Introduction à la deuxième partie
p. 99-102
Texte intégral
1Le combat OAS entraîne la constitution progressive de réseaux d’extrême droite pérennes qui acquièrent, au cours des années 1960, une dimension européenne. Les contacts et circulations militantes, l’émergence d’une pensée d’extrême droite qui place ses objectifs au-delà du cadre strictement national, l’apparition de thématiques et de combats communs et enfin, des échanges intellectuels inédits contribuent à mettre en place des réseaux d’extrême droite initialement fondés sur des relations personnelles. L’institutionnalisation progressive de ces contacts, l’intensification du mouvement de résistance au processus de décolonisation, la difficile reconversion des activistes OAS en exil en Europe et leurs relations troubles avec certains services de renseignements déterminés à contrer, par tous les moyens, l’avancée socialiste dans le Tiers-Monde, entraînent la formation de réseaux européens qui lient notamment groupes français et italiens d’extrême droite.
2L’Espagne franquiste et le Portugal salazariste accompagnent de leur bienveillance le développement et l’implantation de ces activistes sur leur sol. Ces régimes autoritaires font figure d’isolats protecteurs pour d’anciens « ultras », marginalisés politiquement, marqués par l’échec de leur combat et exclus par le régime gaulliste de la communauté nationale. Ils participent à la création de réseaux activistes internationaux impliqués directement ou indirectement dans la vague d’attentats qui touche l’Italie dans les années 1970.
3De 1969 à 1982, l’Italie est en effet marquée par une série d’attentats à la bombe1 – les stragi – destinés à maintenir l’axe politique italien au centre ou à droite, contre un péril communiste subversif supposé. Attribués dans un premier temps aux anarchistes ou plus généralement aux forces de gauche, ces attentats aveugles et meurtriers sont en réalité l’œuvre d’activistes d’extrême droite étroitement liés à certains secteurs occultes de l’État italien2. Comme le souligne Hervé Rayner, « les liens très étroits entre organisations terroristes néofascistes et des responsables des structures de sécurité invitent à parler de coproductions, même s’il s’agissait plus de collusions ponctuelles et ambivalentes que d’un programme stratégique élaboré une fois pour toutes3 ». Il ne s’agit pas de dessiner une histoire linéaire qui relierait, en droite ligne, l’OAS aux stragi italiennes, mais de mettre en évidence des itinéraires individuels concordants, insérés au sein de réseaux fluctuants. Au-delà des recompositions générationnelles qui affectent le milieu et en modifient la composition, les contacts et amitiés noués au début des années 1960 perdurent, se reconstituent, et entraînent la formation de réseaux de solidarités militantes.
4C’est ainsi à la faveur de la constitution d’une « communauté de combat » occidentale que se forment des réseaux internationaux d’extrême droite liés aux anciens militants OAS et dans lesquels ont été impliqués certains militants italiens d’extrême droite qui passent à la lutte armée dans les années 1970. De 1969 au début des années 1980, les Français d’extrême droite firent bénéficier à leurs camerati italiens des soutiens idéologiques et logistiques.
Notes de bas de page
1 Les attentats les plus meurtriers sont : la strage de Piazza Fontana à Milan, attentat perpétré le 12 décembre 1969 qui fit 16 victimes et 8 blessés ; la strage de Peteano le 31 mai 1972 tue trois carabiniers ; la strage de Brescia le 28 mai 1974 cause la mort de huit personnes et fait quatre-vingt quatorze blessés ; la strage du train Italicus, le 4 août 1974 fait douze morts et cent-cinq blessés ; la strage de Bologne, le 2 août 1980 (quatre-vingt cinq morts, cent-soixante-dix-sept blessés).
2 Ferraresi Franco, Minacce alla democrazia, Milan, Feltrinelli, 1995, p. 171-172. Dondi Mirco, L’onda del boato, Bari-Roma, Laterza, 2015.
3 Rayner Hervé, « Protéger, subir et réprimer : la délicate “gestion” du terrorisme par l’État italien durant les “années de plomb” », inLazar Marc, Matard-Bonucci Marie-Anne, L’Italie des années de plomb. Le terrorisme entre histoire et mémoire, Paris, Autrement, 2010, p. 49.
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