionnement du charbon posait problème, le gouvernement français manifestait un intérêt pour des procédés innovants susceptibles de pallier l’impossibilité d’obtenir du charbon sarrois.
L’opportunité d’une promotion gouvernementale de systèmes innovants
114L’encouragement, à destination des sociétés gazières à créer des usines utilisant le procédé innovant du « gaz à l’eau », constituait une opportunité pour la CdC de développer un procédé, dont elle avait l’exclusivité.
115Avec l’autorisation du ministère de l’Intérieur, l’entreprise conclut, avec la société anglaise Humphreys & Glasgow, un accord d’exclusivité pour la France concernant un procédé conçu par deux de ses ingénieurs. La CdC pouvait ainsi participer, en 1920, à la création d’une société anonyme française, au capital d’un million, la Société de construction d’appareils pour le gaz à l’eau et gaz industriels (GEGI), installée quai de Jemmapes à Paris. Les deux inventeurs de Humphreys & Glasgow y participèrent à hauteur de 49 % et la CdC de 51 %71. Les appareils, fabriqués dans les usines de l’entreprise, complétaient l’ensemble des systèmes offerts aux clients et permettaient un développement de l’installation d’appareils de gaz à l’eau en France et dans les pays voisins.
116Cette collaboration avec l’Angleterre permit d’améliorer la coopération, établie en 1900, avec la Société pour l’exploitation des procédés de productions de gaz industriels, exploitante du système allemand Delwick-Fleischer. Elle permit aussi d’amorcer la commercialisation du compteur Duplex en Angleterre, par le biais d’une concession de la licence de cet appareil à l’importante maison anglaise de fabrication de compteurs à gaz, Parkinson & Cowan. Cette concession, étendue à la fabrication de compteurs d’électricité et d’eau, devait aboutir à la formation d’une société anglaise.
117Le capital de la firme anglaise s’éleva à 100 000 £ divisés en 100 000 actions, la société Parkinson & Cowan y participant pour 50 000 £, la CdC pour 5 000 £, plus 45 000 £ en attribution de son apport constitué de brevets de compteurs d’électricité, d’eau et d’appareils de mesure. La zone d’action de Parkinson & Cowan était circonscrite à l’Angleterre, ses colonies et ses dominions, tandis que la CdC pouvait développer le procédé en France, dans ses colonies et dans les pays de protectorats ainsi qu’en Europe continentale72.
118Dans les années suivantes, la coopération franco-anglaise se révéla intéressante avec la cession de la CdC à Parkinson & Cowan, au prix de 7 500 £, d’une licence concernant le compteur sec à gaz Sigma73. Breveté en 1925, il avait été conçu dans les nouveaux locaux de Montrouge, époque à laquelle le catalogue de l’entreprise s’était enrichi du compteur d’eau Naïade et d’une gamme de compteurs spéciaux O’K embarqués à bord des transports en commun, comme le métropolitain et les tramways en France et à l’étranger74.
119Le développement d’un autre compteur, le Sigma, exigea une vigilance particulière, du fait de la concurrence allemande (exercée sous couvert d’une fabrique installée en Sarre) et des exigences du poinçonnage des compteurs de gaz et d’électricité. Le problème devait être réglé ultérieurement par l’intermédiaire du services des Poids & Mesures75.
120Dans la filière du gaz, la CdC s’intéressa aussi à un dispositif développé par la Maison Bourdonneau & Urbain, qui utilisait le « charbon actif76 » dans certains appareils. L’accord de cession des brevets conféra à la CdC l’exclusivité, pour l’Europe continentale, de la fabrication d’appareils utilisant cette technique.
121Dans le domaine de l’électricité, dont l’utilisation en dehors de l’éclairage et de la force motrice, était encore loin d’arriver à saturation, la CdC conçut un relais récepteur, appelé Actadis. Il s’agissait d’un dispositif de transmission à distance de signaux sur le circuit des réseaux de distribution, qui permettait la régulation, à différentes heures de la journée, de la consommation d’électricité des services publics et des abonnés équipés de compteurs à tarifs multiples. La sous-station d’électricité Ternes fut la première à en être pourvue en 1927. L’efficacité du système amena l’équipement des autres sous-stations parisiennes77.
122Le succès de ce système conduisit à installer un service « Action à distance » dans les ateliers de Montrouge. Créateur de nouveaux besoins dans la filière de l’électricité, l’Actadis présentait une avance technique, en particulier sur la concurrence anglaise. Elle mena à créer et à installer une société filiale à Londres au capital d’un million de francs, dont la CdC acquit trois cent quatre-vingts actions. Le contrat passé avec cette filiale anglaise, qui prévoyait l’exploitation des brevets au Royaume-Uni, servit de base pour établir des liens avec d’autres entreprises anglaises intéressées par le système78.
123La CdC s’engagea également dans l’étude d’un poste de compression de gaz en bouteilles destiné à alimenter des automobiles équipées d’un mélangeur destiné à remplacer le carburateur. Le système intéressa le ministère de la Défense, et plus spécialement, le général Maurin, qui souhaitait installer en France des postes de compression de gaz comprimé dans les différents corps d’armées.
124Le développement du système amena la CdC à déléguer plusieurs de ses ingénieurs en Allemagne, afin d’étudier de semblables installations de compression de gaz. La mission conclut que la vente de gaz comprimé pouvait être envisagée à condition de disposer de réservoirs à gaz comprimé de 350 kg. Le service des poudres français ayant limité cette capacité à 250 kg, il restait à le convaincre de revoir sa position, en lui faisant remarquer que le risque d’incendie, sur un camion fonctionnant au gaz, était moindre que sur un camion utilisant l’essence comme carburant79.
Les innovations dans les filières du gaz, de l’électricité et annexes
125Dans la filière du gaz, l’utilisation du gaz propane, qui se répandait fut à l’origine d’une innovation démontrée et essayée en laboratoire : « un compteur, appelé à un grand développement, présenté dans une bâche en fonte, avait la capacité de résister à des pressions de l’ordre de trois kg, caractéristique des plus utiles en matière de distribution du gaz propane80 ».
126Dans le domaine de l’électricité, la mise à disposition des réseaux de distribution de la Société Nord lumière triphasé et de l’Union de l’électricité permit, dans les années 1920, d’améliorer notablement le système de transmission à distance Actadis grâce à plusieurs relais. Efficace dans le domaine de la protection civile qui se mit en place en 1936, ces dispositifs étaient voués à un bel avenir81.
127À leur propos, Ernest Chamon signala que, lors d’exercices d’alerte à Paris qui avait eu lieu le 16 octobre 1936, le système Actadis avait permis l’extinction complète des lampadaires électriques d’éclairage public sans aucune défaillance imputable au matériel de la CdC82.
128La technique de transmission, de détection et de protection d’Actadis fut également utilisée pour réaliser des transmetteurs d’ordres, destinés à équiper des aciéries et des mines, des sous-marins et des bâtiments de la Marine Nationale.
129Utilisée également au début de 1939 dans la réalisation d’indicateurs radar, elle retint l’attention du ministère de l’Armement et motiva la visite de l’installation, sur un toit de l’entreprise, d’un tel appareil équipé d’un ballon captif83.
130La technique du chauffage urbain, connue de la CdC, se révéla également porteuse grâce à Albert Petsche et à la Compagnie générale de constructions de fours (CGCF)84. Ernest Chamon, ayant eu vent de difficultés éprouvées par des municipalités qui souhaitaient modifier ou installer un service d’ordures ménagères, s’instaura conseil en innovation. Il suggéra l’étude de la constitution de concessions analogues à celles du gaz et de l’électricité, par le biais d’une société spécialisée dans l’installation d’usines d’incinération, fournisseurs de vapeur, donc d’énergie.
131Il s’agissait des réalisations de la Compagnie générale française de chauffage urbain (CPCU) qui bénéficiaient de la concession pour la ville de Paris. Société à capitaux belges, la législation française conduisit à la création en juillet 1928 de la Compagnie parisienne de chauffage urbain (CPCU), la centrale de Bercy constituant l’apport du Groupe Empain85.
132Ernest Chamon estimait que les producteurs de gaz ou d’électricité auraient, eux aussi, intérêt à participer à un tel projet, incluant ou non la collecte des ordures ménagères. Seize villes avaient déjà exprimé le désir de posséder une telle installation. Selon l’étude d’Ernest Chamon, un capital de 25 millions était suffisant pour créer une société d’exploitation, très intéressante pour la CdC en sa qualité de fabricant de tous les appareils nécessaires dans l’installation de chaufferies : compteurs, capteurs, régulateurs, vannes, condenseurs, etc… Ernest Chamon fut chargé de poursuivre l’étude de la création de la société en coopération avec tous les intéressés86.
133Simultanément, Ernest Chamon introduisait la rationalisation du travail à Montrouge.
La rationalisation du travail
134Il s’agissait pour la CdC, au début de 1930, de profiter de la reprise annoncée du plan de renouvellement de l’outillage des services publics et de l’activité renaissante à l’étranger, toujours soumise à une concurrence acharnée87.
135À la recherche d’un meilleur rendement, prometteur d’une baisse des charges sociales, la CdC s’intéressa au travail à la chaîne, très introduit dans l’industrie automobile. À l’instar de grandes entreprises comme la Compagnie générale Thomson Houston, elle fit le choix « d’une organisation en chaîne plutôt qu’une production à la chaîne » bientôt délaissée « plus pour des raisons conjoncturelles, les groupes choisissant les investissements en gros matériels88 ».
136En 1932, le programme d’investissements de la CdC prévoyait l’installation de sept chaînes, destinées à rationaliser le travail de transporteurs, qui desservaient le travail le long des établis sur lesquels travaillaient les ouvriers. L’atelier de sablerie de la fonderie était ensuite équipé de convoyeurs aériens et de monorails pour le transport des châssis et des poches contenant le métal, tandis que deux carrousels étaient installés dans la fonderie de bronze89.
137Deux rapports internes de septembre et novembre 1933, émanant de l’ingénieur en charge du service électricité, font état de l’adaptation des convoyeurs de réception des compteurs monophasés mis en place à Montrouge entre 1929 et 193390.
138Cependant, en raison de la conjoncture et de la crise politique de 1933, le programme prévisionnel d’investissements dans ce domaine fut prématurément considéré achevé, la direction annonçant qu’elle ne prévoyait pas de persévérer dans ce genre d’investissements. La CdC se préoccupa néanmoins, à l’instar de nombreuses entreprises, d’accumuler des réserves en vue d’une rationalisation ultérieure de ses fabrications91.
« Comme les Charbonnages de France, la plupart des entreprises industrielles, même les plus dynamiques, comme la Compagnie des Compteurs, étaient pourvues des réserves excessives qu’elles n’investissaient pas, mais avaient néanmoins engagé une mutation structurelle qui devait se poursuivre après la Seconde Guerre mondiale92. »
139Dans le même temps, plus précisément à l’heure du krach boursier américain de 1929, la CdC se préoccupa de se préserver de ses incidences.
La préservation de l’interférence du krach boursier de 1929
140Alors que les augures historiennes et économistes laissaient entendre que l’Europe avait la capacité de disposer d’une protection, durant quelques mois en 1930, d’une légère baisse des prix, d’une diminution des exportations et des importations laissant néanmoins la balance commerciale de la France déficitaire, les dirigeants de la CdC déclaraient aux actionnaires, réunis en assemblée générale93 que, en comparaison avec l’Allemagne94, la France devait être l’un des derniers pays à être touché par les suites du krach boursier américain.
141La CdC estimait que la diversité de ses fabrications, assortie de l’amélioration poursuivie de ses procédés de fabrication et de son organisation commerciale, mais aussi son carnet de commandes bien garni, devaient lui permettre de faire face aux soubresauts de la crise monétaire américaine95. Elle déplorait, cependant l’accroissement des charges fiscales et sociales ainsi que les entraves au développement des exportations, édictées dans certains pays, atténuées toutefois par la création d’offices de compensation96. Dans cet état d’esprit, les dirigeants de l’entreprise s’ingénièrent à mettre en place des stratégies de protection du marché européen.
