Régionalisme et compétition politique en France
p. 21-40
Texte intégral
1Le régionalisme désigne l’ensemble des mobilisations culturelles, sociales et politiques qui investissent l’espace régional1. En France comme ailleurs, le régionalisme contribue à l’institutionnalisation des espaces régionaux à travers deux mécanismes essentiels : la production/reproduction de récits territoriaux alternatifs à ceux de l’État-nation ; et le développement d’organisations politiques autonomistes qui entendent créer un rapport de force avec ce même État sur la base de revendications statutaires. Cette dernière dimension, que l’on peut qualifier de régionalisme politique, est sans doute moins influente dans l’hexagone que dans d’autres États européens. En effet, les partis autonomistes, c’est-à-dire des partis organisés à une échelle infra-étatiques et revendiquant des institutions autonomes à l’échelle de ce territoire qui s’identifient à des groupes ethniques et/ou à un ancrage territorial, n’y ont qu’une influence limitée voir résiduelle2. Pourtant, les modalités et les temporalités de politisation du régionalisme en France correspondent bien au modèle rokkanien du clivage centre/périphérie3. En France, la politisation du régionalisme s’opère en deux phases principales au XIXe et XXe siècles. À une première phase marquée par un régionalisme conservateur, rassemblant des réseaux notables dans la défense d’intérêts économiques et culturels périphériques, succède un régionalisme nationalitaire de gauche qui développe, à partir des années 1960-1970 un répertoire idéologique et organisationnel plus structuré, dans des espaces régionaux différenciés sur le plan culturel et linguistique (Bretagne, Corse, Occitanie). Cependant, ce régionalisme ne pèse que marginalement dans la compétition électorale sous la Ve République. Les règles de la compétition politique locale et nationale, ainsi que la construction identitaire des espaces régionaux, expliquent en grande partie cette exception française.
Le régionalisme conservateur et le projet républicain
2Le premier régionalisme politique est un régionalisme conservateur4. Dans la hiérarchie commune aux horizons idéologiques des droites, la région occupe une place particulière, elle est, en dessous de l’appartenance collective suprême que définit la patrie le lieu essentiel où s’expérimente dans le temps comme dans l’espace un vivre-ensemble communautaire selon, les coutumes, les mœurs et les langues5. L’unicité et l’indivisibilité de la France sont ainsi au cœur des débats des droites sur la décentralisation, le régionalisme ou le fédéralisme. Cependant, ce serait une erreur de résumer le régionalisme politique à l’anti-républicanisme tant il s’apparente en ce début de XXe siècle France à un véritable « carrefour idéologique6 ».
La politisation du régionalisme culturel
3Le régionalisme conservateur se structure, tout d’abord, à travers la politisation de jeunes félibres au sein desquels Charles Maurras joue un rôle majeur7. Dans la dernière décennie du XIXe siècle, le thème du fédéralisme prend en effet une dimension toute nouvelle dans le mouvement félibréen. La jeunesse s’en empare pour mieux s’opposer à la génération précédente. Ainsi, en 1892, de jeunes félibres, au premier rang desquels se trouvent Charles Maurras et Frédéric Amouretti, se saisissent de l’occasion de la venue à Paris de Félix Gras, président du Félibrige et républicain notoire, pour plaider pour une ambitieuse réforme de décentralisation et d’autonomie régionale8. Cette déclaration fédéraliste fait grand bruit et opère un rassemblement de personnalités diverses, de droite comme de gauche. Elle rassemble une série de revendications en matière de décentralisation politique et culturelle et de fédération de régions. En 1898, Maurras publie une brochure Décentralisation où, influencé par les écrits de Maurice Barrès, il conclut à la nécessité d’associer nationalisme et décentralisation ou nationalisme et fédéralisme. Progressivement s’impose l’idée chez Maurras que la République ne peut se décentraliser et que le fédéralisme n’adviendra qu’avec la monarchie. Cependant, sous l’influence de Maurice Barrès qui publie en 1897, Les déracinés9, la revendication régionaliste et décentralisatrice trouve une audience grandissante auprès de la jeunesse, et non pas seulement celle qui suit le cheminement de Maurras. L’influence intellectuelle de Barrès sur toute une génération d’hommes politiques et d’intellectuels, de droite comme de gauche, contribue largement à légitimer le régionalisme sur l’agenda politique. Les années 1897-1900 voient se poursuivre les contacts entre les jeunes félibres qui refusent la voie maurassienne, comme Jean Charles-Brun, et les décentralisateurs d’autres provinces. L’idée est de constituer un parti régionaliste, qui fasse le pendant au parti nationaliste projeté par Barrès et Maurras. Le terme régionalisme permet d’éviter l’emploi de fédéralisme désormais trop attaché au nom de Maurras. Les décentralisateurs bretons sont les premiers à l’utiliser en créant, en 1898, l’Union régionaliste bretonne (URB).
4Dès lors, la structuration et la diffusion du régionalisme à la charnière des XIXe et XXe siècles doit beaucoup à un homme, Jean Charles-Brun, qui consacre sa vie au mouvement régionaliste10. Il crée en 1900 la Fédération régionaliste française qui édite, à partir de 1902, une revue, L’action régionaliste et une collection, La bibliothèque régionaliste. L’appellation, Fédération régionaliste, d’apparence anodine résulte de choix et de calculs complexes. Se référant aux régions, il évite l’allusion aux provinces, lesquelles ont une connotation monarchiste. Il évite aussi le terme fédéralisme qui est aussi associé à la droite monarchiste. Très habilement, Charles-Brun ne prononce pas d’exclusion contre la droite nationaliste ; au contraire il l’enrôle dans sa Fédération où elle devient une composante parmi d’autres d’un mouvement œcuménique. Barrès est membre du comité d’honneur de même que le député monarchiste breton – et fondateur de l’URB – Régis de l’Estourbeillon. Pragmatique, Jean Charles-Brun se refuse ainsi à poser clairement le problème de la nature politique du régime, et cherche avant tout à faire cohabiter dans son organisation des courants d’origines très diverses, qui ont en commun de refuser l’État jacobin centralisateur mais dont les philosophies et stratégies divergent largement. Le premier courant est le fédéralisme proudhonien dans lequel on retrouve Jean Charles-Brun lui-même, Joseph Paul-Boncour, socialiste et secrétaire général de la Fédération, mais aussi le gendre de Karl Marx, Charles Longuet, ou encore Étienne Clémentel, le futur père des régions économiques à la fin de la première guerre mondiale. Le second courant est celui des républicains décentralisateurs avec des personnalités comme Paul Deschanel mais aussi Paul Doumer, André Tardieu ou Albert Lebrun. Le troisième courant est celui des catholiques sociaux, tel l’abbé Lemire, qui se battent depuis longtemps pour les assemblées régionales. Jean Charles-Brun situe explicitement sa fédération dans le cadre des institutions républicaines ce qui lui aliène une partie des régionalistes partisans de Charles Maurras et de l’Action Française notamment.
