Chapitre III. Une « communauté de mémoires » : postérité de la lutte OAS en Italie
p. 73-98
Texte intégral
1Le combat OAS demeure, tout au long de l’existence de l’organisation, exclusivement français, et ce malgré l’engagement de quelques individus qui ne sauraient laisser penser que les activistes français bénéficièrent d’un soutien opérationnel étranger, susceptible de modifier les rapports de force en présence en Algérie. Toutefois, à mesure que les mois passent et que le gouvernement français se résout progressivement à l’indépendance de l’Algérie, le conflit acquiert, pour l’extrême droite italienne, une dimension européenne. Dès lors, et jusqu’aux années 1970, l’OAS constitue en Italie une matrice du combat nationaliste, tandis qu’il est dans le même temps progressivement décrié et que son héritage est parfois rejeté par certains groupes de l’extrême droite française, qui entretiennent pourtant d’étroites relations avec les Italiens. Les activistes OAS participent de l’européanisation d’un patrimoine idéologique commun à l’extrême droite, grâce à la diffusion, en Italie, de périodiques qui soutiennent directement ou indirectement la cause de l’OAS. Les Italiens érigent les « paras » et l’« OAS » en mythes matriciels et contribuent ainsi à favoriser, de part et d’autre des Alpes, des circulations, des transferts idéologiques et culturels qui nourrissent des constructions identitaires et des mémoires communes d’extrême droite.
Mythe « para », mythe « OAS ». L’extrême droite italienne et l’« Algérie française » (1962-1972)
2Le 7 avril 1962, la section de Catanzaro d’Ordine Nuovo diffuse un tract au message éloquent :
« Étudiants ! Pendant qu’en Algérie, comme hier en Indochine, la plus belle jeunesse française, avec les légionnaires et les « ultras » tient haut le drapeau de la civilisation européenne en se battant jusqu’à la dernière goutte de sang contre ceux qui entendent […] céder le dernier bastion européen en Afrique aux hordes de la “révolution de couleur”, le Communisme, avec la complicité des sans-patrie et des nègres ad honorem de notre démocratie […]. Jeunes, […] souvenez-vous que le sang français est sang européen ! En Algérie, on combat et on meurt pour l’Europe à laquelle vous appartenez. […] L’Algérie doit être restituée à l’Europe. »
3Prenant acte de la signature des Accords d’Évian, le centro studi Ordine Nuovo fait sien le combat de l’OAS en opérant un déplacement sémantique : désormais, l’Algérie est « européenne ». Ce changement de perspective permet aux militants d’extrême droite italiens de se réapproprier le combat « Algérie française ».
Un soutien durable : « rendre le passé contemporain1 »
4Le mythe OAS a ainsi contribué à la formation d’un discours franco-italien de soutien à la lutte pour l’Algérie française, qui, comme en ont témoigné unanimement les militants italiens interrogés, semble avoir dépassé la rivalité coloniale franco-italienne2, point d’achoppement entre les deux pays jusqu’à l’indépendance de la Tunisie en 1956. Toutefois, cet oubli – relatif – d’une rivalité séculaire doit être nuancé : ces thématiques apparaissent en creux dans les périodiques étudiés. Mais l’accusation porte davantage sur la Grande-Bretagne, jugée responsable de l’expulsion de l’Italie de la Libye, que sur une France relativement épargnée par les critiques. Selon les auteurs, « l’erreur impardonnable commise par l’Angleterre (plus que par la France) » serait d’avoir rompu un équilibre difficilement maintenu de l’Atlas au Canal de Suez. Si le journaliste ne méconnaît pas l’émergence des revendications nationalistes au Maghreb dès les années 1920, il minimise leur rôle pour mieux accabler la Grande-Bretagne : la proclamation du Royaume de Libye en 1951 aurait encouragé les revendications tunisiennes3.
5 Ordine Nuovo voit resurgir, en janvier 1964, cette animosité italienne à l’égard des puissances européennes qui s’opposèrent à leur politique coloniale, pour mieux insister sur la nécessité de dépasser cette rivalité. Pino Rauti, qui a été élevé sous le fascisme et a vécu l’aventure coloniale italienne des années 1930, s’exprime ainsi :
« Nous qui avons depuis longtemps distingué l’impérialisme du colonialisme4 […], nous pourrions également dire que les aventures négatives des Français, des Anglais et des Belges nous intéressent fort peu. Ils s’y opposèrent au temps de la guerre de Libye, tentèrent de nous étrangler économiquement avec des sanctions au temps de l’entreprise d’Éthiopie, ils tentèrent de nous sortir de la Somalie5 et de l’Érythrée en y fomentant des désordres et en formant des guerriers et pillards. Et alors qu’ils se gardent les coups de pied des musulmans et des nègres. […] Mais nous voudrions que ce mode de pensée, trop simple, trop superficiel, trop lié à la réaction épidermique des débats qui ont fait suite à la Seconde Guerre mondiale, soit banni de nos rangs. »
6À travers cette évocation, Pino Rauti rend le passé contemporain. Une partie de son lectorat a peut-être éprouvé cette humiliation mêlée d’esprit de revanche que les militants se défendent aujourd’hui d’avoir pu ressentir.
7Au-delà de cette ancienne rivalité, Ordine Nuovo manifeste régulièrement, de 1962 à 1965, son soutien aux Français d’Algérie puis à ceux qui se réclament de ce combat. Cette bataille est considérée comme un élément de la défense d’une « présence blanche » en Afrique. Dans le même article de 1964, Rauti manifeste sa solidarité à l’égard de tous les Européens d’Afrique : il apporte son soutien verbal aux Belges du Congo, aux Portugais et aux Sud-Africains « dernier bastion assiégé par l’incompréhension du monde entier ». Selon lui, la présence européenne en Afrique ne peut en aucun cas avoir eu un quelconque effet néfaste sur le continent car les Européens n’y auraient « rien “volé” et [l’auraient] encore moins exploité6 ».
8Le second groupe extra-parlementaire qui exalte l’OAS, après l’indépendance de l’Algérie, est la section italienne de la « Jeune Europe » de Jean Thiriart, « Giovane Nazione ». Les thèses européistes, anticommunistes et anticapitalistes de Jean Thiriart connaissent en effet au début des années 1960 un écho certain chez une partie de la jeunesse européenne, déçue par la politique menée par les partis d’extrême droite. L’organisation internationale séduit une partie de l’extrême droite italienne et elle soutient ouvertement le combat OAS. Entre les mois d’août 1963 et de juillet 1965, des tracts en langue française, intitulés « Vérité et Liberté », imprimés à San Remo, sont distribués aux touristes français de passage sur la côte ligure7. Les autorités italiennes identifient rapidement leur auteur : il s’agit du responsable de la section Giovane Nazione de Bordighera, petite ville côtière située à quelques kilomètres de la frontière française. Il y dénonce la politique du général de Gaulle, à l’origine de « l’Algérie fellagha », la supposée invasion de la France par « un million d’Algériens », alors qu’un million de Français auraient été chassés d’Algérie8.