La réactivation du protectionnisme du marché européen
142Dans le climat européen troublé, non seulement par la crise boursière des États-Unis mais aussi par une concurrence étrangère notamment européenne, la CdC suivit de près la politique protectionniste qui paraissait s’instaurer au niveau international97.
143Des pourparlers internationaux engagés dès 1930, étaient réactivés l’année suivante, à Bruxelles à l’occasion d’une rencontre de représentants de syndicats allemands et anglais de la filière des compteurs d’électricité, dans le but d’arriver à la conclusion d’ententes entre divers pays. Les contacts avec des concurrents étrangers, qui s’en suivirent, visèrent d’abord à organiser une réunion concernant un aménagement du marché belge, premier pas vers une entente générale. Ces contacts aboutirent, en 1932, à la conclusion d’une entente de prix et de contingentement pour le marché belge et à la décision d’entreprendre une même étude pour les pays scandinaves et la Pologne.
144La convention franco-allemande entre le Syndicat général de la construction électrique français et la Fédération allemande Zentraalverband der Deutschen Eleetrotechnischen Industrie e. v., signée en janvier 1932, fit l’objet de deux protocoles signés, l’un pour les appareils de mesure, l’autre concernant l’interdiction réciproque de se faire concurrence dans leur propre pays.
145Des pourparlers engagés en Italie et en Espagne constituèrent autant de perspectives d’espoir d’une extension à d’autres pays, laissant envisager une entente très étendue98.
146La politique de concertation poursuivie aboutit, en 1937, à l’organisation de la conférence internationale de Bruxelles, qui réunit pour la première fois des Américains et des Suédois, ces derniers représentés par la firme suédoise Ericson. La conférence, à laquelle assista Ernest Chamon, visait à répartir, à la suite d’une demande du gouvernement belge, les contingents du marché belge entre les différentes firmes du pays.
147La décision prise de tenir une conférence plénière bi-annuelle aboutit à la tenue d’une réunion, en septembre à Lausanne, au cours de laquelle une convention franco-suisse fut paraphée autorisant la Suisse à importer un contingent représentant 26,5 % de ses besoins en compteurs électriques99.
148Le Congrès international du gaz, visant à la promotion de matériels et d’instruments de comptage, qui eut lieu à Paris en 1937, donna à la CdC l’opportunité de se prévaloir de ses fabrications dans son site de Montrouge, visité le 14 juin par les 120 congressistes100.
149En 1938 une réunion, tenue à Paris le 28 septembre, élabora la création d’un pool international, qui pouvait être, ultérieurement, rattaché aux pools anglais et américains. Une réunion à Lausanne en octobre permit la rédaction d’un accord entre les différents groupements concernant les compteurs d’électricité, susceptible d’aboutir à un pool européen en matières de compteurs d’électricité101.
150Tout en veillant à se préserver des effets des crises, la CdC se fit attentive à saisir des opportunités d’expansion en dehors de ses domaines traditionnels.
L’incursion hors des domaines traditionnels
151Adepte des prises de participations financières, la CdC avait eu, grâce à Jean Le Duc, l’un de ses administrateurs, l’opportunité de s’introduire dans le monde, dénommé aujourd’hui des médias.
152Jean Le Duc (1896-1974) diplômé de l’École Bréguet, qui avait noué des relations amicales avec Ernest Chamon durant le conflit, était entré à la CdC le 1er août 1918 à l’âge de 22 ans, après avoir appartenu au Laboratoire central de la radiotélégraphie militaire et, en qualité de collaborateur du général Gustave Ferrié (1868-1932), avoir réalisé les premières liaisons par radio avec des avions et des chars102.
L’introduction de la CdC dans le domaine de la radiodiffusion
153La CdC était, en 1925, dans la position de créancier de la Société Péricaud établie à Paris 11e 87, boulevard Voltaire, spécialisée dans la fabrication et la vente d’appareils et de jouets scientifiques, d’appareils de TSF, d’appareils médicaux et autres, propriétaire d’un magasin d’exposition, d’ateliers également à Paris, rue des Fêtes, et d’une fonderie, rue des Mignottes.
154Jean Le Duc suggéra de recouvrer la créance sur la Société Péricaud par le biais de l’acquisition de l’établissement industriel et commercial et la création d’une société anonyme au capital d’un million de francs (2 000 actions de 500 F) destinée à l’exploitation du fonds Péricaud. La CdC souscrivit 1940 actions de 500 F, les 60 actions restantes lui étant attribuées en rémunération de sa créance. Elle acheta, peu après, pour 76 000 F, le terrain du 63, rue des Fêtes à Paris 19e103.
155La cession en 1929 à la Compagnie générale de TSF, Radiola de la totalité des actions acquises dans la société Péricaud104, fut présentée comme une opportunité financière, à l’heure même où des contacts étaient établis avec une société luxembourgeoise, grâce aux relations de Jean Le Duc. Ces pourparlers aboutirent à la création le 11 mai 1929 de la Société luxembourgeoise d’études radiophoniques par-devant Me Paul Kuborn, notaire à Luxembourg105.
156La CdC s’en assura le contrôle direct, après une transformation de la raison sociale en Compagnie luxembourgeoise de radiodiffusion, adoptée le 30 mai 1931, et par l’acquisition de 235 actions sur les 280, qui constituaient le capital. Un consortium français réunit, en 1931, une majorité de contrôle composée de la Banque de Paris et des Pays-Bas, la CdC et l’Agence Havas. En novembre 1932, la CdC participa à l’augmentation de capital pour une somme de 500 000 F106.
157La Compagnie luxembourgeoise de radiodiffusion (CLR) comptait cinq personnalités luxembourgeoises : le président de la Chambre des députés, un notaire, un ingénieur, un entrepreneur et un avocat agissant en leur nom personnel et, du côté français, les quatre entreprises fondatrices, la Compagnie générale de TSF, l’agence Havas, la Banque de Paris et des Pays-Bas et la CdC107. En 1934, le capital s’éparpilla avec l’arrivée de nouveaux partenaires français, principalement des sociétés d’électricité, de gaz et d’eau qui, toutes, choisirent pour mandataire Jean Le Duc. Au fil du temps, alors que la Compagnie de télégraphie sans fil (CSF) se désintéressait de l’entreprise luxembourgeoise, la CdC y demeurait active, grâce à Jean Le Duc.
158La CdC s’était aussi intéressée en 1929 à la Compagnie générale d’énergie radio électrique, Poste Parisien, station créée par le Journal Le Petit Parisien, société anonyme au capital de 5 500 000 F, dont le siège social était à Paris 8° 5, rue Portalis, en voie d’être transférée à l’angle de l’immeuble au 4, rue du Général Foy. Au nom de la CdC, Ernest Chamon déclara, le 21 octobre, adhérer aux statuts et souscrivit 1 500 actions de 100 F à la société alors en formation et donna pouvoir à Jean Le Duc pour le représenter aux assemblées générales constitutives de la société. Le 12 décembre 1929, Ernest Chamon s’engageait à ne pas disposer des actions souscrites dans un délai de trois ans à dater de la constitution de la société, c’està-dire jusqu’au 6 novembre 1932. Le montant des actions souscrites, soit 150 000 F, fut réglé comme prévu par quart de 37 500 F, entre 1929 et 1931.
159Alors que cette transaction marquait l’entrée de la CdC dans le monde de la radio, c’est un séjour privé d’Ernest Chamon à Londres, qui est à l’origine de l’introduction de la télévision dans le domaine d’activité de l’entreprise.
L’entrée secrète de la CdC « en télévision »
160Réputé sportif, particulièrement féru de rugby, Ernest Chamon, séjournant à Londres au début de l’année 1927 à l’occasion d’un match important, liant l’utile à l’agréable, s’intéressa aux expériences de télévision de John Logie Baird (1888-1946). Il assista à l’une des démonstrations du système de celui-ci, à la Royal Institution of London, le 27 janvier 1926. Encouragé par son succès, John Logie Baird créa, en 1927, la Baird Television Development Company.
161Un an plus tard, Ernest Chamon assistait à Londres, en compagnie de Jean Le Duc, à la présentation de la télévision mécanique, système composé d’un disque de Nipkow à deux spirales de huit lentilles tournant à 300 tours/minute. Cet événement renforça l’intérêt d’Ernest Chamon pour le dispositif destiné à permettre la première transmission d’images entre Londres et Glasgow, prologue à la transmission transatlantique en ondes courtes, qui eut lieu en février 1929 entre Londres et New-York.
162À l’issue de cette présentation de la télévision à Londres, Ernest Chamon posa une question décisive à Jean Le Duc qui l’accompagnait : « Qui en France entreprend des études sur la télévision ? À ma connaissance personne, répondit Jean Le Duc. Dans ces conditions créez-moi un service télévision. » Jean Le Duc ayant fait remarquer le coût élevé de cette création, Ernest Chamon lui répondit que la CdC devait apporter sa contribution à la science108.
163Plusieurs visites d’Ernest Chamon à Londres aux représentants de la nouvelle société Baird Television Development Company, propriétaire en Angleterre des brevets Baird, aboutirent à la signature d’un contrat le 29 décembre 1928. Il prévoyait la formation de la Société Continentale Baird, société française au capital d’un million de francs. La moitié de ce capital était constituée des apports de J.-L. Baird, concrétisés par ses brevets, l’autre moitié étant versée en espèces par la CdC qui apportait, en outre, son réseau commercial incluant ses nombreuses succursales étrangères.
164Quelques mois plus tard, Jean Le Duc avait installé un laboratoire dans les locaux des Éts Péricaud. Cédés en 1929 à la Compagnie générale de TSF-Radiola, le laboratoire transféré à Montrouge devenait le service télévision placé sous l’autorité de Jean Le Duc, assisté de René Barthélemy (1889-1954), de Dimitri Strelkoff, ingénieur Supélec (1928), et de Marius Lamblot, à la CdC dans l’entreprise depuis août 1928109.
165René Barthélemy, né en 1889 à Nangis (Seine-et-Marne), diplômé de l’École spéciale de mécanique et d’électricité, était entré par voie de concours à l’École supérieure d’électricité (1908) où son aptitude aux travaux pratiques l’avait fait remarquer. Son service militaire effectué, Il entra à la CdC en 1912 au département appareils de mesures électriques où il travailla avec les ingénieurs Meylan et Grassot. Il y créa, entre autres, un fréquencemètre à champ tournant elliptique et un appareil de mesure des coefficients d’irrégularité des moteurs à explosion. Il resta à la CdC jusqu’à sa mobilisation en 1914, donnant une impulsion nouvelle à la technique des appareils et transformateurs de mesure, mais ce sont surtout ses travaux sur la radioélectricité qui firent sa réputation110.
166Démobilisé, René Barthélemy ne réintégra pas la CdC. Sans pour autant rompre, il s’engagea dans deux sociétés avec le statut d’ingénieur-conseil, dont la, Société indépendante de télégraphie sans fil (SIF) qui avaient ses laboratoires à Malakoffet un magasin de vente 66, rue de La Boétie. Il créa en 1919 sa propre entreprise, la Compagnie générale de mesures, au capital de 200 000 F, dans des locaux prêtés par la firme PAX, puis installée plus tard 73, rue Claude Bernard à Paris 5e. Des problèmes financiers l’amenèrent à rechercher l’appui de la CdC et, de tractations en transactions, René Barthélemy rejoignit la société en 1921, où il étudia, de concert avec Jean Le Duc, entre autres, certains dispositifs concernant la téléphonie sans fil, tout en étant affecté, comme ingénieur-conseil, à la Société Péricaud, alors en passe d’être rachetée par la CdC111.
