Rendre courage à la Marine
p. 137-145
Texte intégral
1À la fin de la guerre de Sept Ans, la marine française avait moins besoin d’être reconstruite que de se voir encouragée et remise en état d’opérer. Ce fut justement la tâche, à partir d’octobre 1761 – donc bien avant la paix – du nouveau secrétaire d’État de la Marine, le duc de Choiseul, déjà en charge depuis fin janvier du département de la Guerre. S’il venait de renoncer à celui des Affaires étrangères, il n’en gardait pas moins la responsabilité décisive des relations avec l’Espagne. Longtemps, l’attention des historiens s’est portée surtout sur les défaites navales de 1759, Lagos et les Cardinaux, et bien moins sur l’activité de Choiseul avant le traité de Paris. La thèse de l’École des chartes de René Estienne, en 1979, n’a malheureusement pas été publiée et je remercie vivement son auteur de me l’avoir communiquée1. Le doctorat de Bernard Lutun a été publié uniquement à compte d’auteur2. Hors de France, il a fallu attendre Hamish Scott en 1979 puis Jonathan Dull en 2005 pour voir véritablement pris en compte les efforts de Choiseul pour rendre courage et vitalité à la marine de Louis XV, diminuée et humiliée3. Quel est l’état de la marine en 1761 ? Comment lui rendre une capacité opérationnelle ? Comment relancer l’effort naval ?
Quel est l’état de la marine en 1761 ?
Sur combien de bâtiments compter ?
2L’effectif sur le papier est de 49 vaisseaux de ligne en 1760, de 48 l’année suivante. En dépit des pertes substantielles subies en 1759 (5 vaisseaux à Lagos puis 7 aux Cardinaux), il reste encore une marine de Louis XV. Ce qui a été brisé, c’est la dynamique de constructions qui avait marqué l’entre-deux-guerres et le début du conflit. L’effectif reste supérieur à ce qu’il fut en 1749. La moitié des vaisseaux de 1761 ont moins de 10 ans et un quart ont même été construits entre 1755 et 1758. Quant aux frégates leur nombre s’est réduit de 35 à 24.
3Mais il faut surtout considérer le nombre réel d’unités, non pas existantes, mais armées. Il s’avère, quant à lui, fort réduit. De 47 vaisseaux en juin 1759, on est tombé à 14 un an plus tard, avec une légère remontée à 17 en juin 1761. À cette date, on ne peut vraiment compter que sur 17 frégates et environ dix plus petits bâtiments. Il est donc aisé de mesurer l’impuissance à laquelle la marine est réduite puisque la Royal Navy dispose de 111 vaisseaux en commission en 1760 et encore de 99 en 1761.
Pourquoi une telle situation ?
4Depuis l’automne 1759, les forces navales françaises sont faites de tronçons incapables de se rejoindre. La Navy, qui maîtrise désormais les techniques de blocus et la logistique qu’elles nécessitent, monte la garde quasiment en permanence devant les ports français du Ponant. Le blocus, complété par l’activité des corsaires anglais, asphyxie les arsenaux français et la prise de Belle-Isle en juin 1761 achève de couper Brest de Rochefort et de l’estuaire de la Loire4. Comme l’écrit René Estienne, « la marine est un corps dont les membres affaiblis ne peuvent se saisir des aliments qui lui permettraient de recouvrir ses forces5 ». Les marins expérimentés font défaut. L’infériorité numérique de départ face à la Navy a été accrue par l’épidémie de Brest en 1757 et plus encore les captures anglaises depuis 1755. En 1761, il y a environ 24 500 prisonniers français dans les Îles britanniques, pour les ¾ d’entre eux officiers mariniers et matelots (sur un nombre total évalué à 52 000 en 1755)6. Enfin l’argent que la marine (qui inclut les colonies) reçoit du roi est toujours insuffisant, les « fonds faits » restant nettement en deçà des dépenses réelles, ce qui creuse le déficit. Il est déjà de 42 millions de livres tournois en 17587. La finance traditionnelle devenant inopérante, on a recours à partir de décembre 1758 à des banquiers, Beaujon, Goossens et compagnie, mais ils cessent leurs paiements le 14 novembre17598, le jour où appareille la flotte de Brest vers la baie de Quiberon… Après l’ultime effort de 1759, les sommes allouées à la marine chutent : de 51,8 millions à 17,2 puis 16,7 alors que tout est plus cher et plus difficile à acheminer9. On en vient à vendre ce qui reste dans les magasins des arsenaux…
Que peut-on encore faire dans ces conditions ?