5La diversité des adhésions fait la force de la Fédération régionaliste mais aussi sa faiblesse. Elle regroupe une grande majorité d’érudits locaux passionnés d’identité régionale (langue, histoire, coutumes), notamment via le mouvement du Félibrige du pays d’oc, mais son influence politique demeure à peu près nulle du fait de la confusion des objectifs des uns et des autres sur la composition et les pouvoirs des institutions d’une décentralisation régionale à venir. La Fédération régionaliste constitue une tribune où l’on s’exprime librement mais ce n’est pas un mouvement politique organisé. L’effort doctrinal est faible. Si une très large majorité de régionalistes de la Fédération a en commun le rejet du département et le refus d’un retour des anciennes provinces jugées disproportionnées, ils divergent très largement sur le nombre de régions à définir, les moyens d’y parvenir et le type de régime politique qui pourrait incarner et porter cette réforme. Tant du côté monarchiste que républicain la Fédération régionaliste semble n’avoir guère pesé dans les rapports de force politique, mais elle contribue fortement à la diffusion de l’idée régionale dans les débats politiques à la Belle Époque et dans l’entre-deux-guerres. La Fédération régionaliste fonctionne comme un milieu politique qui diffuse et socialise une grande diversité d’élus et d’intellectuels à l’idée régionale. Ainsi, en 1911, Jean Hennessy11, membre actif de la Fédération, député de la Charente et proche des radicaux, fonde la Ligue de représentation professionnelle et d’action régionaliste, pour obtenir une représentation des professions au sein d’une assemblée régionale.
L’impasse politique
6Dans son ouvrage majeur, Le régionalisme, Jean Charles-Brun12 fait de la régionalisation des politiques éducatives et culturelles une priorité absolue. Il accuse en effet le centralisme politique d’être la cause principale de la désertification culturelle des régions. Il plaide donc pour un enseignement régionalisé (géographie, géologie ou histoire régionales) et des corps d’enseignants gérés au niveau local. S’il ne revendique pas l’enseignement des langues régionales, il indique que certains régionalistes le réclament et que l’utilisation de l’idiome local peut faciliter la pratique de la grammaire française. Mais c’est à l’université que Jean Charles-Brun accorde le plus d’intérêt pour revitaliser la vie politique et culturelle régionale et plaide pour une autonomie des universités. D’autres revendications sont avancées en matière de décentralisation culturelle : revitalisation des sociétés savantes, meilleure prise en compte de la presse de province, relance du théâtre régional et de musées régionaux. Cependant, si les grandes revues intellectuelles de l’époque comme la Revue d’économie politique ou la Revue politique et parlementaire s’emparent du sujet du régionalisme et en font un des grands débats politiques du premier tiers du XXe siècle en France, le régionalisme ne parvient pas à peser sur l’agenda politique.
7Seul le gouvernement de Vichy fera du régionalisme sa doctrine officielle, le condamnant de ce fait aux rebuts de l’histoire nationale. La révolution nationale entreprend la liquidation du régime précédent en portant au pinacle une thématique qui s’est imposée sous la IIIe République comme l’expression d’un réformisme consensuel13. La dénonciation vichyste de l’intellectualisme abstrait et cosmopolite s’appuie sur la promotion d’une culture nationale et concrète à laquelle le revitalisme folklorique prête son aspect pittoresque14. Par le biais du régionalisme, le pétainisme n’en finit pas de célébrer la France, la province et le peuple français15, tout en mettant en pratique une politique bien différente. Si le régionalisme culturel fournit à la révolution nationale un support affectif à la réaction idéologique et morale, la concentration du pouvoir, de l’administration et de l’économie est en fait portée à son plus haut point. Les projets de régionalisation politique annoncés en juillet 1940 font long feu. Par la loi du 19 avril 1941 est créé un conseil national consultatif au sein duquel une commission de la réorganisation administrative qui suggère un redécoupage de la France en vingt provinces16. Ni Charles Maurras, ni Jean Charles-Brun ne semblent avoir d’une manière ou d’une autre influencés ce projet17. En revanche, cette même loi d’avril 1941 confie à certains préfets une mission de coordination sur plusieurs départements en ce qui concerne l’ordre public et le ravitaillement. Apparaît ainsi l’ancêtre du Préfet de région18.
Le régionalisme nationalitaire : un aggiornamento idéologique
8À partir de l’entre-deux-guerres, le régionalisme prend une nouvelle forme celui du régionalisme nationalitaire19. Qu’il soit de droite ou de gauche ce régionalisme considère l’espace régional comme une nation sans État qui doit obtenir la reconnaissance de droits culturels, linguistiques et politiques dans le cadre de l’État français (fédéralisme/autonomisme) ou hors de ce cadre (séparatisme). Ce régionalisme nationalitaire rompt avec les modes d’action notabiliaires traditionnels du premier tiers du XXe siècle et renouvelle profondément son répertoire idéologique où l’intégration européenne apparaît désormais comme une opportunité pour dépasser le cadre étatique.
Autonomisme et fascisme dans l’entre-deux-guerres
9Les premières organisations politiques autonomistes émergent dans l’entre-deux-guerres en Alsace, Bretagne et Corse. Ces nouveaux partis entendent rompre avec le régionalisme conservateur de leurs aînés. S’ils partagent avec le régionalisme conservateur les griefs contre l’œuvre d’uniformisation, souvent brutale, de la République20, ils développent un répertoire politique tout autre basé sur l’idée nationale et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. En effet, la diffusion, au cours de la Première Guerre mondiale comme fondement d’une paix juste, des principes wilsoniens du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes encouragent certains groupes politiques, dans des régions à forte identité linguistique et culturelle, à s’engager dans la voie de l’autonomisme, puis du nationalisme à l’instar de l’exemple irlandais.
10En Alsace, les maladresses commises par Édouard Herriot et le cartel de gauche21 sont à l’origine d’une première vague d’autonomisme en 1924. Un journal régionaliste Die Zukunft (L’avenir) se crée et, en 1926, une première ébauche d’un front régionaliste, le Heimatbund, recueille une centaine de signatures de personnalités exigeant une autonomie pour l’Alsace. Cette même année, deux députés radicaux, Camille Dalhet et Georges Wolf, rompent avec leur parti et rejoignent la cause autonomiste et régionaliste alsacienne. L’évolution est similaire en Bretagne et en Corse où l’on glisse de l’autonomisme des années 1920 à un nationalisme dans les années 1930 avant de sombrer, pour les plus extrémistes, dans la collaboration avec l’occupant allemand. En 1923, Petru Rocca, écrivain, journaliste fonde le Partitu corsu d’azione (PCA) qui devient en 1927 le Partitu corsu autonomistu. Les adhérents sont surtout des intellectuels (écrivains, poètes, journalistes) et des notables partisans du « corsisme22 ». Pour eux, la Corse est une nation vaincue qui doit renaître politiquement et économiquement et réclament pour cela une décentralisation administrative et une renaissance de la vie culturelle. Très vite, Mussolini essaie de son côté, de récupérer le mouvement corse et rencontre le poète corse Santu Casanova en juin 1935. En Bretagne, suite à l’indépendance de l’Irlande en 1921 et les agitations autonomistes en Alsace en 1926, un Parti autonomiste breton (PAB) voit le jour en 1927. Dominé un temps par une orientation fédéraliste, il présente sans succès, en 1930, des candidats à des élections partielles. Mais rapidement des divisions apparaissent au sein du PAB entre une branche modérée qui prône l’autonomisme dans un cadre fédéral, et une branche radicale qui prône l’indépendance. Cette dernière créée, en décembre 1931, le Parti national breton (PNB), organisation qui demeure très minoritaire, tant elle paraît déconnectée des réalités économiques et sociales de la société bretonne de l’époque. Ainsi, dans la deuxième moitié des années 1930 certains nationalistes extrémistes bretons et corses, au nom de mythiques solidarités ethniques, qu’elles soient germaniques ou latines, se rapprochent des fascismes allemand et italien. Après la défaite de 1940, cela amènera quelques dizaines d’entre eux à un collaborationnisme actif pour tenter d’obtenir un État corse ou breton autonome dans une France nazie23.