9 Ordine Nuovo participe activement à la construction et à l’exaltation du mythe OAS. En février 1963, la revue dénonce la stigmatisation dont l’organisation secrète aurait fait l’objet dans la presse nationale et internationale. Selon l’auteur, elle a suscité l’intérêt des éditorialistes qui voyaient dans l’OAS le « véritable danger pour le salut du monde et de la démocratie, le monstre qui tentait d’agresser les citoyens pacifiques […], le serpent horrible qui menaçait d’étrangler dans ses anneaux tout le progrès de l’humanité ». Il déplore que cette « téméraire et splendide volonté de résistance de l’Europe dans cette Afrique qui lui doit toutes ses infrastructures, [ait] été brisée par le progressisme mondial associé, comme toujours, au bolchevisme ».
10Le combat activiste en Algérie est en outre défini par Ordine Nuovo comme la « tragédie de l’honneur et de la fidélité à un drapeau9 ». En réalité, comme l’écrit Eugen Weber : « en Algérie et concernant l’Algérie, toutes les parties font appel à l’honneur » et la tentative de réappropriation de ce concept est un enjeu d’autant plus important pour les extrêmes droites française et italienne que, dans les deux pays, la « Résistance fut identifiée à la défense de l’honneur : honneur national […] mais aussi honneur personnel10 ».
11L’enjeu est donc de taille : il s’agit pour les militants de se réapproprier, face aux héros de la Résistance honnie, une valeur qui appartient historiquement et fondamentalement à leur patrimoine identitaire. Le contexte historique, marqué en France comme en Italie, par une série d’humiliations internationales et de camouflets, renforce la nécessité impérieuse de ce recours exclusif à l’honneur. Or, « entre l’honneur et le déshonneur, il n’existe guère d’intermédiaire. Les notions sont systématiques et globalisantes » et de ce fait, « toute attaque remet en cause, entièrement, l’intégrité de l’individu11 ». L’honneur interroge donc l’existence même du militant.
12Dans le conflit algérien, la notion d’honneur associée à celle du « respect de la parole donnée12 » à l’égard des harkis est constamment invoquée par les activistes OAS, comme justification du combat mené. Le couple honneur/déshonneur, auquel s’ajoute celui qui oppose la traîtrise à la fidélité, structure donc fondamentalement l’imaginaire politique des activistes. Foncièrement négative, la figure du traître s’érige en contremodèle militant et contribue à renforcer la vision bipolaire et antagoniste du champ politique et plus largement, du monde de l’extrême droite13. L’honneur renvoie à un idéal masculin, mais également à un univers chevaleresque très présent dans les mentalités de l’extrême droite italienne. Levier de l’histoire, l’honneur, idéal moral, désigne également une conduite et renvoie à toute une série de définitions et de référents mythiques : l’honneur des guerriers spartiates et romains pour qui, selon les mots d’Aristote, « il est honteux de fuir14 », fait écho à celui des chevaliers de la chanson de geste. L’extrême droite valorise en effet un honneur combattant très proche de celui mis en scène par la Chanson de Roland, incarnation de l’idéal chevaleresque : le courage, la vaillance et l’intrépidité sont valorisés. Peut-être encore davantage que l’honneur médiéval de Roland, c’est au vieux concept germain de Ehre (honneur ou réputation aux yeux d’autrui) que se réfèrent les activistes. L’invocation de la défense de l’honneur est mobilisée car elle justifie le recours à la violence physique et éventuellement, à l’illégalité15.
13Après les activistes, ce sont les harkis qui sont l’objet de toute la sollicitude et de la révolte des extrémistes italiens durant l’année 1963. Dès le mois de février, Ordine Nuovo dénonce la vraie tragédie, celle des « fidèles musulmans, [des] harkis16 » dont la situation est comparée à celle des anciens combattants de Salo’, à la fin du second conflit mondial :
« Nous, Italiens, nous pouvons aisément imaginer ce qui se passa ensuite : le déchaînement des plus bas instincts de férocité bestiale et de cruauté sur les femmes et les enfants, coupables seulement d’avoir servi avec fidélité et honneur un drapeau jusqu’à l’extrême limite. […]. Tout ce qu’un homme pouvait faire à un autre homme a été effectué sur les harkis, qui viennent ainsi allonger la liste, déjà trop longue, des victimes de la cruauté rouge. »
14L’auteur passe sous silence les exactions commises par les fascistes de Salo’ pour mieux mettre en avant les crimes communistes, dans le contexte de guerre civile qui marqua le Nord de l’Italie durant les derniers mois de guerre17. La barbarisation de l’adversaire et l’emploi de termes à connotation stigmatisante mettent en lumière la radicalité de l’affrontement politique et la charge émotive liée à l’évocation de ces conflits. Il insiste en outre sur la fidélité et l’honneur dont auraient fait preuve les soldats de Salo’18, deux mots qui constituent une référence explicite, pour un lectorat d’extrême droite, à la devise SS : « Notre honneur s’appelle fidélité. » Reprise par Ordine Nuovo, la formule figure sur tous les numéros de la revue. Les SS, et à leur suite, les soldats de Salo’, parés des vertus essentielles de la virilité, incarneraient ainsi un idéal masculin, symbole de régénération nationale19, et, pour une extrême droite hantée par le spectre communiste, de résistance à la subversion.
15Les harkis ne sont pas les seuls à bénéficier de la sollicitude des Italiens. Ordine Nuovo dénonce également le traitement qualifié d’indigne réservé par les autorités françaises aux anciens officiers « Algérie française » et fait l’éloge de leur supposé sacrifice pour la cause. De nouveaux martyrs sont ainsi intégrés au sein du panthéon de l’extrême droite italienne. Clemente Graziani, dirigeant d’Ordine Nuovo, prend lui-même la plume, en avril 1963, pour exalter la lutte menée par l’organisation secrète et le souvenir du départ des Français d’Algérie, contraints, selon lui, par les institutions internationales à l’abandon de leurs terres. Il exalte l’engagement des « officiers français, de Salan et Jouhaux, de Zeller à Gardy, de Broizat à Argoud, à Gardes, à Godard, à Denoix de Saint-Marc qui se sont sacrifiés dans la tentative désespérée de conserver pour la France et l’Europe les terres de l’Algérie française20 ». La mention de Zeller, Challe et Denoix de Saint-Marc, qui participèrent à l’organisation du putsch d’Alger, mais ne furent jamais membre de l’OAS, met en lumière un certain amalgame, voire une méconnaissance de la composition – certes complexe –, de l’organisation. C’est certainement la puissance mobilisatrice du mythe qui est ici invoquée, sans qu’une connaissance précise des individus évoqués ne soit nécessaire21.
16Parallèlement, le périodique exalte la figure de Bastien-Thiry, condamné à mort « par de Gaulle » pour l’attentat du Petit-Clamart. Sa mort est associée au « sacrifice » de Piegts, Dovecar et Degueldre « dont le comportement fut si héroïque que le peloton d’exécution hésita longtemps avant d’ouvrir le feu22 ». La dimension sacrificielle de ces exécutions transfigure la mort des activistes, et leur donne un sens supérieur, encore amplifié par l’héroïsation des condamnés.