5En 1761, pour secourir Belle-Isle où les Anglais ont débarqué, le secrétaire d’État Berryer ordonne d’armer 6 vaisseaux à Brest, 6 à Rochefort, tout en récupérant deux de ceux qui, bloqués dans la Vilaine après les Cardinaux, ont pu rallier Brest10. En vain. Afin d’aider les colonies antillaises, il prévoit deux escadres, l’une à Rochefort pour ravitailler la Martinique et essayer de reprendre la Guadeloupe, l’autre à Brest pour renforcer Saint-Domingue. Mais, à l’évidence, ces ports ne sont plus en état d’armer. Si on dénombre les vaisseaux inutilisables car à refondre ou radouber, en train de l’être, inachevés, bloqués ou loués à des particuliers, la grosse quarantaine de bâtiments de ligne existants semble vouée à fondre rapidement. Le découragement est là. Le chevalier de Mirabeau, inspecteur général des milices garde-côtes en Bretagne, notait en 1760 :
« Rien n’est si déplorable que l’état de notre pitoyable marine […] si l’administration ne change très promptement, Dieu seul en vertu du pouvoir qu’il a sur les règles morales et physiques pourra faire que la France ait une marine11. »
6Le 20 août 1762, constatant qu’il n’a plus prise sur rien, Berryer se tourne vers Choiseul :
« J’ay absolument besoin que vous m’aidiés. Il n’y a qu’avec du tems et des moyens très abondants et dispensés avec beaucoup d’ordre et d’économie que l’on pourra parvenir a rétablir cette malheureuse machine qu’il semble que tout a conspiré d’anéantir […]. J’ay besoin que vous m’aidiez. Personne n’y peut contribuer plus que vous12. »
7À peine deux mois plus tard, Choiseul reçoit ce département et se trouve à la tête d’une marine moins détruite que découragée et réduite à l’impuissance13.
Comment lui rendre une capacité opérationnelle ?
Rendre à la Marine une importance
8À la différence de son prédécesseur, Choiseul a une vision large du conflit puisqu’il tient déjà, depuis fin janvier, le département de la Guerre et a ouvert au printemps des négociations de paix avec le cabinet de Londres, tout en suggérant, dès le mois de mars, à Charles III d’Espagne une alliance aussi bien offensive que défensive contre l’Angleterre14. Avant même de devenir secrétaire d’État de la Marine, Choiseul a déjà eu à se soucier des questions maritimes. William Pitt a voulu subordonner toute paix avec la France à l’acceptation par celle-ci de son exclusion du Grand Banc de Terre Neuve et des zones de pêche du Saint-Laurent, et même en faire une condition préalable à toute négociation. L’enjeu était de priver la France de ce qui était jugé être la meilleure école pour les futurs matelots de la marine de guerre, autrement dit d’entraver le plus longtemps possible la revanche navale française. L’alliance avec l’Espagne, conclue le 15 août 1761, redonne à la marine une utilité. Seuls, ses membres disjoints n’ont aucune valeur. Réunis et ajoutés aux Espagnols, ils peuvent peser sur la conclusion de la paix, en permettant d’obtenir des conditions plus favorables. Lorsque Choiseul devient secrétaire d’État de la Marine, Pitt a quitté le cabinet britannique depuis 8 jours et une guerre anglo-espagnole devient de plus en plus vraisemblable. Elle n’éclate que le 2 janvier 1762. Les plans franco-espagnols sont ambitieux et, même, irréalistes, puisque revient un projet de descente en Angleterre, comme en 175915 Ils signifient que la marine française envisage à nouveau de se risquer sur les mers, pourvu qu’on lui permette de ressouder ses membres dispersés. Pour cela il faut aussi de l’argent, des approvisionnements et des hommes.