11À la Libération, l’appropriation du régionalisme par le pétainisme contribue à délégitimer profondément le fait régional. Pourtant, la structure des groupes de résistance et la délivrance progressive du territoire avaient conduit, à la Libération, à l’émergence d’instances de pouvoir et d’organisation locales. Les tensions entre partis pour la définition du nouveau régime se soldent rapidement par une nouvelle centralisation de l’exécutif. Les travaux préparatoires des deux constitutions de 1946 manifestent l’hostilité des députés au fait régional24. De Maurice Thorez à André Morice, en passant par Robert Schumann au Parti socialiste, on constate un refus partagé du cadre régional. Seul M. Fonlupt-Esparaber, député MRP du Haut-Rhin défend l’idée d’une circonscription supra-départementale de déconcentration. Le Parti socialiste lui répondra en opposant la région vichyssoise au département « creuset dans lequel se sont fondus tous les particularismes provinciaux ciment de l’unité française25 ». La même préoccupation pèse sur les débats constitutionnels lors de la détermination des collectivités territoriales décentralisées. La région est définitivement écartée au profit du département. Le 26 décembre 1945, lors de la discussion des textes en commission, Pierre Cot, apparenté communiste, insiste particulièrement pour que soient énumérées de façon limitative les collectivités locales. Le département lui apparaît comme la seule collectivité intermédiaire entre la commune et l’État. Il aura d’ailleurs cette formule définitive : « Cette délimitation emporte condamnation de la région26. » Ainsi la région, en 1945, apparaît à une majorité d’hommes politiques français comme dangereuse pour la République au même titre que la province était séditieuse sous la Révolution française.
Du colonialisme intérieur à l’Europe des régions
12Cependant, une quinzaine d’années plus tard, le régionalisme resurgit sous la forme de partis politiques et de mouvements culturels, ancrés à gauche voire à l’extrême gauche, révélant ainsi les tensions culturelles, économiques et politiques générées par les Trente glorieuses27. En 1964, se crée l’Union démocratique bretonne (UDB), l’Action régionaliste corse (ARC) en 1967, le Mouvement régionaliste d’Alsace-Lorraine (MRAL), ou encore Enbata, en 1963 au Pays basque français. Des mouvements clandestins prônant la violence politique contre l’État et ses symboles apparaissent avec la création du Front de libération de la Bretagne (FLB) en 1969, d’Iparretarrak en 1973 au Pays basque français puis du Front de libération nationale corse (FLNC) en 1976.
13L’euphorie des Trente glorieuses masque en effet des disparités économiques territoriales qui se creusent et des sociétés régionales qui changent définitivement de visage28. C’est avec les premières perceptions de la crise économique que resurgit le régionalisme. Ces partis ethno-régionalistes se développent d’abord dans les régions économiquement « vidées » pendant la période précédente : la Bretagne, le Midi, qui voit disparaître ses industries traditionnelles ; la Corse, qui connaît les tensions d’une société rurale en transformation (tourisme, industrialisation de l’agriculture). Ce sont aussi, bien évidemment, des régions où le sentiment de spécificité culturelle et linguistique s’est plus particulièrement maintenu. Par ailleurs, le tiers-mondisme et la référence aux luttes d’émancipation des peuples colonisés permettent de reprendre le terme de régionalisme que l’assimilation vichyste avait rendu jusque-là improbable.
14Les luttes régionalistes s’effectuent donc dans les années 1960-1970 sur un double plan : contre le capitalisme qui a colonisé l’économie, contre l’État centralisé qui asservit les régions. Chaque conflit social est réinséré dans une problématique régionale d’ensemble29. Les grèves et manifestions des mineurs de Decazeville en 1961-1962 constituent sans doute le révélateur des solidarités régionales à l’occasion d’un conflit apparemment sectoriel. Le bassin minier aveyronnais avait été condamné par la CECA car la région de Decazeville était vouée à la monoactivité extractive. Les syndicats de mineurs avaient refusé de soutenir la lutte au niveau national. Le soutien est alors venu de la région. Les leaders paysans de la FNSEA décident localement de participer au mouvement et déclarent à Rodez, le 22 janvier 1962, « le problème des mineurs c’est celui de dizaines de milliers de petits paysans qui se pose et se posera avec une acuité plus grande dans notre région30 ». Toutes les forces économiques s’associent dans la lutte y compris le clergé. Ce phénomène se reproduit dans les industries textiles des Vosges ou lors du conflit du « Joint Français » en Bretagne. Les ouvriers ne trouvent pas d’appui dans la branche industrielle dont ils dépendent, ni au sein du groupe dans lequel ils s’insèrent mais près de l’ensemble de la population du territoire régional31. Les militants régionalistes cherchent à dépasser les luttes ponctuelles pour dénoncer l’emprise capitaliste dans ses manifestations les plus criantes : domination des coopératives agricoles en Bretagne, des grandes industries du Sud-Est ou du Sud-Ouest. Péchiney qui exploite la bauxite des Alpilles de Provence, la société nationale des pétroles d’Aquitaine, la coopérative de Landerneau en Bretagne constituent les cibles habituelles des régionalistes. Ces formes leur paraissent illustrer la colonisation intérieure par le capitalisme de même que les aménagements touristiques et les implantations militaires, traduisent la main mise de l’État sur les régions. Les protestations régionales, en particulier en Bretagne et dans le Sud-Est visent les nouveaux équipements du littoral maritime ou les installations militaires. Le Sud-Est dénonce l’aménagement du Languedoc-Roussillon et la Bretagne, par la voix de l’UDB, « le nouveau mur de l’atlantique » que créent les villas de vacances. L’hostilité des populations aux installations militaires a été encore plus forte notamment lors de l’extension des camps militaires de Canjuers dans le Var et surtout du Larzac. Les refus de la population régionale s’appuient sur un conglomérat idéologique où l’on trouve aussi bien les préoccupations agricoles ou maritimes, que l’antimilitarisme ou la sauvegarde de l’environnement32.
