Introduction
p. 7-31
Entrées d’index
Index géographique : France
Texte intégral
1La convergence établie entre la publication récente en France d’une thèse majeure sur l’évolution de la place commerciale de Bilbao au xvie et au début du xviie siècle 1 et les recherches menées, en collaboration avec des collègues espagnols, par plusieurs équipes de recherche françaises sur les relations commerciales entre l’Espagne et la France du xve au xviiie siècle2, a justifié l’organisation d’un travail collectif dont les résultats sont concrétisés par cet ouvrage.
2S’il existe de nombreux travaux menés des deux côtés des Pyrénées sur les relations d’échanges entre les deux pays 3 et la présence pionnière des Castillans dans les ports français 4 suivie de la forte poussée marchande française en Espagne5, les occasions de rencontre bilatérales entre historiens aboutissant à des productions communes ne sont pas si nombreuses6. L’opportunité de remédier à ce manque a ainsi semblé judicieuse.
3Les entrées sont diverses, tant sur les thèmes que dans le temps long saisi, mais l’ensemble fourni trouve sa cohérence dans la vigilance accordée à deux principes méthodologiques : donner la priorité à l’analyse de l’esprit d’entreprise des acteurs de ce commerce international et souligner en complément, par une historicisation attentive, les capacités humaines d’adaptation aux conditions mouvantes d’un segment commercial relevant d’un marché atlantique à l’intégration croissante7. Il n’est guère concevable de faire de l’histoire commerciale sans parler de produits, de routes, de ports, de balance, de guerres et de paix, de zones de production et de marché de consommation8. Toutefois, la recherche actuelle s’est orientée avec bonheur vers l’analyse des stratégies des entrepreneurs9, tant celles qui les rendent capables de tourner les diverses contraintes de travail à leur profit que celles qui les marginalisent au profit de concurrents plus astucieux.
4Dans le commerce international, un individu, si génial soit-il dans sa lucidité sur l’évolution du marché et son inventivité dans les initiatives à prendre, ne saurait triompher sans l’établissement d’un système de liens personnels avec de nombreux partenaires allant du statut d’associés à celui de subordonnés, inscrits dans une forme sociétaire concrétisée ou dans une collaboration informelle10. Dans ces toiles relationnelles11, dont la connaissance a beaucoup progressé par l’intégration en histoire économique de la méthodologie de l’analyse des réseaux développée en sociologie12, la priorité reste de saisir comment s’établissent, perdurent, meurent et se refondent les relations économiques entre les acteurs intéressés par le fonctionnement d’un circuit commercial commun, en mobilisant des ressources aussi variées que la parenté, la nationalité, la religion, la réputation en affaires, le profil commercial connu, le positionnement géographique stratégique et même les paris plus risqués et les opportunités saisies13. Dans l’établissement de ces liens d’affaires, les individus gardent l’initiative prépondérante, mais leurs choix sont influencés par leur appartenance à des cadres sociaux collectifs 14 ou à des environnements culturels15. Le succès est souvent lié à la capacité de dépassement de ces normes, ce qui les place dans une position originale et pionnière avantageuse.
5C’est pourquoi ce travail collectif d’historiens français et espagnols s’est surtout préoccupé de mesurer les capacités d’invention et d’adaptation des acteurs des échanges franco-espagnols dans un environnement changeant puisque les deux pays étudiés ont participé directement, avec un décalage dans le temps, à la construction d’une première forme de mondialisation économique essentiellement centrée sur l’espace atlantique16, étant donné leur effort de leur colonisation.
Le renversement du rapport de forces sur quatre siècles (xve-xviiie siècles)
La domination castillane dans les échanges commerciaux jusqu’au second tiers du xvie siècle
6Les échanges commerciaux entre l’Espagne et la France étaient basés sur la satisfaction de besoins fondamentaux des deux économies : essentiellement des exportations de laine et de fer, complétées par l’huile, le vin et les fruits, de Castille vers la France, et des exportations de toiles, de draps, de pastel, de céréales, de papier, de livres et de quincaillerie de France vers l’Espagne. Laine 17 et toiles 18 dominaient de très loin les autres produits. La circulation empruntait principalement la voie maritime dans un grand cabotage européen liant l’Andalousie et les Pays-Bas, de Séville à Bruges au xve siècle, puis Anvers au xvie siècle, circuit connecté avec les ports de la Méditerranée occidentale, mais aussi avec les ports baltiques par l’intermédiaire de la Hanse. Toutefois, l’Andalousie n’avait pas encore ce rôle majeur que lui a conféré la conquête hispanique de l’Amérique, et l’essentiel des échanges de l’Espagne avec l’Europe du Nord passait par les ports de la côte cantabrique, principalement Santander, Bilbao et Saint-Sébastien19. Les ports français bénéficiaient donc d’une bonne position géographique de relais naturels le long de ce circuit fondamental. Ce grand cabotage était complété par des circuits terrestres comme par exemple celui qui unissait le Massif central et le Languedoc occidental à la Catalogne à travers les Pyrénées via la haute vallée de l’Ariège et l’Andorre (Patrice Poujade), mais aussi l’ensemble des routes articulées sur les foires du Poitou (Niort et Fontenay-le-Comte) mettant en contact les marchands de l’Ouest français et de la Navarre espagnole, mais aussi ceux d’Auvergne, dans un système mixte de voies terrestres et maritimes via La Rochelle et Saint Jean-de-Luz, pouvant devenir uniquement terrestre en cas de guerre sur mer (Francis Brumont). Dans les deux cas, on retrouvait la même structure fondamentale d’échange de laine espagnole contre toiles et draps français, complétés de la quincaillerie auvergnate. Ces grandes voies d’échange de produits étaient englobées dans un système plus vaste incluant les flux financiers, toujours commandé par la connexion entre les grandes foires d’Europe occidentale, de Medina del Campo à celles de Flandres en passant par celles de Lyon20.
7Dans ce système d’échange, principalement maritime, les positions des acteurs et des places commerciales étaient totalement inégales, l’intégration hiérarchisante ayant été construite par les grands marchands castillans de Burgos et de Medina del Campo21. Vu de ces centres de commandement, le circuit avait toute sa cohérence puisqu’ils en contrôlaient toutes les étapes au moyen de grandes firmes nationales ou transnationales appuyées sur les colonies marchandes castillanes installées dans tous les ports relais. Pour les ports français, il n’en était pas de même car ils n’étaient que de simples éléments d’une chaîne commerciale dont il ne fallait pas se détacher, faute de quoi on était condamné à péricliter (Beatriz Arizaga Bolumburu, Michel Bochaca, Mathias Tranchant). La dynamique des ports atlantiques français dépendait donc du regard castillan porté sur leurs potentialités par rapport au circuit liant Castille et Pays-Bas. Cette lecture était double. Les ports de fond d’estuaire, bénéficiant d’un vaste arrière-pays plus ou moins riche, fixaient bien sûr l’intérêt comme en témoignaient les colonies marchandes castillanes et basques de Bordeaux, Nantes et Rouen22. D’autres ports, moins bien pourvus en hinterland, sans en être totalement démunis, retenaient plus l’attention pour leur positionnement sur la voie maritime. Il en était ainsi de Bayonne pour sa proximité géographique avec les territoires aragonais et castillans, mais aussi de La Rochelle 23 vue comme une étape majeure sur la route des Flandres, mais également comme la place portuaire la mieux articulée avec les foires du Poitou, comme le montrent les circuits établis par les marchands de Pampelune au xvie siècle (Francis Brumont). Les ports français étaient donc placés en situation concurrentielle dans un système intégré commandé de l’extérieur, des grands centres de Vieille Castille. Dans cette échelle européenne des affaires, la distribution du travail reflétait l’inégalité fondamentale entre les centres de commandement et les ports de transit, entre Castillans et Français, mais aussi Basques : aux premiers les fonctions commerciales et financières, aux seconds le rôle de transporteurs.
8Tout ce système d’échanges fut directement affecté par la conjoncture des relations internationales entre les grands royaumes de l’Europe atlantique, principalement la Castille, puis l’Espagne, la France et l’Angleterre, avec comme point majeur d’achoppement le devenir des Pays-Bas. L’intégration de ce territoire hautement urbanisé, grand pôle commercial et manufacturier européen, dans la couronne d’Espagne au début du xvie siècle consolida la double polarisation du système d’échanges entre le couple Burgos-Medina et Anvers. Pendant la guerre de Cent Ans, les ports français avaient profité de l’alliance franco-castillane pour obtenir des avantages grâce à la signature de traités de commerce, même si leur position géographique ne les plaçait pas à égalité dans le conflit. La Rochelle put ainsi récupérer des privilèges accordés à Honfleur et devenir le lieu majeur de règlement des contestations économiques au xve siècle. La politique de neutralité des ducs de Bretagne favorisa nettement les ports du duché, les traités étant passés parallèlement à ceux de France. À l’inverse, la guerre d’intégration de la Bretagne à la France autour de 1490 fit partir le consulat castillan nantais vers La Rochelle, migration toute provisoire étant donné l’intérêt du port ligérien comme porte d’entrée dans le royaume de France. Les nombreuses guerres entre Charles Quint et François Ier et Henri II affectèrent les conditions de travail et perturbèrent les trafics. Leur effet fut cependant atténué par des ententes légales de préservation des affaires pour cause stratégique, à l’image des traités de bonne correspondance passés entre les territoires basques des deux couronnes, remplacés au milieu du xvie siècle par des autorisations générales d’importation et d’exportation de produits stratégiques (Xabier Alberti Londibe, Álvaro Aragón Ruano).