Redonner des moyens
9Réinjecter de l’argent est la première préoccupation de Choiseul concernant son nouveau département, trop longtemps incapable de payer ses fournisseurs et ses personnels16. La commission d’examen des dettes établie en 1758 est supprimée fin novembre 1761. Beaujon, Goossens et compagnie sont évincés à la fin de 1761, tandis que Choiseul recourt au banquier de la Cour, Laborde. Examinant lui-même les comptes des ports, il parvient à mettre un terme au blocage financier. De 1761 à 1762, les fonds alloués à la marine ont presque doublé, passant de 16,7 millions à 30,5. Ceux prévus pour 1763, en dépit de l’imminent retour à la paix restaient encore supérieurs à ceux de 1760 et 1761, avec 21,6 millions. L’argent permet de se procurer des approvisionnements, même si cela ne résout pas les problèmes liés à leur localisation insatisfaisante et aux difficultés d’acheminement du fait des croisières anglaises.
10Il reste à trouver des marins. La pénurie et les arriérés de soldes pèsent sur la reprise des armements. Il faut recourir à des expédients17. Payer aux marins au moins une partie de leur dû ne suffit pas. La contrainte ne peut être évitée en cette fin de guerre, notamment l’embargo mis sur les armements à la course, à la pêche et au commerce tant que les vaisseaux du roi n’ont pas leurs équipages. Même en récupérant novices et invalides, le compte n’y est pas. Il faut, comme en 1759, puiser dans les milices garde-côtes. Le résultat est de constituer, bon gré mal gré, un nouveau type d’équipages – dont T. J. A. Le Goff note qu’il est celui de l’avenir – « avec une proportion plus grande d’hommes moins habitués à la navigation, voire totalement étrangers à la mer, mais solidement encadrés par un petit groupe d’officiers mariniers et matelots expérimentés18 ». Tant bien que mal, il redevient possible d’armer des bâtiments.
Reprendre la mer
11Choiseul, à force d’énergie, parvient à faire appareiller de Brest et de Toulon de petites forces françaises. De novembre 1761 à avril 1762, les 4 navires encore bloqués dans la Vilaine finissent par s’en échapper. De Brest, M. de Courbon-Blénac, à la tête de 7 vaisseaux a pu gagner les Antilles, trop tard pour sauver la Martinique mais à temps pour renforcer Saint-Domingue19. En mai 1762, M. de Ternay, avec deux vaisseaux et 1 500 hommes, prend ou coule peut-être 400 bâtiments de pêche anglais puis s’empare de Saint-Jean-de-Terre-Neuve où il laisse une garnison qui tient tout l’été20. Le bilan, à l’échelle de la guerre, peut paraître mince. Les Espagnols, venus trop tard pour aider véritablement la marine de Louis XV, ont subi des pertes considérables : La Havane puis Manille21. Les armements voulus par Choiseul n’ont eu d’effet que dans les interstices de la puissance navale britannique, grâce à la surprise ou l’absence de l’ennemi. Pourtant, l’alliance espagnole et le modeste renouveau opérationnel de la marine française aident à la reprise des négociations de paix. À Londres, devoir lutter à l’échelle du monde, même avec succès, contre un nouvel adversaire, suscite la lassitude. L’opération contre Terre-Neuve a montré qu’on ne pouvait exclure les Français du Grand Banc et, à ce titre, elle a confirmé ce qui s’était dessiné avant que les négociations de 1761 ne fussent rompues. Lorsque la discussion reprend à l’automne 1762, c’est chose acquise.
