Pureté de sang et culture généalogique dans l’Espagne moderne
p. 191-211
Texte intégral
1Entre 1694 et 1697, Luis de Salazar y Castro (1658-1734), le « prince des généalogistes », rédigeait les quatre volumes de l’Historia genealógica de la Casa de Lara justificada con instrumentos, y escritores de inviolable fe, dans laquelle il retraçait, à grand renfort de références documentaires, blasons, tableaux généalogiques et annexes justificatives, l’histoire de l’un des principaux lignages de Castille. L’ouvrage est représentatif de l’œuvre monumentale de ce ministre du tribunal inquisitorial de Tolède, membre du Conseil des Ordres militaires et chroniqueur général d’Espagne et des Indes chargé de la Bibliothèque royale. Ses traités, alternant arbres, notices biographiques et héraldique, témoignent de l’enracinement de la culture généalogique en Espagne et du tournant que constituent, en ce sens, les XVIe et XVIIe siècles. Portée par le poids des Ordres militaires et la faveur des statuts de pureté de sang, la généalogie intéresse bien au-delà des cercles nobiliaires, puisqu’elle finit par concerner quotidiennement l’ensemble de la population qui manifeste une conscience aiguë de son importance1. Alors que les élites se lancent dans la quête mythique d’ancêtres fondateurs, il s’opère une véritable inflation généalogique par laquelle se re-fabriquent des ascendances suspectes. Ainsi se forme une armée de généalogistes, spécialistes tels que Salazar y Castro et à maints égards l’Inquisition elle-même, ou amateurs contraints de fournir des preuves de pureté de sang pour intégrer une institution ou accéder à une charge.
2Nous étudierons donc les fondements de cette demande croissante de preuves, pour approcher ensuite les pratiques savantes de la généalogie et ses usages ainsi que les manipulations à l’œuvre, avant de considérer, pour finir, les relations des minorités culturelles et religieuses avec cette culture généalogique dominante.
Une demande croissante de preuves généalogiques
3Loin de reposer sur la seule institution des statuts de pureté de sang, cette inflation se fonde également sur un renforcement de la conception héréditaire de la noblesse. Ce processus survient alors que cette dernière connaît un profond renouvellement entre le XVe et XVIe siècle suscité, d’un côté, par le recul du pouvoir politique des grandes maisons et, de l’autre, par la montée d’une nouvelle noblesse, dite urbaine, née de la fonction anoblissante des charges supérieures et du service du roi et, pour une minorité, de la marchandise et de la finance2. En 1700, seuls 10 % de la noblesse titrée (títulos) descendent de lignages présents en 1550. Or c’est à la fin du XVe siècle que les tribunaux de l’hidalguía (Cámaras de Hijosdalgos) qui gèrent la validation des preuves de noblesse sont instaurés dans les chancelleries de Valladolid et de Grenade. Mais si, au début du XVIe siècle, la justification de l’ancienneté de la noblesse (en lignée masculine, légitime ou non) est limitée à trois générations pour le lignage paternel, elle est ensuite élargie au côté maternel et tend à remonter de plus en plus loin, jusqu’à six générations en arrière. Le principal champ du renforcement de cette conception héréditaire est le premier niveau de la noblesse, l’hidalguía3, qui représente près de 90 % de l’ensemble et se distingue suivant les modes de reconnaissance4.
4Comme pour la pureté de sang, les garanties exigées, jusqu’à la deuxième moitié du XVIIe siècle lorsque l’ajout de documents se généralise, sont essentiellement des témoignages, écrits ou oraux. La réputation est en conséquence capitale : ni le roi ni les municipalités – à travers les padrones (recensements des vecinos5) – n’anoblissent, ils se contentent de constater une noblesse existante. Le roi ne concède d’ailleurs l’hidalguía qu’au sens de privilège fiscal et parce qu’une noblesse préalable le justifie. L’importance de cette considération sociale, qui précède la consécration juridique, explique peut-être qu’il n’y ait pas de définition unifiée de la noblesse jusqu’au XVIIIe siècle, même si elle semble plus légalement instituée en Aragon qu’en Castille6. Un Mémoire de 1600 attribué aux Cortes de Castille montre l’incidence de la réputation pour la reconnaissance de l’hidalguía et la complexité de liens entre noblesse et pureté de sang :
« parce qu’en Espagne il y a deux genres de noblesses, une majeure qui est l’hidalguía, et une autre mineure qui est la pureté [limpieza], qu’on appelle vieux-chrétiens. Et bien qu’il soit plus honorable de détenir la première, l’hidalguía, il est beaucoup plus infamant de manquer de la seconde : parce qu’en Espagne on estime plus un homme pechero [qui paie le pecho, l’impôt] et pur qu’un hidalgo qui n’est pas pur […] Le second type de noblesse, que l’on appelle pureté, est en effet une chose qui en Espagne est jugée métaphysiquement. Parce que le fait d’être vieux-chrétien n’a pas de fondement fixe comme l’hidalguía, mais seulement la réputation et l’opinion commune que tous me tiennent pour vieux-chrétien. Et, au contraire, si dix ou douze [personnes] disent qu’elles ne me tiennent pas pour vieux-chrétien, et même si mille ou deux mille disent le contraire, je ne suis pas vieux-chrétien. Car il ressort que pour mille personnes que l’on considère comme n’étant pas vieux-chrétiens, pour aucune on ne connaît de défaut positif [preuve avérée], que ni lui ni ses ancêtres aient été condamnés ; mais seulement, qu’on ne les a pas tenus pour tels7. »
5Les études récentes ont établi que les preuves (ou « actes positifs ») fournies devant les tribunaux sont fréquemment stéréotypées et, surtout, fausses. Elles reflètent, en définitive, la capacité des individus à mobiliser certains recours (argent, réseaux, faveur royale) et, au-delà, leur prospérité matérielle8. Plus la noblesse se ferme durant le XVIIe siècle, plus l’argent permet de l’acquérir, grâce à l’achat de témoins, de généalogistes, d’offices municipaux donnant accès aux padrones ou de propriétés dans les villes et villages exemptés. Face aux nouveaux venus et à l’ascension d’une partie des élites, celles-ci aspirent à assouvir leur « besoin d’éternité » et à entretenir la fiction de leurs origines prestigieuses à travers la manipulation et la falsification des généalogies9.
6L’insistance sur l’hérédité amène à valoriser le patronyme (apellido) qui devient d’ailleurs, on y reviendra, l’un des principaux champs de la manipulation généalogique. Alors qu’au début du XVIe siècle, le système onomastique reposait encore sur le libre choix dans un stock familial large, il tend à se restreindre. Au XVIIe siècle, la transmission du patronyme, tout en restant flexible et sans règle clairement définie, se généralise pour mieux insister sur la continuité familiale10, au point d’être incorporée au majorat et imposée aux héritiers successifs. Notons que le majorat, l’un des marqueurs de la noblesse11, apparaît, à l’instar des chapellenies (et des messes récitées pour le fondateur), comme l’un des principaux vecteurs de la mémoire lignagère puisqu’il rappelle constamment le souvenir de l’ancêtre fondateur et le lieu d’origine (solar) de la famille12.
7Mais, face à l’extension numérique et à la dévalorisation de l’hidalguía par l’intégration de nouveaux venus, souvent d’origine judéoconverse, et la paupérisation d’une partie de ses membres, le poids de la limpieza s’accentue à la fin du XVIe siècle. Dans les procès en hidalguía, le plaideur doit désormais démontrer que sa casta – terme qui remplace peu à peu celui de linaje – est pure. Cette insistance confère une nouvelle importance aux enquêtes de pureté dont le prix augmente notablement entre le XVIe et le XVIIe siècle, formant un barrage pour les moins fortunés. Or elles font en même temps figure d’enquêtes de noblesse : l’objectif est de déterminer la noblesse de sang, puisque l’hidalguía « légale » n’est plus un marqueur suffisant13. Paradoxalement, cette insistance sur la limpieza, porteuse d’honneur, a pu favoriser l’entrée dans la noblesse de roturiers reconnus de sang pur – on verra le cas des Basques –, faisant émerger une « contre-noblesse populaire » (Augustin Redondo).
