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Chapitre IV. Des réfugiés inadaptés à la reconstruction ?

p. 81-134


Texte intégral

1En 1945, l’arrivée de près de 12 millions de réfugiés représente à la fois un apport de population jugé nécessaire à la reconstruction de l’Allemagne, et un défi humanitaire majeur pour un territoire désorganisé et sous tutelle militaire étrangère.

2L’appellation générique de « réfugié » masque la diversité de cette population, composée en majorité de femmes, d’enfants et de personnes âgées. En 1946, 46 % des réfugiés sont des femmes et 30 % des enfants de moins de 14 ans1. Parmi les 24 % d’hommes, plus de la moitié a plus de 55 ans ou est invalide.

3L’objectif de ce chapitre est de mettre en lumière les parcours différenciés de certains réfugiés, selon leur sexe, leur âge ou encore leur origine sociale et professionnelle, confrontés à la nécessité de se reconstruire une existence en Saxe. Un élément clé du retour à l’indépendance est l’obtention d’un emploi, dans une région qui ne possède pas, dans l’immédiat après-guerre, de système social performant2. À cela s’ajoutent les difficultés liées aux conséquences physiques de la guerre et de l’expulsion. Fin 1945, la ZVU estime le nombre de réfugiés aptes au travail à 42 %. Ce chiffre fait naître chez l’occupant et au sein des administrations allemandes régionales et locales des craintes vis-à-vis du coût social engendré par l’accueil de cette population démunie et nécessiteuse. De plus, la priorité accordée à la sédentarisation des expulsés et la sévère limitation des délais concernant le passage dans les camps provoquent une répartition incohérente vis-à-vis des besoins de main-d’œuvre, ce qui renforce la dépendance des réfugiés à l’égard des services sociaux. Il faut attendre le début de l’année 1947 pour que le recensement des réfugiés par catégories professionnelles devienne automatique et gagne en efficacité. Cela tient à la lente reconstruction des services chargés de l’emploi et des questions sociales, largement touchés par la dénazification, qui peinent à prendre en charge les problèmes spécifiques aux réfugiés. À ce moment-là, la plupart des réfugiés ont déjà été envoyés vers les régions les moins peuplées, mais aussi les moins dynamiques d’un point de vue économique, sans prendre en compte au préalable leurs qualifications et les emplois occupés précédemment. L’insertion professionnelle des réfugiés s’avère alors d’autant plus difficile qu’ils ne bénéficient pas de réseaux pouvant aider à l’obtention d’un emploi. Ils se retrouvent même confrontés à la concurrence des réseaux existants.

4L’objectif premier des administrations saxonnes est alors d’atténuer les conséquences sociales et humaines de l’expulsion, tout en garantissant la reconstruction économique de la zone concernée. Les réfugiés, confrontés à ce nouvel environnement géographique et politique, administratif et économique, tentent de se faire une place dans une société en pleine mutation.

La population réfugiée, un apport de main-d’œuvre ?

5Dans l’idéologie marxiste-léniniste, le travail ne doit pas simplement garantir la subsistance de la population, mais participer à son épanouissement personnel. Ce rôle social du travail ne se limite pas au modèle socialiste, il se retrouve dans la plupart des sociétés dont les qualificatifs « Arbeitsgesellschaft » ou « société de travailleurs » explicitent le rôle d’intégration joué par le travail dans les sociétés industrielles modernes3. En RDA, le travail joue également un rôle de légitimation politique. Pour Peter Hübner, les rapports entre les travailleurs et le régime instauré par le SED ne sont pas tant dictés par le manque de légitimité démocratique que par les résultats de sa politique économique et sociale4. Le régime est-allemand se qualifie de « Arbeiter-und Bauernstaat5 » et inscrit le droit au travail dans la constitution de 1949, il cherche ainsi à répondre aux attentes de la population envers sa politique économique et sociale.

Propagande et travail forcé

Les réfugiés et le travail : perspectives idéologiques et économiques

6Le rôle social du travail en tant que vecteur de stabilité et d’intégration semble constituer une réponse aux problèmes sociaux induits par l’arrivée des réfugiés. Durant la première phase d’accueil des années 1946 et 1947, les autorités réalisent que l’accent mis sur le seul accès au logement ne suffit pas à une sédentarisation durable des expulsés et parmi les réfugiés, des voix s’élèvent pour réclamer leur insertion sur le marché du travail. Les réfugiés se sentent surtout jugés par la population locale et appellent dans le journal Neue Zeit à être plus que des bénéficiaires d’aides sociales, de dons ou d’aumônes, eux qui « ont pour l’instant été les seuls à rembourser une partie de la faute allemande avec tous leurs biens6 ». Ce point de vue est partagé par Emanuel Plewa, ancien prisonnier de guerre des Soviétiques. Il demande à la LRS de prendre en compte les souhaits des réfugiés : « J’ai travaillé toute ma vie et maintenant que je suis rentré, je veux participer activement à la reconstruction de ma patrie et non pas végéter comme un mendiant7. » Aux yeux des autorités, l’accès à un emploi doit ainsi garantir la reconstruction économique, la sédentarisation des réfugiés mais aussi l’amélioration des relations entre les nouveaux arrivants et la population locale :

« Partout, l’étranger est confronté à un rejet glacial : que ce soit chez le commerçant qui lui donne les pommes de terre gelées – il ne peut décemment les vendre à ses habitués – que ce soit au niveau des administrations, où les dossiers des réfugiés disparaissent bien souvent au fond des tiroirs. Cette hostilité sous-jacente ne peut être transformée en bienveillance par le raisonnement ou par des ordres : seul le travail commun peut combler ce fossé. Seulement lorsque les personnes issues de Silésie, de Prusse orientale ou de Saxe auront pendant un temps travaillé côte à côte sur les mêmes machines ou chantiers, la bonne entente pourra être instaurée sans décret administratif8. »

7L’intégration professionnelle donne aussi un statut et un rôle social aux expulsés. Le journal Sächsische Volkszeitung proche de l’occupant exhorte la population à briser cette inégalité quant à l’accès au travail : « Finalement, avec le sentiment de ne pas avoir été trompés, ils peuvent peut-être retrouver un sentiment longtemps absent : on a besoin de moi, on m’a même attendu9 ! » À première vue, les réfugiés viendraient combler les déficits en main-d’œuvre et participer à une reconstruction dynamique de la zone d’occupation est-allemande. Un recensement d’octobre 1946 indique les changements démographiques importants découlant de l’expulsion des minorités allemandes : le territoire de la zone soviétique compte alors 1,1 million d’habitants de plus qu’en 1939. Néanmoins, le nombre de personnes aptes au travail chute de 400 00010, et malgré l’augmentation de la population, qui vient combler numériquement les pertes humaines liées à la guerre, le manque de main-d’œuvre reste une préoccupation majeure pour les administrations chargées de l’emploi et de la reconstruction économique :

« Les hommes nés entre 1906 et 1926, primordiaux pour le marché du travail, manquent dans une proportion inquiétante (mortalité due à la guerre, prisonniers de guerre, invalides de guerre par blessures ou mutilation). C’est pourquoi le problème du travail féminin se retrouve au premier plan. Le nombre de femmes par rapport à la population dans son entier est anormalement élevé. Il pourrait atteindre 70 %11. »

8Dans les régions du nord de la zone d’occupation, où la part des réfugiés atteint plus de 40 % en moyenne, les difficultés de leur intégration professionnelle semblent inévitables. En Saxe, le pourcentage des expulsés rapporté à la population totale est le plus faible de la zone soviétique. Cependant, elle est la seconde région d’accueil après la Saxe-Anhalt : plus d’un million de personnes arrivent sur son territoire avant octobre 194812.

9Avant l’arrivée des réfugiés, la Saxe se caractérise par un vieillissement de sa population ainsi que par la part importante accordée au travail féminin, dans une région en pénurie structurelle de main-d’œuvre masculine. Les spécificités de l’industrie saxonne, qui est essentiellement textile et féminisée, masquent ces carences estimées à environ 200 000 hommes13. L’arrivée des réfugiés en Saxe semble dans cette perspective un atout majeur pour la remise en place d’une économie saxonne performante. En dépit des changements structurels engendrés par l’économie de guerre en faveur de l’industrie lourde et de l’armement, la fin de la guerre semble tout d’abord impliquer un retour vers une économie basée sur les petites et moyennes entreprises ainsi que sur l’industrie légère14. Dans ce contexte, le nombre important de femmes parmi les réfugiés représente un handicap moindre comparé aux autres régions de la SBZ, où le travail féminin est moins développé. Au-delà des problèmes inhérents à la structure même de la population des réfugiés, qui seront approfondis par la suite, les premières difficultés posées par l’accès des réfugiés au marché du travail sont d’ordre pratique, structurel et politique.

10La désorganisation du marché du travail et les problèmes rencontrés pour intégrer les réfugiés d’un point de vue professionnel sont les conséquences du chaos de l’immédiat après-guerre. En 1945 et 1946, l’impossibilité de recenser les expulsés et de les localiser rend la tâche des administrations chargées de l’emploi extrêmement compliquée. Les problèmes rencontrés sont à la fois de nature matérielle et organisationnelle : la reconstruction des administrations locales n’étant ni simultanée ni homogène sur tout le territoire saxon. Ainsi en septembre 1945, l’administration régionale pour l’emploi (Landesarbeitsamt LAA) admet ne pas pouvoir fournir de chiffres exacts concernant le nombre, le sexe, l’âge ou les qualifications des réfugiés en raison des grandes difficultés rencontrées pour la circulation du courrier15.

11La politique de l’emploi menée dans les années 1945-1947 est qualifiée de « mesures ad hoc », elle est dépendante de trois facteurs principaux : la lenteur de la reconstruction administrative, l’importance des mouvements de population et la politique soviétique d’occupation16. Cette dernière influe sur la politique de l’emploi des premières années d’après-guerre, et contribue à ses lenteurs. Malgré les prérogatives importantes accordées aux administrations chargées de l’emploi, les besoins soviétiques en maind’œuvre ont une priorité absolue et viennent perturber les efforts d’organisation et de cohérence déployés au niveau régional ou local. Ainsi, le 6 novembre 1946, le LAA saxon reçoit l’ordre de mettre à la disposition de la SMAS 4 200 travailleurs dans un délai de deux semaines17. De tels ordres viennent mettre à mal l’effort de planification des LAA. Les besoins soviétiques sont surtout liés au démontage des industries lourdes, et au développement des industries placées sous leur autorité, comme les SAG18.

12La politique pour l’emploi en zone d’occupation soviétique puis en RDA se caractérise donc par sa désorganisation et son incohérence en raison des fluctuations constantes de sa population jusqu’à la construction du mur. En cas de pénurie de travailleurs, les Soviétiques recourent à la contrainte. Cette dernière touche en premier lieu les réfugiés, et est exercée à la fois par les administrations locales et régionales saxonnes et par la SMAS. Sous la pression soviétique, la main-d’œuvre peut être réquisitionnée de force dans d’autres secteurs économiques, les travailleurs sont choisis directement dans les entreprises et bien souvent dans les camps de réfugiés. Les personnes concernées craignent une déportation vers l’URSS en tant que « Spezialisten », c’est-à-dire les « travailleurs qualifiés jugés d’importance capitale19 ». Pour l’année 1947, Dierk Hoffmann estime à 9,8 % du nombre total de recrutements ceux effectués sous la contrainte dans la zone d’occupation20.

13Il existe aussi des pressions d’ordre moral. À partir de mai 1947, sous l’impulsion de la ZVU, le mensuel Neue Heimat21 diffuse des informations relatives à la législation ou aux aides accessibles, mais aussi des lettres de réfugiés qui exposent leurs problèmes et les défis de leur quotidien. Dans le premier numéro, l’éditorialiste choisit une citation de l’écrivain Jeremias Gottfried pour clore son propos. Selon lui, elle explicite les opportunités qui sont offertes aux réfugiés, mais aussi la nécessaire collaboration de ces derniers au nouveau projet de société : « Wer nicht die Mühe wert findet, bessere Zeiten herbeiführen zu helfen, der ist nicht gut genug für bessere Zeiten22. »

Le travail des réfugiés : entre nécessité vitale et obligation morale (1945-1947)

14Dans l’immédiat après-guerre, avoir un travail est une question de survie dans une société en proie au rationnement. L’obtention d’un emploi détermine l’accès à une carte de ravitaillement. Les réfugiés sont confrontés à des maires et des commandants militaires locaux qui font de la mise au travail la condition sine qua non pour l’obtention d’une autorisation de séjour et de cartes de ravitaillement. Dans les grandes villes, le travail obligatoire prend en outre des aspects de « rédemption » pour la population allemande :

« Meldepflicht beim Arbeitsamt23 »
« Le travail est l’accomplissement d’un devoir hautement moral ! Toute personne apte à travailler doit se mettre à la disposition de la reconstruction d’une nouvelle Allemagne démocratique !
C’est pourquoi il a été décrété :
1. Doivent se présenter aux bureaux du travail : tout homme entre 16 ans révolus et 60 ans ; toute femme entre 16 ans révolus et 45 ans ; la date de référence est fixée au 24 juin 1945.
2. Toutes les personnes concernées par ce recensement doivent accepter tout travail tolérable assigné par le bureau du travail, même s’il ne correspond pas à ses qualifications.
4. Toute personne se rendant coupable d’ignorer l’obligation de recensement ou qui refuse le travail tolérable qui lui a été assigné ou qui quitte son lieu de travail ou son emploi sans autorisation du bureau encourt le retrait de sa carte de rationnement. »

15Ces initiatives locales sont généralisées par l’ordre no 3 de la Commission de contrôle interalliée du 17 janvier 1946. Il rend obligatoire pour tout homme de 14 à 65 ans ainsi que pour toute femme de 15 à 50 ans de se présenter aux bureaux de l’emploi, sous peine de se voir retirer ses cartes de rationnement. Il s’agit dans ce cas de mobiliser la population pour les déblaiements des villes touchées par les bombardements, d’instaurer une obligation morale de travailler pour effacer les traces d’une guerre commencée par les Allemands et de faire preuve de solidarité envers les plus démunis : « Toute personne apte au travail est tenu de travailler, car c’est uniquement ainsi que la misère omniprésente peut être réduite24. » L’intérêt est également financier, car l’accueil des réfugiés représente un coût non négligeable pour la Saxe : « Les coûts engendrés par la prise en charge des Umsiedler sont estimés à 52 millions de Reichsmark […]. Un accès à un travail rapide et sûr est donc dans l’intérêt des Umsiedler comme de la population d’origine25. »

16Au cours de l’été et de l’automne 1945, les mesures de recensement et de mise au travail visent notamment à assurer la récolte. Cette dernière est vitale, pour nourrir la population mais aussi pour subvenir aux besoins de l’armée d’occupation. L’envoi des réfugiés vers les campagnes rejoint alors les plans soviétiques évoqués auparavant d’une intégration en milieu rural. Le plus souvent, les qualifications des réfugiés ne jouent aucun rôle. Dans un reportage publié par le journal Tägliche Rundschau le 18 août 1945, le journaliste explique comment sont attribués les emplois : « Un homme grand aux cheveux gris se tient désormais devant le bureau avec sa femme. Métier ? Comptable, mais tout autre travail ne me fait pas peur. Il est envoyé dans une exploitation en tant que travailleur agricole26. » Malgré les appels répétés des administrations pour une meilleure prise en compte des métiers antérieurs des réfugiés27, les résultats sont peu concluants. À la fin de l’année 1946, 43,8 % des réfugiés de la zone soviétique ont été dirigés vers le secteur agricole28, alors que moins du quart des expulsés issus des territoires polonais et tchécoslovaques travaillaient dans l’agriculture avant l’expulsion (respectivement 22,3 % et 17,2 %). Cette situation est différente en Saxe où ils ne sont que 21,4 %29 à rejoindre le secteur agricole.

17Dans la zone soviétique, cette mesure est utilisée également pour les démontages industriels. En Saxe, près de 1 000 entreprises sont démontées30, alors que pour l’ensemble des zones occidentales, cette politique de désindustrialisation de l’Allemagne ne touche que 669 usines. L’implication des populations locales dans le démontage industriel provoque une défiance grandissante à l’égard de l’occupant et inquiète le SED. Pour se défendre de l’accusation qui circule en sous-main d’être la « Russenpartei », c’est-à-dire un parti à la solde des Russes, le SED saxon proteste de façon répétée auprès du comité central contre les démontages et la pratique du travail forcé qui tend à se répandre surtout dans les régions minières des Monts Métallifères31.

18La pression soviétique engendre l’envoi vers la Saxe de personnes physiquement inaptes au travail dans les mines32, en grande partie des réfugiés en raison de la résistance de la population face au travail dans les mines. Des rumeurs inquiétantes commencent à circuler au sein des camps de réfugiés, et poussent certains à quitter précipitamment la Saxe de peur de se faire enrôler. Les autorités soviétiques développent alors une stratégie de communication autour du travail dans les mines de la Wismut : « Les rumeurs habituelles autour des régions minières d’Aue ne provoquent plus auprès des anciens prisonniers de guerre apatrides de craintes particulières, car beaucoup de leurs anciens camarades, qui y travaillent, les ont informés par leurs courriers adressés aux camps de prisonniers de guerre des opportunités qui y sont offertes, ainsi que du salaire et du ravitaillement33. » En 1947, seuls 17 % des hommes examinés répondent aux critères nécessaires pour le travail minier34. En 1948, ils ne sont plus que 15 % ce qui est très peu compte tenu des besoins en main-d’œuvre et des réquisitions.

19Finalement, si la politique de l’emploi mise en place par les administrations allemandes et soviétiques peut être qualifiée d’autoritaire dans les premières années d’après-guerre, c’est avant tout la famine qui pousse les réfugiés à accepter tout travail. Malgré la mobilisation des campagnes, la récolte des années 1945 et 1946 est extrêmement mauvaise, elle ne représente que 50 % d’une récolte d’avant-guerre35. Les conséquences sont surtout sensibles dans les grandes villes car la récolte est consommée en premier lieu par les paysans et leurs familles pour se nourrir. Les plus touchés par la pénurie alimentaire sont les retraités et les femmes au foyer qui doivent s’occuper de leurs enfants, ils font partie de la dernière catégorie (VI) de rationnement. En effet, la nouvelle carte introduite en novembre 1945 divise la population en six catégories, dont voici les deux extrêmes :

Catégories

Pain

Viande

Graisse

Sucre

Pommes de terre

I

450 g

40 g

20 g

25 g

500 g

VI

200 g

rien

rien

15 g

300 g

Tableau 4. – Catégories de rationnement en novembre 194536.

20Ainsi, une femme ne reçoit ni viande ni graisse et seulement 200 grammes de pain, 15 de sucre et 300 de pommes de terre37. Avec l’apparition de carences, cette sixième catégorie disparaît en janvier 1947. La chronique tenue par les églises protestantes de la ville évoque la faim omniprésente : « C’était une époque où les gens souhaitaient recevoir un pain pour leurs 25 ans de mariage, pour pouvoir le manger seuls, et où les enfants demandaient une grande assiette de soupe pour leur communion38. » Les réfugiés, arrivés sans leurs biens, ne peuvent participer au marché noir florissant, et ne disposent pas non plus de contacts dans les campagnes environnantes, qui leur permettraient de compléter les rations accordées.

Les réfugiés au travail : apport de main-d’œuvre ou outil de propagande ?

21L’arrivée des réfugiés provoque de vives appréhensions en Saxe, tant dans les milieux politiques qu’au sein de la population, qui craint épidémies et famine : les Umsiedler représentent fatalement une concurrence pour la population d’origine vis-à-vis de toutes les ressources limitées, avant tout la nourriture, le logement et justement aussi le travail39. En octobre 1945 un conseiller municipal de Leipzig Dr Gelbke avait averti : « Die Umsiedlerfrage ist eine Seuchenfrage40. » Le risque sanitaire est réel, car le typhus est présent depuis l’été 1945 dans les villes frontalières, les premières touchées par l’arrivée des réfugiés. La maladie touche les transports de personnes, ce qui amène les villes à fermer leurs gares. Ainsi des centaines de réfugiés atteints par le typhus restent dans des trains fermés des jours entiers. Il existe des données pour Leipzig : entre 1945 et 1947, 892 142 personnes ont été examinées et soignées par les services sanitaires de la ville41. Pour la plupart, il s’agit de réfugiés en transit, atteint par des poux (14 253), de la gale (9 275). De très nombreuses autres maladies sont répertoriées dans les archives, il y a des cas de tuberculose (301), de diphtérie (105), de rougeole (53), de typhus (12). 196 personnes souffrent de maladies sexuellement transmissibles (MST)42, bien souvent la conséquence de viols43.