12Fort d’une capacité opérationnelle rétablie mais fragile, Choiseul envisage un raid contre le Brésil portugais (San Salvador de Bahia puis Rio de Janeiro), en s’inspirant de celui mené contre Rio par Duguay Trouin en 1711 : 8 vaisseaux (dont le Royal Louis de 116 canons – soit une projection de forces sans précédent pour la marine royale) commandés par Beaussier de l’Isle et 5 000 soldats sous d’Estaing22. Les préliminaires de paix, signés le 3 novembre 1762, rendent cela sans objet. La guerre s’achève, avec une marine française remise en état d’agir, ce qui ne veut pas dire en mesure d’inquiéter la Navy.
Comment relancer l’effort naval ?
Construire de nouveaux vaisseaux
13Sans attendre la paix, Choiseul a voulu relancer l’effort naval. Son action est à replacer dans le mouvement général de reconstruction d’une puissante marine des années 1720 à 1792. L’entre-deux-guerres 1749-1756 et le début du conflit furent ainsi une période d’intenses constructions. Reprenant l’effort, Choiseul le fait d’une manière aussi originale qu’habile, par le moyen des dons de vaisseaux au roi, soit une opération de communication politique et financière très bien menée en un temps où « la guerre de l’État et du contribuable » (selon la formule de Michel Bruguière) tourne pour une fois à l’avantage du second23. Des corps qui ont – à la différence du roi – assez de crédit dans le public pour pouvoir emprunter vont diriger de l’argent vers la marine : les états provinciaux, les négociants des grandes places du royaume, les manieurs d’argent (financiers et aussi banquiers). Les sommes ainsi drainées permettent d’abord d’achever deux vaisseaux qu’on ne parvenait pas à terminer, tel l’Impétueux qui devient la Ville-de-Paris. Elles donnent ensuite la possibilité de mettre en chantier 15 autres vaisseaux et une frégate.

Source : Demerliac A., La marine de Louis XV : nomenclature des navires français de 1715 à 1774, Nice, Omega, 1995.
14En dépit du retour à la paix et de l’état désastreux des finances royales, les dépenses prévues pour la marine ne sont pas négligeables : 21,6 millions pour 1763, 16,1 pour 1764, 17,3 pour 1765, 21,4 pour 1766. Il y a surtout une réflexion sur les objectifs.
Des objectifs clairement conçus et exprimés
15Choiseul a soigneusement déterminé quel nombre de bâtiments la marine de Louis XV devait atteindre. En janvier 1762, il commence par avancer le chiffre de 70 vaisseaux, 30 frégates et 8 chebecs. Deux ans et demi plus tard, en juillet 1763, une fois la paix revenue, il porte cet effectif à 80 vaisseaux et 35 frégates, en fonction de la population de gens de mer disponible, un peu plus de 50 000 marins classés. Implicitement, armer autant d’unités suppose des équipages amalgamant un noyau d’hommes classés et d’autres peu ou pas expérimentés, notamment des soldats qui s’amarineraient ainsi. Choiseul, qui apprend la marine, grâce à M. Truguet et au CV Bigot de Morogues, pose la question des effectifs et des besoins comme un problème d’arithmétique, avec des proportions et des multiplications. Cette arithmétique doit être celle de la revanche sur l’Angleterre pouvant survenir dans un délai rapproché. Les calculs comportent aussi l’addition des vaisseaux du monarque espagnol à ceux du roi de France, afin de faire au minimum jeu égal avec la Navy, mieux de la dépasser. L’enjeu est, aux yeux de Choiseul, vital : « Et je dois dire à Votre Majesté que cette partie [la marine] opérera le salut du royaume ou sa décadence. »
Reprise en main