167La télévision restait néanmoins une activité externe, ressortant de la responsabilité d’Ernest Chamon, comme le laissa entendre sa réponse dilatoire à un actionnaire s’inquiétant, en 1929, de l’impact sur la trésorerie d’une incursion hors du domaine d’activité traditionnelle : « Si j’entretenais une danseuse, vous n’oseriez pas me le faire remarquer, eh bien, la télévision c’est ma danseuse112. » Elle ne devait être officialisée qu’en 1934.
168Ernest Chamon expliqua la confidentialité observée par les incertitudes liées à une nouvelle technologie éloignée de l’activité traditionnelle de l’entreprise :
« Nous n’avions pas cru devoir vous parler de nos recherches en télévision qui se sont poursuivies d’une façon très satisfaisante au cours de l’année 1934. Mais depuis la clôture de cet exercice, un fait nouveau vient de se produire. Nous avons eu le plaisir de recevoir, à notre studio, la visite de M. le ministre des PTT M. Mallarmé, accompagné du rapporteur général, M. Marcourbe, qui a pris l’initiative de confier à notre Compagnie l’installation d’une station d’émission qui doit être créée prochainement rue de Grenelle113. En attendant la mise en service de cette station, nous avons, sur la demande du ministre, installé dans le studio des PTT, un poste provisoire qui a été inauguré avec succès le 26 avril. Des émissions régulières doivent désormais avoir lieu par les soins des services de la Radiodiffusion du ministère des PTT. Vous serez certainement heureux de constater que notre Compagnie a su maintenir au premier rang la technique française dans une application scientifique toute nouvelle et comportant des difficultés considérables de réalisation114. »
169Ernest Chamon, tout en gardant la haute main sur la télévision, avait chargé Jean Le Duc des relations commerciales et administratives et René Barthélemy des réalisations techniques, organisation qui requiert une présentation chronologique de cette activité à Montrouge.
L’officialisation de la télévision à Montrouge
170L’organisation confidentielle du service télévision en 1929 à Montrouge sous la conduite de René Barthélemy avait permis de réaliser un appareillage de prises de vues directes et un télécinéma sur 30 lignes destinées à présenter des images parlantes au moyen du disque de Nipkow et un dispositif électromécanique.
171En 1930, une caméra mécanique, comportant des roues à miroirs de Weiler, à 30 lignes de définition, équipée d’une lampe au néon dite Cratère, était présentée. L’ensemble, mis en rotation par un moteur électrique et une puissante lampe, réfléchissait la lumière sous forme d’un faisceau dessinant des lignes grâce au mouvement des miroirs. René Barthélemy réalisa ensuite un tube de prise de vue pour caméra électronique de télévision qu’il dénomma Inoscope.
172En 1935, René Barthélemy améliora la qualité des images, passées successivement de 30 lignes de définition à 60 puis à 90 en 1931. En avril, une première prise de vues directes à 180 lignes, avait lieu au moyen d’un émetteur de 50 W et d’une antenne installée sur le toit d’un bâtiment de l’usine de Montrouge destinée à transmettre l’image jusqu’à l’École supérieure d’électricité, distante de deux kilomètres.
173Le passage à 180 lignes permit l’obtention d’une commande d’équipements électromécaniques complémentaires à l’aménagement d’un premier studio de télévision, 93, rue de Grenelle, tout près de l’émetteur de l’École supérieure des PTT, qui devait être utilisé pour transmettre les images en ondes courtes sur 430 mètres115.
Fig. 13 – Avril 1931 antenne de télévision entre la CdC et l’École supérieure des PTT
174Un studio, destiné à assurer les émissions régulières de télévision, fut inauguré le 26 avril 1935 par Georges Mandel, ministre des PTT. Jean Le Duc, pour obtenir une bonne réception dans un rayon de 60 kilomètres autour de Paris suggéra d’utiliser la Tour Eiffel comme pylône d’antenne d’émissions116. Retenue, cette suggestion sauva la Tour Eiffel de la destruction à laquelle elle était vouée.
175Un concurrent sur le marché de la télévision, Henri de France (1911-1986), avait réussi en l932, plusieurs transmissions entre Fécamp et Le Havre, l’année même où John Loyd Baird organisait une transmission d’images entre le journal Le Matin et les Galeries Lafayette. La CdC avait, de son côté au Salon de la TSF, apporté son concours à la réalisation d’une émission simultanée de téléphonie et de télévision, organisée en présence de S. M. le Sultan du Maroc, à l’occasion de l’inauguration officielle du nouvel auditorium du Poste parisien de l’avenue des Champs-Elysées. Cette prestation généra, en octobre 1933, une première commande d’un appareil de télévision par la Marine Nationale117.
176Toujours en 1935, après une série de quatre démonstrations publiques dans le studio de la rue de Grenelle, la CdC se vit confier l’équipement d’un studio de télévision à la Tour Eiffel comportant la fourniture d’un poste émetteur de 25 kW sur sept mètres de longueur d’onde118. Elle obtenait en outre, la commande d’un studio supplémentaire et d’une caméra de réserve. Simultanément, des relations étaient poursuivies avec le ministère de la Guerre et le ministère de la Marine pour différentes applications119.
177Le succès de la télévision à l’Exposition de Bruxelles, en avril 1935, suggéra la création en Belgique d’une Société belge de télévision120 mais la concurrence, très active en France et à l’étranger, freina quelque peu le projet.
178La société française Le matériel téléphonique (LMT) offrait alors une installation gratuite de postes de télécinéma dans le hall de certains journaux. En Allemagne, depuis le 22 mars 1935, des émissions de télécinéma avaient lieu trois fois par semaine et une sélection de l’actualité une fois par semaine. La concurrence anglaise, de son côté, se révélait capable d’assurer la diffusion d’émissions sans interruption tout au long de la journée.
179La réalisation à Montrouge du poste de télécinéma, qui fonctionnait avec un disque permettant de transformer, en signaux de télévision, une bande de film destinée à être projetée, avait engendré des pourparlers avec la Société du poste parisien dont la CdC était actionnaire. Une démonstration publique susceptible de générer la fourniture du dispositif devait s’en suivre mais l’annulation de l’autorisation de l’administration des PTT compromit cette réalisation121.
180Dans le contexte concurrentiel qui s’était développé, la CdC avait estimé opportun de conclure, dès 1935, des accords basés sur l’échange gratuit de brevets avec la firme américaine RCA et avec la firme anglaise Cinéma télévision Ltd, alors qu’un débat en France s’était engagé sur l’évolution du nombre de lignes. Ce débat contribua à retarder l’inauguration d’un service régulier voulu par le ministre des PTT d’alors, Georges Mandel, favorable à la CdC et au système Barthélemy. Reportée au 8 décembre 1935, elle connut un franc succès et un bilan jugé positif122.
181En 1937, la CdC créait le centre expérimental de la télévision afin de poursuivre les études menées depuis onze ans. Jean Le Duc en fut le directeur et René Barthélemy, l’ingénieur en chef. Auteur de nombreux brevets touchant au domaine de la télévision, ce dernier poursuivit son activité et ses recherches, en coopération avec ses collègues européens, anglais, italiens et allemands, dont son ami le professeur Fritz Schrötter123. Le centre employait cent cinquante personnes, dont vingt ingénieurs, des dessinateurs, des préparateurs et du personnel spécialisé d’exécution. En 1938, la CdC avait la capacité de répondre à une demande de la Marine nationale, désireuse d’équiper un navire de guerre d’un appareil de 450 lignes de définition afin de réaliser des essais de détection électromagnétique124.
182Les procédés de télévision, sortis de la période strictement expérimentale, le système CdC, après des démonstrations publiques régulières, était adopté par le ministère des PTT. Il s’agissait d’une consécration mais des progrès importants restaient encore à réaliser et des études de perfectionnement devaient être poursuivies. Une entente indispensable avec le principal groupe spécialisé aboutit à la création de la Compagnie française de télévision (CFT) qui poursuivit l’exploitation125.
183La CdC avait participé à la fondation de cette société anonyme au capital de cinq cent mille francs, financée à parts égales avec la Compagnie générale de TSF. Jean Le Duc fut chargé de mener à bien les transactions qui aboutirent à la signature de contrats prévoyant notamment un échange réciproque de brevets, certains émanant de Radio Corporation126.
184Définitivement constituée, la Compagnie française de télévision était présidé par Pierre Caillaux avec, à ses côtés, Émile Girardeau et Paul Brenot administrateurs pour la SFR et, pour la CdC, Ernest Chamon et Jean Le Duc. Selon l’acte notarié établi par Me Pascault, la Société française de radioélectrique (SFR) devait fournir le matériel de TSF et la CdC le matériel de télévision127.
185En matière de communication, le congrès de l’Union internationale de radiodiffusion, tenu à Paris en février 1936, fournit l’opportunité de faire les honneurs des installations de Montrouge et de la rue de Grenelle aux chercheurs et ingénieurs de la télévision internationale. Parmi les personnalités connues de René Barthélémy, le professeur Schrötter (directeur de la firme allemande Telefunken, avec lequel la CdC avait eu des contacts à l’occasion de l’équipement en caméras inoscope du stade olympique de Berlin)128 et l’ingénieur américain Wladimir Zworykin, directeur du laboratoire de la RCA, qui avait mis au point un nouveau procédé d’analyse de l’image entièrement électronique, appelé l’iconoscope.
186En dépit de ses acquits, la position des instances politiques françaises jeta un certain discrédit sur l’activité de la télévision à la CdC. Georges Mandel, allié du « tandem Le Duc Barthélémy », avait été remplacé en 1936 par le nouveau ministre des PTT, le socialiste Robert Jardillier. Il refusa d’examiner les dossiers concernant les stations de transmission d’images de télécinéma du Poste parisien et de Radio Toulouse, équipées du système Barthélemy, au prétexte que toutes dispositions devaient être prises par le nouveau gouvernement, de manière à ce que le développement de la télévision en France ne soit assujetti à aucun129.
187La CdC fut donc écartée de la compétition ouverte à l’occasion de la fourniture d’équipements destinés à l’Exposition internationale des arts et techniques, organisée par la France au cours de l’été 1937. La Compagnie Thomson-Houston remporta le marché pour les caméras, tandis que Radio industrie recueillit celui du télécinéma130.
188Après un temps de flottement, les marchés ressortirent de la décision de l’État, plus précisément du ministère des PTT, qui s’intéressa plus à des procédés étrangers qu’à ceux de la CdC131. La page télévision n’en était pour autant tournée, René Bartélémy poursuivant son activité, prouvée par le dépôt de nombreux brevets relatifs aux perfectionnements de la télévision132. À l’instar de la radio, c’est également une opportunité financière qui, grâce à Jean Le Duc, fut à l’origine de l’introduction de la CdC dans le cinéma.
L’introduction dans l’industrie cinématographique
189Elle se présenta, en 1938, sous la forme d’une reprise d’actifs de la Société Pathé Cinéma par le syndicat de repreneurs, qui se constitua autour de la Société Thomson-Houston, la CdC, le Groupe Ernest Mercier, la Société Péchiney.
190La Société Pathé Cinéma avait été créée en 1896, un an après la création de la société Gaumont, par quatre frères Pathé, qui avaient créé en commun, à raison d’une participation de 8 000 F chacun, une société de vente d’appareils photographiques. L’un des frères, Charles, devenu le principal artisan de l’évolution de la société, décida d’intégrer la technique du cinéma, notamment grâce à l’apport d’un million de l’investisseur Grivolas. Avec son autre frère, Émile Pathé, ils devinrent d’abord revendeurs de matériels achetés en Grande-Bretagne, puis ils réussirent à construire un véritable empire. Les frères Pathé s’honoraient, en 1904, de distribuer 30 à 50 % des films projetés en Europe et aux États-Unis mais, en 1918, la suprématie des États-Unis s’imposa. Émile Pathé prit sa retraite en 1924 après avoir cédé ses parts à Marconi. Charles Pathé, à son tour en 1920, se défit de ses parts dans la société, devenue Pathé-Marconi. Affectée par la crise économique de 1932, la suprématie toujours présente des films américains, mais aussi les méfaits d’une campagne antisémite à partir de 1934, elle fut déclarée en faillite en 1935, décision confirmée en appel le 23 juillet 1936. L’activité reprit sous le nom de Société générale de cinématographie créée en octobre 1939 qui devint, le 28 novembre 1940, la Société d’exploitation des établissements Pathé Cinéma (SEEPC). Cette société, qui reprit les actifs de Pathé, fut animée par un syndicat de repreneurs cité plus haut, constitué par la Société Thomson-Houston, la CdC, le groupe électrique Mercier, la société Péchiney133.