La déstabilisation du système hérité du Moyen Âge (vers 1570-vers 1670)
9Le grand cabotage euro-espagnol, connecté au triangle des grandes foires, fut affecté pendant un siècle par de profondes modifications qui aboutirent à une forte redéfinition de sa structure interne, tant dans l’organisation de ses circuits que dans les transferts de ses pôles d’initiative24. Cette mutation se produisit sous l’impact de trois grandes nouveautés : la révolte des Pays-Bas suivie de la « guerre de 80 ans » sécessionniste des Provinces-Unies25, le développement des colonies américaines et la montée spectaculaire des besoins financiers des États ambitionnant de s’assurer l’hégémonie européenne, avec un saut quantitatif majeur avec l’enclenchement de la guerre entre la France et l’Espagne en 1635.
10L’intense dérèglement des échanges commerciaux causé par la révolte des Pays-Bas est un phénomène primordial déjà largement étudié. La reprise d’Anvers par les troupes espagnoles en 1585 et la décision des « rebelles » du Nord d’asphyxier le port en bloquant les bouches de l’Escaut ont constitué une rupture majeure dans le système préexistant dans la mesure où ce blocus maritime a provoqué l’essor d’Amsterdam qui a bénéficié de la migration des marchands les plus entreprenants, Anvers tentant de résister par des stratégies de contournement utilisant les voies terrestres vers d’autres ports, ce qui a surtout bénéficié à Rouen, le plus important du côté ouest. Le port d’approvisionnement de Paris est ainsi devenu le premier centre de redistribution des produits espagnols à l’intérieur du royaume26, ce qui lui a permis de conforter son premier rang dans la hiérarchie portuaire française pendant cette période.
11Une mesure directe de l’impact du dérèglement de la route commerciale espagnole vers les Pays-Bas nous est donnée par l’exaspération de la concurrence, au cours des années 1580, entre Laredo, la plus importante des « quatre villes de la mer » de Cantabrie, et Bilbao, port globalement dominant de l’ensemble de la côte nord de l’Espagne (Óscar Lucas). Laredo, fort de sa flotte armée par une élite marchande dynamique, bénéficiait d’une situation de commerce actif, même si le volume du trafic restait inférieur à celui de Santander, de nature nettement plus passive. Les structures des échanges étaient similaires puisqu’il s’agissait d’importer des produits textiles du Nord contre l’exportation des laines castillanes et des produits métallurgiques du Pays basque et de la Montagne, la différence étant cependant dans une plus forte entrée via Laredo de draps de laine en provenance de Normandie et des Pays-Bas. Les zones de distribution en Espagne se recouvraient largement puisque les marchands de la Montagne étaient en contact avec leurs homologues de Castille, de Tolède, de Cuenca, de Cordoue et même du Levant. La révolte des Pays-Bas, mais surtout le basculement dans la guerre sécessionniste des Provinces du Nord, à partir de la formation de l’Union d’Utrecht en 1579, allaient terriblement gêner les affaires de Laredo. Dans les années 1580, les « regidores », animés par le grand marchand Juan de Bayona, ont essayé de compenser les pertes en négociant avec les grands hommes d’affaire de Medina del Campo une meilleure répartition des envois de Nantes au détriment de Bilbao. Toute une argumentation, allant de la dangerosité de la barre du port biscayen aux nouveaux avantages financiers offerts par le port cantabre, a été employée pour convaincre ces grands opérateurs, dont les Ruiz. Cette tentative s’est soldée par un échec interprété par les autorités de Laredo comme la conséquence de la solidarité du lobby basque, bien représenté à Nantes et influent dans le milieu d’affaire ligérien, comme en donne témoignage la progression impressionnante d’Hortuño del Barco, facteur des Ruiz parvenu à se construire une réputation et un réseau marchand plus efficient que celui de ses patrons (Jean-Philippe Priotti).
12Cet affrontement entre le Roi catholique et une fraction de ses sujets révoltés s’est inscrit dans un contexte de dégradation généralisée des relations internationales entre les puissances atlantiques à la fin du xvie siècle27. Les agressions de la piraterie anglaise contre les convois de la Carrera de Indias et les villes littorales des colonies espagnoles ont abouti à l’expédition manquée de l’Invincible Armada en 1588, laissant les deux pays en état de guerre ouverte28. L’interventionnisme espagnol pro-ligueur dans la guerre civile religieuse en France a justifié la déclaration de guerre d’Henri IV contre l’Espagne en 1595, le nouveau roi bourbon bénéficiant par ailleurs de l’appui militaire anglais. Les négociations de paix caractérisant la première décennie du xviie siècle ont été constamment suspendues à la défense des intérêts commerciaux (Juan E. Gelabert). Il s’agit sans doute d’une mutation majeure puisque jamais les questions maritimes et coloniales n’avaient joué autant de rôle dans les tractations diplomatiques, le jeu complexe entre les quatre belligérants étant rendu encore plus délicat par la grande autonomie politique accordée aux archiducs dans la conduite des Pays-Bas espagnols. La radicalité du Conseil d’État espagnol envisageant la ruine financière des provinces rebelles comme une arme de guerre (décret Gauna de 1603) et l’irruption des Hollandais au sein même des espaces monopolistiques coloniaux ibériques ont accentué la mondialisation des conflits29. L’intérêt de servir d’intermédiaire commercial au sein du conflit exacerbé entre le Roi catholique et ses « rebelles » a joué un grand rôle dans la conclusion des traités de paix entre la France et l’Espagne en 1598 et l’Angleterre et l’Espagne en 1604, mais aussi par voie de conséquence dans l’acceptation de la trêve de Douze ans en 1609, le projet de création d’une compagnie des Indes orientales en France, avec l’aide du marchand d’Amsterdam Isaac Le Maire, étant pris très au sérieux par les belligérants.
13Par ailleurs, les circuits commerciaux ont été profondément infléchis par la montée en puissance de l’économie coloniale espagnole américaine30, tant dans sa fourniture croissante et massive en métaux précieux jusque vers 1620 que dans la progression de son marché de consommation pour lequel des acteurs commerciaux d’origine espagnole, mais de plus en plus américanisés, sont venus, depuis les grandes places commerciales du Pérou par exemple31, concurrencer les chargeurs espagnols à Séville au départ du monopole32. L’ensemble de ces données a eu une triple conséquence dans les relations commerciales entre l’Espagne et la France : la montée en puissance d’une nouvelle route maritime reliant les ports de la Manche à l’Andalousie, le recul de la liaison classique avec les ports de la côte orientale cantabrique33, et le renversement du rapport de forces dans l’organisation du commerce au profit des marchands français dont la présence n’a pas cessé de progresser dans les ports espagnols à partir de la fin du xvie siècle.
14La liaison directe avec l’Andalousie atlantique a été fortifiée principalement par Rouen et surtout Saint-Malo en faisant jouer au maximum la concurrence entre marchands indigènes et américains sur le marché de Séville, tête officielle du monopole, mais aussi sur les avant-ports de San Lucar de Barrameda à l’embouchure du Guadalquivir ou dans la baie de Cadix (Jean-Philippe Priotti). La liaison ancienne entre les ports cantabriques et les Pays-Bas, très perturbée jusqu’à la reconnaissance de l’indépendance des Provinces-Unies en janvier 1648, a toutefois été protégée par les médiations commerciales françaises et anglaises, à l’exception des phases de guerre internationale34 (France : 1635-1659) ou civile (Angleterre : 1642-1648). L’essentiel est sans doute venu de l’action de la diaspora juive portugaise qui a essaimé dans tous les ports de la façade atlantique, de Séville à Amsterdam. Ceci a eu une conséquence majeure sur l’organisation du trafic marqué par une très forte contrebande35 pour laquelle le couple Bayonne-Saint-Sébastien a formé une plaque tournante essentielle36, en détournant momentanément les flux de marchandises vers le port du Guipuzcoa au détriment de Bilbao37 et en renforçant le rôle de Pampelune et de la Navarre.
15Dans les ports français, cette insertion de petits groupes de marchands portugais dans un milieu ancien dominé par des familles hispano-françaises maintenant largement intégrées au royaume, n’a pas été sans provoquer de fortes tensions38, même si les situations de Bayonne et de Bordeaux ont été beaucoup plus favorables que celles de Nantes et de Rouen. Là encore, la révolte du Portugal en 1640 et la guerre d’indépendance qui s’est prolongée jusqu’en 1668 ont considérablement bouleversé la situation, l’Espagne interdisant son commerce à ces nouveaux « rebelles ». Entre Castille et France, les besoins fondamentaux classiques des deux économies maintenaient la nécessité d’un courant commercial, même si la crise démographique urbaine et le recul manufacturier des villes drapantes castillanes en délitaient les bases39. Les tisserands français avaient toujours besoin de la laine espagnole et les marchés urbains castillans et aragonais des toiles françaises. La mise en valeur de nouvelles sources documentaires invite par ailleurs à nuancer la notion de crise profonde de la métallurgie basque40, les nécessaires importations de produits alimentaires, principalement céréalières, continuant à être compensées par des exportations de fer, non seulement à Saint-Sébastien, mais aussi dans des ports secondaires en essor comme Zumaya et surtout Motrico (Xabier Alberdi Londibe et Álvaro Aragón Ruano). L’abondance du bois, autorisant le maintien de prix très bas jusqu’au premier tiers du xviiie siècle, a ainsi permis de compenser partiellement le retard technologique sur les productions en provenance de Liège ou de Suède41, les produits en fer brut et semi-ouvré résistant beaucoup mieux que ceux transformés. À partir du site nantais (Bernard Michon), l’analyse des initiatives marchandes souligne une revitalisation de la Contractation dans les années 1650-1660, principalement sur le marché du sel pour la fourniture des Asturies et de la Galice42, certainement en conséquence de l’embargo né de la guerre avec le Portugal. Cette opportunité est saisie par des grandes familles indigènes présentes sur l’horizon castillan depuis plusieurs générations, à l’exemple des Valleton et des Michel, déjà forts actifs dans la seconde moitié du xvie siècle, mais aussi des grandes familles d’origine castillane à l’image des De Bourgues, qui logaient d’ailleurs chez eux les deux marchands basques Domingo d’Urquixo, l’oncle arrivé en 1638 et son neveu en 1647. Ces familles étaient déjà bien implantées sur le circuit de la laine et des toiles.