16Choiseul, cumulant les départements de la Guerre et de la Marine, entend coordonner l’effort de guerre français puis les réformes à imposer aux armées. L’artillerie de marine est rattachée à celle de terre, les compagnies franches de la Marine sont supprimées, leur service étant assuré désormais par les troupes de terre : « cette union des deux armes est essentielle à établir petit à petit, parce que les ennemis de la France sont les Anglais et qu’il faut employer le génie de toutes les forces de la nation contre eux ». À la marine, Choiseul impose le devoir de subordination, dans la plume comme dans l’épée, trop occupées à se dénigrer mutuellement. La première doit informer le ministre exactement et régulièrement, en tenant efficacement comptes et magasins. La seconde doit obéir avec zèle d’une manière qui permette de ne pas étouffer les talents. Dès 1762, Choiseul persuadé que l’ordonnance de 1689 n’est plus de saison, commence la préparation d’une nouvelle organisation du service bientôt énoncée dans l’ordonnance de 1765. Son autorité s’exerce de manière inégale sur les ports, bien à Rochefort, mieux à Brest, peu à Toulon. Son action est plus nette sur le corps des officiers. « Je fus étonné, écrivit-il en 1765, du nombre d’officiers instruits et d’esprit que je trouvai dans un corps abâtardi ». Dès janvier 1762, il met à la retraite 80 officiers, soit 9,5 % de l’effectif, quasi-décimation qui touche en particulier les capitaines de vaisseau, 45, soit ¼ d’entre eux. Les gardes de la Marine passent de 370 à 320, Choiseul voulant aussi les voir embarquer plus souvent, y compris sur des bâtiments marchands en temps de paix, idée peu goûtée des intéressés et demeurée sans suite. Toutefois, il n’a pas rajeuni les officiers généraux, qui ont dû accepter à contrecœur en 1762 la foudroyante élévation jusqu’au grade de lieutenant-général du comte d’Estaing, très bien vu du roi. Mais, en 1764, sont promus chefs d’escadre les CV d’Orvilliers et Bigot de Morogues, qui ont formé les futurs chefs de la guerre d’Indépendance américaine.
17Choiseul s’appuie sur des interlocuteurs fiables, parvient à drainer de l’argent et de rétablir la confiance des fournisseurs comme le zèle des officiers, même si c’est parfois à coup d’expédients et en rencontrant de constants problèmes d’effectifs. Cette action bénéfique s’avère possible grâce à la puissance du travail du ministre et à la concentration de responsabilités majeures qu’il a réalisées. Disposant d’une vue d’ensemble « inter-armées » et politico-diplomatique, il sait comment utiliser la marine en vue d’objectifs d’abord limités puis, la paix revenue, bien plus ambitieux. Mais ses plans atteignent alors leurs limites. 1765 voit à la fois l’ordonnance sur la marine et – à en croire Choiseul24 – la manifestation du désintérêt de Louis XV pour un effort naval soutenu que l’allié espagnol ne semble guère continuer non plus dans les proportions attendues.
18Le 9 avril 1766, Choiseul laisse le département de la Marine à son parent le duc de Praslin et reprend les Affaires étrangères. Pour dix ans, la marine cesse d’être l’objet des soins d’un ministre prépondérant. Plus fâcheusement, elle subit des réformes qui l’indisposent sans lui donner davantage de moyens. Il n’en demeure pas moins qu’en son temps, Choiseul a donné à la marine des objectifs ambitieux qui, irréalisés dans les délais qu’il imaginait, le furent parfois bien plus tard. La reconnaissance des mérites du Grand Corps, une fois celui-ci repris en main, ouvre la voie à l’ordonnance de 1776 qui lui donne l’avantage dans les ports sur la plume. Les 80 vaisseaux furent presque atteints… en 1792. Mais la suggestion que faisait en 1765 Choiseul à Louis XV « qu’il serait de son devoir de roi de faire, au printemps prochain, un voyage à Brest » en considérant que les « quatre jours qu’Elle [Votre Majesté] passerait dans le port y ferait un effet décisif en bien, peut-être pour un siècle », demeura sans suite, même si, vingt ans après, Louis XVI fit son unique déplacement hors d’Ile-de-France, à Cherbourg sans vraiment y rencontrer la marine qui avait pourtant donné à la première décennie de son règne l’éclat de la victoire retrouvée.