Le stigmate des origines : statuts de pureté de sang et Saint-Office
8Adoptés par les principales institutions de la Monarchie (Saint-Office, Ordres militaires, collèges majeurs, etc.) à partir des années 1550, les statuts de pureté de sang, qui ont pris corps au XVe siècle14, ont instauré une frontière interne à la population : entre vieux- et nouveaux-chrétiens, c’està-dire les convertis (juifs et musulmans surtout) et leurs descendants et/ou ceux qui ont été condamnés par l’Inquisition. La stigmatisation des nouveaux-chrétiens est donc double, liée au sang et à la condamnation par le Saint-Office, deux facteurs qui finissent par se confondre et renvoient à l’hérédité des qualités physiques et morales. Or, on l’a dit, la pureté est devenue, à partir du XVIIe siècle, un classificateur aussi central que l’hidalguía. L’évolution se lit dans l’enquête à laquelle sont soumis les futurs ministres du Saint-Office. À partir de 1569, on requiert six (douze en 1605) témoins vieux-chrétiens dans chaque localité dont viennent les branches de la famille du candidat. Les inquisiteurs doivent en outre, dès 1602, vérifier dans les archives du Saint-Office, spécialement dans les généalogies de nouveaux-chrétiens dressées dans la première moitié du XVIe siècle, que les noms de famille cités par le candidat ne s’y trouvent pas15. En définitive, Jean-Pierre Dedieu le souligne, une enquête réussie « crée » la limpieza autant qu’elle la constate, ce qui explique que ce type de procédure ait été limité à certaines périodes. Par exemple vers 1621-1623, sous l’égide du comte-duc de Olivares qui fixe la règle des trois « actes positifs » : trois preuves de qualité reconnues par les principales institutions suffiront à prouver la pureté d’un individu et de ses descendants directs sans nécessité d’une nouvelle enquête. Reste que ces enquêtes et la multiplication des témoins entretiennent la mémoire généalogique : elles incitent les individus tant à mobiliser cette culture qu’à se construire un savoir généalogique. Elles jouent, plus largement, le même rôle que la confrontation au Saint-Office.
9L’inquisition, fondée en Espagne en 1478 et qui repose sur une multiplicité de tribunaux à travers la monarchie et son empire, a un rôle central dans la formation de cette conscience généalogique. Les procès, en particulier pour les judéoconvers, débutent ainsi par un « récit de vie » et l’énumération des ascendants, des collatéraux et des enfants et de leurs lieux de vie par l’accusé. De sorte que, d’un point de vue mémoriel, il y a un avant et un après procès, quelle qu’en soit l’issue. En cas de condamnation, la mémoire de l’infamie d’un individu et, au-delà, de son lignage est perpétuée par le sambenito. Ce scapulaire, revêtu par le condamné, désigne en effet également le morceau de toile, suspendu dans les églises, sur lequel sont indiqués son nom, sa sentence et la peine infligée. Si les inquisiteurs s’attachent à la généalogie, c’est notamment parce que, pour les délits de foi, l’origine et les liens de parenté contribuent à prouver la culpabilité d’un individu et les incitent à identifier des pratiques jugées déviantes avec un délit plutôt qu’un autre : les mêmes éléments seront qualifiés de crypto-judaïsme ou d’islamisme suivant qu’il s’agisse d’un judéoconvers ou d’un morisque16. Aussi reconstituent-ils les généalogies des accusés en se renseignant auprès des autres tribunaux ibériques. Cet intérêt s’accroît au XVIIe siècle, lorsque le Saint-Office devient l’un des principaux instruments de validation de la limpieza et, plus encore, au siècle suivant, le contrôle des preuves de pureté formant alors l’essentiel de son activité. En outre, l’obtention d’une charge inquisitoriale (la familiature notamment17) plaidant en faveur de la pureté d’un individu puis de sa famille, elle représente une étape privilégiée du processus de recréation des origines des lignages « infectés » (infectados). Cela explique que les archives inquisitoriales aient eu un rôle central pour les généalogistes puis pour les historiens sur qui elles ont exercé une véritable fascination, qu’ils travaillent sur la famille, la noblesse ou les minorités religieuses.
10À l’image du Saint-Office, les Ordres militaires examinent et valident noblesse et limpieza, constituant une instance et une ressource documentaire fondamentales dans la culture et les pratiques généalogiques. Tout futur chevalier fait en effet l’objet d’une enquête de pureté par l’ordre auquel il aspire (Santiago, Calatrava, etc.), ensuite entérinée par le Conseil des Ordres militaires, créé en 1499 et formalisé en 1523. Comme pour le Saint-Office, cette enquête, effectuée aux frais du candidat, prend peu à peu de l’ampleur. Au XVIIIe siècle, elle mène les enquêteurs sur les pas des arrière-grands-parents, interrogeant une douzaine de témoins dans chacune de leurs localités d’origine et rassemblant quantité de documents, dans les registres paroissiaux, les actes notariés ou les délibérations municipales18. La chevalerie, caution de noblesse et de limpieza, est un recours d’autant plus recherché pour « nettoyer » un lignage que, dans l’imaginaire collectif hispanique, elle est liée à la Reconquête. Or les héros de la lutte contre l’Islam sont alors les ancêtres les plus prestigieux qui soient, par leur valeur militaire et la défense de la foi. Si les généalogies fabuleuses, fréquentes au Moyen Âge, sont assez rares pour la période moderne, la Reconquête apparaît comme l’élément incontournable des nobiliaires à travers certaines figures telles que le Cid (Rodrigo Díaz de Vivar), mort en 1099, célébré par le Cantar de mio Cid, chanson de geste du XIIe siècle. Témoin de cet engouement, le Cardinal Mendoza, Pedro González de Mendoza (1428-1495), qui nomme son fils aîné Rodrigo Díaz de Vivar y de Mendoza et change le nom de son château en « du Cid » afin qu’il puisse prendre le titre de comte du Cid19.
11De cette importance des Ordres pour la culture généalogique atteste l’œuvre de Salazar y Castro, notre exemple liminaire20. Chevalier et procurador general (mandataire) de celui de Calatrava, commandeur de la riche encomienda de Zurita, il consacre sa vie à défendre les privilèges des Ordres. Ses quelque trente traités d’héraldique et de généalogie, fondés sur les enquêtes des futurs chevaliers de Calatrava, qu’il a entièrement archivées21, s’inscrivent dans ce cadre. C’est cet attachement, autant que les avantages qu’il lui a apportés, qui éclaire son travail. Car, professionnels ou amateurs, la recherche généalogique n’est pas gratuite : elle se justifie par les nombreux usages qui en sont faits dans la société espagnole des XVIe-XVIIIe siècles.
Les pratiques savantes de la généalogie et ses usages : du traité au procès
12Souvent issus d’une petite noblesse peu fortunée, les généalogistes usent de leur savoir comme ressource pour obtenir des faveurs, de manière spontanée ou auprès de commanditaires. Ainsi Salazar y Castro rédige-t-il une Justificación de la Grandeza de primera clase que pertenece a D. Fadrique de Toledo Osorio, VII marqués de Villafranca, en 1699, au terme d’une longue recherche dans les archives financée par le marquis, qui aspire au statut de Grand. Certes, des professionnels tels que Salazar y Castro bénéficient de leurs positions, qu’ils soient historiographes de Cour ou secrétaires du Saint-Office, pour accéder aux archives. Ce fut le cas d’Alonso López de Haro, historiographe de Philippe IV, à l’heure d’établir son Nobiliario genealógico de los reyes y títulos de España, premier répertoire général imprimé des principales familles nobles paru en 1622.
13On relève chez ces érudits le souci de s’appuyer sur des preuves avérées et des documents authentiques, comme le montrent l’ampleur de la bibliothèque spécialisée et les innombrables feuillets et recueils accumulés par Salazar y Castro22. Le fonds éponyme à l’Académie royale de l’histoire, à Madrid, compte près de quatre-vingt mille documents, datant du Moyen Âge (du XVe siècle surtout) à sa mort en 1734, en partie collectés dans les archives qu’il a fréquentées à travers l’Espagne lorsqu’il officiait pour l’ordre de Calatrava. Une autre partie pourrait provenir des collaborations qu’entretiennent les généalogistes entre eux. Pour preuve ce « Brouillon de l’attestation de ce qu’il ressort des chroniques et nobiliaires sur la noblesse et la généalogie des noms Velázquez et Minaya, de la bourgade de Madrigal », manuscrit autographe de José Pellicer de Tovar y Ossau (1602-1679) conservé, avec d’autres écrits de l’historien et philologue, cronista mayor de Castille puis d’Aragon, et lui-même auteur d’un traité de généalogie, dans le fonds Salazar y Castro. Nombre de généalogistes fonctionnent d’ailleurs par ajouts et corrections des œuvres de leurs prédécesseurs comme l’illustre le Nobiliario más copioso de Diego Hernández de Mendoza, comentado y añadido originalmente por Juan de España, rey de Armas de Phelipe II, dont le manuscrit autographe se trouve également dans le fonds23.