16La progression de la colonisation française aux Antilles à partir des années 1630, mais surtout avec le développement de la culture du sucre dans les années 1670, a considérablement réduit l’intérêt de l’horizon espagnol pour les grands marchands des ports atlantiques français, surtout ceux qui disposaient d’un puissant hinterland leur assurant un bon approvisionnement pour les exportations vers les îles de l’Amérique ou un large marché intérieur pour les importations coloniales. Le basculement est nettement visible tant à Bordeaux43 qu’à Nantes44, entraînant d’ailleurs un fort renouvellement des acteurs, avec la forme particulière du déclin commercial rouennais face à l’autonomisation des élites marchandes de son avant-port du Havre au cours du xviiie siècle45.
La progression du rôle des marchands français en Espagne (xviie-xviiie siècles)
17Les performances économiques des marchands français pour investir l’économie espagnole, incapable de faire face à l’essor de la demande coloniale américaine, se vérifient dès la première moitié du xviie siècle. Dans le circuit ancien avec la Castille, l’invasion des marchands et des transporteurs français dans les ports cantabriques est notable après le traité de Vervins de 1598, au point d’obliger leurs concurrents basques à se replier sur le transport au sein de la Carrera de Indias. Les intermédiaires français, agissant seuls ou en s’associant avec des autochtones, ont augmenté leurs parts de marché sur les deux grands produits basiques de la laine et des toiles46. La grande pêche basque et cantabre est entrée dans une crise profonde47, les ports restant cependant des places de décharge essentielles pour l’alimentation de la péninsule. Dans cette pêche étrangère, les marchands français ont joué un rôle majeur, principalement les Basques, une partie des capitaux venant d’ailleurs des provinces basques espagnoles.
18La progression est aussi mesurable sur les nouveaux marchés andalous48, et principalement sur le marché sévillan (Eberhard Crailsheim). Ce dernier a connu son apogée dans la première moitié du xviie siècle, même si le détournement progressif du retour des métaux précieux vers Amsterdam, suite à l’interlope hollandais à partir des années 1620, a déjà engagé un processus de recul qui a connu une accélération brutale et dramatique avec la grande peste de la fin des années 1640. L’analyse de 301 lettres de naturalité accordées à Séville entre 1580 et 1650 permet de situer les marchands français au quatrième rang (9 %) des demandeurs étrangers, derrière les Portugais (38 %), les gens des Pays-Bas (28 %) et les Génois (15 %). Si les chiffres évoquent une communauté émergente, nettement inférieure aux trois grands groupes dominants, ils soulignent une progression, simplement ralentie par la guerre dans les années 1640. La nature même de la source pourrait faire soupçonner un possible biais statistique car elle ne retient que les marchands désireux de s’intégrer durablement, au détriment de tous les temporaires et volatiles. Mais un sondage de vérification de l’activité commerciale étrangère dans les archives notariées confirme la même hiérarchie des communautés marchandes.
19Les cautions et parrainages fournis pour l’obtention de la naturalité permettent une reconstitution des réseaux sociaux des impétrants. On y découvre un relatif équilibre entre tendances endogames et exogames, entre inclination pour des alliances avec les autres familles françaises et ouverture vers des unions avec des familles marchandes espagnoles ou d’autres origines étrangères. Deux grandes figures anciennes illustrent les deux origines classiques des contacts économiques avec l’Espagne, l’une intérieure, l’autre maritime. Pedro de La Farxa, originaire d’Auvergne, a construit sans surprise sa fortune dans le commerce de quincaillerie, de papeterie et de mercerie, tandis que Lanfran David, en contact avec Rouen et Anvers, a beaucoup prêté d’argent au consul flamand. Pedro de Alogue, plus jeune, permet de comprendre comment les difficultés de la guerre ont pu conduire à se réorienter davantage vers les opérations de crédit.
20L’essor de Cadix à partir de la délocalisation technique du départ des flottes vers l’Amérique dans les années 1670, mais plus encore avec le transfert de la Casa de Contratación en 1717, s’est traduit par un quasi-doublement de sa population (41 000 habitants en 1700, 77 500 en 1791)49. La population étrangère a augmenté encore plus vite, étant multipliée par sept. Si globalement la communauté française est restée seconde derrière les Italiens, les marchands français se sont hissés au premier rang passant de 40 % des commerçants étrangers en 1713 à 57 % en 1791. Cette nation française, organisée autour de son consulat, a déjà été bien étudiée grâce à plusieurs recensements50, tout spécialement celui établi par le consul en 1777 qui dénombre 885 noms dont 375 marchands, dont 119 associés au sein de firmes commerciales51. Par comparaison avec un autre rôle consulaire de 1714, la hiérarchie des origines provinciales françaises a été bouleversée au sommet puisque les Provençaux (principalement des Marseillais) ont cédé la première place aux Basco-Béarnais, les Bretons et les Lyonnais se maintenant au second et troisième rangs.
21Une enquête approfondie sur les marchands lyonnais présents à Cadix nous offre l’immense avantage de diversifier notre point de vue sur le positionnement des divers marchands français. Olivier Le Gouic a relevé 61 noms de 1714 à 1793 dont 38 seulement sont reconnus membres de la Nation. L’association est de règle, car il a pu identifier 43 raisons sociales avec un ou plusieurs Lyonnais, sept patronymes revenant plus fréquemment au sein de 20 raisons sociales. Le consulat classait les maisons de commerce en quatre ou cinq rangs selon l’importance de leurs affaires52. Les historiens se sont surtout focalisés sur les grandes maisons de première classe, celles qui dominaient le commerce américain. L’analyse du groupe lyonnais renvoie vers une autre réalité puisque seul Vande, en association avec Sobia, relevait du premier groupe. Plus représentatif de l’ensemble apparaît Antoine Granjean, marchand de la dernière classe, présent de 1752 à 1788, formé à Bordeaux à la fin des années 1740 et envoyé à Cadix par son beau-frère Linossier, un grand passementier lyonnais, pour travailler comme consignataire. En 1777, il est cité comme commis de la maison de première classe David Rivet et neveux. Il est décédé peu de temps après son retour à Lyon en 1788.
22Les marchands lyonnais de Cadix apparaissent donc principalement comme des acteurs de seconde zone, se limitant à assurer la vente sur place des produits classiques de la fabrique lyonnaise, de la quincaillerie forézienne ou du papier d’Auvergne. Opérant comme consignataires ou au mieux comme commissionnaires, ils cherchaient avant tout à vendre leur marchandise sur place, soit à un chargeur espagnol soit à une compagnie étrangère qui assumaient ensuite toutes les opérations de l’expédition maritime et de la vente sur les marchés coloniaux. La correspondance révèle leur extrême réticence à entrer dans des associations allant jusqu’au marché américain. Il ne faut donc pas s’étonner de leur incapacité à faire revenir des métaux précieux sur la place lyonnaise, rôle qui restait totalement dévolu aux grandes maisons françaises de la première classe.
23La volonté politique de la monarchie bourbonienne de reconquérir une bonne partie de son commerce colonial s’étant traduite par le renforcement des « comerciantes » espagnols à partir du milieu du xviiie siècle et par la suppression du monopole gaditan en 1778, la concurrence devint de plus en plus âpre pour la colonie française de Cadix53. Toutefois, ce furent surtout l’hostilité à la Révolution française, traduite par des mesures d’expulsion en 1793, et le sursaut national contre l’invasion française de 1808 qui provoquèrent son déclin accéléré. En 1815, il ne restait plus que 21 compagnies de commerce alors que ce chiffre avait oscillé autour de la soixantaine tout au long du xviiie siècle.
Stratégies des acteurs pour le contrôle des circuits commerciaux
Diversité des marchands, dynamiques marchandes et variabilité de la position des places commerciales
24L’attractivité d’une place de commerce dépend plus du dynamisme de ses entrepreneurs que de ses avantages géographiques. La position de carrefour aux croisements de voies majeures de circulation ou l’existence d’un port sûr en eaux profondes restent des qualités stratégiques très bénéfiques. Aux Temps modernes, à cause de l’importance de la circulation des marchandises par voie d’eau, la position de fond d’estuaire, au point de connexion du grand cabotage maritime et du transport fluvial sur un grand réseau hydrographique, a soutenu le développement des plus grandes villes portuaires européennes. Quand l’absence de grand fleuve devait être compensée par la liaison par routes terrestres, la disposition du relief pesait sur la concurrence entre les portes maritimes d’entrée et de sortie, à l’image des ports de la côte cantabrique (Óscar Lucas). Tout cela ne doit pas être négligé, sans être surestimé car l’organisation humaine redéfinit la valeur économique des sites de manière primordiale.
25Les places commerciales, comme relais entre des zones de forte production et de haute consommation, dépendaient d’initiatives économiques renvoyant d’abord à la densité de population et l’activité industrieuse des foyers de peuplement. Elles ont pu ainsi s’associer à des foires qui leur ont permis un premier décollage avant que la fonction bancaire ne s’intègre de façon permanente dans leurs fonctions urbaines ou elles ont pu négocier avec les pouvoirs politiques des avantages fiscaux et des traités de réciprocité avec leurs partenaires étrangères rendant leur fréquentation attractive54. Elles ont surtout profité des initiatives créatrices de leurs entrepreneurs qui se sont avérés capables de les relier à de nouveaux circuits en saisissant les opportunités ouvertes par l’extension du capitalisme commercial et la première forme de mondialisation de l’économie appuyée sur la première colonisation européenne.