22La population saxonne craint aussi une crise de subsistance engendrée par l’arrivée massive des réfugiés, surtout pendant l’hiver 1946/47, appelé communément « Hungerwinter », l’hiver de la faim. La population locale souffre elle aussi des conséquences de la guerre, notamment les milliers de personnes évacuées après les bombardements alliés et qui peuplent aussi les camps de réfugiés. Au cours de l’été 1945, ces craintes sont ouvertement partagées par les administrations. La première directive de la LVS « Anordnung über die Lenkung und Betreuung der Flüchtlinge innerhalb des Landesgebietes44 » s’en fait l’écho :

« Ce flux de réfugiés difficilement contrôlable amène avec lui de sérieuses menaces pour le Land. Des criminels de guerre recherchés, des agents de la Gestapo ou issus des SD (Sicherheitsdienst : service de renseignement de la SS) ainsi que d’autres bandits nazis […] se sont mêlés aux réfugiés. Ils sont les instigateurs de bandes organisées qui risquent de déstabiliser le Land. Les migrations sauvages de colonnes de réfugiés à travers le Land ont déjà provoqué la destruction partielle de la récolte de pommes de terre. Ces cortèges de réfugiés présentent aussi des risques de propagation des épidémies. »

23Le seul argument en faveur d’un accueil de cette population migrante en Saxe concerne le manque de main-d’œuvre dans le secteur agricole, qui permet à certains arrondissements de contourner les interdictions d’accueil : « Les arrondissements ruraux en manque de main-d’œuvre surtout au regard de la récolte imminente peuvent accueillir des réfugiés de passage sur leur territoire. »

24Dans ce contexte, l’occupant soviétique et les administrations allemandes décident de lancer une campagne de presse pour sensibiliser la population au sort des réfugiés, et démontrer ainsi les opportunités économiques qui pourraient en découler : « La misère des réfugiés devrait être rappelée à l’esprit de gens de façon diversifiée par la presse, la radio et le parti45 », et ceci de façon répétée : « Les organisations (FDJ, FDGB, comités de femmes) doivent être encouragées à rédiger un appel commun à la solidarité de toute la population, pour le placarder ainsi que pour le distribuer sous forme de tracts46. » Il s’agit de réduire les résistances de la population locale vis-à-vis d’expulsés que la Saxe ne peut refuser d’accueillir. Le but de cette campagne est autant économique que politique. Les autorités veulent éviter que la question des réfugiés ne devienne un point de discorde entre la population locale et le SED, et ne pèse finalement sur les résultats électoraux. En même temps, l’obtention d’un travail doit être un pas supplémentaire dans le processus d’intégration, pouvant lier les expulsés à leur nouvelle patrie mais aussi au nouveau système politique. Le 13 mai 1947, la Tägliche Rundschau publie l’article « Sachsen erwartet neue Umsiedler47 » : « Cette main-d’œuvre nous est indispensable pour la reconstruction de l’industrie, de l’artisanat et du secteur agricole. En conséquence, il est juste et de bon droit d’accorder aux Umsiedler, qui sont prêts à assumer avec nous de grands devoirs, les mêmes droits. » Cependant, au regard des statistiques concernant l’état physique et sanitaire des réfugiés, les perspectives économiques semblent bien minces. En septembre 1945, les premiers chiffres font état de 300 000 réfugiés présents sur le territoire saxon, dont à peine plus 10 % sont déclarés aptes au travail (31 700 personnes)48. Au fur et à mesure du retour des prisonniers de guerre, les chiffres augmentent mais ils resteront toujours en deçà de ceux de la population locale49.

25Il y a de plus une inadéquation entre les qualifications des réfugiés valides et la structure économique du territoire d’accueil. Dès septembre 1945, le LAA saxon endigue les espoirs d’une intégration rapide des réfugiés en notant que « les employés de commerce et de bureau sont les plus représentés. Très loin derrière suivent les métiers d’auxiliaires de commerce et les métallurgistes ; très peu nombreuses sont les personnes issues du secteur agricole ou du bâtiment50 ». Et de commenter : « Ce sont aussi ces faits qui mettent en lumière les difficultés relatives aux questions professionnelles découlant de l’hébergement des réfugiés en Saxe, au vu notamment des qualifications professionnelles des chômeurs locaux51. » En comparaison avec les besoins spécifiques de la région, les difficultés à venir sont évidentes. Dans une lettre du LAA saxon destiné à l’Umsiedleramt régional en janvier 1946, les professions les plus recherchées sont détaillées :

« De nombreux métiers du bâtiment, tels que maçon, charpentier, spécialiste du béton, […] vitrier, tailleur de pierre, peuvent encore être occupés, en première ligne dans les villes de Bautzen, Chemnitz, Dresde, Leipzig et Plauen, qui ont le plus souffert des effets de la guerre. Les besoins sont tellement grands que le nombre de personnes issues de ces métiers parmi les réfugiés est loin de couvrir ces besoins52. »

26La nécessité d’une main-d’œuvre spécialisée domine. Dans le même document, le LAA précise les autres besoins de l’industrie régionale : 500 mineurs pour la région de Borna, ainsi que des dizaines de tourneurs, de forgerons, d’électriciens, d’ajusteurs et d’agents de conduite. Le LAA précise cependant quelques lignes plus loin que toutes ces places vacantes « ne s’accompagnent d’aucune possibilité d’hébergement ».

27Plusieurs conséquences se dessinent ici pour l’insertion professionnelle à moyen terme des réfugiés. Pour les personnes seules aptes au travail, dont par exemple les femmes sans enfants jeunes à charge, le chemin vers l’emploi s’avère long, en raison de la nécessité d’une reconversion professionnelle ou tout du moins d’une formation continue. Pour les familles, la pénurie de logement provoque une séparation pendant des mois voire des années. Celui qui travaille est en effet prioritaire pour l’accès à un logement, surtout dans les régions minières, mais les membres de sa famille ne le sont que rarement. Pour d’autres réfugiés, et notamment les personnes les plus âgées, l’impossibilité pure et simple d’accéder au marché du travail saxon les renvoie vers une dépendance aux aides sociales ponctuée d’emplois partiels et sous-qualifiés. Ces derniers cas sont alors partiellement abandonnés par les autorités régionales, avec le constat que « même le plus dynamique des responsables locaux ne peut pas reclasser les centaines de travailleurs agricoles âgés et de femmes d’agriculteurs, étant entendu que ce sont des personnes difficiles à reconvertir professionnellement53 ». Enfin, l’obtention d’un travail ne signifie pas la fin de la précarité. En cas de ralentissement de l’activité lié notamment aux pénuries en matières premières et en matériaux, les réfugiés sont les premiers congédiés, ce que regrette le gouvernement régional :

28« Il faudrait pousser les services pour l’emploi à favoriser les plus pauvres des pauvres dans l’accès à un travail, et lors des réductions de poste à agir pour que les Umsiedler soient les derniers à être licenciés et non pas les premiers comme c’est actuellement le cas, par exemple à la Poste ou les chemins de fer54. » Cet appel a peu de chances d’aboutir, compte tenu de l’égalité proclamée entre tous les travailleurs, ce qui ne permet pas d’inscrire dans la loi une priorité accordée aux réfugiés. Le LAA Saxon, pour sa part, admet en janvier 1946 que les expulsés sont perçus au contraire comme une main-d’œuvre peu fiable par leurs employeurs :

« Beaucoup d’Umsiedler ne prennent pas au sérieux le travail qui leur est donné, partent souvent pour rechercher leurs proches, et sont absents de leur lieu de travail pendant des jours entiers. Dans ces conditions, on ne peut en vouloir aux patrons d’entreprises qu’ils soient réticents à employer des Umsiedler. Pour contrer cela, dans les cas de manque de fiabilité au travail, il faut prévenir les services chargés du rationnement avec la demande de retirer leurs cartes de rationnement pendant une à deux semaines aux personnes concernées55. »

29Il existe un manque de compréhension flagrant vis-à-vis des besoins spécifiques des expulsés, qui comprend la volonté et les démarches entreprises afin de retrouver leurs proches. Employer des réfugiés à long terme en leur proposant des formations internes aux entreprises est en grande partie laissé au bon vouloir des employeurs et relève du cas par cas.

Les réfugiés au travail (1946-1949)

La question agricole

30À la fin de l’année 1947, la Saxe compte 1 006 892 réfugiés sur son territoire56, dont 457 071, soit 45,3 %, ont été déclarés aptes au travail par le LAA. En comparaison, la population locale est déclarée apte à 52,8 % en mars 194757. Cette différence est avant tout liée aux conséquences physiques de l’expulsion, de la vie dans les camps de transit et de quarantaine ainsi qu’au manque de nourriture. Parmi les expulsés aptes au travail, 334 836 occupent un emploi, soit 73,2 %58 Dans un premier temps, les réfugiés sont dirigés vers le secteur agricole. En 1947, le gouvernement régional constate que « la majorité des réfugiés, hommes et femmes, aptes au travail a été absorbée par l’agriculture59 ». Cependant, cette estimation semble contradictoire au vu des chiffres transmis par l’Umsiedleramt régional à la SMAS un an plus tard.

Réfugiés occupant un emploi

Dans l’agriculture

Dans l’industrie et l’artisanat

Autre

15 janvier 1948

359404

76794

177980

104630

1er juillet 1948

378345

80971

187278

110096

1er octobre 1948

331265

70876

163944

96445

Tableau 5. – Situation professionnelle des réfugiés en Saxe en 194860.

31Les statistiques régionales n’offrent qu’une vue d’ensemble, qui ne reflète pas l’hétérogénéité de la situation en Saxe. En 1948, à Leipzig, 11,6 % des réfugiés ayant un emploi travaillent dans le secteur primaire, contre 42,4 % dans l’industrie61. Dans les villes frontalières comme Görlitz, ils ne sont que 5 % dans l’agriculture mais dans les régions plus rurales autour de Meissen, ils sont 43 % et plus de 22 % à Rochlitz, dans la région industrielle autour de Chemnitz.

Görlitz62

Meissen63

Rochlitz64

Réfugiés aptes au travail

17750 = 44,9 %

23160 = 44 %

10086 = 33 %

Occupant un emploi

14059 = 79,2 %

19536 = 84 %

9042 = 89,6 %

… dans le secteur agricole

704 = 5 %

8340 = 43 %

1999 = 22,1 %

… dans l’industrie

3381 = 24 %

4357 = 22 %

3313 = 36,6 %

… dans l’administration

1805 = 12,8 %

425 = 2 %

532 = 5,9 %

… dans l’artisanat

2112 = 15 %

2020 = 11 %

765 = 8,5 %

Autre

6057 = 43 %

4394 = 22 %

2433 = 27 %

Tableau 6. – Répartition des réfugiés par secteur professionnel.

32Les estimations concernant le nombre de réfugiés travaillant dans le secteur agricole sont difficiles à vérifier. Une hypothèse plausible serait la confusion entre les personnes hébergées dans les régions rurales et les employés du secteur agricole. Il est vrai qu’un grand nombre de réfugiés effectue un travail de journalier en contrepartie de son hébergement chez l’exploitant ou en échange de nourriture65.

33Les expulsés viennent alors remplacer les prisonniers de guerre étrangers jusque-là utilisés pour compenser le manque de main-d’œuvre induit par la guerre. Durant les premières années d’après-guerre, il s’agit alors surtout de femmes avec enfants ou de personnes âgées, qui ne possèdent pas d’exploitation agricole. L’espoir d’un retour vers leurs régions d’origine joue un rôle crucial, et pérennise les situations de précarité. L’occupation des réfugiés dans le secteur agricole est davantage un phénomène de l’immédiat après-guerre, avant que la reconstruction économique ne relance les migrations internes vers les grandes villes et les centres industriels, appelées « Binnenwanderungen » pour les différencier de l’« Umsiedlung ».

34En Saxe, la présence des réfugiés dans l’agriculture a une durée limitée. Comme cela fut évoqué, lors de l’application de la réforme agraire, seules 8 089 demandes de parcelles sont déposées par ces derniers66. La Saxe se différencie sur ce point des autres régions : l’arrivée des expulsés a conduit à une hausse de 34 % du nombre de travailleurs agricoles dans la zone d’occupation67, mais en Saxe seuls 3 % des expulsés souhaitent obtenir une part des terres redistribuées68.

35Les régions rurales sont surtout synonymes de précarité et d’exclusion pour la population réfugiée. D’une part, ils peinent à trouver leur place au sein de cette communauté soudée, ce qui est lié selon Michael Schwartz qui considère qu’au vu du « caractère traditionnellement défensif des sociétés rurales et paysannes vis-à-vis de personnes étrangères à la communauté » l’on pouvait donc « s’attendre à de grands obstacles pour arriver à une intégration sociale69 ». Les exemples d’intégration « réussie » sont rares. Lorsque c’est possible, les expulsés fondent de nouvelles communautés rurales dont les réussites sont relayées par la presse, par exemple par la revue Neue Heimat : « Parmi les 118 communes de l’arrondissement Oschatz, la commune de Striese, composée uniquement de nouveaux paysans et d’Umsiedler, est à la pointe du taux de remise de toutes les productions agricoles70. »

36D’autre part, la précarité des réfugiés dans les régions rurales tient au caractère saisonnier des emplois. Ils ne permettent pas leur subsistance tout au long de l’année, et l’obtention d’aides sociales en dehors des périodes de récoltes leur est indispensable. Le nombre important de réfugiés en milieu rural ne leur garantit pas non plus un plein-emploi, les paysans locaux rechignent à employer les personnes âgées et les malades en tant que journaliers, une attitude déplorée par les administrations régionales : « Une grande partie des Umsiedler au chômage se trouve dans les arrondissements ruraux du Land de Saxe. Des problèmes d’hébergement se posent surtout en raison du refus des exploitants agricoles d’accueillir cette main-d’œuvre âgée71. » Même les réfugiés issus de l’agriculture vivent leur travail de journaliers sur des exploitations tenues par des paysans locaux comme un déclassement social : un grand nombre d’entre eux était propriétaire avant l’expulsion72.

37L’obtention de terres agricoles par les réfugiés dans le cadre de la réforme agraire ne signifie pas une sédentarisation à long terme. En 1949, l’administration saxonne chargée de l’intégration relève le fort taux d’abandon de ces terres. En 1949, le nombre de réfugiés quittant leurs exploitations et le nombre des nouvelles acquisitions tend même à s’équilibrer :

« Pendant le premier semestre de l’année 1949, 176 familles de Umsiedler ont reçu des terres agricoles :
Pendant le premier semestre de l’année 1949, 149 exploitations ont été rendues 28 pour cause d’inaptitude
50 pour cause de maladie etc. 32 pour cause de déménagement
10 pour cause d’émigration vers la Pologne
1 à cause du manque de locaux et de matériel nécessaires
16 pour transmission à leurs descendants
12 pour autres raisons diverses73. »

38Dès la fin des années 1940, l’exode vers les villes et les bassins industriels provoque une diminution progressive du nombre de travailleurs agricoles, après trois années de record quant au nombre d’employés dans le secteur agricole. Ces « Binnenwanderung » mentionnées auparavant signifient dans la plupart des cas une amélioration des conditions de vie et de salaire des expulsés, et une intégration facilitée par l’anonymat des grandes villes saxonnes.

L’opportunité industrielle ?

• L’industrie saxonne dans l’immédiat après-guerre

39Jusqu’au début des années 1950, les autorités soviétiques puis saxonnes peinent à relancer la production industrielle. Les destructions causées par la guerre et les bombardements ont endommagé 9 500 des 14 700 entreprises saxonnes et ont fait chuter sa capacité industrielle de 15 % par rapport à la production de l’année 194474. Pendant les 100 jours d’occupation américaine dans l’ouest de la région et à Leipzig, les grandes entreprises telles Siemens, ayant eu connaissance du changement d’occupation à venir, ont effectué un transfert de main-d’œuvre vers les zones occidentales75. Des unités spéciales de l’armée américaine ont été chargées de rapatrier le personnel et les documents d’importance stratégique76. L’ampleur exacte du transfert de connaissances et de main-d’œuvre vers les zones occidentales est difficile à chiffrer. L’exemple le plus frappant est l’évacuation des professeurs de l’Université de Leipzig, en partie sous la contrainte77. Après le départ des troupes américaines et durant les premières années d’après-guerre, la reconversion et la reconstruction de l’industrie saxonne sont entre les mains de la SMAS. La planification économique est mise en place par les 3 000 officiers qui contrôlent l’accès aux matières premières et la répartition de la production78. A cela s’ajoutent les démontages d’usines et d’infrastructures industrielles par l’occupant soviétique, en tout plus d’un million de tonnes de matériel sont ainsi envoyés de la Saxe vers l’URSS79. La Saxe, centre névralgique de l’économie de la zone d’occupation soviétique est lourdement touchée. L’industrie aéronautique et automobile disparaît presque entièrement, ainsi que l’électronique et la construction de machines-outils.

40Cette politique soviétique touche de plein fouet les travailleurs du secteur industriel : selon les chiffres de l’office statistique régional, les démontages touchent 20 % des employés80, qui se dirigent alors vers des secteurs moins touchés, recommencent la production avec d’anciennes machines ou se retrouvent au chômage. Les démontages freinent la reconstruction industrielle à moyen et long terme, notamment par la déconstruction de 30 % des lignes de chemins de fer, et provoquent une chute de la productivité ainsi que la pérennité d’un chômage structurel important. En 1946, les conséquences de cette politique économique font naître chez l’occupant la peur d’un « vide économique81 » en SBZ, ce qui conduit à la création des SAG. Les réparations sont dès lors payées directement par prélèvement sur les produits finis de ces entreprises. En Saxe, 15 % de la production est assurée par les SAG, situées dans les régions les plus industrielles de la Saxe et notamment Leipzig, Chemnitz, Böhlen et Espenhain82. Les SAG, placées sous l’autorité de la SMAS, sont les premières à bénéficier de l’apport de main-d’œuvre induit par l’arrivée des réfugiés : à cause de la présence des officiers soviétiques dans les camps de transit et de quarantaine, l’arrivée de travailleurs aptes au travail et surtout spécialisés est directement ponctionnée. En raison des besoins en personnel qualifié, les Soviétiques vont jusqu’à envoyer des réfugiés vers les SAG avant même la fin de la période obligatoire de quarantaine. Une différenciation se dessine ici dans le processus d’intégration entre les « Fachkräfte83 », bénéficiant de privilèges pour le logement et l’emploi, et l’immense majorité des réfugiés, qui peine à s’intégrer sur le marché du travail saxon.

• Le mythe des « Fachkräfte » ?

