L’épuration des instances économiques en Seine-Inférieure
p. 313-327
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Texte intégral
1Par instance ou autorité économique, on entendra les lieux de pouvoir, de coordination, de représentation, d’administration des entreprises. Cette contribution concerne donc les trois principales chambres de commerce, Rouen, Le Havre et Dieppe, parmi les sept représentations consulaires de Seine-Inférieure1, avec un bref regard sur les conseils d’administration des ports, de la troisième région économique et de la chambre des métiers. Elle se situe au croisement de deux axes de recherche : celui de la répression de la collaboration économique et celui des changements dans l’organisation des milieux patronaux. Croisement d’autant plus nécessaire que le comportement des entreprises sous l’Occupation comme à la Libération est autant le résultat d’un fonctionnement en réseau – les chambres de commerce sont par définition réticulaires – que le résultat de choix individuels et variés face à la diversité des contraintes. Toutefois, s’interroger sur l’épuration de ces instances n’a de sens que dans la mesure où elles ont conservé un certain pouvoir. Or, à l’intérieur des limites tracées par l’autorité d’occupation ou des décisions de Vichy, il existe à l’échelle locale, un certain degré de « polycratie2 ». Les chambres de commerce ont été un intermédiaire actif entre les autorités préfectorales ou d’occupation et le monde de l’entreprise. Elles durent répondre à de nombreuses enquêtes économiques3 et politiques, voire raciales. C’est aussi le cas de la IIIe région économique4.
Étendue et procédures de l’épuration des instances économiques
2Un regard sur la toile de fond de l’épuration départementale et sa perception par les acteurs n’est pas sans intérêt dans un département stratégique pour l’occupant et politiquement important pour Vichy qui place à Rouen un préfet de région rayonnant sur les cinq départements normands.
La place de l’épuration économique dans l’épuration en général
3Au printemps 1946, les juridictions départementales d’épuration de Seine-Inférieure ont traité les trois quarts environ des affaires qu’elles auront à connaître.
4La situation se résumerait ainsi après un an et demi d’épuration : près de 1 800 internements, plus de 3 100 jugements, auxquels s’ajoutent près de 1 500 sanctions fiscales5. À cela s’ajoutent les sanctions prononcées par le comité régional interprofessionnel d’épuration (CRIE), qui fonctionne à partir de la fin janvier 1945, mais dont le volume d’affaires traitées demeure incertain, quelques dizaines peut-être, et qui se révèle une source très fragmentaire de l’épuration économique6. Le chef de service des Renseignements généraux, en avril 1946, affirme que « dans les milieux bourgeois » on critique amèrement la répression des faits de collaboration, essentiellement parce que la désignation des jurés des cours de justice « sur des listes établies par les organisations de résistance » n’apporte pas la « sérénité » nécessaire à la justice7. À cette critique générale, s’ajoute une doléance particulière des instances économiques elles-mêmes. À peine la Libération saluée, des voix se font entendre à la chambre provisoire de Rouen, pour « plus de justice et d’équité » dans l’application des sanctions pour profits illicites. On demande que soient épargnés ceux qui ont agi sous la contrainte ou mieux, ceux qui n’ont pas gagné plus qu’avant-guerre8. Même tonalité au Havre où l’on fait valoir dans la presse que plusieurs chambres de commerce ont voté des motions contre le régime pratiqué en matière de confiscation des plus-values réalisées sous l’emprise de la contrainte9.
Y a-t-il eu « nettoyage » des instances économiques régionales ?
5L’État français ayant lui-même modifié les règles d’appartenance aux chambres de commerce10, les autorités de la Libération ont été amenées à remodeler ces règles, à contre-épurer en quelque sorte, tout en se prononçant sur le comportement des individus anciens et nouveaux de ces assemblées11. On peut donc dire que les instances économiques ont été épurées en tant que telles, pour ce qu’elles étaient devenues et pas uniquement au regard du destin particulier des entrepreneurs qui en étaient membres. Mais cette épuration mérite-t-elle que l’on s’y attarde ? Voyons d’abord les chiffres et les procédures.
6À Rouen et au Havre, le quorum des assemblées n’est plus atteint à l’automne 1944, après que l’épuration se soit ajoutée aux décès et démissions diverses. Les travaux des chambres sont donc interrompus en attendant la constitution, en mars 1945, d’une « assemblée consulaire provisoire » au Havre, et d’une « commission consulaire provisoire » à Rouen. Au Havre, les décisions prises par Vichy étant déclarées nulles, le 28 septembre 1944, il est mis fin au mandat de huit représentants consulaires12. C’est le 21 mars 1945 que le ministre de la production industrielle donne son agrément à l’assemblée consulaire provisoire qui remplace la chambre. Cette liste est établie, conformément à l’ordonnance du Gouvernement provisoire de la République française, après avis du comité local de libération (CLL) du Havre13, du sous-préfet et du comité départemental de libération (CDL). 5 des 8 membres nommés par Vichy sont écartés, et 3 élus d’avant 1940 sont également sanctionnés, soit un tiers de l’effectif14.
7À Rouen, le 1er mars 1945, la commission consulaire provisoire est installée sous la présidence d’Eugène Lavoisier, après six mois d’interruption des travaux15. Quatre membres nommés par Vichy sont maintenus, « leur attitude n’ayant pas donné lieu à critique16 ». Onze membres de l’assemblée de 1939 ayant siégé durant l’Occupation sont maintenus par les autorités. Les courriers préfectoraux au ministre pratiquent l’euphémisme parlant de « radiations jugées nécessaires » sans les nommer ou « des éliminations qui ont atteint particulièrement les portuaires » qu’il faudrait compenser17 C’est donc par confrontation des listes et recoupement des diverses juridictions que l’on peut évaluer la véritable épuration de la chambre de Rouen, tout en faisant la part de la mortalité naturelle de l’instance. Trois membres nommés par Vichy sont écartés, conformément à l’avis du CDL formulé le 12 octobre 1944, trois hautes personnalités déjà en place en 1939 sont éliminées pour collaboration18. On arrive ainsi à une proportion très similaire à celle du Havre.