191L’industrie du cinéma, qui avait connu un essor avec les débuts du « parlant » était confrontée à un retournement de situation dans les dernières années de 1930. En décembre 1933, à la demande de la direction générale du mouvement des fonds et de la banque, une commission d’experts était constituée pour réaliser une étude technique, administrative et financière, concernant l’industrie du cinéma en général, afin de la réorganiser134.
192L’initiative, qui visait surtout les sociétés Gaumont et Pathé, était due à Maurice Petsche, docteur en droit, auditeur à la Cour des comptes, fils d’Albert Petsche, administrateur et président de la CdC. Intervention ou non de Maurice Petsche, la commission d’experts comprenait des représentants de la CdC aux côtés de ceux de la Compagnie générale d’électricité (CGE), et de la Société lyonnaise des eaux (SLE), dont Albert Petsche était administrateur135.
193La naissance de Gaumont remonte à 1895 à l’initiative de Léon Gaumont (1864-1946), qui dirigea le Comptoir général de la photographie, une entreprise qui commercialisait du matériel optique et photographique. Léon Gaumont suivait passionnément les travaux d’Edison et des Frères Lumière. Il se mit à fabriquer des appareils de projection et réalisa, dès 1897, des documents d’actualités. En 1910, Léon Gaumont acheta l’hippodrome de la place de Clichy à Paris pour le transformer en la plus grande salle de cinéma du monde de 3400 places, le Gaumont Palace. La société acquit alors et aménagea des salles dans toute la France.
194En 1925, Léon Gaumont signa un accord de distribution avec la Metro Goldwin Mayer et créa la Société Gaumont Métro Goldwin qui fut dissoute en 1928. À l’arrivée du cinéma parlant, Léon Gaumont se retira, ce qui amena à la création de la Gaumont franco film Aubert (GFFA). Cette Société devint en 1938, la Société nouvelle des Ets Gaumont, SNEG136.
195À l’occasion de la création, le 1er avril 1938, de la Société nouvelle des Ets Gaumont (SNEG), dont le siège était 3, rue Caulaincourt Paris 18e, au capital de 12 975 000 F, réparti en 25 950 actions, la CdC souscrivit 3 600 actions nominatives de 500 F, soit 1 800 000 F. À ses débuts, la SNEG exploitait seulement les salles de projection et affermait la distribution et la production, mais elle avait la perspective d’élargir son champ d’activité137.
196Dans ce contexte d’expansion de son activité, la CdC n’en percevait et n’en redoutait pas moins les effets du climat socio-politique français.
Dans la crise politique sociale française des années 1930
197Les évènements politiques tragiques (l’assassinat du Président Paul Doumer en 1931, d’Alexandre de Yougoslavie en 1934, l’affaire Stavisky, le contexte politique critique en Allemagne, l’instabilité ministérielle en France, la mobilisation des ligues de l’extrême droite), créaient un tel climat de tension que des émeutes éclatèrent en février 1934 contre l’Assemblée nationale. Réprimées par les gardes mobiles, place de la Concorde, elles firent quinze morts et une centaine de blessés. Les contre-manifestations socialistes et communistes des 9 et 12 février, place de la République rassemblèrent une foule énorme, devant laquelle Léon Blum, président du Conseil s’était exprimé.
198Cette situation engendra, dès 1935, des remous politiques et sociaux dans les entreprises, sujets d’inquiétude pour leurs dirigeants. Aux yeux de Gabriel Chamon, ces remous étaient dommageables à la perception réciproque de la position et de la condition patronale et ouvrière.
La condition patronale et ouvrière et l’altération du climat social
199Forgée par l’éthique protestante familiale de Gabriel Chamon, respectée par son fils Ernest, teintée du modernisme intellectuel d’administrateurs, comme Ernest Mercier et Roger Boutteville, la conception de la condition patronale et ouvrière, piliers de la culture d’entreprise, fut quelque peu mise à mal dans la décennie 1930.
200Les agitations ouvrières, sur le site de Montrouge, des 1er mai 1929, 1930 et 1931, avec une absence au travail de 14 %, 12 % et 6,25 %, consécutives à une revendication de réductions d’horaire, n’apparaissent avoir vraiment préoccupé les dirigeants de la CdC à l’époque « où le Parti communiste avait les plus grandes difficultés à s’enraciner dans les localités ouvrières en raison de la présence maintenue socialiste138 ». C’était le cas de la ville de Montrouge, qui avait à sa tête, Émile Cresp, qui s’était présenté en 1929, sous l’étiquette Liste d’action républicaine et socialiste139.
201Cependant, la CdC comptait, dès 1930, parmi son personnel, des ouvriers engagés politiquement qui reconnaissaient que « l’activité syndicale n’était pas licite aux Compteurs de Montrouge. Une section syndicale n’en agissait pas moins clandestinement et distribuait, sous le manteau, une trentaine de timbres et de cartes syndicales. La cellule du Parti communiste comptait cinq adhérents : quatre outilleurs et un fondeur140 ». Parmi ceux-ci, Auguste Monjauvis, personnage haut en couleur, militant CGTU141 dès 1924, adhérent en 1926 au Parti communiste, était embauché comme ajusteur outilleur à la CdC en 1930 où il resta jusqu’à sa mobilisation.
202Auguste Monjauvis avait d’abord travaillé à la Société Ragonot à Malakoff. Licencié, il fut embauché à la Société des téléphones à Paris dans le 15e arrondissement. En 1942, il met sur pied un groupe armé, qui avait pour mot d’ordre de saboter l’outillage des entreprises qui travaillaient pour l’occupant. Déporté en Allemagne dans différents camps, libéré le 4 mai 1945, il figura parmi les survivants des camps accueillis à l’Hôtel Lutétia à Paris142.
203Autre personnage hors du commun, Maurice Kirch, entré à la CdC, à 26 ans en 1931, comme outilleur. Militant au sein de la CGT et de la cellule du PCF des Compteurs, il quitta la société en 1938.
204Écrivain prolétarien, il publia plus tard sous le nom de plume Maurice Lime, outre des ouvrages très engagés politiquement, un roman « Les Belles années », une satire goguenarde, quelque peu anachronique, sur la vie dans les ateliers et l’attitude des patrons de la CdC à la veille et pendant la grève de 1936143.
205L’absence d’informations sur l’action souterraine de ces militants ne permet pas d’établir leur influence sur les grèves sur le tas déclenchées à la CdC à Montrouge le 12 février 1934, après des réductions d’horaires successives (de 48 à 44, à 40 et à 35 heures144). Elles eurent cependant une certaine influence sur le comportement du personnel et la perception de la condition et de la mentalité ouvrière.
206Ce sont cependant les grèves, qui avaient éclaté, dans le même temps, dans de nombreuses usines en France, qui exacerbèrent les craintes de Gabriel Chamon, qui redoutait par-dessus tout l’arrivée du communisme en France. Ébranlé par cette perspective, vue comme une menace pour son œuvre, il ne survécut pas à cette période troublée. Il décéda le 24 décembre 1934 à l’âge de 88 ans145.
207Deux de ses fidèles compagnons l’avaient précédé de quelques mois, son gendre George Heeley, administrateur directeur après avoir été secrétaire général et secrétaire du comité de direction146, et Albert Petsche, l’administrateur qui avait joué un rôle important dans le regroupement de l’entreprise à Montrouge147. Deux autres administrateurs, piliers de l’entreprise et de sa culture, disparaissaient l’année suivante, Laurent Millet et Ernest Cuvelette, tous deux administrateurs depuis 1929148.
208Dans ce climat trouble, le comité de direction avait pris en 1934, une mesure de sauvegarde financière, à savoir le transfert dans une banque londonienne de 25 lingots d’or déposés à la Banque de France, représentant 5 488 000 F. La dérogation pour possession d’or obtenue de la commission adéquate du ministère des Finances en date du 26 septembre 1935, les formalités accomplies par le CNEP, Ernest Chamon se rendit à Londres pour régler les détails de l’opération. Elle aboutit au dépôt des 25 lingots d’or à la Barclays Bank à Londres, qui devint ainsi la banque anglaise de la CdC149.
209Au sein de l’établissement de Montrouge de la CdC, le climat social était perturbé en 1935, notamment influencé par la proximité des meetings communistes, qui se tenaient dans le vieux stade Buffalo150. Les Assises de la paix et de la liberté organisées par le PCF, la SFIO, le Parti radical, les syndicats et la Ligue des droits de l’homme, qui s’y tinrent le 15 juillet 1935 et réunit 10 000 personnes, alimentèrent les inquiétudes151.
210La victoire du Front populaire aux élections nationales, en 1936, et la formation du gouvernement de Léon Blum le 4 mai, composé de socialistes et de radicaux soutenus par les communistes, entretinrent ce climat troublé.
Les agitations sociales sous le Front populaire
211Les grèves, qui éclatèrent peu après les élections, « traduisaient l’autre aspect de l’irruption de la grande industrie dans la vie publique française : la naissance du syndicalisme de masse. En quelques semaines, toute la vie économique du pays était paralysée : 2,4 millions de travailleurs bloquèrent la production, occupaient leurs entreprises, traumatisant le patronat qui céda, en quelques jours, ce qu’il n’avait pas accordé depuis 20 ans ; la CGT quintuplait ses effectifs152 ».
212En mai 1936, près de 9 000 usines étaient occupées en France et des cahiers de revendications déposés portant sur les salaires et sur les horaires de travail. L’occupation était signalée, le 4 mai, au Havre chez Bréguet, le 13 à Toulouse chez Latécoère, le 14 à Courbevoie chez Bloch, alias Dassault153.
213À l’annonce de la grève et de l’occupation de l’usine de Renault Billancourt, établissement pris pour référence à la CdC, l’appel au débrayage était lancé, début juin 1936 à Montrouge, par Auguste Monjauvis, aux ouvriers de l’outillage central, des ateliers des compteurs d’eau et des compteurs à gaz regroupés dans la cour de l’usine.
214Ernest Chamon y fit une apparition silencieuse, comme s’il cherchait à évaluer la situation154 alors qu’un ouvrier non gréviste, qui redoutait une détérioration des locaux, aurait déclaré : « pourvu qu’ils foutent pas le feu à la baraque155 ».
215Le mouvement de grève avec l’occupation de l’usine de la CdC à Montrouge, dura douze jours, la reprise du travail n’étant signalée que le 13 juin156.
Fig. 14 – L’usine de Montrouge occupée en 1936
216L’effectif syndical à Montrouge s’était considérablement étoffé avec 2 400 syndiqués recensés. La Confédération générale des travailleurs chrétiens (CFTC), créée en 1919, se félicitait en 1936 de compter 400 membres, alors que la Confédération Générale du Travail CGT revendiquait 2 000 adhérents avec des responsables dans six ateliers157 : ferblanterie-découpe, compteurs d’eau, outillage central, petite mécanique, grosse mécanique, fonderie-menuiserie, compteurs d’électricité et appareils de mesure.
Fig. 15 – Vue partielle de l’usine
217Le 8 juin 1936, la direction de la CdC avait proposé aux délégués ouvriers de reprendre le travail contre l’application des accords de Matignon, signés le 7 juin entre la CGT et les représentants patronaux, assortis d’un réajustement des salaires, en application des clauses du contrat collectif de travail à intervenir. Signé le 13, le contrat se révéla difficile à appliquer avec une reprise du travail le 15 dans l’ensemble des ateliers, tandis qu’une certaine agitation persistait au-delà du mois d’octobre en dépit d’arbitrages ponctuels rendus par des syndicats patronaux en 1937158.
