Annexe I. Témoignage de Margarete N.
p. 323-330
Texte intégral
Que pouvez-vous me dire de votre lieu de naissance ?
1J’ai grandi en Prusse orientale, nous avons vécu dans un petit village de Mazurie, près de Lötzen. Le village comptait à peine 500 habitants, tous se connaissaient et étaient des paysans, comme nous. Aujourd’hui il ne reste qu’une Allemande dans tout le village, c’est la seule à être restée et elle s’est mariée à un Polonais. J’ai grandi dans un village voisin de celui de mes parents, chez mes grands-parents. Aujourd’hui encore ma sœur se moque de moi en disant que j’ai été « expulsée » par mes parents. Mais on était 6 frères et sœurs, et c’est ce qu’on faisait quand il y avait autant d’enfants.
2Je dis toujours que c’est pour ça que j’étais la seule bilingue dans ma famille, ma grand-mère parlait la langue de la région (masurisch), mon grand père l’allemand. Donc je comprenais un peu de polonais, mais plus maintenant, j’ai tout oublié. Je suis entrée à l’école en 1932 et l’année suivante Hitler nous a interdit de parler cette langue. Ma grand-mère s’en moquait, a juste trouvé ça complètement fou. On était si loin de tout ça qu’on n’en parlait pas.
Quand avez-vous pris conscience de la guerre ?
3Au début on ne voyait pas grand-chose de la guerre. On avait toujours à manger grâce aux bêtes, de la viande et du beurre et tout ça. Mais les hommes étaient absents. Mon père était déjà trop vieux, il a été envoyé au Volkssturm la dernière année de la guerre, quand ils sont venus chercher tous les hommes qui restaient. Mon frère est mort à la guerre. Mon petit frère. Il est né en 1928, il avait à peine 17 ans. Ça a été très difficile. Je n’étais pas à la maison, j’étais à Plock, en Pologne occupée, où je faisais une formation de puéricultrice. Je suis rentrée pour la première fois pour fêter Noël en 1944. En janvier je suis retournée à Plock. C’était le 10 peut-être, je ne sais plus trop. Tout le monde parlait de victoire, parce qu’on ne disait rien d’autre. On pensait que ça allait finir par s’arranger. Mais à Noël on savait que quelques-unes des villages voisins avaient préparé des valises. Une voisine avait une chambre remplie de caisses et de meubles, elle pensait pouvoir tout emporter, mais ce n’était jamais comme ça. Fuir ne se passe pas comme ça. Il restait 90 % des habitants à Noël, il n’y a que les jeunes qui sont partis. Ceux qui avaient mon âge, mais certains n’ont pas eu le temps. Et on ne savait pas à quoi s’attendre avec les Russes.
Aviez-vous peur des Russes ?
4J’ai entendu parler des choses qui sont arrivées par chez nous bien plus tard, des années après la guerre. Je veux dire, ce qui s’est passé à Nemmersdorf et tout ça. Vous en avez entendu parler non ? Dans mon village personne n’a été assassiné, mais il y a une fosse commune dans le village voisin, je l’ai vue quand je suis revenue bien plus tard. Mais les viols ! Vous en avez entendu parler ? Plus tard j’ai entendu qu’on avait essayé de cacher les filles. En fait si, dans mon village un paysan a été tué par les Russes, il était à la tête de l’organisation des paysans (Ortsbauernführer). Il a maltraité les Polonais et les Français qui travaillaient chez nous, les prisonniers de guerre. Enfin chez nous ils ont juste aidé pour les récoltes, et mangeaient avec nous, normal. Et ces Français voulaient toujours du pain blanc, mais on n’en avait pas nous ! Le paysan qui a été exécuté avait un prisonnier polonais, un intellectuel qui devait avoir une cinquantaine d’années. Il avait à peine de quoi se couvrir, alors on voyait toutes les traces de coups et il était à demi mort de faim.