8La chambre de commerce de Dieppe, en revanche, montre une plus grande stabilité. Seuls deux membres présents en 1943 sur un total de dix-huit ne retrouvent pas leur position lors du renouvellement par élection du 15 décembre 1945 où trois nouveaux font leur entrée. Les archives de la sous-préfecture ne comportent pas d’indication de sanction19. Le président, Pierre Mouquet, marchand de bois du Nord, membre de la IIIe région économique, reste en place et son entreprise a cessé toute activité depuis 193420. Le principe d’épuration est similaire pour la chambre des métiers, avec la radiation des membres nommés après le 2 septembre 1939, la remise en fonction de membres élus avant cette date et la désignation de nouveaux membres sur proposition du préfet en septembre 1945. Deux représentants élus avant 1939 seront écartés après enquête21.
Le politique et l’économique : une hiérarchie des griefs ?
9L’épuration des instances économiques ne s’est pas réduite à la cause économique. Le grief politique y fut important et visible. L’épuration s’est, dans les faits, fondée sur une triple responsabilité morale du représentant consulaire, comme délégué, comme entrepreneur, comme citoyen. Toute typologie est forcément simplificatrice. À la distinction entre épuration économique et politique, il faudrait ajouter les modalités directes et indirectes, visibles ou invisibles.
La sanction du pétainisme, ou le poids de l’engagement politique
10À Rouen comme au Havre, la position de représentant économique est contestée dans plusieurs cas pour cause politique si bien que le politique fait parfois écran à l’économique. Il faut toutefois remarquer que le grief politique est un fait juridiquement fondé, une légalité chassant l’autre, et non un abus du processus d’épuration. En effet, l’ordonnance du 8 juillet 1944, qui annule le décret de Vichy du 11 avril 1941 révoque de leurs fonctions « les membres des chambres de commerce qui ont directement favorisé l’ennemi ou l’usurpateur ». Ce dernier mot appelle logiquement sanction politique puisque parler de « collaboration économique » avec Vichy serait absurde. Bien évidemment, savoir si l’on n’a pas jugé en ce cas le « délit d’opinion » rejoint un débat plus général sur les fondements de l’épuration22. Les faits observés portent à reconnaître que les conduites politiques des individus ont symboliquement engagé, dans une certaine mesure, la responsabilité morale de l’institution à laquelle ils appartenaient.
11Sept membres de la chambre de commerce du Havre sont exclus en 1945 lors de la nomination de l’assemblée provisoire, punis pour « attitude collaborationniste », ou « vichyste », ou pour avoir manifesté « des sentiments opposés à la cause de la libération ». Il s’agit donc davantage d’épuration politique qu’économique. C’est la sanction du pétainisme qui est la plus visible. La sympathie notoire pour le maréchal semble avoir été un critère déterminant, car à Rouen comme au Havre, aucun représentant consulaire n’apparaît dans les listes des partis collaborationnistes. Une similitude apparente existe entre la conduite des deux assemblées consulaires les plus importantes. Un même homme préside durant toute la période (Henri Thieullent au Havre, Marcel Le Bourgeois à Rouen), on se montre à la fois négociateur et légitimiste, on « regrette » le départ d’un collègue victime des mesures contre les Juifs (M. Mohrange à Rouen) ou contre les francs-maçons (Ludovic Arnauditzon au Havre). On peut cependant affiner l’interprétation des attitudes individuelles.
12À Rouen, le président Marcel Le Bourgeois, préparant ses collègues à un hommage au Maréchal Pétain s’exprime ainsi le 4 novembre 1940 : « Une évolution se dessine vers un ordre nouveau que l’on souhaitait de plus en plus23. » En février 1941, il est nommé à la commission administrative de Seine-Inférieure. En avril il se rend à Vichy pour rencontrer le maréchal conjointement avec le maire de Rouen Maurice Poissant24. Il devient vice-président du conseil départemental en juin 1943. Il est actif dans les rencontres entre les chambres de commerce allemandes et françaises, organisant à Rouen la réunion de la commission franco-allemande des transports25 pour étudier notamment une liaison Seine-Rhin26. À la Libération, le président est interné au centre Joint-Lambert de Rouen et il démissionne le 18 septembre. Avec trois membres internés administrativement27 durant quelques semaines, c’est la direction de la chambre de commerce de Rouen et de la IIIe région économique qui sont visées28. Le grief politique de l’épuration semble avoir primé sur le grief économique.
13Le cas de l’administration du Port du Havre confirme cette primauté du politique et du symbolique. Hermann du Pasquier, président honoraire de la chambre de commerce, est écarté de la présidence du conseil d’administration du Port pour des raisons politiques. Il démissionne, dit-il devant la « défiance » qu’il rencontre. En réalité, le préfet s’oppose à sa désignation comme délégué de la chambre au conseil d’administration du Port. Il signale au ministre des Travaux publics, que si l’on ne peut « imputer à M. du Pasquier de sentiments pro-allemands », celui-ci était en revanche trop « acquis aux institutions vichystes29 ». Son pétainisme est sans doute plus en cause que les activités du port du Havre pour le compte de l’occupant évoquées dans une précédente contribution30 et dont le préfet ne parle pas. La négociation de ce départ est menée par le nouveau directeur du port, René Callet, préfet délégué du Havre à la Libération, comme du Pasquier avait été lui-même premier sous-préfet faisant fonction sous Vichy. Le type de notabilité d’Hermann du Pasquier sous l’occupation est très similaire à celui du président de la chambre de Rouen et les raisons de son éviction en ont probablement découlé.