218Des avancées furent obtenues par les grévistes à la CdC, après des transactions avec les syndicats représentés au sein de l’usine de Montrouge : l’instauration d’un régime de retraites par des compagnies d’assurance gestionnaire. La contribution de l’assuré, dans des conditions d’âge déterminées, était fixée à 5 % du montant d’un salaire maximum établi, la CdC y participant pour un montant identique159.
219Plusieurs mouvements de grève, de courte durée, se produisirent à Montrouge durant l’année 1937 sans grand retentissement. En 1938, une grève avec occupation des ateliers entre le 11 et le 16 avril est signalée « avoir cessé avec la libération des ateliers avant la sentence160 ».
220Les établissements de province de la CdC avaient été aussi touchés par les mouvements de grève. La fonderie de Marquise demeura occupée durant trois semaines en juin 1936. Malgré l’offre faite aux grévistes de leur accorder les mêmes avantages qu’aux ouvriers de Montrouge, la fin du conflit n’intervint qu’après l’acceptation d’une application des conditions obtenues par le personnel de la Société des hauts-fourneaux d’Outreau161.
221La fonderie de Lille connut, elle aussi, une grève de solidarité. Elle entraîna la fermeture de l’établissement et l’envoi aux grévistes d’un courrier leur signifiant leur congé pour rupture de contrat. Les non grévistes, des vieux travailleurs pour la plupart, sans travail suite à la fermeture de l’usine, bénéficièrent d’allocations mensuelles compensatoires162.
222Des mouvements de grève avec occupation de l’usine de la CCC d’Issyles-Moulineaux, filiale de la CdC, étaient aussi intervenus. L’un d’eux avait été déclenché à la suite d’un licenciement d’une centaine d’ouvriers, au motif que la production était trop importante avec un horaire de travail de 24 heures par semaine. L’arbitrage des ministères intéressés ayant été refusé par le personnel, celui-ci fut considéré sorti de la légalité. L’affaire renvoyée à la présidence du conseil fut finalement traitée par le ministère du Travail163.
223Dans l’usine de Colombes de la Compagnie continentale des compteurs (CCC), dans laquelle la CdC avait des intérêts, des mouvements de grève eurent également lieu pour des motifs purement politiques existant entre des délégués de deux partis différents. L’usine, après avoir été occupée, était neutralisée sans aucune prévision quant à sa réouverture.
224En définitive, la CdC considéra que les accords de Matignon, les arbitrages conclus, les lois fiscales et sociales, l’élection des délégués ouvriers, l’institution des congés payés (loi du 9 juin164), la semaine de 40 heures (loi du 21 juin), intervenus après des négociations accompagnées d’un vaste et long déferlement de grèves, avec occupation des usines sur le tas qui avaient amené le gouvernement à réaliser les promesses, constituaient autant de générateurs de hausses du coût de la main-d’œuvre dommageables pour les prix de revient des matériels.
225Plus spécifiquement, les différentes lois furent estimées préjudiciables à l’obtention de marchés émanant de la Défense nationale et de concessionnaires de compagnies de distribution de gaz et d’électricité frappés par l’institution, en 1937, d’impôts spéciaux à effet rétroactif. La nationalisation, l’année suivante, des grandes compagnies de chemins de fer clientes : Nord, Est, Orléans, Ouest, PO Midi, PLM, malmenées par la crise de 1929, regroupées dans la SNCF, créée le 1er janvier 1938, produisirent des effets analogues avec des restrictions des marchés165.
226Les établissements de l’étranger, pourvus d’un statut compatible avec la législation nationale du pays, n’avaient pas été concernés par les troubles sociaux français et les accords de Matignon. Ils connurent néanmoins des situations plus ou moins critiques qui amenèrent la CdC à contracter une assurance contre les émeutes.
Des situations critiques dans les établissements étrangers
227En Espagne, les conflits politiques entre la gauche et la droite, le putsch du colonel Franco, le 17 juillet 1936, et le déclenchement de la guerre civile entre les partisans de ce dernier et les républicains entraînèrent des conflits sociaux aiguisés par le siège de Barcelone. L’établissement de la CdC de cette ville fut occupé, un comité d’ouvriers ayant décidé de le faire tourner pour son compte, après avoir mis la main sur les comptes en banque, ce que la CdC considéra comme une dépossession.
228L’ingénieur en chef Solana avait du signer une promesse d’augmentation de salaires pour les ouvriers sous la menace d’un revolver. Une grève et l’occupation de l’usine de Barcelone, déclenchée par un comité d’ouvriers de la CNT, assurant le fonctionnement de l’usine pour leur propre compte, amenèrent les directeurs des établissements de Barcelone et Madrid à rentrer en France166. Six des employés de l’usine de Barcelone, qui travaillaient uniquement à la réalisation de munitions, avaient été emprisonnés durant un mois à la prison de Montjuïc167.
229Le contact rétabli en 1939 permit de constater que les immeubles avaient peu souffert. Le matériel exploité d’une manière inadéquate présentait une usure prématurée. Les marchandises, les fonds de banques et les comptes clients avaient été mal gérés. Des provisions avaient été constituées pour permettre une reprise ultérieure, mais son coût ne pouvait être financé par les demandes d’indemnité transmises aux administrations concernées.
230La situation de la filiale de Prague PAV, se révéla également critique, son exploitation ayant été complètement arrêtée à la suite des accords de Munich, qui avaient vu la France, la Grande-Bretagne et l’Italie reconnaître l’annexion des Sudètes par l’Allemagne.
231La succursale de Vienne, en Autriche, connut le problème épineux posé par l’occupation du pays par l’Allemagne. Le régime instauré exigeant que les administrateurs et les actionnaires soient tous aryens, la succursale se vit dans l’obligation de se séparer de M. Berger, seul administrateur non aryen168.
232Dans ce contexte socio-politique troublé, la CdC avait adapté ses stratégies financières durant les années de crise de 1920 et 1930.
Les stratégies financières durant les années de crises
233La trésorerie était estimée suffisante au fil des ans et même pourvue d’une certaine aisance, grâce à l’émission, garantie par le CNEP, de 40 000 obligations de 500 F soit 20 millions169 et par quatre augmentations de capital, lancées entre 1920 et 1927, destinées à faire face à une conjoncture économique et financière jugée néanmoins préoccupante.
Les augmentations de capital des années 1920
234En 1920, l’augmentation de capital était indispensable pour assurer l’exécution de son programme de développement qui exigeait un renforcement du capital et du fonds de roulement. La situation du marché exigeait la constitution de stocks importants en magasin alors que le cours des changes fluctuait et que les livraisons de de matières premières, en constante hausse, se faisaient irrégulières au risque de paralyser les fabrications170.
235Soixante-douze mille actions furent crées contre espèces au taux de 500 F chacune, dont 125 F représentant le capital nominal de l’action, le surplus représentant une prime de 375 F par titre, versée au profit de la société, qui lui était acquise en dehors, et en sus, du capital. Le fonds social était fixé à 36 000 millions de francs, divisé en 288 000 actions de 125 F.
236La CdC avait bénéficié du concours du Comptoir national d’escompte de Paris, et de la confiance de ses actionnaires171. Conformément à la loi d’alors, la CdC s’était vue dans l’obligation de souscrire un chiffre de rente française représentant 1 453 150 F du capital, augmentant ainsi le compte « titres en portefeuille172 ».
237En 1924, à l’occasion de l’émission de 48 000 actions nouvelles, réservées aux actionnaires et émises au prix de 500 F, le capital passait de 36 à 42 millions de francs. Elle était justifiée par l’accroissement du chiffre d’affaires de 39 millions durant l’exercice 1923 et par les dépenses supplémentaires nécessaires au parachèvement de l’usine de Montrouge et à la mise en place d’une nouvelle organisation des ateliers et des services administratifs.
238Le développement de l’usine de Marquise figurait aussi dans le programme d’investissements ainsi que la création d’une nouvelle usine à Besançon, destinée à recevoir les fabrications de l’usine de Wolhen en Suisse, en raison du cours des changes qui grevaient les produits en provenance de ce pays173.
239En septembre 1925, en concordance avec la progression du chiffre d’affaires « qui entraînait une augmentation des comptes débiteurs, des stocks de matières et de marchandises ouvrées, résultant de l’abaissement de l’unité monétaire, et du renchérissement consécutif de toutes choses174 », 64 000 actions de 125 F étaient émises et permettaient de porter le capital de 42 à 50 millions divisé en 400 000 actions.
240Une seconde augmentation, réalisée en 1927, par la création de 80 000 actions nouvelles de 125 F, porta le capital de 50 à 60 millions, divisé en 480 000 actions de deux catégories différentes, 80 000 actions « P » à vote plural, émises au pair, et 400 000 actions ordinaires « O ». Près de 1 900 actionnaires prirent part à la souscription d’actions « P ».
241Cette émission d’actions était justifiée par la persistance de
« manœuvres venant notamment de l’étranger, qui se sont produites depuis plusieurs mois et menacent certaines affaires françaises. Le choix des acheteurs obéit généralement à deux directives principales : soit par l’obtention d’un contrôle, arriver à la suppression d’une concurrence gênante, soit, aidé par la dépréciation du franc, acquérir des titres comportant, par leur qualité, des plus-values appréciables dans l’avenir. À ce double point de vue, notre Compagnie et son activité industrielle sont susceptibles d’être visées, et notre devoir était de surveiller la situation. La modification très nette, que nous avons constatée, dans l’allure du marché de nos titres, était de nature à justifier des préoccupations qui peuvent s’accentuer. Il nous a paru opportun, avant que le danger fut immédiat, de vous proposer des mesures efficaces pour nous soustraire à ces manœuvres, protéger l’indépendance de notre société et assurer la continuation d’une politique industrielle et commerciale qui a fait ses preuves175 ».
242Outre ces augmentations, le capital social pouvait être ultérieurement porté, en une ou plusieurs fois, à 75 millions sur simple décision du conseil d’administration.
Les augmentations de capital des années 1930
243Elles avaient été précédées de la décision de la chambre syndicale des agents de change, près la Bourse de Paris le 17 janvier 1933, de coter à terme les actions O. Les actionnaires, réunis en assemblée générale ordinaire, en étaient informés le 6 juillet 1933 : « La décision fut estimée flatteuse pour le titre car non sollicitée, la CdC désirant laisser uniquement jouer la loi de l’offre et de la demande176. »
244Le 12 juin 1934, ces mêmes actionnaires, réunis de nouveau en assemblée générale extraordinaire, étaient informés que l’augmentation de capital à réaliser, résultait de la mise en conformité de la loi du 13 novembre 1933 concernant les actions O et P.
245Le capital social de 60 millions de francs, divisé en 480 000 actions de 125 F chacune, dont 80 000 actions P, no 1 à 80 000, et 400 000 actions O, no 1 à 400 000 entièrement libérées, devait être réduit à 48 millions par prélèvement de 12 millions sur des fonds provenant de réalisation d’actifs et par le remboursement, en espèces, d’une somme de 25 F sur chacune des 480 000 actions, dont le nominal devait être ramené à 100 F.
246L’assemblée générale de 1934 décida également de porter le capital social, en une ou plusieurs fois, de nouveau à 60 millions par une émission d’actions O, à souscrire par les propriétaires d’actions P et par les propriétaires d’actions O, dans la proportion du nombre de leurs actions177.
247L’augmentation de capital, réalisée en 1936, releva d’une stratégie financière interne. Elle prévoyait, en effet, l’incorporation des réserves au capital après avoir établi un programme sauvegardant l’intérêt des actions en évitant, dans toute la mesure possible, la charge de l’impôt cédulaire178 que comportait la distribution d’actions gratuites.
248Le programme de valorisation du capital visait à utiliser le Fonds de prévoyance de 12 000 000 F, de la réserve de primes d’émission de 59 800 000 F et de la réserve pour risques divers de 7 227 282 F, soit au total la somme de 79 027 282 F, sur laquelle 62 400 000 F devaient être utilisés pour créer 624 000 actions O de 100 F entièrement libérées. Le capital était alors porté à 110 400 000 F179.