5En fait les Nazis étaient déjà tous partis, ils ne sont pas revenus dans le village, ils sont partis à l’Ouest dès la fin de la guerre. Le maire par exemple. Les Russes sont quand même venus avec des camions s’arrêter devant chaque maison et emmener les jeunes. Vers la Russie. Ce sont des Allemands qui les ont aidés, les Russes ne savaient pas où les parents cachaient leurs aînés. Ils ont été traînés vers les camions, si les parents résistaient, les Russes tiraient. Ils allaient travailler quelque part en Russie, beaucoup ne sont jamais revenus. Deux de mes cousines ont été déportées (verschleppt), une seule est revenue, mais tellement faible qu’elle est morte peu après. Heureusement que je n’étais pas là, ça aurait pu m’arriver. De toute façon j’ai eu beaucoup de chance, je veux que vous le notiez. Vous le notez ? Beaucoup de chance.
Vous étiez donc à Plock en janvier 1945 ?
6Oui je suis retournée à l’école en janvier, la ville était pleine de soldats. Mais nous y avions vécu, moi et les autres filles, si tranquillement, je ne me rappelle d’aucun problème avec les Polonais. Mais nous n’avions pas le droit de sortir le soir, ou alors en groupe. Mais c’est normal, nous étions si jeunes, j’avais 18 ans. Ma sœur Hilde m’a rejointe quelques jours après mon retour, ou je l’ai rejointe, je ne sais plus. Elle m’a dit que tout le monde fuyait. Je pense qu’elle était à Plock par hasard. Elle effectuait son service de travail et il y avait un camp de travail, une entreprise de munition, où elle travaillait. Bien sûr elle n’avait pas le droit de partir, elle devait rester. Mais pour moi ce qu’elle me disait fut une surprise, on nous avait menti. Oui, le ciel était rouge la nuit mais personne n’a dit : c’est le front ! À la mi-janvier l’alarme a retenti et la directrice nous a dit de fuir. On a juste pleuré, toutes les filles voulaient rentrer à la maison mais on ne pouvait pas. Tout un coup c’était le chaos en ville, partout la Croix Rouge et les soldats blessés traversaient la ville sur des brancards.
Vous avez fui avec votre école ?
7Oui, on ne pouvait pas rentrer chez nous. On a été transportées à la gare et, juste comme ça, toutes les filles sont parties. Heureusement j’avais ramené des provisions de mon séjour chez mes parents, j’avais de quoi manger. Le train allait à Zittau, en Haute-Lusace (Oberlausitz). Il y avait un lieu d’accueil. J’ai pu y travailler dans un jardin d’enfant. Nous étions encore 10 filles de mon école à Zittau, sur les 30 ou 40 amenées avec moi à la gare de Plock.
Où avez-vous vécu à Zittau ? Dans un camp ou chez des particuliers ?
8Nous vivions toutes dans la même rue. Toutes les filles que je connaissais habitaient chez des particuliers. J’avais une petite chambre et une cuisine partagée. J’étais chez des gens bien, ce n’était pas toujours le cas. Beaucoup ne voulaient pas de réfugiés, surtout les familles ont eu du mal à se loger. Mais les gens de Zittau avaient bien assez de choses, aucune bombe n’est tombée là, mais la ville était remplie de réfugiés.
Aviez-vous des informations sur votre famille ?
9Je ne savais rien de ma famille. Mais il y avait un camp de travail féminin à Zittau, j’ai essayé de collecter des informations sur ma sœur que j’avais vue à Plock. Je suis allée voir les services municipaux et j’ai écrit à Berlin pour obtenir des informations. Elle a dû avoir pas mal de chance elle aussi, elle était dans le dernier train qui a pu quitter Plock, avant que le pont n’explose (Weichselbrücke). Comme elle faisait son service de travail (Arbeitsmaid), ils ont pu me dire qu’elle était sûrement dans un camp à Cobourg. Je lui ai écrit et ma sœur a pu me rejoindre. Pour quelques semaines à Zittau, chez des gens bien. Ma sœur n’avait plus rien, juste les vêtements qu’elle portait. Les services de ville nous ont donné des chaussures et un peu d’argent, c’est comme ça que nous avons survécu. On n’avait presque rien à manger et toujours faim, mais ma sœur se débrouillait toujours.
Vous êtes restées à Zittau ?
