Entre contact et confrontation
La prédication chrétienne aux xvie et xviie siècles
p. 155-169
Texte intégral
1« Parole ou eucharistie ? Penser la parole confessionnelle non plus en termes de dogmes, mais de sensibilité religieuse1. » Par ces mots, Thierry Wanegffelen rappelle d’abord l’existence d’une ligne de démarcation effective au XVIe siècle entre d’une part les réformés, centrant tout le ministère pastoral sur l’annonce expliquée de la Parole, et d’autre part l’Église catholique privilégiant plutôt la valorisation et la distribution des grâces sacramentelles. Ce point de vue par trop tranché, et que l’historien entend justement nuancer, est facilement évoqué par les protagonistes contemporains des deux confessions, controversistes et écrivains qui, attaquant la légitimité de l’autre, rivalisent de précision dans le propos séparatiste. L’attitude du jacobin de Troyes, Constant, « en passe de devenir réformé », engagé pour prêcher le carême à Saint-Jean en 1550 est à cet égard un cas typique2. Alors qu’il explique les textes du jour, un prêtre passe avec le Saint-Sacrement qu’il apporte à un malade. À sa vue, tous les auditeurs délaissent un instant l’instruction pour honorer à genoux l’hostie. Constant,
« fasché au possible de ceste façon de fayre les en reprit et tancea aigrement, leur remonstrant et faisant entendre visvement qu’ilz ne se devoient ainsy distraire de l’ouye de la parolle de Dieu qu’il preschoit, en laquelle Jesus Christ estoit pourtrait au vif3 ».
2Entre hier et aujourd’hui, l’historiographie a bien souvent abondé dans le sens d’une lecture clivante, réflexe souligné dans l’introduction de ce volume, trop prisonnière sans doute d’un enracinement parfois exclusif dans l’histoire ou du catholicisme ou du protestantisme. Certes, les différences relevées par les uns et les autres sont tout à fait fondamentales et, répétées avec d’autres, contribuent à fixer des comportements confessionnels distincts. Il ne faut en aucun cas les oublier ou les minimiser. Pourtant, au moment où toute la prédication chrétienne s’institutionnalise tout en étant l’objet d’exigences fortes des « clergés » et des publics, les rapports entre pasteurs des deux confessions ne peuvent être que conflictuels et les barrières dressées rhétoriquement infranchissables. Une forte porosité se laisse repérer, à tel point que non seulement on n’ignore rien de la manière de faire de l’autre, dépréciée ou imitée, mais les méthodes elles-mêmes sont plus souvent confrontées qu’opposées. Des réflexions et des pratiques communes existent bel et bien, enfin ce sont des défis relativement similaires que les Églises sont invitées à relever. Grâce à l’abondance des sources d’époque (1550-1670) et à la multiplicité des études sur le phénomène prêché, le dossier peut être ouvert. Certes, il ne peut s’agir dans les pages suivantes que d’un regard limité, aussi deux champs d’observation y sont privilégiés : la nécessité de maîtriser et le temps et les lieux de la prédication ; la volonté de dessiner le modèle du bon prédicateur évangélique et apostolique.
Temps et lieux de la prédication
3Si on considère l’offre et le quadrillage de l’espace urbain notamment, le point de départ est par force inégal, puisque l’Église romaine conserve non seulement par devers elle la plupart des sanctuaires, mais peut encore s’appuyer sur les deux grandes stations, fondées à la fin du Moyen Âge, du carême et de l’avent. À cet ensemble désormais visible dans toute cité d’une certaine taille s’ajoutent de nouveaux cycles imaginés au temps des affrontements confessionnels et fondés en lien étroit avec le calendrier liturgique. La naissance puis la généralisation des octaves de la Fête-Dieu ou du Saint-Sacrement, consacrées à expliquer et accompagner la dévotion eucharistique, cet authentique marqueur culturel du catholicisme à l’ère des divisions, illustrent ce mouvement. Les dates supposées de création ou de première mention archivistique de cette semaine d’instructions poussées, confiées à des orateurs recrutés avec la même exigence que ceux des deux stations ordinaires, correspondent aux temps forts de l’affrontement confessionnel4. L’attente pour entendre des sermons rapprochés et collant le plus possible à l’actualité calendaire ne cessant de se renforcer, d’autres moments financés et de ce fait régularisés apparaissent, ajoutant à la prédication ordinaire des dominicales et des grands cycles, des cycles secondaires, christiques ou mariaux, sans oublier les prises de parole exceptionnelles relevant des fêtes de canonisation, de l’organisation des jubilés et des missions5. Incontestablement, l’investissement en termes de parole autorisée est très développé, parfois amélioré par des initiatives privées, autour de l’idée clé de saturer par l’éloquence à la fois l’année et les sanctuaires.