41Pendant les années 1945-1948, le terme « Fachkraft » est omniprésent dans les documents officiels concernant les réfugiés. Il est utilisé pour réduire les craintes de la population et des administrations sur les coûts engendrés par l’intégration des expulsés. En effet, le terme ne renvoie pas toujours à des qualifications exactes mais est utilisé à tous les échelons administratifs par exemple pour persuader une localité d’accueillir un transport de réfugiés, en promettant la présence de travailleurs qualifiés. C’est le cas notamment de la ville de Flöha84, confrontée à l’arrivée de réfugiés inaptes au travail dans les entreprises textiles. Ces problèmes peuvent être généralisés à tous les arrondissements industriels :

« La structure économique de l’arrondissement de Flöha nécessite surtout de la main-d’œuvre pour l’industrie textile. Les Neubürger établis ici sont pour la plupart issus de l’agriculture et doivent être employés dans d’autres secteurs […]. Au sujet de leur prise en charge professionnelle, l’administration chargée de l’emploi se plaint de la pénurie de certains personnels qualifiés, surtout dans l’industrie textile, mais a dû faire l’expérience lors du transport suivant cette plainte que les personnes envoyées en tant que personnel spécialisé dans le textile ne peuvent pas en tant que tel être utilisées dans l’industrie textile, car il s’agit en partie de personnes âgées, ou de personnes qui ont autrefois travaillé dans des entreprises du textile, mais en tant que transporteur ou concierge, et n’ont donc pas de savoir-faire précis85. »

42À Chemnitz, les industries doivent accueillir une population paysanne, une situation intenable pour le secteur :

« Le placement professionnel est encore et toujours sujet à de grandes difficultés […]. Il est inévitable qu’une partie des Umsiedler ait été envoyée vers des emplois qui ne leur sont pas familiers. Cela s’explique par le fait, que ce sont surtout des exploitants et travailleurs agricoles qui ont été envoyés vers l’arrondissement rural de Chemnitz. Un placement dans le secteur agricole était bien entendu impossible86. »

43Le problème de l’absence de travailleurs spécialisés parmi les réfugiés provoque en même temps des frictions entre les différentes régions, qui se renvoient des réfugiés sous prétexte de leurs qualifications. Le ministère saxon du Travail et des Affaires sociales déplore qu’au « sujet des transports de travailleurs spécialisés, qui ont été envoyés depuis d’autres régions et provinces, il a été remarqué qu’il s’agissait bien d’anciens travailleurs spécialisés, mais qui ont beaucoup perdu leur force de travail et leurs qualifications par la maladie ou l’invalidité87 ». La seule solution à moyen terme, devant l’inefficacité de la législation régionale et locale, est la prise en main du problème par les entreprises elles-mêmes, notamment par des mesures de requalifications professionnelles en interne88.

44Le manque de travailleurs qualifiés sera atténué à la fin des années 1940 avec le retour des prisonniers de guerre, notamment l’arrivée des « heimatlosen Heimkehrer89 ». De plus, la Pologne et la Tchécoslovaquie commencent à autoriser le départ vers l’Allemagne de travailleurs spécialisés, après les avoir retenus le temps nécessaire à la formation de spécialistes nationaux90.

45Cet apport tardif de main-d’œuvre qualifiée vient stabiliser la reconversion économique de l’industrie saxonne et compenser le manque d’ouvriers qualifiés généré par la guerre. Cependant, il provoque le renvoi de ceux qui avaient comblé temporairement ce manque : les réfugiés, et en premier lieu les femmes et les personnes âgées. Un nombre important de travailleurs peu ou pas qualifiés se retrouve alors sur un marché du travail devenu très concurrentiel. Les réfugiés sont les premiers visés par ce chômage structurel, en tant que dernières personnes embauchées. Ils sont aussi pénalisés face aux anciens prisonniers de guerre que le régime essaye au plus vite d’intégrer pour des motifs politiques et idéologiques limpides.

• Entre privilèges et conflits sociaux

46Les travailleurs qualifiés sont non seulement prioritaires pour l’obtention d’un logement vacant, mais leur importance économique amène les autorités à expulser des personnes de leur logement, pour laisser leur place aux hommes valides, en premier lieu aux mineurs91. La population locale est alors transférée vers d’autres arrondissements de la zone, souvent moins dynamiques d’un point de vue économique. Les personnes âgées et les femmes qui ont à leur charge de jeunes enfants sont les premières concernées. Cette politique provoque des conflits entre la population locale et les réfugiés, mais aussi entre les arrondissements des Monts Métallifères et le reste de la Saxe :

« Les arrondissements miniers : Aue, Annaberg, Marienberg, Stollberg, Freiberg, Chemnitz, Auerbach, Plauen, Dippoldiswalde, Zwickau (ville et arrondissement rural) sont particulièrement affectés. Également, dans les centres industriels de Riesa, Görlitz, Hirschfelde, Espenhain entre autres, les exigences envers les services du logement sont plus grandes en raison de l’accueil supplémentaire de travailleurs92. »

47L’interdépendance des problèmes de logement ou de travail exacerbe les tensions : les hauts lieux industriels n’ont qu’un nombre limité d’hébergements, les arrondissements moins peuplés tels que Grimma, Döbeln et Görlitz n’offrent pas d’opportunités professionnelles93. Ces derniers refusent l’accueil d’une population inapte au travail : les dépenses générées par les aides sociales sont à la charge des communes. Pour permettre le relogement des personnes écartées des régions industrielles, le gouvernement régional instaure des aides ponctuelles pour les communes, sans qu’une directive claire ne semble avoir été mise en place : « Apparemment, les Länder payent déjà des subventions sur leur propre budget aux localités les plus défavorisées, mais il manque encore une réglementation sur ce principe, en principe les Länder ne possèdent pas de budget pour ces dépenses94. »

48La politique de recrutement de travailleurs spécialisés au sein de la population réfugiée provoque leur concentration dans les régions industrielles. Dans le secteur minier, une véritable entraide s’établit entre ces derniers, et les exemples d’aide mutuelle sont soutenus par les autorités. C’est le cas du combinat d’Espenhain, dont la « Vorbildliche Umsiedler Selbsthilfe », c’est-à-dire l’aide mutuelle des Umsiedler, est qualifiée d’exemplaire :

« Ces derniers jours l’organisation d’aide mutuelle active des Umsiedler du combinat Espenhain dans la région d’extraction de lignite du Land de Saxe a fait le bilan de sa première année d’existence. À cette occasion, une manifestation a été organisée pendant laquelle elle a pu rendre compte du travail accompli jusqu’alors. Parmi les 13 000 membres du personnel du combinat, environ 3 100 sont des Umsiedler, qui ont pu être en partie équipés en meubles, en équipement ménager et en vêtements avec l’aide du gouvernement régional, de la direction de l’usine et du comité d’entreprise95. »

49La création d’associations ou de réseaux destinés aux réfugiés n’est possible que dans les industries d’importance stratégique et cela jusqu’en 1948. Par la suite, elles tombent sous le coup de l’interdiction de coalition qui touche la population expulsée, « à partir d’un certain moment, la protection du régime du SED par des moyens policiers est devenue plus importante que les motifs de politique économique ou d’intégration qui avaient conduit à la création ou à la tolérance de ces organisations spéciales domestiquées96 ». Ce virage affecte les organisations d’entraide et les coopératives artisanales, mais aussi les administrations créées dans le cadre de la politique d’accueil et d’intégration.

Le difficile retour à l’autonomie : professions indépendantes et reconversions

L’exemple des artisans

50Entre 1945 et 1950, la zone d’occupation soviétique est touchée par la pénurie en biens de première nécessité comme les vêtements, les chaussures, les installations de chauffage ou les meubles. L’arrivée des réfugiés provoque un afflux d’artisans, qui stimule la reprise de la production mais qui vient aussi renforcer la concurrence autour des matières premières.

51Dans un premier temps, et pour respecter les délais de passage dans les camps dictés par l’occupant, les autorités saxonnes organisent les camps comme de véritables microsociétés visant à atteindre un certain degré d’autosuffisance. Comme il est impossible de transférer les expulsés vers un logement ou un emploi sans vêtements ni chaussures, des ateliers de production sont mis en place au sein des camps, pour aider les plus nécessiteux.

52Dans un second temps, ce travail « à domicile », Heimarbeit, offre une perspective aux femmes et aux personnes trop âgées pour intégrer le marché du travail, mais également aux artisans qui ont dû laisser derrière eux leurs outils et leurs ateliers. En 1946, les 99 camps contrôlés par les autorités saxonnes comptent 47 ateliers dont 10 cordonniers, 5 ateliers de couture, 9 ébénistes, et 2 coiffeurs97. Cependant, à leur sortie des camps, la situation professionnelle des artisans est plus difficile qu’aucune autre. En effet, 83 % des réfugiés mineurs ont retrouvé un emploi dans leur branche d’activité, 85 % dans la construction, 66 % dans l’industrie, et 68 % dans l’agriculture. A contrario, seuls 53 % des artisans ont pu réintégrer leur corps de métier98. L’obstacle principal pour les réfugiés qui souhaitent exercer de nouveau leur profession d’artisan est l’hostilité des chambres des métiers, dont les membres sont tous issus de la population locale :

« Les artisans locaux ont créé de grandes difficultés aux Umsiedler souhaitant fonder de nouveaux ateliers d’artisans. Les pénuries actuelles concernant les matériaux donnent la possibilité aux artisans locaux, qui persistent dans leur esprit de conservatisme, de prétendre qu’une augmentation de leur nombre par la création de nouveaux ateliers par les Umsiedler n’est pas nécessaire99. »

53Le corporatisme des chambres des métiers constitue un frein à l’insertion sociale des artisans réfugiés. Les artisans locaux sont opposés à la création d’ateliers par les expulsés, qui constitueraient selon eux une concurrence insupportable pour les soldats captifs et souhaitant reprendre leur activité lors de leur retour100. Les chambres des métiers refusent de reconnaître les qualifications nécessaires à la création d’un atelier : soit parce que le réfugié concerné n’a pas pu emmener son brevet de maîtrise101 avec lui, soit parce que le brevet a été délivré dans un autre pays. Ce dernier argument est utilisé pour justifier la nécessité de repasser son brevet, ce qui se révèle bien souvent trop coûteux et trop long pour les réfugiés qui doivent entre-temps nourrir leurs familles. Enfin, il s’agit ici avant tout d’un jeu de pouvoir et de hiérarchie, visant à rabaisser voire humilier les maîtres artisans réfugiés, qui devraient reprendre leur apprentissage sous l’autorité d’un artisan local. Ces difficultés participent d’un phénomène plus large : la surreprésentation des réfugiés dans les emplois subordonnés.

54Les professions indépendantes, et notamment le secteur de l’artisanat, nécessitent à la fois un apport financier majeur, la constitution d’un réseau de clientèle et le soutien des autorités afin de reprendre une activité. L’obtention de crédits par la promulgation de la loi du 8 septembre 1950 permet à certains réfugiés de fonder un atelier ou une nouvelle activité. À cette date, une partie des réfugiés artisans a pu trouver un emploi dans le secteur industriel, notamment les maçons et les charpentiers, et peut alors bénéficier d’une rémunération en tant que Fachkräfte102. D’autres expulsés cherchent à pallier leur manque de moyens en formant de coopératives, tolérées un temps par les autorités.

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Tableau 7. – Employés et professions indépendantes parmi les réfugiés en Saxe103.

Initiatives privées et résistances politiques : l’interdiction des coopératives en Saxe

55En 1947, 42 coopératives de réfugiés, Umsiedlergenossenschaften, existent en zone d’occupation soviétique104. Elles participent d’une politique économique plus générale visant à la création de « staatlich geförderte Bindung von Produktivgenossenschaften105 », c’est-à-dire la création de « coopératives de production » avec le soutien des autorités. Cette mesure ne fait pas partie des mesures d’intégration officielles, mais vise à regrouper des corps de métiers afin de réduire la spéculation et la concurrence nées de la pénurie en matériaux et en matières premières. Les coopératives regroupant uniquement des réfugiés sont dès le départ d’avantage tolérées que soutenues. Rapidement, elles sont encouragées et poussées à se regrouper avec des coopératives plus grandes, en lien avec la population locale.

56En Saxe, de telles coopératives spécifiques aux expulsés n’existent pas. L’administration chargée des réfugiés au sein du gouvernement régional avance tout d’abord un argument politique pour expliquer cette exception saxonne : « L’établissement de coopératives de Umsiedler ne peut être préconisé dans le cas particulier de la Saxe. Une coopérative explicitement composée des seuls Umsiedler représenterait un corps étranger, et ne peut être mise en adéquation avec les efforts de l’administration en charge, des partis et des organisations afin de parvenir à une assimilation rapide des Umsiedler106. » Cet argument est repris par la chambre des métiers saxonne :

« 346 coopératives d’artisans existent en Saxe. Tous les Umsiedler qui sont artisans participent aux coopératives nommées ci-dessus selon leur métier avec les mêmes droits et devoirs. La chambre des métiers réfute l’idée de coopératives propres aux réfugiés, car ils sont considérés de la même manière que la population locale après leur sédentarisation. C’est pour la même raison que cette même autorité a proclamé que la seule coopérative de réfugiés à Reichenbach/Vogtland était désormais une coopérative générale107. »

57D’autres documents laissent supposer une autre raison pour ce refus : « La chambre des métiers du Land de Saxe se prononce fondamentalement contre la création de nouvelles coopératives (en raison de la pénurie de matériaux)108. » L’argument politique est ici stratégique, pour s’assurer le soutien des autorités et surtout du SED concernant les résistances de la chambre des métiers contre l’établissement de nouveaux artisans issus de la population réfugiée.

58L’exemple de la coopérative de Reichenbach109 montre l’impact du politique sur ces décisions. En 1947, elle compte 277 membres, en grande majorité des réfugiés issus de Tchécoslovaquie. Cependant, et cela explique la tolérance des autorités, les acteurs de cette coopérative sont des « Antifa-Umsiedler110 », c’est-à-dire des réfugiés reconnus comme antifascistes, car tous étaient membres du parti communiste tchécoslovaque avant 1938, sauf Ludwiga Kunzmann, « mais elle participait aussi aux organisations de masse du prolétariat ». En octobre 1947, alors que le conseil d’administration ne compte que des membres du SED, cet unique exemple de coopérative saxonne propre aux réfugiés devient une coopérative artisanale générale. Au-delà de la loyauté politique de la coopérative, son autorisation temporaire est liée à son activité. Spécialisés dans les arts décoratifs, fabrication de dentelles aux fuseaux et passementerie111, les membres de la coopérative ont amené en Saxe des métiers et un savoir faire qui avaient fait la renommée des Sudètes. Au même titre que les traditionnels bijoutiers de Gablonz112, en Bohème, les anciennes industries traditionnelles des Sudètes ou de Silésie représentent un enjeu particulier pour les autorités. À ce titre, leurs anciens employés arrivés en Saxe bénéficient d’un régime de faveur, contrairement aux autres réfugiés, qui sont dispersés pour éviter la pérennité d’anciennes communautés. Les employés de quelques industries sont autorisés, au nom de leur savoir faire spécifique, à s’installer dans un même arrondissement. La Saxe, malgré ses efforts, ne parvient cependant pas à obtenir les réfugiés de Gablonz, dont une partie s’installe en Thuringe, mais permet cependant des créations d’entreprises qui concentrent une main-d’œuvre réfugiée comme à Dresde113 ou encore une entreprise installée à Tannenberg114.

59Ces réussites locales sont volontiers relayées par la presse entre 1945 et 1948. À partir de cette date, les plus grandes d’entre elles sont nationalisées pour devenir des « Volkseigene Betriebe », placés à partir de 1949 sous l’autorité du ministère de l’Industrie de la RDA. Ce durcissement politique est une nouvelle césure dans la vie professionnelle des chefs d’entreprise réfugiés dont certains émigrent alors en Allemagne de l’Ouest.

Les reconversions professionnelles

• Une perspective à court terme

60Nous l’avons vu, la population réfugiée est loin de constituer un apport massif de main-d’œuvre adaptée à l’économie est-allemande. Face à un chômage structurel persistant, les Länder mettent en place des mesures de reconversion professionnelle, visant avant tout deux catégories de personnes réfugiées : les invalides de guerre qui doivent changer de métiers en raison de leurs blessures, et les jeunes adultes qui n’ont pas pu, à cause de la guerre, bénéficier d’un parcours scolaire complet ou d’un apprentissage115. Cette reconversion doit se faire selon les besoins de chaque région et sous l’autorité de la ZVU, qui élabore un plan visant 50 000 personnes au niveau de la zone d’occupation. À première vue, ce plan semble ambitieux, sur un territoire où les écoles ne fonctionnent pas encore normalement116. Pour atteindre les objectifs énoncés par ce plan, les autorités centrales allemandes préconisent la contrainte : « Un tel plan ne pourra être réalisé sur la base du volontariat. Il va s’avérer nécessaire de réaliser la reconversion professionnelle avec l’aide d’une certaine contrainte législative117. » En 1948, il existe en Saxe :

  • 115 ateliers d’apprentissage internes aux entreprises ;

  • 44 ateliers d’apprentissage interentreprises ;

  • 23 dépôts d’équipement pour l’apprentissage ;

  • 22 chantiers d’apprentissage ;

  • 2 ateliers de reconversion professionnelle ;

  • 2 ateliers pour blessés et invalides de guerre118.

61Cette reconversion professionnelle s’effectue au sein des institutions mentionnées qui ne sont pas spécifiques aux réfugiés, et qui accueillent également d’autres jeunes adultes pour leur apprentissage. Les expulsés sont toujours minoritaires parmi les participants. Entre janvier et mai 1948, ces cursus concernent 8 891 personnes en Saxe, dont 811 réfugiés, soit moins de 10 %. Ils sont donc globalement sous-représentés au vu de leur poids démographique. À cette date, seuls 456 participants sont des femmes, parmi lesquelles 48 réfugiées119. Le phénomène gagne cependant en ampleur entre 1946 et 1948. En 1946, il n’existe que 35 institutions où pendant une année 320 réfugiés ont mené à bien leur formation de 18 mois120. Des problèmes particuliers se posent quant à la reconversion des expulsés en particulier. Tout d’abord, ces formations sont proposées dans les villes, ce qui pose un problème d’hébergement. En tout, 18 chantiers d’apprentissage existent en Saxe, et ce dans les villes d’Annaberg, Bautzen, Burgstädt, Chemnitz, Döbeln, Dresde, Flöha, Freiberg, Glauchau, Görlitz, Leipzig, Lugau, Meissen, Oelsnitz, Olbernhau, Oschatz, Plauen, Zwickau ; 2 ateliers à Freital et Görlitz, 2 ateliers d’apprentissage internes aux entreprises à Mittweida et Frankenberg121. Dans un souci récurrent d’égalité entre la population locale et les réfugiés, ces derniers ne bénéficient pas d’un régime de faveur quant à l’accès aux formations et ne sont bien souvent même pas mentionnés dans les statistiques de façon distincte122. Cette politique de reconversion professionnelle perd largement en soutien et en élan lorsque le retour des prisonniers vient atténuer le manque de main-d’œuvre. Dès le début des années 1950, les formations sont de plus en plus réservées aux jeunes générations, laissant les réfugiés peu qualifiés et plus âgés quitter peu à peu le marché du travail ou cantonnés à des emplois subordonnés.

• Le cas des « Schwerbeschädigte »

62La traduction littérale du terme Schwerbeschädigt est : « Sérieusement endommagé. » S’il est souvent traduit par blessé ou invalide de guerre, il fait référence à un panel très large de personnes, hommes ou femmes, qui souffrent de façon irréversible des conséquences physiques de la guerre. L’augmentation rapide de leur nombre à partir de 1946 est à imputer au retour progressif des prisonniers de guerre, qui composent la majorité de cette catégorie : entre 1945 et 1948, plus d’un demi-million d’anciens prisonniers de guerre arrivent en Saxe123 :

De captivité soviétique

177124

De captivité américaine

163511

De captivité britannique

165092

De captivité française

55872

Autres pays

3278

Total

564877

63Dans les statistiques, la différence entre Heimkehrer et Heimatloser Heimkehrer n’est faite que ponctuellement. Ainsi, pour l’année 1948, 10 859 des 84 441 prisonniers de guerre libérés sont considérés comme des réfugiés, 9 653 originaires « de l’Est » et 1 206 « de l’Ouest124 ».

64La catégorie des « Schwerbeschädigten », utilisée surtout dans le contexte de l’insertion professionnelle, ne fait pas la différence ni entre civils et prisonniers de guerre, ni entre réfugiés et population locale et ne nous permet pas d’étudier précisément l’impact de la politique sur ces derniers. Les blessés de guerre bénéficient cependant de mesures spécifiques, du moins dans l’immédiat après-guerre. Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, ils sont nombreux à être malgré tout déclarés aptes au travail :

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Tableau 8. – Schwerbeschädigte déclarés aptes au travail en Saxe125.