Notes de bas de page
1 Estienne R., La marine royale sous le ministère du duc de Choiseul (1761-1766), thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, École nationale des chartes, 1979, 2 vol.
2 Lutun B., Une autre Marine (1756-1789). Réforme d’une institution, Roubaix, chez l’auteur, 2010.
3 Scott H., « The Importance of Bourbon Naval reconstruction to the Strategy of Choiseul after the Seven Years’War », The International Review, t. 1, janvier 1979, p. 17-35; Dull J. R., La guerre de Sept Ans. Histoire navale, politique et diplomatique, Rennes, Les Perséides, 2009 ; Id., « Choiseul sauveur et reconstructeur de la marine française », Chaline O., Bonnichon Ph., Vergennes Ch.-Ph. (de) (dir.), Les marines de la guerre d’Indépendance américaine, 1763-1783, t. I, L’instrument naval, Paris, PUPS, 2013, p. 53-63.
4 Cérino C., « Enjeux stratégiques et opérations navales britanniques en Bretagne au XVIIIe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 114, no 4, décembre 2007, p. 133-148.
5 Estienne R., La marine royale sous le ministère du duc de Choiseul, op. cit., p. 69.
6 Le Goff T. J. A., « L’impact des prises effectuées par les Anglais sur la capacité en hommes de la marine française au XVIIIe siècle », Acerra M., Merino J. et Meyer J. (dir.), Les marines de guerre européennes, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, PUPS, 1998, p. 121-137 ; Id., « Problèmes de recrutement de la marine française pendant la guerre de Sept Ans », Revue historique, t. 283/2, 1990, p. 205-233, à la p. 207.
7 Voir Legohérel H., Les trésoriers généraux de la Marine, 1517-1788, Paris, Éditions Cujas, 1965, p. 205-206 et 261-262.
8 Bosher J. F., « Financing the French Navy in the Seven Years’War : Beaujon, Goossens et Compagnie in 1759 », Business History, t. 28, 1986, p. 115-123.
9 Acerra M., Rochefort et la construction navale française 1661-1815, Paris, Librairie de l’Inde, 1993, t. IV, tableau 141, p. 907-908. Les chiffres donnés par John Bosher sont un peu plus élevés, sans que la tendance soit différente les « fonds faits » étant de 57 millions en 1759 puis de 24 en 1760, tandis que les dépenses tombent de 77 millions à 24 (p. 129-407).
10 Pluyette H., Le Blocus de la Vilaine, 1759-1762, Arzal, chez l’auteur, 1976. Au soir de la bataille des Cardinaux, 7 vaisseaux, 2 frégates et 2 corvettes s’étaient trouvés à l’entrée de la Vilaine et s’y abritèrent ensuite.
11 Les voyages en Bretagne du chevalier de Mirabeau, Laurent Ch. éd., Mayenne, Joseph Floch, 1983, p. 201, lettre du chevalier de Mirabeau à son frère le marquis, Brest, 25 juin 1760.
12 Arch. nat., Mar., B4 100, fol. 30.
13 À l’évidence, il n’exagère pas quand il écrit dans son Mémoire remis au roi en 1765 (Journal des savants, mars 1881, p. 171-184, avril 1881, p. 250-260, à la p. 252). En exil de Chanteloup, il rédigea un Mémoire sur la marine militaire française, que donne René Estienne en annexe de sa thèse de l’École des chartes, op. cit., p. 453-505. On y lit notamment : « J’ai été secrétaire d’État de la Marine à la fin de 1751. Il ne pouvait être question, au milieu de la guerre, que de se servir des débris de la marine. Je n’exagère pas quand je dis débris, car je crois qu’au mois de janvier 1762, le roi n’avait pas 25 vaisseaux en état de tenir la mer » (p. 454).