14Reste que chez Salazar y Castro, comme chez d’autres, s’exprime une tension entre la volonté affichée d’utiliser des preuves, des documents avérés, et le recours à la manipulation. Ainsi Salazar y Castro, très critique envers ses confrères, à l’exemple d’Andrés de Morales y Padilla, auteur d’une Histoire de Cordoue (1620) où il relève qu’« à cause de son désir de satisfaire la vanité des chevaliers de Cordoue ou parce que comme ces livres n’ont pas été imprimés ceux qui les ont copiés les ont modifiés [viciado], il contient de grandes affabulations24 », n’hésite pas lui-même à omettre les taches qui parsèment les grands lignages.
15Cette tension ressort plus encore chez les généalogistes amateurs, des particuliers, dont la pratique est plus occasionnelle que celle des professionnels, les « oligarques généalogistes » (Enrique Soria Mesa) qui veulent mettre en valeur la grandeur de leur maison et dissimuler des mésalliances. Si leurs textes circulent généralement en manuscrit, certains sont édités à l’image de l’Epitome de la descendencia de la Casa de Carrillo, desde que vinieron a España y desde que tomaron este apellido, y algunos casamientos que han hecho en la Casa Real de Castilla, y de las Casas Reales que descienden de él, y de los varones ilustres de este linaje y apellido…, que Alonso Carrillo Laso de Guzmán, alguacil mayor de l’inquisition de Cordoue, publie à Lisbonne en 1639. Parmi ces amateurs, les linajudos (férus de généalogie) ont marqué l’historiographie et, sans doute, les contemporains. Examinant officieusement les généalogies de la noblesse, notamment grâce aux enquêtes sur les futurs chevaliers, ils recherchent les preuves de leur origine « impure » et monnayent ensuite leur silence. S’affirmant les gardiens de la mémoire des familles au sang maculé, ils apparaissent fréquemment dans les listes de témoins et les tachas de testigos, ceux que l’accusé désigne comme ses ennemis – et dont les déclarations peuvent donc être invalidées25. On mentionne plusieurs de ces personnages à Cordoue, en 1685, « qui se nourrissent et s’habillent en faisant des vieux-chrétiens [con hacer cristianos viejos] et c’est pourquoi le tribunal a décrété de ne considérer aucun d’entre eux car ce sont de faux témoins payés [testigos falsos pagados]26 ».
16À mi-chemin entre savants et amateurs, les Reyes de Armas, chargés de valider les blasons, ont une certaine audience dans la population même si leur fonction officielle s’est fortement réduite depuis le Moyen-Âge – on ne saurait les comparer au College of Arms britannique. Ceux qui aspirent à passer pour nobles les sollicitent pour créer des blasons qu’ils reproduisent dans leur intérieur et sur leurs biens afin d’asseoir l’ancienneté de leur lignage.
17L’action conjointe de ces généalogistes savants et amateurs participe du développement de deux types de textes : les nobiliaires et les livres verts (libros verdes) ou tizones (souillures, tisons). Le XVIe siècle voit en effet le développement des nobiliaires qui connaissent leur âge d’or au siècle suivant. Il est d’ordinaire difficile d’y démêler la dimension historique de la volonté probatoire voire judiciaire, surtout avec la montée en force de la limpieza. Nombreux se cantonnent à une province, telle La Nobleza de Andaluzia de Gonzalo Argote de Molina, en 1588, ou à une famille, tel le Compendio de la antigua familia de los Girones de Gerónimo Gudiel, en 1577. L’un des premiers à s’intéresser à l’ensemble de la noblesse castillane est celui de l’historien et chroniqueur du roi Esteban de Garibay, Grandezas de España ; noticias de los títulos y casa ilustres…, vers 1590, inclus dans un projet plus vaste intitulé Ilustraciones Genealógicas de los Catholicos Reyes de las Españas, y de los christianissimos de Francia… (1596). Les manuscrits de Garibay ont été largement exploités par les généalogistes postérieurs, jusqu’aux volumineux nobiliaires du XIXe siècle, tels que le Diccionario histórico-genealógico y heráldico… en 8 volumes (1859-1866) de Luis Vilar y Pascual, ou La Historia genealógica y heráldica en 9 volumes (1897-1912) de Francisco Fernández de Bethencourt. La forme de prédilection de ces traités est la notice biographique individuelle ou familiale, relatant les hauts faits, les charges occupées et les alliances matrimoniales – sans insistance particulière sur les liens avec la dynastie régnante –, entrelacée avec des tableaux de parenté horizontaux (árboles de costados) n’indiquant que les lignes directes. Et, lorsque l’ascendance n’est pas assez glorieuse, ce sont les descendants qui sont mis en avant dans des arbres descendants, une méthode très employée par Salazar y Castro. L’impératif visuel de l’arbre semble toutefois moins s’imposer que dans le reste de l’Europe27. Dans les imprimés, les éléments graphiques (portraits, blasons, etc.) sont relativement rares. Lorsque les blasons sont évoqués, ils sont décrits mais non reproduits, probablement par économie car ce n’est pas le cas dans les manuscrits. Le Libro de los linajes más principales de España de Diego Fernández de Mendoza (vers 1500), par exemple, est orné d’écussons d’armes en couleurs28, à l’image des enquêtes officielles qui adoptent le système des médaillons.
18Les livres verts et tizones (ou luceros) représentent un autre genre de littérature généalogique, d’ordinaire manuscrite et anonyme, qui recense les généalogies déshonorantes, les « taches » (manchas) que sont une mauvaise alliance, une bâtardise ou un élément nouveau-chrétien. Ainsi celui que rédige un avocat de Loja (Grenade), le licencié Montenegro, un homme « si féru de généalogie [hombre tan linajudo] qu’il avait écrit un livre sur tous les lignages dans lequel étaient consignés en tant que tels des juifs et des roturiers [villanos] à toutes les lignes29 ». Ces textes s’appuient sur les testaments, les contrats de mariage et les archives du Saint-Office, accessibles aux auteurs qui y ont souvent des fonctions. Deux exemples sont habituellement évoqués. D’un côté, le Libro verde de Aragón, largement diffusé, et dont on conserve plusieurs manuscrits du milieu du XVIe siècle. Inventoriant près de deux mille cinq cents personnes, l’ouvrage a été employé par le pouvoir royal comme « machine de guerre » contre les autonomismes aragonais et portugais qui ont été discrédités par une ascendance judéoconverse30. De l’autre, El Tizón de la Nobleza española o máculas y sambenitos de sus linajes (vers 1560), du cardinal Francisco de Mendoza y Bobadilla, évêque de Burgos, dont le contexte d’écriture est assez révélateur. Quand son neveu, fils du marquis de Cañete, se voit refuser l’entrée dans un ordre militaire par le Conseil des Ordres, qui met en doute la pureté de son lignage – les Cabrera-Bobadilla sont notoirement d’ascendance judéoconverse –, l’offense est ressentie par l’ensemble de la famille. C’est pourquoi le Cardinal présente au roi le Tizón, où il démontre, avec quelque ironie, l’impureté des ancêtres d’une partie de la noblesse castillane : les illustres Portocarrera seraient issus d’un maure de Cordoue converti lors de la prise de Tolède, d’autres du trésorier de la reine Urraca de Castille, le judéoconvers Ruy Capón, d’autres encore d’une fille de mauvaise vie, Isabel Droklin, concubine de l’évêque Pedro de Castille et fille d’un charpentier anglais et d’une juive, etc. Bobadilla ne se contente donc pas de contredire les allégations contre sa famille ; il souligne combien l’imposture est généralisée dans la société espagnole, confirmant qu’il s’agit bien là d’une fiction « consciente » (Enrique Soria Mesa)31.
