Cultures et pratiques généalogiques des élites anglaises (XVIe-XIXe siècle)
p. 243-269
Texte intégral
1La généalogie occupe dans l’historiographie des élites anglaises une place bien moindre que dans celle des élites continentales. Les généalogies rédigées par les agents de la monarchie sont, en effet, depuis longtemps, au cœur des analyses des historiens français de la noblesse1 et les historiens italiens ont développé des analyses très stimulantes des généalogies produites à la demande des grandes familles aristocratiques2. Au-delà de l’Europe, les généalogies ottomanes ou japonaises ont fait l’objet d’études récentes qui en ont montré la centralité dans la culture des élites3. Celles des familles de la nobility et de la gentry anglaises n’ont jamais suscité une attention considérable de la part des chercheurs4. Or l’existence d’une culture généalogique est bien attestée dans l’Angleterre des Tudor, des Stuart et des Hanovre. Au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, la romancière Jane Austen, observatrice si attentive des mœurs de la gentry provinciale aux marges desquelles elle évoluait, la mettait ainsi en scène dans un incipit fameux : « Sir Walter Elliot, of Kellynch-hall, in Somersetshire, was a man, who, for his own amusement, never took up any book but the Baronetage5. »
2Cette relative obscurité qui entoure les pratiques généalogiques anglaises est étonnante pour plusieurs raisons. D’abord, les nombreux spécialistes des élites de la Renaissance et de l’époque moderne ne méconnaissent nullement la puissance de l’idéologie du lignage et du sang dans la structuration de ces groupes en Angleterre6. Or il y a très peu de recherches sur les pratiques concrètes de la généalogie au sein même des familles aristocratiques, alors que le matériel contenu dans les archives de ces familles, qu’elles soient déposées dans les County record offices ou conservées en mains privées, est très abondant7. Ensuite, depuis les années 1990, l’importance de l’érudition (antiquarianism) et du goût pour l’histoire dans la culture des élites anglaises et britanniques a parfaitement été mise en valeur, en particulier par Roey Sweet pour le XVIIIe siècle ou par Philippa Levine pour le XIXe siècle8. Enfin, la multiplication des travaux sur l’intérêt pour la généalogie dans les treize colonies américaines, puis dans la Jeune République américaine, interroge avec force la quasi-absence d’études sur la métropole, pour laquelle la bibliographie demeure souvent produite par les professionnels de l’héraldique9.
3Nous sommes donc confrontés à la difficulté de devoir restituer les transformations du régime généalogique en Angleterre de la fin du Moyen Âge au XIXe siècle, alors même que cette question n’a jamais semblé centrale aux historiens anglais des élites et de la société préindustrielle. On commencera donc par replacer la question du lignage et de l’ordre social dans les grands bouleversements de la période (la Réforme, les mutations de la gentry, la formation de l’État Tudor et Stuart, les révolutions des années 1640 et de 1688), avant de présenter la pratique généalogique dans sa forme institutionnelle, celle du College of Arms, et dans ses mutations au XVIIIe siècle face à des valeurs sociales concurrentes. La deuxième thématique que nous aborderons essaie de cerner dans sa diversité le monde des généalogistes et de leurs méthodes, au-delà de la seule perspective institutionnelle qui garantit la validité de leurs recherches. Cela nous amènera à envisager le rapport à la pratique généalogique du point de vue des professionnels, comme métier ou sous les auspices de l’antiquariat, mais également dans les élites foncières et chez les middling sorts urbaines, rendant ainsi à l’imaginaire généalogique toute sa place dans des secteurs élargis de la société anglaise.
Les fonctions sociopolitiques de la généalogie dans l’Angleterre moderne
Lignage et ordre social sous les Tudor et les Stuart
4L’usage de la généalogie doit être resitué dans le contexte de l’évolution globale des élites anglaises, et d’une anxiété autour de l’ordre social qui s’est manifestée dès le XVIe siècle et s’approfondit au XVIIe siècle. Comme la plupart des observateurs contemporains l’ont noté, la noblesse anglaise comprend deux groupes bien distincts. Le premier est la nobility, à laquelle appartiennent uniquement les chefs des familles titrées du royaume, les ducs, marquis, comtes, vicomtes et barons, qui sont appelés à siéger à la Chambre des Lords. Les chevaliers des ordres du roi (knights), qui portent le prestigieux avant-nom de « Sir », mais dont le statut n’est pas héréditaire, puis, à partir du début du XVIIe, les baronets se rattachent à ce premier groupe. Le second groupe est la gentry, composée des esquires et des gentle men. Majoritairement formée par les propriétaires fonciers non titrés, elle intègre les membres les plus aisés des professions urbaines les plus prestigieuses, comme, par exemple, les hommes de loi ou même certains grands négociants, surtout lorsqu’ils se retirent des affaires pour vivre sur leurs domaines10. Alors que l’appartenance au premier groupe repose sur un titre conféré par la Couronne, les critères d’entrée dans le second groupe sont beaucoup plus flous, même si la possession de terres et la manifestation des qualités sociales du gentleman, la gentility, restent indispensables.
5Or le long XVIe siècle a vu l’ascension de nouvelles familles, en particulier sous l’effet de la vente des biens monastiques à la suite de la Réforme anglicane. Elles sont venues combler les vides laissés par un demi-siècle de guerres civiles entre les York et les Lancastre, qui avait éclairci les rangs de la noblesse féodale. Il s’agit soit de yeomen, qui entrent dans les rangs de la gentry rurale, soit de cadets de familles nobles qui font carrière dans l’administration Tudor en voie de développement ou, dans des cas moins nombreux, qui s’enrichissent dans la marchandise avant de se retirer sur leurs terres11. Portés par la conjoncture démographique et économique favorable du règne d’Élisabeth, ils se glissent sans grande difficulté dans le monde des esquires et des gentlemen des comtés. Les Sackville du Sussex illustrent bien, selon une expression assez répandue, ces « dynasties champignons ». Leurs liens de parenté avec la famille Boleyn facilitent leur ascension et Robert Sackville obtient en 1580 la main de Margaret Howard, la fille du duc de Norfolk. Il fait alors réaliser un pedigree de plus de deux mètres, doré à la feuille, assorti de portraits en miniature par Isaac Olivier (figure 26). Néanmoins, la reine maintient un contrôle serré sur l’accès aux honneurs les plus élevés, en particulier sur les titres de noblesse qu’elle confère avec la plus grande parcimonie.
6La situation change radicalement avec l’arrivée sur le trône de Jacques Ier Stuart qui fait de la noblesse une arme fiscale et politique. Le roi crée ainsi quarante-cinq nouveaux pairs du royaume. À partir de 1611, il met en vente un titre de noblesse héréditaire – la baronetcy – qui ne donne pas accès à la chambre des Lords et qui s’acquiert pour environ mille livres sterling. Enfin, il multiplie par trois le nombre de chevaliers des ordres du roi. Aux niveaux inférieurs de l’élite, l’élévation de familles sans lien initial avec la gentry au statut d’esquire et surtout de gentlemen continue mais dans un contexte démographique et social bien moins favorable12. Le gonflement de la masse des esquires et des gentlemen semble bouleverser un ordre social encore conçu comme d’origine divine et qui aurait dû être à peu près immuable. Les craintes d’une partie des élites ont été encore accentuées, à partir des années 1620, par la politique fiscale de Charles Ier et par les guerres dans les années 1640 entre le roi et le Parlement. Nombre de vieilles familles royalistes sont ruinées par les combats puis par les amendes dont elles sont frappées par le régime républicain, et dont, souvent, elles n’ont pas été correctement indemnisées à la Restauration.
7En outre, la définition même des vertus de la noblesse a profondément changé au cours du XVIIe siècle. L’insistance sur l’hérédité, comprise comme la transmission des vertus nobles par le sang, a commencé à perdre du terrain. Pour justifier la suppression de la Chambre des Lords en 1649, certains auteurs républicains ont insisté sur le fait que les vices et la corruption peuvent se transmettre au sein d’un lignage, aussi bien que la vertu. Dans ce contexte, les esquires et les gentlemen ont souhaité insister sur la réactivation de l’honneur du lignage à chaque génération. La réussite des individus qui composent le lignage s’inscrivit alors toujours dans une continuité historique mais en l’actualisant et en la dépassant par le déploiement de mérites personnels, définis généralement en termes de services envers la Couronne et la communauté locale.
8Pour saisir l’identité de la gentry comtale et sa perception du lignage, arrêtons-nous sur la biographie consacrée par Lucy Hutchinson à son mari, le colonel John Hutchinson, un Parlementaire célèbre, mort en détention après la Restauration des Stuart. Elle témoigne d’une remarquable familiarité avec la généalogie écrite (descent ou pedigree), qui lui permet de reconstituer les alliances, honorables, de la famille de son mari. Elle mobilise aussi des sources orales, reconstituée grâce à « an old man whom have known five successions of them in these parts », confirmant que les Hutchinson disposent de toutes les caractéristiques de la gentility : exercice de l’hospitalité, attachement à la communauté, et surtout le sens de l’honneur13. L’exemple de la famille Hutchinson montre bien que l’usage de la généalogie était profondément lié à la définition du statut social de l’élite nobiliaire. Dans ce contexte, le lignage est défini d’une manière large et lâche, exactement comme le fait Lucy Hutchinson. Elle ne cherche pas à décrire une succession de père en fils mais se contente d’affirmer une parenté très générale des différentes branches des Hutchinson, dont la certitude est finalement fondée surtout sur l’homonymie et la tradition familiale, l’essentiel étant qu’au sein de cette famille circule un « real honour » que chaque génération se met en mesure d’augmenter. Notons par ailleurs que le pedigree n’est qu’une des multiples expressions de l’intérêt généalogique qui anime certaines familles de la noblesse et de la gentry. L’ascendance des familles est aussi exposée à travers les armoiries disposées sur les murs intérieurs ou extérieurs, ainsi que sur les vitraux des country houses, ou bien à travers les portraits de famille disposés avec soin dans les salles de réception. Elle apparaît sur les vitraux de l’église, en particulier par le biais des inscriptions sur les tombes ou des plaques mortuaires14.