17Ordine Nuovo n’est pas le seul groupe à faire l’éloge des martyrs de l’OAS : les formazioni nazionali giovanili tentent d’organiser le 18 mars 1963 à Rome une messe à la mémoire de Bastien-Thiry, qualifié dans un tract d’« héroïque combattant pluridécoré » dont la vie fut fauchée par le « plomb gaulliste ». Ils se heurtent toutefois à l’opposition du vicariat de Rome, mais passent outre. Conformément à un rituel fasciste, ils se réunissent autour de l’autel, scandent le nom du colonel Bastien-Thiry et répondent par l’injonction « présent » en faisant le salut fasciste23. Le « culte des morts au champ de bataille, des martyrs » qui « occupait une grande place dans la liturgie politique fasciste » est ainsi repris, à l’identique et ritualisé24. Il met en lumière la réappropriation du combat OAS par les militants italiens. Cette mise en scène est doublée de la publication d’un tract, dans lequel les militants revendiquent « le droit à l’insurrection et à la lutte contre la tyrannie25 », reprenant la rhétorique martyrologique développée par l’OAS. La ritualisation de l’injonction « présent », partagée par les Français26, contribue en outre à empêcher l’ensevelissement d’un passé tandis que la mort est, dans un même mouvement, exaltée et niée.
18La dimension sacrificielle de ce combat et son héroïsation comportent en outre un rôle mobilisateur. En 1964, deux ans après la fin du conflit algérien, le dirigeant du centro studi Ordine Nuovo met en lumière la pérennité de ce mythe mobilisateur. Il s’exprime ainsi :
« Les jeunes qui ne s’enthousiasment pas outre mesure à propos de la “polémique” sur la frontière entre l’Italie et l’Autriche, sont les mêmes qui en revanche s’enthousiasmèrent énormément pour l’action de l’OAS en Algérie et en France. Et certains firent suivre les actes aux paroles, ils fournirent armes et explosifs, ils aidèrent à l’expatriation des paras et des légionnaires condamnés à mort par les tribunaux gaulliens et des milliers de jeunes étaient prêts à en faire autant si seulement les liaisons avaient été meilleures et s’ils en avaient eu le temps. […] Si les parachutistes étaient partis d’Alger et avaient occupé Paris, et si, en France, la guerre civile avait éclaté, cinquante mille volontaires au moins seraient partis combattre depuis l’Italie – à la faveur de cette révolution nationale contre le régime des partis de la IVe République27. »
19S’il est probable que le centro studi Ordine Nuovo ait aidé matériellement l’OAS, il apparaît en revanche parfaitement impossible qu’il ait été, à un quelconque moment de son existence, capable de mobiliser un nombre aussi important de militants. Il est particulièrement difficile d’évaluer précisément le nombre de militants du groupe, celui-ci ayant créé une structure parallèle secrète et opérationnelle, mais nous disposons toutefois de plusieurs éléments qui nous permettent de chiffrer les adhésions à ce groupe. Jusqu’en 1960-1961, Ordine Nuovo comptait environ 150 militants actifs sur l’ensemble du territoire italien28. En 1968, le groupe est constitué, selon Pino Rauti, de 3 000 militants actifs. Il est indéniable que le groupe a fortement étendu son influence et son implantation sur le territoire italien, notamment grâce à l’octroi de fonds par les services de renseignements espagnols, mais une telle augmentation paraît quelque peu surévaluée29.
20Le mythe OAS, doublé de celui des « paras » de la Légion étrangère, perdure dans les années 1960 et sa postérité s’étend jusque dans les années 1970 où il réapparaît périodiquement dans les publications et tracts diffusés par les groupes d’extrême droite. La culture du refus qui imprègne les mentalités des militants d’extrême droite, et plus spécifiquement celle des franges extra-parlementaires de ce milieu, explique en partie l’adhésion au mythe et l’écho qu’il trouve dans ses périodiques. La notion de résistance, qui se manifeste plus particulièrement à l’égard du « système », est ainsi au cœur de la construction politique et culturelle des individus qui gravitent au sein de l’extrême droite.
21En 1971, la section de Trente d’Avanguardia Nazionale30, groupe d’extrême droite qui domine avec le Movimento Politico Ordine Nuovo31 les milieux extra-parlementaires terroristes italiens au début des années 1970, fait l’éloge, dans un tract, des « camerati de l’OAS, dernier rempart (dans la guerre d’Algérie) contre l’action désagrégeante du monde marxiste32 ». Neuf ans après la fin de la guerre d’indépendance algérienne, l’OAS demeure une référence pour les groupes terroristes italiens.
22La postérité du mythe Algérie française, sa permanence, son caractère quasi fondateur pour une génération de jeunes militants d’extrême droite entrés en politique au début des années 1960, est d’autant plus surprenante que les groupes français, proches idéologiquement des périodiques italiens étudiés, n’hésitent pas à critiquer pour certains le combat Algérie française, pour d’autres la stratégie adoptée par l’OAS. Dans son ouvrage paru en 1961 Qu’est ce que le fascisme ?, Maurice Bardèche, antisémite convaincu, invite les activistes de l’OAS à s’interroger sur le sens de leur combat33. Il regrette que les activistes ne se soient pas « demand[és] si, en défendant l’Algérie, ils ne défendaient pas aussi des intérêts de la démocratie ploutocratique ». Fervent défenseur du nationalisme arabe considéré comme une troisième force susceptible de bousculer le partage idéologique et bipolaire du monde, Bardèche regrette que les militants français de l’OAS n’aient pas compris que les nationalistes algériens étaient susceptibles d’établir un régime autoritaire, indépendant de Washington et de Moscou34.
23Le décalage chronologique entre les prises de position italiennes et les débats qui animent l’extrême droite nationaliste à propos de l’OAS sont manifestes. Les Italiens paraissent imperméables à la déconstruction du mythe OAS, qui marque pourtant profondément l’itinéraire d’anciens activistes et l’ensemble de l’extrême droite française. Outre Défense de l’Occident, l’exemple le plus frappant est celui du mensuel Europe-Action. Créé par Dominique Venner en 1963, assisté à la rédaction par Jean Mabire, Alain de Benoist, Amaury de Chaunac-Lanzac35, Jacques Ploncard d’Assac ou Gilles Fournier, ce mensuel de 80 pages en moyenne qui tire à 10 000 exem-plaires, rassemble des militants issus de Jeune Nation, de la Fédération des Étudiants Nationalistes et d’anciens activistes OAS. Il participe du renouvellement doctrinal de l’extrême droite nationaliste dans les années 1960. Fortement influencé par le racialisme européen, Europe-Action défend l’idée d’une supériorité des peuples blancs et dénonce la société technocratique et matérialiste qui serait le symptôme de la domination capitalo-communiste sur le monde.
24Alors qu’Ordine Nuovo et Europe-Action entretiennent d’étroites relations, les deux revues divergent dans la mystification du combat OAS. Tandis que Dominique Venner et Europe-Action attribuent une place conséquente à l’évocation du souvenir de l’activisme, mais se dispensent d’exalter cette expérience fondatrice et son imaginaire, objet de leur regard critique, Ordine Nuovo demeure fidèle à cette mystique du combat perdu et héroïque qu’incarnait l’organisation secrète. Dès mars 1963, Europe-Action souligne les limites du combat de l’OAS et critique fermement sa stratégie. Il prend clairement parti contre l’assassinat du général de Gaulle, qui, nous l’avons vu, s’est peu à peu imposé comme l’unique objectif d’activistes en déshérence36.