19Dernier type d’écrits généalogiques, les histoires locales, notamment urbaines (historias ciudadanas), qui fleurissent au Siècle d’Or en Espagne – comme dans le reste de l’Europe –, comportent une partie sur les principaux lignages régionaux, légitimant leur prééminence dans les institutions municipales ou effaçant certaines de leurs « taches »32. Elles rejoignent la tendance des traités généalogiques qui, on l’a vu, affichent leur ancrage local, souvent sous le patronage des élites du lieu33. Ainsi les autorités municipales de Murcie ont-elles activement participé à la rédaction des Discursos históricos de la muy noble y muy leal ciudad de Murcia y su reino, publiés par Francisco de Cascales en 1621. Dès 1608, elles composent une commission spécifique, appuyant Cascales pour ses recherches, et établissent une liste des « chevaliers et hidalgos d’importance » – les principales familles du Conseil municipal – dont les généalogies devaient figurer dans l’ouvrage. Celui-ci a été édité grâce à un impôt spécifique tandis que son auteur obtenait le titre de « chroniqueur de la ville »34.
20Ces différents types de textes, dont on a dit la dimension sinon offensive et offensante du moins probatoire, ont périodiquement subi des mesures de censure, à l’instar du Libro verde de Aragón que l’Inquisiteur général interdit et ordonne de brûler en 1623. Pourtant, ils continuent d’être diffusés et utilisés en justice jusqu’au XVIIIe siècle. Les procès et enquêtes de noblesse et de pureté font en effet aussi bien appel aux livres verts qu’aux nobiliaires rédigés par des généalogistes professionnels. Lorsque José de la Cabra brigue une charge de ministre du Saint-Office auprès du tribunal de Saragosse, en 1627, on allègue que « la réputation est mauvaise, et tous les livres verts indiquent comme une chose certaine que les Cabra descendent d’une même souche [tronco] de judéoconvers », en l’occurrence les Caballería. Les ecclésiastiques signalent qu’ils ont consulté leur propre exemplaire du Libro verde de Aragón qui n’a, soutiennent-ils, « pas autant d’erreurs [engaños] que les autres qui se trouvent à la suite des généalogies, et qui ont pour cette raison été interdits35 ». Mais l’appui de l’Inquisiteur général et de l’oncle de la Cabra, inquisiteur de Séville, permet finalement à José d’obtenir la charge – puis d’intégrer l’Ordre de Calatrava. Quant au Nobiliario genealógico de los reyes y títulos de España (1622) d’Alonso López de Haro, historiographe de Philippe IV, il fut dès sa publication invoqué dans les procès au point que le Conseil de Castille dut décréter (en vain) qu’il ne ferait plus foi devant les tribunaux. Il en fut de même des ouvrages de Salazar y Castro, comme l’indiquent en 1689, les preuves fournies par le marquis de San Román, Melchor de Guzmán y Zúñiga, pour obtenir l’habit de Calatrava. Les informateurs mentionnent l’Historia Genealógica de la Casa de Silva de Salazar y Castro, alors que ce dernier comparaît en personne et cite ses propres travaux parmi les documents à l’appui de la demande36.
21Car les généalogistes, amateurs et professionnels, sont appelés à témoigner de vive voix. Ils participent en ce sens pleinement aux pratiques de falsification.
Entre effacement et recréation : l’invention des origines
22La falsification des origines et de leurs preuves mobilise un large secteur de la société espagnole, depuis les généalogistes, professionnels et amateurs, jusqu’aux officiers des tribunaux inquisitoriaux, en passant par les notaires et les détenteurs de charges municipales37.
23Les manipulations sont variées : falsification documentaire (création de faux testaments, modification des actes de baptême et de mariage, etc.) ou subordination de témoins38. Elles répondent d’ordinaire à des stratégies globales portant aussi bien sur la pureté de sang que sur les blasons ou le nom. Il s’agit par exemple de faire remonter tous ceux qui portent le même patronyme à un seul lignage, suivant l’idée que lignage et nom ne font qu’un. Cette technique est très usitée tant chez les généalogistes que dans l’ensemble de la population. On connaît le cas de Francisco de Quevedo y Villegas qui efface son patronyme paternel, « Gomez », au profit de celui de « Villegas », de sa grand-mère paternelle, de vieille noblesse, et délaissant celui de sa mère, « Santibañez ». L’écrivain forge ainsi sa généalogie à travers son nom pour se doter d’une noblesse de sang datant de la Reconquête39. Ces manipulations sont plus encore le fait des nouveaux-chrétiens. Certains complètent leur patronyme pour coïncider avec ceux de l’aristocratie comme les judéoconvers Córdoba qui deviennent Fernández de Córdoba. Les Córdoba, enrichis par le négoce à Jaen, s’installent à Grenade à la fin du XVe siècle et tendent à privilégier les unions avec des judéoconvers. Lorsqu’une branche revint à Cordoue, elle est cependant intégrée à l’élite locale en vertu de sa supposée glorieuse ascendance. D’autres familles n’ont qu’à rapprocher leur patronyme d’un lignage homonyme : lorsque les judéoconvers Davila, originaires d’Ecija, dont certains sont condamnés par l’Inquisition à la fin du XVe siècle, s’installent près de Grenade, ils se disent liés aux Davila, noblesse illustre de la ville d’Avila40. Le procédé est facilité pour les morisques qui ont souvent adopté les patronymes de hauts lignages locaux lors des conversions massives du début du XVIe siècle41.
24Certaines familles fortunées paient les généalogistes pour qu’ils leur consacrent un traité ou les incluent dans leurs reconstitutions, au sein d’une branche seconde d’un vaste lignage ou dans la postérité d’un enfant illégitime. Ainsi José Pellicer de Tovar fait-il descendre les Palencia, de Guadix, d’origine judéoconverse, d’une branche cadette des Cabeza de Vaca auxquels il consacre sa Genealogía de la noble y antigua Casa de Cabeza de Vaca, sacada del Teatro Genealógico de los Reyes, Grandes, Títulos y Señores de Vasallos de España (1652). En 1723, un descendant des Palencia, Francisco Antonio de Viedma Medina y Aróstegui, charge un autre généalogiste, Juan Altamirano y Carvajal, de rédiger l’histoire familiale (Discurso instrumental genealógico…), effaçant définitivement le souvenir de la macule judéoconverse42. De leur côté, dans les années 1770, les frères Pedro et Gregorio Enríquez, de la région de Baza, se prétendent issus de Luis Enríquez Xoaida, soi-disant né de la liaison d’Enrique Enríquez de Guzmán (mort en 1504), oncle de Ferdinand le Catholique, ayant combattu lors de la conquête de Grenade, gouverneur de Baza, avec María la Zarca, une maure récemment convertie. Cette légende serait née à l’extinction de la véritable lignée d’Enríquez de Guzmán. Xoaida, marchand prospère de la ville, ayant activement pris le parti de la Monarchie durant la guerre des Alpujarras (1568-1570), serait en fait né dans les années 1530 de parents morisques43.
25Quant aux blasons familiaux fabriqués, ils sont monnaie courante et particulièrement révélateurs des enjeux de l’invention des origines. Ainsi de celui des Oviedo, de Daimiel (Manche), tel qu’il est décrit aux enquêteurs de Philippe II dans les Relaciones topográficas (1575) :
« un portique à quatre piliers, et sur le portique une croix, un loup, un aigle et neuf hermines. Les quatre piliers sont les quatre colonnes de la foi, sur champ d’azur, symbole du zèle qu’ils eurent pour elle ; la croix, la bannière sous laquelle ils sont sortis de la grotte ; l’aigle survolant le loup, le gardien de la foi chrétienne ; le loup, la secte païenne qu’il détruisit ; les hermines, symbole de la pureté [limpieza] qu’ils eurent de tout temps et gardèrent lorsqu’ils conquirent l’Espagne en l’arrachant des mains de la chiourme mauresque [ morisma vileza], car l’hermine en vérité meurt plutôt que de se souiller et les Oviedo n’ont jamais rien mis au-dessus de leur foi et liberté. Ce blason leur fut donné lorsque l’infant don Pelayo reconquit l’Espagne44. »
26Les Oviedo descendent de judéoconvers qui ont servi d’informateurs à l’Inquisition contre les morisques dans les années 1540. Les quatre frères Oviedo (les « quatre piliers ») ont été en procès avec la municipalité pour faire reconnaître leur hidalguía. Leur blason est significatif : défense de la foi, qui plus est par la lutte contre le Maure (ici le loup), aux prémices de la Reconquête – sous le règne de Pélage le Conquérant (VIIIe siècle) –, pureté du lignage, et portique à quatre colonnes rappelant celui de l’écu de la ville d’Oviedo45.