26Une place marchande entretient une grande diversité d’acteurs, contribuant très inégalement à son développement. D’ailleurs, il arrive souvent qu’une bonne partie des entrepreneurs dont les initiatives sont les plus déterminantes pour la prospérité commerciale de la ville n’y réside pas, dirigeant ainsi son trafic de l’extérieur, d’un centre de commandement réduisant la place au rôle de relais intermédiaire dans un circuit commercial. Le trafic peut ainsi connaître une expansion dont les principaux bénéfices échappent à ce lieu de transit, d’où la distinction classique entre commerce actif et passif. Mais, l’initiative humaine restant toujours première, rien n’est jamais figé. Une dynamique sociale urbaine peut fort bien renverser la situation à condition qu’elle se donne les moyens de contrôler des activités économiques sur des horizons géographiques qui positionnent la place comme intermédiaire indispensable entre zone de production et de consommation. Les exemples de telles mutations aux Temps modernes ne manquent pas, tant en Espagne qu’en France, avec les effets changeants de la concurrence entre les ports cantabriques pour la sortie des laines ou la redistribution des rôles avec la libéralisation du commerce vers l’Amérique dans la seconde moitié du xviiie siècle, et la promotion et le déclin de Saint-Malo de 1650 à 175055 ou la grande mutation de Bordeaux56 et de Nantes57 vers le commerce antillais dans les années 1670-1680.
27L’analyse d’une enquête sur le commerce avec l’étranger ordonnée par Charles Quint permet à Luis Maria Bilbao et Ramón Lanza García d’effectuer une pesée globale du rôle de Bilbao dans les années 1540. Une telle possibilité pour le xvie siècle est si rare qu’on s’en voudrait de bouder ce plaisir, même si, à la suite des auteurs, nous sommes invités à une fi ne lecture critique du document autorisant au final à dégager fermement les grandes tendances. Les conclusions statistiques proposées ne bouleversent pas l’image de port de transit jouant un rôle majeur pour l’ouverture européenne de l’économie castillane, analyse déjà bien établie par de solides études antérieures, mais introduisent quelques nuances dans les appréciations de l’importance relative des trafics et des acteurs grâce justement à cette mesure globale. L’analyse du trafic entre l’Espagne et la France renvoie vers une balance commerciale très déséquilibrée, avec des importations représentant 11 fois la valeur des exportations, soit un taux de couverture de 8,8 %. Dans les sorties, les expéditions de fer brut et semi-ouvré (78 %) écrasaient les épices (10 %) et la laine (8 %), cette dernière passant essentiellement à cette époque par Santander. Les entrées connaissaient le même déséquilibre avec une omnipotence des toiles (72 %) devant le pastel (22,5 %) et le papier et le poisson (3 %). Cette balance négative n’était guère compensée par les bénéfices du transport maritime car ce service était principalement assuré par des bateaux français, les navires basques travaillant plus dans le cabotage ibérique et sur les routes de l’Angleterre et des Flandres.
28Les renseignements fournis par les acteurs de ce commerce conduisent les auteurs à proposer un portrait global dans une typologie à quatre entrées en associant à l’importance du chiffre des affaires brassées leur position personnelle dans la balance commerciale caractérisée globalement antérieurement. Selon la terminologie retenue, s’échelonnent ainsi les marchands « modestes » aux échanges équilibrés, les marchands « supérieurs » au trafic déséquilibré, les marchands « importateurs » voués quasiment à cette seule activité et les « grands » marchands, importants brasseurs d’affaires au sein du déséquilibre structurel. Le taux de couverture varie beaucoup selon la place des marchands dans la filière commerciale : il est de 55 % pour ceux travaillant pour eux-mêmes, individuellement ou en société, quand il tombe à 0,6 % chez ceux travaillant à compte d’autrui pour des entrepreneurs extérieurs. La variabilité est inscrite également dans les types de produits : les marchands à leur compte réalisant 61 % des exportations, surtout grâce à leur contrôle du trafic du fer (98 %), tandis qu’ils n’assuraient que 10 % des importations puisqu’ils n’intervenaient que pour 19 % dans le trafic des toiles et pas du tout dans celui du pastel. Ils écoulaient par ailleurs la moitié de leurs toiles importées sur le marché local tandis que les marchands à compte d’autrui n’y laissaient que 11 % de leurs importations beaucoup plus massives.
29La concurrence entre les grandes compagnies de commerce dominant le commerce entre l’Espagne du Nord et la France se traduit naturellement par des modifications dans le positionnement des acteurs sur les places intermédiaires comme Bilbao. Dans la seconde moitié du xvie siècle, elle a permis une certaine émancipation des marchands biscayens, travaillant plus à leur compte et moins comme facteurs intégrés dans des sociétés castillanes, même si le prix à payer en a été aussi un certain éparpillement et une progression de la présence française, spécialement nantaise, avec une plus forte concentration des moyens autour de quelques grands marchands (Jean-Philippe Priotti).
30Toute approche ponctuelle du commerce entre l’Espagne et la France à la fin du Moyen Âge et aux Temps modernes, par l’analyse du fonctionnement d’une place commerciale, d’un système de foires ou du travail d’une compagnie de commerce, même transnationale, ne doit pas oublier que les résultats observés ne livrent qu’une vision partielle de la réalité des échanges entre les deux pays. L’historien ne touche jamais qu’un segment d’un marché beaucoup plus vaste, dont les caractéristiques évoluent selon les phases de développement ou de régression. L’histoire de la concurrence des ports de Bilbao, Saint-Sébastien et Santander pour la sortie des laines espagnoles en direction de l’Europe est là pour nous le rappeler avec la succession au premier rang du port cantabre au xvie siècle58, suivi du port du Guipuzcoa59 dans la première moitié du xviie siècle et de l’ascension de Bilbao dans la seconde moitié, après une lutte éphémère avec Santander pour cette passation de pouvoir60. La victoire finale de Bilbao, entraînant lentement la relance de l’ensemble de l’économie, y compris métallurgique, dans une sorte de mercantilisme biscayen, a cependant beaucoup plus reposé sur la demande lainière croissante des marchés européens du Nord que sur celle du marché français.
Les sociétés commerciales
31La dimension internationale du commerce invite à s’intéresser aux formes d’organisation des sociétés commerciales établies pour maîtriser au mieux l’ensemble du processus des échanges à longue distance. Nous saisissons mieux ces réalités et leur évolution dans le temps grâce à l’étude de Clara Uriarte sur les contrats de sociétés espagnoles établies à Rouen dans la seconde moitié du xvie siècle et celle de Manuel Bustos Rodríguez sur les grandes compagnies de Cadix au xviiie siècle.
32À Rouen, la distinction entre les sociétés générales, réunissant dans le travail tous les partenaires, tout en retenant ou non leur responsabilité sur tous leurs biens, et les sociétés à commandite distinguant gérants et simples associés, avec une responsabilité limitée, est une réalité bien implantée61. On compte souvent plus d’associés que ne l’indique la raison sociale. Si ce sont normalement les gérants qui donnent leur nom à la raison sociale, ces derniers n’apportent pas forcément la plus grande part du capital car ils peuvent compenser cette faiblesse par leur travail. Dans la répartition du capital, il importe d’être très attentifs aux liens sociaux unissant les partenaires, que ce soit des liens de parenté ou des liens de sociabilité fondés le plus souvent sur des affaires antérieures menées ensemble. Pour cette raison, il importe de replacer les constitutions des sociétés dans les trajectoires économiques des acteurs et de leur famille62. Il existe une diversité de solutions pour la distribution des rôles entre les gérants, tout spécialement dans la gestion des livres, depuis une stricte hiérarchisation au profit d’un dirigeant principal jusqu’à une répartition plus équilibrée, sans aller au-delà d’une logique technique car les pouvoirs de décision demeurent collectifs, liés au poids relatif de chacun dans le capital social.
33La confiance fondée sur des liens personnels intimes et la flexibilité sont deux grandes caractéristiques du plus grand nombre des sociétés commerciales de l’époque moderne. Il s’agit principalement d’un capitalisme relationnel63, qui conduit à un regroupement limité volontairement à quelques partenaires, souvent en lien de parenté. La volonté d’une adaptation permanente est garantie par la brièveté des contrats, ce qui n’empêche pas leur renouvellement, même tacite, si les affaires ont donné satisfaction. Le décès d’un des membres est toujours bien prévu pour limiter l’effet de déstabilisation, même si des solutions différentes sont plutôt en faveur des membres restants ou des héritiers du défunt.
34Les contrats ne prennent pas la peine d’indiquer tous les agents employés par les compagnies. Lorsque le travail se limite à de la consignation, c’est-à-dire aux tâches de réception, de transit, d’expédition et de vente sur place, les noms des agents n’apparaissent pas forcément dans le contrat de société. Par contre, dès qu’on passe au niveau supérieur de la commission où il faut acheter ou vendre pour la compagnie et plus encore souscrire des assurances et signer des lettres de change, les noms des acteurs sont toujours spécifiés. La délégation de signature pour la conclusion d’assurance fait figure de haut degré de confiance. Ces agents peuvent être une relation familiale, soit quelqu’un envoyé spécialement pour ce travail, soit un parent déjà installé antérieurement, capable d’apporter tout son réseau commercial personnel, mais aussi un associé de l’un des partenaires dans une autre compagnie en parallèle, avec toujours l’idée de recouper les compétences. Une progression assez habituelle paraît se dégager de l’observation des réalités : on commence avec un agent de la place qui apporte sa connaissance du milieu, on poursuit en partageant un intermédiaire avec une autre compagnie avec laquelle on est en relation, on finit par y installer une filiale dirigée par un facteur, ce qui signifie pour ce dernier une résidence assez longue, quand elle n’est pas définitive.