4Dans le traité de controverse qu’il rédige en réponse au commentaire sur le Décalogue du pasteur Ferry, en 1625, le récollet messin Ignace Le Gault rapporte la critique protestante de la manière catholique d’organiser la prédication, attribuée au « docteur Creillus » : « Tout le Vieux & Nouveau Testament, s’il n’est presché de vive voix sont de vieilles savates laissées dans un coin orbe. » Le Gault réagit vivement et interpelle son lectorat par une construction syntaxique faite d’accumulations et d’attributions analogiques : « les prédicateurs sont des savetiers ; l’escriture saincte de vieilles savates ; la chaire, la savaterie ; l’Advent, caresme, octaves sont la foire aux savates6. »
5Pourtant, au-delà de cette différence, le monde protestant aussi réfléchit à la teneur et surtout à l’adéquation des discours au rythme du calendrier. Au milieu du XVIIe siècle, Jean Claude évoque le cas de « feu monsieur D…7 qui ayant à prêcher, le jour des Fêtes de ceux de l’Eglise Romaine, avoit accoutumé de choisir des textes sur les sujets de ces Fêtes ». Il affirme qu’il « ne blâme point cela », car il faut bien occuper les fidèles les jours chômés imposés par une société aux références catholiques, « mais je ne voudrois point en faire métier ; car les Fêtes des saints sont un tems pour eux et non pour nous ; et il est certain que l’esprit de nos Auditeurs ne cherche guère, ni à être éclairci, ni à être édifié sur ces sortes de sujets ». Et d’ajouter : « Il n’en est pas de même des tems particuliers qui nous appartiennent8. »
6Même si le protestantisme réformé estime que le véritable cycle liturgique est justement une absence de cycle, au profit de la lectio continua, à plusieurs reprises Calvin a justifié qu’un « effort d’explication [plus] intense » soit fait sur la grâce à recevoir pour préparer les cœurs à la réception sacramentelle de la communion. Encore faut-il que cela soit bien compris, aussi le réformateur de Genève précise : « il ne fault point que nous ayons ceste préparation en nous seulement quand le temps de la cene approche », car la sanctification est « un exercice perpetuel pour toute notre vie » (1549) ; en 1557 il dit « ce n’est pas le tout qu’on s’y prépare en huict jours, comme si puis après on povoit mettre en oubly ung tel bien9 ». Les sermons d’annonce ne sont en effet qu’un moyen supplémentaire, et non une fin en soi. Le pasteur Jean Claude fait la distinction entre les « tems particuliers reglez, qu’on appelle Stata tempora, qui reviennent tous les ans dans les mêmes saisons » (il s’agit des grandes fêtes chrétiennes pour lesquels le choix de textes appropriés s’impose, ou « les jours de Cène ») et les « tems extraordinaires ou non reglez qui n’arrivent que par accident ou pour mieux dire, lorsqu’il plaît à Dieu ». À cette seconde catégorie appartiennent « les jours de jûne [sic], ou les jours de l’imposition des mains des pasteurs, ou des jours ausquels il faut consoler son Troupeau » ou faire acte de censure10.
7Une des clés de la réussite d’un ensemble suivi de sermons dépend concrètement du temps laissé à disposition de l’orateur pour le préparer. Afin de trouver l’accroche nécessaire, d’enraciner solidement dans la doctrine ou la morale son propos, de méditer à l’avance les leçons qu’on espère faire naître chez l’auditeur, il ne peut être question de laisser place à l’improvisation. Aussi chaque Église veille-t-elle à dégager un espace périodique suffisant en amont. Une illustration de ce souci est visible dans la négociation des charges exigées du chanoine théologal, ce titulaire d’une prébende cathédrale ou collégiale dont on souhaite partout l’avènement après 1550, à qui on fixe comme mission, outre d’instruire en théologie ses jeunes confères, de donner une trentaine de sermons dominicaux publics. Rapidement devenu un « personnage central dans le dispositif de la foi11 », au cours des guerres de Religion, il instruit non seulement depuis cette chaire au temps voulu, mais donne bien d’autres cycles longs, sur place ou au loin. C’est ainsi que les quatre théologaux en charge à Reims de 1570 à 1649 donnent trois avents, un carême et surtout douze octaves du Saint-Sacrement. Bien préparer ce devoir « demande un homme tout entier, un homme nullement partagé12 », aussi, comme par une prise en compte de la pénibilité de son travail, on lui garantit de disposer du temps de lecture nécessaire et justifié. En substance, il est réputé présent au chœur, touche comme ses confrères les mêmes distributions prévues pour cela, lorsqu’il prépare ses interventions orales. Aménager le temps pour cette raison principale, mais non unique, est au cœur de négociations permanentes et serrées, en particulier après 1650 : un règlement accorde huit jours avant et autant après à son théologal sans être présent au chœur. Des remarques proches pourraient être formulées à propos de la liberté accordée aux religieux destinés par leur ordre ou leur talent à la charge oratoire, impliqués dans des « tours », ces alternances décidées localement plusieurs années à l’avance. De même, c’est parce que la charge d’enseigner est lourde que l’on finit, après les y avoir incités au XVIe siècle, par déconseiller aux évêques de trop prêcher, par crainte que cet investissement ne leur prenne trop de temps, au détriment de leur mission générale13.
8Les Églises réformées partagent le même souci de satisfaire pleinement aux attentes en « prenant son temps ». Max Engammare rappelle ainsi que Calvin ressentait le besoin de consacrer plusieurs jours à la préparation d’un sermon, notamment si celui-ci exigeait une traduction, et qu’il devait lutter, souvent vainement, pour garder ce principe comme une priorité non négociable14. Les consistoires ont toujours veillé à soulager le pasteur en tour d’un surcroît de travail, comme ce fut le cas à Metz. Celui des pasteurs qui se trouvait en semaine ordinaire était réellement surchargé (il prêchait les mercredi matin, vendredi matin, dimanche matin et après-midi, ou donnait une leçon de catéchisme, devoir déjà assumé le jeudi ; enfin présidait le consistoire le mercredi), à quoi s’ajoutait la desserte du petit temple de La Horgne, hors-les-murs. À la demande des prédicateurs, un allègement est trouvé en 1643 et le pasteur de semaine est déchargé de la présidence du consistoire et du catéchisme, repoussé à la semaine suivante, bénéficiant de la sorte de trois semaines pour avancer sa préparation. Ainsi est aidé « celuy qui sera de sepmaine [pour qu’il] puisse vacquer à la chaire15 », aménagement facilité sur place il est vrai par la présence d’un corps pastoral comprenant quatre ministres et le fréquent passage d’autres.
9Un autre élément à considérer se rapporte aux conditions matérielles de l’exercice de l’art oratoire, ainsi qu’aux règles de l’accès au meuble qui le permet. Prêcher ordinairement depuis une chaire, donc de préférence à l’intérieur, voilà un souci totalement partagé tant on estime unanimement qu’il faut un lieu pour exercer cet apostolat. On trouve à l’origine de cette mutation une volonté de réorganiser l’espace du sanctuaire catholique au profit de l’autel. La valorisation de la table eucharistique a entraîné le retrait ou l’effacement total des structures depuis lesquelles l’orateur s’adressait aux foules (jubé, ambon), facilitant le glissement de l’objet en direction des premiers piliers de la nef. Ce motif n’explique pas tout et il faut comprendre l’évolution dans le cadre d’une dialectique extérieur/intérieur qui concerne la liturgie catholique dans sa globalité, comme l’a récemment si bien exprimé Philippe Martin à propos de la messe16. Appliquée à la prédication, la recherche d’un surcroît de sacralité, et donc d’autorité, s’incarne dans la chaire à prêcher. Qui plus est, pour les catholiques qui, rappelons-le, peuvent s’appuyer sur un nombre considérable de sanctuaires, s’exprimer depuis les rues au XVIe siècle, une norme pourtant issue de la prédication mendiante, est non seulement devenu suspect, mais franchement déconseillé, sauf en certaines circonstances particulières (en temps de mission, les foules sont considérables). Toute prédication autre pourrait être rapprochée des pratiques huguenotes17, et donc manifester au su de tous comme une confusion des genres. Dès lors, le lieu matériel par excellence de la prédication est le meuble qui partout se modernise ou s’installe. Il en va de même en milieu protestant où, après des difficultés initiales dues à la carence de temples, l’obligation de trouver ou d’emprunter les chaires des autres, ou encore d’attirer à soi des orateurs reconnus, la chaire devient le mobilier souvent unique du lieu de culte, du moins le plus significatif. Elle est parfois associée spatialement à la table de communion, signifiant de ce fait le passage souhaité de l’écoute au sacrement. L’invention du partage consensuel ou de la chaire ou de l’espace de l’église dans le cadre du simultaneum illustre également l’importance de ce choix18.