9Certaines familles ont continué à faire remonter leur ascendance en ligne directe à la période normande, voire à la période saxonne, ce qui dénote souvent une position politique hostile aux premiers rois Stuart, présentés comme les héritiers du Conquérant normand qui aurait soumis la libre Angleterre à son joug par la force de l’épée15. Mais la plupart ont progressivement préféré insister sur la contribution de quelques ancêtres à l’histoire nationale comme une preuve de la vertu de la famille tout entière. L’histoire familiale, écrite au milieu du XVIIe siècle par le royaliste Sir Edward Rodney, après la mort de son unique fils survivant, est représentative de ce mouvement16. Il confesse ainsi n’avoir trouvé aucun document sur ses ancêtres avant Sir Richard Rodney, qui vécut à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle. Il se contente donc d’indiquer les noms, tels que la tradition familiale les fait figurer dans le pedigree qui remonte jusqu’au règne de l’impératrice Mathilde, au début du XIIe siècle. Ensuite, il fait une courte présentation morale et historique des principaux hommes de la branche aînée, éteinte, puis de la branche cadette de sa famille, jusqu’à lui-même, après lequel « there will be an end of my family ». Après la Restauration, les membres des oligarchies urbaines qui cherchent à accéder au rang de la petite gentry, sans forcément se retirer sur un domaine foncier, mettent en avant, de la même manière, les actes de résistances qu’ils auraient accomplis au service des Stuart17.
Le College of Arms et les visitations : rôle public et attente sociale
10Dès le XVe siècle, des voix s’élèvent pour demander que cesse l’inflation des honneurs et que la Couronne exerce un contrôle plus strict sur les prétentions lignagères. Inversement, les familles les plus récentes sont anxieuses de faire reconnaître leur nouveau statut. L’action du College of Arms se situe donc au croisement de ces deux orientations, qui n’étaient d’ailleurs que partiellement contradictoires. À l’origine, la fonction des hérauts d’armes du College est de vérifier que les chevaliers ont le droit d’arborer leurs armoiries durant les tournois, ainsi que d’organiser certaines cérémonies royales18. Les attributions du College s’étendent lorsque Richard III, qui lui accorde en 1484 une charte royale, le charge de l’ordonnancement des rites funéraires des membres des familles aristocratiques19. Les compétences héraldiques des hérauts doivent donc être complétées par des connaissances sur les généalogies des familles des élites aristocratiques ou urbaines.
11À partir du XVIe siècle, les hérauts, placés sous l’autorité d’un grand officier de la Couronne, l’Earl Marshall, sont de plus en plus sollicités pour valider les prétentions des familles à arborer les armoiries dont elles se prévalent20. Si elles peuvent démontrer par leur généalogie qu’elles en ont hérité de leurs ancêtres, ou si elles les font légalement enregistrer par les hérauts d’armes du College, elles peuvent légitimement compter parmi la gentry de leur comté. Les hérauts contrôlent donc les pedigrees présentés par les familles à l’occasion des visitations, c’est-à-dire d’enquêtes qui se déroulent périodiquement dans chaque comté21. Elles sont complétées par l’instruction de plaintes devant la Court of Chivalry, dont une des missions est d’arbitrer les conflits sur l’usage des armoiries et sur la validité des pedigrees élaborés par les hérauts22. Les souverains ont donc confié au College of Arms une forme de contrôle, aussi sommaire soit-il, de l’accès à la gentry. Cependant, à partir de la Glorieuse Révolution, les visitations sont suspendues. Les raisons de cette évolution, qui peuvent être cherchées aussi bien du côté de l’État que du côté du corps social, ne sont pas clairement établies. La Couronne d’Angleterre peut avoir volontairement renoncé à contrôler l’accès à la noblesse et à la gentry, dans un mouvement inverse à celui qui se déroule alors en France, où l’enregistrement d’une généalogie est devenu, à partir des années 1660, la clef de l’accès à une série de places ou d’emplois réservés aux familles nobiliaires. Anthony Wagner souligne, cependant, qu’aucun document n’indique explicitement que Guillaume III ait souhaité faire cesser les visitations23. Ce serait donc plutôt l’évolution du corps social qui expliquerait la fin de l’enregistrement des armoiries et des généalogies des familles. Philip Styles, qui a étudié en détail la participation des familles à la visitation du Warwickshire de 1682-1683, note qu’une bonne partie d’entre elles n’a pas répondu à la semonce des hérauts. Alors que cinq cent soixante-dix personnes auraient dû présenter leurs titres, seuls cent deux pedigrees ont été dressés, correspondant à cent vingt personnes, auxquels s’ajoutent onze personnes dont les pedigrees ont été entrés dans d’autres comtés24. Et l’historien note que ce ne sont pas les anciennes familles qui ont hésité à participer à l’opération mais, au contraire, que ce sont plutôt les familles récentes, souvent situées dans les strates inférieures de l’élite, qui n’ont pas déféré à la convocation. Il conclut donc que le système a alors perdu de sa vitalité quelle que soit l’attitude de l’État.
Les transformations du XVIIIe siècle : des valeurs sociales concurrentes
12En Angleterre, comme en France d’ailleurs, l’apparente stabilité des termes liés à la noblesse (nobility, gentry, Lord, gentleman…) masque, en fait, une évolution continuelle des caractéristiques sociales des individus et des familles qu’ils désignent. Du XVIe au XIXe siècle, les régimes de gentility expérimentés en Angleterre continuent de se transformer. À partir de la fin du XVIIe siècle, le mérite d’un individu cesse de se mesurer selon l’illustration de sa famille ou à son engagement au service de la communauté, mais il est de plus en plus lié à sa fortune voire à sa capacité personnelle à intégrer les codes et les valeurs d’une polite society en plein essor25. Une certaine hostilité s’est progressivement installée dans le pays envers la nobility, d’autant plus que le nombre de Lords, qui s’est peu accru sous le règne de Guillaume III, d’Anne Stuart et des deux premiers Hanovre, a augmenté fortement à partir des années 1760 et surtout dans les années 1780 et 179026. Les usages traditionnels de la généalogie comme l’exaltation de l’ancienneté d’un lignage sont donc devenus désuets, comme le montre bien l’exemple d’Henrietta Cavendish27. Devenue veuve d’Edward Harley, second comte d’Oxford, cette aristocrate, alliée aux plus grandes familles du royaume, installe dans les pièces de son château de Welbeck Abbey, dans le Nottinghamshire, une vaste galerie de plus de deux cents portraits de ses ancêtres et de ceux de son mari. Et elle fait peindre sur le plafond de la dining room les armoiries de sa famille « in proper colours28 ». Mais, comme le souligne l’historienne Kate Retford, l’exposition de cet héritage généalogique, d’autant plus important pour elle qu’elle a été prise dans de complexes querelles successorales, demeure incomprise par bien des visiteurs de son château.
13Néanmoins, un certain nombre de familles continuent à solliciter l’institution pour se faire reconnaître le droit à porter des armoiries. Il s’agit souvent de chefs de famille exerçant ou accédant à des fonctions officielles, par exemple dans l’administration des comtés, ou bien dans l’Église ou, enfin, dans l’armée. Ils régularisent alors auprès du College les armoiries que leurs familles portaient déjà en vertu d’une habitude qu’elles déclaraient ancienne. C’est le cas d’Edward Stibbs, devenu Chester Herald au début des années 1720, et qui, le 14 février 1723, indique à la cour que ses ancêtres portaient des armoiries mais qu’elles n’ont jamais été légalement enregistrées. Il demande donc la confirmation de ces armoiries pour lui et pour les descendants de son père, John Stibbs, qui a été trois fois maire de Bath29. Certains se font tout simplement confectionner de nouvelles armoiries, sans donner de longues explications, comme John Gumley of Isleworth, qui s’adresse le 13 décembre 1722 au College, en rappelant simplement qu’il est un des juges de paix et un des deputy lieutenant, en charge de la milice, de son comté30. Les fees reçus pour ce genre d’opérations deviennent la principale ressource des hérauts.
14Le College joue également un rôle important dans la reconnaissance d’une gentry coloniale, surtout originaire des îles des Antilles ou d’Inde31, comme le montre l’exemple de Matthew Martin. Devenu Member of Parliament pour Colchester en 1722, cet ancien capitaine de navire au service de l’East India Company précise dans sa requête qu’il est persuadé de descendre de l’ancienne famille des Martins of Saffron Walden. Il en porte les armes mais son droit à le faire n’apparaît pas dans les registres du College. Il demande alors de nouvelles armoiries qui portent, dans un canton, une représentation de la médaille d’or sertie de vingt-quatre diamants que lui avait remise la compagnie pour ses bons et loyaux services32. Comme le suggère cet exemple, les planteurs de la Barbade ou de la Jamaïque qui séjournent longuement en métropole, voire s’y établissent définitivement, laissant leurs plantations à un régisseur, ou encore les nabobs de retour d’Inde se pressent au College pour se faire confirmer de nouvelles armoiries, dont le décor évoque parfois les sources de leur richesse. La dimension héraldique du College tend alors à l’emporter sur la dimension généalogique. Les hérauts d’armes continuent cependant d’accumuler un abondant matériel dans ce domaine et, pour certains, comme John Warburton, Somerset Herald, de participer pleinement à la commercialisation de leur savoir33.
Les mondes sociaux d’une pratique : communautés et imaginaires généalogiques
15Anthony Grafton nous a rappelé la nécessité de ne pas isoler le travail des érudits du cadre de leur vie quotidienne, de leur rapport aux institutions et à leurs collègues34. Il importe de se défier d’une mise en scène de leurs activités qui les présenterait seuls dans leurs archives. On s’attachera donc à restituer les pratiques des généalogistes anglais dans une perspective sociale élargie. Une étude collective d’une centaine de généalogistes du XVIe au XVIIIe siècle, sélectionnés à partir des précieuses notices de l’Oxford Dictionary of National Biography, permet de cerner leurs origines sociales, les conditions qui les font accéder à la pratique et leur place dans le monde des érudits. On constate d’emblée dans le paysage historiographique un déséquilibre important en faveur du College of Arms. Les archives des hérauts ont fait l’objet de nombreuses éditions par leurs successeurs, notamment Anthony Wagner (1908-1995). Les plus connus comme William Bruges ou William Dugdale ont fait l’objet de colloques et de monographies35. Mais le College et ses membres sont loin de posséder une position de monopole dans l’écriture généalogique, il faut aussi tenir compte de la participation de la gentry comtale et du milieu des libraires et imprimeurs des villes. Dans l’ensemble, les généalogistes appartiennent à un milieu intermédiaire, entre la middling sort et la nobility.