14 Bourguet A., « Le duc de Choiseul et l’alliance espagnole », Revue historique, t. 94, 1907, p. 1-27.
15 Voir l’appendice au chap. II de Cesareo Fernández Duro, La Armada Española desde la unión de los reinos de Castilla y de Aragon, vol. 7, Madrid, Sucesores de Rivadeneyra, 1901, p. 53-58, qui donne (sans référence précise d’archives) le projet d’invasion tel qu’il a été remis aux Espagnols le 14 avril 1762. Le but était de réunir une force de 52 vaisseaux pour opérer dans la Manche. L’idée, irréalisable à cette date, fut reprise ultérieurement et donna lieu à l’Armada combinée de 1779.
16 Estienne R., La marine royale sous le ministère du duc de Choiseul, op. cit., p. 314-324.
17 Ibid., p. 362-388.
18 Le Goff T. J. A., « L’impact des prises effectuées par les Anglais sur la capacité en hommes de la marine française au XVIIIe siècle », art. cit., p. 230-231.
19 Baugh D., The Global Seven Years War 1754-1763. Britain and France in a Great Power Contest, Harlow, Longman, 2011, p. 575-581.
20 Voir Cerbelaud-Salagnac G., « La reprise de Terre Neuve par les Français en 1762 », Revue française d’histoire d’outre-mer, t. 63, 1976, p. 211-222 ; Linÿer de La Barbée M., Le chevalier de Ternay : vie de Charles Louis Henry d’Arsac de Ternay, chef d’escadre des armées navales, 1723-1780, Grenoble, Éditions des 4 Seigneurs, 1972, 2 vol., voir t. I, p. 151-171 ; Plus récemment, Visme A. de, Terre-Neuve 1762. Dernier combat aux portes de la Nouvelle-France, Montréal, Éditions André de Visme, 2005, ainsi que « L’expédition de Terre-Neuve en 1762 », Fonck B. et Veyssière L. (dir.), La fin de la Nouvelle-France, Paris, Armand Colin/Ministère de la Défense, 2013, p. 243-259.
21 Chaline O., « Bilan naval de la guerre de Sept Ans », Fonck B. et Veyssière L. (dir.), La fin de la Nouvelle-France, op. cit., p. 83-105.
22 Michel J., La vie aventureuse et mouvementée du Charles-Henri comte d’Estaing, chez l’auteur, 1976, p. 65-77. La guerre avait été déclarée au roi de Portugal le 20 juin 1762.
23 Voir pour la Bretagne Bérenger J., « États provinciaux et défense nationale dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », L’Europe des diètes au XVIIe siècle, Mélanges offerts à monsieur le professeur Jean Béranger, textes réunis par D. Tollet, Paris, SEDES, 1996, p. 279-288 et Forrer C. et Roussel C. Y, La Bretagne, vaisseau de 100 canons, pour le roi et la république, 1762-1796, Spézet, Coop-Breiz, 2005.
24 Selon Choiseul, qui l’écrit dans son exil de Chanteloup, Louis XV lui aurait dit en recevant son mémoire de 1765 : « Des ministres qui vous ont précédé ont eu comme vous des projets, je les ai laissé faire, ils n’y entendoient rien ; mais à vous, je dirai un secret pour que vous ne vous tuiés pas inutilement, et ce secret est qu’il ne peut pas y avoir de marine en France. Permettés-moi, lui dis-je, sire, de vous représenter que je ne vois pas d’impossibilité, et que je vois une nécessité. Il ne peut pas y avoir de marine en France, repartit le roi ; et en me rendant le mémoire, il ajouta : il faut suivre ce qui est, sans innovation, et ne faites pas la folie de vous mettres en tête de faire une chose à laquelle vous ne parviendrés pas », cité par Estienne R., La marine royale sous le ministère du duc de Choiseul, op. cit., p. 457.
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