65En 1948, 87 833 ont été déclarés aptes au travail, soit plus de 62 % sur un total de 140 765 personnes recensées. Leur insertion professionnelle est placée sous l’autorité d’un service spécialisé au sein du LAA saxon, le « Referat Schwerbeschädigte ». Ce dernier déplore en 1947 que « des difficultés particulières se présentent pour l’accès des invalides à un emploi approprié. L’aversion à leur encontre doit être surmontée126 ». L’insertion professionnelle se fait à la fois par l’incitation et la contrainte. Les services de l’emploi et le FDGB sont chargés de répertorier les entreprises qui n’emploient que peu ou pas d’invalides pour les y pousser : « Les entreprises qui refusent d’accueillir des invalides doivent dans le pire des cas y être forcés par des assignations coerci127. » En Saxe, les résistances de la part des entreprises sont importantes, seul un peu plus de la moitié d’entre elles atteint l’objectif de 7 % d’invalides en 1948, soit 12 775 sur un total de 23 686128.

66Le même constat peut être fait au sujet de leur reconversion professionnelle, seule une minorité y participe. En 1946, dans les trois grands centres de formation à Dresde, Chemnitz et Mittweida, 380 personnes ont été formées129 pour devenir par exemple assistants commerciaux, comptables ou dessinateurs en bâtiment. Au-delà des grands centres de formation, certaines initiatives locales visent à prendre en charge les invalides selon leurs besoins. Ainsi, à Chemnitz, une structure pour aveugles voit le jour en 1947 sous l’égide d’un directeur, aveugle lui-même130. Les autorités, confrontées à des objectifs irréalisables et de faibles résultats recourent à une même explication, qu’il s’agisse d’invalides ou d’apprentis en général : le manque de motivation. Selon le LAA saxon, les blessés et invalides de guerre sont en partie responsables des mauvais résultats des programmes d’apprentissage et du taux élevé de chômeurs, autrement dit « les efforts des intermédiaires chargés de procurer des emplois aux Schwerbeschädigte échouent en raison du manque de volonté de ces derniers131 ».

67Bien souvent, la pression exercée par les autorités centrales sur les services pour l’emploi a pour conséquence l’envoi de personnes physiquement ou professionnellement inaptes vers des emplois qu’elles cherchent alors à quitter au plus vite. De même, avec l’arrivée des anciens prisonniers de guerre, se pose la question de leur « innocuité » politique. Pour le seul mois de mai 1948, 100 personnes doivent ainsi quitter l’emploi récemment mis à leur disposition en raison de leur passé politique, qualifié de « stark belastet132 ». Ici encore, ces chiffres ne nous permettent pas de définir le nombre exact des réfugiés parmi les blessés et invalides de guerre. Ils sont tour à tour placés dans l’une ou l’autre catégorie selon les statistiques, ou apparaissent simultanément dans les deux. En 1950, le gouvernement régional saxon conclut cependant : « Chez ceux qui bénéficient d’un emploi régulier, on observe une adaptation croissante à la population locale133. » En effet, entre 1945 et 1950, seul un emploi permet de réduire les écarts sociaux et matériels entre les deux populations, les aides sociales permettent aux réfugiés de survivre mais pas d’acquérir des biens essentiels, tels des vêtements ou du mobilier.

68L’occupation militaire de l’Allemagne dès 1945, couplée à la réalité humaine et économique de l’après-guerre, installe durablement la notion de contrainte dans les rapports entre occupants et occupés ainsi qu’entre la population et les autorités, qu’elles soient allemandes ou soviétiques. L’urgence de la reconstruction et de l’approvisionnement tend à réduire certaines libertés, comme celle de choisir son lieu de vie et son lieu de travail. Les hommes valides, considérés comme les garants d’une remise sur pied rapide de la zone d’occupation, sont au centre d’une politique économique et sociale, nouant privilèges et contrainte pour atteindre ses objectifs. Selon le Leitmotiv déjà évoqué de l’écrivain Jeremias Gotthelf repris par la revue Neue Heimat : « Celui qui n’aide pas à amener des temps meilleurs, celui-là ne mérite pas ces temps meilleurs134. » Les réfugiés sont les plus touchés par les aléas de cette politique, car ils sont entièrement dépendants des autorités, que ce soit pour l’accès à un logement, à un travail ou pour pouvoir vivre auprès de leurs familles. En raison du faible pourcentage d’hommes valides parmi les expulsés, les efforts économiques et politiques se focalisent sur une autre population, les réfugiées.

Le réfugié est d’abord une réfugiée

Femmes et réfugiées de l’immédiat après-guerre

Les femmes de la défaite et de la reconstruction en SBZ/RDA

« The idea of the Trümmerfrauen is a symbolic nexus for various facets of the postwar years : defeat, reconstruction, the harshness of postwar life in the ruins, facing (or not facing) the National Socialist past, the “excess of Women” (Frauenüberschuss) created as a result of the enormous loss of German men during the war, and in general, the experience of a generation of German (both men and women) that experienced defeat and the immediate postwar years135. »

69Cette image prégnante des Trümmerfrauen au milieu des ruines marque une rupture définitive avec la symbolique d’un IIIe Reich triomphant, véhiculée par l’image de l’homme-soldat et de la femme-mère allemande. Malgré la politique d’Hitler visant, face à la crise des années 1930 et au chômage, à attribuer aux femmes avant tout un rôle de mère et d’épouse pour libérer le marché du travail, l’économie de guerre a posé les bases du travail féminin à grande échelle. À ce travail féminin relatif à l’effort de guerre s’ajoute le travail féminin préexistant, plus difficile à chiffrer. Ainsi, beaucoup de femmes travaillent aux côtés de leurs maris sans être comptées parmi la population active à proprement parler, notamment sur les exploitations agricoles familiales. La guerre n’a donc pas amorcé un processus, déjà en marche, celui d’un accès progressif des femmes au marché du travail, mais l’a amplifié en raison de l’absence des hommes. Entre 1945 et 1953, ce processus évolue pour devenir un élément clé de la politique sociale et économique est-allemande.

70L’apparition des Trümmerfrauen dans les grandes villes est souvent décrite comme une rupture momentanée, caractéristique de l’immédiat après-guerre allemand. Cependant, loin d’être un phénomène spontané, il s’agit d’une conséquence de la volonté politique des occupants. En effet, les forces d’occupation publient des décrets de mise au travail obligatoire, comme Leipzig en juillet 1945136, afin de veiller à la remise en état d’infrastructures vitales, à l’exemple des routes et des bâtiments officiels. En raison de l’absence des hommes, ce sont les femmes qui sont en charge de ces travaux, souvent très pénibles, afin d’avoir accès à des cartes de rationnement d’une catégorie plus élevée. L’emploi de femmes dans les métiers du bâtiment, jusqu’alors interdit par la loi, est rendu possible par l’ordre no 32 du Conseil de contrôle allié du 10 juillet 1945137. Cette mesure est maintenue jusqu’en 1947 en raison de deux facteurs principaux : la destruction des industries à emplois dits « féminins », comme l’industrie textile, et le manque de travailleurs qualifiés pour les emplois dits « masculins », à l’exemple du bâtiment, du secteur minier et de la métallurgie. En même temps, la SMAD cherche à intégrer ce phénomène dans le processus social et politique d’une émancipation des femmes à moyen et long terme. Le terme même d’émancipation est à comprendre dans le sens d’une indépendance et surtout d’une autosubsistance des femmes par le travail. Les intérêts politiques et économiques fusionnent ainsi dans ces années 1945-1947 avec les enjeux idéologiques du régime. Les femmes se retrouvent de fait dans l’obligation de travailler, en première ligne les veuves et les nombreuses femmes qui n’ont plus la perspective de fonder une famille ou de se marier au vu du déséquilibre démographique. La reconstruction économique ne peut se faire sans elles.

71Les mesures d’urgence prennent fin à partir de 1947, en parallèle du retour progressif des prisonniers de guerre. L’ordre no 39 de la SMAD du 19 février 1947 vient clore cette première phase d’accès des femmes à de nouveaux métiers. En effet, malgré la pérennité de cette politique d’intégration des femmes sur le marché du travail, la fin de la première phase de reconstruction permet de replacer au premier plan la sécurité et l’intégrité physique de la population féminine, en raison des nombreux accidents sur les chantiers et dans les mines. La participation notable des femmes à des métiers dits « masculins » entre 1945 et 1947 reste une exception pour la période étudiée. Cependant, loin de constituer une parenthèse, elle ouvre la voie à l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, justifiée d’un point de vue idéologique mais aussi par le rôle joué par ces dernières dans l’immédiat après-guerre.

72Dans les années 1946 et 1947, les constitutions promulguées par les gouvernements régionaux de la zone soviétique proclament l’égalité entre les sexes, autant au niveau de la vie privée que professionnelle. En 1949, cette notion d’égalité est inscrite dans la constitution de la RDA, toutes les lois allant à l’encontre d’une égalité entre les hommes et les femmes au niveau marital et familial sont alors abrogées. Le nouveau régime se place alors en protecteur de la population féminine et en garant de son égalité en droit, ouvrant par là même la voie à un nouveau lien de dépendance. Selon Michael Schwartz, « si la domination personnifiée par le mari s’efface en faveur d’un patron étatique et anonyme, ses interventions sociopolitiques créent non seulement de nouveaux espaces de libertés pour les femmes, mais aussi – inévitablement d’un point de vue dialectique – de nouvelles dépendances138 ». La femme est placée sous la protection particulière du régime, à la fois en tant que mère et en tant que membre à part entière de la population active. L’État est alors tenu de rendre possible le cumul de ces deux rôles139. En 1950, la RDA promulgue la loi sur la protection des mères et des enfants et sur les droits des femmes : « Gesetz über den Mutter-und Kinderschutz und über die Rechte der Frauen », qui précise que le mariage ne doit en aucun cas restreindre les droits des femmes, et surtout ne pas entraver leurs possibilités d’exercer un métier ou de suivre des formations140. Cependant, si la législation apparaît très novatrice, notamment en comparaison avec le voisin ouest-allemand, l’égalité des femmes inscrite dans le droit ne vient pas révolutionner le monde du travail est-allemand.

73À partir de 1947, le retour des prisonniers de guerre fait renaître les conflits autour de la question des femmes et du travail. Elles sont accusées de représenter une concurrence déloyale et de tirer les rémunérations à la baisse par leur présence sur le marché du travail. En effet, malgré les efforts législatifs du régime, les différences de salaires restent importantes pendant toute la période étudiée. De plus, les femmes mariées qui travaillent sont vivement critiquées, même au sein du SED, et accusées d’être des « Doppelverdiener141 » qui viennent aggraver le chômage structurel persistant. Les appels se multiplient dans les années 1947 et 1948 en faveur d’une priorité dans l’accès à des emplois vacants aux anciens soldats, et, au besoin, de licencier en premier lieu les femmes mariées. C’est aussi l’un des buts de l’ordre no 39 de la SMAD du 19 février 1947, qui, sous couvert de protection des femmes dans le cas d’emplois dangereux, cherche à répondre aux attentes des anciens prisonniers de guerre en facilitant leur réinsertion sociale.

74Le renvoi des femmes mariées est aussi parfois présenté comme une solution afin de faciliter l’insertion professionnelle des expulsés masculins142. Après une courte phase durant laquelle des femmes ont effectivement remplacé les hommes manquants dans des secteurs dits « masculins », et ceci sans égalité de salaire, la répartition sexuée du travail regagne en ampleur dès la fin des années 1940 : en 1950, 82 % des postes vacants sont réservés à des candidats masculins, les 18 % restants sont explicitement réservés pour les femmes, qui représentent en même temps presque deux tiers des chômeurs143.

75Les années 1945-1947, si elles ne viennent pas révolutionner le partage sexué du travail, vont cependant ouvrir la voie aux femmes dans certains secteurs de l’économie est-allemande. C’est le cas dans les mines, domaine jusqu’alors exclusivement masculin. En 1946, 10 % des employés du secteur minier sont des femmes. Si par la suite elles sont réorientées vers des emplois administratifs au sein de cette branche industrielle, les femmes ont durablement investi un nouveau secteur professionnel. Cet exemple montre le primat des questions économiques sur les considérations politiques et idéologiques. L’emploi de femmes dans les mines se révèle, sous couvert d’émancipation, être en premier lieu une réponse trouvée par l’occupant au manque de main-d’œuvre. Les femmes, qui ne peuvent nourrir leurs familles avec la carte de rationnement de niveau IV accordée aux personnes ayant de jeunes enfants à charge, sont forcées d’accepter ces nouveaux emplois. La notion de contrainte quant à l’entrée sur le marché du travail est dès lors associée à la construction de la nouvelle société est-allemande.

76L’entrée des femmes dans une vie professionnelle indépendante permet au régime un accès plus direct à ses dernières d’un point de vue politique : elle permet leur participation à des organisations de masse présentes dans les entreprises et facilite de fait leur inclusion politique144. En effet, le régime ne sous-estime nullement le poids politique des femmes majeures qui représentent, au 1er janvier 1947, 44,7 % de la population de la zone et 45,7 % de la population saxonne145. En 1945, des « Frauenausschüsse » sont créés, c’est-à-dire des comités de femmes qui doivent défendre les intérêts de la population féminine, ils sont également présents dans les camps de réfugiés pour prendre contact avec les expulsées. Ces comités travaillent en étroite collaboration avec le SED.

77À partir de 1947, l’obtention d’un travail joue un rôle économique primordial, mais reste très difficile pour les femmes et les réfugiées. À ce propos, Michael Schwartz avance l’idée d’un double handicap social : celui d’être une femme et d’être une réfugiée146.

Les réfugiées en Saxe

78Si l’arrivée des expulsés et réfugiés vient atténuer puis combler le vide démographique laissé par la guerre, elle renforce aussi le déséquilibre entre les sexes. Ce déséquilibre culmine dans les années 1945 et 1946 avec en moyenne 135 femmes pour 100 hommes, et reste une constante démographique durant toute l’existence de la RDA. Même si le nombre de femmes par rapport aux hommes baisse de façon constante pendant cette période, il est toujours de 124 en 1953, de 121 en 1962 et de 109 pour 100 hommes en 1989147.

Pour le territoire au 1.1.48

Total

Hommes

Femmes

Recensement

17.5.1939

5 465 200

2 586 879

2 878 321

29.10.1946

5 558 568

2 336 630

3 221 936

Tableau 9. – Population du Land de Saxe148.

79Entre 1939 et 1947, la part des hommes recule en Saxe de 49,3 % à 42 %149, en raison de la guerre et de l’arrivée massive de réfugiées. En novembre 1945, l’exemple de deux transports de réfugiés vers l’arrondissement de Chemnitz nous renseigne sur le poids des femmes et des enfants parmi ces derniers. Le 11 novembre 1945, un premier transport compte 238 réfugiés, dont 46 hommes, 120 femmes, 54 enfants entre 4 et 10 ans et 18 jeunes enfants. Le second daté du 20 novembre transporte 225 personnes dont 45 hommes, 127 femmes, 37 enfants et 16 enfants en bas âge150. Jusqu’au début de l’année 1947, 430 856 femmes, accompagnées de 269 285 enfants, doivent être accueillies, ravitaillées et soignées en Saxe151. Une politique spécifique envers les femmes est donc nécessaire et indissociable de la question de l’intégration sociale des réfugiés. En théorie, elles doivent être prises en charge en priorité152. L’importance accordée aux objectifs économiques, précédemment étudiée, mais aussi la forte présence de familles nombreuses rendent cet objectif difficile à atteindre153. Cette politique n’est cependant pas à comprendre comme une décision en faveur des femmes mais plus en faveur des mères, ce qui se traduit par des ordres clairs adressés par les instances régionales aux arrondissements : « Un point important concerne la prise en charge des familles nombreuses. […] Nous avons besoin d’enfants sains, d’enfants éduqués à la démocratie. […] Leur situation ne peut qu’être améliorée. Lorsque cela n’est pas possible, leur situation ne doit en tout cas pas se détériorer154. »

80Une étude locale menée par le LAA saxon à Löbau, ancienne ville de garnison située à proximité de Görlitz, permet d’entrevoir les limites de cette politique155 : 9 264 réfugiés y ont obtenu un logement permanent, mais 16 631 sont toujours hébergés de façon provisoire. Dans la première catégorie, ils sont 2 588 hommes, 4 171 femmes et 2 505 enfants de moins de 14 ans, contre 5 001 hommes, 7 298 femmes et 4 332 enfants toujours en attente d’un hébergement permanent. Bien souvent, ce sont les cas extrêmes qui attirent l’attention, comme celui de la famille Schumann, hébergée à Glösa dans l’arrondissement de Chemnitz :

« La famille Schumann, à Glösa, arrondissement de Chemnitz, a bénéficié d’une attention particulière de la part de la municipalité en raison du grand nombre d’enfants.
Schumann, Klara : la mère, née en 1904, 8 enfants et 2 petits-enfants (l’un décédé en 1948).
L’appréciation de la famille par la municipalité laisse entendre qu’il s’agit d’un foyer désordonné et peu propre. En outre, il a été constaté que des membres de l’Armée Rouge fréquentent cette maison, en conséquence un examen en polyclinique a été ordonné. Cette dernière n’a pas transmis le résultat (syphilis) aux représentants de la commune. Il a fallu attendre les soupçons de diphtérie chez Monika, âgée d’un an et demi et première à avoir été hospitalisée, pour constater que toute la famille, excepté le fils, est atteinte de syphilis156. »

81L’exemple de la famille Schumann est un cas extrême, mais il met à jour différents aspects inhérents à l’accueil des familles nombreuses de réfugiés. Tout d’abord, l’attention particulière accordée à cette famille, « besondere Aufmerksamkeit », prend la forme d’une vigilance particulière envers ses besoins, voire une surveillance de la vie privée de cette dernière. La vigilance des autorités locales peut être interprétée comme une volonté de surveiller le cadre de vie des enfants, qui sont une priorité pour le régime, mais montre aussi les craintes concernant la vulnérabilité et le manque de protection des femmes seules dans l’immédiat après-guerre. Dans ce cas, cette appréhension est exprimée en raison des liens entretenus par la famille avec l’Armée rouge, mais dans d’autres cas elle est dirigée contre les employeurs ou ceux qui hébergent des réfugiés.

82Le problème des familles de réfugiés comportant un grand nombre d’enfants reste très complexe à résoudre, d’autant plus que beaucoup de femmes sont accompagnées d’enfants qui ne sont pas les leurs. En effet, en raison du chaos et des pertes humaines provoqués par la fuite et l’expulsion, de nombreuses familles ont été séparées et des enfants sont désormais orphelins. Certains ont été pris en charge par d’autres expulsés. Cette situation conduit le vice-président de la ZVU, Michael Tschesno, à considérer l’envoi systématique de ces enfants vers des orphelinats : « Que faire avec les femmes ? […] Comment aider ? Ne peut-on pas séparer les enfants des femmes et les envoyer ailleurs ? Beaucoup de femmes ont des enfants avec elles qui ne sont pas les leurs, ce serait alors dans l’intérêt des femmes et des enfants157. » Il s’agit ici d’une réflexion théorique. Pour Michael Tschesno, il faut éviter aux enfants sans parents la vie dans les camps de réfugiés, mais aussi soulager les femmes qui les ont recueillis. Il craint à la fois la malnutrition, de part les difficultés rencontrées par les femmes pour nourrir une famille nombreuse au vu de leur catégorie de rationnement, mais veut aussi permettre à plus d’expulsées l’accès à un emploi, possible uniquement lorsqu’elles n’ont pas de jeunes enfants à charge.

Réfugiées et travail 1945-1949

83Pour les premières années d’après-guerre, les archives ne permettent d’établir un bilan nuancé et exact de la situation professionnelle des réfugiées en Saxe. En effet, les statistiques régionales, peu fiables jusqu’en 1946-1947, s’intéressent souvent soit aux femmes soit aux réfugiés en général. Il est difficile de recouper ces éléments pour parvenir à des chiffres concernant spécifiquement la population réfugiée féminine.