Les hérauts d’armes : un monde hétérogène
16Les généalogistes affiliés au College of Arms méritent un traitement distinct dans la mesure où ils ont théoriquement l’autorité institutionnelle pour valider ou discréditer les prétentions lignagères. Se devant être le reflet des hiérarchies parmi les gentlemen, le College est organisé suivant un ordre rigoureux. Au sommet se trouve le Garter king (désigné par le Earl Marshall, le « parrain » de l’institution, choisi parmi des Lords). L’obtention du titre de Garter constitue selon l’un de ses détenteurs, Stephen Martin Leake (1702 – 1773), la plus grande marque de gentilité dans la mesure où son détenteur est seul responsable des pedigrees de la nobility. Les Garter appartiennent en partie à la gentry comtale, comme Sir Thomas Wriothesley (1505-1550), Sir William Dugdale (1605-1686), ou bien au milieu juridique, comme John Anstis (1669-1744). Leake lui-même est le fils d’un officier de la Navy qui hérite du domaine et des armes de son beau-père, l’amiral Sir John Leake. Il estime que, de manière générale, l’entrée au College apporte un avancement social certain avec l’obtention d’un logement au cœur de Londres, l’accès à la cour et au Parlement, ainsi que des relations de « patronage assuré »36. Mais il regrette qu’une partie significative des membres du College soient issus des « arts mécaniques », et, en l’occurrence, les membres de la corporation des Painter-Stainers : une corporation assez prestigieuse de la City, chargée en particulier de peindre les portraits, les armoiries, et dont les membres revendiquent également des compétences généalogiques37. C’est le cas de William Camden (1551-1623), une figure tutélaire des Antiquarians. Son père est un riche artisan des Painter-Stainers. Son grand rival, Ralph Brooke (1553-1625), est le fils de Geoffrey Brooke, un cordonnier qui a enrôlé son fils comme apprenti des Painter-Stainers. D’autres corporations londoniennes sont représentées : les imprimeurs, les tapissiers, et même les barbiers. Une autre partie est issue d’une middle sort provinciale composée de clercs, de marchands, de pasteurs et même de riches yeomen. C’est le cas de John Warburton (1682-1759) qui, par l’entremise de Lord Derby, le propriétaire du domaine régi par son père, obtient une charge dans l’administration fiscale du Yorkshire. Son hostilité aux jacobites lors de leur soulèvement en 1715, sa réputation grandissante de collectionneur lui permettent d’être admis dans le College. C’est donc par les liens familiaux et par la protection de l’Earl Marshall que les charges sont obtenues. Ces dernières font également l’objet de transaction financière à partir de la fin du XVIIe siècle et peuvent atteindre plusieurs milliers de livres, notamment pour la charge de Garter.
17L’entrée dans cette institution ne requiert pas de compétence particulière. S’ils sont une minorité à être formés à l’université, ils sont en revanche plus nombreux à être passés par les écoles juridiques de Londres, les Inns of court. L’apprentissage se fait de manière informelle par la consultation des fonds généalogiques et par la conduite des visitations. Les dynasties familiales s’imposent rapidement dans la mesure où une grande partie des fonds se transmettent d’une génération à l’autre. Les plus importantes d’entre elles sont les St. George, les Antsis, les Bigland qui occupent des places au College sur plus de trois générations. Il existe une hostilité latente vis-à-vis de ce corps de généalogistes dont les origines assez modestes et la compétence inégale suscitent des sarcasmes dans le milieu universitaire et parmi les élites. Ainsi, John Earle, l’une des grandes figures du milieu oxonien et évêque de Salisbury sous Charles Ier, qualifie dans son Microcosmography (1628) les hérauts du College de « marchands d’honneur » délivrant des certificats de gentilités dont ils sont eux-mêmes dépourvus38. Il les distingue des fils des familles gentry qui, arrivés à Oxford, refusent d’être considérés comme des scholars mais aspirent, à partir des collections de l’université, à devenir des gentlemen experts en pedigrees39. Les universités s’imposent à partir de cette période comme des lieux alternatifs de la culture généalogique.
Les généalogistes de la county community
18Parmi les généalogistes opérant à l’extérieur du College se distingue un nombre significatif de propriétaires fonciers disposant d’amples collections sur leurs propres familles et sur celles de leurs voisins. La notion de « county community » est essentielle pour mieux contextualiser leurs activités. Elle se constitue dès le XVe siècle, au moment de la fondation du College of Arms. Elle réunit une gentry assez possessionnée pour obtenir l’exercice des principales charges politiques du comté et dotée d’une conscience d’elle-même et de ses ancêtres40. Ses membres disposent de collections importantes d’ouvrages juridiques, qui coexistent dans leurs bibliothèques à côté de recueils généalogiques et des titres de propriétés. Au XVIe siècle, la culture lignagère devient indissociable d’un univers culturel étendu associant la common law, l’agronomie (husbandry) et les antiquités auxquelles ils ont été initiés dans les grammar schools, à Oxbridge. Ainsi, William Lambarde (1536-1601) consacre ses recherches aussi bien au Kent et ses worthies (Perambulation of Kent, 1576) qu’aux responsabilités des juges de paix (Eirenarcha, or, The Office of the Justices of Peace, 1582). Loin d’être de simples consommateurs d’ouvrages généalogiques, ils sont donc nombreux à développer leur propre récit autour de leur famille, de leur propriété et de leur comté41. En ces temps d’inflation des prix et des honneurs, les gentlemen ont pour responsabilité de veiller simultanément à la survivance de leur domaine comme de leur famille. Il faudrait se garder d’une vision idéalisée de la county community, les pulsions généalogiques sont aussi nourries des litiges entre voisins et de réputations menacées. Dans le Kent, les travaux de John Smyth (1567-1641) sur le lignage prestigieux des Berkeley (A Description of the Hundred of Berkeley) sont liés à une querelle avec la famille plus récente des Sidney : le père du duc de Northumberland, Edmund Dudley, est accusé de descendre d’un charpentier. Sir Philip Sidney doit défendre sa mémoire par un essai, Defence of the Earl of Leicester (1585). De même, Gervase Holles (1607-1675), issu d’une famille de newcomers, réalise une généalogie détaillée depuis l’ascension contestée de ses ancêtres à la fin du XVe siècle42. Dans le pays de Galles, Sir Owen of Henllys (1552-1613), surnommé le « squire genealogist » entreprend une vaste collection manuscrite sur l’histoire du Camarthen à la suite d’un conflit avec ses voisins qui l’accusent d’avoir falsifié son pedigree. C’est donc à la suite de préoccupations très personnelles qu’il publie son histoire comtale (A Description of Pembrokshire, en 1602).
19Dans les années 1630, c’est autour des comtés des Midlands que se distingue un groupe de gentlemen érudits : William Burton (1575-1645), Sir Simon Archer (1581-1662), Sir Thomas Shirley, (c. 1590-1654), Peter Leicester (1614-1678), Sir Christopher Hatton (1605-1670)43. À nouveau, comme pour la gentry élisabéthaine, leurs histoires comtales sont indissociables d’une perspective généalogique et de l’exercice de charges publiques. Archer comme Leicester ou Hatton consacrent de longs passages aux responsabilités politiques qu’induit un bon lignage. Leur mise à l’écart des affaires pendant la guerre civile conforte leur disposition érudite et facilite des coopérations entre membres de la gentry anglicane ou catholique. Faute de rentabilité commerciale, leurs travaux restent pour beaucoup à l’état de manuscrits, pourtant leur influence demeure considérable. Dugdale reconnaît sa dette à leur égard dans l’édition de ses Antiquities of Warwickshire (1656). Il justifie aussi son entreprise par la nécessité de sauvegarder la mémoire des tombes menacées par le temps ou l’action de l’homme surtout en ces temps troublés44 (voir figure 27). Philip Styles souligne en particulier que certains gentlemen du Warwickshire ne savent de leurs généalogies que ce que Dugdale a trouvé au milieu du XVIIe siècle dans les archives de leur famille et qu’il a reporté dans ses Antiquities45.
20Les histoires comtales continuent d’être publiées à l’initiative de gentlemen, mais ils en délèguent l’exécution à des catégories sociales plus modestes et à destination d’un public étendu. Dans le Northamptonshire, notamment, plusieurs gentlemen autour de Sir Thomas Cave confient à un maître d’école, Peter Whalley, en 1755, la réalisation du projet46. La culture lignagère tend à s’estomper, de même que la force d’attraction de la county community. Ainsi, les généalogistes issus de la gentry ne situent plus leur activité dans le cadre du Comté. John Aubrey (1626–1697), par exemple, s’il est issu d’une famille galloise bien établie et se présente comme un country gentleman du Wiltshire, n’exerce aucune charge politique. Sa généalogie des familles du Wiltshire reste à l’état de manuscrit. Il privilégie plutôt une histoire des populations et de l’environnement (Natural History of Wiltshire, 1718)47. Josuah Childrey (1625-1670), dans son Britania Baconia, estime d’ailleurs qu’il faudrait purger les histoires comtales de toutes les scories généalogiques qui compromettent la qualité scientifique de l’ouvrage et nuisent à la lecture48. Les auteurs des généalogies comtales inscrivent alors leurs travaux dans une perspective nationale et patriote afin de proposer des modèles de conduite. Au début de la Révolution française, John Collinson (1757-1793), l’auteur d’une histoire généalogique du Somerset, estime que son ouvrage constitue une barrière à la fois contre les despotes et les excès de la plèbe49.