25L’omniprésence de l’évocation du « drame algérien » dans les colonnes d’Europe-Action se double en réalité d’une critique féroce à l’égard de l’action et de la stratégie de l’organisation secrète choisies par Jean-Jacques Susini. Il est rendu responsable, par les rédacteurs d’Europe-Action, de la mort de Michel Leroy et de René Villars37 et de ce fait, l’objet de critiques acerbes. L’évocation distante et critique de certains choix politiques de l’OAS n’exclut pas de soutenir les activistes en procès, d’honorer les « martyrs » de l’OAS38.
26La revue ne cesse, d’autre part, de promouvoir une campagne pour l’amnistie des combattants Algérie française, d’évoquer la situation parfois dramatique des pieds-noirs rapatriés et de manifester son indignation contre les conditions de détention dans les prisons françaises, donnant lieu à la publication de nombreux articles et à un « dossier noir des prisons39 ». Elle manifeste également son soutien répété et omniprésent à d’anciens activistes emprisonnés, notamment en leur ouvrant ses colonnes40.
27Au-delà de cette prise de distance avec une certaine OAS, le mythe « para » est évoqué durant toute la période de publication de la revue. Le parachutiste, qui « symbolise les vertus viriles et le réflexe vital de l’homme européen41 » est érigé en modèle masculin. En France, au sein de la tendance nationaliste, seul le mouvement Jeune Révolution, créé par Pierre Sergent en 1966, se réclame encore pleinement de ce combat. L’évocation et la pérennité de cette constellation de mythes – « para », OAS, Algérie française – par des tendances diverses de l’extrême droite italienne, constitue ainsi une spécificité nationale de la péninsule. Le combat OAS inaugure une série de réappropriations de mythes communs et la formation d’une mémoire militante similaire des deux côtés des Alpes. Le mythe du « para » se rattache à celui du guerrier dorique, en son temps mobilisé par les SS d’Himmler42, du chevalier du Saint-Empire romain germanique, du légionnaire de la RSI. Le mythe de l’OAS se rattache quant à lui au combat d’une minorité avant-gardiste pour une cause perdue.
28Comme l’écrit Pierre Nora lorsqu’il étudie l’avènement d’une conscience générationnelle, « cette immersion dans l’histoire profonde est absolument indissociable de l’émergence vive d’une continuité. Pas de sélection de mémoire sans résurrection d’une autre mémoire43 ». Indéniablement, le « mythe politique est l’instrument de reconquête d’une identité compromise44 ».
Combats, mémoires et mythes politiques communs
Des combattants européens héritiers des combats passés
29Les militants d’extrême droite, en France comme en Italie, entretiennent avec l’histoire, avec leur histoire et sa mémoire, un rapport complexe. Comme l’écrit Henry Rousso à propos de Rivarol, ces idéologies « entre-tien[nent] des relations presque pathologiques avec le passé45 », associant déni d’héritage et instrumentalisation d’un passé parfois dévoyé qui est toutefois constitutif d’une identité commune des extrêmes droites, de part et d’autre des Alpes. L’héritage renvoie également à la filiation et au positionnement des militants par rapport aux générations précédentes et aux expériences politiques passées. Par-delà la discordance des temps, ce sont donc les effets de continuité et de discontinuité, de reconstruction, de transmission qui nous sont donnés à voir.
30L’analyse faite par Jean Birnbaum de la transmission révolutionnaire chez les militants trotskistes peut être en partie appliquée à notre objet d’étude : les minorités d’extrême droite sont en effet marquées par un impératif de transmission, de continuité, par le souvenir des vaincus, une fidélité aux textes sacrés et sans doute également, à des degrés divers selon les groupes, une reconnaissance de dette à l’égard des aînés46. Ils entretiennent un rapport très intense à la mémoire, qui contribue à structurer un milieu dans lequel les liens personnels revêtent une importance cruciale. Se manifestant par un « certain art d’hériter » de références historiques et mémorielles47, ces militants créent un patrimoine commun aux extrêmes droites françaises et italiennes.
31Le nationalisme connaît dans les années 1960, en Europe, une mutation fondamentale : ayant pris acte de l’échec des luttes nationales, dont le combat algérien a constitué l’ultime exemple, le combat nationaliste ne peut désormais s’entendre qu’à l’échelle européenne. Un nouveau mot d’ordre traverse les minorités nationalistes européennes et interpelle ses militants : « Europe, réveille-toi », repris de part et d’autre des Alpes. La défense de l’Europe apparaît dès lors comme le seul rempart contre le « défaitisme mondial » et « l’expansionnisme de Moscou48 ». Dans ce contexte de renouvellement idéologique, l’ouvrage du belge Thiriart, Un Empire de quatre cents millions d’hommes, fait figure de texte fondateur pour toute une frange révolutionnaire de l’extrême droite européenne, qui prend conscience de partager un patrimoine idéologique commun et multiplie les contacts. Le continent ici désigné ne se limite toutefois pas aux seules frontières de l’Europe Occidentale. L’Europe de Thiriart, qui s’étend de « Brest à Bucarest », inclut les territoires situés au-delà du rideau de fer49. Un deuxième ensemble géographique s’impose, à la faveur des derniers combats coloniaux et du renforcement d’une pensée raciste : l’Occident.
32Le MSI est progressivement influencé par cette idéologie nouvelle qui touche avant tout sa jeunesse. Ce nouvel horizon favorise son ouverture et l’intérêt qu’il porte aux groupes et partis-frères européens. Europe-Action, dont le titre est significatif de la perspective et du programme que s’approprient les nationalistes, affirme qu’en ce début des années 1960, « il y a des hommes qui croient au destin nouveau d’une Europe50 ». Ils dénoncent la technocratie, qui emprunte les aspects les plus variés, allant de la dictature militaire à la démocratie parlementaire, mais qui partout serait dominée par les maîtres de l’économie51.
33Maurice Bardèche, qui occupe une place singulière au sein de l’extrême droite française, défend la constitution d’une Europe nationaliste dans la continuité du « rêve des puissances fascistes d’avant-guerre de constituer un Empire européen ». Pour Bardèche, les nations européennes ne pourraient retrouver leur puissance perdue en 1945 qu’au sein de cet « Empire d’Europe » susceptible d’assurer leur défense et leur liberté52. La défaite de 1945 structure fondamentalement son imaginaire et celui de nombreux groupes d’extrême droite des deux côtés des Alpes. Son impact traumatique est matriciel dans la structuration de la pensée et la construction de la mythologie politique des militants d’extrême droite dans l’après-guerre.