10Derrière une même volonté, des différences sont néanmoins souhaitées et notables entre les meubles des uns et des autres ; qu’on songe par exemple à la décoration iconographique. La « solution réformée » (B. Reymond) écartait les images des grands prédicateurs bibliques ou docteurs de l’Église19, alors que le catholicisme – voire le luthéranisme – en font un objet de légitimité et de triomphe. La préférence va plutôt à l’affichage d’un verset de la Bible ou à l’inscription du Décalogue, comme à Metz, pratique qui correspond au souhait de marquer le territoire urbain, par exemple les maisons des réformés, avec des maximes tirées de l’Écriture sainte. Le célèbre dessin par Paul Ferry de la chaire qu’il fréquente à Metz montre l’existence d’un mobilier dans le mobilier, en l’occurrence un porte chef et une horloge-sablier destinée à minuter le temps d’instruction (un tour de sablier fait 40 minutes, un sermon entier ne devant en excéder deux)20, caractéristique qui est déjà relevée et moquée par les jeunes prédicateurs catholiques dans leur controverse des années 156021. Pourtant, au-delà de ces marqueurs visuels, l’anatomie générale du meuble est plus ou moins rigoureusement la même : une rampe d’accès, la cuve d’installation, un abat-voix ou abat-son. Bernard Reymond veut voir dans le couronnement des chaires réformées un élément spécifique de la chaire calviniste22. Sans aucunement contester cette affirmation, gardons-nous cependant, en retour, de faire de l’abat-voix catholique, et de son prolongement vertical, un simple outil acoustique, car il possède également des images du Saint-Esprit et coiffe l’orateur sous un dais symbolique. Bien sûr, il ne faut pas nier les spécificités remarquables que les contemporains identifient (pas ou peu de dosseret, une élévation différente surtout lorsque, comme à Charenton, on favorise la multiplication des galeries au XVIIe siècle), mais l’héritage est commun, jusqu’aux enjeux de préséance sociale pour obtenir les meilleures places. L’usage peut d’ailleurs en être détourné, comme dans le cadre de la controverse officielle à Metz, où les premiers rangs au temple sont, dans les années 1650, réservés aux pères jésuites23.
11Une ultime remarque permet de rapprocher tout en les distinguant les confessions. Il s’agit de la forte ritualisation de l’accès au meuble. Celui-ci est en effet réservé aux seuls orateurs et pasteurs, souvent fermé et surveillé. Nul n’y pénètre sans y être autorisé, car ce n’est pas une tribune ordinaire. À l’idée que dans certaines situations des femmes aient pu accéder aux chaires protestantes, le récollet Le Gault en profite pour dénoncer non seulement l’illégitimité de l’ensemble des orateurs réformés, mais encore un inacceptable détournement du meuble :
« On a veu des femmes monter en chaire, et faire l’office de Ministre ou de Diacre. Madame Aigula, en Allemagne, monter en chaire et interpréter l’Escriture au temps de Luther : une autre en Escosse, dite Langeus. On a veue en Guyenne au Mont de Marsan, une bourgeoise nommée Quiteyre, de Bordenaue, monter en chaire, lire la Bible, attendant que Monsieur le Ministre vint faire le presche […] n’est-ce pas passer les regles de la modestie chrestienne, et les loix, qui veulent que les femmes gardent silence au Temple24 ? »
12La chaire est plus qu’une tribune et elle put, en certaines circonstances, servir d’asile ou de refuge, et en extirper violemment un sermonnaire qui déplaît se confond presque avec un acte de profanation. La singularité de l’accès à la chaire est également rehaussée par le respect attendu de certains rituels. Lorsqu’un prédicateur catholique s’y exprime à l’occasion d’une messe ou d’une célébration liturgique, il lui est demandé de signifier aux yeux de tous le passage d’une dimension à l’autre, notamment en quittant sa chasuble, pour la remettre lorsqu’il remonte à l’autel25. Pareil souci transparaît dans la volonté de demander au pasteur de porter son chapeau lorsqu’il prêche, mais de le déposer sur un clou lorsqu’il guide une prière. Un langage gestuel visible de tous, une portée autre que celle vocale du lieu, tout cela est primordial. La très forte ritualisation de l’usage de la chaire montre la recherche d’un équilibre entre le sens cultuel proprement dit et le sens d’instruction. Ainsi, l’orateur au pied de la chaire reste un fidèle investi d’une mission, mais une fois installé à mi-hauteur entre ciel et peuple, il change de registre et de dimension. Le vocabulaire nous dit que pour les uns il exprime la vérité en chaire, pour les autres, il est dans une chaire de vérité, pour tous il remplit un devoir et une mission essentiels, incontestablement une forme d’intercession.