14Autant que de confusion, il faudrait parler d’une hiérarchie des griefs. Le critère principal et récurrent dans les indications données par le CLL au maire du Havre est assez flou et même assez ambigu. Les entreprises dédouanées sont celles qui ont été « conformes à l’esprit français »ou ont fait preuve « d’un esprit essentiellement français31 ». Il est moins étonnant alors que la spoliation soit ignorée dans l’épuration, ou que des sentiments patriotiques publiquement connus aient davantage pesé que les affaires privées d’une société. Aucune mention n’apparaît dans la documentation relative à l’épuration, de la désignation le 20 novembre 1941 de P. P., comme délégué de la chambre de commerce du Havre auprès de la préfecture, aux ventes par soumissions de fonds de commerce juifs situés dans la circonscription du Havre32.
Le grief économique : le réseau portuaire rouennais sanctionné
15Malgré une plus grande lisibilité de la sanction politique, on ne peut affirmer que les sanctions économiques aient été inexistantes. Avec deux entrepreneurs influents écartés de l’assemblée consulaire que sont J. B. et G. B.-F., c’est le réseau du transport fluvial et routier et de la manutention qui est mis en observation. « Rouen a été, pendant l’occupation, la plaque tournante d’un trafic intense de matières premières destinées à l’économie de guerre allemande33. » Les dossiers du comité de confiscation des profits illicites (CCPI) contiennent la mention significative « épuration des transitaires » au sujet de Rouen34. Ils permettent d’avoir une idée de la connexion du secteur avec les activités utiles à l’occupant et particulièrement dans le transport des matériaux de construction vers Le Havre ou des minerais vers l’Allemagne.
16J. B., à Rouen35, est accusé par le CRIE d’avoir accepté la charge « d’entrepreneur intermédiaire » entre les propriétaires de véhicules et l’organisation Todt, d’avoir volontairement exploité une ballastière pour l’occupant. Parvenue au CCPI en décembre 1944, l’affaire B. se concrétise en un volumineux dossier36. Le comité départemental prend plusieurs décisions successives, mais l’entrepreneur fait appel au conseil supérieur, qui ramène l’amende et la confiscation réunies de 2,7 millions à 0,6 million de 1946 à 194937. Cette série de remises, favorisée par le temps écoulé et les demandes de délai de paiement, ressemble fort à un désaveu du comité départemental par le conseil supérieur. J. B. avait été mis en liberté surveillée au printemps 1945, puis acquitté par la chambre civique. Le dossier permet de connaître les raisons invoquées en appel par l’accusé : il aurait agi sous la contrainte et n’aurait « jamais mis volontairement son activité au service de l’ennemi38 ». Or, l’entrepreneur a requis lui-même d’autres employeurs en tant qu’exploitant direct de l’entreprise NSKK, intermédiaire entre les propriétaires de véhicule et l’organisation Todt sur les chantiers de la Staffel 4. J. B. ordonne, par exemple, la réquisition par les soldats allemands, en tant que « directeur de l’Office des transports routiers » et « délégué de l’entreprise Todt », des camions d’un autre entrepreneur de camionnage mis en cause par le CRIE, J.D.39. En outre, c’est en 1941 que J. B. acquiert les deux tiers des actions des Carrières et sablières de Poses servant à alimenter ces chantiers. Dans sa défense, outre des arguments de procédure, il affirme avoir été en butte à « l’hostilité personnelle » de deux membres du CCPI, qui sont les deux représentants du CDL en son sein, Lanfry et Canu, membres par ailleurs de la chambre de commerce. Finalement, la confiscation et l’amende sont annulées par décision du CCPI le 4 octobre 1949 alors que trois ans plus tôt cette juridiction parlait de « substantiels avantages » tirés de cette situation par l’entrepreneur40.
17Malgré une absence de mise en cause directe et officielle, une situation similaire concerne deux membres de la chambre, dirigeants et actionnaires principaux de deux sociétés de manutention conjointes qui font l’objet d’une enquête du CCPI. La SAMS, filiale des Transports J. R.41, voit son dossier classé sans suite, malgré un chiffre d’affaires allemand de 8 millions de francs courants sur un total de 18,8 millions. L’absence de confiscation est justifiée par un déficit dû aux tarifs en vigueur et par l’argument de la contrainte. La société mère, Transits et transports J. R., dont Todt, via Schenker42, est un des principaux clients, réalise 55 % de son chiffre d’affaires avec les Allemands en 1942, 91 % en 1944, même si « rien ne permet d’affirmer une recherche de la clientèle allemande », dit le dossier d’enquête. Pour les transports de sable, J. R. est en relation avec J. B., propriétaire des carrières et intermédiaire pour Todt. Malgré un recours au conseil supérieur des profits illicites la Société J. R. se voit confisquer 7 millions de bénéfices43. Après le décès du fondateur et la destruction quasi totale de la flotte de chalands, G. de B., agent maritime et principal associé de J. R. dans les deux entreprises, est intégré à l’assemblée provisoire, puis élu en 1946.
18Le fonctionnement en réseau s’explique aisément par l’intervention de plusieurs entrepreneurs à l’interface des fournisseurs et du client allemand. Ainsi, J. R. est chargé d’une partie de la manutention des minerais de fer, où domine la Société nouvelle des apparaux de Rouen, dite « Grande Carue » dont l’administrateur délégué est G. B.-F.44, écarté de la chambre de commerce à la Libération en même temps que J. B. et que le président. Selon un document émanant de la direction des douanes45, la Grande Carue a manutentionné, entre avril 1941 et décembre 1943, un million de tonnes de minerais de fer pour le compte de la société Rhénus46 qui décidait de la répartition entre les divers manutentionnaires. G. B.-F. est administrateur ou dirigeant de plusieurs sociétés clientes de la Grande Carue47, intéressées de ce fait aux transports pour le client allemand. Cette dernière est elle-même contrôlée financièrement par la Société commerciale d’affrètement et de commission, transitaire de taille internationale.