27Les stratégies mises en œuvre associent plusieurs pratiques et acteurs. Manuel Cortizos (1606-1650), d’une famille de négociants judéoconvers venue du Portugal à la fin du XVIe siècle, asentistas (financiers-prêteurs) de la Couronne, adopte le patronyme de « Villasante » porté par un hidalgo castillan, époux d’une grand-tante – toute la lignée se fera appeler Cortizos de Villasante. Familier de l’Inquisition et chevalier de Calatrava, il rend divers services financiers au roi, donne des fêtes somptueuses à la Cour et se lie avec le comte-duc de Olivares. L’ascension de Manuel, devenu marquis de Villaflores, entraîne celle de sa parentèle : son beau-frère est fait marquis de Castrofuerte46. Les preuves fournies en 1649 au Conseil des Ordres sont éloquentes : l’un des témoins qui certifient que les parents de Manuel étaient tenus pour hidalgos de sang, sans raza de villanos et pour limpios cristianos viejos, n’est autre que Rodrigo Méndez de Silva, historiographe du roi et généalogiste reconnu – lui-même judéoconvers, en procès pour judaïsme en 1659, réconcilié en 1662 et décédé à Venise47. D’aucuns avancent que, à l’image de Méndez de Silva, nombre de généalogistes seraient d’origine judéoconverse ou, du moins, d’un lignage infamant, et trouveraient dans leur activité un moyen d’effacer leur opprobre. Ce serait le cas du Tolédan Jerónimo Róman de la Higuera (1538-1611), jésuite d’origine judéoconverse, auteur de fausses chroniques en lien avec les faussaires du Sacromonte, d’un Nobiliaire des familles de Tolède et d’un Tratado del Linaje de Higuera y apellidos Peña, Román48, ainsi que du poète humaniste de Murcie Francisco de Cascales (1563-1642), enfant naturel qui, dans ses Discursos sur Murcie, aurait épuré la plupart des quelque cent quarante lignages qu’il recense49.
28La mise en exergue de la pureté de sang dans la société hispanique des XVIe-XVIIIe siècles et la culture généalogique qui en découle ont ethnicisé les identités. Les populations que l’on peut qualifier de minoritaires, au sens où elles ont été singularisées comme telles par la société espagnole, ont dès lors été amenées à réagir à cette assignation, en la refusant ou, au contraire, en se l’appropriant, parfois en la détournant.
Les minorités aux prises avec la culture généalogique dominante
29S’il est une population qui a bénéficié de la valorisation de la limpieza, c’est bien celle du pays basque : l’incidence de la pureté a renforcé la prétention à la noblesse universelle de régions comme la Biscaye et le Guipuzcoa. Cette notion, qui émerge au Moyen Âge, repose sur la prétendue venue dans leur terre du patriarche biblique Tubal, petit-fils de Noé, qui serait à l’origine du peuplement de l’Espagne. Le sang des Basques, ayant vécu isolés des conquêtes de la Péninsule et dont la langue tranche par sa singularité, serait pur de tout mélange. C’est pourquoi les Basques s’affirment comme les vieux-chrétiens par excellence et, par suite, tous les habitants de ces provinces sont supposés tels50. Ce cas est révélateur de l’entremêlement entre pureté et noblesse : ils jouissent de l’hidalguía collective et de la pureté de sang originelle ; ce qui explique que les hidalgos y représentent entre 70 et 80 % de la population. La Biscaye et le Guipuzcoa ont pu faire confirmer l’hidalguía universelle de leurs habitants en 1526 et 1610 ou, du moins, de ceux qui sont nés ou descendent de personnes nées dans ces régions. L’exposition des preuves, qui attestent l’origine géographique et la provenance d’une maison (re)connue (solar conocido) par définition noble, se fait dans un tribunal spécifique de la Chancellerie de Valladolid.
30D’autres groupes, en revanche, tels que les judéoconvers et les morisques, repoussoirs de cette culture généalogique, semblent condamnés à la stigmatisation. Il est toutefois intéressant de voir comment ces populations, loin de rejeter ces marqueurs en partie construits contre elles, se les réapproprient, par des pratiques de défense et de manipulation des origines qui leur sont propres.
31Du côté des morisques, on sait qu’au terme de la conquête du royaume de Grenade, les élites issues des grands lignages nazaris (entre autres) demeurés dans la Péninsule ont gardé un statut spécifique, reconnu par les autorités espagnoles. Cette prééminence, qui allait de pair avec le statut d’hidalgo, leur permettait de porter des armes, d’épouser des femmes de la noblesse castillane et d’intégrer les Ordres militaires. Cette « noblesse morisque », qui rappelle celle des Amérindiens, émerge certes à une période durant laquelle les droits et obligations des morisques étaient en partie régis par les capitulations signées lors de la Reconquête et où le sang n’avait pas encore remplacé le rang dans la culture espagnole. Elle a plusieurs origines : leur appui durant la Conquête, leur conversion volontaire et leur rôle d’intermédiaires dans les relations avec les populations morisques51. Ainsi, Alonso de Granada Venegas y Rengifo fût chevalier de Santiago, veinticuatro de Grenade et alcaide du Generalife alors que sa lignée s’alliait à l’aristocratie castillane, notamment les comtes de Castro y Alonso et les Manrique de Mendoza. L’illustre origine de ces lignages morisques a été mise en exergue et investie par les opposants aux projets d’expulsion. C’est le cas de Ginés Pérez de Hita dans Las guerras de Granada, publiée entre 1573 et 1619. Dans la première partie, Historia de los bandos de los Zegríes y Abencerrages, caballeros moros de Granada…, voulant démontrer l’hidalguía des principaux lignages morisques de son temps, il brosse un vaste tableau généalogique qui les relie à la noblesse nazarie52. La glorification des origines se retrouve, dans un contexte politique similaire, dans les plomos du Sacromonte, tablettes de plomb gravées de dessins mystérieux, de caractères arabes et latins, découvertes sur la colline du Sacromonte, à Grenade, entre 1595 et 1599, auxquelles on associe un parchemin, des reliques et une image de la Vierge, vêtue à la morisque, apparus lors de la démolition de la Torre Turpiana, vestige de l’ancienne mosquée de la ville, en 1588. Les tablettes étaient censées contenir un cinquième évangile, celui de Barnabé, et les reliques appartenir aux disciples de saint Jacques (dont un Arabe converti au christianisme). Il s’agissait en réalité de faux créés par des morisques pour prouver la présence et la conversion des Arabes au temps des Apôtres. Se déclarant plus vieux-chrétiens et autochtones que les Espagnols « de sang pur », ils espéraient éviter l’expulsion qui s’annonçait. Déjà tenus pour des faux au XVIIe siècle (et condamnés par le pape), ils ont néanmoins été traduits tandis que les reliques étaient, elles, considérées comme authentiques53.
32Le procédé d’inversion, de « retournement du stigmate54 » qui vise à revendiquer une origine plus prestigieuse, un sang plus pur, donc en usant des catégories de l’Autre, se rencontre également chez les judéoconvers55. Comme pour les morisques, la dimension hérétique laisse bientôt place, avec la valorisation de la limpieza, à un processus d’ethnicisation du statut de judéoconvers. Ceux-ci adoptent diverses attitudes, parfois contradictoires et fréquemment combinées au sein d’une même famille. Beaucoup tentent d’effacer leurs origines en adoptant les marqueurs du vieux-chrétien et, souvent conjointement, de l’hidalguía : modes de vie fastueux, achat de lettres d’anoblissement, union avec des filles d’hidalgos, entrée dans une confrérie ou un ordre militaire, emploi du titre don, dont l’usage n’est pas encore fixé56, utilisation d’armoiries et, on l’a vu, usurpation des patronymes de la noblesse. Enfin, l’intégration dans les instances municipales peut permettre d’être enregistré sur les rôles fiscaux comme hidalgo – ce qui ne garantit en rien, bien sûr, d’en acquérir la réputation. La chancellerie de Grenade a ainsi été largement investie par les judéoconvers entre les XVIe et XVIIe siècles57.