Modeler un prédicateur évangélique et apostolique
13Lorsqu’ils songent à la pratique en chaire, le tout premier souci, tant chez les catholiques que chez les réformés, consiste à prôner l’idée que seul un prédicateur authentiquement apostolique et évangélique peut honorer son objet et toucher son prochain. Le célèbre souhait d’Érasme, dans son Ecclésiaste, de « projeter une restauration au sein de la prédication, afin de redonner naissance à un concionator evangelicus26 », mélange de Paul et d’Augustin, intéresse bien évidemment les deux clergés. Il est donc classique en tout premier ressort de mettre en évidence l’illégitimité de l’orateur d’une confession rivale au nom d’arguments historiques ou théologiques. C’est ainsi que Mgr Charles-Maurice Le Tellier, prêchant dans l’église paroissiale de Sedan pour une fête magistérielle en 1676, s’adresse aux « predicateurs qui n’ont pas ma mission », comprenons les pasteurs calvinistes présents « à la porte de cette église » :
« Dites-moi prédicateurs qui prétendez partager avec moi mon troupeau, qui vous êtes, d’où vous venez, et quand vous avez commencé. Faites-moi l’histoire de l’origine de vos églises. Comptez-nous le nombre de vos prédécesseurs ; remontons jusqu’à la source, et faites nous voir qui le premier de vos pères a été Apôtre de Jesus-Christ, ou de ces hommes apostoliques qui les avaient fréquentés27. »
14De même raille-t-on l’absence de toute qualité d’authenticité chez l’adversaire en chaire pour, a contrario, la retrouver chez soi. La manière de faire et de dire reste bien un des marqueurs confessionnels attendus. Ce que l’on dit du prédicateur réformé (fonde ses prises de parole sur la seule Bible) et du prédicateur catholique (s’appuie sur de sources plus variées), est souvent confirmé par la documentation. Jugeant le style du bernardin Lafferté « fort suspect entre quelques papistes », sur le point de devenir luthérien vers 1547-1548, le réformé troyen Pithou insiste sur la « protestantisation » de fait de sa méthode :
« Ce qui le rendoit le plus admirable envers le commun peuple estoit que aucune foys il traitoit en ses predications quelques passages d’un prophete, chose alors non accoustumée à l’endroict des autres precheurs, et dont ce peuple n’avoit oncques eu les oreilles batues28. »
15À l’inverse, le curé de Provins Claude Haton, rendant hommage à Jean Barrier, premier théologal de sa cité, mort en 1570, dépeint un
« homme de grande éloquence, ayant eu grace de bien dire et rapporter l’Escriture sainte en ses sermons, comme aussi les aultres escritures du droict tant divin que humain avec les histoires des escriptures prophanes qui fust de son temps. Il faisoit peu de sermons qu’il ne cittat quelques loys humaines escriptes au droict […] sciences requises aux advocatz et necessaires a leurs plaidoiries29 ».
16Tout ceci reste vrai, mais l’image semble néanmoins trop figée ou a posteriori arrangeante, conduisant par exemple Alexandre Vinet, dans une célèbre histoire du protestantisme du XIXe siècle, à entretenir la réputation d’un sermon réformé atteignant certes son objet, mais « sans éclat » et « laborieux30 ». Julien Gœury a récemment révisé cette opinion en montrant que le monde réformé aussi, parisien notamment, fut travaillé par la question de la querelle de l’éloquence sacrée au XVIIe siècle : une prise de parole mondaine avec le souci de briller contraire à la sobre efficacité attendue d’un discours. Les textes publiés des Visites pastorales de Charles Drelincourt font un écho contemporain parfait au célèbre traité De la chaire de La Bruyère31. Les emprunts de méthode ou de style effectués pour des raisons supposées d’efficacité, sont donc repérables, et c’est ce que reproche le pasteur Jacques Couët du Vivier à Alexandre Morus, une figure très controversée de la prédication protestante32, dans ses sermons de 1659 à Charenton. Il serait trop proche du style des stationnaires de la capitale, « pour son geste, il ressemble plutôt à celui d’un moine, pour ne pas dire d’un jeune joueur de farce, qu’à celui d’un prédicateur modeste33 ».
17Revenons aussi sur l’affirmation consistant à dire que le pasteur est plus proche de l’Écriture sainte, alors que le catholique peut se perdre dans des sources multiples mal hiérarchisées entre elles et finissant par rendre confus son propos. Si cela fut, ce n’est plus tout à fait juste avec l’application de la Réforme catholique. Le dominicain Serafino Razzi est un des penseurs postconciliaires d’outre-monts qui contribue le plus, avec Francesco Panigarola, à populariser l’exigence d’une prédication authentique. À cette fin, il compose en 1590 les Sermoni predicabili dalla prima domenica dell’avvento all’ottava di Pasqua et y affirme la règle absolue d’une « impostazione biblica della predicazione ». « Le prédicateur évangélique », écrit-il, « doit étudier la sainte Écriture, car si un aveugle guide un autre aveugle les deux tombent dans la fosse de l’Enfer ». Bien sûr, il ne doit pas s’interdire le devoir de l’étudier en suivant l’exemple et en citant abondamment les « santi dottori cattolici » qui, avant lui, résolurent le même défi34. Une manière assez simple de tenter de mesurer différences et convergences reste l’approche comparatiste : étudier les sources et citations tirées de la Bible dans les sermons de chacun. Julien Léonard écrit que Paul Ferry a « puissamment enraciné » ses sermons « dans la Bible et les citations abondent », ajoutant que la part du Nouveau Testament dans les 1 200 sermons consultés représentait les trois-quarts de ceux-ci, un peu moins lorsqu’il s’agit de discours consacrés à un événement particulier (69 %). Comparé au comportement médian du prédicateur réformé du XVIIe siècle, étudié par Françoise Chevalier, Ferry accorde une place plus importante au Vieux Testament (23 % contre 13 %), ce qui en fait un parfait pasteur d’un entre-deux périodes, à la fois héritier du XVIe siècle et type de prédicateur conforme à son siècle35. En milieu catholique aussi, les profils varient. Si le théologal rémois Hubert Meurier, à la fin du XVIe siècle, tirait 45 % de ses citations de la Bible (26,5 % viennent du Nouveau Testament), Jacques Callou, directeur du séminaire à la fin du siècle suivant, emprunte pour sa part 90 % de ses citations à l’Écriture sainte36. Un tel constat incite à nuancer les différences, déjà fortes à l’intérieur des confessions avant de l’être entre elles, à observer aussi comme le possible triomphe d’une sorte de norme générale du bon prédicateur au long du XVIIe siècle.