35L’association commerciale n’était pas réservée au trafic maritime puisque Francis Brumont retrouve cette pratique dans les échanges établis entre la Navarre espagnole et le grand Ouest français à travers les foires du Poitou au xvie siècle. Cela permettait des alliances entre Navarrais, Basques et Béarnais pour conduire les toiles en partie par voie maritime via Saintde-Luz ou par les cols pyrénéens comme Saint-Jean-Pied-de-Port. Patrice Poujade en a aussi rencontré un grand nombre dans son étude des routes transpyrénéennes entre Languedoc et Catalogne au xviie siècle, même s’il agit souvent de mentions de raisons sociales dans la documentation et non de contrats originaux de fondation, notariés ou privés. Il s’agissait d’améliorer la gestion du trafic – essentiellement laine espagnole contre draps de laine et quincaillerie de France –, en utilisant les foires des villes d’Ax et de Tarascon comme relais majeurs, sous le commandement de Toulouse. On retrouve sans surprise la préférence pour des sociétés de personnes à peu de membres, souvent à base familiale, formées pour des durées très limitées, mais pouvant se prolonger autant que les affaires tournent bien. Au-delà des liens de parenté, l’association est fortement ancrée sur les réseaux migratoires d’Auvergne et du Limousin vers le nord-est de l’Espagne. Cohabitaient des sociétés générales où le travail et les responsabilités financières étaient totalement partagés et des sociétés à participations inégales, faisant penser au type commandite, où certains apportaient les marchandises et d’autres étaient plutôt chargés de les vendre, récompensés pour cela par une part du bénéfice. La réputation et le crédit tenaient une place essentielle dans la pratique associative, en dehors de la parenté. Dans une zone géographique où le contrat rédigé était fréquent, le recours à l’écrit n’était que le point final de relations informelles antérieures.
36L’importance du regroupement des capitaux pour s’assurer le premier rang dans la maîtrise du commerce américain a justifié l’existence de nombreuses compagnies de commerce opérant sur la place de Cadix au xviiie siècle. Adonnées à des activités variées, tant dans le commerce des marchandises et les transports et assurances maritimes que dans les opérations financières comme les prêts à la grosse aventure ou le crédit public étatique, elles rassemblaient des capitaux apportés par des investisseurs aux origines sociales et géographiques très diversifiées. Le caractère très spéculatif de cet intéressement colonial est traduit par un renouvellement régulier des partenaires, même si une meilleure permanence des raisons sociales situe plus la rotation parmi les associés secondaires. La reconstitution de l’enchaînement des sociétés permet ainsi d’établir quels sont les piliers du commerce dans le monopole espagnol, mais aussi quels sont les acteurs ambitieux en expansion, désireux d’accroître leur autorité dans ces entreprises associatives64.
37Toutes les sociétés commerciales n’avaient pas la même puissance financière ; le classement en rangs, déjà relevé pour les compagnies françaises, s’avérant comme un repère structurel généralisé. Selon une appréciation anonyme, on en comptait environ 400 vers 1780, dont 50 de première classe, 150 de seconde et 200 de troisième classe. Les compagnies étrangères dominaient la place de Cadix suite à l’incapacité de la société et de l’économie espagnoles à répondre à l’essor de la demande américaine à partir du xviie siècle. Des études récentes ont pointé 112 compagnies flamandes65 et une trentaine d’anglaises ou anglo-irlandaises66 pour le xviiie siècle. Elles étaient cependant surpassées par les compagnies françaises dont le nombre de celles agissant en même temps a oscillé entre 40 et 85, tout en se tenant le plus souvent dans la soixantaine. À partir du règne de Charles III, le redressement des sociétés espagnoles dans la reconquête du marché américain se vérifie toutefois aisément, appuyé sur la politique mercantiliste de la monarchie engagée dans une reconstruction du royaume apparentée aux orientations du despotisme éclairé67.
38Comme dans toutes les grandes places commerciales, la cohésion des compagnies était d’abord assurée par les liens de parenté, puis ensuite par le partage d’une même identité nationale et religieuse, ce qui favorisait également l’existence de puissants lobbies par association de toutes ces convergences. Ces solidarités classiques ne couvraient cependant pas toutes les conduites de rapprochement aboutissant au regroupement de capital ou à la mise en réseau. Les liens de confiance et d’estime mutuelle construits progressivement à partir d’opérations ponctuelles, plus issus du partage de contraintes économiques et d’intérêts communs pour certains trafics ou horizons géographiques que des facteurs parentaux, originaires ou religieux plus habituels, prouvaient que l’association commerciale était capable de dépasser l’horizon mental coutumier pour se baser sur une logique d’affaire.
39Tous les types de société commerciale se côtoyaient à Cadix68, mais la caractéristique de la place restait la nette inclination pour le type commanditaire69 étant donné la structuration du commerce américain régi par la règle du monopole. Le dispositif imposait à tout acteur étranger, individu ou société, de s’associer avec un autre acteur espagnol – commerçant, chargeur, armateur, capitaine de navire – habilité à entreprendre ce type de commerce. L’organisation commanditaire facilitait ces associations et multipliait les possibilités de liens avec les autres compagnies de nature différente, générales ou spécialisées. Même si Cadix s’inscrivait dans la structure classique du capitalisme commercial des Temps modernes caractérisée par la prédominance, dans la forme sociétaire, de la logique relationnelle garantie par la force des liens sociaux entre des partenaires peu nombreux, définissant beaucoup plus les maisons de commerce collectives comme des sociétés de personnes plutôt que des sociétés financières70, comme partout ailleurs l’émergence progressive des sociétés anonymes à partir des années 1760 traduit une mutation liée à des conditions économiques nouvelles. Tirée en avant par la constitution de sociétés spécialisées dans l’assurance maritime au xviiie siècle71, la formule de la société anonyme a beaucoup profité de la conjonction de l’ouverture progressive du commerce américain à un grand nombre de villes portuaires à partir de 1765 et 177872 et de la baisse de rendement du crédit public qui a réorienté une partie du capital des élites sociales vers cette forme d’investissement.
40Plutôt que de gloser sur le retard du capitalisme dans une des plus grandes places de commerce du monde, déficience caractérisée par la prolifération des commandites et la rareté des sociétés financières anonymes, il paraît ainsi plus pertinent de s’interroger sur la logique et l’efficacité de cette inclination économique des acteurs qui ont trouvé dans la souplesse de cette solution les ressources indispensables au soutien de la relance de l’économie coloniale espagnole sous la monarchie des Bourbons.
L’évolution des sociétés commerciales sur un marché concurrentiel : entre l’intégration et la déstabilisation
41Les fortes mutations qui ont affecté les échanges commerciaux entre la France de l’Ouest et l’Espagne dans la seconde moitié du xvie siècle ouvrent un champ d’études sur les conditions permettant à de grandes compagnies transnationales de s’imposer pendant un temps, mais aussi sur les causes de l’effritement de leur position dominante au profit de concurrents dont certains ont pu être un moment leurs partenaires. L’analyse de la montée en puissance du célèbre réseau marchand Ruiz et de la détérioration de ses positions dans le trafic des marchandises permet de soulever quelques questions importantes sur le jeu des acteurs dans l’histoire du commerce international à l’époque moderne (Jean-Philippe Priotti).
42L’importation massive de toiles du grand Ouest français contre l’exportation de laine de Castille et de fer basque, à travers les ports de Nantes et de Bilbao, a ainsi construit un circuit commercial liant les lieux de production (les zones rurales toilières de Bretagne, Anjou et Maine) et les centres distributeurs de Vieille Castille, comme Burgos et Medina del Campo, qui assuraient l’écoulement des textiles dans tout le royaume d’Espagne. Dans la phase ascendante du commerce des Ruiz, leur réseau marchand fut plutôt bipolaire, en faisant travailler ensemble, à travers la personne de Simon Ruiz, des sociétés commerciales basées respectivement à Medina del Campo et à Nantes. En Castille, il était en partenariat avec son frère Vitores Ruiz et son cousin Francisco de la Presa. À Nantes, il s’était associé à Yvon Rocaz et Jean Le Lou. Les opportunités d’élargissement par association ponctuelle sur une opération étaient assurées par la présence à Nantes de son second frère André Ruiz et de parents de La Presa. Une recherche d’une meilleure intégration fut obtenue par le partage des mêmes facteurs à Bilbao, en l’occurrence des marchands nantais, et par la réunion des deux sociétés dans la compagnie de Séville en 1560, renouvelée en 1566. Pourtant, ces liens étroits de parenté n’équivalaient pas à une collaboration parfaite : les relations étaient parfois tendues entre Simon et André, le premier n’appréciant guère les opérations communes que le second menait avec la société nantaise, comme si ce croisement d’affaires portait le risque d’affaiblissement de son pouvoir de commandement assis sur sa position de centralité. Pour saisir l’ensemble du réseau, il faut intégrer la troisième pointe du triangle avec Lyon et l’Auvergne, puisque les Ruiz étaient en affaires avec les Bonvisi, marchands banquiers lyonnais d’origine lucquoise, pour écouler leurs marchandises en Espagne et pour solder leurs opérations d’achat et de vente à crédit par l’intermédiaire des lettres de change, mais aussi avec les Nebrèze, marchands originaires de Thiers et installés à Medina del Campo.
43Sur le plan du commerce de marchandises, le réseau Ruiz a mal résisté à la concurrence dans le dernier quart du xvie siècle. Dès la fin des années 1570, les taxes douanières de Castille révèlent la régression de Simon Ruiz tombé du premier au quinzième rang des importateurs, tandis que François de Nebrèze, son ancien partenaire secondaire en affaires, est passé au premier. Quatre grandes causes peuvent rendre compte d’un tel recul : la montée en puissance de la concurrence française sur le marché des toiles à Séville, nouveau pôle prépondérant de l’économie espagnole, une rigidité de gestion rendant difficile l’adaptation aux nouvelles conditions du marché, le délitement interne du réseau par autonomisation croissante de ses composants intermédiaires et enfin forte attraction des opérations de crédit public en lien avec l’explosion des besoins financiers des monarchies espagnole et française.