10Au début, oui. Fin avril, tout d’un coup c’était « sauve-qui-peut ». Les gens devaient être rassemblés pour partir à l’Ouest. Nous étions proches de la frontière tchécoslovaque, nous nous sommes accrochées à un Treck et nous avons « fui » Zittau pour nous cacher des Russes. Il y avait 5 filles avec nous mais elles avaient toutes de la famille et nous n’avions personne qui aurait pu nous accueillir. Nous nous sommes cachées dans une bergerie et tout un coup on nous disait « la guerre est finie, il faut rentrer ». Je ne savais pas où aller, alors je suis partie vers Zittau à pied. Les Russes étaient là. Et puis les Tchèques ont expulsé les Allemands et j’étais trop proche de la frontière, il fallait partir. Les autorités ont décidé que tous ceux qui n’étaient pas inscrits (sur les listes d’habitants) devaient partir. On ne savait pas où aller. Alors à cinq, moi, ma sœur et trois autres filles de l’école, nous avons pris le train pour Dresde, sans ticket. Et là plus rien. Plus un train. Et pas une maison encore debout. On voulait juste rentrer chez nous. Là encore la chance a joué. À la gare un employé voulait nous aider. Il a juste dit : « Je vous héberge. » Il venait d’un village près de Dresde, je sais encore qu’il s’appelait Hans S. et qu’il avait 15 ans. Il a trouvé 5 paysans dans son village qui acceptaient de nous héberger pour une semaine.
Vous avez été bien accueillies ?
11Oui on a eu de la chance. Sauf moi en fait. On avait juste l’impression qu’ils seraient heureux de nous voir repartir. Même s’ils étaient vraiment bien lotis. Une semaine plus tard il fallait partir. Ma sœur a reçu du pain, du beurre de la viande et tout lors du départ, moi j’ai juste demandé si je pouvais emmener quelques pommes de terre. Elles sont normalement données aux animaux. Je n’ai rien eu, je me sentais comme une mendiante.
Où êtes-vous allée ensuite ?
12Naïvement on s’est dit, la guerre est finie, on va bien réussir à rentrer ! Quelle folie ! Quand j’y pense aujourd’hui… Mais on se disait que comme la guerre était finie, on allait bien trouver un moyen. Nous avons pris le train pour Berlin où on a rencontré deux sœurs qui se sont jointes à nous. À Berlin pas de train. On s’est assises toutes les sept sur un tronc d’arbre et on ne savait plus comment faire. J’ai tellement pleuré, c’était trop pour moi. Et Berlin en ruines. Et on avait des poux sur tout le corps, personne ne nous approchait. Deux religieuses nous ont abordées et nous ont dit de ne pas risquer notre peau dans ce projet. Les deux sœurs qui nous avaient accompagnées ont décidé de partir pour le Mecklembourg. Elles devaient y avoir des connaissances ont des parents éloignés. Elles auraient voulu nous emmener, mais cinq personnes, c’est trop. Alors j’ai dû prendre une décision, il fallait toujours que ce soit moi ! Et j’ai décidé de ne pas partir avec les deux, je ne voulais abandonner les trois filles que je connaissais depuis l’école ! Elles voulaient renter chez les paysans, ma sœur aussi. Pas moi. Je ne voulais pas retourner là-bas. Alors j’ai demandé à être hébergée par la famille où vivait ma sœur. Des gens au grand cœur. Ils compatissaient. Ils avaient deux filles de notre âge et un petit garçon, on s’est occupées de lui et aidé à la ferme. On venait d’une famille de paysans quand même ! La famille s’appelait Köhler. Ils sont presque tous décédés aujourd’hui, mais je leur ai rendu visite il y a quelques années.
Votre sœur et vous-même avez été accueillies pour combien de temps ?
13Le paysan disait toujours : « Les filles, on a de quoi vous nourrir, il n’y a pas eu de combats par ici. » Nous étions heureuses, et nous sommes restées tout l’été et avons même fêté Noël avec eux. J’ai même reçu un peu de tissu en cadeau pour me coudre des vêtements. Les choses ont changé en janvier, des trains remplis de réfugiés arrivaient, ils étaient partout. Des Allemands des Sudètes. On n’était pas déclarées comme habitantes, on s’était installées « au noir ». Les autorités voulaient nous faire partir pour faire de la place. Le paysan avait des relations, mais il n’a rien pu changer. Des transports ont été organisés, il fallait partir. Notre transport partait le 3 janvier pour nous éloigner des frontières, ils appelaient ça une « meilleure répartition des expulsés ». Mais en fait c’est juste parce que les Tchèques n’arrêtaient pas d’expulser à tour de bras. Deux de mes amies sont restées, l’une s’était fiancée à un homme du village, l’autre aidait une veuve à garder son exploitation.