249Durant ces mêmes années d’entre deux guerres, la CdC avait poursuivi sa politique de valorisation de son portefeuille de participations, notamment dans des entreprises ressortant de son secteur d’activité mais aussi de domaines connexes.
La consolidation de l’immobilier industriel
250Dès la fin de l’année 1929, la CdC saisit toutes les opportunités de parfaire le triangle immobilier que constituaient ses installations montrougiennes.
251La cession, en 1930 à la maison de retraite, de santé et de convalescence, de deux immeubles et de terrains situés à Bagneux de 7 254 m2 permit à la CdC d’acquérir, en échange, une propriété de 4 581 m2 située Grande rue à Montrouge, moyennant le paiement à la maison de retraite d’une soulte de 401 980 F.
252Les acquisitions, la même année, d’une maison avec un jardin, située 183, rue de Chatillon de 7 428 m2, au prix de 1 300 000 F et, en 1931, d’une propriété à usage d’usine, rue de Bagneux, de 4 673,17 m2 au prix de 1 500 000 F et de deux parties de terrain, de respectivement 45 m2 et de 125 m2, rue Marcellin Berthelot pour 15 000 F, contribuèrent à parfaire le triangle immobilier montrougien de la CdC. Il était définitivement circonscrit en 1932 avec l’achat d’une petite superficie de 3,60 m2 au prix de 360 F, puis avec, en 1938 l’abandon à la commune de Montrouge d’une parcelle de terrain 75-79, Grande rue de 409,32 m2, cédée pour 102 331 F.
253Les établissements de province, Marquise, Lille et Besançon profitèrent également dans les années 1930 de la politique de consolidation de l’immobilier industriel.
254L’usine de Marquise fut dotée d’un nouveau matériel et d’outillages dans un immeuble plus adapté, tandis que celle de Lille voyait ses ateliers modernisés afin de réaliser des économies de main-d’œuvre, notamment en matière de manutention.
255L’usine de Besançon (fig. 16 et 17, page suivante), spécialisée dans l’horlogerie, fit l’objet d’un projet d’agrandissement.
256Bénéficiant du statut social d’usines ou de succursales, ces établissements restaient sous la dominance du siège social de Montrouge avec des délégations de responsabilité.
257L’implantation en Algérie, réduite en 1928 à une pièce à usage de bureau dans le logement de l’agent situé rue d’Isly à Alger, fut confortée la même année par l’emménagement dans des locaux, rue Lulli, incluant des bureaux et un dépôt de compteurs d’eau et d’électricité.
258Pour répondre à des considérations politiques et administratives, assurer un contact plus direct avec la clientèle et avec toute l’Afrique du nord, la structure fut transformée opportunément en 1937 en société anonyme, la Société nord africaine de compteurs. Installée au 20, rue Sadi Carnot, devenue succursale de la CdC, elle disposait d’un atelier de réparation de compteurs d’eau180.
259Durant l’entre-deux-guerres, la CdC poursuivit sa stratégie de prises de participations dans diverses firmes françaises et étrangères.
Les prises de participations dans les années 1920-1930
260En 1919, la CdC avait contribué à la formation d’une firme italienne pour la fabrication d’appareils de chauffage par l’électricité, la FARE, en participant à hauteur de 750 000 F dans son capital puis, l’année suivante, pour 700 000 F, à l’occasion du doublement du capital de la société. Deux ans plus tard, alors que la société italienne se rendait acquéreur de la Maison Hermann La Chapelle, la CdC établissait des contacts avec le commanditaire en vue de créer une société française au capital de 5 millions dans laquelle la CdC pourrait souscrire pour 300 000 F181.
Fig. 16 – L’usine de Besançon
Fig. 17 – Besançon – L’atelier d’horlogerie
261La souscription de la CdC, également en 1919, de 1 680 actions de 250 F, à l’occasion du dédoublement des actions du capital de la Compagnie continentale pour la fabrication des compteurs et autres appareils ainsi que la participation, en 1922, à l’augmentation de capital à hauteur de deux millions de francs182, devaient se révéler, dans la décennie suivante, particulièrement judicieuses pour les relations commerciales existant entre la CdC et l’ECFM.
262L’ECFM était devenue, à l’occasion de sa création, en 1903 par Francis Rouland et Gabriel Chamon, concessionnaire de nombre de communes de la région parisienne pour le service du gaz. À l’expiration du contrat en 1936, l’ECFM, devenue régisseur, se fit l’adepte d’une politique financée par le Syndicat des communes.
263Dans ces conditions, la concession, qui liait l’ECFM et la CdC, ne fut pas renouvelée. L’opportunité de continuer à fournir l’entité se présenta par le biais d’un accord avec la nouvelle direction qui prévoyait la fourniture, par la CdC, de la totalité des commandes de compteurs, à charge par elle d’en répartir 25 % entre la Compagnie continentale des compteurs, la Société industrielle des compteurs (SIC) et la Maison Gérard Becuwe183.
264Dans le courant de l’année 1920, c’est l’augmentation de capital d’une société, la Société des appareils de levage, associée à la Compagnie générale de constructions des fours (CGCF), dans laquelle la CdC avait déjà des intérêts, qui l’amena à souscrire à hauteur de l’exercice de ses droits, soit 474 actions de la Société des appareils de levage.
265La localisation à Montrouge de la Compagnie générale de mesure (CGM), dont les ateliers étaient susceptibles de constituer un complément pour la section des appareils de mesure de la CdC convainquit les dirigeants de celle-ci de prendre, en 1921, une option sur 80 titres, soit quasiment la majorité du capital184.
266En Italie, à l’occasion de la création en 1929 de la nouvelle Société Siry Chamon & Cie ayant son siège social à Milan, au capital de trois millions de lires et de la société Siry Chamon & Cie, la Compagnie générale de constructions des fours (CGCF), filiale de la CdC, se vit attribuer 66 000 lires en actions, tandis que la Société Siry Chamon & Cie en recevait 600 000 lires. En contrepartie, la CGCF concédait une licence de représentation à la nouvelle société185.
267Le renouvellement, en 1919, des accords signés en 1892 avec la Compagnie française Thomson-Houston (CFTH) pour le compteur Elihu Thomson, amena la CdC à s’intéresser à la société américaine General Electric Company de New-York186, par le biais d’une prise de participation, à la création d’une société belge pour l’exploitation des compteurs électriques et des appareils de mesure.
268Faute d’informations sur le devenir de cette société belge, ce sont les accords entre la Compagnie française Thomson-Houston et la CdC, conclus le 5 mai 1929, qui apparaissent plus importants car ils visèrent à concéder, à cette dernière, la licence exclusive de fabrication et de vente de compteurs d’électricité et d’appareils de mesure pour l’électricité pour la France et certains pays de l’étranger, la Belgique, l’Espagne, le Portugal et la Grèce, moyennant une redevance de 2 %.
269La signature de ces accords avec la société Thomson-Houston amena la CdC à envoyer aux États-Unis en 1930, trois de ses collaborateurs, son secrétaire général, le chef des fabrications de découpage et de ferblanterie et le chef du service Études des appareils de mesure, afin d’étudier les méthodes concernant l’outillage et la fabrication187.
270La filière eau revêtait elle aussi, entre les deux guerres, un puissant intérêt. La CdC racheta, en avril 1930 le fonds de commerce et la gérance de la Société Eyquem, avec le projet de créer une société anonyme en raison du potentiel en compteurs d’eau de cette société. Dans la même filière, la CdC souscrivit à l’augmentation de capital de la Société Vincent Frères à Haguenau dans le Bas-Rhin pour 2 300 000 F188.
271Dans le domaine du gaz, l’installation à Montrouge de la filiale de la CdC, la Société de construction d’appareils pour le gaz à l’eau et le gaz industriel (GEGI), localisée, jusque-là quai de Jemmapes à Paris 10e, permit une extension de ses activités en 1934. Celle-ci constituait un excellent moyen de communication, eu égard à la participation de l’entreprise à un Groupement pour l’étude du gaz de pétrole, incluant un groupe gazier, un groupe pétrolier et la CdC189.
272En 1935, alors que la Compagnie continentale des compteurs devenait la Société d’appareils électriques & compteurs Garnier, la CdC participa à l’augmentation de son capital à hauteur de 18 000 actions190.
273L’intérêt porté à la Société Boutillon installée dans le 17e arrondissement de Paris amena la CdC à acquérir 1 600 actions sur les 4 000 que comptait cette société, opération qui confirmait l’antériorité de la CdC dans le domaine du contrôle de la distribution d’essence introduit par George Heeley.
274La Société Boutillon était introduite aux États-Unis et dans le monde des distributeurs d’essence utilisateurs du calculateur de la Wayne Tank & Pomp Company qui permettait, à l’usager, de lire la quantité, le prix unitaire et le prix total. Le protocole établi concernait l’utilisation en France du calculateur Wayne et l’aide technique du fabricant Welder Root & Cie, aux conditions consenties à tous les licenciés étrangers191.
275La CdC s’intéressa également en 1935 à une société de maintenance, la Société auxiliaire de vérification & d’entretien, dont la constitution avait été encouragée par l’Union des producteurs d’électricité. Elle souscrivit à 2 000 actions de 500 F à l’occasion de l’augmentation de capital de 1936192.
276Les actionnaires de la CdC étaient alors informés d’une augmentation du poste, Titres en portefeuille, résultant de la reprise par l’industrie française des importantes usines à gaz possédées en France depuis longtemps par la société anglaise l’European Gas Company de Londres. Les disponibilités de trésorerie de la CdC lui permirent de participer à cette opération financière à hauteur de 17 099 962 F193.
277En Amérique du sud, l’opportunité se présenta en 1938 de prendre une participation dans la Société brésilienne des eaux, appartenant au groupe de la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage (SLEE), par la conversion de 10 051 actions des compagnies de gaz et d’électricité194.
278En marge de ces prises de participations traditionnelles, le climat politique de l’Europe, notamment le réarmement inquiétant d’Hitler, alors au pouvoir en Allemagne depuis 1933, avait contraint la CdC à réaliser des acquisitions immobilières ponctuelles, comme elle l’avait fait lors du premier conflit mondial.
Les acquisitions conjoncturelles
279En 1936, à l’heure où la CdC soumissionnait auprès des services du ministère de la Défense nationale pour des marchés intéressants pour la Fonderie de Marquise, cet établissement avait été exclu, non seulement au prétexte qu’une agitation latente y existait, mais aussi en raison de sa localisation dans une région qui n’était pas prévue pour le développement d’usines destinées à des fabrications de guerre. Le ministère de la Défense nationale stipulait, en la matière, que les marchés devaient être confiés à des sociétés possédant des usines au sud de la Loire, clause qui excluait, de facto, la Fonderie de Marquise195.
280Dans ce contexte, la CdC s’était intéressée à des locaux appartenant aux Aciéries du centre à Nantes, à usage de fonderie, alors en liquidation et qui tournait au ralenti avec quelques commandes de la région Basse-Loire. Les locaux avaient l’avantage d’être équipés de convertisseurs et de fours électriques modernes, d’avoir de bons techniciens et une main-d’œuvre spécialisée. Son acquisition réalisée, après une option de 2,5 millions de francs prise par Ernest Chamon, donna lieu à un acte notarié de Me Pascault. Cette acquisition conduisit à la création des Aciéries de Nantes La Madeleine, dans laquelle la CdC prit une participation importante.
281L’usine, spécialisée dans la production des pièces d’acier pour la marine, constituait un élément intéressant complémentaire de la branche métallurgique, appelée à desservir la clientèle de la région auprès de laquelle elle était très bien introduite. Grâce à cet établissement, la CdC reçut une commande, au début de 1938, de l’Inspection des forges pour la fabrication de 35 385 caisses pour bombes de 50, pour un montant de 4 246 200 F.