Généalogistes en ville : middling sort et gentry urbaine
21Dans cette dernière catégorie sont envisagés des individus qui n’appartiennent ni au College of Arms ni au monde de la gentry foncière. On y trouve les membres de corporations de métier comme les Painter-Stainers, les imprimeurs (stationers company), libraires, ou des marchands, des juristes et archivistes des corporations municipales (recorders). Dans un premier temps, les généalogies s’insèrent dans des chroniques urbaines et sont destinées à un marché de lecteurs en forte augmentation. Identité familiale et vertus civiques se retrouvent imbriquées dans un discours nettement distinct des histoires comtales ou des généalogies du College. Ainsi, le juriste William Worcestre (1416-1482) mêle dans son Itinary, de manière indissociable, le récit de ses origines familiales et celui de sa ville, Bristol50. La guerre civile favorise l’émergence de récits similaires, comme ceux de William Grey, un négociant de Newcastle, ou de Nathaniel Bacon, pour Ipswich. La généalogie de Stamford, réalisée en 1646 par le recorder de la ville, s’inscrit dans un conflit de juridiction avec la gentry voisine et l’auteur entend démontrer que les libertés de la corporation urbaine sur les terres avoisinantes remonteraient à 863, date de sa fondation par le roi Bladud51.
22Dans le contexte de ce que Peter Borsay désigne comme la « renaissance urbaine » des années 1660-1770, l’essor des villes et les aspirations de leurs élites à une civilité aussi honorable que celle des propriétaires fonciers facilitent l’essor d’un marché du livre et la confection de généalogies destinées à un large public sous la forme de dictionnaires ou de répertoires52. Ces publications obéissent à l’habitude prise par les élites nobiliaires, à partir de la Restauration, de séjourner périodiquement en ville, en particulier à Londres, mais aussi à Bath ou dans les capitales provinciales. La gentility ne s’est plus définie seulement à l’échelle comtale, mais de plus en plus dans un cadre national, voire impérial. Et les dictionnaires généalogiques ont alors servi à projeter dans la sphère publique les informations nécessaires à la situation des positions sociales des membres de l’élite. Le déclin des activités érudites dans les universités, le poste créé par Camden n’étant même plus pourvu, facilite cette commercialisation des pratiques généalogistes53.
23Ainsi, Richard Blome (1635-1705), un apprenti chez les Painter-Stainers, réoriente ses activités vers le commerce du livre et la vente d’atlas. Pour financer l’édition de son Britannia (1673) – un ouvrage inspiré de Camden et mêlant des cartes, des généalogies et des digressions historiques – il organise un large mouvement de souscription à l’échelle du royaume et obtient plus de huit cents réponses. Le succès de son entreprise tient à une rapide présentation historique et naturelle des différents comtés anglais, accompagnée d’une carte pour chacun d’entre eux, avec un « alphabetical account of the nobility and gentry which are (or lately were) related unto the several counties of England and Wales, as to their name, titles and seats54 ». Cette initiative autant que la publication par Dugdale de son Baronage, en 1675, témoignent du succès de cette stratégie éditoriale55. Ces ouvrages se distinguent nettement des discours sur la noblesse, des ouvrages d’héraldique ou encore des essais juridiques qui décrivent les différents degrés des honneurs et les privilèges attachés à chaque rang56. En 1709, The peerage of England, du libraire londonien Arthur Collins (1682-1750), est régulièrement réédité jusqu’en 1812. Collins publie également un dictionnaire des Baronets en 172057. Le premier volume contient les généalogies (ascendantes et descendantes) de cent baronets élevés à cette dignité entre 1611 (Sir Nicholas Bacon) et 1617 (Sir Richard Lucy), et le second volume s’arrête à Sir Thomas Palmer of Wingham, devenu baronet le 29 juin 1621. Il collabore enfin à l’entreprise de Thomas Wotton (1695-1766), fils d’un libraire de la City et lui-même membre de la corporation des Stationers. Wotton obtient le concours de plusieurs généalogistes comme William Holman (Essex), Thornhaugh Gurdon (Norfolk) et organise une vaste consultation auprès des familles dans les villes et les comtés, sollicitant des notices généalogiques ainsi qu’une contribution financière. Le degré de coopération des familles est très variable : à côté des refus, Wotton reçoit des indications partielles et parfois des généalogies rédigées qui sont souvent intégralement reprises dans le volume58. Une première édition en 1727, The English Baronets, contient les familles de tous les baronets vivants à cette date59. Par la suite Wotton tient effectivement compte des remarques de ses correspondants dans la réédition ultérieure de 1741. Les différences entre les origines rurales ou urbaines des baronets apparaissent estompées. Ainsi Sir Roger Beckwith de North Riding n’hésite pas à corriger la notice établie par Wotton en lui rappelant l’existence dans son lignage d’un alderman de York, qui n’était pas un chevalier60. Il lui demande également d’ajouter le nom de son frère, négociant de Virginie et se permet également des conseils d’ordre éditorial. Les éditions suivantes de l’ouvrage devraient être d’un plus grand format afin d’encourager les ventes61. Une nouvelle édition en 1771 sous le titre The Baronetage of England, révisée par Edward Kimber et Richard Johnson, comprend aussi les baronets de la Nouvelle-Écosse.
24Enfin, l’apparition de ces ouvrages est aussi liée à l’expansion du genre du dictionnaire en lui-même, et au goût du XVIIIe siècle pour l’encyclopédisme et la classification des connaissances. Certains recueils visent à suppléer les manques d’ouvrages antérieurs. En effet, les visitations ainsi que les chroniques comtales ont occulté les épisodes de la guerre civile et du Commonwealth. En publiant son Respublica ; or a display of the Honours, Ceremonies, and Ensigns of the Commonwealth (1787), John Prestwich, un fils de marchand londonien, entend réhabiliter les élites issues de cette période62. Soucieux d’être considéré comme un gentleman et de se voir reconnaître officiellement (en vain) le titre de baronet, il revendique une filiation avec un Edmund Prestwich qui aurait été un personnage éminent du Commonwealth. Mark Noble (1754-1827), un autre auteur issu de la middle sort, réalise divers travaux, notamment sur les généalogies des régicides anglais et la première histoire du College of Arms. Dans son ouvrage, Noble propose d’ailleurs que cette dernière soit déménagée à proximité du Parlement afin de mieux remplir une fonction pédagogique et mémorielle. Elle doit servir à faire de la généalogie le terreau d’une culture patriotique commune pour l’édification de toute la population et non pas un refuge complaisant de la mémoire aristocratique63. L’évolution de ce genre est parachevée dans les premières décennies du XIXe siècle lorsque John Burke le transforme par deux innovations majeures. En 1826, il publie A General and Heraldic Dictionary of the Peerage and Baronetage of the United Kingdom, qui réunit la pairie et le baronetage et, surtout, qui classe les familles par ordre alphabétique et non plus par ordre de préséance. Et, dans les années 1830, son Genealogical and Heraldic History of the Commoners of Great Britain and Ireland, Enjoying Territorial Possessions or High Official Rank, en quatre volumes, est le premier dictionnaire à décrire l’ensemble de la landed gentry des îles Britanniques, même si la véracité des informations généalogiques collectées prête souvent à discussion. À partir des décennies médianes du XIXe siècle, les érudits et les historiens ont définitivement émancipé le savoir généalogique de la tutelle des familles en fondant les premières sociétés savantes, comme la Surtees Society, créée en 1834, en l’honneur d’un érudit local, Robert Surtees, auteur d’une History and Antiquities of the County Palatine of Durham, ou encore la Chetham Society, créée en 1843, vouées à la publication de documents anciens, accompagnés d’un appareil critique. La fondation, en 1869, de la Harleian Society, qui prend le nom de la collection de manuscrits réunis par les premiers comtes d’Oxford, Robert Harley et son fils, Edward Harley, et qui se donne pour but d’éditer les visitations qu’elle contient, parachève le processus.
Méthodes, sociabilités, controverses
25Les distinctions opérées entre généalogistes sont relatives et n’excluent pas une intense collaboration et de nombreux effets de superposition. William Dugdale appartient à une modeste famille de la gentry, et c’est à la suite de collaborations informelles avec des érudits amateurs du Midlands qu’il obtient, tardivement, en 1638, d’être reçu à 33 ans dans le College. Mais, au-delà des visitations, il s’implique fortement dans plusieurs opérations éditoriales à partir de souscriptions et de la collaboration de graveurs célèbres comme Wenceslaus Hollar. Par le succès commercial de ses Antiquities of Warwickshire (1656) et puis son Baronage of England (1675-1676), il pourrait tout aussi bien appartenir à la dernière catégorie de généalogistes. De même, les libraires précédemment cités collaborent étroitement avec les hérauts d’armes. Thomas Wotton s’est appuyé, pour son édition de 1741, sur les volumes réunis par Peter Le Neve, Norroy, ou encore Arthur Collins, qui a dédié son Baronetage of England à John Anstis, Garter. John Burke appartient à la petite gentry irlandaise catholique mais son fils Bernard accède au College of Arms. Pourtant les écarts entre généalogistes sont perceptibles par les contemporains pleinement conscients des concurrences et des rivalités
La légitimité chancelante des hérauts d’armes
26Les hérauts d’armes tendent à se présenter comme les seuls détenteurs légitimes de la science généalogique à partir du XVIe siècle par le biais de diverses réglementations qui fixent la méthodologie à suivre et le comportement à adopter lors des visitations. Ils doivent avoir une attitude exemplaire, faite de modestie et exempte de toute fréquentation des lieux mal famés64. Les règlements mettent en avant l’idéal d’une gestion collective et institutionnelle des savoirs généalogiques à partir d’un fonds classé dans la bibliothèque à partir de 1564 et qui est présenté comme le principal dépôt généalogique du royaume. Son accès doit être réservé à des acteurs accrédités afin de mettre un terme aux « transactions privées et clandestines » entre les hérauts et leurs clients65. Des barèmes sont mêmes envisagés afin de mieux régler les transactions : trente livres sterling pour la validation d’une armoirie66. Ces dispositifs s’accompagnent de discours réflexifs sur l’institution et ses vertus. Elias Ashmole et John Anstis rédigent des traités respectivement en 1672 et 1724 sur la compétence et les qualités des Garters depuis le XVIe siècle67. Les représentations picturales des hérauts d’armes ont aussi tendance à se multiplier, de même que les autobiographies. Les unes comme les autres ont pour dessein de souligner le caractère institutionnel de leur compétence à partir d’une description détaillée de leurs activités, de leurs insignes et attributs68. Stephen Leake est le plus explicite sur ce sujet. Il se présente lui-même à la manière d’un juge impartial qui sanctionnerait les prétentions généalogiques de chacun et défendrait les prestiges des anciennes familles des ambitions erronées des nouveaux venus69. Il recommande le rétablissement des visitations dans le royaume afin de rétablir la crédibilité des plus anciennes familles70. Il souhaite pour cela se démarquer d’une part des artisans considérés comme des incompétents dont les seules considérations sont commerciales et d’autre part des amateurs issus de la gentry aux aspirations ridicules et aux pratiques mondaines. Au sujet des premiers, il s’indigne de l’audace d’un certain William Shiers, un Painter-Stainer qui a nommé sa boutique « The Old Office of Arms71 ». La corporation dont Shiers est issue fait l’objet d’attaques précoces dès le XVIe siècle. Une pétition, en 1660, accuse la corporation de ne regrouper que des artisans illettrés dont le statut social serait comparable à celui du labourer. Ils auraient profité de la guerre civile pour s’imposer dans les réalisations des armoiries comme dans la validation des pedigrees72. Leake dénonce également l’incompétence des amateurs issus de la gentry. Il évoque avec dédain un certain Mr Cheal dont les seules qualités sont d’avoir été de son propre aveu : étudiant pendant six ans à Oxford, collectionneur de sceaux, ami du président de la Royal Society et propriétaire d’un parc de cerfs et un familier de ducs et de lords73.