15Ce régionalisme nationalitaire se situe à gauche et tisse naturellement des liens avec les organisations de gauche en pleine recomposition. Le rapport Décoloniser la province, établi par Michel Rocard lors du colloque de Saint-Brieuc en mai 1966, est à cet égard incontournable. Si ce rapport n’a qu’une diffusion limitée, il exerce une grande influence dans l’appropriation par la deuxième gauche, puis par la gauche socialiste tout entière, de la question régionale dans les années 1970. Construit autour de l’idée d’une colonisation des régions par la bourgeoisie centralisatrice, le rapport synthétise des analyses fragmentaires et diverses effectuées depuis 1962, en particulier en Occitanie sous l’impulsion du comité occitan d’études et d’action de Robert Lafont ou de l’UDB en Bretagne. La nouveauté du rapport est d’appliquer le concept de colonisation et d’en tirer les conséquences dans la détermination de la pratique politique. Selon le rapport de Michel Rocard, la situation coloniale se reconnaît de façon générale à quatre caractéristiques principales : la zone colonisée est plus agricole que la métropole (1) ; la zone colonisée n’exporte que du produit brut ou peu élaboré (2) ; le pouvoir décisionnel appartient à la métropole (3) ; à égalité de qualification les revenus métropolitains sont supérieurs à ceux de la zone colonisée (4). Ainsi, le rapport indique que « non seulement la Bretagne, les Vosges, le Languedoc mais aussi le Nord et la Lorraine, sont des exemples peu discutables de situations coloniales par rapport à la puissante métropole parisienne33 ». L’influence du rapport de Michel Rocard se fait sentir dans les secteurs plus traditionnels de la gauche française. La conjonction d’ouvrages, colloques et discussions rend peu à peu l’idée régionale plus familière à la gauche et lui permet, en 1969, de critiquer le projet référendaire au non d’un idéal régionaliste maximaliste34. Si le courant régionaliste reste minoritaire à gauche dans les années 1970 il contribue toutefois à renouveler la pensée régionale socialiste à travers des organisations telles que le PSU, le Club Bretagne et démocratie, la Convention des institutions républicaines ou la FGDS.
16Si l’idéologie du colonialisme intérieur n’a pas disparu dans les discours et programmes des organisations régionalistes en France, en particulier dans l’outre-mer35, on assiste cependant à une transformation du registre politique à partir du milieu des années 1980 où l’idéologie marxiste et tiers-mondiste laisse la place au fédéralisme européen. L’européanisation des organisations régionalistes est aujourd’hui engagée si l’on considère le contenu des programmes ainsi que les cadres de la compétition politique. Pour évaluer cette évolution, l’exemple de l’UDB, fondée en 1964 en Bretagne, est particulièrement éclairant car elle est la seule organisation politique régionaliste à traverser l’ensemble de la période36. À partir du milieu des années 1980, un dépoussiérage idéologique s’opère au sein de l’UDB. Cet aggiornamento idéologique se fait au contact d’autres partis autonomistes en Europe dans le cadre de l’Alliance libre européenne37 autour d’une plate-forme commune : fédéralisme, refus du nucléaire, action par des voies pacifiques et démocratiques, désarmement, aménagement du territoire, égalité des langues et des cultures, politique agricole alternative38. En 1999, l’UDB poursuit cette refonte idéologique en publiant un projet de statut particulier pour la Bretagne. Dans ce projet, l’UDB empreinte aux statuts d’autonomie des communautés autonomes de la Catalogne, du Pays basque ou de la Galice et entend que la Bretagne exerce un pouvoir législatif sur toutes les matières qui ne relèvent pas des fonctions régaliennes de l’État (éducation, langue, développement économique notamment).
Le régionalisme dans le système politique local
17Si le régionalisme politique est parfaitement repérable en France et connaît une influence intellectuelle au-delà de ses frontières organisationnelles. Il n’en reste pas moins que son impact électoral reste limité au regard d’autres démocraties européennes comme le Royaume-Uni, l’Espagne ou l’Italie39. Doit-on y déceler une spécificité française ?
Un impact limité… mais persistant
18Le passage en revue des différents résultats électoraux des formations politiques ethno-régionalistes en France atteste de leur mise à l’écart des instances de gouvernement national ainsi que dans la majorité des gouvernements régionaux métropolitains40. En Alsace, malgré quelques faits d’armes électoraux, les formations politiques, présentes lors des élections ont du mal à s’institutionnaliser. Le MRAL41 créé en 1970, éclate et donne naissance à différents partis dans les années 1970 et 1980. Outre cet éclatement et cette marginalisation, la famille ethno-régionaliste alsacienne reste partagée entre une frange fédéraliste et européenne et une aile d’extrême droite. Aujourd’hui encore, le Mouvement régionaliste d’Alsace (MRA), apparu en 1998, est l’héritier direct d’« Alsace d’abord » issu d’une scission alsacienne du Front national (FN) alors qu’Unser Land, apparu en 2009, se revendique de philosophie autonomiste et fédéraliste.
19De même, en Savoie, l’émergence d’un mouvement savoyard est née de la contestation de la circonscription d’action régionale « Rhône-Alpes » en 1960. Des militants se sont mobilisés en association et ont créé le Mouvement région Savoie (MRS) pour défendre l’idée d’une région savoyarde regroupant les deux départements savoyards. Malgré le soutien de nombreux maires de Haute-Savoie lors de l’hiver 1972-1973, l’activité du MRS retombe dans la confidence. Le MRS réapparaît ensuite avec des résultats remarqués, 4,3 % des voix en Haute-Savoie, 6 % des voix en Savoie aux élections régionales de 1986, ainsi qu’aux cantonales de 1988, où parfois, en coalition avec les écologistes, ils parviennent à obtenir plus de 10 % des scrutins. Malgré ces soubresauts, le MRS souffre de sa faible institutionnalisation. Les résultats aux élections régionales de 1992 le renvoient à moins de 3 % tant en Savoie qu’en Haute-Savoie. Le mouvement savoyard se reconstitue ensuite autour de la Ligue savoisienne, prônant l’indépendance de la Savoie. Après quelques hésitations en son sein, la Ligue savoisienne conquiert son premier fait d’arme lors des élections régionales de 1998 quand elle parvient à faire élire son secrétaire général en Haute-Savoie. Présent au sein des institutions régionales, le discours de la Ligue savoisienne obtient un certain écho, des élus issus des grands partis nationaux (RPR, UDF) se sensibilisent pragmatiquement à son discours. Ce mouvement fragile, une nouvelle fois, faiblement institutionnalisé, ne parvient pas réellement à transformer l’essai lors des élections cantonales et législatives de 2002. Tout comme son homologue alsacien, et malgré des résultats électoraux plus probants, le mouvement savoisien souffre de sa trop faible institutionnalisation, autrement dit, il ne parvient pas à se défaire de l’emprise des grands partis nationaux français.