19Signalons un cas singulier d’entrepreneur nommé à l’assemblée consulaire provisoire de Rouen comme nouveau représentant. Son passage sera bref, mais il indique que les actes de collaboration économique avaient une certaine opacité aux yeux des nouveaux pouvoirs à la Libération. G. H. est PDG de la Société commerciale de manutentions et de transports, assurant le transit de charbons, de minerais et d’engrais. Cette société sera frappée d’une confiscation doublée d’une amende « pour opérations avec l’ennemi réalisées et recherchées sans l’excuse de la contrainte48 ». Le dossier de la CCPI est sans équivoque, car il contient les comptes-rendus dactylographiés des négociations secrètes entre G.H. et l’Organisation Todt (OT). L’entrepreneur agit à la fois pour son compte et comme représentant du Comptoir fluvial du Nord et de l’Est (CFNE). Il marchande avec Buschbeck, inspecteur général de l’OT à Rouen pour se voir confier des transbordements réclamés aussi par un certain Y., de la firme Haeger et Schmidt à Rouen, qui en réalité agit en sous-main pour la firme Mory, laquelle obtient le plus gros du marché. Il met dans la balance les « très bonnes relations du CFNE avec l’OT à Paris » et déclare : « Nous avons fait remarquer que nous avons beaucoup travaillé pour les unités allemandes, que nous avons été chargés de transborder des minerais et que nous faisions jusqu’à 7 trains par jour. » H. demande qu’on lui accorde 1 000 tonnes de sable par jour, pour être sûr d’en avoir 500. À noter aussi que G. H. loue des camions à la NSKK Todt par l’intermédiaire de J. B. qui quitte la chambre de commerce au moment où lui-même y est nommé. Il n’est donc pas exclu qu’une partie des instances ait tenté un jeu de chaises musicales pour sauver la face ou pour conserver un équilibre de la représentation professionnelle.
Les travaux publics et l’industrie en accusation au Havre
20L’épuration économique frappe des entrepreneurs, des sociétés, éventuellement des directeurs et des ingénieurs ou d’autres salariés, mais de manière moins visible les principaux actionnaires. Le cas de l’entreprise de travaux publics T.-M. au Havre laisse penser qu’un PDG ou un administrateur ne méritent pas, quand leur réputation politique est bonne, d’être écartés d’une instance économique pour une participation à une entreprise mise en cause pour collaboration économique. Deux membres de la chambre de commerce du Havre, R. B., par ailleurs importateur de produits alimentaires, et A. N, patron de chantiers navals, sont à la tête du conseil d’administration de T. M., le premier de 1938 à 1944, le second à partir de 1944 après avoir été administrateur49. Cette entreprise, la plus importante de la région havraise en matière de travaux publics, « est aussi celle qui a le plus travaillé pour les Allemands50 ». « Elle a toujours agi en traitant directement avec eux51. » Le dossier du CCPI souligne que les directeurs tous actionnaires ainsi que le PDG ont bénéficié d’une augmentation anormale des salaires. Devant le comité, l’entreprise utilisera des arguments assez classiques : l’entreprise a lutté pour maintenir au Havre son personnel, construit des abris pour les Allemands qui finalement se sont révélés utiles à la population, certains ingénieurs auraient fourni des renseignements aux alliés. Pour un chiffre d’affaires fait avec les Allemands de 97,7 millions de francs, T. M. se verra frappé d’une confiscation de 8 millions de francs52 L’entreprise T. M. avait pourtant été désignée comme collaboratrice par le CLL53. Le CCPI parvint à la même conclusion : « La société TM depuis qu’elle a travaillé avec les Allemands s’est enrichie de façon très sensible ; l’état de guerre et la clientèle ennemie ont seuls contribué à l’essor de l’entreprise. »
21Dans les fiches de renseignement demandées par le maire en décembre 1944, il est en revanche établi que les Ateliers et chantiers A. N. « sont en très bons termes avec les nations alliées et n’ont jamais collaboré avec les Allemands54 ». En juin 1948, le CCPI chiffre pourtant leurs profits illicites à 2,2 millions de francs. Les commandes de services allemands ont représenté 145 millions55. Comme d’autres entreprises, celle-ci a vu sa comptabilité partir en fumée sous les bombardements. Les enquêteurs s’étonneront seulement de ce que les bénéfices licites déclarés par l’entreprise comme distribués soient très élevés au regard du chiffre d’affaires, alors que les bénéfices relatifs aux travaux pour les Allemands sont ridicules au regard du chiffre indiqué. Le comité demande alors que les profits ressortant de la comptabilité soient répartis au prorata du chiffre d’affaires. L’argument de la contrainte fut accepté et l’amende annulée. Les chantiers avaient fabriqué des microscopes, lunettes et périscopes, effectué des réparations navales et finitions de submersibles et vendu des métaux stratégiques. Des documents furent découverts à Cherbourg puis en Allemagne attestant de ces transactions. A. N. ne fut donc inquiété ni pour les travaux allemands de son entreprise, ni pour sa participation personnelle à la société T. M. Le fait que le comité de libération atteste de ses sentiments patriotiques paraît donc avoir été décisif.
22L’entreprise métallurgique C. est un cas plus ambigu. Avec un chiffre d’affaires allemand de 57,7 millions sur un total de 90,9 millions de francs courants de 1940 à 1944, son profit illicite fut estimé à 8,2 millions56. Il s’agissait de commandes de grues, chaudières, ponts roulants, bennes et réparations de navires passées par l’OT, la Kriegsmarine, Atlas Werke Bremen ou AEG. Cette usine importante du Havre employait 370 ouvriers durant l’occupation. À l’inverse d’A. N., elle n’eut pas la faveur du comité de Libération qui l’accusa d’avoir « recherché les commandes allemandes ». L’entreprise se défendit en démontrant que beaucoup de travaux avaient été ralentis, notamment à l’occasion des bombardements sur l’usine. Finalement, l’entreprise ne fut pas représentée à la chambre de commerce après le décès de G. C., sans que l’on puisse affirmer un lien avec cette instruction. L’entrepreneur était également administrateur des chantiers de réparation navale Béliard & Crighton57.