27De telles aspirations se heurtent cependant à plusieurs obstacles. En dépit de ses préventions, Cheal est admis au College sous la pression de l’Earl Marshall. L’autorité et l’expertise des hérauts sont indissociables des relations de dépendance vis-à-vis de grandes familles. Ainsi, plusieurs règlements imposés par l’Earl Marshall à partir de 1670 rappellent que ce dernier, qui n’est pas un généalogiste, est habilité à défaire ou à confirmer les authentifications conduites par ses hérauts74. De même, dans le cas d’un conflit entre des hérauts et des familles touchant des prétentions généalogiques, l’issue est souvent en défaveur des premiers. Ainsi, dans les années 1620, un héraut, Leonard Smedley, est confronté au refus de nombreuses familles du Chester de coopérer à son enquête. Il se plaint de ces familles nouvelles enrichies dans le commerce qui ne possèdent pas d’armoiries (non-armigerous). Il en appelle à son supérieur, le deputy herald de Chester et Lancashire, Randle Holme (1570-1655), pour obtenir son soutien. Holme reçoit parallèlement des lettres de plusieurs gentlemen contre Smedley. Ils insistent sur ses mauvaises manières, sa pauvreté et son absence d’assise locale75. Holme convoque Smedley pour lui reprocher sa « maladresse négligente » et le relève de sa députation à la demande du Garter à Londres. D’autres familles intentent un procès aux hérauts dans la Court of Chivalry. Cette dernière, sous la conduite de l’Earl Marshall, désavoue les hérauts notamment lorsque les plaignants occupent une position éminente76. Ces conflits sont en réalité limités dans la mesure où, sans la collaboration volontaire et négociée des élites locales, les hérauts sont incapables d’exercer leur fonction et ils confirment donc très libéralement les armoiries et les généalogies qui sont présentées77.
28En outre, le College ne possède en réalité qu’un petit nombre d’archives par rapport aux grandes collections privées. Les recueils des visitations sont mêmes revendus ou cédés à des grandes familles comme les Harley, les Egmont, à des collèges d’Oxford ou de Cambridge. Les hérauts eux-mêmes contribuent à cette dissémination. Dugdale laisse une grande partie de ses archives à son gendre Elias Ashmole, qui les dépose, à son tour, dans les collections du musée qu’il entend créer à Oxford78. Enfin, il n’existe pas de compromis sur une méthode commune pour l’enregistrement des généalogies. En théorie, un règlement de 1560 impose de restituer les pedigrees lors des visitations, non plus sous la forme d’un texte narratif mais sous les apparences d’un diagramme. D’une part, cette recommandation n’est pas systématiquement appliquée et, d’autre part, elle est sujette à diverses interprétations. Elle peut apparaître rétrospectivement comme une forme de rationalisation mais, pour les contemporains, cette évolution traduit surtout le renforcement d’une vision patriarcale du lignage79. Il s’agit moins d’une rupture épistémologique que d’un renforcement de la position paternelle dans la hiérarchie familiale. En outre, les méthodes restent très personnelles. Dugdale recommande l’enregistrement systématique des parents, de leurs enfants, des grands-parents et arrière-grands-parents, des dates et lieu de naissances ainsi que des activités exercées. Au même moment, un autre héraut, Edward Bysshe (1610-1679), se contente d’inscrire les grands-parents sans mentionner les oncles, tantes et neveux80. À la fin du siècle, Gregory King, héraut d’armes et statisticien, suggère une nouvelle méthode. Il entend organiser ses visitations à partir des archives fiscales dans l’espoir de mieux faire correspondre le statut social aux ressources financières des élites81. Mais, en réalité, lors de ses enquêtes, il rapporte que même dans les plus riches paroisses de Londres ou des comtés ruraux, 18 % des familles convoquées ont jugé utile de se déplacer. Il doit donc recourir aux usages antérieurs, s’en tenir aux seules familles présentes lors de sa visitation et renoncer à toute exhaustivité82. Le débat sur les méthodes souligne la nécessité d’outils adaptés aux changements sociaux et à la nature collective des pratiques généalogiques.
Les échelles d’une sociabilité
29Comme le suggère Peter Sherlock au sujet des méthodes historiques au XVIIe siècle, il convient de ne pas rechercher seulement les avancées techniques mais aussi des changements d’échelle dans la circulation des informations83. Une autre manière d’envisager la nature coopérative et interdépendante des pratiques généalogiques serait de les approcher à partir d’un emboîtement d’espaces interdépendants. Loin d’être figé dans une forme permanente, le discours généalogique fait l’objet d’une continuelle réécriture au gré des changements d’échelles et de la diversité des acteurs qui concourent à son élaboration.
30À l’échelle locale, la confection des généalogies repose sur des sources de diverses origines : inscriptions monumentales, preuves orales, archives urbaines (tenues par le Recorder), collections privées. Les hérauts s’installent généralement dans une auberge où les gentlemen des environs doivent apporter leurs armoiries, leurs pedigrees ainsi que tous documents et archives justifiant leur prétention84. Lorsque Dugdale entreprend la visite du Nottinghamshire, il mentionne l’utilisation des collections manuscrites de William Burton, du comte d’Anglesey ainsi que le témoignage des personnalités locales éminentes. Il est aidé dans son travail par un tailleur de pierre et un érudit local, le docteur Robert Thoroton avec qui Dugdale correspond depuis plusieurs années. En échange de ses bons services, Thoroton obtient d’accéder à ses archives pour la publication de sa propre histoire comtale du Nottinghamshire en 167785. De même, les généalogies des grandes familles comtales reposent sur un large réseau épistolaire entre les différentes familles concernées par le projet, ainsi que sur des personnalités extérieures bénévoles (pasteurs, juristes, hérauts) chargées de recenser les inscriptions funéraires. Les enquêtes se complètent de descriptions des manors ou des estates de chacun des villages du comté, et de l’évocation de l’ascendance de la famille qui y réside ou de celles qui les avaient possédés, parfois jusqu’au Domesday Book86. Beaucoup inséraient des vues cavalières des seats ou des country houses des principales familles du comté.
31À l’échelle nationale, à Londres, les pratiques généalogiques sont structurées par le rôle de nombreux dépôts d’archives (College of Arms library, Cotton Library, Tour de Londres), d’institutions savantes (Royal Society, Society of Antiquaries) ou juridiques (Inns of Court, Court of Chivalry) ainsi qu’un réseau d’éditeurs de la Stationer Company87. Une première Antiquarian Society est établie en 1580 autour de Richard Carew (Cornwall), Erdeswicke (Staffordshire), John Hooker (Devon), Henry Ferrers (Warwickshire). Ses membres sont composés pour un tiers d’érudits de la gentry, un tiers de hérauts d’armes et un dernier tiers d’ecclésiastiques. Une partie des enquêtes menées à l’échelle comtale se retrouvent regroupées à Londres et sont intégrées dans les collections de Robert Cotton88. La circulation s’effectue également en sens inverse puisque bien des Antiquarians repartent avec leurs archives dans leurs localités. L’émergence de clubs politiques à partir des années 1630 est importante. John Aubrey est ainsi membre du Rota Club fondé par James Harrington. Ses membres se rencontrent au pub The Turk’s Head à New Palace Yard dans la décennie 1650. Au début du XVIIIe siècle, les membres de la nouvelle société des Antiquaires se réunissent dans la Young Devil Tavern, sur Fleet Street, et communiquent avec les sociétés comtales comme celles de Spalding89. Les recueils généalogiques de Collins ou de Wotton évoqués précédemment éclairent le rôle de Londres dans la collecte des informations et les grandes opérations éditoriales des XVIIIe et XIXe siècles.
32Enfin, à l’échelle européenne, il faut aussi tenir compte des réseaux de correspondances et de voyages mis en valeur par de nombreux travaux sur la République des Lettres. La grande entreprise de Britannia, menée par Camden, doit beaucoup aux échanges avec le continent et à sa rencontre avec le Flamant Abraham Ortelius. Camden reconnaît l’étendue de sa dette dans la préface de son édition. Il reçoit la visite de nombreux érudits de confession catholique ou protestante, qu’il s’agisse du cartographe Gerardus Mercator, de juristes comme Alberico Gentili, ou de parlementaires comme Barnabé Brisson, président du Parlement de Paris. Inversement, il collabore à l’écriture des Annales avec de Thou jusqu’en 161390. Plusieurs généalogistes anglais entreprennent des voyages sur le continent pour s’initier à de nouvelles méthodes et pour rassembler, comme John Weever (1575/6-1632), des informations sur les monuments funéraires en France (Ancient funerall monuments, 1631). Les déplacements peuvent être aussi financés par l’exercice d’une charge annexe. C’est le cas de Raph Bigland, apprenti en 1728 auprès de vendeurs de fromage de Wapping. Il devient un des ravitailleurs en fromage de l’armée anglaise pendant la guerre de succession d’Autriche91. C’est à partir de cette première expérience qu’il va multiplier les relevés d’inscriptions funéraires découvertes dans les Pays-Bas, d’abord en Écosse puis dans le Gloucester.