18Afin de dresser un sermon conforme aux attentes conciliaires (catholiques) et disciplinaires (réformées), le prédicateur doit pouvoir accéder aisément à une bibliothèque car il faut lire pour prêcher, et si possible bien lire. Celles des ordres mendiants des XVIe et XVIIe siècles, notamment étudiées par Roberto Rusconi pour l’Italie et Fabienne Henryot pour la Lorraine37, sont particulièrement riches et totalement adaptées au travail des orateurs sacrés. La bibliothèque conventuelle occupe alors une place centrale dans la vie intellectuelle, spirituelle et pastorale des réguliers, et elle est notamment l’objet d’une gestion rigoureuse et originale, en grande partie au service de la mission parénétique. Avec un décalage temporel qui s’explique par la concrétisation des efforts de réforme le concernant, le clergé séculier à son tour, encouragé par les autorités ordinaires, se dote de collections d’ouvrages. Si les presbytères ruraux sont encore sous-équipés – ce qui explique l’effort accompli par le théologal rémois Nicolas Roland vers 1660 pour acheter des « sermons tout dressés pour les distribuer à des curés de campagne38 » –, les compagnies urbaines de prêtres œuvrent collectivement à dresser des bibliothèques remarquables. Celle de la paroisse Saint-Sébastien de Nancy, fondée au XVIIe mais connue grâce à un inventaire plus tardif du XVIIIe siècle, révèle la richesse du fonds « éloquence » : 424 titres sur les 2 432 livres conservés, ce qui en fait alors la seconde catégorie de manuels disponibles. L’orateur en mal d’idées pour composer un sermon efficace peut, non sans risque de plagiat – considéré comme un moindre mal étant donné l’enjeu –, puiser dans une matière abondante et reconnue39.
19Des synodes nationaux du XVIIe siècle (La Rochelle, 1607 ; Castres, 1626) incitent fermement les Églises réformées à constituer des bibliothèques pour l’usage exclusif de leurs pasteurs. À côté de l’imposante collection créée en faveur du corps pastoral de Charenton, la bibliothèque de Beaune comporte dix fois moins de livres (59 contre 550 environ), pour autant ce « bagage minimum » contient l’essentiel, à savoir des ouvrages réformés, dont les classiques recueils de sermons de Calvin, Brentius et Bullinger, à l’exclusion des auteurs catholiques, des Pères et auteurs profanes40. On ne peut mieux signifier que la prise de parole est l’objet premier du ministère.
20L’importance de la mission exigée du prédicateur justifie un nombre croissant de moyens et d’outils mis à sa disposition. Puisqu’on prêche de plus en plus régulièrement et que les auditoires se montrent partout attentifs et exigeants, chaque confession, afin d’élever d’un degré la qualité espérée, facilite la mise à disposition d’une littérature imprimée tirée des oralités prononcées. Le passage de l’oral à l’écrit n’est pas sans poser des problèmes que les auteurs mêmes évoquent parfois, en toute honnêteté41. L’observantin portugais Jacques Suarez de Sainte-Marie, prédicateur du roi, avertit le « lecteur catholique » de l’octave du Saint-Sacrement livrée à l’imprimeur en 1608 :
« Je sçay bien, écrit-il, que le sage prédicateur ne devroit jamais divulguer par escrit ce qu’il a une fois donné aux oreilles des auditeurs, d’autant plus qu’il ne peut avec sa plume communiquer à ses sermons la grace qu’il leur depart avec la parole, les gestes et les actions ; ny mesme apporter en iceux la ferveur de zèle que la vive-voix faict paroistre. »
21Ceci étant dit :
« Toutesfois non-obstant ces difficultez et considerations, je ne lairray de donner ces sermons que j’ay faicts en cette ville de Paris […] les ayant augmentez de plusieurs choses que la briesveté d’une heure ne me permettoit de dire. »
22En changeant sa manière de transmettre, il passe de l’instruction familière et rapide à la conception d’un « traicté », terme qu’il utilise d’ailleurs plus avant42. Quoi qu’il en soit, le nombre des éditions de sermons catholiques impressionne par son ampleur, profitant pleinement du crédit accordé à la littérature confessionnelle. Il s’agit certes d’un moyen de controverse direct ou indirect, mais plus encore d’un outil d’encadrement des fidèles de l’Église romaine. La mise à disposition de discours clés en main grâce à l’imprimerie assure certainement la renommée d’un orateur, mais donne encore une seconde vie et un écho incomparable à des textes jugés utiles. Comment, en effet, composer un sermon ordinaire, un panégyrique ou une oraison funèbre sans l’assistance de ces précieux guides ? La chose est entendue de longue date chez les catholiques43, elle est également remarquable côté réformé, même avant les efforts de promotion par Valentin Conrart des meilleurs discours donnés à Charenton44. Le prix à payer est certes important, puisqu’il s’agit presque d’une trahison du devoir de prédication même, mais le gain en vaut la chandelle, car n’oublions pas que le livre prolonge de manière muette, au sein du for privé, la prédication verbale45.
23Corriger les défauts de l’orateur constitue un autre défi commun, au-delà de la nécessaire démarcation confessionnelle. Cette dernière reste néanmoins et, pour la concrétiser, il est fréquent de disqualifier le discours de l’autre par un procédé élémentaire de dépréciation par rapport au sermon idéal. Le pasteur Du Moulin rapporte en préface à ses Trois sermons faits en presence des Peres Capucins, que ces derniers les ont publiquement qualifiés de « bons pour l’Hostel de Bourgongne46 ». À l’inverse, Jean Claude, qui fixe parfois la règle du bon concionator réformé en fonction des errances de son homologue romain, exprime
« [qu’] il faut qu’un Predicateur dans sa Tractatio, soit sage, sobre, & chaste. Je dis sage, par opposition à ces impertinents qui débitent des mots pour rire, des comparaisons burlesques, des quolibets, et des extravagances ; et tels sont une grande partie des Predicateurs de l’Eglise Romaine47 ».
24Derrière la pique d’un mauvais exemple se trouve pourtant un problème plus vaste qui ne connaît pas de frontière confessionnelle : se prêcher soi-même, s’oublier ou instrumentaliser son office, voilà autant d’attitudes correspondant à une forme d’infidélité au devoir, unanimement dénoncée. Le récollet Le Gault, dans un discours sur le devoir de « la cognoissance de soy-meme », prend justement l’exemple des orateurs sacrés, les apostrophant ainsi : « Prédicateurs […] si je me presche moy mesme, et non Jesus-Christ ; si je cherche ma gloire, et non celle de Dieu ; à chatouiller le mollet de l’oreille, et non à reprendre les vices, [par] crainte de desplaire aux hommes48 », alors le but est tragiquement manqué.