20Au Pays basque, un mouvement de type ethno-régionaliste apparaît dès les années 196042. À l’époque, le mouvement Enbata (1963) est une formation culturelle et politique insufflée par un groupe d’étudiants basques partis achever leurs études à Bordeaux. Très tôt, ils promeuvent l’idée d’un département basque dans le but de créer un État basque, rassemblant les provinces basques d’Espagne. Toutefois, les activités de ses militants sont fortement liées au mouvement nationaliste basque de l’autre côté de la frontière. L’emprise politique et médiatique de l’ETA détourne de leur projet politique et culturel, plutôt modéré, ses partisans. Les divisions se font jour au sein du mouvement quant au soutien à apporter aux membres de l’ETA. En 1974, Enbata est interdit sur décision ministérielle pour son soutien apporté à la démarche terroriste. Dès lors, le mouvement basque se concentre essentiellement sur la question du département Pays basque et sur la défense de la langue basque. Néanmoins, dans la seconde moitié des années 1980, le mouvement ethno-régionaliste basque se complexifie avec l’entrée de nouveaux partis directement ou indirectement issus de l’autre côté des Pyrénées. En 1986, Euskal batasuna (EB, Unité basque), Eusko alkartasuna (EA, Solidarité basque) répondent à l’apparition d’Ezkerreko mugimendu abertzalea (EMA, Mouvement patriote de gauche) de 1985. L’originalité de la situation est qu’EB se veut le pendant du mouvement nationaliste basque radical Herri batasuna (HB, Unité populaire, proche de l’ETA) qui existe en Pays basque espagnol, qu’EA est le pendant encore plus clairement transnational de ce qui existe en Espagne où EA est une scission du Parti nationaliste basque qui gouverne depuis la démocratisation de l’Espagne. Les divisions internes, la prolifération de sous-mouvements conduisent inévitablement à une faible lisibilité de la famille ethno-régionaliste basque dans son ensemble. Depuis les années 1990, les choses n’ont fait que s’accentuer, EB s’est certes restructuré au sein d’une nouvelle coalition Abertzaleen batasuna (AB, Unité des patriotes) mais la branche modérée du nationalisme basque (totalement opposée à la violence) a vu l’arrivée d’un nouvel acteur : le Parti nationaliste basque (PNB), c’est-à-dire le parti qui gouverne la région basque en Espagne depuis la nouvelle constitution espagnole de 1978. Aussi, le mouvement nationaliste basque en France est-il complètement fractionné offrant de ce fait peu d’intelligibilité pour le citoyen non averti. Malgré cela, régulièrement, son importance électorale n’est pas négligeable. Pour ces acteurs uniquement présents sur la moitié du territoire des Pyrénées atlantiques, sur les seules circonscriptions basques les résultats de l’ensemble de la famille nationaliste oscillent régulièrement entre 8 et 17 % pour les élections législatives, régionales et cantonales.
Tableau 1 – Le vote régionaliste en Bretagne aux élections régionales (1986-2010).
Total des suffrages % |
Nombre d’élus |
|
1986 |
1,6 |
0 |
* Résultat de l’alliance Verts-UDB.
** Résultat d’Europe écologie Bretagne incluant l’UDB au 1er tour. Ils obtiennent plus de 17 % des voix au second en récupérant une bonne partie des voix d’une autre liste « régionaliste », celle du maire de Carhaix et fondateur du festival des Vieilles Charrues, Christian Troadec (4,29 % des suffrages au 1er tour).
(Source : élaboration propre, chiffres du ministère de l’Intérieur.)
21En Bretagne, l’UDB reste la principale organisation partisane régionaliste en Bretagne43. Engagée dans la compétition politique depuis plus de trois décennies, l’UDB ne parvient pourtant pas à capter une part significative de l’électorat breton que ce soit aux élections locales, régionales ou nationales. La décennie 1970 est une phase d’expansion pour l’UDB où elle bénéficie de l’essor du mouvement culturel. En 1979, les 34 candidats de l’UDB parviennent à une moyenne de 5,6 % aux élections cantonales. Par ailleurs, grâce à un jeu d’alliances avec le PS et le PC lors des élections municipales de 1983, elle obtient plus de 80 conseillers municipaux ainsi que des postes de maires-adjoints. En revanche, la décennie 1980 est une période de reflux. Le vote des lois de décentralisation par ses alliés de gauche, le vieillissement de ces mots d’ordre idéologiques, ainsi que des dissensions internes, l’affaiblissent électoralement. Ainsi, lors des premières élections régionales de 1986, l’UDB recueille à peine 1,5 % des suffrages. Une refonte idéologique et stratégique à partir de la fin des années 1980 permet à l’UDB de stabiliser ses positions au niveau communal et d’entamer une légère progression dans l’électorat breton. L’UDB refusant désormais l’alliance systématique avec l’ensemble des partis de gauche, elle opte pour un rapprochement avec Les Verts de Bretagne qui partagent nombre de ses priorités politiques. Ce renouvellement des alliances est particulièrement payant lors des élections régionales de 2004 et 2010 où l’UDB, alliée aux Verts puis à Europe écologie au premier tour des élections régionales obtient 9,7 % et 12,7 % des suffrages exprimés score historique pour cette gauche alternative bretonne écologiste et régionaliste. L’UDB compte aujourd’hui quatre conseillers régionaux.
Tableau 2 – Le vote régionaliste et nationaliste en Corse aux élections régionales (1986-2010).
Total des suffrages % |
Nombre d’élus |
|
1982 |
13 |
8 |
(Source : Élaboration propre, chiffres du ministère de l’Intérieur.)
22Le cas de la Corse constitue à cet égard une exception. En effet, la culture politique locale, indissociable du système clanique, en particulier à travers ses notables insulaires, a traditionnellement servi de relais aux politiques métropolitaines. Et c’est entre autre, contre cela que le mouvement nationaliste corse apparaît dans sa phase moderne, dans les années 1960 : quand des Corses partis travailler ou étudier sur le continent, se rendent compte des retards accumulés par leurs concitoyens tant sur les questions des infrastructures, que sur les questions agricoles, que sur la politique menée au quotidien. Dès les années 1960, l’Union des étudiants corses se présente comme une alternative politique ; elle cherche à revaloriser la langue et la culture corses et évoque l’autonomie politique. Mais c’est l’Action régionaliste corse (ARC) qui prône véritablement une politique propre à l’Île de Beauté. Rapidement pourtant, la concurrence des mouvements clandestins nuit à la lisibilité de ce type de militance. En effet, dans les années 1970, l’apparition du Front de libération nationale de la Corse (FLNC) entraîne de nombreux militants régionalistes dans la clandestinité. Dans les années qui suivent, malgré certaines concessions faites par l’État français (amnistie en 1981, lois de décentralisation avec des mesures propres à la Corse…), la violence prend le dessus et désarticule systématiquement toute entreprise politique pacifique. Devenu un problème, la question corse inquiète en premier chef les représentants de l’État français44. Le travail et le rôle des nationalistes sont bien souvent associés à celui des mouvements clandestins. À l’instar de A Conculta (1986), qui naît de l’interdiction du Mouvement corse pour l’autodétermination (MCA, 1983-1986), la frontière entre « vitrine légale » et paramilitaire reste mince. Pis pour l’observateur, dans les années 1990, pléthore de partis apparaît car il y a là un vrai potentiel électoral : un parti tel que Corsica Nazione approche 17 % des voix lors des élections territoriales (1999). À ces mêmes élections, l’ensemble des nationalistes parvient à près d’un quart des suffrages exprimés (23,5 %). Cependant, comme l’illustre le tableau ci-dessous, le second tour des élections régionales de 2010 constitue un véritable succès historique puisque les listes régionaliste et nationaliste de Gilles Siméoni et Jean-Guy Talamoni raflent 35 % des suffrages, et obtiennent 15 élus à l’assemblée territoriale. La Corse est ainsi le seul territoire métropolitain pour lequel se stabilise une composante ethno-régionaliste au sein du système politique local45.