44Le réseau Ruiz a mal supporté l’essor du circuit commercial direct établi par les marchands de Saint-Malo et de Rouen entre l’Ouest toilier français et Séville pour le marché américain. Ces entrepreneurs ont mieux analysé la nouvelle donne issue de la hausse des prix à la production provoquée par le renversement du rapport économique en faveur de l’offre à cause de la forte poussée de la demande américaine. Cette nouvelle distribution a fondé son essor sur le principe de l’achat et de la vente au comptant, en y ajoutant l’intégration du transport maritime. La principale innovation a ainsi affecté le rapport marchand avec les producteurs puisque les Malouins, Vitréens et Normands se sont préoccupés d’assurer leur approvisionnement en allant sur place pour sélectionner les différentes catégories de produits, payer immédiatement les fabricants et même leur réserver la fourniture en leur octroyant des avances sur paiement, technique que Simon Ruiz, habitué à son règlement par crédit, a toujours rechigné à valider malgré tous les avertissements de ses facteurs (Jean-Philippe Priotti et Óscar Lucas).
45La vente au comptant à Séville était favorisée par la demande croissante du marché américain, l’essor remarquable des retours en métaux précieux à partir de la mise en exploitation des mines d’argent du Mexique et du Pérou au milieu du xvie siècle, mais aussi par la concurrence développée entre marchands espagnols et « américains » au sein du monopole. Une convergence d’intérêt entre marchands malouins et « Peruleros », agents commerciaux obéissant aux ordres de grands commerçants de Lima, a ainsi soutenu l’expansion rapide du nouveau circuit et l’installation de marchands français à Séville. La substitution du pôle andalou à l’ancien couple Medina-Burgos comme centre de distribution, non seulement sur le marché colonial, mais aussi sur le marché intérieur espagnol, n’a donc pas gêné les Ruiz pour des raisons de délocalisation car ils se sont bien sûr installés à Séville, mais pour une insuffisante adaptation aux nouvelles conditions d’achat et de vente de leur produit phare d’importation.
46Ce manque de souplesse vient sans doute d’un raidissement dans l’animation du réseau commercial au moment même où le centre directeur aurait dû être très sensible aux avertissements qui lui venaient de ses antennes. Devant les premières difficultés, Simon Ruiz a choisi de centraliser davantage la gestion des affaires en changeant et en contrôlant de très près les facteurs de Bilbao et de Nantes, le basque Bartolomé del Barco dans le port cantabrique et Julien Ruiz dans le port ligérien. Pour Nantes, si les aspects de continuité ne manquaient pas, puisqu’il s’agissait du fils aîné d’André et du gendre d’Yvon Rocaz, Julien avait été « endoctriné » par son oncle pendant sa formation à Medina selon les propos de son père. Tout en saisissant bien les insuffisances de la méthode Ruiz sur les marchés bretons, il n’est pas parvenu à l’infléchir, sinon en agissant à l’insu de Simon Ruiz. L’espace de manœuvre ne pouvait que demeurer étroit.
47La montée en puissance des Nebrèze et des Del Barco permet d’interroger les conditions du glissement d’association en affaires en concurrence. Les Nebrèze et les Ruiz travaillaient en commun sur des opérations ponctuelles sans l’existence de forme sociétaire, mais ils se partageaient le même facteur à Bilbao en la personne de Bartolomé del Barco. Il ne convient sans doute pas de parler de concurrence commerciale entre les deux firmes puisqu’ils n’intervenaient pas sur les mêmes secteurs, les toiles pour les Ruiz et le papier et les livres pour les Nebrèze. L’infiltration des seconds dans les affaires des premiers a plutôt pris la voie financière du crédit, les Ruiz étant souvent en débit dans les comptes de Del Barco dont la solvabilité était assurée par les avances des Nebrèze.
48L’évolution de la famille Del Barco fournit une belle étude de cas pour saisir comment la construction d’un réseau commercial familial peut lentement phagocyter de l’intérieur un autre réseau, à partir de positions subalternes. Sur cinq enfants parvenus à des positions intéressantes, Domingo a été placé à Medina chez les Nebrèze pour sa formation avant de se fixer à Séville, Hortuño à Nantes chez Julien Ruiz, Sancho près de son père à Bilbao, un quatrième frère envoyé en Amérique, et leur sœur a épousé en 1579 le plus important marchand basque de fer. À Nantes, Hortuño a épousé ensuite Jeanne Rocaz, veuve de son ancien patron. Correspondant à Nantes des Ruiz et des Nebrèze, il a profité de toutes les connaissances tirées de ses activités pour se construire son propre réseau d’affaires, une très belle fortune et une excellente réputation qu’il estime supérieure, pour son côté opératoire, à celle des Ruiz dans un incident qui les a opposés en 1594. Ainsi, un intermédiaire dans un circuit commercial hispano-français repris en main par le centre de commandement castillan a pu réussir à le rendre de nouveau bicéphale en construisant sa propre autonomie de l’intérieur, en intégrant de nouvelles pratiques commerciales que le pôle directeur avait du mal à valider.
49Au final, les mutations de positionnement des acteurs dans la filière Ruiz laissent voir trois modes d’intégration sur le secteur majeur reliant la Castille à la France : un équilibrage bicéphale reposant sur le croisement de deux sociétés installées aux extrémités, une centralisation de la gestion au profit de l’un de ces pôles transformant l’autre en factorerie, ou encore une intégration interne par le maillon central intermédiaire nantais en prenant la totalité du circuit entre Medina et Lyon. Ces postures ne sont que des adaptations à la conjoncture internationale mouvante, des situations toujours réversibles selon les initiatives des acteurs, des réponses structurées temporairement par les interactions entre les choix des acteurs hiérarchisés non seulement par leur poids financier mais aussi par leur esprit d’entreprise au sein de l’association.
50N’oublions pas cependant que dans l’interprétation de toute succession dans une position dominante, il ne faut jamais oublier de se demander si c’est plutôt l’ancienne puissance qui se retire en redistribuant ses cartes, laissant ainsi le champ libre à des partenaires jusqu’ici empêchés, ou s’il s’agit vraiment de la conclusion d’une rivalité concurrentielle au profit du vainqueur. Cette précaution d’analyse, qui vaut pour l’histoire sociale du politique73, est aussi essentielle en histoire socioéconomique. La compréhension de l’affaiblissement des positions commerciales des Ruiz ne peut se comprendre sans la prise en compte de leur engagement toujours plus grand dans les activités financières, tant à Medina qu’à Nantes, tant dans les finances urbaines et provinciales que dans les affaires étatiques, en Espagne comme en France.
Conclusion
51Les relations commerciales entre l’Espagne et la France ont été marquées du xve au xviiie siècle par un retournement du rapport de force étalé sur un siècle (vers 1570-vers 1670), séparant une première phase de domination castillane et une seconde période d’hégémonie française. Cette redéfinition est intimement liée à l’intégration progressive des échanges entre les deux économies au sein d’un marché atlantique de plus en plus structuré par le commerce colonial, tant par les rivalités entre les deux empires que par les complémentarités induites, légales ou illégales. Les marchands des diverses places espagnoles et françaises intéressées par ces échanges ont dû se positionner dans ce basculement d’un grand cabotage européen vers des liaisons transatlantiques vers l’Amérique, tant en termes de concurrence extérieure qu’en tentatives d’infiltration interne. Ceux qui ont compris avant les autres ces redéfinitions du marché atlantique en ont le plus largement profité.
52À cette échelle d’intervention, le choix des sociétés commerciales pour les maisons de commerce et le fonctionnement en réseaux étaient des conditions indispensables pour assurer la réussite. Les grands entrepreneurs restèrent fidèles à un capitalisme relationnel, limitant leurs sociétés générales ou leurs commandites à un cercle réduit de parents ou d’amis bien connus, préférant additionner en parallèle ces sociétés de personnes pour étendre leur surface commerciale plutôt que de se risquer dans de grandes sociétés financières. Ces sociétés, lorsqu’elles s’inscrivaient dans la durée, durent réviser régulièrement leur logique interne d’intégration, entre multipolarité et centralisation, sous faute de dépérir pour inadaptation. La souplesse était également fondée sur la diversité des rôles des individus, travaillant à leur compte ou à compte d’autrui, comme facteurs ou commissionnaires ou consignataires, parfois successivement, mais le plus souvent parallèlement. Les grands marchands tirèrent de cet ensemble diversifié de relations individuelles entre partenaires commerciaux une grande flexibilité qui permit aux plus astucieux et réactifs de construire progressivement la nouvelle donne commerciale atlantique, en trouvant les capitaux nécessaires pour soutenir les échanges de produits réclamés tant par les marchés européens et américains, sans oublier les royaumes africains entraînés par ce biais dans une terrible déportation humaine.
Notes de bas de page
1 Priotti J.-P., Bilbao et ses marchands au xvie siècle. Genèse d’une croissance, Lille, PU Septentrion, 2004.
2 La rencontre de travail, tenue à Nantes en novembre 2005, a été organisée par Guy Saupin et Jean-Philippe Priotti, avec le soutien logistique du Centre de recherche en histoire internationale et atlantique (CRHIA) de l’université de Nantes, de l’UMR FRAMESPA de l’université de Toulouse-Le Mirail, et du Centre de recherches d’histoire atlantique et littorale (CRHAL) de l’université du Littoral, Boulogne-sur-Mer. Nous remercions nos collègues de La Rochelle et des universités espagnoles du Pays basque (Vitoria), de Deusto (Bilbao), de Cantabrie (Santander) et de Cadix, qui ont répondu favorablement à notre invitation.
3 Lapeyre H., Une famille de marchands : les Ruiz, Paris, A. Colin, 1955 ; Id., El comercio exterior de Castilla a través de las aduanas de Felipe II, Valladolid, université de Valladolid, 1981 ; Kerherve J. et Daniel T. (éd.), 1491. La Bretagne, Terre d’Europe, Brest, CNRS, 1992 ; Casado Alonso H. (dir.), Castilla y Europa. Comercio y mercaderes en los siglos XIV, XV y XVI, Burgos, 1995 ; VII° Congreso de la Asociación española de Historia económica, Entre el Mediterráneo y el Atlántico : España en la formación de un espacio económico europeo (siglos XV-XVIII), Saint-Jacques-de-Compostelle/La Corogne/ Vigo, septembre 2005.