33Ces stratégies d’effacement cohabitent avec une culture généalogique proprement crypto-judaïsante. Loin de sortir de la classification qui les stigmatise, les marranes se présentent comme les nobles véritables, dont le sang est transfiguré par l’antiquité du peuple juif. Un « honneur ethnique58 » et une noblesse que même la macule de la marchandise, leur profession attitrée à partir du XVIe siècle, ne peut réduire à leurs yeux. Cette hidalguía marrane se manifeste dans l’institution de généalogies fabuleuses qui les font descendre des figures de l’histoire hébraïque, David en particulier, des ancêtres mythiques qui accomplissent le « rêve de l’ancêtre unique », symbole d’enracinement59. À la suite des juifs de l’Espagne médiévale, les crypto-judaïsants se disent issus des tribus de Juda et de Benjamin, des Lévites ou des dix tribus perdues, associant désir d’immortalité, antiquité et destin messianique. La noblesse ancestrale, ou « aristocratie de l’antériorité » des marranes, s’ajoute à l’affirmation d’une pureté de sang spécifiquement juive. Ainsi Diego de Madrid, des environs de Cuenca, en procès pour crypto-judaïsme en 1492, aurait soutenu que le « sang des juifs était bon et pur et que les juifs étaient de sang royal […] c’est parce que le sang des juifs était si pur que Dieu avait choisi Notre Dame pour son incarnation60 ». Cette valorisation du sang se manifeste dans les alliances matrimoniales, qui privilégient (mais non exclusivement) l’endogamie. Chez les chuetas, crypto-judaïsants de Majorque, ceux qui contractent une union mixte sont qualifiés de « mal mélangés » et leurs enfants, de « pommes-pêches », appellation dépréciative, tandis qu’un système de compensation pécuniaire dédommage ceux qui épousent des chuetas ayant des ascendants vieux-chrétiens61.
34Cette noblesse se fonde également sur la revendication d’une forme d’autochtonie ou, du moins, comme chez les morisques, d’une présence ancienne sur le sol ibérique. Cette allégation est particulièrement significative chez les judéconvers puisque, dès le XVIe siècle, ils sont désignés comme Portugais, qu’ils soient ou non venus du Portugal et même après plusieurs générations en Espagne. Cette présence ancienne, déjà postulée par les juifs médiévaux, remonterait à la destruction du Premier (587/586 avant J.-C.) ou du Second Temple de Jérusalem (70 après J.-C.). Notons que la référence à l’antiquité et à la noblesse des marranes se retrouve dans la diaspora séfarade. En 1679, Isaac Cardoso, crypto-judaïsant madrilène converti au judaïsme à Vérone, avance, dans Las Excelencias de los Hebreos, que « les Hébreux étant très nobles de sang et d’un lignage très ancien de trois ou quatre mille ans […] par leur antiquité, leur pureté et leur détachement, ils sont le peuple le plus noble de la terre ». Certains prétendent descendre de prestigieuses familles juives de l’Espagne médiévale, formant une sorte d’aristocratie séfarade dont ils reprennent les noms lors de leur conversion au judaïsme. D’autres déclarent appartenir aux noblesses ibériques, à l’instar du Lisboète Diogo Texeira, qui obtient en 1643 le droit d’arborer le blason des Texeira de Sampaio qu’il conserve, en remplaçant la croix par un arbre, après sa conversion à Hambourg en 1647. Dans le même temps, se disant issu d’une grande lignée du judaïsme hispanique, il prend le nom d’Abraham Senior, dernier grand rabbin de Castille. Tous se dotent d’arbres et de blasons, n’hésitant pas à utiliser des titres de noblesse, à l’image de ceux que reçoivent les Séfarades distingués pour leur rôle diplomatique en faveur des monarques européens. Paradoxe, preuve parmi d’autres de l’impact de la culture ibérique ou réappropriation des attributs de la société globale, cette fois sans inversion aucune ?
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35Car, sous couleur de défendre la foi, la société espagnole a instauré un véritable culte de la généalogie par lequel le sang est appelé à régir la hiérarchie des statuts et l’ensemble des trajectoires des individus et des rapports sociaux. À partir du XVIIe siècle, le système, qui combinait un classement binaire (pur/impur) et une hiérarchie de la dignité plus classique en Europe, se reconfigure au profit du premier. La limpieza touche aussi bien les pratiques matrimoniales que le travail de mémoire sur la qualité des ancêtres. Surgit alors une catégorie problématique, celle du noble impur. Dès lors, les signes (patronyme, blason, etc.) et les preuves (réputation, documents, etc.) de l’origine donnent lieu à des pratiques et des manipulations qui entretiennent une forme de fiction généralisée. Personne ne semble pouvoir y échapper, des Grands, mis en péril par les recherches des linajudos ou de quelque noble mécontent, aux paysans, remis à l’honneur pour leur pureté de sang, en passant par les nouveaux-chrétiens, repoussoirs de cette culture généalogique et qui pourtant s’en emparent pour mieux la détourner. En définitive, la généalogie crée des faits sociaux autant qu’elle les révèle.
Notes de bas de page
1 Nous ne traitons pas du cas portugais qui permettrait pourtant de préciser les spécificités espagnoles. Voir le chapitre que Fernanda Olival consacre aux généalogistes dans F. Olival, As ordens militares e o estado moderno. Honra, mercê e venalidade em Portugal (1641-1789), Lisbonne, Estar Editora, 2001 ; E. C. de Mello, O nome e o sangue. Uma fraude genealógica no Pernambuco colonial, São Paulo, Campanhia das Letras, 1989.
2 J.-P. Dedieu, « L’apparition du concept de noblesse dans la Castille moderne. La mise en place des marqueurs de considération sociale (XVIe-XVIIe siècles) », dans J. Pontet (dir.), À la recherche de la considération sociale, Bordeaux, MSH d’Aquitaine, 1999, p. 11-26, ici p. 12-13, 24. Plusieurs conseils municipaux castillans adoptent les statuts de pureté de sang et de noblesse, produisant une forme d’aristocratisation des oligarchies urbaines, dans J. Hernández Franco, « Limpieza y nobleza en las ciudades de Castilla : pretensiones y consecución del estatuto por parte de Murcia (1560-1751) », Revista de Historia Moderna, no 17, Los Vivos y los Muertos, 1998-1999, p. 249-252 ; A. Domínguez Ortiz, La sociedad española en el siglo XVII, t. I, El estamento nobiliario, Grenade, CSIC-Universidad de Granada, 1992 (1re éd. 1977), p. 257.
3 Les Grands (grandes), distingués par brevet royal, détiennent les hautes charges de gouvernement. Puis viennent les nobles titrés, les chevaliers (caballeros) qui bénéficient d’une marque d’estime (portent le don) mais non d’un statut légal et sont très présents dans les instances municipales. À la fin du XVIe siècle, les nobles représentent près de 10 % de la population dans la Couronne de Castille, et seulement 2 % dans celle d’Aragon.
4 On distingue les hidalgos de sangre, la noblesse ancienne dont on ne connaît pas le début, et les hidalgos de privilegio, qui se divisent en hidalgos de solar conocido, dont l’hidalguía est prouvée par l’origine géographique ou le pouvoir seigneurial, hidalgos notorios, reconnus par leur nom et leur réputation, et hidalgos de ejecutoria, noblesse la moins prestigieuse, établie devant un tribunal. Voir J. Pérez, « Réflexions sur l’hidalguía », dans Maison des pays ibériques, Hidalgos et Hidalguía dans l’Espagne des XVIe-XVIIIe siècles, Paris, Éd. du CNRS, 1989, p. 11-22, ici p. 15-16.
5 Listes des chefs de feux établies au niveau municipal pour le recouvrement de l’impôt.
6 J. Pérez, « Réflexions sur l’hidalguía », op. cit., p. 13-15 ; J.-P. Dedieu, « L’apparition du concept de noblesse… », op. cit., p. 13 n. 7 et p. 25.
7 Biblioteca Nacional de España, ms. 13043, fos 116-127, publié dans A. Domínguez Ortiz, La clase social de los conversos en Castilla en la edad moderna, Madrid, CSIC, 1955, p. 229-230 (nous traduisons).
8 E. Soria Mesa, El cambio inmóvil. Transformaciones y permanencias en una élite de poder (Córdoba, ss. XVI-XIX), Cordoue, Ediciones de la Posada, 2000, p. 127-149 ; Id., La nobleza en España. Cambio y Continuidad, Madrid, Marcial Pons, 2007, p. 294-321. Nous utilisons abondamment les travaux fondateurs d’Enrique Soria Mesa qui s’est véritablement intéressé à la fonction sociale de la généalogie et à sa mobilisation comme instrument de pouvoir. Son ouvrage El cambio inmóvil… a d’ailleurs pour couverture un arbre généalogique.