23Le cas d’A.C., financièrement anecdotique, mérite d’être évoqué. Ce négociant, le plus grand importateur de bois coloniaux en France à cette date, fut accusé par le CLL d’avoir travaillé volontairement pour les Allemands58. Or, l’enquête conduite par le CCPI montra que les forêts achetées dans l’Eure « pour fournir du bois aux Allemands » étaient en fait une coupe forcée opérée par les Allemands sur le domaine personnel de l’entrepreneur. Que d’autre part, A. C. avait obtenu paiement des bois exotiques saisis par l’ennemi en 1940, ce qui justifiait l’argument de la contrainte, et que les bois vendus en Allemagne l’étaient à des clients qui dataient de l’avant-guerre. S’apercevant que l’avis du CCL était « entaché d’erreur », le CCPI annula l’amende et la confiscation fut réduite59. Tout cela montre l’importance de la réputation politique et de la solidité des réseaux dans l’épuration à l’échelle locale.
Des instances juges et parties : lignes de fractures, stratégies de conservation
Les instances clivées par l’épuration. Le jugement des pairs
24Les instances économiques sont-elles représentatives de l’attitude générale des milieux patronaux durant l’occupation ? Rien ne permet de dire qu’elles aient été plus résistantes ou plus collaboratrices, ni plus attentistes que l’ensemble des entrepreneurs ou des Normands. En effet, des personnalités sanctionnées politiquement ou financièrement existent en dehors de ces instances et d’autre part, des membres, peu nombreux certes, ont été liés aux réseaux de résistance. Certaines entreprises sont représentées par des nouveaux venus, sans qu’il soit pour autant dérogé aux filières traditionnelles. Jules d’Acremont, polytechnicien du génie maritime et directeur des Tréfileries et laminoirs du Havre, est admis dans la chambre de commerce provisoire après avoir participé en octobre 1944 à la constitution de la liste des jurés de la cour de justice du Havre60. Le nouveau directeur des Forges et chantiers de la Méditerranée, Jean Fayollet, un autre membre du corps du génie maritime, est nommé à l’assemblée provisoire au moment où son prédécesseur du même corps doit quitter à la fois, à l’âge de 72 ans il est vrai, son poste dans l’entreprise et sa place à la chambre61.
25Une minorité résistante s’est trouvée en posture de juger ses pairs. Plusieurs membres du CDL et des CLL ont été intégrés aux assemblées consulaires ou confirmés à l’occasion des reconstitutions provisoires. À Rouen, Georges Lanfry, qui sera président de la chambre de 1958 à 1962, fait partie du CCPI au titre du CDL dès son installation62. Max Canu, transitaire, est également intégré à l’assemblée consulaire en 1945 : il est lui aussi membre du CDL et du CCPI. J. B. les accusera de partialité, ce qui révèle des lignes de fracture. Au Havre, Marcel Neuville, mobilisé en 1940, candidat aux municipales d’avril 1945 au nom du groupe Résistance, comme Lanfry, exerce dès son retour comme représentant consulaire. D’Acremont et Raoul-Duval du CLL entrent aussi à la chambre, mais aucun des trois ne fait partie d’une juridiction d’épuration proprement dite. Notons cependant que Lanfry et Neuville ont été respectivement délégué départemental et délégué régional au comité d’organisation du bâtiment. Il y a donc une certaine continuité dans la rupture63. On remarquera aussi qu’aucun représentant consulaire ne figure parmi les membres du CRIE, soit au titre du CDL, soit au titre des employeurs.
Stratégies de conservation. La protection des pairs
26Nier la collaboration économique c’était risquer une épuration radicale. C’est ce que plusieurs représentants consulaires, concernés ou non par cette menace, ont compris assez vite. Comment défendre un entrepreneur devant les commissions d’épuration, sinon en établissant des nuances entre les divers degrés de contrainte exercée par l’occupant et en faisant valoir la difficulté à désobéir à une commande de l’occupant ? Au Havre, en février 1946, affirmant que le contrôleur de la production industrielle Ferré et le commissaire du gouvernement accusent « toute la communauté havraise d’avoir trahi la Cause française », l’avocat parisien de l’entrepreneur A.64 en appelle à la chambre de commerce et aux syndicats, patronaux et ouvriers. Il souhaite obtenir des attestations de réquisition, de contrainte, et de menaces à l’égard des entrepreneurs. Faute de quoi, fait-il remarquer, c’est « tout Le Havre qui va se trouver englobé dans ces poursuites ». « Il m’est apparu que vous étiez particulièrement qualifié pour délivrer une attestation de cette nature, étant donné le rôle de votre organisme et la connaissance particulière qu’il a eue, pour y avoir nécessairement participé, des opérations effectuées pour le compte de l’ennemi pendant l’occupation. » Et finalement, on trouve dans les archives de la chambre de commerce du Havre des attestations de contrainte signées du président Roger Meunier en mars 194765.