84Dans un premier temps, les réfugiées occupent surtout des emplois temporaires dans l’agriculture. Entre 1945 et 1947, elles sont hébergées en milieu rural et occupent souvent les fonctions des anciens travailleurs agricoles pendant les récoltes158. Ces activités temporaires ne protègent pas les femmes de la précarité durant les mois d’inactivité : elles restent dépendantes des aides sociales durant une partie de l’année. D’autres femmes se dirigent (ou sont dirigées) vers l’industrie textile, l’économie domestique ou le salariat159. De même, elles sont encouragées dès leur arrivée dans les camps de quarantaine à développer le travail à domicile, « Heimarbeit », dans l’attente de la reconstruction des industries qui emploient traditionnellement une main-d’œuvre féminine, comme le textile.

85Cette statistique locale datée de 1946 permet plusieurs constats. Tout d’abord, une division sexuée du travail transparaît, les femmes sont absentes des secteurs de la métallurgie et des carrières. En outre, les femmes sont surtout des employées et sont très peu nombreuses à exercer des professions libérales, mais cela s’applique aussi aux hommes. Les femmes travaillent en tant que subalternes et sont surreprésentées dans les services à domicile et l’économie domestique. Le faible nombre d’emplois dans l’industrie textile tient à la reconstruction inachevée de ces entreprises mais surtout au lieu de recensement, situé dans la région de Görlitz, peu industrialisée et frontalière. Les hommes déclarés aptes au travail dans la population étudiée bénéficient d’un plein-emploi, au contraire des femmes, dont 300 sont au chômage parmi les 5 989 présentes sur la commune.

86Au niveau régional, le chômage des femmes réfugiées reste un problème durant toute la période étudiée, qu’il soit saisonnier ou structurel. Après la première phase de déblaiement par les Trümmerfrauen, le nombre de réfugiées aptes au travail et occupant un emploi baisse au cours de la fin des années 1940 et passe de 150 836 sur un total de 258 942 (58,25 %) à la fin de l’année 1947 à 128 280 sur 247 858 (51,75 %) au cours de l’année 1948160. En avril 1949, sur 1 921 000 réfugiées adultes recensées dans la zone soviétique, 1,179 million sont soumises au recensement obligatoire par les services de l’emploi, et seules 592 000 ont un travail. À la fin de l’année 1949, le constat est sans appel selon la commission économique de la RDA : « En ce qui concerne les femmes réfugiées, la part des personnes qui travaillent est légèrement mois élevée que pour la population d’origine161. »

Hommes

Femmes

1. Secteur agricole

1 265

1 821

2. Foresterie

68

18

3. Carrières et gravières

36

4. Métallurgie

201

9. Industrie textile

164

225

11. Industrie du cuir

40

12. Industrie du bois

63

25

13. Épicerie et alimentation

10

17

14. Habillement

134

468

15. Coiffure

24

33

16. Bâtiment

886

13

17. Imprimerie

15

18. Nettoyage et désinfection

8

2

20. Restauration

6

8

21. Transport

13

23

22. Service et aide domestique

1 588

23. Tâcheron tous secteurs

1 071

1 265

24. Machiniste et chauffeur

2

25. Commerçant et employé de bureau

35

50

26. Technicien

7

27. Autres

6

115

Total

4 114

5 689

Tableau 10. – Secteurs d’activités des réfugiés à Löbau en janvier 1946162.

Femmes et réfugiées en RDA et en Saxe à la fin des années 1940

Une législation nouvelle

87Le 27 septembre 1950, avec la promulgation de la loi sur la protection des mères, des enfants et sur les droits des femmes, « Gesetz über den Mutterund Kinderschutz und über die Rechte der Frauen », l’égalité entre les sexes est réaffirmée, tant au niveau privé que professionnel. Cette loi a pour objectif de renforcer la première politique en faveur des femmes, largement incitative, et de lui donner un cadre législatif efficace. La baisse progressive de l’emploi féminin entre 1947 et 1950, ainsi que leur manque de perspectives professionnelles poussent les autorités est-allemandes à compléter l’égalité des sexes déjà présente dans la constitution par une loi qui prend la forme d’un plan avec des objectifs largement économiques. En 1950, alors que seules 18 % des offres d’emplois en RDA sont à destination des femmes et qu’elles représentent deux-tiers de la population sans emploi163, la promulgation de la loi sur la protection des mères et des femmes doit permettre d’atteindre l’objectif principal du régime : le plein-emploi.

88À la fin de l’année 1949, peu avant la promulgation de la loi, la Saxe tire elle aussi un bilan mitigé des efforts précédents pour intégrer les femmes sur le marché du travail. D’une part, entre mars et décembre 1949, un recensement dénombre 1 330 hommes de plus et 18 335 femmes de moins en Saxe164. Cette baisse s’explique premièrement par les mesures de regroupement familial, mais aussi par le manque de perspective de la population féminine qui quitte la région industrielle pour rejoindre l’Allemagne de l’Ouest ou les régions plus rurales de la zone soviétique. D’autre part, les années 1948 et 1949 sont des années difficiles pour les femmes, qui subissent de plein fouet la réorganisation économique et le retour des prisonniers de guerre :

« Le nombre de chômeurs a été évalué à 124 523 au total au 31 mars 1949. Parmi eux, 14 739 sont des jeunes au chômage. Le nombre total se compose de : 14 325 hommes complètement aptes au travail ; 27 882 partiellement aptes ; 62 424 femmes complètement aptes au travail ; 19 892 partiellement aptes165. »

89Parallèlement, le LAA saxon dénombre 18 380 postes à pouvoir, dont 12 789 sont destinés aux hommes et 5 591 aux femmes, soit à peine plus de 30 %. Il s’agit en premier lieu d’emplois dans les secteurs de la métallurgie et du bâtiment. Ce chiffre ne tient pas compte des besoins spéciaux issus des secteurs dits primordiaux. Ainsi, au second semestre de la même année, le LAA est chargé de mobiliser 20 000 travailleurs pour les mines des Monts métallifères, 7 500 pour la construction de logements à proximité des exploitations minières, 5 000 pour l’amélioration de l’approvisionnement de la population en eau et 4 000 pour la construction du barrage de Sosa, dans l’arrondissement de Aue. Le ministère saxon du Travail et des Affaires sociales est lucide :

« Au vu de ces exigences, il devient évident que les besoins en travailleurs ne pourront être couverts par la population au chômage. Des mesures de recrutement sont nécessaires, afin d’extraire les hommes entièrement aptes au travail des entreprises et de les remplacer par des femmes166. »

90Le rôle des femmes sur le marché du travail est alors clair : remplacer les hommes dans les entreprises afin de libérer ces derniers pour des secteurs stratégiques. Cette évolution du travail féminin doit se faire dans le cadre de la nouvelle loi sur la protection des femmes et des mères, dont le paragraphe 19 concerne l’égalité entre les sexes au niveau professionnel :

« § 19. (1) Auf der Grundlage der Gleichberechtigung ist den Frauen in erhöhtem Maße die Arbeit in der Industrie, im Transportwesen, in der Kommunalwirtschaft, im Handelswesen, in den Maschinen-Ausleihstationen und Volksgütern, in allen Organen der staatlichen Verwaltung, der Volksbildung, des Gesundheitswesens und anderen Institutionen der Deutschen Demokratischen Republik zu ermöglichen. Die Arbeit der Frauen in der Produktion soll sich nicht auf die traditionellen Frauenberufe beschränken, sondern auf alle Produktionszweige erstrecken, insbesondere der Elektroindustrie, der Optik, des Maschinenbaues, der Feinmechanik, der Holz-und Möbelindustrie, der Schuhindustrie sowie des Bau-und graphischen Gewerbes.
(2) Die Arbeitsbedingungen sind den physischen Besonderheiten der Frau anzupassen167. »

91Cette dernière phrase est importante : ne semble-t-elle pas en contradiction flagrante avec les objectifs cités précédemment ? N’est-ce pas là un argument décisif pour exclure les femmes de certains emplois, sous couvert de leurs « spécificités physiques » ?

92La loi du 27 septembre 1950 est accompagnée d’une série de décisions législatives visant à la protection des mères168. Depuis avril 1950, la loi prévoit un congé de maternité rémunéré étendu de 5 semaines avant à 6 semaines après l’accouchement. En 1952, une journée mensuelle de congé supplémentaire, « Hausarbeitstag169 », est accordée aux femmes mariées qui travaillent à plein-temps avec un ou plusieurs enfants de moins de 18 ans à charge. À partir de 1946, une compensation financière vient aider ces dernières lorsque leurs enfants sont malades.

Les effets de la loi en Saxe

• Dans l’agriculture

93En mars 1951, la commission chargée d’évaluer les conséquences de la loi en Saxe dresse un premier bilan. Elle est composée de membres du ministère des Affaires sociales et de la Santé. À l’occasion d’une première réunion170, les effets de la loi dans le secteur agricole et la sylviculture sont analysés. Il s’agit de préparer l’avenir, en formant des jeunes femmes dans les écoles dédiées aux métiers agricoles et en plaçant de nombreuses femmes à la tête de ces écoles ainsi qu’au sein du corps enseignant. Dès la fin de l’année 1951, une première directrice et deux enseignantes doivent recevoir leurs qualifications pour diriger des écoles agricoles saxonnes, après avoir été formées par l’académie « Walter Ulbricht » à Forst Zinna, dans le Brandebourg. En Saxe, 17 femmes sont d’ores et déjà directrices administratives et 4 sont techniciennes chargées de la recherche.

94Dans l’esprit des responsables du plan, elles doivent servir d’exemple aux jeunes filles et permettre d’augmenter de 25 % le nombre d’élèves féminines. Cet objectif se révèle difficile à atteindre, pour un métier qui ne semble guère attirer les jeunes femmes171. Le compte rendu de la réunion rapporte également que le ministère de l’Agriculture a proposé au ministère de l’Industrie, du Travail et de la Reconstruction de privilégier les femmes à certains postes, afin de réduire les résistances de la jeunesse féminine. Le ministère dresse une liste de métiers susceptibles d’attirer la population féminine vers le secteur agricole dont celui d’apicultrice, d’assistante pour la sélection des semences, d’éleveuse de volailles ou d’animaux à fourrure ou encore de coopératrice agricole. L’argument avancé n’est pas nouveau, « car dans ces métiers les spécificités physiques féminines sont le mieux mises à profit172 ».

95La situation s’avère en revanche plus difficile en ce qui concerne les métiers de la sylviculture. En plus du manque de candidates pour les postes à responsabilité, les autorités constatent que « les efforts pour placer plus de femmes à des postes à responsabilité au sein des administrations communales de sylviculture se heurtent à la résistance des employés masculins. Une pédagogie intense va également être nécessaire dans la sylviculture pour réaliser l’égalité entre les sexes173 ». Les jeunes générations de femmes sont en effet peu enclines à se diriger vers le secteur agricole, et ce dernier s’avère en définitive peu accueillant pour cette nouvelle main-d’œuvre.

• Dans l’industrie

96La 5e réunion de la commission, tenue le 5 mai 1951, est consacrée à l’évolution du secteur industriel depuis la promulgation de la loi. La loi doit permettre aux femmes l’accès à des emplois traditionnellement occupés par des hommes. L’augmentation du nombre de femmes est avérée dans certains secteurs industriels durant les mois qui suivent la mise en place de la loi174 :

D’environ

16200

à environ

16400

dans l’électronique.

5400

7300

la mécanique fine et l’optique.

17700

21500

la construction de machines.

11900

12100

le bois et la métallurgie.

8400

9100

l’industrie de la chaussure.

13200

14600

le bâtiment.

14000

14900

le graphisme et l’imprimerie.

97L’analyse est cependant purement quantitative, le nombre de femmes à des postes à responsabilité n’apparaît pas dans les chiffres des services chargés de l’emploi175. Si les femmes sont plus nombreuses à travailler dans de nouveaux secteurs, ce mouvement est à mettre en lien avec l’augmentation pure et simple du nombre de femmes qui travaillent. Cet accroissement concerne en premier lieu les employées, elles passent de 880 500 en mai 1950, avant même la promulgation de la loi, à 904 000 en novembre de la même année176 :

D’environ

440900

à environ

473400

dans l’industrie.

72800

78700

dans le commerce.

28700

31500

dans les transports.

33500

35200

dans le secteur de la santé.

98Il est difficile d’évaluer exactement l’impact de la loi sur une évolution déjà en marche dans de nombreux secteurs avant même le retour des prisonniers de guerre.

99Une constante du secteur industriel reste la différence de salaire entre les hommes et les femmes. Malgré l’ordre no 253 de SMAD du 17 août 1946, qui ordonne l’égalité de salaire sans distinction d’âge ou de sexe, les écarts effectifs sont souvent justifiés au sein des entreprises par l’« incomparabilité » (lack of comparability) du travail exercé par les deux sexes177. Ainsi, dans une raffinerie de sucre à Halle, les femmes qualifiées perçoivent entre 46 et 60 Pfennig, les hommes sans qualification professionnelle travaillent pour un salaire d’au minimum 70 Pfennig178. L’auteur précise que « mentionnant des constats similaires en Saxe, un inspecteur s’est plaint que : « Les comités d’entreprise n’ont pas du tout réfléchi à une réévaluation du travail féminin en fonction de la simplicité du travail, ce qui touche au même titre les hommes et les femmes, et du travail qui suppose une dextérité spécifique, de la force physique et des connaissances spécialisées179. » Durant la période étudiée et malgré les efforts politiques, comme l’interdiction des bas salaires féminins par la SMAD le 9 octobre 1947, une égalité des salaires entre les hommes et les femmes ne peut être atteinte dans l’industrie saxonne.

Les femmes à la place des hommes ?

100L’évolution des professions traditionnellement féminines est analysée lors de la 5e et de la 7e réunion de la commission des affaires sociales en mai et juillet 1951. L’accent est mis sur l’accès des femmes à de nouveaux secteurs professionnels, car ce sont ces emplois qui permettent un fort taux d’activité. En même temps, le nombre de femmes dans les administrations et dans le service public est en baisse. Entre 1950 et 1951, leur chiffre passe de 34 596 à 33 637180. L’explication donnée pour cette baisse est la politique de réductions de postes dans l’administration régionale. Une seconde raison, non mentionnée dans le compte rendu, pourrait être l’ampleur des migrations vers l’Allemagne de l’ouest, qui culminent entre 1950 et 1953 à la suite de la création de la RDA181. La même baisse est sensible dans le secteur de l’éducation, le nombre d’enseignantes passe de 18 399 à 18 082 malgré le grand vide laissé par la dénazification de la profession : depuis 1950, ce fléchissement du taux d’activité féminine est observé par le ministère de l’Éducation, lui-même composé de 53,4 % de femmes182 :

Au 3e trimestre 1950

14212 Femmes

 = 47 % des enseignants

Au 4e trimestre 1950

16141 Femmes

 = 48,9 % des enseignants

Au 1er trimestre 1951

15523 Femmes

 = 45 % des enseignants

101Selon le ministère, les raisons de ce fléchissement sont avant tout familiales :

« Suite à l’étude précise des lettres de démission, trois raisons principales peuvent être identifiées pour expliquer le retrait de l’enseignement :

  • Le mariage (surtout lorsque le mari n’est pas enseignant).

  • Raisons familiales (la garde des enfants, les soins aux parents, la grossesse).

  • Raisons de santé (mêmes chiffres pour les hommes et les femmes).

Les départs en raison d’inaptitude professionnelle ou de passé politique suspect sont devenus très rares. De même, la reconversion professionnelle ne joue presque aucun rôle chez les femmes183. »

102La loi de 1950 prévoit de permettre aux femmes de travailler même si leur lieu de travail est éloigné de leur famille et nécessite, à plus ou moins long terme, une séparation184. Cependant, et la réunion du 5 mai 1951 le confirme, le mariage reste la raison principale d’un arrêt d’activité. Il conduit souvent à un simple retrait des femmes du marché du travail et non à une reconversion professionnelle. Malgré les efforts du régime pour valoriser le travail féminin, ce sont les femmes qui invoquent en premier lieu des raisons familiales pour quitter leur emploi, loin devant les hommes. Ici encore, certaines mentalités, comme les résistances envers les doubles salaires (Doppelverdiener) ne peuvent évoluer aussi rapidement que les lois. Ainsi, le DFD (Demokratischer Frauenbund Deutschlands – Confédération allemande démocratique des femmes), créé en 1947, rapporte la plainte d’une employée de la Poste, licenciée en raison de son mariage avec un homme qui travaille dans le même service :

« Apparemment, les conséquences de la protection accrue des femmes ne sont pas encore prises en compte dans les décisions de la Deutsche Post. Il serait constructif de prendre de nouvelles mesures, qui élimineraient non seulement les inégalités juridiques, mais aussi les inégalités réelles et persistantes. […] En tant qu’Allemande progressiste, je suis très déçue et amère d’avoir été licenciée au 1er octobre 1950 après des années de travail à la Poste. La raison indiquée pour le licenciement est qu’il n’est pas possible pour moi d’être employée dans le même service que mon mari185. »

103Malgré une égalité des sexes proclamée par la loi, la femme reste dans ce cas la première à quitter son emploi, le salaire du mari étant considéré comme le salaire principal du foyer. La situation des mères célibataires est toute autre. À partir de 1948, elles arrivent en grand nombre sur le marché du travail, poussées par la nécessité économique de travailler.

1947-1953 : « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit186 » ?

Émancipation, travail et contrainte

• La fin de la protection des mères

104Deux stratégies sont mises en œuvre par le régime pour augmenter le travail féminin : une pression économique accrue envers les femmes, placées devant l’obligation matérielle et morale de travailler, et une pression politique envers les entreprises appartenant à l’État, obligées à partir de mars 1952 de concevoir des plans internes de promotion de l’emploi et de qualification des femmes187.

105D’un point de vue quantitatif, la Saxe compte un taux élevé de femmes parmi les personnes exerçant une activité professionnelle : fin 1951, la Saxe affiche même le plus fort taux de femmes parmi les salariés de toute l’Allemagne188. L’occupation d’un emploi est, aux yeux du SED, l’indice principal du succès de sa politique d’émancipation féminine entre les années 1945 et 1950189. D’un point de vue économique cependant, les femmes sont perçues par les politiques en premier lieu comme un poids/une charge social(e) (« soziale Belastung190 »).

106L’année 1949 représente une année de transition pour les réfugiées. Elles étaient protégées jusque-là par les lois de l’administration soviétique d’occupation qui classaient les réfugiées élevant seules leurs enfants dans la catégorie des personnes inaptes au travail. Les aides sociales perçues sont renégociées en 1948, les mères célibataires ne sont alors plus automatiquement considérées comme inaptes au travail, ce qui amène en 1949 le ministère de l’Intérieur du Brandebourg à attirer l’attention sur le fait qu’il faudrait « veiller à ce que les Umsiedler ne tombent pas dans la misère sans en être responsables191 ». La raison d’un changement de cette politique sociale est avant tout financière : « La création d’emplois pour les femmes aptes à travailler signifierait une baisse des aides sociales accordées d’au moins 22 millions de DM par an. De plus, les femmes sans emploi sont presque exclusivement des Umsiedler, les mesures prises seraient dès lors également des mesures en faveur de leur assimilation192. » Cela passe notamment par la réduction du nombre des femmes déclarées inaptes au travail, par la modification des critères. Par exemple, les autorités centrales assouplissent l’âge légal de la retraite pour les femmes : « L’ordre no 3 de la commission de contrôle a fixé la limite de l’obligation de travailler à 50 ans pour les femmes, et a maintenant été remplacé par la loi sur le travail. Cependant, nous sommes d’avis […] qu’une femme en bonne santé peut dans des cas décisifs être contrainte à travailler au-delà de cette limite193. » La notion de « zwingende Fälle », cas décisifs, reste ici très vague. Sont exclues de l’obligation de travailler les femmes malades et « stark häuslich gebunden194 », ainsi qu’elles l’étaient sous législation soviétique. Ici encore, l’interprétation faite de ces termes par les services sociaux et par les services de l’emploi se fait au cas par cas et selon les possibilités budgétaires des localités.