4 Casado Alonso H., El triunfo de Mercurio. La presencia castellana en Europa (siglos XV y XVI), Burgos, 2003.
5 Girard A., Le commerce français à Séville et Cadix au temps des Habsbourg, Paris, De Boccard, 1932 ; New York, 1967 ; Zylberberg M., Une si douce domination. Les milieux d’affaires français et l’Espagne vers 1780-1808, Paris, Comité d’histoire économique et financière, 1993 ; Les Français en Espagne à l’époque moderne (xvie-xviiie siècles), Toulouse, CNRS, 1990.
6 Saupin G. (dir.), Le pouvoir urbain dans l’Europe atlantique aux Temps modernes, Nantes, Ouest Éditions, 2002 ; Id., « Présence et représentation du monde atlantique dans les villes d’Europe occidentale du Moyen Âge au xxe siècle », Saupin G. (dir.), Villes atlantiques dans l’Europe occidentale du Moyen Âge au xxe siècle, Rennes, PUR, 2006, p. 9-41.
7 McCusker J. J. et Kenneth M. (éd.), The Early Modern Atlantic Economy, Cambridge, CUP, 2000 ; Curtin P. D., The World and the West. The European Challenge and the Overseas in the Age of Empire, Cambridge, CUP, 2000.
8 Marzagalli S. et Bonin H. (éd.), Négoces, Ports et Océans, xvie-xxe siècles. Mélanges offerts à Paul Butel, Pessac, PU de Bordeaux, 2000 ; Ribot Garcia L. et De Rosa L. (dir.), Naves, puertos e itinerarios marítimos en la Época Moderna, Madrid, Actas, 2003.
9 Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, Saint-Malo, L’Ancre marine, 1990 ; Rennes, PUR, 1997 ; Petre-Grenouilleau O., L’argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Paris, Aubier, 1996 ; Marzagalli S., Stratégies marchandes et organisation du monde du négoce en Europe et aux Amériques (fin xviie début xixe siècle), mémoire HDR, université Paris I, 2004 ; Hancock D., Citizens of the World. London Merchants and the Integration of the British Atlantic Community, 1735-1785, Cambridge, CUP, 1995.
10 Braudel F., Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècles, t. 2 : Les jeux de l’échange, Paris, A. Colin, 1979, p. 129-137.
11 Petre-Grenouilleau O., Les négoces maritimes français, xviie-xxe siècles, Paris, Belin, 1997 ; Id., « Les négoces maritimes français. Anatomie d’un capitalisme relationnel », Dix-huitième Siècle, 2001, n° 33, p. 33-47.
12 Degenne A. et Forse M., Les réseaux sociaux. Une analyse structurale en sociologie, Paris, A. Colin, 1994 ; Lemercier C., « Analyse des réseaux sociaux en histoire », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 52-2, avril-juin 2005, p. 88-112 ; Requena Santos F., Análisis de redes sociales. Orígines, teorías y aplicaciones, Madrid, CIS, 2003 ; Dedieu J.-P. et Moutoukias Z., « Approche de la théorie des réseaux sociaux », Castellano J. L. et Dedieu J.-P. (dir.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, MPI-CNRS, 1998 ; Imizcoz J. M., « Actores, redes, procesos : reflexiones para una historia más global », Revista da Faculdade de Letras, História, université de Porto, vol. 5, 2004, p. 115-140.
13 Molho A. et Ramada Curto D., « Les réseaux marchands à l’époque moderne », Annales, HSS, 58-3, mai-juin, 2003. Précieux numéro spécial de la revue où l’introduction problématique des responsables est suivie de quatre études de cas ; Mauro F., « Merchant Communities », Tracy J. (dir.), The Rise of the Merchant Empires : Long Distance trade in the Early Modern World, Londres/Cambridge, CUP, 1990 ; Subrahmanyam S. (dir.), Merchant Networks in the Early Modern World, Londres, Aldershot, 1996.
14 Voir le dossier spécial sur Individus, familles, groupes : pratiques marchandes et pouvoirs politiques (xve-xviiie siècle), coordonné par Priotti Jean-Philippe, et publié dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, t. CXII, 2005, n° 4.
15 Greif A., « Théorie des jeux et analyse historique des institutions. Les institutions économiques du Moyen Âge », Annales, HSS, 1998, p. 597-633 ; Curtin P. D., Cross-Cultured Trade in World History, Cambridge, CUP, 1984.
16 Pietschmann H. (éd.), Atlantic History. History of the Atlantic System, 1580-1830, Hambourg/ Göttingen, Vandenbroeck et Ruprecht, 2002 ; Martinez Shaw C. et Oliva Melgar J. M. (éd.), El sistema Atlántico Español. Siglos XVII-XIX, Madrid, 2005 ; Butel P., Histoire de l’Atlantique, de l’Antiquité à nos jours, Paris, Perrin, 1997.
17 Bilbao L. M. et Fernandez de Pinedo E., « Wool exports, transhumance and land use in Castile in the sixteenth, seventeenth and eighteenth centuries », Thompson I. A. A. et Yun Casalilla B. (éd.), The Castilian Crisis of the Seventeenth Century. New Perspectives on the economic and social History of seventeenth century Spain, Cambridge, CUP, 1994, p. 101-114 ; Philipps C. R., « The Spanish Wool Trade, 1500-1780 », Journal of Economic History, 1982, t. 42, p. 775-795 ; Philipps C. R. et Phillips W. D., Spain Golden Fleece. Wool Production and the Wool Trade from the Middle Ages to the Nineteenth Century, Baltimore/Londres, 1997.
18 Mise au point récente très pratique dans un numéro spécial des Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, tome 107, n° 2, 2000. Articles importants de Bottin J., « Les toiles de l’Ouest français au début de l’époque moderne ; Réflexions sur la configuration d’un espace productif », et de Casado Alonso H., « Le commerce des marchandises de Bretagne avec l’Espagne au xvie siècle » ;Tanguy J., « L’exportation des toiles de la France de l’Ouest en Espagne dans la seconde moitié du xvie siècle », Sanchez J.-P. (éd.), Dans le sillage de Colomb. L’Europe du ponant et la découverte du Nouveau Monde (1450-1650), Rennes, PUR, 1996.
19 Arizaga Bolumburu B. et Bochaca M., « El comercio maritimo de los puertos del Pais Vasco en el Golfo de Vizcaya a finales de la Edad Media », Itsas Memoria, n° 4, 2003, p. 41-53.
20 Gascon R., Grand commerce et vie urbaine au XVIe siècle. Lyon et ses marchands, Paris, SEVPEN, 1971, 2 vol.
21 Casado Alonso H., « El comercio internacional burgalés en los siglos xv y xvi », Actas del V Centenario del Consulado de Burgos, Burgos, 1994, vol. 1, p. 175-247 ; Id., « El comercio burgalés y la estructuración del espacio económico español a fines de la Edad Media », Itinerarios e identidad hispánica, Pampelune, 2001, p. 329-356.
22 Bochaca M., Les marchands bordelais au temps de Louis XI. Espaces et réseaux de relations économiques, Bordeaux, 1998 ; Touchard H., Le commerce maritime breton à la fin du Moyen Âge, Paris, 1967 ; Tanguy J., Le commerce du port de Nantes au milieu du xvie siècle, Paris, A. Colin, 1956 ; Mollat M., Le commerce maritime normand à la fi n du Moyen Âge, Paris, 1952.
23 Tranchant M., Le commerce maritime de La Rochelle à la fi n du Moyen Âge, Rennes, PUR, 2003 ; Delafosse M. et Trocme É., Le commerce rochelais de la fin du xve siècle au début du xviie siècle, Paris, A. Colin, 1952.
24 La valorisation des années 1570 comme début du point de rupture de l’équilibre médiéval est un apport majeur des recherches de Jean-Philippe Priotti qui s’efforce de relier les évolutions du Nord de l’Espagne et de l’Andalousie pour mieux dégager le renouvellement des réseaux commerciaux à travers les nouvelles connexions des marchands espagnols, français et américains. Cet effort de synthèse est au cœur des travaux de son habilitation à diriger des recherches soutenue en décembre 2007.
25 Israel J. I., The Dutch Republic and the Hispanic World (1606-1661), Oxford, OUP, 1982.
26 Bottin J., « La redistribution des produits américains par les réseaux rouennais (1550-1620) », Sanchez J.-P. (éd.), op. cit., p. 27-39 ; Id., « De la toile au change : l’entrepôt rouennais et le commerce de Séville au début de l’époque moderne », Annales du Midi, 2005, p. 323-345.
27 Gelabert J. E., « La guerre et les altérations des relations commerciales entre les villes de la façade atlantique (1567-1609) », Saupin G. (dir.), Les villes atlantiques…, op. cit., p. 73-87.
28 Gómez-Centurión Jiménez C., Felipe II, la empresa de Inglaterra y el comercio septentrional (1566-1609), Madrid, Editorial Naval, 1988.
29 Allen P. C., Felipe III y la Pax Hispánica, 1598-1621. El fracaso de la gran estrategia, Madrid, 2001.
30 Lorenzo Sans E., Comercio de España con América en la época de Felipe II, Valladolid, Diputación Provincial de Valladolid, 1986.
31 Garcia Fuentes L., Los peruleros y el comercio de Sevilla con las Indias, 1580-1630, Séville, Université de Séville, 1997 ; Id., « Cambio de la demanda y monopolio de la oferta : un nuevo enfoque de las relaciones comerciales entre España y las Indias (1580-1630) », Yuste C. (coord.), Comercio marítimo colonial. Nuevas aportaciones y ultimas fuentes, Mexico, Instituto Nacional de Antropologia e Historia, 1997.