33Les généalogistes catholiques et notamment ceux qui ont pris parti pour les Stuart lors de la glorieuse révolution sont conduits à des coopérations européennes de vaste ampleur. Ainsi, à partir de 1689, le juge d’armes jacobite James Terry est sollicité depuis Paris par un grand nombre de réfugiés en Espagne, en Flandre, en France et en Italie afin d’obtenir des certificats de noblesse, document sans lequel leur naturalisation dans les pays d’accueil et l’exemption fiscale sont compromises. Terry écrit dans toutes les capitales pour se faire reconnaître comme l’unique juge d’armes des Stuart. Sa correspondance de 1690 à 1725 illustre bien les rapports de négociation entre les familles exilées et le généalogiste à l’échelle du continent. Les familles lui transmettent des informations sur leur lignage, des sommes d’argent, divers cadeaux (bières, ouvrages savants) afin d’accélérer les démarches. Il dispose de plusieurs livres de visitations emportés lors de son exil en 1688, ressources qu’il complète par des enquêtes auprès d’érudits irlandais ou auprès des hérauts d’armes britanniques92. La constitution des généalogies jacobites se fait donc à partir d’un vaste réseau épistolaire entre les familles et les érudits de part et d’autre de la Manche et ceci en dépit des divergences religieuses ou idéologiques.
De l’effet des controverses
34Ces diverses collaborations n’excluent pas de violentes controverses sur la crédibilité des généalogistes et des innombrables accusations de plagiat. La confrontation la plus étudiée est celle qui opposa Brooke à Camden au début du XVIIe siècle93. Ralph Brooke, membre du College, accusa Camden d’avoir présenté des généalogies dans son Britannia sans en avoir l’érudition et la compétence nécessaire. Brooke défend le monopole du College dans l’opération généalogique définie comme « une mystique ». L’entrée de Camden dans le College en 1597 renforça la polémique. Brooke publie un traité accusant Camden d’avoir compromis par ses méthodes la dignité des grandes familles94. La polémique se poursuit jusqu’en 1620 et entraîne la mobilisation d’un grand nombre de généalogistes. L’un d’entre eux, Augustine Vincent, attaque à son tour la méthode de Brooke et souligne les nombreuses confusions relevées dans ses pedigrees95. Cet épisode a cependant le mérite de susciter une réflexion sur la nécessité de renouveler les méthodes généalogiques et se conclut à l’avantage de Vincent.
35Une polémique similaire survient dans le Cheshire dans les années 1670 entre Sir Thomas Manwaringe et Sir Peter Leycester et fait l’objet de ballades moquant les prétentions des deux généalogistes96. Les rumeurs de plagiats sont aussi très nombreuses. On pourrait citer le cas de Dugdale, accusé d’avoir supprimé le nom de ses collaborateurs dès le décès de ces derniers. Il gagne le surnom de « Great Plagiary » dans un ouvrage d’Anstis (Ancient Usage, 1682). Les affrontements portent aussi sur la validité des preuves orales. Des érudits continuent, à la fin du XVIIe siècle, de soutenir leur fiabilité et il n’existe pas de consensus entre les généalogistes autour d’un régime de preuves satisfaisant. De nombreux conflits naissent aussi du hiatus croissant entre la vocation du College of Arms à certifier l’ensemble des opérations généalogiques et son incapacité croissante à exercer ce pouvoir. La naissance de la consumer society s’accompagne d’une multiplication d’entreprises commerciales sur lesquelles le College n’a aucun contrôle. Ainsi Sir William Segar, le petit-fils d’un King of Arms, ainsi que Joseph Edmondson, un modeste coach painter, entreprennent un recueil généalogique des pairs d’Angleterre en 1764 (Baronagium genealogicum), au moment où des hérauts du College of Arms se lancent dans une publication similaire. Devant le succès du Baronagium, l’Earl Marshall invite Edmondson à rejoindre le College avec le statut d’extraordinary herald mais les autres hérauts tentent de lui interdire l’accès aux archives. Certains hérauts sont aussi accusés de trahir leur engagement en participant à des opérations éditoriales dont la crédibilité scientifique est mise en question. Au XVIIIe siècle, de nombreuses querelles tournent autour des risques d’une dévalorisation des savoirs par la présence croissante d’amateurs perçus comme dilettantes et incompétents. Certains généalogistes, comme Richard Gough (1735-1809), déplorent l’évolution des sociétés érudites, que ce dernier considère comme des lieux de mondanité. Il se scandalise aussi de voir ses rivaux, comme Charles Gray, sacrifier l’érudition à des généalogies complaisantes97.
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36En somme, les matériaux généalogiques du XVIe au XIXe siècle apparaissent exposés à de constants remaniements. Ils s’inscrivent dans des contextes sociopolitiques et des imaginaires très différents. Ils revêtent aussi diverses formes, des récits manuscrits aux vastes projets encyclopédiques. D’une nature à la fois collective et négociée, les pratiques généalogiques associent des acteurs aux compétences très variées et, à ce titre, imposent des changements d’échelle permanents, depuis les communautés locales jusqu’aux réseaux épistolaires européens. Le College of Arms apporte une armature institutionnelle et des ressources documentaires qui soutiennent la légitimité des hérauts d’armes mais ces derniers doivent aussi compter avec les attentes et les compétences des élites sociales du royaume. Leurs visitations font l’objet de nombreux règlements et d’arbitrages dans les comtés et à la High Court of Chivalry. L’État royal sous les Tudor et les Stuart entend répondre aux aspirations d’une gentry en pleine croissance et dont la respectabilité provient autant des revenus fonciers que de son engagement civique. Il doit aussi compter avec les inquiétudes des élites anciennes qui redoutent une inflation incontrôlée des honneurs. Ces attentes contradictoire s apparaissent clairement à l’occasion des crises profondes traversées par le royaume. Cependant, en dépit de ces conflits, la quête de l’ancestralité n’est pas décrédibilisée. Elle change de nature et se déplace de la sphère socioétatique à la sphère publique, de l’érudition exclusive à des pratiques consuméristes. Ainsi, malgré tout, une continuité se dessine, des modestes visitations du XVIe siècle jusqu’aux dictionnaires généalogiques de l’époque victorienne.
Notes de bas de page
1 Voir l’article fondamental de R. Descimon, « Élites parisiennes entre XVe et XVIIe siècle. Du bon usage du Cabinet des titres », Bibliothèque de l’École des chartes, vol. 155-2, 1997, p. 607-644.
2 R. Bizzocchi, Généalogies fabuleuses. Inventer et faire croire dans l’Europe moderne, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2010 (1re éd. Bologne, 1995).
3 O. Bouquet, « Comment les grandes familles ottomanes ont découvert la généalogie », Cahiers de la Méditerranée, no 82, Penser en exil. Les grandes familles en Méditerranée orientale, 2011, p. 297-324 ; G. Carré, « Par-delà le premier ancêtre. Les généalogies truquées dans le Japon prémoderne (XVIe-XIXe siècles) », Extrême-Orient Extrême-Occident, no 32, 2010, p. 63-89.
4 D. Woolf, The Social Circulation of the Past : English Historical Culture, 1500-1730, Oxford, Oxford University Press, 2003, qui consacre deux chapitres à la généalogie : « The Cultivation of Heredity », p. 73-98, et « The Genealogical Imagination », p. 99-137, est une exception.
5 Jane Austen, Persuasion, dans The Penguin Complete Novels of Jane Austen, Londres, Penguin Group, 1983 (1re éd. 1818), p. 1145.
6 Voir, par exemple, le chapitre « Lineage », dans F. Heal et C. Holmes, The Gentry in England and Wales, 1500-1700, Londres-Basingstoke, Macmillan Press, 1994. Pour une introduction en français sur le monde de la gentry anglaise, voir F.-J. Ruggiu, « La gentry anglaise : un essai de définition au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles », XVIIe siècle, no 197, 1997/4, p. 775-795.
7 Comme N. Llewellyn, dont les nombreux travaux portent sur les monuments funéraires, K. Retford, par exemple dans « Sensibility and Genealogy in the Eighteenth-Century Family Portrait : The Collection at Kedleston Hall », The Historical Journal, vol. 46, no 3, 2003, p. 533-560, aborde la question de la généalogie mais à travers un média spécifique : le portrait de famille.
8 P. Levine, The Amateur and the Professional: Antiquarians, Historians and Archaeologists in Victorian England, 1838-1886, Cambridge, Cambridge University Press, 1986; G. Parry, The Trophies of Time: English Antiquarians of the Seventeenth Century, Oxford, Oxford University Press, 1995; S. Pearce (dir.), Visions of Antiquity: The Society of Antiquaries of London 1707-2007, Londres, Society of Antiquaries of London, 2007; R. Sweet, Antiquaries: The Discovery of the Past in Eighteenth-Century Britain, Londres, Hambledon, 2004.
9 D. B. Simons et P. Benes (dir.), The Art of Family: Genealogical Artifacts in New England, Boston, New England Historic Genealogical Society, 2002; K. Wulf, « “Of the Old Stock”. Quakerism and Transatlantic Genealogies in Colonial British America », dans E. Mancke et C. Shammas (dir.), The Creation of the British Atlantic World, Baltimore-Londres, Johns Hopkins University Press, 2005, p. 304-320; F. Weil, Family Trees: A History of Genealogy in America, Cambridge, Harvard University Press, 2013.
10 Sur ce point, on pourra partir de F.-J. Ruggiu, « La gentry anglaise : un essai de définition… », op. cit., p. 777-781.
11 Sur ce processus, et pour une discussion sur son ampleur, voir L. Stone et J. Fawtier-Stone, An Open Elite ? England, 1540-1880, Oxford, Clarendon Press, 1984.