9 M. A. Visceglia, Il bisogno di eternità. I comportamenti aristocratici a Napoli in età moderna, Naples, Guida, 1988.
10 J.-P. Dedieu, « L’apparition du concept de noblesse… », op. cit., p. 22.
11 Le majorat a été renforcé par la Couronne pour aider la noblesse face à la diminution des revenus de la terre. Il est constitué de biens meubles et immeubles (terres, charges héréditaires, etc.), désormais « liés » comme un bloc inaliénable et indivisible transmissible par primogéniture mâle. Le possesseur du majorat n’en est que le fidéicommissaire.
12 I. Beceiro Pita, « La conciencia de los antepasados y la gloria del linaje en la Castilla bajomedieval », dans R. Pastor (dir.), Relaciones de poder, de producción y parentesco en la edad media y moderna, Madrid, CSIC, 1990, p. 329-349, ici p. 331-332.
13 J.-P. Dedieu, « Limpieza, pouvoir et richesse. Conditions d’entrée dans le corps des ministres de l’inquisition. Tribunal de Tolède – XVIe-XVIIe siècles », dans Les sociétés fermées dans le monde ibérique, XVIe-XVIIIe s. : définitions et problématiques. Actes de la table ronde des 8 et 9 février 1985, Paris, Éd. du CNRS, 1986, p. 169-187, ici p. 183-186.
14 En 1449, une « sentence-statut » interdit aux nouveaux-chrétiens diverses charges dans la juridiction de Tolède et sert ensuite de modèle pour les statuts du chapitre de la catédrale de Tolède en 1547. Voir J. Hernández Franco, Cultura y limpieza de sangre en la España moderna. Puritate sanguinis, Murcie, Universidad de Murcia, 1996 ; Id., Sangre limpia, sangre española. El debate de los estatutos de limpieza (siglos XV-XVII), Madrid, Cátedra, 2011 ; ainsi que l’ouvrage fondateur d’A. A. Sicroff, Les controverses des statuts de « pureté de sang » en Espagne, du XVe au XVIIe siècle, Paris, Didier, 1960.
15 J.-P. Dedieu, « Limpieza, pouvoir et richesse… », op. cit., p. 177-179.
16 Cette perception généalogique des délits se retrouve dans l’historiographie des victimes du Saint-Office, notamment les judéoconvers. Ainsi, nombre d’études s’appuient sur la reconstitution des familles et en tirent – parfois un peu rapidement – des conclusions sur les pratiques cultuelles des individus.
17 Les familiers, laïcs bénévoles, arrêtent les suspects au nom du tribunal inquisitorial local. Leur nombre est théoriquement proportionnel au nombre d’habitants. Ils échappent à la justice ordinaire et disposent de certains privilèges (exemption d’impôt, droit de porter des armes, etc.).
18 J.-P. Dedieu, « L’apparition du concept de noblesse… », op. cit., p. 15.
19 I. Beceiro Pita, « La conciencia de los antepasados… », op. cit., p. 338-347. Sur la place de la Reconquête dans les reconstructions généalogiques, voir, pour Murcie, G. Lemeunier, « Un désir d’histoire : les oligarchies murciennes en quête d’historiographe (16e-18e s.) », dans J.-P. Amalric (dir.), Pouvoirs et société dans l’Espagne moderne. Hommage à Bartolomé Bennassar, Toulouse, Presses universitaires Mirail, 1993, p. 149-160 ; I. Atienza Hernández, « La construcción de lo real. Genealogía, casa, linaje y ciudad : una determinada relación de parentezco », dans J. Casey et J. Hernández Franco (dir.), Familia, parentesco y linaje, Murcie, Universidad de Murcia, 1997, p. 41-59.
20 Cet intérêt se retrouve dans les travaux contemporains. Pour preuve la place accordée aux Ordres dans la revue Hidalguía. La Revista de genealogía, nobleza y armas (1956-), dirigée par Vicente de Cadenas y Vicent, journaliste, fondateur d’une Asociación de Hidalgos pour la reconnaissance de la noblesse non titrée et d’une école de généalogie. La revue discute les fausses généalogies, titres et ordres de chevalerie. Il faut attendre la revue électronique Historia y Genealogia (2011-), dirigée par Enrique Soria Mesa, pour disposer d’un périodique « scientifique » pour la période moderne.
21 Voir B. Cuartero y Huerta et A. de Vargas-Zúñiga, Índice de la Colección de Don Luis de Salazar y Castro, Madrid, Real Academia de la Historia, 1949-1979, 49 vol., en particulier t. XXII, Crónicas, historias, especialmente de las órdenes militares, y misceláneas, 1958. Aux testaments, contrats matrimoniaux, preuves de chevalerie, fondations de majorats, s’ajoutent divers documents que Salazar y Castro utilisait peut-être pour rédiger les notices. Qu’il s’agisse de faits militaires, comme la lettre autographe du consul d’Espagne à Raguse adressée en 1522 à l’ambassadeur à Venise, à propos des « préparatifs que font les Turcs en vue de leur guerre contre la Hongrie, et d’autres nouvelles de Constantinople » (A-22, f° 117), ou d’histoire urbaine, comme l’alliance entre Cordoue et Ecija en 1471, copiée par Salazar y Castro qui y a esquissé le blason d’un noble (K-37, fos 90-91).
22 E. Soria Mesa, La biblioteca genealógica de Don Luis Salazar y Castro, Cordoue, Universidad de Córdoba, 1997.
23 Real Academia de la Historia (RAH), Salazar y Castro, C-47, cité par J. Riandière La Roche, « Des noms et des lignages, et de quelques problèmes de parenté chez Quevedo », dans A. Redondo (dir.), Autour des parentés en Espagne aux XVIe et XVIIe siècles. Histoire, mythe et littérature, Paris, Publications de la Sorbonne, 1987, p. 43-76, ici p. 68-69. La collection Salazar y Castro compte de nombreux manuscrits autographes de Juan de España des années 1560-1580 : relations de baptêmes et de funérailles de souverains (K-53), documents divers tels que la « Certificación dada por Juan de España, llamado Flandes, rey de armas de Felipe II, de las armas que corresponden al apellido Ripolés, a petición de Francisco Jordán, alguacil mayor de Aragón », de 1588 (M-88, f° 155), etc.
24 E. Soria Mesa, La biblioteca genealógica…, op. cit., p. 66 ; Id., « Genealogía y poder. Invención de la memoria y ascenso social en la España moderna », Estudis. Revista de Historia Moderna, no 30, 2004, p. 21-55, ici p. 42 (nous traduisons).
25 R. Pike, Linajudos and Conversos in Seville : Greed and Prejudice in Sixteenth- and Seventeenth-Century Spain, New York, Peter Lang, 2000.
26 Archivo de la Catedral de Córdoba, Liasse 5035, cité par E. Soria Mesa, « Genealogía y poder… », op. cit., p. 36 (nous traduisons).
27 Même dans les procès inquisitoriaux, les généalogies sont détaillées de manière linéaire et non sous la forme d’un arbre.
28 RAH, Salazar y Castro, C-44, cité par J. Riandière La Roche, « Des noms et des lignages… », op. cit., p. 68-69.
29 Archivo Histórico Nacional (AHN), section Ordres militaires (OM), Calatrava, expediente 2266, cité par E. Soria Mesa, « Genealogía y poder… », op. cit., p. 37.
30 M. Combescure Thiry et M. Á. Motis Dolader (dir.), El libro verde de Aragón, Saragosse, Certeza, 2003.
31 El Tizón de la Nobleza de España por el Cardenal Francisco de Mendoza y Bobadilla, obispo de Burgos, éd. A. M. Escobar Olmedo et F. Arias de la Canal, Mexico, Frente de Afirmación Hispanista, 1999. Voir V. Infantes, « Luceros y tizones : Biografía nobiliaria y venganza en el Siglo de Oro », El Crotalón, vol. 1, 1984, p. 115-127.
32 R. L. Kagan, « La corografía en la Castilla moderna. Género, Historia. Nación », Studia Historica. Historia Moderna, vol. 13, Cuatro aspectos de la historiografía Renacentista, 1995, p. 47-59 ; F. J. Aranda Perez, « Autobiografías ciudadanas. Historia, mitomania y falsificación del mundo ubano hispánico de la Edad Moderna », dans E. García Fernández (dir.), El poder en Europa y América : mitos, tópicos y realidades, Bilbao, Universidad del País Vasco, 2001, p. 141-168.