25Se fourvoyer dans le style de prédication, voilà un risque fréquent de la jeunesse. Nicolas Roland tomba dans un défaut proche, imputable à l’inexpérience et à la jeunesse d’avoir, « dans ses premiers sermons », abusé « des ornements du langage », pour avoir voulu imiter « St Pierre Chrysologue49 ». N’est-ce pas aussi ce qu’on reprochait initialement au pasteur Alexandre Morus ? À l’image de ce dernier, finalement célébré plus tard comme maîtrisant à la fois son langage et ses manières50, un tel défaut se corrige souvent avec le temps. Il est toutefois nécessaire d’améliorer la formation au sein des académies, des séminaires, des studia et noviciats réguliers, afin d’optimiser l’apprentissage du nouvel orateur. Significative est à ce sujet la lettre de recommandation rédigée par Jean Tenans, professeur d’hébreu à l’académie réformée de Montauban, pour présenter au consistoire de Metz les capacités du jeune Paul Ferry (1611) :
« Prenez aussi garde qu’en la façon d’enseigner et de prescher on suyve tousjours la simplicité et gratuité requise en la prédication de la Parole [afin de lui éviter de tomber dans la facilité] de ceux qui ayment mieux qu’on leur chatouille les oreilles par parade et fumée de langage, que non pas que par simplicité, et solidité de doctrine on édifie en piété leurs ames et consciences51. »
26Paul Ferry reçut aussi très tôt le surnom de « Bouche d’or », qualificatif qui le rapproche fortement du modèle visé, et qui semble lié à une capacité à prêcher au-dessus de la moyenne52. Sur cette vaste question des qualités d’un orateur, n’oublions pas que ses mérites sont souvent reconnus au-delà de son Église d’appartenance.
27Le souci est donc général et, pour améliorer globalement les prises de parole, des théoriciens prennent le relais. La chose est bien connue, le Traité de l’action de l’orateur de Michel Le Faucheur, le tout premier à proposer des moyens et leçons pour bien se tenir en chaire et moduler sa voix, quoique rédigé par un calviniste, connaît un succès au-delà de sa confession. « Sa réception par le lectorat catholique se laisse moins facilement vérifier » écrit Cinthia Meli, elle est néanmoins réelle et, de même que l’orateur sacré consulte les traités destinés à l’art du barreau, malgré la vive querelle qui oppose les deux grands types de discours, les adversaires confessionnels n’ignorent rien des techniques oratoires de l’autre, car ils aspirent aux mêmes53. De ce point de vue et d’une certaine manière on peut dire que, techniquement, l’homélie ordinaire d’un prêtre visant à instruire les fidèles se rapproche nettement du sermon d’un pasteur animé du même désir.
***
28Pour chaque Église, en tenant compte à la fois des moyens humains et matériels dont elle dispose, du contexte des discours également, la prédication est indéniablement un marqueur confessionnel, une manière commode de confronter les autorités et la légitimité des orateurs accrédités. Par sa médiation entre la Parole sacrée et les croyants l’écoutant ou le lisant, le prédicateur a pour mission de justifier la spécificité d’un regard sur les Écritures saintes et de donner corps et identité à une communauté. Dans cette perspective, on comprend mieux le besoin et l’importance de distinguer sur le fond et dans la forme les sermonnaires œuvrant pour des Églises rivales et concurrentes. Rien d’étonnant que l’autre soit toujours accusé d’avoir dévoyé en premier l’éloquence sacrée.
29Pourtant, derrière cette vision immédiate de dénoncer l’incapacité notoire et l’illégitimité de l’adversaire monté en chaire, les sermons sont pour tous, au sens théologique, sociologique et même liturgique, des prises de parole autorisées, toujours plus ritualisées et accompagnées d’un apparat social et technique. Les préoccupations des uns, en matière de sobriété et de transparence visant à l’efficacité de l’objectif visé, de fréquence voire de durée des sermons, plus encore dès lors qu’il s’agit de formation, de carrière oratoire et de passage à l’imprimé, sont incontestablement aussi celles des autres.
30Une approche complète de la prédication et donc des oralités, particulièrement en milieu urbain aux XVIe et XVIIe siècles, ne peut raisonnablement faire l’économie d’une étude parallèle et comparée des éloquences chrétiennes. Au-delà des dissemblances et antinomies, qui demeurent fondamentales à tel point qu’un orateur parle depuis une Église et confession, la matrice générale de l’évolution est néanmoins commune.
31Le propos a tenté de cerner une partie de ces enjeux en confrontant les attitudes des catholiques et des réformés avant et sous le régime de l’édit de Nantes. Il mériterait d’être étendu et d’abord en croisant d’autres réalités des XVIe et XVIIe siècles. En particulier, une approche mesurant ce jeu des différences et emprunts communs en chaire serait à conduire au sein des diverses familles protestantes, tout comme entre catholiques confrontés à la question théologique et pastorale de l’augustinisme – jansénisme.
Notes de bas de page
1 Wanegffelen T., Ni Rome, ni Genève, des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, Paris, Honoré Champion, 1997, p. 30.
2 Ibid., p. 31. L’anecdote est faussement datée de 1551.
3 Pithou de Chamgobert N., Chronique de Troyes et de la Champagne (1524-1594), éd. P.-E. Leroy, Reims, Presses universitaires de Reims, 1998, t. I, p. 78-79. Cette transcription corrige quelques erreurs repérées par T. Wanegffelen.
4 Dans les espaces de la France de l’Est, les cycles se constituent entre 1570 et 1630 (Simiz S., Prédication et prédicateurs en ville, XVIe-XVIIIe siècles, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2015, p. 45-49).
5 Ibid., p. 59-66, et Brian I., Prêcher à Paris sous l’Ancien Régime, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, Classiques Garnier, 2014, notamment p. 142-154.
6 Le Gault I., La saincteté de l’Eglise romaine et l’impiété calviniste en l’observation du décalogue, pour réponse au dernier désespoir et appendice de Paul Ferry, Saint-Mihiel, Du Bois, 1625, p. 443-445.