282Sous l’effet des évènements politiques, l’instabilité de la Chambre sous le Front Populaire, le deuxième ministère de Léon Blum, le rappel de quatre cent mille réservistes pour faire face aux menaces de guerre en 1938, la CdC rechercha, en mai 1939, une solution de substitution à son usine de Besançon.
283Dans le cadre de l’exécution d’un marché de divers types de fusées, la direction de l’Armement considérait que la situation géographique de l’établissement de Besançon était incompatible avec la nature du marché. Pour répondre à ces exigences, la CdC fit l’acquisition d’une usine à Fougères de 2 343 m2, pour la somme de 825 000 F, appartenant à la Société H. Cordier & Fils à Fougères (Ille-et-Vilaine), alors en liquidation196.
284La SARL créée, la Compagnie de mécanique et d’horlogerie avait son siège social à Fougères 10, rue Rallier. Son capital de 400 000 F était constitué de 80 parts de 5 000 F, dans laquelle la CdC souscrivit pour 78 parts. Pour compléter cet établissement de repli, la CdC acheta, pour 180 000 F, un immeuble de 300 m2, également situé à Fougères 29, rue Hoche et un terrain de 890 m2 situé rue Kléber. Cet établissement, transformé en succursale au sein d’une SARL, avait son siège à Montrouge 12, place des États-Unis. La direction de l’usine de Fougères était confiée à un ingénieur de Montrouge, Marcel Fiora197.
285Souci de loger du personnel ou prémonition d’un repli, deux propriétés à usage de ferme, sises dans le département d’Ille-et-Vilaine étaient acquises en décembre 1939, l’une dite Ferme de Firminy, commune de Laignelet, l’autre dans la commune voisine de Landéan comprenant deux bâtiments et leurs dépendances198.
286Ces acquisitions conjoncturelles avaient pour but essentiel de répartir les fabrications pour la Défense nationale entre les différentes usines en fonction de leur implantation géographique. Quant aux prises de participation, elles avaient l’avantage de renforcer le portefeuille de titres qui constituait, avec les résultats de l’activité industrielle, les deux sources de bénéfices. L’ensemble de ces stratégies a conduit à s’intéresser à leur incidence sur les résultats financiers.
Les résultats financiers de 1920-1940
287Les documents financiers présentés aux actionnaires, transcrits en graphiques, selon les critères retenus précédemment, fournissent une illustration de la rentabilité de l’entreprise, de sa prospérité et de la rentabilité des actions de la CdC dans la période de l’entre-deux-guerres.
288La rentabilité financière, illustrée par le graphique Bénéfices sur les fonds propres, révèle que le bénéfice d’exploitation est quasi constant, tantôt légèrement au-dessous de 5 %, tantôt au dessus, résultat d’un sacrifice au profit des fonds propres alimentés par la constitution de réserves. La rentabilité évolue néanmoins plutôt favorablement : au-dessous de 20 % jusqu’en 1926, elle remonte graduellement au-dessus de 25 %, entre 1927 et 1932, mais chute durant les années de la crise politique française, pour se situer autour de 30 % jusqu’en 1939.
La prospérité économique
289Si l’on se rapporte au ratio des fonds propres sur le passif des bilans, on remarque que les deux données s’équilibrent entre 1920 et 1933 (tableau XXVI, page suivante).
290Le ratio autour de 50 % montre la constance de la politique de précaution symbolisée par la constitution de réserves. Celles-ci sont largement utilisées pour le regroupement et le développement d’activités ainsi que celui des établissements étrangers. Néanmoins, la courbe du ratio qui, après un pic en 1934 et 1935, chute ensuite jusqu’en 1940 altérant quelque peu le principe de précaution.
La rentabilité des actions
291Apparemment satisfaisante entre 1920 et 1926, elle est à son maximum entre 1927 et 1935 aussi bien pour les actionnaires que du point de sa valeur nominale, mais retombe entre 1936 et 1940 (tableau XXVII, page suivante). Ces mêmes actionnaires restaient néanmoins fidèles à l’entreprise et aux stratégies de ses dirigeants.
Tableau XXV – Bénéfices & fonds propres
Source : Archives CdC Montrouge.
Tableau XXVI – Fonds propres sur passif du bilan
Source : Archives CdC Montrouge.
Tableau XXVII – Rentabilité des actions
Source : Archives CdC Montrouge.
292La reconversion de l’entreprise à l’activité traditionnelle, la réintégration du personnel mobilisé et des établissements européens dans le giron de la maison mère, ainsi que les séquelles du conflit, avaient été réglées au mieux et l’espoir était revenu avec le transfert des usines parisiennes de ses personnels à Montrouge en 1923. Réalisée sous la direction d’un administrateur polytechnicien, Ernest Mercier, pour la logistique et Ernest Chamon, pour les questions de personnel, l’opération avait connu un franc succès célébré lors de l’inauguration en grande pompe devant un parterre de personnalités du monde industriel. En revanche, dans des premières années de 1930, le contexte politique dégradé et les agitations populaires dans les usines n’auguraient pas d’un avenir prometteur. L’horizon s’assombrissait encore davantage avec les bruits de bottes des dernières années de la décennie.
Notes de bas de page
1 Sigeif (photographie de femmes travaillant dans une usine de munitions durant la Grande guerre) op. cit., p. 107.
2 Fourcaut A., Femmes à l’usine, Paris, Éditions François Maspero, 1992.
3 Ibid. Conseils d’administration 1er juillet 1919, 9 mars 1920, 13 avril et 4 mai 1920 et assemblée générale ordinaire 31 juillet 1920.
4 Id. 9 mars, 13 avril, 5 octobre, 9 novembre 1920.
5 Ibid. Assemblée générale ordinaire 29 juillet 1919.
6 Ibid. Conseils d’administration 13 avril 1920 et 15 février 1921 et assemblée générale ordinaire 31 juillet 1922.
7 Bulletin CdC, no 3 année 1952.
8 Ibid. Assemblées générales ordinaire et extraordinaire 10 juillet 1924.
9 La conférence de Cannes en 1922 entre Aristide Briand, président du Conseil français et le Premier ministre britannique Lyod George conduisit le président du Conseil français, Raymond Poincaré, à occuper la Ruhr en 1923 en gage des réparations non payées par l’Allemagne. L’acceptation du plan Dawes qui visait au renforcement de l’économie allemande engageait la France à évacuer la Ruhr entre octobre 1924 et juillet 1925. Objet du plan Young en juin 1929, d’un moratoire en 1931, le problème des Réparations ne fut réglé définitivement qu’en 1932 avec l’accord de Lausanne.
10 Ibid. Assemblées générales ordinaires 27 mai 1920 et 29 juillet 1921.
11 Ibid. Conseil d’administration 5 octobre 1926.
12 Id. 2 décembre 1919, 1er mars 1921 et assemblée générale ordinaire 5 juillet 1927.
13 Ibid. Assemblée générale ordinaire 31 juillet 1922.
14 Id. Assemblées générale ordinaire et extraordinaire 10 juillet 1924.
15 Ibid. Conseils d’administration 1er mai, 2 octobre et 6 novembre 1928.
16 Id. 6 novembre 1928.
17 Id. 6 novembre 1923 et 8 janvier 1924.
18 Id. 3 juillet et 2 décembre 1930. Toujours dénommée EGEA, cette filiale figurait dans les maisons correspondantes étrangères (MCE) de la CdC en 1970.
19 Ibid. Conseils d’administration 3 novembre 1925, 7 décembre 1926 et 4 décembre 1928.
20 Id. 5 octobre et 9 novembre 1920.
21 Id. 7 octobre, 2 décembre 1924, 3 février 1925 et 5 février 1929 et assemblée générale ordinaire du 11 juillet 1925.
22 Id. 1er mai et 5 juin 1928.
23 Id. 3 juillet 1930.
24 Archives de la Société Actaris à Bruxelles (statuts de la société publiés en 1920).
25 Ibid. Conseils d’administration 10 avril, 2 octobre, 6 novembre et 7 octobre 1924.
26 Id. 5 octobre 1920.
27 Ibid. Assemblée générale ordinaire du 10 juillet 1926.
28 Id. 29 juillet 1919.
29 Ibid. Assemblée générale ordinaire 29 juillet 1919.
30 Le concours de Paul Boyer se révéla précieux lors du règlement des bénéfices réalisés sur les fabrications de guerre.
31 Ibid. Assemblée générale du 31 juillet 1920.
32 Barjot D., Morset H., Cœuré S., Stratégies, gestion, management, les compagnies électriques et leurs patrons (1895-1945), Fondation Électricité de France, p. 180.
33 Ernest Mercier coopéra avec Auguste Detoeuf le grand dirigeant de l’électricité, créateur des sociétés françaises d’importation, distribution et raffinage de pétrole. Ils créèrent en 1927 le mouvement Redressement français qui les mena à publier. A. Detoeuf, Conscience Of French Industry 1926-1947, International Review of Social Industry, et Ernest Mercier, French Technocrat, Berkley, University of California Presse 1967.
34 Marseille J. Nouvelle histoire de France tome II de l’évolution à no jours, Paris, Perrin, 1999. p 222.
35 Barjot D., Morset H., Cœuré S., op. cit., p. 15.
36 Berstein S., Milza P., Histoire du XXe siècle, Hatier, Paris, 1996, p. 169.
37 Ibid. Conseil d’administration 3 février 1920.
38 Ibid. Conseil d’administration 6 janvier, 3 février et 9 mars 1920.
39 Id. 13 avril 1920 et 4 janvier 1921.
40 Archives CdC Montrouge, Note biographique d’un directeur (mai 1955).
41 Ibid. Conseils d’administration 4 février, 1er avril et 6 mai 1919 et assemblée générale ordinaire 29 juillet 1919.
42 Photocopies fournies par Me Pascault, Notaire, de l’acte de propriété établi à l’occasion de la vente du site de Montrouge par Schlumberger en 2001.
43 Ibid. Assemblée générale ordinaire 5 juillet 1928. L’achat de la maison offrait la perspective d’un logement du personnel.
44 Id. 31 juillet 1922.
45 Vauzelle P., Montrouge sous la IIIe République, Édition de la Société Historique et Archéologique du Grand Montrouge, p. 50,51. La société Darras & Jouanin existe toujours, 2, rue des Sables à Viry-Chatillon (Hauts-deSeine).
46 Ibid. Assemblée générale ordinaire 29 juillet 1921.
47 Ibid. Conseil d’administration 15 février 1921.
48 Id. 6 décembre 1921.
49 Ibid. Assemblée générale ordinaire 29 juillet 1921 et conseil d’administration 8 novembre 1921.
50 Ibid. Conseil d’administration 8 novembre 1921.
51 Installations sur l’îlot de l’avenue Verdier en 1928.
52 Ibid. Assemblées générales 31 juillet 1922, 10 juillet 1926 et 5 juillet 1927.
53 Ibid. Conseil d’administration 4 décembre 1923 et assemblée générale extraordinaire 10 juillet 1924.
54 Ibid. Conseil d’administration 4 décembre 1923 et assemblée générale extraordinaire10 juillet 1924.
55 Id. 10 avril 1923.
56 Id. 8 janvier et 5 février 1924 et assemblée générale ordinaire 10 juillet 1924.
57 Id.
58 Ibid. Conseils d’administration 6 janvier et 3 mars 1925 et assemblée générale ordinaire 11 juillet 1925.
59 Id. Conseil d’administration 4 juin 1929.
60 Archives CdC Montrouge.
61 Thomas A., Cour P., Geeraert L. op. cit. p. 94.
62 Information fournie le 1er avril 2008 par Michel Rousseau d’après les souvenirs de son père Léon Rousseau, l’un et l’autre employés de la CdC.
63 Ibid. Conseils d’administration 4 janvier, 15 février, 5 juillet 1921.
64 La CdC annonçait alors un effectif total de 7 500 personnes, dont 2 400 à la Fonderie de Marquise, contre seulement 1 900 après le rapprochement des années 1888 avec les différentes maisons de la filière.