32 Priotti J.-P., « Una “conquista al revés” o la penetracion de los mercaderes noreuropeos y americanos en la Peninsula Iberica (1560-1630) », Mazín Gómez Ó. (éd.), Mexico y el mundo hispánico, p. 207-230. Cet article a provoqué des critiques de Marina Alfonso Mola et de David Brading, reproduites dans les mêmes Actes. L’auteur y répond dans « Logiques commerciales d’une globalisation. Les toiles françaises dans l’Atlantique hispano-américain », Perez B., Rose S. V. et Clement J.-P. (dir.), Des marchands entre deux mondes. Pratiques et représentations en Espagne et en Amérique (xve-xviiie siècles), Paris, PU Paris-Sorbonne, 2007, p. 15-41.
33 Zabala Uriarte A., « Rutas y puertos en el comercio cantábrico del siglo xvii », Ribot Garcia L. et De Rosa L. (dir.), op. cit., p. 127-184.
34 Alloza Aparicio A., « El comercio francés en Espana y Portugal. La represalia de 1635 », Martinez Shaw C. et Oliva Melgar J. M. (éd.), El sistema…, op. cit., p. 127-161.
35 Mantecon Movellan T. A., « Les réseaux de contrebandiers dans les ports atlantiques de Castille au cours du xviie siècle », Saupin G. (dir.), Les villes atlantiques…, op. cit., p. 315-335 ; Truchuelo García S., « La represión del fraude comercial en el litoral vasco en el período altomoderno », Revista de Cultura e Investigación Vasca, Fundación Sancho el Sabio, 2005, 23, p. 11-34.
36 Alloza Aparicio Á., « Guerra economica y comercio europeo en España, 1624-1674. Las grandes represalias y la lucha contra el contrabando », Hispania, 2005, LXV/1, 219, p. 227-280.
37 Zabala Uriarte A., « La communauté marchande portugaise dans les ports de Bilbao et de Saint-Sébastien au début du xviie siècle », Saupin G. (dir.), Villes atlantiques…, op. cit., p. 179-203.
38 Saupin G., « Un mouvement de xénophobie anti-portugaise à Nantes dans les années 1630 », Poussou J.-P. et alii (éd.), Monarchies, noblesses et diplomaties européennes. Mélanges J.-F. Labourdette, Paris, PU Paris-Sorbonne, 2005, p. 49-60.
39 Thompson I. A. A. et Yun Casalilla B. (éd.), The Castilian Crisis of the Seventeenth Century. New Perspectives on the economic and social History of seventeenth century Spain, Cambridge, CUP, 1994 ; Fortea J. I. (éd.), Imágenes de la Diversidad. El mundo urbano en la Corona de Castilla (s. XVI-XVIII), Santander, université de Cantabrie, 1997.
40 Bilbao L. M., « La industria siderometalúrgica tradicional en el País Vasco, 1450-1720 », Hacienda Pública Española ; Homenaje a D. Ramón Carande, 1987, n° 108/109, p. 47-63.
41 Aragón Ruano Á., El bosque guipuzcoano en la Edad Moderna. Aprovechamiento, ordenamiento legal y conflictividad, San Sebastián, Sociedad de Ciencias Aranzadi, 2001.
42 Saupin G., « Le commerce du sel vers l’Espagne du Nord au xviie siècle », Hocquet J.-C. et Sarrazin J.-L. (éd.), Le sel de la Baie. Histoire, archéologie, ethnographie des sels atlantiques, Rennes, PUR, 2006.
43 Butel P., Les négociants bordelais, L’Europe et les Îles au xviiie siècle, Aubier, 1974.
44 Meyer J., L’armement nantais dans la seconde moitié du xviiie siècle, Paris ; Saupin G., Nantes au xviie siècle. Vie politique et société urbaine, 1598-1720, chap. IX, p.243-254 ; Tanguy J., Le commerce de Nantes à la fin du xvie et au début du xviie siècle, thèse de 3e cycle, Rennes, 1967 ; Roblin L., Le commerce de la mer à Nantes, 1680-1730, thèse de 3e cycle, Paris IV, 1987.
45 Dardel P., Commerce, industrie et navigation dans les ports de Rouen et du Havre au xviiie siècle, Paris, SEVPEN, 1963.
46 Priotti J.-P., « Una “conquista al revés”… », op. cit.
47 Lanza García R., « La depresión económica del Seiscientos en la España cantábrica : el caso de la Cuatro Villas de la costa », Revista Transportes, Servicios y Telecomunicaciones, 2003, n° 5, p. 101-125 ; Id., « Auge y declive de las Cuatro Villas en la época de los Austrias », Fortea Pérez J. I. (éd.), Transiciones. Castro Urdiales y las Cuatro Villas de la Costa de la Mar en la Historia, Santander, université de Cantabrie, p. 165-200.
48 Dominguez Ortiz A., Los extranjeros en la vida espanola del siglo XVII y otros articulos, Séville, 1996.
49 Bustos Rodríguez M., Cádiz en el sistema atlántico. La ciudad, sus comerciantes y la actividad mercantil (1650-1830), Madrid, Silex, 2005.
50 García-baquero González A. et Collado Villalta P., « Marchands français à Cadix au xviiie siècle : la colonie marchande », Les Français en Espagne…, op. cit.
51 Ozanam D., « La colonie française de Cadix au xviiie siècle d’après un document inédit, 1777 », Mélanges de la Casa de Velásquez, t. IV, Paris, E. De Boccard, 1968, p. 259-348.
52 Le Gouic O., « Le commerce des Français à Cadix vu par les consuls de France (1763-1778), Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2005, t. 112, n° 3, p. 71-104.
53 Bustos Rodríguez M., Los comerciantes de la Carrera de Indias en el Cádiz del siglo XVIII (17131778), Cadix, université de Cadix, 1995.
54 Les échanges de privilèges dans les traités de commerce depuis le xive siècle peuvent aboutir au resserrement des liens humains dans une confrérie marchande, à l’image de celle de la Contractation à Nantes qui a peut-être perduré plus de deux siècles (1491-1733), mais sa naissance reste obscure et discutée car ses premières archives ne remontent pas avant 1601. Jeulin P., « Aperçus sur la “Contractation” de Nantes (1530 environ – 1733) », Annales de Bretagne, 1932, p. 284-331.
55 Lespagnol A., Messieurs de Saint-Malo, op. cit.
56 Butel P., Vivre à Bordeaux sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 1999, p. 137-153. L’auteur y résume de manière pratique les travaux non publiés de ses étudiants sur la mutation du xviie siècle ; Huetz de Lemps C., Géographie du commerce de Bordeaux à la fi n du règne de Louis XIV, Paris, SEVPEN, 1975.
57 Saupin G., « Les marchands nantais et l’ouverture de la route antillaise, 1639-1650 », Sanchez J.-P., op. cit., p. 173-183 ; Michon B., L’aire portuaire de Nantes aux xviie et xviiie siècles, thèse de doctorat, université de Nantes, dact., 2005.
58 Echevarria M. J., La actividad del puerto de Santander en el siglo XVII, Santander, 1995.
59 Imizcoz J. M., « Hacia nuevos horizontes : 1516-1700 », Artola M. (éd.), Historia de Donostia San Sebastián, Saint-Sébastien, 2000.
60 Bilbao L. M., « El ascenso mercantil del País Vasco en los siglos xiii al xvii », Cuadernos de Alzate. Revista vasca de la cultura y las ideas, 2004, t. 31, p. 143-172 ; Id., « Comercio y transporte internacionales en los puertos de Vizcaya y Guipúzcoa durante el siglo xvii (1600-1650). Una visión panorámica », Itsas Memoria, Revista de Estudios Marítimos del País Vasco, 2003, t. 4, p. 259-285.
61 Levy-Bruhl H., Histoire juridique des sociétés de commerce en France aux xviie et xviiie siècles, Paris, Domat/Montchrestien, 1938.
62 Uriarte Melo C., Un negocio y un modo de vida en el siglo XVI. La compañía de García y Miguel de Salamanca (1559-1574), thèse, Bilbao, université de Deusto, 1997.
63 Carriere C., Négociants marseillais au xviiie siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Lille, 1973. L’auteur fut le premier à mettre en valeur cet aspect, en opposant la préférence pour les sociétés de personne et la réticence aux sociétés financières qui ne se développèrent que timidement dans la seconde moitié du xviiie siècle, surtout pour les assurances maritimes.
64 Bernal A. M., La financiación de la Carrera de Indias. Dinero y crédito en el comercio colonial con América, Séville, Fundación El Monte, 1992.
65 Crespo Solana A., Entre Cádiz y los Países Bajos. Una comunidad mercantil en la ciudad de la ilustración, Cadix, Ayuntamiento, 2001.
66 Lario de Oñate M. del C., La colonía mercantil británica e irlandesa en Cádiz a finales del siglo XVIII, Cadix, Servicio de Publicaciones, université de Cadix, 2000.
67 Guimerá Ravina A. (éd.), El reformismo borbónico. Una visión interdisciplinar, Madrid, Alianza Editorial, 1996.
68 Carrasco González G., Los instrumentos del comercio colonial en el Cádiz del siglo XVII (16501700), Madrid, Banco de España, 1996 ; Id., Comerciantes y casas de negocios en Cádiz (1650-1700), Cadix, université de Cadix, 1996.
69 Viandier A. (dir.), La société en commandite entre son passé et son avenir, Paris, Librairie Technique, 1983.
70 García-Baquero González A., Comercio y burguesía en el Cádiz de la Carrera de Indias, Cadix, Diputación provincial, 1991.
71 Carrasco Gonzalez G., « El negocio de los seguros marítimos en Cádiz a finales del siglo xviii », Hispania, 1999, LIX/1, n° 201.
72 Bernal Rodríguez A. M. et Fontana J. (éd.), El comercio libre entre España y América, 1765-1824, Madrid, Fundación Banco Exterior, 1987.
73 Saupin G., Nantes au xviie siècle…, op. cit., p. 259-269.
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