Alors vous êtes reparties…
14On a dû partir le 3 janvier, la cinquième de notre groupe le 4, toute seule, elle a tellement pleuré. Elle était originaire de Königsberg et ne savait pas où aller. On est allé voir les autorités et un homme âgé a décidé de nous aidez. Il a dit : « On arrivera bien à vous pousser dans le même train. » Et Köhler : « Vous pouvez revenir quand vous voulez ! » Nous avons pris le train pour Lindenau, on ne savait même pas où c’était ! On a quitté le train à Ortrand et des personnes nous ont amenées à Lindenau. Tout était organisé pour une fois. Le maire nous attendait dans une auberge avec une vingtaine de personnes, il nous a dit : « Vous êtes ici chez vous. » Un homme bien. Et ma sœur et moi avons pu rester ensemble. Un couple déjà âgé nous a hébergé, et encore une fois nous avons eu de la chance, des gens avec le cœur sur la main. Ils avaient deux fils, l’un est mort à la guerre et l’autre était encore prisonnier. Nous étions vraiment bien loties, d’autres avaient plus de difficultés, surtout les familles. Il n’y avait qu’un lit pour nous mais ils ont dit de prendre du charbon, que nous n’avions pas à avoir froid. L’homme travaillait dans les mines, donc de quoi chauffer et manger. Mais on avait aussi nos cartes de ravitaillement pour être autonomes. Ils ne nous ont pas fait payer de loyer. On se rendait visite les unes et les autres, la vie semblait presque normale. La troisième a fini par partir à l’Ouest, je ne me rappelle plus si elle y avait de la famille mais ça devait être le cas, autrement ce n’était pas si simple !
Gardiez-vous le contact avec d’autres réfugiés ? Pensiez-vous rentrer chez vous ?
15En parler ? C’était impossible. Comme l’avait dit le maire, nous étions chez nous maintenant. Il n’y avait plus que l’Est, l’Ouest et la Pologne. La Prusse orientale avait disparu. Ma sœur et moi parlions beaucoup de notre famille, d’autres réfugiés nous parlaient des horreurs commises par les Russes et les Polonais. On ne savait même pas si notre famille avait survécu… Mais à Lindenau nous nous sommes mélangées à la jeunesse du coin, avec un début d’insouciance : nous n’avions plus faim ! En tant que jeunes femmes, notre vie continuait. Ma sœur a trouvé du travail dans une jardinerie, et on m’a tout de suite offert du travail dans le jardin d’enfant. Je gagnais même plus que ma collègue. Le maire et le curé ont pesé de tout leur poids pour que je ne gagne pas 50 Mark mais 100. Parce que j’avais fait une formation. Les réfugiés ne sont pas restés entre eux comme à l’Ouest, nous faisions partie du village.
Quand et comment avez-vous eu des nouvelles de votre famille ?
16Ça a duré un moment. Je n’avais pas vu mes parents depuis 1944, et ils ne pouvaient pas savoir où nous étions. Ils ne savaient même pas que je vivais avec ma sœur. En janvier, juste après notre arrivée à Lindenau, j’ai écrit à la Croix Rouge pour avoir des nouvelles. Une cousine s’est retrouvée au Danemark, on s’écrivait souvent. J’ai écrit toutes les semaines à mes parents, sans jamais recevoir de réponse. Ma sœur a décidé d’envoyer une lettre à une de leurs voisines. La seule à arriver ! Et un jour, en 1946, je rentrais du travail et il y avait une lettre de mon père. Il se plaignait que nous avions écrit à la voisine et pas à eux ! Il était en Pologne maintenant et les lettres avec des adresses allemandes ne passaient presque pas. Nous étions si heureuses, il avait survécu le Volkssturm sans séquelles ! Mes parents avaient gardé leur ferme, ils nous demandaient de rentrer. Mais tout le monde quittait leur village ! Nous aurions aimé les faire venir chez nous, mais où voulez-vous que nous les hébergions ? ? En réalité nous ne voulions pas partir, j’avais mon travail et ma sœur a épousé un homme de Lindenau en 1948. Peu à peu les hommes rentraient au village, faibles et malades. Mon mari, enfin mon futur mari, a été libéré en 1948 et nous nous sommes mariés en 1950. On ne pouvait pas juste partir pour la Pologne, on ne parlait même pas langue. Tous mes frères et sœurs allaient désormais à l’école et parlaient polonais. Mais on pouvait s’écrire, même si un timbre coûtait 80 Pfennig, ce qui était beaucoup d’argent…
Vous avez revu vos parents ?