65 Ibid. Assemblée générale ordinaire 27 juillet 1923.
66 Ibid. Assemblée générale ordinaire 10 juillet 1926.
67 Ibid. Conseils d’administration 4 janvier, 8 mars 1927 et assemblée générale ordinaire 5 juillet 1927. La fonderie de Marquise ayant été acquise en 1903, la durée des services d’Horace Guibert révèle la prise en compte de son ancienneté antérieure.
68 Ibid. Conseil d’administration du 4 janvier 1927.
69 Nouschi M., Temps forts du XXe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1994, p. 94-95 et document interne CdC.
70 Bulletin CdC, no 1.
71 Ibid. Conseils d’administration 6 janvier et 3 février 1920.
72 Id. 7 décembre 1920.
73 Id. 6 novembre 1923.
74 Ibid. Assemblée générale ordinaire 11 juillet 1925 et Archives de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris cote 881 294, nomenclature de 14 pages datée de 1927-1928.
75 Ibid. Conseil d’administration 4 mars 1930.
76 Id. Conseil d’administration 5 février 1924. Le charbon actif est obtenu par calcination de matières carbonées. Un traitement spécial permet d’accroître ses propriétés d’absorption des gaz utilisés dans de multiples applications : médecine, industrie chimique, traitement des eaux.
77 Id. 10 juillet et 4 novembre 1924 et bulletin CdC no 6 (illustration de l’implantation d’Actadis dans les sous-stations parisiennes).
78 Ibid. Assemblées générales et conseils d’administration de 1933 à 1936.
79 Id. Conseils d’administration 1er décembre 1936, 5 janvier et 2 février 1937.
80 Ibid. Conseils d’administration 8 juin et 5 juillet 1938.
81 Id. 19 juin 1931.
82 Id. 3 novembre 1936.
83 Archives CdC à Montrouge.
84 Bulletin CdC, no 4.
85 Archives CdC à Montrouge.
86 Ibid. Conseils d’administration 7 janvier et 31 mars 1936.
87 Id. Assemblées générales ordinaires exercices 1929, 1930, 1931.
88 Barjot D, Morsel H., Cœuré S. Les Compagnies électriques et leurs patrons 1895-1945., p. 128.
89 Moutet A., Les logiques de l’entreprise, la rationalisation dans l’industrie française dans l’entre-deuxguerres, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, p. 229.
90 Archives CdC à Montrouge (Notes de septembre et novembre 1933 sur l’évolution des méthodes de fabrication des compteurs monophasés).
91 Moutet A., op. cit., p. 229.
92 Id.
93 Ibid. Assemblées générales ordinaires 3 juillet 1930, 2 juillet 1931, 5 juillet 1932, 6 juillet 1933.
94 Michel A., Siemens, trajectoire d’une entreprise mondiale, Paris, Institute Éditeur, 1997 p. 101. (lettre de la firme allemande adressée le 31 juillet 1930 au chancelier du Reich, Heinrich Brüning : « C’est la première fois que notre maison doit procéder à des licenciements de masse. Jusqu’à présent, chaque salarié qualifié et capable pouvait avoir le sentiment de posséder une position définitivement établie. C’est la fierté mais aussi la force de notre entreprise »).
95 Ibid. Conseil d’administration 2 juillet 1931.
96 Id. 5 juillet 1932, 6 juillet 1933, 12 juin 1934.
97 Ibid. Conseils d’administration 9 juin 1931 et de l’assemblée générale ordinaire 3 août 1933.
98 Id. 3 juin 1930, 1er décembre 1931, 2 février et 7 juin 1932.
99 Id. 31 mars 1936.
100 Id. 2 mars, 1er juin et 15 juin 1937.
101 Ibid. Conseils d’administration 3 juin 1930, 1er décembre 1931, 2 et 7 juin 1932, 4 avril 1933, 6 avril, 11 mai et 5 octobre 1937, 8 mars 1938.
102 Maréchal D., Radio-Luxembourg 1933-1993, Nancy, Presses Universitaires, Éditions Serpenoise, 1994, p. 21-24 et Cahiers de l’Histoire de la Radiodiffusion, article no 82.
103 Ibid. Conseils d’administration 3 novembre 1925, 5 janvier, 2 février et 2 mars 1926.
104 Ibid. Conseil d’administration 3 novembre 1925, 5 janvier, 2 février et 2 mars 1926 et 4 juillet 1929.
105 Maréchal D., op. cit. p. 21-23.
106 Ibid. Conseil d’administration 8 novembre 1932.
107 Gueit L., Paribas et les télécommunications autour de la CSF 1918-1968, thèse 1998, p. 151.
108 Archives de Jacques Poinsignon, ingénieur à la CdC avant de rejoindre la CSF. Note rédigée en coopération avec Paul Robert, également ingénieur à la CdC « La Télévision à la Compagnie des Compteurs ».
109 Ibid. Conseils d’administration 8 janvier et 4 juillet 1929.
110 Bulletin CdC, no 10 et Amoudry M., René Barthélemy ou la grande aventure de la télévision française, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1997, p. 27-30.
111 Id. Bulletin CdC et Amoudry M., op. cit. p. 4.
112 Cf. p. 149, note 108.
113 Ibid. Assemblée générale et conseil d’administration 3 juillet 1934.
114 Id. 12 juin 1934.
115 Ibid. Conseil d’administration 3 juillet 1934.
116 Id.
117 Id. 9 octobre 1933.
118 Ibid. Conseil d’administration 8 octobre 1935.
119 Id. 7 janvier 1936.
120 Id. 2 juillet 1935.
121 Id. 4 février, 5 mai et 1er juillet 1936 et Bulletin CdC, no 10, juin 1954.
122 Amoudry M., op. cit., p. 149.
123 Id., p. 182.
124 Amoudry M., op. cit. p. 181.
125 Ibid. Assemblée générale ordinaire 5 mai 1936.
126 Ibid. Conseils d’administration 1er décembre 1936 et 5 janvier 1937.
127 Id. 4 février 1936 et assemblée générale ordinaire 5 mai 1936.
128 Amoudry M., op. cit. p. 155.
129 Bulletin CdC, no 53.
130 Amoudry M., op. cit., p. 175.
131 Bulletin CdC, no 53 de 1965.
132 Amoudry M., op. cit., p. 175.
133 Revue de l’association française de recherche sur l’histoire du cinéma, « Des études d’experts au rapport Petsche (1933-1935) », article de Jacques Choukroun, extrait de sa thèse de doctorat 2000.
134 Id.
135 Id.
136 Id.
137 Ibid. Conseils d’administration 8 mars, 5 juillet et 8 novembre 1938.
138 Noiriel G., Les ouvriers dans la société française XIXe-XXe siècle, Le Seuil, 1986, p. 84.
139 Archives de la ville de Montrouge, Montrouge et son histoire, Presse des Établissements interimprimeries, 1988.
140 Almanach de l’Humanité 1986 fourni par la cellule du Parti communiste de Montrouge.
141 La CGTU, Confédération générale du travail unitaire, créée en 1922 après sa scission de la CGT créée en 1895. L’unité entre 1936 et 1948 disparut avec une nouvelle scission qui provoqua la création de la CGT FO.
142 Archives personnelles de Jacques Rousseau ancien de la CdC : Auguste Monjauvis aurait été embauché malgré ses antécédents syndicalistes car il était l’un des seuls, sur la place de Paris, à bien connaître la technique des matrices de moule.
143 Ibid. Maurice Kirsch, alias Maurice Lime, militant anarchiste, puis communiste, connu 5 ans d’indignité nationale à la Libération ; militant anarchiste par la suite, il collabora à « Défense de l’Homme », et publia de nombreux ouvrages toujours à vocation anarchisante.
144 Ibid. Conseils d’administration 5 mai, 6 octobre 1931 et 6 mars 1934.
145 Id. 8 janvier 1935.
146 Ibid. Assemblée générale ordinaire 27 juillet 1900.
147 Id. 12 juin 1934.
148 Ibid. Conseil d’administration 5 mai 1936.
149 Id. 6 février, 1er mars, 1er mai 1934, 5 janvier, 15 juin 1937, 4 juin 1940. Le rapatriement des fonds intervint en avril 1940.
150 Lacouture J., Le Front Populaire, Actes Sud, Tours 2006, photographie no 68.
151 Archives de la ville de Montrouge Mémoire de Decoux D., La Ville de Montrouge dans les années 1942-1947, de l’occupation à la reconstruction, Paris 4-Sorbonne, mai 1996.
152 Noiriel G., Les ouvriers dans la société française XIXe-XXe siècle, Parsi, Le Seuil, 1986.
153 Marseille J., op. cit., p. 302.
154 Ibid. Archives Jacques Rousseau.
155 Propos rapporté par transmission orale d’un ancien ouvrier à un jeune collègue, recueillie lors d’un entretien en avril 2008 avec un syndicaliste désirant rester anonyme.
156 Id.
157 Id.
158 Ibid. Conseils d’administration 1er juillet, 6 octobre 1936 et 15 juin 1937.
159 Id. 8 juin 1938.
160 Id. 1er juillet et 6 octobre 1936, 5 janvier, 7 décembre 1937, 3 mai 1938.
161 Ibid. Conseils d’administration 1er février 1938.
162 Id. 5 janvier et 2 février 1937.
163 Id. 1er février 1938.
164 Les premiers congés payés à la CdC furent pris à compter du 11 juillet 1936. Ils furent symbolisés par une médaille, réalisée par des ouvriers de l’outillage central dans un morceau de cuivre provenant d’un compteur, portant au verso la mention « A notre délégué A. Monjauvis 11.7.1936, l’Outillage reconnaissant » archives Michel Rousseau.
165 Ibid. Conseil d’administration 8 octobre 1935 et assemblées générales ordinaires 5 mai 1936 et 15 juin 1937.
166 Ibid. Conseils d’administration 6 octobre 1936.
167 Id. 6 janvier, 5 mars, 31 mars, 1er décembre 1936.
168 Id. 5 avril 1938.
169 Ibid. Conseils d’administration 4 octobre et 8 novembre 1921.
170 Ibid. Assemblées générales extraordinaire 27 mai et ordinaire 31 juillet 1920.
171 Id.
172 Id. Assemblée générale ordinaire 29 juillet 1921.
173 Id. Assemblée générale extraordinaire 29 avril 1924.
174 Ibid. Conseil d’administration 21 septembre 1925.
175 Id. 1er décembre 1925.
176 Ibid. Assemblée générale ordinaire du 6 juillet 1933.
177 Ibid. Assemblée générale ordinaire 12 juin 1934.
178 Impôt qui atteignait une catégorie de revenus, supprimé en 1948.
179 Ibid. Assemblée générale ordinaire 1er juillet 1936.
180 Ibid. Conseil d’administration 15 juin 1937 et Bulletin CdC, no 11.
181 Id. 6 mai 1919, 9 mars, 4 mai 1920 et 4 janvier 1921.
182 Ibid. Conseil d’administration 4 février 1919, 23 février 1920 et 10 janvier 1922.
183 Id. 7 janvier et 4 février 1936.
184 Id. 8 novembre 1921.
185 Id. 7 décembre 1920.
186 Ibid. Conseil d’administration 7 octobre 1919.
187 Id. 1er avril 1930.
188 Id. 1er avril et 1er mai 1934.
189 Id. 4 décembre 1934.
190 Id. 19 mars 1935.
191 Ibid. Conseil d’administration 10 janvier 1939.
192 Id. 5 février 1935, 5 mars, 31 mars et 6 octobre 1936.
193 Ibid. Assemblée générale ordinaire 5 mai 1936.
194 Ibid. Conseil d’administration 8 novembre 1938.
195 Id. 3 mars et 3 novembre 1936.
196 Ibid. Conseil d’administration 2 mai 1939 et 3 octobre 1939.
197 Id. 3 mars et 3 novembre 1939.
198 Id. 5 décembre 1939.
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