Une exception française ?
23À l’inverse de la situation française, les organisations régionalistes constituent des forces politiques influentes chez nombre de nos voisins. Pensons aux formations nationalistes catalanes et basques en Espagne, aux partis nationalistes gallois et écossais au Royaume-Uni, aux nationalistes flamands en Belgique ou encore à la Ligue du Nord en Italie. Cette exception française tient à plusieurs facteurs d’ordre politique, économique et culturel dont il est parfois difficile de démêler l’écheveau, tant le régionalisme a pris des formes variées depuis le XIXe siècle.
24Un premier facteur tient à la trajectoire spécifique de la construction de l’État-nation en France à partir du dernier tiers du XIXe siècle. En effet, à cette époque, les mouvements régionalistes ne rencontrent qu’une audience politique très limitée, cantonnée pour l’essentiel aux cercles catholiques et conservateurs hostiles à la République, alors que dans d’autres pays ces mouvements parviennent à s’appuyer sur les classes sociales montantes. La légende noire de la IIIe République voudrait qu’elle ait été cette ennemie implacable des provinces françaises, dont la politique éducative impérialiste aurait imposé un ordre jacobin et une culture nationale uniformes, détruisant sur son passage les cultures et les langues régionales. Cette vision pour le moins excessive occulte le fait qu’en France, la réussite du processus de construction nationale tient au moins autant à la modernisation de l’État, au puissant « désir de nation » exprimé par la classe sociale majoritaire d’alors, les paysans, qu’à l’usage de la contrainte46. Bénéficiant largement de la révolution industrielle, l’État républicain met en œuvre des politiques publiques modernisatrices qui s’adossent au projet d’unité nationale47. Si elle peut être brutale, notamment à l’école pour restreindre l’usage des langues régionales, l’imprégnation de l’identité nationale s’accompagne en France d’un projet de transformation de la société. Les politiques éducatives, sociales, militaires ou d’équipements routier et ferroviaire accélèrent considérablement la mobilité et les possibilités d’ascension sociale dans la société française. Cette croyance dans les possibilités d’une vie meilleure, ajoutée à l’expérience dramatique de la Première guerre mondiale où poilus de toutes origines géographiques combattent et meurent pour le même drapeau, affermissent considérablement l’identité nationale sous la IIIe République, alors qu’à la même époque, les constructions nationales achoppent chez certains de nos voisins comme en Espagne ou en Italie. L’imbrication extrêmement forte en France entre construction étatique et identité nationale se répercute dans les logiques d’identification des individus dans les espaces régionaux. Or, nombre de travaux en Europe montrent que l’influence politique et électorale des partis ethno-régionalistes repose notamment sur des niveaux d’identification régionale élevés48. Les succès politiques des partis ethno-régionalistes se bâtissent notamment sur l’adhésion de groupes qui se sentent exclusivement catalan ou gallois. Selon une étude réalisée en 200949, 19 %, 16 % et 11 % des personnes interrogées en Écosse, Catalogne et Pays de Galles se sentent exclusivement Catalans, Écossais ou Gallois. Dans le cas français, l’imbrication entre identité nationale et identité régionale est bien plus marquée. Contrairement aux autres configurations européennes, les groupes identitaires exclusifs (Alsacien/Breton et pas Français) sont ultra minoritaires en France même si, par ailleurs, les identités régionales sont extrêmement marquées avec, par exemple des Bretons, qui se sentent à 50 % autant bretons que français. En France, la cohabitation entre identité nationale et identité régionale ne pose pas de conflits majeurs. En Bretagne et en Alsace, près de 90 % de la population se sent à des degrés divers autant alsacienne/bretonne que française. Ainsi, un discours d’autonomisation par rapport à l’ensemble national est assez difficilement audible dans la mesure où un tel discours ne rencontre que très peu d’individus se sentant exclusivement Alsacien ou Breton. Il est vraisemblable que la configuration identitaire soit distincte en Corse50 ainsi que dans les régions ultramarines et que celle-ci soit un des facteurs d’explication du succès électoral de certaines formations ethno-régionalistes dans ces territoires. Mais, encore une fois, en l’absence de données fiables et comparatives, il est impossible de confirmer cette hypothèse.
25Par ailleurs, l’échelon départemental demeure un lieu structurant d’exercice du pouvoir territorial. C’est à cet échelon que l’État négocie l’adaptation de la règle centrale aux spécificités locales. Le centralisme à la française, comme l’a si bien montré Pierre Grémion51, prend la forme d’un jacobinisme apprivoisé où notables et représentants de l’État négocient la répartition territorialisée des investissements publics. Ceci est facilité par un découpage administratif des régions françaises, issu pour l’essentiel de la planification, qui ne recoupe pas ou très mal l’espace des mobilisations régionalistes. Par exemple, les trois provinces basques appartiennent au département des Pyrénées Atlantiques, qu’elles se partagent avec une partie béarnaise. La Savoie se confond dans la région Rhône-Alpes. L’Occitanie se dilue du sud du Poitou-Charente et du Limousin à l’ouest jusqu’aux confins de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur au sud-est. Les cinq départements bretons se partagent entre la région Bretagne et celle des Pays de la Loire. Elles n’ont aucune caractéristique institutionnelle et géographique propre. En ce sens, elles sont françaises et ainsi ne diffèrent pas du reste de l’ensemble national. Ce tropisme départemental favorise bien entendu le statu quo territorial et le légitimisme des élites politiques territoriales. De ce fait, les mobilisations régionalistes n’obtiennent pas, ou de façon marginale, le soutien des élites politiques locales traditionnelles. Ainsi, contrairement à ce qui peut apparaître dans certaines régions européennes, notamment en Espagne, en Allemagne ou en Italie, les territoires ethno-régionalistes de France souffrent avant tout d’une faible visibilité institutionnelle et ce qui en découle naturellement, de l’incapacité de conduire des politiques de gouvernement autonome du reste du pouvoir de l’État. Il faut ainsi retenir que, hormis pour la Corse, il manque un cadre institutionnel et politique qui puisse donner vie à un débat démocratique propre à la sphère régionaliste en France. Par exemple, le projet de création d’un département Pays basque, pourtant largement soutenu par les élites politiques locales et la population, reste lettre morte depuis plusieurs années.