« La chambre de commerce du Havre déclare qu’il est hors de doute que dès que les autorités allemandes en ont eu les moyens, elles n’ont pas laissé aux entreprises dont l’activité pouvait leur être utile le choix de travailler ou de ne pas travailler pour elles, mais ont, au contraire, manifesté de la façon la plus nette leur intention bien arrêtée d’utiliser à leur profit exclusif ladite activité. Elles n’ont pas hésité à l’occasion à proférer des menaces et à prendre des mesures de coercition à l’égard de celles qu’elles considéraient ne pas rendre ce qu’elles s’estimaient en droit d’attendre d’elles. »
Retours en notabilité, maintien des équilibres et des conceptions économiques
27Les dossiers transmis au CNIE, aboutissant à des blâmes ou des interdits professionnels ne concernent pas de grands représentants économiques départementaux66. Contrairement à l’idée d’une épuration économique expéditive, on remarquera deux éléments : d’abord, dans les jugements du CCPI, la suppression fréquente de l’amende quand la menace de réquisition est attestée67, ensuite le nombre important de dossiers classés sans suite par le CRIE. Ce dernier cherche à ne pas faire doublon avec la chambre civique. Bien souvent, une mesure d’épuration judiciaire, rend inutile, aux yeux du CRIE, une mesure d’épuration professionnelle. Il y eut des retours en notabilité : au Havre A. Marion, Lefèvre et Chardine, écartés en 1945, reviendront par l’élection le 6 décembre 1945. Tandis que des hommes nouveaux, ayant représenté la part « résistante » de l’encadrement dans des entreprises clivées par la pression allemande (Jacques Texier pour la Compagnie électro-mécanique, Jean Fayollet pour les Forges et chantiers de la Méditerranée) ne feront qu’un passage provisoire. L’épuration a donc bien pour certains « provisoirement » existé pour reprendre l’expression d’Hervé Joly. Elle n’a pas bouleversé la sociologie économique des villes et ports de la Seine-Inférieure. Mais dans quelle mesure l’épuration a-t-elle pesé sur l’imaginaire et les doctrines économiques ?
28Les élites régionales se sont accommodées de l’épisode de l’économie administrée. La participation aux comités d’organisation a suscité peu de réticences. Défendre les réformes de structures de Vichy à la Libération est loin d’être un interdit, ni pour les acteurs, ni pour les censeurs. De même, le fait d’avoir participé à l’organisation de la propagande en faveur de la Charte du travail n’appelle aucune critique visible68. Ces instances régionales sont-elles représentatives elles-mêmes de l’ensemble des corps consulaires en France ? Une étude plus large serait nécessaire, mais on remarquera, là aussi, toute une gamme d’attitudes. Tout le monde, en France, n’a pas salué l’avènement « d’un ordre nouveau » en 1940 avec le même enthousiasme qu’un Marcel Le Bourgeois à Rouen. La loi de Vichy du 16 août 1940 sur les comités d’organisation avait suscité la critique de l’Union des chambres de commerce maritime69. Quant au président du Comité de l’Ouest-expansion, Henri Michel, il n’admettait pas le discours du Maréchal contre l’économie libérale et tout « en reconnaissant les efforts du gouvernement », il ajoutait, ce qui n’est pas rien : « On doit lui reprocher de ne pas avouer sa politique de soumission à la volonté allemande70. »
29Les deux principales chambres de commerce de Seine-Inférieure ont ceci de commun que leur protestation contre le dirigisme ne s’exprime véritablement qu’à la Libération, contre le nouveau gouvernement du général de Gaulle. Pour le nouveau président de la chambre de commerce, Eugène Lavoisier, à Rouen le 22 mars 1945, la suppression des comités d’organisation serait « difficile, elle aboutirait à une centralisation qui n’est pas désirable71 ». Dix jours plus tôt, la chambre havraise avait écrit de manière péremptoire au général de Gaulle pour refuser toute réforme de structure de l’économie, avec cette formule sans équivoque : « L’État doit gouverner, il ne doit pas administrer72. » À l’inverse, la chambre de commerce de Bolbec, peut-être parce qu’elle avait échappé de justesse à l’absorption havraise sous l’injonction de Vichy73 envoyait un voeu pour la dissolution des organismes créés par l’État Français74.
30Si l’épuration nous informe sur les élites économiques, l’histoire des chambres de commerce nous renseigne en retour sur l’épuration, sur sa périodisation, ses procédures, ses critères, ses difficultés et ses limites. Des élites économiques départementales, voire régionales, on retiendra, même si ce n’est pas original, une gamme d’attitudes : une adhésion au régime de Vichy parfois prosélyte, une complaisance de conviction ou d’intérêt à l’égard de l’occupant, un attentisme prudent, des attitudes de résistance passive peu spectaculaires mais pas forcément faciles, des engagements résistants reconnus. Ces comportements ont souvent interféré, se sont croisés parfois de manière contradictoire chez certains individus, comme chez beaucoup de Français. C’est ce qui explique que les instances consulaires, qui ont nettement conservé leur fonction d’interlocuteur privilégié entre le monde de l’entreprise et les deux pouvoirs pesant sur lui, Vichy et l’occupant, aient été à la fois juge et partie pour leurs propres membres, mais aussi pour l’ensemble de l’entreprise régionale. On pourrait conclure, d’après les actes d’épuration, à une vertu naturelle mal distribuée selon les professions. Ce serait sans doute céder à une illusion d’optique. En réalité, si Le Havre se voit souvent cité pour les travaux publics, et Rouen pour le transit portuaire et le transport, c’est à la fois à cause de l’arrêt des importations qui met le négoce havrais en sommeil et à cause de l’utilité stratégique pour l’occupant, du charbon et des minerais à Rouen et du béton au Havre. Une fois passée la période provisoire, 1945, on constate le souci de retrouver les équilibres professionnels dans la composition des assemblées.
31L’épuration des élites économiques régionales a touché le capital symbolique des entrepreneurs lié à leur soutien au régime de Vichy, plus que le capital économique concerné par la collaboration avec l’occupant. L’épuration des autorités économiques représentatives a obéi à des critères plus politiques qu’économiques et l’interdiction professionnelle a rarement été utilisée. Dans la conduite de l’épuration des élites économiques, le politique a fait écran à l’économique, avec parfois une confusion des griefs75. La notoriété consulaire a favorisé l’exposition à l’épuration politique davantage qu’à l’épuration économique. Elle fut, en même temps, un facteur de protection des élites ; le fonctionnement en réseau, les solidarités corporatives, ont contribué à faire de la « contrainte » un argument décisif pour amoindrir les sanctions. L’épuration des instances a été pour certains définitive, pour d’autres provisoire. Pour toutes ces raisons, l’équilibre professionnel de la représentation du monde entrepreneurial n’a pas été bouleversé. Si les chambres de commerce se transforment après 1945 dans leur sociologie interne, c’est davantage en fonction des mutations qui s’opèrent dans l’économie elle-même, comme au Havre avec l’ascension des pondéreux et du bâtiment face au négoce.