34Le refus de l’ordre mondial instauré par la conférence de Yalta est largement partagé par les groupes étudiés, en France comme en Italie, que ceux-ci appartiennent à la frange parlementaire ou aux groupes qui s’inscrivent dans le courant nationaliste-révolutionnaire. Le rapport à l’histoire de ces groupes, le souvenir de cet « événement fondateur – ou dévastateur » hautement traumatique, participe de l’ensemble de références et de valeurs communes qui contribuent à former leur culture politique53. Ordine Nuovo qualifie l’année 1945 d’« année de disgrâce », marquée par la partition de l’Europe en deux hémisphères54. Pour Europe-Action, ces accords ont scellé le dépassement supposé de l’opposition du communisme et du capitalisme, désormais alliés. Le tableau repoussoir de « l’Europe de Yalta », divisée en deux blocs, structure la vision du monde et l’analyse géopolitique des groupes étudiés dans les années 1960. Implicitement, la rupture de Yalta renvoie à un passé qui fait figure d’âge d’or. La destruction de l’ordre de Yalta permettrait, dans l’imaginaire porté par la revue, la formation d’un monde dominé par ces « hommes libres d’Occident » qui aboliraient le règne de la conscience universelle55.
35La dimension européenne du combat nationaliste favorise en outre les contacts et échanges entre groupes et mouvements des différents pays d’Europe. En 1965, Europe-Action exprime sa satisfaction en constatant que la revue « n’est pas seule à défendre la réalité européenne » : « le travail que nous faisons en France, d’autres revues ont entrepris de le faire dans chacune des terres d’Europe ». L’auteur se félicite de cette communauté de combat nouvellement créée, « en dépit de la situation particulière de leur pays, en dépit de la différence des sources nationalistes, des divergences de méthode ». Ludivine Bantigny, dans sa réflexion sur l’héritage en politique, souligne l’importance du processus par lequel « une simple population devient une communauté », ce qu’illustre parfaitement le propos tenu dans Europe-Action en guise de conclusion : « notre meilleur atout est aussi le leur : la communauté de notre héritage56 ». Or, comme l’écrit Pierre Nora, « le fond de mémoire d’une génération est moins fait de ce qu’elles ont vécu ensemble que ce qu’elles n’ont pas vécu. C’est ce qu’elles ont en commun derrière elles, à jamais fantomatique et lancinant, qui les soude, bien plus sûrement que ce qu’elles ont devant elles, et qui les divise57 ». Toutefois, alors qu’Ordine Nuovo se construit un patrimoine mémoriel qui fait référence à l’Empire romain, à Sparte, au Saint Empire Romain Germanique, à l’exaltation de la lutte des Gibelins contre les Guelfes, à l’Europe d’Hitler, à la Division Charlemagne, aux volontaires de la RSI, à la guerre d’Algérie et à ses paras, Europe-Action ne revendique cet héritage qu’avec parcimonie.
Les mémoires divergentes de la Seconde Guerre mondiale
36« L’acte d’hériter distingue et retient, interprète et sélectionne, puis finalement adopte et délaisse dans le même mouvement58 ». À partir de 1960, Ordine Nuovo assume ses origines militantes, sans toutefois exalter les combats passés comme ce fut le cas dans la première série de publications, de 1956 à 1959. Le groupe se contente désormais de se réclamer de la RSI pour mieux condamner la politique d’insertion dans le système menée par le MSI. Le parti est accusé d’être sur le point de rompre « ce cordon ombilical qui [les] liait avec le ventennio59 ». Davantage encore que l’expérience de gouvernement du ventennio60 fasciste, c’est en effet « la RSI [qui] a joué un rôle central dans l’imaginaire politico-culturel du néofascisme italien ». Toute l’extrême droite italienne fut marquée par ce mythe, « opposant quasiment le moment héroïque d’un fascisme combattant au prosaïsme d’un ventennio grevé par des hypothèques conservatrices61 ».
37Dans les années 1960, la culture politique néofasciste s’identifie plus aisément à l’« isolement du guerrier » de la RSI qu’au régime fasciste. Pour le « néofascisme auto-ghettoïsé et minoritaire, une culture fasciste devenue majorité était inutilisable sur le plan de l’imaginaire politique ». En Italie, les militants d’extrême droite se qualifient en effet d’« étrangers dans leur patrie62 » et s’estiment persécutés par un régime qu’ils exècrent. Ce terme, employé des deux côtés des Alpes, est étroitement lié au « système », voué à la destruction par un contre-modèle de société organique, hiérarchique et autoritaire promu par les groupes nationalistes-révolutionnaires. Parallèlement, en France, Europe-Action affirme que l’opposition nationale forme un « milieu paria » et exalte le rôle mobilisateur des minorités agissantes en prise directe sur le peuple63. Les effectifs limités de ces groupes, la ghettoïsation – auto-ghettoïsation – politique, l’extranéité revendiquée à l’égard de l’ensemble de la communauté nationale renforce le sentiment d’appartenance au groupe dont l’existence serait menacée. Le groupe devient dès lors un élément matriciel de la définition existentielle des militants, particulièrement pour les plus jeunes d’entre eux. Le militant nationaliste, en France comme en Italie, dans les colonnes d’Ordine Nuovo comme dans celles d’Europe-Action, doit être un homme nouveau, comme les fascismes l’avaient suggéré durant l’entre-deux-guerres. Pour le périodique italien, cette figure correspond en réalité, dans une perspective évolienne, à celle de l’« homme traditionnel, l’homme éternel et de toujours64 », conférant ainsi une dimension intemporelle à ce révolutionnaire qui s’incarne dans le passé pour mieux être projeté dans le présent et le futur. Ce militant serait totalement impliqué dans la lutte politique, qu’il affronte « avec l’esprit des combattants de race, disposés à tout pour atteindre le succès, risquant à tout moment et de toute façon sa vie et ses intérêts au service de l’Idée65 ». L’homme nouveau préfigure l’avenir et devient, dans le discours de Fabrice Laroche, un « citoyen-soldat » qui sait où il va et se conforme à l’éthique de l’honneur66. Pour les Français d’Europe-Action, comme pour leurs collègues italiens, l’éthique nationaliste renvoie à une conception globale de la politique qui serait à la fois traditionnaliste et révolutionnaire67.
38Le jeune Laroche participe ainsi indéniablement de cette définition nouvelle du militant nationaliste qui émerge dans les années 1960. Vraisemblablement influencé par la philosophie évolienne, Europe-Action fait référence à cet « homme différencié68 » qualifié, sur un ton ironique de « psychopathe » dont la maladie devrait être soignée69. Le militant doit s’impliquer totalement, il doit être engagé comme on entre en religion, mobilisé 24h/2470. Il ne peut envisager de dissocier vie personnelle et idéal politique car « le dilettante n’est pas un militant71 ».