12 L. Stone, « The Inflation of Honours 1558-1641 », Past & Present, vol. 14, no 1, 1958, p. 45-70, ici p. 47-48; M. James, English Politics and the Concept of Honour: 1485-1642, Oxford, Past and Present Society, 1978.
13 Lucy Hutchinson, Memoirs of the Life of Colonel Hutchinson with a Fragment of Autobiography, éd. N. H. Keeble, Londres, Dent (coll. « Everyman’s library »), 1995, p. 31-32.
14 N. Llewellyn, « Claims to Status through Visual Codes: Heraldry on Post-Reformation Funeral Monuments », dans S. Anglo (dir.), Chivalry in the Renaissance, Woodbridge, Rochester, Boydell Press, 1990, p. 145-160. L’auteur y décrit un triptyque sur bois – sans doute peint par Cornelius Jansen en 1615 – destiné à mettre en valeur l’arbre généalogique des St. John of Lydiard et installé à côté des tombes familiales dans l’église St. Mary, à Lydiard Tregoze, dans le Wiltshire.
15 Sur l’imagination généalogique des Anglais sous les Tudor et les Stuart, voir D. Woolf, The Social Circulation of the Past…, op. cit., p. 122-133.
16 Major-General Mundy, The Life and Correspondence of the Late Admiral Lord Rodney, Londres, John Murray, 1830, 2 vol., vol. 1, p. 6-34. La citation est p. 31. Voir, à son sujet, F. Heal et C. Holmes, The Gentry in England and Wales, 1500-1700, op. cit., ainsi que D. Woolf, The Social Circulation of the Past…, op. cit., p. 108.
17 F.-J. Ruggiu, Les élites et les villes moyennes en France et en Angleterre (XVIIe-XVIIIe siècles), Paris, L’Harmattan, 1997.
18 Les éléments sur le College of Arms présentés ici sont, en grande partie, issus de la somme de A. Wagner, Heralds of England : A History of the Office and College of Arms, Londres, H.M.S.O., 1970.
19 Voir C. Gittings, Death, Burial and the Individual in Early Modern England, Londres, Croom Helm, 1984, en particulier p. 166-204; V. Harding, The Dead and Living in Paris and London 1500-1670, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 209-212.
20 Les hérauts se divisent en trois groupes. Les rois d’armes (Kings of Arms) sont Garter, héraut de l’Ordre de la Jarretière, dont l’office a été créé en 1415 ; Clarenceux, roi d’armes pour le Sud de l’Angleterre et pour le Sud du Pays de Galles ; et Norroy, roi d’armes pour le Nord de l’Angleterre et le Nord du Pays de Galles. Les hérauts d’armes (Heralds) sont Chester, Lancaster, Windsor, Somerset, Richmond et York. Les Pursuivants sont Portcullis, Rouge Croix, Rouge Dragon et Bluemantle. À ces hérauts anglais s’ajouta, à partir de 1552, le roi d’armes Ulster pour l’Irlande.
21 A. Ailes, « Le développement des “visitations” de hérauts en Angleterre et au Pays de Galles 1450-1600 », Revue du Nord, no 366-367, 2006, p. 659-679, décrit très précisément la manière dont les visitations ont été mises en place au cours du XVIe siècle.
22 G. D. Squibb, High Court of Chivalry: A Study of the Civil Law in England, Oxford, Clarendon Press, 1959; R. P. Cust et A. J. Hopper (dir.), Cases in the High Court of Chivalry, 1634-1640, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », n. s., vol. 18), 2006.
23 A. Wagner, Heralds of England…, op. cit., p. 308, 381. Il rappelle aussi que la Court of Chivalry a d’ailleurs continué à fonctionner après la Glorieuse Révolution et que les rois d’armes ont eu, dans les années 1730 et au début des années 1740, l’espoir d’obtenir à nouveau une commission mais sans que cela se concrétise.
24 P. Styles, « The Heralds’ Visitation of Warwickshire, 1682-3 », Transactions of the Birmingham Archaeological Society, vol. 71, 1955, p. 140-143.
25 L’évolution des valeurs de la gentry a donné lieu au XVIIIe siècle à une littérature abondante, au premier rang de laquelle nous pouvons citer The Compleat English Gentleman, de William Defoe (dans Selected Writings, ed. J. T. Boulton, Cambridge, Cambridge University Press, 1975). Il s’y moque de ceux qui ont le « culte des écussons et des trophées et qui estiment individus et familles selon le blason de leurs maisons, sans tenir compte de l’instruction, de la vertu et de tout mérite personnel » (trad. fr. E. Broglin). Pour approcher ce débat, on pourra partir de P. Langford, A Polite and Commercial People : England 1727-1783, Oxford, Clarendon Press, 1989.
26 P. Langford, Public Life and the Propertied Englishman, 1689-1798, Oxford, Clarendon Press, 1991, p. 510-581. L’auteur conclut le chapitre (p. 569 sqq.) en montrant comment les nobles ont été amenés à mettre en avant de nouveaux rôles au sein d’une nation aux valeurs transformées.
27 K. Retford, « Patrilineal Portraiture? Gender and Genealogy in the Eighteenth-Century English Country House », dans J. Styles et A. Vickery (dir.), Gender, Taste and Material Culture in Britain and North America, 1700-1830, New Haven-Londres, Yale University Press, 2006, p. 315-344.
28 Ibid., p. 329.
29 College of Arms, ms. Grants 7, 1720-1728, f° 165. F.-J. Ruggiu souhaite exprimer ici sa reconnaissance envers le chapitre du College of Arms qui l’a autorisé à consulter ses registres.
30 College of Arms, ms. Grants 7, 1720-1728, f° 123. Né en 1670, fils d’un ébéniste, John Gumley était un fabricant de miroirs et un fournisseur des armées. Il était, surtout, le beau-père du célèbre opposant whig à Walpole, William Pulteney. Il meurt en 1728.
31 F.-J. Ruggiu, « Extraction, Wealth and Industry: The Ideas of Noblesse and of Gentility in the English and French Atlantics (17th-18th Centuries) », History of European Ideas, vol. 34, no 4, 2008, p. 444-455.
32 College of Arms, ms. Grants 7, 1720-1728, 18 septembre 1722, fos 102 sqq.
33 A. Wagner, Heralds of England…, op. cit., p. 384. Voir John Warburton, London and Middlesex Illustrated, Londres, Ackers, 1749.
34 A. Grafton, Bring Out Your Dead: The Past as Revelation, Cambridge, Harvard University Press, 2001, p. 15.
35 A. Wagner, Heralds of England…, op. cit.; Id., The Life of William Bruges, the first Garter King of Arms, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », vol. 111-112), 1970; Heraldo Memoriale, or Memoirs of the College of Arms from 1727 to 1744. By Stephen Martin Leake, Sometime Garter King of Arms, éd. A. Wagner, Londres, Roxburghe Club, 1981; C. Dyer et C. Richardson (dir.), William Dugdale, Historian, 1605-1686, Woodbridge-Rochester, Boydell Press, 2009.
36 « The place of the Garter was one of the Gentelest under the Crown for a private gentleman », Heraldo Memoriale…, op. cit., p. 1.
37 Déplorant les origines très modestes d’un héraut, Leake estime que « some of the most profitable branches of their profession have been discontinued or wholly lost […] usurped and invaded by Painters and other mechanicks », ibid., p. 73.
38 « His trade is honour, and he sells it and gives arms himself, though he be no gentleman », John Earle, Microcosmography, éd. P. Bliss, Londres, White and Cochrane, 1811, p. 116.
39 « His main loytering is at the library, where he studies arms and books of honour, and turns a gentleman critick in pedigrees. Of all things he endures not to be mistaken for a scholar », ibid., p. 340.
40 Voir par exemple l’étude de E. Acheson, A Gentry Community: Leicestershire in the Fifteenth Century, 1422-1485, Cambridge, Cambridge University Press, 1992; R. Cust, « Honour and Politics in Early Stuart England: The Case of Beaumont v. Hastings », Past and Present, vol. 149, no 1, 1995, p. 57-94; J. P. Cooper, « Ideas of Gentility in Early-Modern England », dans Id., Land, Men and Beliefs: Studies in Early-Modern History, éd. G. E. Aylmer et J. S. Morrill, Londres, Hambledon Press, 1983.
41 J. Broadway, «No historie so meete»: Gentry Culture and the Development of Local History in Elizabethan and Early Stuart England, Manchester, Manchester University Press, 2006; S. G. Mendyk, «Speculum Britanniae»: Regional Study, Antiquarianism, and Science in Britain to 1700, Toronto, University of Toronto Press, 1989.
42 G. Holles, Memorials of the Holles family, 1493-1656, Londres, Office of the Camden Society (3e s., vol. 55), 1937.
43 P. Styles, « Sir Simon Archer, 1581-1662 », Dugdale Society Occasional Papers, 1946, p. 1-51; R. Cust, « Catholicism, Antiquarianism and Gentry Honour: The Writings of Sir Thomas Shirley », Midland History, vol. 23, no 1, 1998, p. 40-70.
44 Sur l’importance des monuments funéraires dans la culture généalogique, voir D. Woolf, The Social Circulation of the Past…, op. cit., p. 92-95, ainsi que l’ouvrage de référence de N. Llewellyn, Funeral Monuments in Post-Reformation England, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
45 P. Styles, « The Heralds’ Visitation of Warwickshire, 1682-3 », op. cit., p. 116.
46 R. Sweet, Antiquaries: The Discovery of the Past…, op. cit., p. 42.
47 M. Hunter, John Aubrey and the Realm of Learning, Londres, Duckworth, 1975, p. 32, 150.
48 S. G. Mendyk, « Speculum Britanniae »…, op. cit., p. 169.
49 Cité par R. Sweet, Antiquaries: The Discovery of the Past…, op. cit., p. 36.
50 J. Broadway. « No historie so meete »…, op. cit., p. 19.
51 R. Sweet, The Writing of Urban Histories in Eighteenth-Century England, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 80.
52 P. Borsay, The English Urban Renaissance: Culture and Society in the Provincial Town 1660-1770, Oxford, Clarendon Press, 1989.