26Les formations régionalistes se heurtent également aux règles électorales en vigueur dans le système politique français. Depuis les débuts de la Ve République, le mode scrutin majoritaire à deux tours est largement pratiqué pour les élections locales et nationales. Déjà relativement faibles, les formations régionalistes ne parviennent pas à conquérir une représentation politique visible et stable. Pour l’essentiel, ces organisations restent hors système et ne possèdent pas de leviers politiques suffisants pour décliner leurs programmes en action publique. Les élections régionales à la représentation proportionnelle à partir de 1986 changent partiellement la donne, principalement en Corse, sans remettre véritablement en cause la marginalité institutionnelle de ces mouvements. La réforme des modes de scrutin voté en février 2003, relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques, réduit une fois de plus à un rôle secondaire les petites organisations partisanes que sont les partis régionalistes. Pour contourner, ces contraintes politiques et électorales, les formations régionalistes ont longtemps eu recours aux alliances politiques avec les partis de la gauche française. Si cela a permis à ces organisations de participer à la gestion de villes ou de régions dans les années 1980-1990, ces alliances ont aussi contribué à diluer la spécificité du discours régionaliste.
27Ceci nous amène à un dernier facteur, idéologique celui-là, de la faiblesse des mouvements régionalistes en France. Ces formations sont en effet loin d’avoir le monopole du discours sur la décentralisation et la régionalisation. La gauche française a notamment fait sa révolution en matière de décentralisation et de régionalisation sous l’impulsion du PSU de Michel Rocard et de personnalités venues des mouvements régionalistes comme Robert Lafont dans les années 1960 et 1970. De son côté, la droite française a su également se montrer décentralisatrice, notamment sous le régime gaulliste ou plus récemment en mettant en œuvre sous l’impulsion de Jean-Pierre Raffarin une nouvelle étape de la décentralisation française. Ainsi, à plusieurs reprises les gouvernements ont su desserrer le carcan institutionnel privant du même coup les formations régionalistes de nombre de leurs revendications. Ainsi, Valéry Giscard d’Estaing a permis en 1977 la signature de chartes culturelles entre l’État et les associations culturelles régionales. Ceci a eu notamment pour résultat d’autonomiser les mouvements culturels régionaux et de les dissocier de revendications plus politiques. Ajoutons enfin que dans les territoires français, les hommes politiques de tous bords, fortement empreints des traditions notabiliaires, savent recourir habillement au sentiment régional. Les illustrations ne manquent pas : tant en Corse qu’au Pays basque, qu’en Béarn et dans l’ensemble occitan ou en Bretagne où les différents élus n’hésitent pas à rappeler leurs racines locales.
*
28En France, alors que l’héritage révolutionnaire nie cet espace, les mobilisations régionalistes parviennent à faire du territoire régional, c’est-à-dire des droits culturels, économiques et politiques qu’ils estiment lui être attachés, un enjeu du débat politique à la fin du XIXe siècle puis un enjeu électoral à partir des années 1960-1970 en Alsace, Bretagne, Corse ou Pays basque. Ces mobilisations s’opposent directement à la centralisation politique, économique et culturelle menée par les élites étatiques françaises depuis la Révolution. Si, le régionalisme en France suit donc assez bien le cadre interprétatif rokkanien, il paraît nettement plus incertain que dans d’autres États européens. Le régionalisme reste en France dans un entre-deux dans la définition de ses projets et de ses répertoires d’action : ni véritable nationalisme, porteur de conflit avec la France, ni vraie résignation à un statut de simple témoignage, pittoresque et modeste. Assez puissant pour contribuer à faire exister la région dans les débats politiques et l’opinion publique, le régionalisme n’est pas assez influent pour créer un rapport de force politique à même d’aménager autrement l’organisation territoriale de la République. Des obstacles institutionnels et électoraux se dressent en effet sur la route des partis ou mouvements régionalistes en France. Mais, plus encore, ils sont confrontés à un processus d’intégration nationale très structurant qui laisse peu d’espace politique aux répertoires identitaires contrairement à d’autres configurations européennes. Dans la France hexagonale, l’identité est restée jusqu’à présent avant tout une valeur culturelle et n’entre pas, ou à la marge, dans un schéma politique alternatif.
Notes de bas de page
1 Pasquier R., Le pouvoir régional. Mobilisations, décentralisation et gouvernance en France, Paris, Presses de Sciences Po, 2012, p. 36.
2 Cette explication vaut pleinement pour la France métropolitaine mais est à nuancer si l’on considère l’ensemble des territoires français. Les partis autonomistes ont une influence politique plus notable en Corse et dans les territoires ultramarins comme en Guadeloupe, Martinique, Nouvelle-Calédonie ou Polynésie française.
3 Rokkan S., Urwin D. (dir.), The Politics of Territorial Identity. Studies in European Regionalism, Londres, Sage, 1982.
4 Selon Littré, le terme de régionalisme apparaîtrait dans le débat politique français au début de la IIIe République. Le mot aurait été employé la première fois par Joseph de Reinach dans les Débats du 6 octobre 1875 à propos de l’Italie.
5 Rossi-Landi G., « La région », dans Sirinelli J.-F. (dir.), Histoire des droites en France. Sensibilités, Paris, Gallimard, 1992, p. 71-100.
6 Flory T., Le mouvement régionaliste français. Sources et développements, Paris, PUF, 1966, p. 108.
7 L’ouvrage le plus intéressant pour saisir les oppositions derrière le mot d’ordre régionaliste reste celui de Charles Maurras et Joseph Paul-Boncour publié en 1905, Un débat nouveau sur la République et la décentralisation, avec les contributions de Georges Clemenceau, Étienne Clémentel ou Eugène Fournière.
8 « Nous ne nous bornons pas à réclamer pour notre langue et pour nos écrivains les droits et les devoirs de la liberté : nous croyons que ces biens ne feront pas notre autonomie politique, ils en découleront […] Point de détours. Nous voulons délivrer de leurs cages départementales les âmes des provinces dont les beaux noms sont encore portés par tous, Gascons, Auvergnats, Limousins, Béarnais […]. Nous sommes fédéralistes, et si quelque part, dans la France du Nord un peuple veut marcher avec nous, nous lui tendons la main. » Extraits de la Déclaration des félibres fédéralistes du 22 février 1892 cité dans l’ouvrage de Charles-Brun J., Le régionalisme, Paris, Bloude & Cie, 1911, p. 275-276.
9 Dans son œuvre politique et littéraire, Barrès cherche à faire se rejoindre nationalisme et régionalisme, en faisant de la région, lieu d’équilibre moral et social, le fondement de la nation. Rossi-Landi G., op. cit.
10 Wright J., The Regionalist Movement in France, 1890-1914. Jean Charles-Brun and French Political Thought, Oxford, Clarendon, 2003.
11 Issu d’une illustre famille de producteurs de Cognac, Jean Hennessy (1874-1944) est député (1910 à 1932 ; 1936-1940) et ministre de l’Agriculture de 1928 à 1930. À partir de 1936, il siège dans le groupe très progressiste de la Gauche indépendante. Foncièrement républicain, il fait partie des 80 parlementaires qui refusent le vote des pleins pouvoirs au Maréchal Pétain.
12 Charles-Brun J., Le régionalisme, Paris, Bloude & Cie, 1911.
13 Thiesse A.-M., Écrire la France. Le mouvement littéraire régionaliste entre la Belle Époque et La Libération, Paris, PUF, 1991.