107Les réfugiées déclarées aptes au travail à la suite des changements législatifs entrent sur un marché du travail dans un contexte difficile. Depuis le retour des prisonniers de guerre et la reconstruction de l’industrie lourde et des exploitations minières, les hommes sont clairement en position de force en ce qui concerne l’accès aux emplois vacants. En même temps, l’arrêt des subventions en faveur du travail à domicile conduit à une paupérisation des réfugiées, privées de ce revenu certes temporaire mais essentiel. À la fin de l’année 1949 et au début de l’année 1950, les autorités chargées de l’emploi cherchent alors désespérément de nouvelles occupations pour ces femmes, qui redeviennent alors dépendantes des aides sociales, par ailleurs très peu élevées195. Ainsi, la politique en faveur du travail féminin conduit même les autorités à promouvoir des emplois qui n’existent pas196.

108En 1951, les femmes perdent un autre pilier de la politique est-allemande en leur faveur : les services pour l’emploi, les « Ämter für Arbeit », sont officiellement fermés. Jusqu’à cette date, toute embauche et tout licenciement devait obtenir leur aval, et ils œuvraient en faveur d’un maintien des femmes à leur poste et de leur embauche prioritaire dans l’industrie légère197. À partir de 1951, les entreprises peuvent participer plus largement au recrutement de leur main-d’œuvre. Cependant, de part la situation toujours difficile sur le marché du travail, les services municipaux et locaux pour le travail et la formation, issus de la réorganisation administrative, restent les instances de contrôle et de gestion de la main-d’œuvre.

• Structures d’accueil et aides sociales

109Le premier plan biennal 1949-1950 a pour objectif une augmentation drastique de la main-d’œuvre féminine, afin de désengorger les services sociaux. Il se heurte au manque d’infrastructures. Ainsi, en 1948 les mères d’enfants en bas âge sont poussées vers le marché du travail, alors que le régime est-allemand débute à peine la création de crèches et de jardins d’enfants. Les réfugiées, dont les familles ont souvent été séparées par l’expulsion et la création des deux États allemands, sont alors dépendantes de ces institutions pour leur permettre d’exercer une profession. En mai 1947, le ministère saxon du Travail et des Affaires sociales communique ses projets de développement de ces structures d’accueil aux villes de Dresde, Leipzig, Chemnitz, Zwickau, Plauen et Görlitz. En deux ans, le gouvernement régional a décidé de mettre en place différents lieux d’accueil en accord avec la structure économique des arrondissements :

« Plan biennal d’action sociale198 1. Jardins d’enfants au sein d’entreprises de plus de 50 employées.
2. Jardins d’enfants groupés pour différentes petites entreprises d’une même commune.
3. Jardin d’enfants hebdomadaires au sein d’entreprises où le travail posté concerne les femmes.
9. Ateliers de couture dans les entreprises.
11. Blanchisseries dans les entreprises ou contrats avec des blanchisseries extérieures. »

110Cette directive régionale explicite la volonté des autorités de veiller non seulement à l’accueil des enfants mais aussi à extraire en partie les tâches ménagères du foyer pour les rendre possible sur le lieu de travail. Dans un premier temps, au vu des problèmes de financement, le ministère table sur un agrandissement des structures d’accueil préexistantes plutôt que sur leur création199. À première vue, il s’agit d’un plan très ambitieux, le ministère précise néanmoins que son but premier est de faire baisser le budget consacré aux aides sociales200. L’accès des femmes et surtout des mères au marché du travail doit compenser les dépenses liées au développement de ces structures d’accueil, en réduisant les dépenses sociales liées au soutien financier des mères au foyer.

111Le risque de paupérisation de la population féminine s’accentue en raison du délai important qui sépare la fin du soutien aux mères de la mise en place d’un réseau efficace de structures d’accueil pour ces derniers. Ainsi, en 1951, 262 650 places sont prévues au sein de 8 830 structures communales et 5 500 structures internes aux entreprises sur le territoire est-allemand201. La plupart de ces structures sont destinées à la Saxe, qui doit dès 1951 compter respectivement 5 300 et 1 800 institutions sur un total de 8 850 et 5 500 pour la RDA. Cette prédominance de la Saxe tient à sa structure industrielle et au poids démographique de ses grandes villes.

112Un objectif politique principal est l’implication croissante des entreprises, pour passer de 93,3 % de crèches et jardins d’enfants financés par les communes en 1950 à 88,5 % en 1955, 11,5 % des places seraient alors garanties par les entreprises202. Cette évolution doit réduire le coût social de cette politique, le ministère évalue en effet à 870 DM l’investissement nécessaire à la création d’une place d’accueil au sein des structures communales, contre 850 DM dans les entreprises.

113La prise en charge des enfants reste jusqu’au milieu des années 1950 une exception. D’après le ministère saxon du Plan, le Land doit obtenir un financement pour assurer 10 100 places de crèches dans les entreprises et 61 400 dans les communes au cours de l’année 1951, soit 71 500 au total203. Ce financement provoque des conflits entre les différents ministères. Ainsi, le ministère saxon du Travail et de la Reconstruction, débordé par les changements induits par la loi du 27 septembre 1950, cherche à comprendre le financement des crèches prévues dans les entreprises appartenant à l’État :

« En raison de la nouvelle loi sur les femmes, de plus en plus de demandes nous parviennent concernant la possibilité d’un octroi de moyens pour les crèches de jour et les crèches hebdomadaires prévues au sein des entreprises du peuple centralisées […], nous demandons donc une nouvelle concertation avec le ministère de l’Industrie et des Transports de Berlin204. »

114La poussée des femmes sur le marché du travail à la suite de la suppression des aides sociales pour les mères au foyer ainsi que les changements induits par la loi du 27 septembre 1950 accroît de façon considérable la pression sur les autorités locales pour une mise en place rapide des plans gouvernementaux d’accueil des jeunes enfants. La rapidité de la législation se heurte aux difficultés de financement et à la lenteur de la mise en place des places d’accueil prévues par les plans successifs. En ce qui concerne les entreprises nationalisées implantées sur tout le territoire est-allemand, la planification se fait depuis le ministère du Travail et de la Santé de Berlin et selon les secteurs d’activité concernés205. Là aussi, la situation semble chaotique : « La section principale de génie mécanique et d’électrotechnique commente à ce sujet, que le nombre de places octroyées ou rayées en 1950 est resté très imprécis. Apparemment, les différentes sociétés ne savaient même pas ce qui avait été prévu en amont pour l’année 1950206. » Cette désorganisation administrative provoque des situations locales intenables, notamment dans les exploitations minières des Monts Métallifères :

« Un rapport nous est parvenu de la fédération locale du DFD de Aue, à propos les difficultés liées à l’accueil des enfants des femmes qui travaillent dans les mines ou en tant que constructrices de rails. Ce rapport montre que le plan d’investissement prévoit 200 000 DM pour la construction d’un foyer d’accueil en continu ou pour la semaine en 1951. Nous vous prions de veiller à ce que le projet puisse être réalisé, l’accueil des enfants dans les régions des Monts Métallifères est en effet primordial, car certaines mères sont obligées de laisser leurs enfants dans des espaces communs totalement inadaptés207. »

115Les autorités, après avoir officiellement fait du travail féminin leur cheval de bataille, se voient dans l’obligation de justifier leur politique en montrant ses succès et en dissimulant ses difficultés. Ainsi, l’intérêt porté par la presse au développement des crèches et des jardins d’enfants pousse à l’activisme politique dans les grandes entreprises saxonnes réputées pour leur taux élevé de personnel féminin208. Les grandes entreprises sont prioritaires pour recevoir les fonds nécessaires. Les premiers projets, qualifiés de « erstrangig209 », sont destinés aux grandes villes210 :

  • À Dresde : des jardins d’enfants sont à mettre en place de façon urgente dans 5 entreprises de l’arrondissement (VVB Tabak, Mimosa, Ratsdruckerei, « Rheostat », Schleifscheibenwerk), projet repoussé jusque-là en raison du manque de locaux.

  • À Chemnitz : un « foyer hebdomadaire » est à mettre en place de façon urgente au sein de la filature de coton de la ville, la construction d’un jardin d’enfant a débuté au sein des usines Astra de la ville. Le manque de matériel de construction a ralenti le chantier, des moyens ont été débloqués par le « Referat Mutter und Kind211 ».

  • À Zwickau : des jardins d’enfants n’ont pas pu être mis en place dans deux entreprises en raison du manque de moyens financiers (Textilwerk Zwickau, Förtster & Berries) malgré la grande urgence de la situation.

  • À Leipzig : un jardin d’enfant est indispensable au sein d’une entreprise (Fabrik Bleichert), malgré un financement assuré le manque de locaux empêche sa construction.

  • À Plauen : la mise en place de jardins d’enfants est nécessaire dans différentes entreprises de l’arrondissement (Spitzen-, Kleider-und Wäschefabrik, Glühlampenwerk Plauen, Konsumgenossenschaft Einheit, Sachsenverlag) mais n’a pas pu être réalisée en raison du manque de matériaux de construction et de moyens financiers.

116La même situation se retrouve dans les arrondissements ruraux et surtout dans les exploitations minières. Les coûts prévus pour la construction de jardins d’enfants s’échelonnent entre 30 000 DM dans les petites et moyennes entreprises jusque 200 000 DM dans les grandes SAG minières212. Les difficultés sont partout les mêmes : manque de moyens, manque de locaux et manque de matériel de construction.

117Au cours de l’année 1949, le nombre de jardins d’enfants augmente au sein des entreprises de 121 à 200, 100 de plus sont prévus pour l’année 1950213. Un « foyer hebdomadaire » d’accueil en continu est prévu dans ce premier plan biennal 1949-1950 pour toute commune de plus de 20 000 habitants. De même, l’augmentation progressive doit se faire selon un partage très strict : 50 % des jardins d’enfants sont à dédier aux grandes entreprises, 30 % aux arrondissements ruraux et 20 % sont publics214.

118Malgré ce plan biennal, suivi entre 1950 et 1955 d’un second plan quinquennal, le clivage entre volontarisme politique et réalité locale persiste au-delà de la période étudiée. En 1950, 248 300 places d’accueil existent en RDA. Cependant, en 1955, seuls 10 % des enfants ont accès aux crèches et environ 35 % aux jardins d’enfants215. En 1951, la Saxe compte à elle seule environ 49,5 % des structures d’accueil de la RDA tout entière216.

• La question du temps partiel

119Face aux problèmes liés à l’accueil des enfants, les autorités est-allemandes repensent l’organisation du travail féminin à la fin des années 1940. L’idéal d’une femme indépendante, mère de famille et travaillant à plein-temps se heurte à la réalité sociale et économique de la première décennie d’aprèsguerre. Cependant, dans un cadre politique qui vise l’égalité pour les femmes en leur permettant le travail à plein-temps « par la socialisation du travail non rémunéré » comme les tâches ménagères et familiales, le travail à temps partiel peut tout au plus être accepté comme une « solution de transition » sur la voie du travail à plein-temps217. Le compromis que représente l’approbation du temps partiel semble en contradiction totale avec l’idéologie du régime : le salaire féminin resterait alors un « salaire d’appoint », contrairement au salaire masculin voué à garantir la subsistance de la famille218. Par le vote de la loi sur le travail219, promulguée le 1er mai 1950, l’État est-allemand s’engageait à créer les conditions nécessaires, « erforderliche Bedingungen », pour permettre aux femmes de faire usage de leur droit au travail dans tous les secteurs de l’économie220. Cependant, le manque de places d’accueil pour les enfants instaure un débat autour de l’autorisation du travail partiel. Il est mené publiquement et relayé par les organes de presse proches du régime : « La question des demi-journées de travail est en ce moment même discutée intensément dans la presse. Ces discussions tournent autour de la question de savoir si l’introduction de la demi-journée, 6 heures de “travail posté” par exemple, pourrait pallier au manque de main-d’œuvre, car elle permettrait d’employer des femmes au foyer qui ne conviennent pas pour le travail à plein-temps221. »

120À l’automne 1950, le ministère du Travail ordonne donc une enquête sur les perspectives du temps partiel dans les transports et à la Poste222. En même temps, les enquêtes réalisées dans l’industrie révèlent les très grandes difficultés liées à l’instauration du mi-temps dans les entreprises : « L’instauration du mi-temps se révèle pour l’instant impossible dans l’industrie, car l’organisation du “travail posté” en mi-temps et en pleintemps augmenterait les coûts administratifs, mènerait à une réorganisation partielle des opérations de travail, ce qui nuirait à la rentabilité des entreprises223. » Entre 1950 et 1953, le temps partiel reste une exception, il est utilisé uniquement en tant que forme transitoire du travail féminin. Il n’est inscrit dans le code du travail que lors de la promulgation du « Gesetzbuch der Arbeit » le 1er juillet 1961224.

La formation, clé de voûte de la politique de l’emploi féminin225

121Une stratégie des autorités en vue d’une insertion professionnelle des femmes est de renforcer leur accès aux formations. Devant la lenteur et le manque de moyen des administrations, les formations sont souvent réduites à un simple apprentissage organisé en interne par les patrons226. Alors qu’ils représentent près de 17 % de la population, les réfugiés occupent environ 10 % des places d’apprentissage et de réorientation professionnelle. En 1948, seules 811 des 8 891 personnes admises dans un tel programme sont des réfugiés. Chez les femmes, déjà très minoritaires, elles sont 48 sur 456227. Difficile dans ce contexte de parler de véritable opportunité professionnelle ou d’avancée sociale. En réalité, l’Umschulung (requalification professionnelle) devient bien vite Anlernen (formation sur le terrain), ce qui ne permet pas aux réfugiées de construire un avenir professionnel, dans un contexte instable où les femmes sont seules en charge des foyers.

122Cet échec de la reconversion professionnelle et des formations proposées est rapidement attribué à la réfugiée elle-même. Cette stigmatisation des femmes expulsées est exprimée surtout à l’égard des minorités allemandes issues de Hongrie. À force de stéréotypes, ces expulsées hongroises sont selon certaines administrations les seules responsables des faibles chiffres de formation des femmes : « Il a été remarqué que les réfugiées issues de Hongrie semblent avoir une aversion pour le travail qualifié. Cette tendance a un impact sur leurs enfants, qui, influencés, n’apprennent pas de métier mais acceptent tout de suite un emploi non-qualifié mais rémunéré228. » Les explications les plus diverses sont avancées pour expliquer le manque d’intégration de ces populations, allant du manque de compréhension à l’égard de la formation professionnelle, jusqu’aux conditions climatiques, apparemment responsables de cette difficile adaptation des populations issues de Hongrie229.

123Cette volonté d’expliquer le faible nombre de femmes inscrites dans ces formations ne conduit pas à la stigmatisation des seules réfugiées hongroises. La faute est néanmoins toujours reportée sur les personnes concernées, et non le système ou l’attrait des formations proposées. Ainsi, à Dresde, la publication des résultats à l’examen final pour les jeunes inscrits en formation suscite deux formes de commentaires. Le fait est que les filles semblent obtenir de meilleurs résultats que les garçons230 :

Garçons

Filles

Avec mention très bien

4,2 %

6,6 %

Avec mention bien

19,6 %

26,9 %

Ont échoué

12,6 %

9,8 %

Ne se sont pas présentés

0,5 %

1,1 %

124Ces résultats appellent deux commentaires. Un premier qui est positif : « Les résultats ci-dessus prouvent une certaine supériorité des filles vis-à-vis des garçons lors de l’examen de fin d’apprentissage231. » L’absence plus fréquente des filles à l’examen est justifiée ainsi : « Le fait que plus de filles que de garçons ne se soient pas présentées à l’examen final est la preuve d’un manque de confiance des jeunes apprenties envers leurs propres capacités232. » En revanche, l’absence plus fréquente des filles à l’examen n’est donc pas, selon les autorités, due à un manque d’attractivité des formations mais à elles-mêmes. Cette question révèle un trait particulier du régime, qui justifie les résultats par des facteurs qui ne relèvent pas de sa responsabilité. D’ailleurs, aucune enquête ne vient soutenir cette explication, qui doit certainement être complétée par des facteurs sociaux et financiers.

Le cas Anna Lorenz

125Pour illustrer les difficultés rencontrées par les femmes dans cette société d’après-guerre, j’ai choisi ici de recourir à un exemple. Le cas d’Anna Lorenz, est porté à l’attention du ministère saxon des Affaires sociales par une lettre envoyée depuis Dresde, par un employé (resté anonyme) d’une administration régionale ou locale233. Il y dépeint une femme, son statut de réfugiée n’est pas précisé, qui illustre la situation précaire des femmes en attente du retour de leur mari. Cet exemple nous permet de suivre Anna Lorentz à travers les décisions consécutives d’administrations qui semblent débordées. Ainsi, l’auteur de la lettre se demande s’il vit vraiment en RDA, quand il voit « qu’une femme, Anna Lorenz née Haake […], dont le mari a été déclaré disparu en 1942, ne reçoit encore ni pension de veuve (de guerre), ni allocations familiales, ni pension tout court ? ». En effet, dans le cas de personnes et surtout de maris disparus, les aides prévues pour les veuves de guerre sont difficiles à obtenir. Mais comment prouver la mort d’un mari, et son impossibilité définitive de contribuer au ménage ?

126De ce fait, au vu des difficultés financières rencontrées par Anna Lorentz, l’administration locale chargée des affaires sociales prend une décision radicale, soutenue dans une certaine mesure par l’auteur de la lettre : « Ses deux enfants de 9 et 13 ans lui ont été enlevés par l’assistance sociale et placés dans un foyer pour enfants, ce qui peut paraître compréhensible, pour soulager une mère en incapacité de travail à hauteur de 70 %. » Mais cette décision, laissant Anna Lorentz sans enfants à charge, en entraîne une autre, dans la logique d’une mise au travail généralisée des femmes, cette fois critiquée :

« Cela serait tout à fait défendable si d’un autre côté on n’avait pas sorti la mère de son appartement pour l’emmener chez un paysan, malgré son incapacité de travail qui exclut l’effort physique d’un emploi de journalière. Là-bas elle travaille désormais en étant simplement nourrie, sans recevoir un centime de rémunération, qui devrait cependant lui être assurée légalement par les décisions tarifaires de la loi protégeant les travailleurs agricoles ? »

127Nous retrouvons ici une thématique importante de l’après-guerre : l’exploitation dans le secteur agricole de personnes dans le besoin, à la place des anciens travailleurs forcés. Ce travail, physiquement éprouvant, ne donne lieu à aucune rémunération hormis le logis et le couvert. Les femmes en sont les premières victimes et elles ont rarement les moyens de se défendre. Un tel travail leur permet néanmoins de garantir un minimum de nourriture à leurs enfants, sans dépendre des restrictions liées aux cartes de rationnement. Cependant, dans ce cas précis, qui concerne une femme déclarée inapte au travail, les conséquences sont autres : « Son souhait d’aller voir ses deux enfants dans le foyer en ma présence n’a pas pu être exaucé, car elle ne possède ni robe ni chaussures et ne pouvait pas aller pieds nus jusqu’au foyer municipal pour enfants. » L’auteur s’interroge : « Comment l’assistance sociale locale peut-elle prendre de telles décisions, enlever ses enfants à la mère pour ensuite l’envoyer en tant que personne apte au travail pour effectuer le difficile travail agricole chez un paysan qui ne lui verse pas un centime de salaire ? Et qui donc ne peut plus payer de loyer pour son appartement ? »

128En effet, en l’absence d’Anna Lorentz, qui ne paye donc plus de loyer pour son ancien logement, ce dernier a été déclaré inoccupé. L’occasion est donc saisie par des notables locaux qui mettent toute leur influence au profit d’une réattribution du logement en prétextant un retard de paiement, avec la collaboration de l’administration chargée des logements : « Comment se fait-il que l’administration locale du logement soutienne la demande du propriétaire Unger, à l’heure employé au Magistrat local, de se voir octroyer ce logement, en raison de cette absence ? D’enlever de cette manière un logement à une femme qui attend son mari et soutien de famille, pour le remettre ainsi entre les mains du propriétaire ? »

129Le cas Anna Lorenz, aussi tragique qu’il puisse paraître, permet de comprendre tous les tenants et aboutissants d’une politique en faveur de l’émancipation des femmes par le travail, qui se trouve au niveau local confrontée aux réalités économiques et sociales, ainsi qu’aux réseaux d’influence et de pouvoir qui survivent, du moins un temps, aux récents changements politiques décidés à Berlin. Dans ces années marquées par les réorganisations administratives successives, cet exemple explicite également le fossé qui sépare l’idéologie, décidée au plus haut niveau de l’exécutif, et son interprétation par l’appareil administratif qui l’applique diversement.