39Dans ce contexte de construction identitaire problématique, le culte des martyrs, la mystique du sang, l’exaltation des combattants minoritaires et vaincus des « légionnaire[s]72 » de Salo’, de la Decima Mas du prince Junio Valerio Borghese73, de l’honneur au nom duquel on avait combattu « correspondait bien à l’imaginaire d’un milieu néofasciste qui se pensait comme une communauté de guerriers voués à l’opposition, et aussi au sacrifice dans la lutte désespérée contre la civilisation plouto-démocratique74 ». Par un retournement rhétorique et mental, le sens de la défaite se voit transfiguré et associé à des vertus identitaires positives : celles d’un idéal viril constitué par le sens de l’honneur, du courage, de la fidélité aux principes et à la parole donnée qui composent une identité de réprouvés75. Le combat révolutionnaire d’extrême droite comporte une dimension sacrificielle fondamentale, et la valeur du militant est étroitement corrélée à la nature du combat, perdu d’avance et qui érige le combattant en héros sublime, héros du désespoir, censé susciter des vocations, selon les mots de Maurice Bardèche76. Dans ce cadre, « la mémoire d’une résistance fanatique et suicidaire demeurera à jamais, créant un mythe héroïque comparable à celui des 300 de Léonidas77 ». L’« abnégation héroïque78 » du militant-soldat constitue un élément fondamental de la construction d’un modèle identitaire identificatoire, qui trouve ses racines dans la résistance des soldats romains face à Hannibal, et se réincarne dans le Berlin de 1945, menacé par les Soviétiques. Comme le souligne Johann Chapoutot, « ce qui est importe est moins la victoire réelle que le triomphe symbolique et mémoriel d’une défaite héroïque et sublime qui se survivrait à elle-même par la force du mythe79 ».
40L’exaltation de la RSI, de cette « République de l’Honneur80 » est, dans ses premières années de publication, omniprésente dans les pages d’Ordine Nuovo, comme elle souligne l’engagement héroïque de « ces gens qui consciemment affrontèrent la mort pour barrer la route aux aboiements de Nègres, d’Indiens, de Marocains qui combattaient, aux ordres des démo-ploutocraties, contre la civilisation de Rome81 ». Ordine Nuovo réactive le mythe de l’envahisseur barbare menaçant l’Empire romain et mobilise une rhétorique raciste qui imprègne ses articles. La référence à l’Antiquité romaine, qui pénètre profondément des mentalités éduquées sous le fascisme, doit être resituée au sein d’un héritage idéologique fasciste et national-socialiste. Au « dévouement holistique du citoyen-légionnaire [de l’Empire romain] à la communauté civique82 » répond celui du « légionnaire » de la RSI à l’égard de la République fasciste, puis de sa communauté. La fidélité au serment d’allégeance, la fraternité, le courage au combat du soldat de la Légion romaine contribuent à expliquer la réappropriation, par l’extrême droite italienne, de la figure du légionnaire.
41Le recours à l’héritage fasciste dans les colonnes d’Ordine Nuovo privilégie le squadrisme de 1919-1920, les guerres coloniales et la RSI : c’est un fascisme combattant, épuré de sa violence et de son antisémitisme, qui est exalté. Tandis que la revue dit assumer l’héritage de la Charte de Vérone, texte programmatique et fondateur de la République de Salo’, ses contributeurs ne mentionnent que très rarement l’antisémitisme, pourtant présent dans l’article sept qui stipule que les « appartenants à la race juive sont considérés comme des étrangers. Durant cette guerre, ils appartiennent à une nationalité ennemie ». Comme le souligne Philippe Braud, le travail de mémoire, nécessairement sélectif, « crée, en creux, la catégorie de ce qui est oubliable parce qu’insignifiant ou embarrassant83 ». Ainsi, la revue n’évoque qu’avec une extrême prudence la politique antisémite de la RSI et la justifie en invoquant la figure de l’ennemi intérieur84, du traître qui renforce la fantasmagorie du complot et la fabrication de responsables(s) expiatoire(s)85, caractéristique de la pensée antisémite. Il disculpe en revanche Mussolini de toute responsabilité dans l’adoption des lois raciales de 1938 et invoque le pragmatisme du Duce dont le racisme eut le même « caractère pratique et non idéologique que celui de beaucoup de nations coloniales européennes, l’Angleterre en première ligne86 ». La comparaison avec la Grande-Bretagne renvoie à la politique concentrationnaire mise en place par les Britanniques lors de la guerre des Boers, invoquée par ailleurs pour disculper la politique d’enfermement puis d’extermination nazie. Alors que la revue est, sur d’autres points, influencée par l’idéologie nazie et que la référence au régime national-socialiste est loin d’être critique, une différenciation fondamentale est dessinée entre fascisme et nazisme, mobilisant le « mythe du bon italien87 » qui nourrit les mentalités italiennes, de droite comme de gauche, dans l’après-guerre. Les néofascistes délaissent quelque peu cette part, difficilement assumable même pour un mouvement ouvertement antisémite, de l’héritage de la RSI.
42 Ordine Nuovo exalte en outre les volontaires qui combattirent dans les légions SS et encense cet « européisme qui a déjà eu ses morts dans les diverses “Légions” françaises, belges, hollandaises, ukrainiennes, russes, norvégiennes qui ont combattu sur le front oriental vers la fin de la Seconde Guerre mondiale sous l’enseigne de l’armée national-socialiste88 » et s’insurge contre l’ensevelissement de ce passé. Europe-Action se garde en revanche de toute référence enthousiaste à l’égard des régimes nazi et fascistes. La revue française exalte toutefois, certes avec parcimonie et en empruntant la voix de Saint-Loup89 ou Saint-Paulien, les régiments de Waffen SS, cette « aristocratie du courage90 » constituée de volontaires européens, ces « hommes de Charlemagne » qui auraient vécu leur idéal au quotidien91. Ordine Nuovo, reprenant les propos d’Adriano Romualdi, qualifie les SS d’« unique armée européenne92 » et encense la mémoire de ces combattants. Davantage qu’au combat réellement mené par ces troupes, c’est à la capacité d’évocation symbolique que renvoie l’auteur93.
43Les auteurs d’Europe-Action s’attachent quant à eux à expliquer « le geste d’un million de “Volontaires” de tous pays à partir de 1941 » par la domination des « sentiments […] plus forts que toute expression du langage94 » et insistent sur l’importance de l’affect et de l’émotion en matière d’engagement politique. Paradoxalement, alors que le discours défendu dans la revue est visiblement influencé par l’idéologie nazie, Europe-Action ne se réclame pas ouvertement de ce régime et n’y fait que peu allusion, sinon pour se défendre de nourrir à son égard une certaine nostalgie, pour dénoncer les supposés crimes de l’épuration95 et pour participer à la diffusion d’un discours révisionniste puis négationniste. L’approche comptable d’exactions qualifiées, par la revue, de « crimes de guerre » est caractéristique d’un discours négationniste dont Maurice Bardèche fut, en 1948, l’initiateur96. Ordine Nuovo développe d’ailleurs sur ce point des stratégies argumentatives tout à fait similaires. Le bombardement de Dresde est comparé aux « crimes de la Terreur », au nombre total des déportés et fusillés en France entre 1940 et 1945, aux victimes de l’Épuration et du bombardement d’Hiroshima, favorisant ainsi une confusion entre des faits historiques de nature résolument différente97. Europe-Action souligne en outre le caractère passéiste de la référence au national-socialisme, mort en 1945, et au fascisme, phénomène politique disparu à la mort de Mussolini98. Fascisme et nazisme sont considérés comme des expériences passées en décalage avec les réalités du début des années 1960. La revue reproche en outre au fascisme d’avoir été trop dépendant de la personnalité politique de son chef et de s’être soustrait à l’édification d’une pensée politique cohérente99. Le national-socialisme est quant à lui accusé d’avoir promu l’hégémonie d’une nation sur les autres100. Toutefois, la recension de l’ouvrage du commissaire Jacques Delarue, l’Histoire de la Gestapo, témoigne de l’ambiguïté fondamentale de la revue à l’égard des crimes collaborationnistes et nazis en France et en Europe. Europe-Action tient les propos suivants : « à la vérité, il n’existe aucune différence essentielle entre un “barbouze” et un homme de la Gestapo. Il se passait à la caserne des Tagarins, à Alger, des choses que n’eussent pas renié les SS “Topenkopf” [sic] d’Himmler101. Pour l’heure ce n’est qu’une question de quantité ». Il ouvre ainsi la voie à un propos négationniste assumé, puisque « Saint-Maurice l’Ardoise, c’était Auschwitz ou Dachau ou Buchenwald en plus modeste102 ».