17J’ai fait une demande officielle en 1955 pour leur rendre visite, dès que ce fut possible. Elle a été rejetée. Le fonctionnaire m’a dit qu’il fallait que j’essaye encore et encore jusqu’à ce que la Pologne accepte ma demande. Ils étaient toujours si compliqués ! J’ai envoyé un courrier après l’autre au consulat à Berlin. Il a fallu un an, et ma requête est enfin passée ! Ils m’ont donné un mois, pour passer Noël avec ma famille. Le même fonctionnaire m’a dit que je pouvais prolonger jusque 3 mois une fois sur place. Je pouvais rentrer chez moi après 12 ans ! J’étais si nostalgique ! Certains n’ont pas compris. La mère de mon mari m’a demandée : « Mais qu’est ce qu’elle veut en Pologne celle-là ? » Mon mari travaillait et ne pouvait pas m’accompagner, mais l’institutrice de mes deux enfants a accepté qu’ils partent. Je suis partie avec eux à Berlin pour chercher le visa et prendre un train. Le voyage en Pologne a duré trois jours. Il n’y avait que des Polonais dans le train, c’était une situation comique et difficile en même temps. Je suis restée jusqu’en mars. Mon fils ne voulait plus rentrer. Mais j’avais mon mari, je devais repartir.
Comment vivait votre famille ?
18Mes frères et sœurs parlaient parfaitement polonais alors tout se passait bien. Mon frère est né en 1938, il n’est entré à l’école qu’en 1944. Ma sœur a 4 ans de plus mais elle a parfaitement appris la langue. Ils ne voulaient pas partir mais ça devenait plus compliqué à mesure que tous les Allemands partaient. Ils parlaient de partir à l’Ouest. Mon père est mort en 1957. Ma mère a tout vendu pour payer les pots-de-vin nécessaires à l’autorisation de départ. Ils ont été envoyés vers un camp de réfugiés dans le Schleswig. Ils vivaient dans une seule pièce, sous un plafond suspendu à la hâte. Plus tard, ils ont pu partir à Mönchengladbach, mes frères et sœurs ont appris à parler allemand, et surtout l’écrire, pour trouver un travail. Ma mère a mal vécu le départ. Elle voulait rentrer, mais ils n’avaient plus rien là-bas ! Elle est morte en 1962 à Mönchengladbach, à 57 ans ! Je m’en rappelle comme si c’était hier, je n’avais pas le droit d’aller à l’enterrement. Les autorités ont refusé de nous laisser sortir, ma sœur et moi. Pourtant j’avais des enfants et un mari, je serais revenue ! Pour ma sœur c’était difficile, elle n’a jamais revu ses parents ou Lützen. Lorsque j’y suis retournée en 2002 avec mes petits-enfants, elle n’a pas voulu venir.
Avez-vous pensé partir à l’Ouest rejoindre votre famille ?
19Les gens m’ont toujours posé la même question. Mais on était des citoyens de ce pays. Ce n’était ni meilleur ni pire ici. Mais c’était différent à l’Ouest, les réfugiés ont fait front. Et ils avaient le droit de la faire. Et ils l’ont fait. Nous nous sommes adaptés et on n’a rien dit.
*
20Les réfugiées (uniquement des femmes) de Prusse orientale organisent toutes les semaines des petites réunions à Ortrand. Margarete N. participe chaque année au « Tag der Heimat », la grande réunion des expulsés allemands organisée par le BdV, accompagnée par un de ses petits-fils, le seul à s’intéresser à ses origines.
Auteur
Témoignage enregistré le 9 décembre 2007 à Ortrand (Saxe).
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