Notes de bas de page
1 Rouen, Le Havre, Dieppe, Elbeuf, Bolbec, Fécamp, Le Tréport.
2 Concept utilisé par Michel Margairaz, « Conclusion », in Hervé Joly (éd.), Les Comités d’organisation et l’économie dirigée du régime de Vichy, Caen, CRHQ, 2004, p. 310.
3 L’ordonnance du 29 avril 1942 du Militarbefehlshaber in Frankreich les obligeait à donner des renseignements aux autorités allemandes effectuant des enquêtes économiques, le paragraphe 4 prévoyant des peines d’emprisonnement en cas de négligence. Archives départementales de Seine-Maritime, (ADSM), ETPP 130, p. 301.
4 ADSM, 40 W 124. La IIIe R.E. délivre les laissez-passer pour les agents et ouvriers des usines classées Rüstungsbetriebe.
5 En juin 1946, 1 370 personnes ont déjà été citées, les confiscations et amendes s’élevant à 1496 millions de francs ; ADSM, rapport du préfet, 51 W 60.
6 Normandie, 27 janvier 1945, installation du CRIE.
7 Le commissaire principal au préfet, Rouen, 1er avril 1946, ADSM, 51 W Cab 5/2.
8 Intervention de Tauvel, 8 mai 1945, Compte-rendu des travaux de la chambre de commerce de Rouen.
9 Le Havre Libre, 18 décembre 1945.
10 Un décret signé par Pétain le 11 avril 1941 avait donné au secrétariat d’État à la Production industrielle le droit de prononcer la suppression des chambres de commerce ou d’en modifier la circonscription, de radier des membres et d’en nommer, la nomination du président et des membres du bureau étant également soumise à son agrément ; Journal officiel de l’État français, 16 avril 1941, p. 1634.
11 Journal officiel de la République française, 5 août 1944, ordonnance du 8 juillet 1944 relative au statut provisoire des chambres de commerce. En résumé, art. 1 : nullité de la loi du 11 avril 1941 ; art. 2 : maintien des chambres élues avant le 2 septembre 1939 ; art 3 : Radiation des présidents et membres nommés depuis le 2 septembre 1939 et révocation de ceux qui ont favorisé l’ennemi ou l’usurpateur ; art. 4 : Nomination d’une assemblée consulaire provisoire si le quorum n’est plus atteint composée d’anciens membres et de nouveaux après avis du CDL.
12 ADSM, 1 ETP 133, 28 septembre 1944.
13 Au cours de la réunion du CDL du 23 janvier 1945, il a été constaté « la nécessité d’épurer » ; ADSM, 51 W Cab 2 AES 8.
14 ADSM, 51 W Cab 2 AES 8.
15 La nouvelle chambre fonctionne à partir du 12 janvier 1946, toujours sous la présidence d’Eugène Lavoisier.
16 Le préfet au ministre, 19 janvier 1945, ADSM, 51 W Cab 2, AES8.
17 Le préfet au ministre de la Production industrielle, 19 janvier 1945, ADSM, 51 W Cab 2, AES8.
18 Le CDL demandait l’exclusion de onze membres, huit nommés par Vichy plus J. B., M.L.B. et G.B.F. pour collaboration ; lettre du CDL au préfet, 12 octobre 1944, ADSM, 51 W Cab 2. AES 8.
19 ADSM, 1408 W 451, sous-préfecture de Dieppe.
20 ADSM, 260 W 162.
21 ADSM, 51 W AES 14.
22 Voir Henry Rousso, Vichy, l’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Gallimard, 1992.
23 « Attaché à la personne du Maréchal, il collabore avec le régime de Vichy. […] Il est libéré sans jugement » : Jacques Delecluse, Les Consuls de Rouen. Marchands d’hier et entrepreneurs d’aujourd’hui ou l’histoire de la CCI des origines à nos jours, Rouen, Chambre de commerce et d’industrie de Rouen, 2003, p. 405.
24 « M. le Président dit qu’il est encore sous le charme de la visite au Chef de l’État », CR des travaux de la chambre de commerce de Rouen, 194, p. 74.
25 ADSM, 40 W 124, 18 juin 1942. MLB a présidé en 1941 le quatrième comité mixte dans le cadre de ces rencontres, chargé des questions d’organisation intérieure des chambres de commerce ; procès-verbal (PV) des séances de la chambre de commerce de Rouen, 11 septembre 1941.
26 Jacques Delecluse, op. cit.
27 Rappelons qu’internement ne vaut pas jugement.
28 Commissariat spécial de Rouen, liste des personnalités sanctionnées depuis la Libération au 28 mars 1945 ; ADSM, 200 W 36.
29 Le sous-préfet au préfet, 20 janvier 1945, le préfet au ministre 23 février 1945, ADSM, 51 W Cab 2, AF8.
30 Claude Malon, « Le grand commerce havrais et ses entrepreneurs face à la guerre, l’État français et l’Occupation », in Marie-Noëlle Polino (éd.), Transports dans la France en guerre, 1939-1945, Rouen, Presses universitaire de Rouen et du Havre, 2007, p. 351-377.
31 Archives municipales du Havre (AMH), FC, H4. C. 15 bis, l. 3, renseignements demandés par le maire.
32 ADSM, 1 ETP 130 (RDCC). P. P. fait même partie de l’assemblée consultative provisoire nommée en 1945.
33 Enquête du CCPI, ADSM 260 W 102. Les minerais provenaient des mines de l’ouest de la France et de l’Espagne, arrivaient par train à Rouen et étaient expédiés sur péniche vers la Belgique, la Hollande et la Ruhr.