La mémoire controversée de la Collaboration
44Aborder les traces, les résurgences de la Seconde Guerre mondiale dans le discours d’extrême droite des années 1960 implique également d’étudier le traitement réservé à la Collaboration en France. Saint-Paulien, auteur antisémite dont l’itinéraire politique fut clairement marqué par un engagement collaborationniste aux côtés de Jacques Doriot103, souligne l’étroitesse de la « “petite” révolution nationale “style vichyssois”104 » et se départit de toute continuité avec cette expérience, peut-être trop timorée pour les nationalistes-révolutionnaires d’Europe-Action.
45Ce déni d’héritage, de Vichy aux combats et engagements de la Seconde Guerre mondiale, ce refus d’une construction mémorielle tournée vers les combats passés, est d’autant plus étonnant que le périodique ouvre ses colonnes à des auteurs comme Saint-Paulien105, Pierre Hofstetter106 ou Lucien Rebatet, dont les itinéraires furent marqués par un passé collaborationniste. Jean Mabire, rédacteur en chef de la revue à partir de 1965, porte toute son attention sur une mystique païenne proche de l’ésotérisme nazi et sur le second conflit mondial, des Waffen SS à la division Charlemagne, en publiant plusieurs ouvrages sur ces questions dans la décennie qui suit107. Lorsqu’elle mentionne les conflits mondiaux, Europe-Action fait ainsi référence aux « guerres civiles européennes108 » et s’abstient d’exalter longuement ces combats. Au même moment, Ordine Nuovo témoigne d’une relation nouvelle à son passé guerrier : à partir de 1964, Pino Rauti qualifie lui aussi les conflits mondiaux de guerres civiles européennes et insiste à plusieurs reprises sur la nécessité de dépasser les antagonismes passés et les ressentiments entre Européens, désormais révolus109. Alors que l’exaltation de la RSI occupait, entre 1956 et 1959, une place primordiale dans le discours de la revue, elle est indéniablement mise en sourdine, comme si cet héritage ne pouvait plus se dire explicitement et qu’il se donnait désormais à voir, en creux, entre les lignes. La RSI et le squadrisme font partie de son patrimoine idéologique, ils affleurent dans le discours et sont parfois instrumentalisés à des fins politiques, sans toutefois que de longs articles y soient consacrés.
46La mutation du contexte international du début des années 1960 explique sans doute en partie ce repositionnement du mythe au sein de la propagande, ce que le périodique français identifie et analyse très clairement. Pour Europe-Action, l’une des conséquences de l’affaire algérienne « aura été de pouvoir tirer un trait sur les querelles passées, mettre un terme aux mémoriaux anachroniques et aux commémorations de guerres civiles européennes, en fournissant sur le front Sud de l’Europe une nouvelle expérience révolutionnaire, occasion d’un réel sentiment de solidarité110 ». L’exaltation mesurée du combat passé marque un tournant pour ces revues. Comme si, face à ce trop-plein d’histoire et de mémoire, les Français d’Europe-Action et les Italiens d’Ordine Nuovo avaient décidé de ne dévoiler cet héritage qu’à demi-mot, en pointillés. S’ils ne délaissent pas la mémoire de ces combats, ils ne la disent pas explicitement, la mettent de côté, pour mieux se projeter vers un futur révolutionnaire et potentiellement victorieux. Peut-être s’agit-il, pour des militants profondément marqués par l’échec du combat Algérie française et pour certains d’entre eux par l’expérience collaborationniste, de prendre des distances avec l’échec pour mieux se projeter vers un potentiel succès. Il semblerait que les Français d’Europe-Action se soient réapproprié la mémoire de ces événements, pourtant fondateurs, en se limitant à honorer des individus, sans exalter le combat passé en soi et pour soi.
Déconstruire le mythe résistancialiste
47Aborder le souvenir de la Seconde Guerre mondiale implique également d’évoquer le traitement réservé à la mémoire de la Résistance. L’extrême droite, comme l’OAS, dévoie ce passé et cette histoire, les instrumentalise pour mieux déconstruire ce mythe qui constitue, dans l’après-guerre, en France comme en Italie, un élément fondamental de la formation d’une mythologie et d’une identité nationales.
48 Europe-Action s’attache à mettre à mal le mythe de la Résistance, en ouvrant ses colonnes à Pierre de Villemarest111, qualifié par Saint-Paulien de résistant authentique mais qui a le courage de dire « on nous a trompés et nous nous sommes trompés112 ». Villemarest dénonce le régime de la Ve République qu’il qualifie d’imposture. Il se désole que les combattants authentiques de la Seconde Guerre mondiale ne soient plus au pouvoir en France depuis 1944, à de rares exceptions près. Il regrette que « la “Révolution nationale” n’a[it] eu lieu ni en 1940 ni en 1958113 ». L’attaque contre le régime républicain et gaulliste est extrêmement claire. Villemarest souhaite déconstruire le mythe résistanciel gaulliste accusé d’être à l’origine de profondes divisions. Certainement influencé par un imaginaire antisémite remontant à la fin du XIXe siècle, nourri par Édouard Drumont114 puis Henry Coston, et qui fait de la grande finance juive l’alliée du régime républicain115, l’auteur dessine une continuité entre les défaites de 1940, de 1944-1945 et l’échec du 13 mai 1958116. Il ôte en outre, par l’emploi de guillemets, à la « Révolution nationale » pétainiste tout caractère régénérateur et positif, battant en brèche le culte de Vichy117. Mais comme la superposition de ces références historiques et mémorielles le montre, le gaullisme n’est pas le seul adversaire identifié par Europe-Action. Le discours a également une portée idiosyncratique : ce sont peut-être ces militants nationaux, maintes fois décriés dans les pages de la revue, qui sont attaqués et tenus pour responsables de l’échec nationaliste118. Saint-Paulien en appelle ainsi au dépassement des oppositions historiques nées de la Seconde Guerre mondiale, initié par le combat OAS. Il vise notamment à déconstruire le résistancialisme qui structure les mentalités de la majorité des opinions publiques française et italienne. Elle a également pour objectif de faire taire la stigmatisation dont étaient l’objet les partisans de la Collaboration, fortement discrédités dans l’après-guerre.