Notes de bas de page

1 Barch DO 2/101, Ein Jahr ZVU, 28 septembre 1946.

2 Voir à ce sujet : D. Hoffmann, Sozialpolitische Neuordnung in der SBZ/DDR : der Umbau der Sozialversicherung 1945-1956, Munich, Oldenbourg, 1996.

3 D. Hoffmann, « Die Lenkung des Arbeitsmarktes in der SBZ/DDR 1945-1061 », in Peter Hübner et Klaus Tenfelde (dir.), Arbeiter in der SBZ-DDR, Klartext Verlag, Essen, 1999, p. 43.

4 P. Hübner, « Das Jahr 1961 und die Kontinuität der Arbeitergeschichte in der DDR », in Arbeiter in der SBZ-DDR, op. cit., p. 34.

5 « Patrie/État des travailleurs et des paysans. »

6 Neue Zeit, 14 novembre 1948, in Wille M. (dir.), Die Vertriebenen in der SBZ/DDR – Dokumente, Band 3, op. cit., p. 319-320.

7 SächsHStA LRS MdI 2644, Brief des heimatlosen Heimkehrers Emanuel Plewa an die LRS Dresden, 9 octobre 1947, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 412-415.

8 StAL StVuR (1) no 7638, Sächsische Volkszeitung, « Die Umsiedler », 8 février 1946.

9 Idem.

10 D. Hoffmann, Die Lenkung, op. cit., p. 42.

11 Schreiben der Deutschen Verwaltung für Arbeit und Sozialfürsorge an das Hauptamt für Arbeitseinsatz in Berlin und an die Landes-und Provinzialverwaltungen, Berlin, 6 septembre 1945, in M. Wille (dir.), Die Vertriebenen in der SBZ/DDR. Dokumente. Band 2 : Massentransfer, Wohnen, Arbeit 1945-1949, Harrassovitz Verlag, Wiesbaden, 1999, p. 317.

12 S. Donth, op. cit., p. 424.

13 Ibid., p. 338.

14 R. Karlsch, « Rekonstruktion und Strukturwandel in der sächsischen Industrie von 1945 bis Anfang der 60er Jahre », in Werner Brahmke et Ulrich Hess, Wirtschaft und Gesellschaft in Sachsen im 20. Jahrhundert, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 1998, p. 89.

15 Bericht des LAA Sachsen an die Abteilung Wirtschaft, Arbeit und Verkehr der Landesverwaltung über den Stand der Erfassung der Vertriebenen durch die Arbeitsämter, Dresde, 14 septembre 1945, in M. Wille (dir.), Die Vertriebenen in der SBZ/DDR. Band 2, op. cit., p. 316.

16 D. Hoffmann, Die Lenkung, op. cit., p. 49.

17 Ibid., p. 52.

18 Sowjetische Aktiengesellschaften : entreprises contrôlées par l’occupant soviétique dans le cadre des réparations réclamées à l’Allemagne ; elles sont progressivement rendues à la RDA entre 1949 et 1954. L’exception notable reste la SAG-Wismut en Saxe, elle reste sous contrôle soviétique jusqu’à la réunification allemande en 1990 en raison de son importance stratégique et économique.

19 D. Hoffmann, Die Lenkung, op. cit., p. 43.

20 Ibid., p. 53.

21 « La nouvelle patrie. »

22 « Celui qui ne veut pas aider à amener des temps meilleurs, celui là ne mérite pas ces temps meilleurs », Barch, DO2/96, Neue Heimat, mai 1947.

23 ZGS, Meldepflicht beim Arbeitsamt, Anordnung des OBM Dr. Zeigner vom 24. Juli 1945, Informationsblatt, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 357-358.

24 D. Hoffmann, « Leistungsprinzip und Versorgungsprinzip », in Dierk Hoffmann et Michael Schwarz (dir.), Sozialstaatlichkeit in der DDR. Sozialpolitische Entwicklungen im Spannungsfeld von Diktatur und Gesellschaft 1945/49 – 1989, Oldenburg Verlag, Munich, 2005, p. 93.

25 StAL StVuR (1) no 7638, Volkstimme no 33, 20 octobre 1945.

26 StAL, Tägliche Rundschau, 18 août 1945 (le journal est publié par l’administration soviétique d’occupation).

27 StAL StVuR (1) no 7638, Landesverwaltung Sachsen Abt. Soziale Fürsorge an die Stadträte, Amt für Umsiedler…, Dresde, 11 novembre 1946.

28 M. Schwarz, « Vertriebene in der Arbeiterschaft. Umsiedler als Arbeiter in der SBZ/DDR 1945-1951 », in Peter Hübner et Klaus Tenfelde (dir.), Arbeiter in der SBZ-DDR, op. cit., p. 83.

29 S. Donth, op. cit., p. 425.

30 R. Karlsch, « Rekonstruktion und Strukturwandel », op. cit., p. 93.

31 D. Hoffmann, Die Lenkung, op. cit., p. 53.

32 Idem.

33 SächsHStA, 11377 LRS, MdI no 2750, Halbjahresberichte der Abt. Umsiedler 1948-1949, An die SMA zu Herrn Oberleutnant Wolodin, Dresde, 2 avril 1948.

34 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2372, Schriftwechsel innerhalb des Ministeriums für Arbeit und Sozialfürsorge 1947-1948, An die LRS, Ministerium für Arbeit und Sozialfürsorge, Ressortleitung, 9 juin 1948.

35 P. Ther, Deutsche und Polnische Vertriebene, op. cit., p. 111.

36 I. Schwab, « Neue Heimat – Neues Leben » ?, op. cit., p. 25.

37 Idem.

38 Ibid., p. 26.

39 D. Hoffmann, Die Lenkung, op. cit., p. 51.

40 « La question des réfugiés est une question d’épidémie », in StAL StVuR (1) no 7640, Protokoll zur Sitzung der kreisfreien Städte, 12 octobre 1945.

41 StAL StVuR (1) no 2037, « Das Tor zur neuen Heimat : 2 jahre Arbeit des Umsiedleramtes Leipzig », 15 décembre 1947.

42 StAL StVuR (1) no 2037, « Das Tor zur neuen Heimat : 2 jahre Arbeit des Umsiedleramtes Leipzig », 15 décembre 1947.

43 À ce propos : N. Naimark, « Sowjetsoldaten, deutsche Frauen und das Problem der Vergewaltigungen », in N. Naimark, Die Russen in Deutschland, Ullstein, Berlin, 1997, p. 81-179.

44 « Directive concernant le pilotage et la prise en charge des réfugiés sur le territoire du Land », StAL StVuR (1) no 7638, Landesverwaltung Sachsen, Inneres und Volksbildung, « Rundverfügung 1 », Dresde, 12 juillet 1945.

45 StAL StVuR (1) no 7638, Besprechung an der Zentralkommandatur, 5 novembre 1946.

46 StAL StVuR (1) no 7638, Landesverwaltung Sachsen, Abteilung Arbeit und soziale Fürsorge an die Staträte und Ämter für Umsiedler, 11 novembre 1946.

47 « La Saxe attend de nouveaux Umsiedler », in StAL StVuR (1), no 7639, Tägliche Rundschau, 13 mai 1947.

48 Bericht des LAA Sachsen an die Abteilung Wirtschaft, Arbeit und Verkehr der Landesverwaltung über den Stand der Erfassung der Vertriebenen durch die Arbeitsämter, Dresde, 14 septembre 1945, in M. Wille (dir.), Die Vertriebenen in der SBZ/DDR. Band 2, op. cit., p. 316.

49 Les chiffres augmentent entre 1947 et 1948 concernant les populations arrivantes :
1947 : sur 5 487 hommes : 3 443 sont aptes au travail, 1 059 sont partiellement ou totalement inaptes. Sur 6 656 femmes : 3 952 sont aptes au travail, 2 704 sont partiellement ou totalement inaptes.
1948 : sur 11 190 hommes : 5 777 sont aptes au travail, 3 723 sont partiellement ou totalement inaptes. Sur 13 991 femmes : 8 313 sont aptes au travail : 5 678 sont partiellement ou totalement inaptes.
In SächsHStA, 11377 LRS, MdI no 2372, Schriftwechsel innerhalb des Ministeriums für Arbeit und Sozialfürsorge 1947-1948, An die LRS, Min für Arbeit und Sozialfürsorge, Ressortleitung, 9 juin 1948.

50 Bericht des LAA Sachsen an die Abteilung Wirtschaft, Arbeit und Verkehr der Landesverwaltung über den Stand der Erfassung der Vertriebenen durch die Arbeitsämter, Dresde, 14 septembre 1945, in M. Wille (dir.), Die Vertriebenen in der SBZ/DDR. Band 2, op. cit., p. 317.

51 Idem.

52 Schreiben des LAA an das Umsiedleramt der Landesverwaltung Sachsen, Dresde, 18 janvier 1946, in M. Wille (dir.), Die Vertriebenen in der SBZ/DDR. Band 2, op. cit., p. 326.

53 StAL StVuR (1) no 7638, Sächsische Volkszeitung, « Die Umsiedler », 8 février 1946.

54 SächsHStA, 11377 LRS, MdI no 2975, Abteilung Einbürgerung, Zum 1. Halbjahres-Bericht 1949, Dresde, 2 juillet 1949.

55 Barch DQ 2/3395, Sonderbericht des LAA Sachsen über die im Landesarbeitsamtsbezirk befindlichen Umsiedler, Dresde, 4 janvier 1946.

56 Entre 1946 et 1949, le nombre de réfugiés présents en Saxe varie constamment entre 527 893 et 1 014 334 à son maximum en juillet 1948 ; avant de baisser à 952 601 en décembre 1949. À cela s’ajoutent les difficultés statistiques de l’époque, qui font de ces chiffres davantage une estimation qu’un recensement exact.

57 SächHStA LRS MdI 2391, Antwortschreiben des Ministeriums für Arbeit und Sozialfürsorge auf die parlamentarische Anfrage der LDP, 15 mars 1947, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 369.

58 S. Donth, op. cit., p. 423.

59 SächHStA, LRS MdI 2391, Antwortschreiben des Ministeriums für Arbeit und Sozialfürsorge auf die parlamentarische Anfrage der LDP, 15 mars 1947, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 369.

60 S. Donth, op. cit., p. 425.

61 SächsHStA, 11377 LRS, MdI no 3025, Rat der Stadt Leipzig, Dezernat Sozialfürsorge, Neubürgerstelle an die Zentralkommandantur Leipzig, Leipzig, 24 décembre 1948.

62 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 3026, Rat der Stadt Görlitz, Referat Statistik, Aufgliederung der Umsiedler nach Beschäftigung im Stadtkreis Görlitz, octobre 1949.

63 SächsHStA, 11377 LRS, MdI no 3026, Der Kreisrat zu Meißen, Abteilung Umsiedler, An die Kreiskommandantur, Monatsbericht Februar 1949, Meißen, 1er mars 1949.

64 SächsHStA, 11377 LRS, MdI no 3026, Der Kreisrat des Landkreises Rochlitz, Sozialamt, Abteilung. Umsiedler, An die Kreiskommandantur in Rochlitz, Rochlitz, 25 février 1949.

65 Ce qui est dénoncé par le FDGB en 1947, Barch, DQ 2/3370, Abteilung für Sozialfürsorge, Bericht über die Besprechung mit der ZVU, Berlin, 16 décembre 1947.

66 S. Donth, op. cit., p. 171.

67 M. Boldorf, « Landarmut in der SBZ/DDR zwischen Bodenreform und Kollektivierung », in U. Kluge, W. Halder et K. Schlenker (dir.), Zwischen Bodenreform und Kollektivierung, Franz Steiner Verlag, Francfort, 2001, p. 143.

68 Barch DQ 2/3395, Sonderbericht des LAA Sachsen über die im Landearbeitsamtsbezirk befindlichen Umsiedler, Dresde, 4 décembre 1945.

69 M. Schwarz : « Umsiedler – Flüchtlinge und Vertriebene in der SBZ und DDR », in Flucht, Vertreibung, Integration, Stiftung Haus der Geschichte der Bundesrepublik Deutschland, Bonn, 2005, p. 91 ; lire à propos des spécificités de l’intégration sociale en milieu rural avec un exemple concernant les zones d’occupation occidentales l’étude de Peter Exner : « Integration oder Assimilation ? Vertriebeneneingliederung und ländliche Gesellschaft – eine sozialgeschichtliche Mikrostudie am Beispiel westfälischer Landgemeinden », in Geglückte Integration ?, op. cit., p. 57-88.

70 Barch, DO2/96, « Die Neue Heimat », mai 1947.

71 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2975, Abteilung Einbürgerung, Zum 1. Halbjahres-Bericht 1949, Dresde, 2 juillet 1949

72 SächsHStA, 11375 Sächsischer Landtag no 47, Niederschrift der Ausschusssitzung Arbeit und soziale Fürsorge am 1. Oktober 1947.

73 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2975, Abteilung Einbürgerung, Zum 1. Halbjahres-Bericht 1949, Dresde, 2 juillet 1949.

74 F. U. Schulz, « Demontagen in Leipzig – “geeignet den Lebensnerv der Stadt abzutöten” ? », in Rainer Karlsch et Jochen Laufer (dir.), Sowjetische Demontagen in Deutschland 1944-1949. Hintergründe, Ziele und Wirkungen, Duncker und Humblot, Berlin, 2002, p. 408.

75 R. Karlsch, M. Schäfer, Wirtschaftsgeschichte Sachsens im Industriezeitalter, op. cit., p. 226.

76 « Un transfert forcé de spécialistes en armement, de matières premières stratégiques, de brevets et de documents internes aux entreprises a eu lieu », in idem.

77 Idem.

78 Idem.

79 J. Laufer, « Politik und Bilanz der sowjetischen Demontagen », in Sowjetische Demontagen in Deutschland 1944-1949, op. cit., p. 50.

80 R. Karlsch, M. Schäfer, Wirtschaftsgeschichte Sachsens, op. cit., p. 233.

81 « Ökonomisches Vakuum », in ibid., p. 234.

82 Parmi les plus grandes SAG saxonnes, où l’on retrouve une importante part de réfugiés parmi les employés : Brikettkombiant Espenhain, Benzinwerk Böhlen, Sachsenwerk Niedersedlitz, Bleichert-Werk Leipzig, Panig Maschinenwerke Leipzig, Stahlwerk Krautheim Chemnitz.

83 « Personnel qualifié. »

84 Ville située à proximité de Chemnitz.

85 SächHStA 11377 LRS, MdI no 324, Der Kreisrat zu Flöha, Referat für Sozialfürsorge An die LRS, Flöha, BetreffJahresbericht 1948, 15 décembre 1948.

86 Idem.

87 SächHStA LRS MdI 2391, Antwortschreiben des Ministeriums für Arbeit und Sozialfürsorge auf die parlamentarische Anfrage der LDP, 15 mars 1947, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 369.

88 SächHStA LRS, MdI no 324, Der Kreisrat zu Flöha, Referat für Sozialfürsorge An die LRS, Flöha, Betreff Jahresbericht 1948, 15 décembre 1948.

89 Les Heimkehrer désignant les soldats de retour de captivité, les Heimatlosen Heimkehrer, littéralement « sans patrie », sont les soldats originaires des régions touchées par l’expulsion des minorités allemandes et envoyés vers les zones d’occupation.

90 « Ein großer Teil der Männer im arbeitsfähigen Alter wurde weiter in Polen beschäftigt » (une grande partie des hommes en âge de travaille encore en Pologne) SächHStA, Sächsischer Landtag no 47, Niederschrift der Ausschusssitzung Arbeit und soziale Fürsorge, 1er octobre 1947.

91 SächHStA, 11377 LRS, MdI no 2975, Referat Einbürgerung, Zum Monatsbericht für Monat Dezember 1949, Dresde, 5 janvier 1950.

92 Idem.

93 Idem.

94 Barch, DQ 2/3370, SED an Deutsche Verwaltung für Arbeit und Sozialfürsorge, Betreff Binnenwanderung der Umsiedler, Berlin, 2 mars 1948.

95 Barch DQ 2/3363, Pressedienst der ZVU, Berlin, 12 février 1948.

96 M. Schwartz, Vertriebene und « Umsiedlerpolitik », op. cit., p. 573.

97 Barch NY 4596/5, Nachlass von Erich Hanke, Abteilung Statistik, Statistischer Bericht Nr 7, 15 février 1946.

98 Idem.

99 Barch, DO2/1, Schriftwechsel, Berlin, 14 avril 1948.

100 M. Schwartz, « Soziale und politische Dimensionen des Vertriebenenproblems », in Erobert oder befreit ?, op. cit., p. 249.

101 Meisterbrief.

102 Barch DQ 2/3395, Sonderbericht des LAA Sachsen über die im Landesarbeitsamtsbezirk befindlichen Umsiedler, Dresde, 4 décembre 1945.

103 Barch DQ 2/1508, Deutsche Wirtschaftskommission, Beiträge zur Denkschrift über Umsiedlerprobleme, Berlin, 16 juillet 1949.

104 M. Schwartz, « Soziale und politische Dimensionen des Vertriebenenproblems », in Erobert oder befreit ?, op. cit., p. 253.

105 Ibid., p. 251.

106 SächHStA 11377 LRS, MdI no 894, Rechenschaftsbericht der Direktion der Abteilung für deutsche Umsiedler für das Jahr 1946, 3 janvier 1947.

107 SächHStA 11377 LRS, MdI no 2971, 1946-1947, Aktennotiz, Dresde, 3 novembre 1947.

108 SächHStA 11377 LRS, MdI no 894, Rechenschaftsbericht der Direktion der Abteilung für deutsche Umsiedler für das Jahr 1946, 3 janvier 1947.

109 SächHStA, 11377 LRS, MdI no 2971, Ministerium für Arbeit und Sozialfürsorge, Hauptabteilung Umsiedler, An die Tägliche Rundschau, Dresde, 17 novembre 1947.

110 Le sujet est développé dans le chapitre vi, partie III.

111 « Erzeuger-Ein und Verkaufs-Genossenschaft der Kunstgewerbeindustrie und Hanklöppelspitzen, Filetarbeiten und Posamenten e. G.m.b.H ».

112 Gablonz, ville de Bohème, était avant la guerre mondialement connue pour son savoir faire en matière de bijouterie et de verrerie. Après la guerre, d’anciens habitants ont recréé de nouvelles entreprises sous cette appellation, la plus grande étant une communauté installée en Bavière sous le nom de « Neu-Gablonz ».

113 « Des Umsiedler de Silésie ont reconstitué une fabrique d’article en cire à Dresde-Heidenau et ont ainsi implanté une branche industrielle jusqu’ici inconnue en Saxe », in Barch DQ 2/3363, Pressedienst der ZVU, Berlin, 12 février 1948.

114 « Nous sommes nous-mêmes des Umsiedler de la région des Sudètes et nos 40 employés sont presque exclusivement des Umsiedler, tous des anciens employés qualifiés de notre entreprise de Schmiedeberg », in SächHStA 11377 LRS, MdI No 2300, Emmi Kalla-Heger, Inhaberin der Firma A. Kalla, Fisch-und Gemüsekonserven Fabrik, An den Herrn Dr. Dr. Uhle, LRS, Tannenberg (Kr. Annaberg), 17 octobre 1947.

115 Barch DQ 2/3370, Abteilung für Sozialfürsorge, Aktennotiz, Berlin, 13 février 1948.

116 Les écoles de la zone d’occupation subissent la dénazification de leurs enseignants et souffrent d’un manque de moyens. Le sujet est développé dans le chapitre vii de la troisième partie consacré l’intégration des enfants et des jeunes.

117 Barch DQ 2/3370, Abteilung für Sozialfürsorge, Aktennotiz, Berlin, 13 février 1948.

118 SächHStA 11377 LRS, MdI no 2372, An die LRS, Min für Arbeit und Sozialfürsorge, Ressortleitung, Betreff : Tätigkeitsbericht für die Zeit vom 1.1.48 bis 31.5.48, 9 juin 1948.