33 Les monographies régionales sont aujourd’hui fréquentes dans l’historiographie, sans doute pour se démarquer de la généalogie traditionnelle qui insistait sur certaines maisons et lignages, d’ordinaire les plus illustres. Ainsi J. Sánchez Vaquero, Linajes de Salamanca, Salamanque, Universidad Pontificia, 2001 ; E. Soria Mesa, Linajes granadinos, Grenade, Diputación de Granada, 2008.
34 R. L. Kagan, « Clío y la Corona : escribir historia en la España de los Austrias », dans R. L. Kagan et G. Parker (dir.), España, Europa y el mundo Atlántico. Homenaje a John H. Elliott, Madrid, Marcial Pons, 2001, p. 113-147, ici p. 138-139.
35 AHN, section Inquisition, Liasse 1258 (3), cité par E. Soria Mesa, « Genealogía y poder… », op. cit., p. 38-39 (nous traduisons).
36 AHN OM, Calatrava, expediente 1191, cité par E. Soria Mesa, ibid., p. 30.
37 J. Caro Baroja, Las falsificaciones de la Historia (en relación con la de España), Barcelone, Seix Barral, 1992 ; E. Soria Mesa, La nobleza en España…, op. cit., p. 261-318 ; M. A. Extremera, « El delito en el archivo. De escribanos, falseadores y otras gentes de mal vivir en la Castilla del Antiguo Regimen », Hispania, vol. 65, no 220, 2005, p. 465-483.
38 Exemples dans E. Soria Mesa, El cambio inmóvil…, op. cit., p. 127-149 ; Id., La nobleza en España…, op. cit., p. 294-317.
39 J. Riandière La Roche, « Des noms et des lignages… », op. cit., p. 69-73.
40 E. Soria Mesa, « Tomando nombres ajenos. La usurpación de apellidos como estrategia de ascenso social en el seno de la élite granadina durante la época moderna », dans E. Soria Mesa, J. J. Bravo Caro et J. M. Delgado Barrado (dir.), Las élites en la época moderna. La monarquía española, Cordoue, Universidad de Córdoba, 2009, t. I, p. 9-27, ici p. 13-14.
41 J. Castillo Fernández, « Luis Enríquez Xoaida, el primo hermano morisco del Rey Católico (análisis del caso de falsificación histórica e integración social) », Sharq al-Andalus, no 12, 1995, p. 235-253, ici p. 245 ; M. Á. Ladero Quesada, « Nóminas de conversos granadinos (1499-1500) », dans Id., Los mudéjares de Castilla y otros estudios de historia medieval andaluza, Grenade, Universidad de Granada, 1989, p. 133-168, ici p. 143.
42 E. Soria Mesa, La nobleza en España…, op. cit., p. 316-317.
43 J. Castillo Fernández, « Luis Enríquez Xoaida… », op. cit., p. 245-249.
44 C. Viñas et R. Paz (dir.), Relaciones de los pueblos de España hechas por orden de Felipe II. Ciudad Real, Madrid, CSIC, 1971, p. 232 ; J.-P. Dedieu, L’administration de la foi. L’Inquisition de Tolède (XVIe-XVIIIe siècle), Madrid, Casa de Velázquez, 1992, p. 337.
45 J.-P. Dedieu, « ¿Pecado original o pecado social? Reflexiones en torno a la constitución y a la definición del grupo judeo-converso en castilla », Manuscrits, no 10, 1992, p. 61-76, ici p. 61-63.
46 N. Muchnik, « Religion et mobilité sociale : l’ascension des marranes dans l’Espagne inquisitoriale (XVIe-XVIIe siècles) », Genèses. Sciences sociales et histoire, no 66, 2007, p. 90-107.
47 E. Soria Mesa, « Genealogía y poder… », op. cit., p. 25-26. Sur Rodrigo Méndez Silva, voir I. S. Révah, « Le procès inquisitorial contre Rodrigo Méndez Silva, historiographe du roi Philippe IV », Bulletin Hispanique, no 67, 1965, p. 225-252.
48 RAH, mss 9-229 et 9-5566. Voir J. Caro Baroja, Las falsificaciones de la Historia…, op. cit., p. 163-187.
49 J. García Servet, « Cascales frente a su oscuro linaje », Murgetana, no 27, 1967, p. 75-126, ici p. 87-90 ; E. Soria Mesa, « Genealogía y poder… », op. cit., p. 26.
50 J. Aranzadi, « Raza, linaje, familia y casa-solar en el País Vasco », Hispania, vol. 61, no 209, 2001, p. 879-906 ; J. Beriain, La identidad colectiva : Vascos y Navarros, Alegia, Universidad Pública de Navarra-Haranburu, 1998 ; J. Caro Baroja, Las falsificaciones de la Historia…, op. cit., p. 83-111.
51 J. Castillo Fernández, « Hidalgos moriscos: ficción histórica y realidad social. El ejemplo del linaje Enríquez Meclín en la tierra de Baza (siglos XV-XVIII) », dans A. Temimi (dir.), Mélanges Louis Cardaillac, Tunis-Zaghouan, FTERSI, 1995, t. I p. 161-180 ; E. Soria Mesa, « De la conquista a la asimilación. La integración de la aristocracia nazarí en la oligarquía granadina. Siglos XV-XVII », Áreas. Revista de Ciencias Sociales, no 14, 1992, p. 51-64 ; Id., « La asimilación de la élite morisca en la Granada cristiana. El ejemplo de la familia Hermes », dans A. Temimi (dir.), Mélanges Louis Cardaillac, op. cit., t. II, p. 649-658.
52 M. García-Arenal, « El entorno de los Plomos : historiografía y linaje », dans M. Barrios Aguilera et M. García-Arenal (dir.), Los Plomos del Sacromonte. Invención y tesoro, Valence-Grenade-Saragosse, Universitat de València-Universidad de Granada-Universidad de Zaragoza, 2006, p. 51-78, ici p. 67, 73-74. Voir M. S. Carrasco Urgoiti, Los Moriscos y Ginés Pérez de Hita, Barcelone, Bellaterra, 2006.
53 M. Barrios Aguilera et M. García-Arenal (dir.), Los Plomos del Sacromonte…, op. cit. ; J. Caro Baroja, Las falsificaciones de la Historia…, op. cit., p. 115-143.
54 E. Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, Éd. de Minuit (coll. « Le sens commun »), 1975 (1re éd. Englewood Cliffs, 1963).
55 J. Contreras, « Limpieza de sangre, cambio social y manipulación de la memoria », dans A. M. López Álvarez (dir.), Inquisición y conversos, Tolède, Asociación de Amigos del Museo Sefardí, 1994, p. 81-101 ; J. Hernández Franco, « El pecado de los padres : construcción de la identidad conversa en Castilla a partir de los discursos sobre limpieza de sangre », Hispania, vol. 64, no 217, 2004, p. 515-542.
56 L’emploi en est interdit aux judéoconvers depuis 1412. Sa généralisation pour les femmes et son usurpation par des gens dits de « basse souche » suscitent la promulgation de l’édit du 3 janvier 1611 réglementant l’endonamiento, dans M. Ferrer-Chivite, « El factor judeo-converso en el proceso de consolidación del titulo “don” », Sefarad, no 45, 1985, p. 131-173.
57 E. Soria Mesa, « Burocracia y conversos. La real chancillería de Granada en los siglos XVI y XVII », dans F. J. Aranda Pérez (dir.), Letrados, juristas y burócratas en la España moderna, Cuenca, Universidad de Castilla-La Mancha, 2005, p. 107-144.
58 M. Weber, Économie et société, Paris, Plon, 1995 (1re éd. Tübingen, 1921-1922), p. 133.
59 S. Sagnes, « Cultiver ses racines. Mémoire généalogique et sentiment d’autochtonie », Ethnologie française, vol. 34-1, Territoires en question, 2004, p. 31-40.
60 Archivo diocesano de Cuenca, section Inquisition, Liasse 8 (167), cité par Y. Moreno Koch, « La comunidad judaizante de Castillo de Garcimuñoz, 1489-1492 », Sefarad, no 37, 1977, p. 351-372, ici p. 370 (nous traduisons).
61 L’expression « pomme-pêche » équivaudrait, pour les chuetas, celle de « mulato », dans E. Porqueres i Gené, Lourde alliance. Mariage et identité chez les descendants de juifs convertis à Majorque (1435-1750), Paris, Kimé, 1995, p. 227-230.
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