53 M. Feingold, « The Humanities », dans N. Tyacke (dir.), The History of the University of Oxford, vol. 4, Seventeenth-Century Oxford, Oxford, Clarendon Press, 1997, p. 215.
54 Cet « alphabetical account », qui commence p. 344 du volume, a, comme Britannia, une page de garde, sur laquelle il est aussi précisé « The like never Published », et un colophon : London, printed Anno Dom. MDCLXXIII. Chaque noble ou gentleman est classé par comté et par ordre alphabétique. Les seules informations données sont le titre, le prénom, le nom et le seat.
55 L’ouvrage recense donc les familles existantes, de la famille royale aux Pelhams, « the last in receiving the dignity of peerage, […] yet not the least in respect of his possessions or great antiquity », p. 469. Il compte également un index alphabétique.
56 Voir, entre autres, John Brydall, Jus Imaginis apud Anglos or the Law of England relating to the Nobility and Gentry, Londres, 1675 ; John Logan, Analogia Honorum or a Treatise of Honour and Nobility according to the laws and customes of England, Londres, 1724.
57 Arthur Collins, The Baronetage of England being an Historical and Genealogical of Baronets…, containing their Descents, the remarkable actions and employments of them and their ancestors, Londres, 1720, 2 vol.
58 British Library, Add. ms. 24120: T. Wotton’s letters, with pedigrees and information relative to their families, sent by Baronets or persons connected with them to Thomas Wotton for the purpose of his Baronetage, 1725-1746.
59 Thomas Wotton, The English Baronets, being a genealogical and historical account of their families…, Londres, 1727, 3 vol. Il ne restait ainsi plus que soixante-dix-sept familles de baronets créées par Jacques Ier.
60 «I have several memoirs relating the Yorkshire families and I am willing to assist you if occasion be. Sr William Wyvill did not marry Sr James Brooks daughter as in the specimen but alderman brooks daughter of the city of York (who was not a knight)», British Library, Add. ms. 24120, f° 44.
61 «If you do not print your book in a larger volume then the last I think you will have a little sale for it», ibid., f° 45.
62 Prestwich Respublica, Londres, 1787.
63 A History of the College of Arms, and the Lives of all the Kings, Heralds, and Pursuivants, from the reign of Richard III, Londres, 1804, p. 406. Sur la vocation pédagogique et patriotique des recueils généalogiques, voir S. Jettot, « Mauvais sang ? L’argument généalogique dans la délégitimation des régicides anglais (1660-1798) », dans Le sang des princes. Cultes et mémoires des souverains suppliciés (XVIe-XXIe siècles), Rennes, PUR, 2014, p. 79-92.
64 « You shall dispose to be secret and sober in your port, and not too busie in language […]. You shall keep your mouth shut […]. You shall forsake all places of dishonesty, the play of hazardy and the common habit of going into Taverns and of places of debates », Heralds Oath (1686), Munimenta Heraldica 1484-1984, éd. G. D. Squibb, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », n. s., vol. 4), 1985, p. 82.
65 « A great deal of that kind of private clandestine business », Heraldo Memoriale…, op. cit., p. 56.
66 A. Wagner, The Records and Collections of the College of Arms, Londres, Burkes Peerage, 1952, p. 56 sqq.
67 Institution of the Most Noble Order of the Garter (1672); Account of the Order of the Garter (1724).
68 Voir les portraits de W. Camden par Daniel Myrtens, de W. Segar par Francis Delaram, de W. Dugdale par Wenceslaus Hollar, d’E. Ashmole par Sir Peter Lely, de Peter le Neve ou de J. Anstis par Thomas Hudson.
69 « I was informed that the gentlemen in my province were made to see so little regard paid to ancient familys. That it was hard to deny justice to them and the Office in favour of a few people proud upstart who were ashamed of their original », Heraldo Memoriale…, op. cit., le 2 juillet 1731, p. 26.
70 Reasons for Granting Commissions to the Provincial Kings of Arms for Visiting their Provinces, Londres, 1744.
71 « William Shiers one of the Company of Painter Stainers, who kept a shop in Deans court, not only wrote over his shop door the Old Office of Arms, in large characters, but advertised that at the said office of Arms, searches were made », Heraldo Memoriale…, op. cit., p. 28.
72 « A sort of illiterate mechanicks and so far unknowing in the science and faculty of heraldry that they are to be looked upon in no higher consideration than mere day labourers. […] and use a public house which is commonly called the Heralds Office hired by them near the College of Armes », cité par W. A. D. Englefield, The History of the Painter-Stainers Company of London, Londres, Chapman and Dodd, 1923, p. 119.
73 « I heard he was an Oxonian. Yes saye he, I was six years a Gentleman Commoners of New College. He said he was very curious. That he had a collection of seals, […] That he knew Martin Folkes the president of ye Royal society […] he likewise told us he had a park and a great many deers […], that the Dukes and Lords often came and stayed at his house », Heraldo Memoriale…, op. cit., p. 89.
74 Un Garter, Edward Walker, se plaint en vain des prétentions de l’Earl Marshall: « [He] has been debarred his ancient right of granting supporters to the nobility without earl Marshal’s consent », Munimenta Heraldica…, op. cit., p. 63.
75 « He [Smedley] was stranger in the country waiting acquaintance and light in the purse made him little respected », Heraldo Memoriale…, op. cit., p. 28, Letters on the claims.
76 Voir, par exemple, les condamnations de George Rotheram et William Dethick en juin 1597, de Sir Henry St George et John Philipot en 1638. A Catalogue of the Earl Marshal’s Papers at Arundel Castle, éd. F. W. Steer, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », vol. 115-116), 1964, p. 1, 79.
77 D. Woolf, The Social Circulation of the Past…, op. cit., p. 106, indique qu’environ quatre mille grants of arms environ furent accordés entre le début du règne d’Élisabeth et la guerre civile.
78 Visitation of London, 1568, éd. S. W. Rawlins, Londres, 1963, p. vii.
79 M. Bouquet, « Family Trees and Their Affinities: The Visual Imperative of the Genealogical Diagram », The Journal of the Royal Anthropological Institute, vol. 2, no 1, 1996, p. 59.
80 The visitation of Somerset and the city of Bristol, made by Sir Edward Bysshe, éd. G. D. Squibb, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », n. s., vol. 11), 1992, p. vi.
81 P. Styles, dans « The Heralds’ Visitation of Warwickshire, 1682-3 » (op. cit.), a minutieusement reconstitué le travail réalisé, en amont de la visitation, par Gregory King pour établir la liste des personnes à convoquer pour la visitation à partir des listes de l’impôt sur les feux (hearth tax) et des listes des franc-tenanciers (freeholders) du comté, susceptibles de voter aux élections ou d’être convoqués pour participer aux jurys des Quarter Sessions ou des Assizes.
82 The visitation of the county of Rutland, begun by Fran. Burghill, Somerset, and Gregory King, éd. W. H. Rylands et W. B. Bannerman, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », vol. 62), 1922, p. xxxv ; The visitation of London begun in 1687. Based on the earlier work by J. L. O. Holden and G. D. Squibb, éd. T. C. Wales et C. P. Hartley, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », n. s., vol. 16), 2004, p. xlii.
83 P. Sherlock, « The reformation of memory in early modern Europe », dans S. Radstone et B. Schwarz (dir.), Memory: Histories, Theories and Debates, New York, Fordham University Press, 2010, p. 30-31.
84 P. Styles, « The Heralds’ Visitation of Warwickshire, 1682-3 », op. cit., p. 118.
85 Visitation of Nottinghamshire begun in 1662 and finished in 1664. Made by William Dugdale, Norroy King of Arms, éd. G. D. Squibb, Londres, Harleian Society (coll. « The Publications of the Harleian Society », vol. 15), 1986.
86 Voir l’exemple de John Harris, The History of Kent, in five parts…, Londres, D. Midwinter, 1719, décrit dans F.-J. Ruggiu, Les élites…, op. cit., p. 50.
87 Le caricaturiste Thomas Rowlandson, dans son tableau de la Court of Chivalry, de 1809, souligne bien le caractère mondain des séances publiques de vérification de pedigrees. Issu du petit artisanat de la City, l’artiste montre le caractère dérisoire et ridicule de cérémonies attirant un petit attroupement d’aristocrates bedonnants (figure 28).
88 C. E. Wright, « The Elizabethan Society of Antiquaries and the Formation of the Cottonian Library », dans F. Wormald et C. E. Wright (dir.), The English Library before 1700, Londres, Athlone Press, 1958, p. 177-197.
89 S. Pearce (dir.), Visions of Antiquity…, op. cit.
90 Sur la nature de cette collaboration, on se reportera à F. J. Levy, « The making of Camden’s Britannia », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, vol. 26, 1964, p. 70-97; W. H. Herendeen, William Camden: A Life in Context, Woodbridge, Boydell, 2007.
91 E. Prince, « A Monumental Irony », Coat of Arms, 2e s., vol. 9, no 2, 1991, p. 110-115.
92 S. Jettot, « Les vaincus des guerres civiles : exil et réinvention de soi dans la gentry jacobite irlandaise (XVIIe-XVIIIe siècle) », à paraître en 2014.
93 W. Rockett, « Britannia, Ralph Brooke and the Representation of Privilege in Elizabethan England », Renaissance Quarterly, vol. 53, no 2, 2000, p. 474-499.
94 A Discoverie of Certaine Errours Published in Print in the Much Commended Britannia. Very Prejudiciall to the Discentes and Successions of the Auncient Nobilitie of this Realme, Londres, 1599.
95 A Discoverie of Errours in the first Edition of the Catalogue of Nobility, Published by Raphe Brooke, York Herald, 1619.
96 A New Ballad Made of a High and Mighty Controversy between Two Cheshire Knights (1673). Tracts written in the controversy respecting the legitimacy of Amicia […] by Sir Peter Leycester and Sir Thomas Mainwaring, éd. W. Beamont, Manchester, Chetham Society, 1869.
97 R. Sweet, « Antiquaries and Antiquities in Eighteenth-Century England », Eighteenth-Century Studies, vol. 34, no 2, 2001, p. 181-206; S. F. Badham, « Richard Gough and the Flowering of Romantic Antiquarianism », Church Monuments, vol. 2, 1987, p. 32-43.
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