7 Il s’agit du pasteur de Charenton Jean Daillé (1594-1670). Sans doute ce pasteur n’ignore-t-il pas à quel point, parmi les genres de l’éloquence sacrée, selon les mots de Bretteville, « les panégyriques des saints sont ordinairement l’écueil des Predicateurs, et on les regarde comme ce qu’il y a de plus difficile dans l’éloquence chrétienne » (Dubois de Bretteville É., L’éloquence de la chaire et du barreau selon les principes les plus solides de la rhétorique sacrée et profane, Paris, Denys Thierry, 1689, p. 200-201). Dans cette perspective, s’inspirer quelque peu du style d’un panégyrique, c’est aussi faire la démonstration de ses qualités oratoires. Voir aussi Carbonnier-Burkard M., « Jours de fêtes dans les Églises Réformées de France au XVIIe siècle », Études Théologiques et Religieuses, t. 68-3, 1993, p. 347-358.
8 Claude J., Traité de la composition d’un sermon, I. Claude (éd.), Les Œuvres posthumes de M. Claude, Amsterdam, P. Savouret, 1688, t. I, p. 189.
9 Grosse C., « Le mystère de communiquer à Jesus-Christ. Sermons de communion à Genève au XVIe siècle », M. Arnold (dir.), Annoncer l’Évangile (XVe-XVIIe siècle). Permanences et mutations de la prédication, Paris, Cerf, 2006, p. 175 sq.
10 Claude J., Traité de la composition d’un sermon, op. cit., p. 189-190.
11 Selon l’expression désignant le théologal senlisien Muldrac, par Amalou T., Le lys et la mitre. Loyalisme monarchique et pouvoir épiscopal pendant les guerres de Religion (1580-1610), Paris, CTHS, 2007, p. 360.
12 Précision apportée dans une synthèse de la fonction rédigée au XVIIIe siècle : AD Meurthe-et-Moselle, Registres des actes capitulaires, 1751-1756, fol. 16 r°.
13 Voir à ce propos Broutin P., La Réforme pastorale en France au XVIIe siècle, Paris, Desclée, 1956, t. 1, p. 355-357 et Meyer F., La maison de l’évêque. Familles et curies épiscopales de la fin du XVIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, entre Alpes et Rhône (Savoie-Bugey-Lyonnais-Dauphiné-Comtat Venaissin), Paris, Honoré Champion, 2008, p. 271-272. Ce dernier insiste sur la constante augmentation des charges épiscopales au long du XVIIe siècle, rendant nécessaire la formalisation d’une « famille » de collaborateurs proches.
14 Engammare M., « Introduction », J. Calvin, Sermons sur la Genèse, éd. M. Engammare, Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, 2000, t. 1, p. XLVI.
15 Léonard J., Être pasteur au XVIIe siècle. Le ministère de Paul Ferry à Metz (1612-1669), Rennes, PUR, 2015, p. 70-71.
16 Martin P., Le théâtre divin. Une histoire de la messe du XVIe au XXe siècle, Paris, CNRS, 2010.
17 Voir à ce propos Weis M., « Des protestants dans les bois… Les prêches clandestins dans les Pays-Bas espagnols au milieu du XVIe siècle », V. Castagnet, O. Christin, N. Ghermani (dir.), Les affrontements religieux en Europe du début du XVIe siècle au milieu du XVIIe siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 127-138.
18 Jalabert L., « Le simultaneum en Lorraine orientale et Alsace Bossue (1648-1789) », Annales de l’Est, no 1, 2007, p. 343-363.
19 Reymond B., « Les chaires réformées et leurs couronnements », Études Théologiques et Religieuses, t. 74-1, 1999, p. 35-49.
20 Dessin reproduit dans Léonard J., Être pasteur…, op. cit., p. 66. Il s’agit d’un dessin de la main même de Ferry, lors d’une cérémonie d’imposition des mains en mai 1653 (Bibliothèque du Protestantisme français, ms. 7621).
21 Selon le suffragant Meurisse M., Histoire de la naissance, du progrès et de la décadence de l’hérésie dans la ville de Metz et dans le Pays Messin, Metz, Antoine, 1642, p. 207-208, de jeunes prédicateurs « railloient infructueusement aux despens des Ministres, publiant qu’ils avoient des cornes », que « les orloges de sable qu’ils tenoient derriere eux en preschant, estoient des diables familiers ». Le suffragant qualifie cela de « badineries ».
22 Reymond B., « Les chaires réformées et leurs couronnements », art. cit., p. 45-46.
23 Simiz S., « Une révolution de la prédication catholique en ville ? Début XVIe siècle-seconde moitié du XVIIe siècle », Histoire Urbaine, no 34, 2012, p. 33-50.
24 Le Gault I., Homélies sur les dimanches et festes de l’année, Paris, D. Moreau, 1629, p. 236, « sermon sur la mission, III. Dimanche de l’Advent ». Il s’agit ici, presque mot pour mot, d’un extrait de Raemond F. de, L’histoire de la naissance, progrès et décadence de l’hérésie de ce siècle, Paris, La Mothe, 1623, livre 6, p. 876.
25 Statuts synodaux de Jacques de Fieux, évêque de Toul, 1678, « abus et defauts dans le service divin », cités par Simiz S., Prédication et prédicateurs…, op. cit., p. 199.
26 Rusconi R., « Rhetorica ecclesiastica. La predicazione nell’età post-tridentina fra pulpito e biblioteca », G. Martina et U. Dovere (dir.), La predicazione in Italia dopo il Concilio di Trento, Rome, Dehoniane, 1996, p. 17.
27 BM Reims, ms. 595, Sermon que j’ai presché à Sedan le 29e Juin 1676, Feste de Saint Pierre.
28 Pithou de Chamgobert N., Chronique de Troyes…, op. cit., p. 66.
29 Haton C., Mémoires de Claude Haton, éd. L. Bourquin (dir.), Paris, CTHS, 2002, t. 2, p. 352, avril 1570.
30 Gœury J., « Y-a-t-il eu une querelle de l’éloquence sacrée dans les temples réformés à l’âge classique ? », J.-P. Landry (éd.), Le temps des beaux sermons, Genève, Droz – Cahiers du GADGES/3, 2006, p. 32, dénonce cette « fausse réputation » véhiculée donc par Vinet A.-R., Histoire de la prédication parmi les réformés de France au XVIIe siècle, Paris, Chez les éditeurs, 1860, mais aussi, avant lui, par Caillot.