119 SächHStA 11377 LRS, MdI no 2372, An die LRS, Min für Arbeit und Sozialfürsorge, Ressortleitung, Betreff : Tätigkeitsbericht für die Zeit vom 1.1.48 bis 31.5.48, 9 juin 1948.

120 SächHStA 11377 LRS, MdI no 894, Rechenschaftsbericht der Direktion der Abteilung für deutsche Umsiedler für das Jahr 1946, 3 janvier 1947.

121 SächHStA 11377 LRS, MdI no 2971, 1946-1947, Aktennotiz, Dresde, 3 novembre 1947.

122 « Une indication chiffrée du nombre de Umsiedler participant à la reconversion n’est pas possible, car pendant cette reconversion ils sont assimilés à la population d’origine », in idem.

123 SächHStA 11377 LRS, MdI no 275, An die SMA Hd. v. Oberstleutnant Wolodin, Jahresbericht für 1948 der Hauptabteilung Umsiedler, Dresde, 31 décembre 1948.

124 SächHStA 11377 LRS, MdI no 275, An die SMA Hd. v. Oberstleutnant Wolodin, Jahresbericht für 1948 der Hauptabteilung Umsiedler, Dresde, 31 décembre 1948.

125 Barch DQ 2/3395, LAA Sachsen, Sonderbericht über die Beschäftigung von Schwerbeschädigten, Dresde, 6 août 1946 ; 3 février 1947 et 2 juillet 1948.

126 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 47, Ausschuss für Arbeit und Sozialfürsorge/Ausschusssitzungen, 1947, Niederschrift der Ausschusssitzung Arbeit und soziale Fürsorge am 1. Oktober 1947.

127 Barch DQ 2/3395, LAA Sachsen, Sonderbericht über die Beschäftigung von Schwerbeschädigten, Dresde, 6 août 1946.

128 Barch DQ 2/3395, LAA Sachsen, Sonderbericht über die Beschäftigung von Schwerbeschädigten, Dresde, 2 juillet 1948.

129 Barch DQ 2/3395, LAA Sachsen, Sonderbericht über die Beschäftigung von Schwerbeschädigten, Dresde, 3 février 1947.

130 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 47, Ausschuss für Arbeit und Sozialfürsorge/Ausschusssitzungen, 1947, Niederschrift der Ausschusssitzung Arbeit und soziale Fürsorge am 1. Oktober 1947.

131 Barch DQ 2/3395, LAA Sachsen, Sonderbericht über die Beschäftigung von Schwerbeschädigten, Dresde, 2 juillet 1948.

132 « Fortement compromis », in idem.

133 SächHStA 11377 LRS, MdI no 2746, Abt. Umsiedler, An die Sowjetische Kontrollkommission für das Land Sachsen, Dresde, 3 mai 1950.

134 Barch DO2/96 Neue Heimat, mai 1947.

135 « La notion de Trümmerfrauen est le point de ralliement symbolique entre de nombreuses facettes des années d’après-guerre : la défaite, la reconstruction, la dureté de la vie au milieu des ruines, la confrontation (ou non) avec le passé national-socialiste, “l’excédent de femmes” (Frauenüberschuss) résultant du grand nombre d’hommes allemands morts pendant la guerre, et de façon générale, la génération d’Allemands (hommes et femmes) qui ont fait l’expérience de la défaite et des années de l’immédiat après-guerre », K. L. McAdams, « “Ersatzmänner”. Trümmerfrauen and Women in the “Men’s Work” in Berlin and in the Soviet Zone 1945-1950 », in Peter Hübner et Klaus Tenfelde (dir.), Arbeiter in der SBZ-DDR, op. cit., p. 151.

136 StadtAL ZGS, Meldepflicht beim Arbeitsamt, Anordnung des OBM Dr. Zeigner vom 24. Juli 1945, Informationsblatt, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 357-358.

137 K. L. Mcadams, « Ersatzmänner », op. cit., p. 156.

138 M. Schwartz, « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit : Bedingungen und Grenzen von Frauenpolitik in der DDR », in Dierk Hoffmann et Michael Schwartz (dir.), Sozialstaatlichkeit in der DDR, op. cit., p. 48.

139 Idem.

140 Ibid., p. 49.

141 Ménage qui cumule deux salaires en raison de l’activité professionnelle des deux époux.

142 M. Schwartz, « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit », op. cit., p. 55.

143 M. Schwartz, « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit », op. cit., p. 54.

144 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ? Frauen in der DDR zwischen Beruf, Familie und Sozialpolitik, Akademie Verlag, Berlin, 1995, p. 37.

145 Nombre de femmes adultes, sans compter les enfants de sexe féminin, in Barch NY 4036, ZVU, Statistischer Bericht no 11, Berlin, 1er janvier 1947.

146 M. Schwartz, « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit », op. cit., p. 54.

147 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 47-48.

148 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2751, An die SMA Hd. v. Oberstleutnant Wolodin, Jahresbericht für 1948 der Hauptabteilung Umsiedler, Dresde, 31 décembre 1948.

149 Barch NY 4036, ZVU, Statistischer Bericht no 11, Berlin, 1er janvier 1947.

150 Kreisarchiv Chemnitzer Land, Umsiedlerstelle Glauchau, Aktennotiz, Betr. Abtransport des Umsiedler nach Oberfrohna, 21 novembre 1945, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 143-144.

151 Barch, NY 4036, ZVU, Statistischer Bericht no 11, Berlin, 1er janvier 1947.

152 « Encore et toujours, les Umsiedler avec enfants sont prioritaires au niveau du partage des logements », Stadtarchiv Zwickau 800 (Umsiedler), An die Abteilung für deutsche Umsiedler und an die LRS, Verordnung vom 11.11.46, Bericht des Neubürger-Ausschusses, 31 décembre 1946, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 244.

153 « La population des Umsiedler est avant tout composée de familles pauvres et nombreuses », in Barch DQ 2/3395, Sonderbericht des LAA Sachsen über die im Landesarbeitsamtsbezirk befindlichen Umsiedler, Dresde, 4 décembre 1945.

154 SächsHStA 11377 LRS, MASF no 2398, Landesverwaltung-Abteilung für deutsche Umsiedler an alle Landräte und Oberbürgermeister, 8 février 1946, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 148.

155 Barch DQ 2/3395, Sonderbericht des LAA Sachsen über die im Landesarbeitsamtsbezirk befindlichen Umsiedler, Dresde, 4 janvier 1946.

156 SächHStA 11377 LRS, MdI no 2372, Ministerium für Arbeit und Sozialfürsorge, Hauptabteilung Umsiedler, An die LRS, Herrn Minister Gäbler, Betr. Abschrift eines Berichtes aus Chemnitz, Dresde, 31 mars 1948.

157 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2189, ZVU Land Sachsen, Bericht über die am 18.12.45 stattgefundene Besprechung im Amt für deutsche Umsiedler im Land Sachsen, 19 décembre 1945, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 193-193.

158 « A contrario, des anciennes réfugiées (au chômage) sont présentes dans les trois arrondissements (Niesky, Grimma et Meissen), elles quittent leurs emplois après le travail saisonnier mais pourront être de nouveau employées dans l’agriculture et la foresterie au printemps », SächHStA 11377 LRS, MdI no 2188, MdI des Landes Sachsen, Abt. Bevölkerungspolitik, An die Kanzlei des Herrn Ministerpräsidenten des Landes Sachsen, Betreff Überprüfung der Kreise Niesky, Grimma und Meißen, Dresde, 19 janvier 1952.

159 SächHStA 11377 LRS, MdI 2391, Antwortschreiben des Ministeriums für Arbeit und Sozialfürsorge auf die parlamentarische Anfrage der LDP, 15 mars 1947, in A. Thüsing et W. Tischner, op. cit., p. 369.

160 S. Donth, op. cit., p. 424.

161 Barch, NY 4036, Deutsche Wirtschaftskommission, Denkschrift über die bisher erreichten Ergebnisse in der Unterbringung der Umsiedler in Wirtschaft und Verwaltung der SBZ nach dem Stand vom 1. Juli 1949.

162 Barch, DQ 2/3395, Sonderbericht des LAA Sachsen über die im Landesarbeitsamtsbezirk befindlichen

Umsiedler, Dresde, 4 janvier 1946.

163 M. Schwartz, « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit », op. cit., p. 54.

164 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 49, Landesregierung Sachsen, Ministerium für Arbeit und Sozialwesen, Abteilung Arbeit, An den Sächsischen Landtag, Kanzlei, Dresde, 18 mai 1949.

165 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 49, Landesregierung Sachsen, Ministerium für Arbeit und Sozialwesen, Abteilung Arbeit, An den Sächsischen Landtag, Kanzlei, Dresde, 18 mai 1949.

166 Idem.

167 « (1) Sur la base de l’égalité entre les sexes, le travail des femmes dans l’industrie, le transport, l’économie municipale, le commerce, les centres de location de machines et « l’économie locale » dans les institutions de l’administration étatique, l’éducation, de la santé et dans d’autres institutions de la République Démocratique Allemande doit être facilité et amplifié. Le travail des femmes dans la production ne doit pas se limiter aux traditionnels métiers féminins, mais s’étendre à tous les secteurs de la production, en particulier l’industrie électronique, l’optique, la construction de machines, la mécanique fine, l’industrie du bois et du meuble, la cordonnerie ainsi que le bâtiment et l’imprimerie.
(2) Les conditions de travail sont à adapter aux spécificités physiques des femmes. »

168 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 58.

169 « Journée de travail domestique. »

170 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 117, Protokoll über die 4. Sitzung des Ausschusses für Sozialpolitik und Gesundheitswesen, Dresde, 29 mars 1951.

171 « Des difficultés ont été rencontrées concernant l’accomplissement du plan de relève pour jeunes apprenties, dont seuls 53,7 % ont pu être réalisés. Une raison réside dans l’aversion de la jeunesse féminine envers les métiers de l’agriculture », in SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 117, Protokoll über die 4. Sitzung des Ausschusses für Sozialpolitik und Gesundheitswesen, Dresde, 29 mars 1951.

172 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 117, Protokoll über die 4. Sitzung des Ausschusses für Sozialpolitik und Gesundheitswesen, Dresde, 29 mars 1951

173 Idem.

174 Idem.

175 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 117, Protokoll über die 5. Sitzung des Ausschusses für Sozialpolitik und Gesundheitswesen, Dresde, le 5 mai 1951.

176 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 117, Protokoll über die 5. Sitzung des Ausschusses für Sozialpolitik und Gesundheitswesen, Dresde, le 5 mai 1951.

177 K. L. McAdams, « » Ersatzmänner », op. cit., p. 162-165. 178 Ibid., p. 165.

178 Ibid., p. 165.

179 Idem.

180 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 117, Protokoll über die 5. Sitzung des Ausschusses für Sozialpolitik und Gesundheitswesen, Dresde, 5 mai 1951.

181 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 53.

182 Idem.

183 SächHStA 11375 Sächsischer Landtag no 117, Protokoll über die 7. Sitzung des Ausschusses für Sozialpolitik und Gesundheitswesen, Dresde, le 3 juillet 1951.

184 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 55.

185 Barch, DQ2/3880, Ida Mollweide an die Vorsitzende des DFD, Dedeleben, 12 octobre 1950.

186 « L’émancipation pour l’utilité sociale ? », titre de l’étude de Michael Schwartz « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit : Bedingungen und Grenzen von Frauenpolitik in der DDR », in Dierk Hoffmann et Michael Schwartz (dir.), Sozialstaatlichkeit in der DDR, op. cit., p. 48-87.

187 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 56.

188 R. Karlsch, M. Schäfer, op. cit., p. 227.

189 « À cette époque, la participation des femmes à la vie professionnelle est l’unique élément utilisé pour mesurer l’égalité entre les sexes », in H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 57.

190 M. Schwarz, « Vertriebene in der Arbeiterschaft. Umsiedler als Arbeiter in der SBZ/DDR 1945-1951 », in Peter Hübner et Klaus Tenfelde (dir.), Arbeiter in der SBZ-DDR, op. cit., p. 94.

191 M. Schwartz, « Emanzipation zur sozialen Nützlichkeit », op. cit., p. 54.

192 Barch DQ2/3880, An alle Landesregierungen, betreffArbeitsbeschaffung für Umsiedler, Berlin, 3 décembre 1949.

193 Barch, DQ2/3880, An Frau Irene Scott, Betreff : ihre Vorschläge zur Eingliederung der nichtarbeitenden Frauen in den Produktionsprozess, Berlin, 25 mai 1949.

194 « Fortement liées à leur foyer », sous-entendu les mères de familles nombreuses, in idem.

195 M. Schwarz, « Vertriebene in der Arbeiterschaft », in Peter Hübner et Klaus Tenfelde (dir.), Arbeiter in der SBZ-DDR, op. cit., p. 94.

196 « Les directions de la Reichsbahn se plaignent de la propagande effectuée par la presse, le film et la radio à propos du recrutement de femmes à la Reichsbahn, alors que les possibilités d’embauche n’existent pas, car, ainsi que mentionné auparavant, les limites d’emplois fixés par le plan ont non seulement été atteintes mais dépassées. » En novembre 1950, 10,1 % des employées de la Reichsbahn sont des femmes, une augmentation de ce chiffre nécessite cependant selon ses dirigeants à la fois une politique de formation professionnelle des femmes, et un transfert plus efficace des hommes disponibles vers des entreprises en sous-effectif. Barch DQ2/3754, Ministerium für Verkehr, Hauptabteilung Personal, an die DDR, Ministerium für Arbeit und Gesundheitswesen, Abteilung Mutter und Kind, Berlin, 6 novembre 1950

197 A. Rietzschel, « Teilzeitarbeit in der Industrie : ein “Störfaktor” auf dem Weg zur “Verwirklichung” der Gleichberechtigung ? », in Peter Hübner et Klaus Tenfelde (dir.), Arbeiter in der SBZ-DDR, op. cit., p. 172.

198 Barch DQ2/3754, LRS Sachsen, Ministerium Arbeit und Sozialwesen an den Rat der Städte, Rundschreiben no 16, Dresde, 7 mai 1949.

199 « À de nombreux endroits, l’expansion des jardins d’enfants préexistants permettra l’augmentation de leur capacité d’accueil. »

200 « Le but premier du plan biennal de l’assistance sociale, de baisser considérablement le nombre de bénéficiaires d’aides sociales et les dépenses liées au social. »

201 Barch, DQ2/3754, Ministerialblatt no 26/1950.

202 Idem.

203 Barch, DQ2/3754, An das Ministerium für Arbeit und Aufbau des Landes Sachsen, Hauptabtteilung Arbeit und Sozialfürsorge, Betreff : Neuerrichtung von Betriebskindertagesstätten und Betriebskinderwochenheime in zentral gelenkten Betrieben, Dresde, 16 novembre 1950.

204 Barch DQ2/3754, Ministerium für Arbeit und Aufbau des Landes Sachsen an die DDR, Ministerium für Arbeit und Gesundheitswesen, Abteilung Mutter und Kind, Dresde, 4 novembre 1950.

205 Barch DQ2/3754, Ministerium für Arbeit und Gesundheitswesen, Abteilung Mutter und Kind, Betreffend neu zu errichtende Plätze in den Betriebskindergärten der zonalen Betriebe, Berlin, 11 novembre 1950.

206 Idem.

207 Barch DQ2/3754, An das Ministerium für Volksbildung, Abteilung vorschulische Erziehung, Betrifft Errichtung eines Kindervollheimes oder Kinderwochenheimes in Schwarzenberg Sachsen, Aue, 16 novembre 1950.

208 « Dans ce contexte nous espérons que notre demande […] concernant la construction d’un foyer hebdomadaire pour enfants dans la filature de coton de Falkenau sera traitée. L’affaire est d’autant plus urgente que la presse commence à s’y intéresser » (Falkenau est une commune proche de Flöha dans la région de Chemnitz), in Barch, DQ2/3754, Ministerium für Arbeit und Aufbau des Landes Sachsen an die DDR, Ministerium für Arbeit und Gesundheitswesen, Abteilung Mutter und Kind, Dresde, 4 novembre 1950.

209 « Prioritaires. »

210 Barch DQ2/3754, Ministerium für Arbeit und Sozialwesen, Referat für Mutter und Kind, Dresde, 19 novembre 1949.

211 « Service de la mère et de l’enfant » au sein du ministère saxon de l’Intérieur et des Affaires sociales.

212 Barch DQ2/3754, Ministerium für Arbeit und Sozialwesen, Referat für Mutter und Kind, Dresde, 19 novembre 1949 ; Barch, DQ2/3754, An das Ministerium für Volksbildung, Abteilung vorschulische Erziehung, Betrifft Errichtung eines Kindervollheimes oder Kinderwochenheimes in Schwarzenberg Sachsen, Aue, 16 novembre 1950.

213 Barch DQ2/3754, LRS, Ministerium für Arbeit und Sozialwesen, Hauptabteilung Sozialversicherung und Sozialfürsorge, Auszug aus Zweijahresplan, Dresde, 26 octobre 1948.

214 Barch DQ2/3754, LRS, Ministerium für Arbeit und Sozialwesen, Hauptabteilung Sozialversicherung und Sozialfürsorge, Auszug aus Zweijahresplan, Dresde, 26 octobre 1948.

215 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 57.

216 Barch DQ2/3754, Ministerialblatt no 26/1950.

217 A. Rietzschel, « Teilzeitarbeit in der Industrie », op. cit., p. 169-170.

218 Ibid., p. 169.

219 « Gesetz der Arbeit zur Förderung und Pflege der Arbeitskräfte, zur Steigerung der Arbeitsproduktivität und zur weiteren Verbesserung der materiellen und kulturellen Lage der Arbeiter und Angestellten ».

220 A. Rietzschel, « Teilzeitarbeit in der Industrie », op. cit., p. 171.

221 Barch DQ2/3880, An das Ministerium für Industrie, Abteilung Arbeit und Sozialpolitik, Betreff Halbtagsbeschäftigung von Frauen, Berlin, 11 septembre 1950.

222 Idem.

223 Barch DQ2/3880, An Frau Irene Scott, Betreff : ihre Vorschläge zur Eingliederung der nichtarbeitenden Frauen in den Produktionsprozess, Berlin, 25 mai 1949.

224 A. Rietzschel, « Teilzeitarbeit in der Industrie », op. cit., p. 173.

225 La question de la formation des jeunes sera étudiée plus en détail dans le chapitre vii, partie III.

226 H. Trappe, Emanzipation oder Zwang ?, op. cit., p. 56.

227 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2372, An die LRS, Min. für Arbeit und Sozialfürsorge, Ressortleitung, Betreff Tätigkeitsbericht für die Zeit vom 1.1.48 bis 31.5.48, Dresde, 9 juin 1948.

228 SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2188, MdI des Landes Sachsen, Abt. Bevölkerungspolitik, An die Kanzlei des Herrn Ministerpräsidenten des Landes Sachsen, Betr. Überprüfung der Kreise Niesky, Grimma und Meißen, Dresde, 19 janvier 1952.

229 « Il est frappant de voir que les Umsiedler issus de Hongrie développent des pneumonies là où la population locale réagit avec une légère grippe ou angine. Le changement de climat se ressent chez ces personnes. Aussi à ce niveau-là, l’assimilation des Umsiedler de Hongrie sera difficile », in SächsHStA 11377 LRS, MdI no 2372, An die LRS, Min für Arbeit und Sozialfürsorge, Ressortleitung, Betreff Tätigkeitsbericht für die Zeit vom 1.1.48 bis 31.5.48, Dresde, 9 juin 1948.

230 Barch DQ2/3880, Angaben von Frau Dr. Obst, Sachsen, Ergebnisse der Lehrabschlussprüfung in Dresden, Dresde, 1949.

231 Idem.

232 Idem.

233 Barch DQ2/3880, An das Ministerium für Volks, Wohnungs-und Sozialfürsorge, « Gehört Neuruppin nicht zur DDR ? », Dresde, 26 septembre 1950.

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