34 ADSM, 260 W 102, dossier de la Grande Carue.
35 Siège 18, rue Dugay-Trouin, Rouen et succursale au Havre, 136, rue Victor-Hugo. La mise sous séquestre de ses biens est prononcée par le préfet le 28 novembre 1944 ; ADSM, 51 W Cab 5/11.
36 ADSM, 260 W-26.
37 De 0,45 million à 0,04 million en francs de 1938.
38 Décision du conseil supérieur le 20 avril 1948. L’amende est alors réduite à 640 000 francs (0,04 million de francs 1938).
39 Lettre du commissaire central au chef des RG, ADSM, 51 W, 5/21, 12 avril 1945.
40 Le 7 novembre 1947, J. B. était réélu président du syndicat des transporteurs. La décision de CRIE du 24 octobre 1945 lui interdisait pourtant toute position de commandement et de gestion ; ADSM, 51 W Cab 5/6.
41 ADSM, 260 W 200, CCPI, dossier de la Société de manutention et stockage de Rouen-Couronne, citée le 5 juillet 1947 pour « opérations importantes avec l’ennemi ». J. R. est décédé en septembre 1944. G de B. est un membre nouveau nommé à l’assemblée consulaire provisoire et élu en 1946 à la chambre de commerce de Rouen.
42 Société dont J. R. était déjà correspondant avant-guerre et qui s’installe dans ses locaux en 1940.
43 Décision du Conseil supérieur de confiscation du 21 avril 1953 donc en réalité 0,28 million de francs valeur 1938. Confiscation primitivement fixée à 13 millions (3,2 millions de francs 1938) par le CCPI ; ADSM, 260 W 189.
44 G. B.-F. (1874-1948) est entré à la chambre de commerce en 1919, il était président de la chambre syndicale des entrepreneurs de manutention de Rouen ; archives de la chambre de commerce de Rouen.
45 Document dactylographié e 25 p. pour le CCPI, 1er juillet 1947, figurant dans le dossier de J. R., ADSM, 260 W 189.
46 Le minerai venait de Soumont (Calvados).
47 Société des appontements de l’île d’Élie, Société normande de manutention, Union normande, Séquanaise des transports fluviaux. Le chiffre d’affaires allemand de la Grande Carue est de 86 % en 1943, celui de l’Union normande passe de 65 % en 1941 à 82 % en 1944 ; ADSM, 260 W 102 et 211.
48 ADSM, 260 W 200, décision du 13 mai 1948, rappelée comme effective par une note de 1958.
49 L’entreprise, née en 1912, occupe 600 ouvriers sous l’occupation allemande, 1750 après la Libération, et participe à la reconstruction du Havre.
50 ADSM, 260 W 207, CCPI, note confidentielle du 23 février 1946.
51 Idem, rapport de l’inspecteur des contributions indirectes du Havre, s.d.
52 Décision du 9 septembre 1949 ; ibid. (soit 0,49 million de francs 1938)
53 « Il est de notoriété publique que la société T.M. a travaillé pendant toute l’occupation avec et pour l’armée allemande et qu’elle était en relations amicales avec les représentants de celle-ci. 21 novembre 1944. » Le président du comité havrais de libération ; AMH, FC, H4, c.15 bis, l. 3.
54 AMH, FC, H4, c.15bis. Renseignements fournis par le CHL.
55 Environ 73 millions de francs 1938.
56 ADSM, 260 W 200. Le chiffre d’affaires allemand de l’exercice 1943-1944 est de 37 millions (13,7 millions de francs 1938). G. C. est décédé le 24 février 1944.
57 500 ouvriers au Havre, 250 à Dunkerque. Elle est frappée d’amende par le CCPI ; ADSM, 260 W 13.
58 Lettre du CLL au contrôleur central des contributions directes, 16 mai 1946, ADSM, 260 W 41.
59 Soit 29 % du chiffre d’affaires global de la période qui s’élevait à 65,7 millions ; ibid.
60 AMH, FC, H4, c.15 bis. L3. Le 28 octobre 1944, le président du tribunal d’instance demande au comité havrais de libération de désigner deux personnalités pour cette tâche. L’autre délégué choisi est Malandain, ingénieur à la Compagnie électro-mécanique.
61 Émile Bezin, membre de la chambre de commerce et du conseil municipal nommés par Vichy, aurait été écarté « pour avoir manifesté des sentiments par trop opposés à la cause de la Libération » ; ADSM, 51 W. Cab2. AES 8, lettre du sous-préfet, 13 janvier 1945.
62 Normandie, 5 avril 1945. Chef du réseau départemental du groupe « Résistance » durant l’Occupation, membre du comité départemental de libération nationale dès 1943, il participe à la création en mars 1945 du quotidien Paris-Normandie.
63 Voir Annuaire de Rouen, éd. 1942.
64 Lettre de Jean de Grandmaison, à maître Sebire, avocat au Havre, ADSM, 234 X1.
65 Exemplaire du 14 mars 1947 destiné aux Ets C., ADSM, 234-X1.
66 ADSM, 51 W, cab 5/6.
67 ADSM, 260 W 102.
68 PV de la chambre de commerce de Rouen 26 mars 1942, réunion tripartite, désignation de trois membres.
69 Réunion du 5 novembre 1940 à Paris, ADSM, 1 ETPP 128.
70 Réunion le même jour, ibid.
71 La chambre de commerce de Rouen s’oppose ainsi au voeu de la chambre de commerce de la Nièvre.
72 ADSM, 1ETPP 133, p. 24.
73 Le décret du 29 novembre 1943 supprime la chambre de commerce de Bolbec et attribue ses biens à celle du Havre.
74 PV de la chambre de commerce de Rouen, 25 octobre 1945.
75 Le Conseil supérieur de confiscation des profits illicites reproche au comité départemental de s’être laissé influencer par le jugement de la chambre civique dans le cas d’un entrepreneur du Tréport, G. N. Il réduit l’amende en 1950 ; ADSM, 260 W 164.
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