31 Gœury J., « Y a-t-il eu une querelle… », art. cit., p. 42.
32 Ibid., p. 45-46. Les accusations portées contre le pasteur sont plus morales et politiques que rhétoriques.
33 Lettre de Jacques Couët du Vivier à son grand-père Paul Ferry, de Paris, le 23 juillet 1659, citée par Méli C., « Le prédicateur et ses doubles : Actio oratoire et jeux scéniques dans le Traité de l’action de l’orateur de Michel Le Faucheur », J.-P. Landry (éd.), Le temps des beaux sermons, op. cit., p. 131.
34 Fabbri R., « Uso della Bibbia nella predicazione dal Concilio di Trento alla fine del Settecento », G. Martina et U. Dovere (dir.), La predicazione in Italia…, op. cit., p. 51.
35 Léonard J., Être pasteur…, op. cit., p. 77-81. Voir aussi Chevalier F., Prêcher sous l’édit de Nantes : la prédication réformée au XVIIe siècle, Genève, Labor et Fides, 1994, p. 69-75.
36 Simiz S., Prédication et prédicateurs…, op. cit., p. 239-240. Le relevé est fait sur, respectivement, 1 251 et 674 citations. Parmi les autres autorités possibles, outre l’omniprésence des Pères de l’Église (35 % chez Meurier), citons les conciles.
37 Rusconi R., « Rhetorica ecclesiatica… », art. cit., p. 24 ; Henryot F., Livres et lecteurs dans les couvents mendiants. Lorraine, XVIe-XVIIIe siècles, Genève, Droz, 2013.
38 Leflon J., Un précurseur méconnu. Monsieur le chanoine Roland, Reims, s. n., [1963], p. 146-147. Ajoutons que l’évêque de Châlons Vialart de Herse dresse une liste des ouvrages non indispensables, mais utiles au curé, parmi lesquels « quelques bons sermonnaires » (Gousset T. (éd.), Les Actes de la Province ecclésiastique de Reims, Reims, L. Jacquet, 1844, t. IV, Synode de Châlons, 1657, p. 167-185, art. XIII).
39 BM Nancy, ms. (661) 1075. Cette bibliothèque se constitue depuis le XVIIe siècle, grâce à une politique de dons et d’achats.
40 Chevalier F., Prêcher sous l’Édit de Nantes…, op. cit., p. 49-50. L’absence de livres sur « l’autre » caractérise plutôt les petites bibliothèques, quelle que soit la confession observée. Elle révèle aussi une réorientation de l’art de la chaire sur la réformation intérieure du fidèle plutôt que sur les œuvres de controverse.
41 Chédozeau B., Le baroque, Paris, Nathan, 1989, p. 123, rappelle que publier des sermons implique une « trahison de la relation directe et physique entre prédicateur et auditeur devenue distanciée entre auteur et lecteur ». Ce principe explique la nécessité de réécritures.
42 Jacques Suarez de Sainte-Marie, Sermons pour les octaves du Saint Sacrement de l’autel contenant huict causes pour lesquelles n[ot]re Seigneur nous a laissé la chair et son sang reellement et substantiellement en ce tres auguste sacrement, Paris, Nicolas du Fossé, 1608, n. p. Une autre raison de la publication est de contrer certaines versions mises en vente dans Paris, apparemment sans son accord préalable, « que je des-avoue pour miens ».
43 Avant la constitution d’outils plus pratiques encore car synthétisant les sermons donnés et disponibles, telle La Bibliothèque des prédicateurs du jésuite Vincent Houdry, somme monumentale comprenant 23 volumes publiés entre 1712 et 1725.
44 Schapira N., Un professionnel des lettres au XVIIe siècle. Valentin Conrart : une histoire sociale, Seyssel, Champ Vallon, 2003. Le rôle de « publicateur » assumé par l’académicien réformé permet très concrètement de soutenir le corps pastoral en assurant promotion et connaissance de son savoir-faire rhétorique.
45 On peut rapprocher cela de l’expression de l’auteur de livres de piété Nicolas Jamin qui, après 1750, rappelle qu’« un bon livre de Morale est un docteur muet » (cité par Martin P., Une religion des livres (1640-1850), Paris, Cerf, 2003, p. 506).
46 Du Moulin P., Trois sermons faits en presence de Peres Capucins qui les ont honorez de leur presence, Genève, J. Chouet, 1641, p. 3. À propos de cette publication, voir ci-après la contribution de Christabelle Thouin-Dieuaide.
47 Claude J., Traité de la composition d’un sermon, op. cit., p. 193-194.
48 Le Gault I., Homélies sur les dimanches…, op. cit., p. 265.
49 Leflon J., Un précurseur méconnu…, op. cit., p. 132-133, lettre de Guillaume Rogier.
50 Vinet A.-R., Histoire de la prédication…, op. cit., p. 717, lettre de Gondreville à P. Ferry, Paris, 9 août 1666 : « Pour ce qui est de sa façon de prêcher, tout le monde reconnaît, ses ennemis mêmes, qu’il réussit bien. Il est grave et majestueux partout. Jamais il n’est bas, quoiqu’il ne soit pas toujours également élevé. Il a toujours du feu, mais il le ménage très bien, le faisant tantôt plus, tantôt moins paraître ; il y a un accord merveilleux entre sa parole, son geste et ses pensées. Il pratique tout ce qu’un orateur peut avoir de beau ; mais il faut pourtant avouer qu’il n’a ni votre douceur, ni votre agrément, et que, pour bien pendue que soit sa langue, elle ne l’est pas aussi bien que la vôtre. Je n’en dis pas davantage. »
51 Léonard J., Être pasteur…, op. cit., p. 59, lettre de Jean Tenans à l’Église de Metz, de Montauban, le 10 octobre 1611.
52 Ibid., p. 197-198.
53 Méli C., « Le prédicateur et ses doubles… », art. cit., p. 118-119. Elle cite comme lecteurs Richesource, Bary et Bretteville.
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