14 Faure C., Le projet culturel de Vichy, Paris, éditions du CNRS, 1989.
15 Ainsi, le 8 septembre 1940, saisissant l’occasion du 110e anniversaire de la naissance de Mistral, le maréchal Pétain le consacre Saint Patron du redressement de la France.
16 Barral P., « Idéal et pratique du régionalisme dans le régime de Vichy », Revue française de science politique, 24 (5), 1974, p. 911-939.
17 Les travaux du Conseil national ne sont notamment pas pris en compte par la hauteadministration dirigée par l’Amiral Darlan qui a besoin de la centralisation administrative pour contrôler politiquement la zone libre et résoudre le problème de l’organisation économique et du ravitaillement.
18 Baruch M.-O., Servir l’État français. L’administration en France de 1940 à 1944, Paris, Fayard, 1997.
19 Le régionalisme nationalitaire désigne les mouvements et organisations politiques qui remettent en cause le cadre établi des États nations et donc opposent au nationalisme dominant un nationalisme minoritaire. En Europe et dans le monde, toutes les nations sans État connaissent cette forme de revendication (Catalogne, Écosse, Québec).
20 Dans l’entre-deux-guerres, le jacobinisme radical fait encore des émules et pas des moindres. Ainsi, Anatole de Monzie (1876-1947), député et sénateur de 1909 à 1940, dix-huit fois ministres totalisant près de six ans de présence au gouvernement de la IIIe République, déclare, en juillet 1925, lors de l’inauguration du pavillon de la Bretagne à l’Exposition des Arts décoratifs et industriels modernes, que « pour l’unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître ». Il réitère sa position dans une circulaire du 25 août 1925 et proscrit strictement l’enseignement des langues régionales à l’école.
21 Le cartel des gauches entendait unifier le régime spécifique en matière d’éducation et de religion de l’Alsace-Lorraine par l’abrogation du Concordat.
22 Olivesi C., « The Failure of Corsican Regionalism and the Emergence of Corsican Nationalism », dans de Winter L., Türsan H. (dir.), Regionalist Parties in Western Europe, Londres, Routledge, 1998, p. 174-189.
23 À la Libération, les promoteurs de la collaboration pro-vichystes ou pro-allemands sont condamnés mais parviennent à s’échapper. Les chefs de ceux qui sont allés jusqu’à s’engager sous l’uniforme allemand (quelques dizaines) sont condamnés à la peine de mort mais parviennent à se réfugier dans des pays tiers comme Olier Mordrelle, réfugié en Argentine.
24 Mény Y., Centralisation et décentralisation dans le débat politique français (1945-1969), Paris, LGDJ, 1974.
25 Ibid., p. 76.
26 Cot P., Séances de la commission de la Constitution, compte-rendu analytique officiel, séance du 26 décembre 1945.
27 Hechter M., Internal Colonialism, Berkeley & Los Angeles, University of California Press, 1975.
28 Quéré L., Jeux interdits à la frontière : essai sur le régionalisme, Paris, Anthropos, 1978.
29 Dulong R., La question bretonne, Paris, Presses de la FNSP, 1975.
30 Bruel M., Le Monde, 23 janvier 1962.
31 Mény Y., Centralisation et décentralisation dans le débat politique français (1945-1969), op. cit. p. 382.
32 Kernalegenn T., Une approche cognitive du régionalisme. Identités régionales, territoires, mouvements sociaux en Bretagne, Écosse et Galice dans les années 1970, thèse pour le doctorat de science politique, université de Rennes 1, 2011.
33 Mény Y., op. cit. p. 479.
34 Alors que le PSU cherchait à transposer l’idée de lutte des classes au niveau régional en montrant que les antagonismes sont mieux perçus à ce niveau, Y. Durrieu et le Parti socialiste tendent à lui substituer la notion de solidarité, plus conforme à la philosophie traditionnelle des socialistes français. En revanche, Michel Phlipponneau [1967], dans son ouvrage La gauche et les régions, apporte la contribution d’une longue expérience acquise en Bretagne au sein du CELIB et au service d’une province « colonisée ». Il donne à l’idée de colonisation régionale la dimension pratique et concrète qui manquait au rapport de Grenoble.
35 Les revendications récentes du LKP en Guadeloupe au printemps 2009 s’inscrivent également dans ce registre idéologique et politique.
36 Pasquier R., « The Union démocratique bretonne: the limits of autonomist expression in Brittany », dans De Winter L., Gomez-Reino M., Lynch P. (dir.), Autonomist Parties in Europe: Identity Politics and the Revival of the Territorial Cleavage, Barcelona, ICPS, 2006, p. 79-100.
37 L’Alliance libre européenne est une alliance de partis régionalistes et minoritaires qui regroupe 25 organisations politiques en Europe. Créée en 1981, elle est traditionnellement alliée au Parti vert européen au sein du Parlement européen. En 1994, elle devient officiellement une fédération de partis et un parti politique européen en 2004 à Barcelone.
38 Par l’intermédiaire de l’Alliance européenne les régionalistes français obtiennent également une place d’éligible sur la liste conduite par Antoine Waechter aux élections européennes de 1989. Max Simeoni, leader de l’UPC, troisième sur la liste est élu. Selon l’accord passé entre l’UPC et l’UDB, un membre de l’UDB, en l’occurrence Christian Guyonvarc’h devient pendant cinq ans l’assistant parlementaire de Max Simeoni.
39 Izquierdo J.-M., Pasquier R., « Les formations ethno-régionalistes en France : une exception européenne », Pouvoirs locaux, no 63, 2004, p. 15-17.
40 En revanche, à l’outre-mer nombre de collectivités (Martinique, Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie, Polynésie) sont contrôlées par des formations politiques qui se déclarent autonomistes voire indépendantistes.
41 Le Mouvement régionaliste d’Alsace-Lorraine (MRAL, 1970) obtient 30,8 % des voix aux cantonales de mai 1971, dans le canton de Lauterbourg.
42 Izquierdo J.-M., Le Pays basque de France, Paris, L’Harmattan, 2001.
43 Pasquier R., art. cit., 2006.
44 Crettiez X., La question corse, Bruxelles, éditions Complexes, 1999.
45 Dominici T., « Le nationalisme dans la Corse contemporaine », Pôle Sud, no 20, 2004, p. 97-112.
46 Chanet J.-F., L’école républicaine et les petites patries, Paris, Aubier, 1996.
47 Thiesse A.-M., Écrire la France…, op. cit.
48 Cole A., Beyond devolution and decentralisation. Building regional capacity in Wales and Brittany, Manchester, Manchester University Press, 2006.
49 Pasquier R., Le pouvoir régional…, op. cit., p. 79.
50 Dans une étude de 2001, les individus « Plus attachés à leur région qu’à la France » étaient plus nombreux en Corse (34 %) qu’en Bretagne (22,1 %) et Alsace (17 %). Cf. Dupoirier E., « De l’usage de la Question Moreno en France », Revue internationale de politique comparée, 144 (4), 2007, p. 531-543.
51 Grémion P., Le pouvoir périphérique, Paris, Seuil, 1976.
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