49Pour les Italiens d’Ordine Nuovo, la Résistance constitue un « événement-repoussoir119 ». L’évocation de la résistance partisane doit être rattachée à l’expérience de la RSI, qui considéra le partisan comme le traître par excellence, opposé à « tout ce pour quoi la chemise noire combat120 ». Nous l’avons évoqué plus haut, la figure du général de Gaulle, qui aurait déjà dans le passé trahi l’Europe en s’opposant à Pétain, est lourdement dépréciée121. Le périodique dénonce le piège de la thématique antifasciste et résistancialiste, qui serait utilisée par le PCI pour élargir le consensus dont il bénéficie au sein de la classe politique italienne122. De son côté, L’Italiano minimise fortement l’ampleur du consensus dont fut crédité le mouvement partisan au sein de la population italienne. Tandis que la résistance partisane est rendue responsable du déclenchement de la guerre civile, elle aurait rompu le consensus national dont bénéficiait, pour « vingt-cinq millions d’Italiens », la République de Salo’123. Quand Pino Romualdi accuse les communistes, et plus généralement les hommes de gauche, de diffuser des « mensonges résistancialistes » érigés en vérités intouchables, il participe de la réécriture de l’histoire qu’il dénonce124. Il s’attache à réhabiliter l’image auprès des jeunes générations, de cette République fantoche, ultime avatar de l’expérience fasciste en Italie, et de la dédouaner de l’usage de la violence, qui fut pourtant constitutive de son patrimoine idéologique.
50Il est tout à fait remarquable qu’au-delà du décalage générationnel entre les rédacteurs italiens et français et d’un rapport différent au fascisme, les revues se retrouvent et entretiennent, à l’égard du second conflit mondial, de ses combats et de ses conséquences, un discours relativement similaire. En effet, les collaborateurs d’Europe-Action appartiennent à une génération entrée en politique au début des années 1960 avec le conflit algérien. Ils n’ont donc pas vécu directement les événements auxquels il s’agit de se rattacher, tandis que les principaux dirigeants d’Ordine Nuovo sont pour certains des anciens de la République de Salo’125. Élevés sous le fascisme, ces derniers entretiennent une relation sentimentale indéniable à l’égard des combats héroïques de ceux qu’ils considèrent comme leurs frères d’armes et dont ils doivent poursuivre le combat pour une Europe unie. La charge affective liée à l’évocation de la RSI demeure pour eux constitutive d’un imaginaire caractéristique d’une identité en tension.
51Dans ce cadre, il n’est guère étonnant que Maurice Bardèche, beau-frère de Brasillach, laudateur des fascismes dans les années 1930, ait repris à son compte la défense du combat mené par ces régimes, contre la démocratie et les principes égalitaires issus de la Révolution Française. Dans Défense de l’Occident, il confère une place importante aux combats de la Seconde Guerre mondiale, mais admet malgré tout qu’elle fut une guerre fratricide126.
52Ce traitement relativement similaire du mythe masque toutefois un rapport au temps divergent. Deux manières distinctes d’appréhender l’historicité apparaissent dans les périodiques étudiés. Europe-Action pense au présent, se projette dans un futur révolutionnaire, et consacre une grande partie de sa ligne éditoriale au combat anticommuniste en lien direct avec l’actualité. Dès la publication de son premier numéro, Europe-Action clarifie son rapport au passé et explique que ses militants savent qu’on ne fait pas l’Histoire avec un rétroviseur. La revue ajoute qu’ils ne préparent pas la dernière guerre, mais les événements du futur127. De son côté, et malgré de nets efforts pour s’inscrire dans le temps présent, Ordine Nuovo donne souvent corps au rappel inlassable des références passées et, constamment happé par une certaine nostalgie, s’attache à inscrire sa propre épopée dans la stricte lignée des combats d’antan128. Pour Ordine Nuovo, « le prestige du passé oblige le présent, l’enjoint de susciter un avenir aussi glorieux que ce passé129 ».
53Si Europe-Action ne fait qu’un usage parcimonieux des références aux combats et aux combattants de la Seconde Guerre mondiale, elle assume en revanche un héritage qui appartient traditionnellement à la gauche et l’extrême gauche française : celui de la Commune et plus spécifiquement du Mur des Fédérés, lieu symbolique de la résistance populaire, fin mai 1871, aux troupes versaillaises. Sans doute est-il plus agréable, comme le souligne Madeleine Rebérioux, et dans une perspective politique sans doute plus efficace, de commémorer une aurore qu’un massacre. Cette réappropriation a priori étonnante se situe au sein d’une tradition de récupération initiée par Je suis partout en mai 1938 et s’explique par l’admiration que suscite, au sein d’Europe-Action, la geste résistante et révolutionnaire. Brasillach, en son temps, avait ainsi justifié l’initiative en invoquant la « pitié pour les égarés » et le « respect pour les patriotes parisiens qui voulaient continuer la lutte130 ». Europe-Action, qui la qualifie de l’un des événements les plus falsifiés de notre histoire, écrit cette volonté du nouveau nationalisme de « rendre au peuple de France et ensuite à ceux d’Europe, la Commune de Paris que les marxistes leur ont volée ». Outre cette dimension symbolique, le larcin mémoriel attribué par l’extrême droite à ses adversaires politiques prend forme concrètement lorsque l’auteur rappelle que c’est dans un drapeau de la Commune de Paris qu’aurait été enveloppé le corps de Lénine, exposé dans un mausolée à Moscou. L’auteur enjoint aussi les Européens à reprendre « cet emblème symbolique, couleur de l’oriflamme de Saint-Denis, de la légion d’honneur, du sang de nos compatriotes d’Algérie dont le sacrifice à Bab-el-oued et rue d’Isly a la même teinte patriotique que celui de leurs devanciers de Belleville et du Mur des Fédérés131 ». Il établit une continuité directe entre les valeurs et combats portés au sein du royaume de France par le roi et ses troupes, la lutte pour l’Algérie française et les derniers résistants de la Commune de Paris. Europe-Action souligne l’analogie entre les défaites de la Commune et celle des Français d’Algérie en 1962 et s’attribue le monopole de la mémoire de la Commune : « Le souvenir des 30 000 patriotes fusillés sur ordre de la bourgeoisie capitaliste représentée par Thiers, appartient aux nationalistes132. » Une délégation du Mouvement Nationaliste du Progrès (MNP) constitué en grande partie d’anciens membres d’Europe-Action ne manque pas de se rendre, lors de son congrès constitutif des 30 avril et 1er mai 1966, au mur des Fédérés de la Commune de 1871. Ce pèlerinage aurait permis à ses dirigeants d’illustrer le caractère social, nationaliste et populaire du mouvement133.
54Si l’héritage de la Seconde Guerre mondiale, des régimes fascistes et nazi, est manié avec grande précaution des deux côtés des Alpes, la référence aux figures culturelles et politiques tutélaires de l’entre-deux-guerres et du conflit lui-même est en revanche parfaitement assumée. Les figures de Benito Mussolini, Léon Degrelle, Jose Antonio Primo de Riveira, Otto Skorzeny, Corneliu Codreanu, toutes étroitement liées aux expériences fascistes européennes demeurent l’objet d’une profonde admiration. Cette adhésion s’explique par plusieurs facteurs : la figure mussolinienne encensée dans les colonnes d’Ordine Nuovo et du Secolo d’Italia n’est pas celle de l’homme d’État, du Duce du Ventennio, mais celle du militant révolutionnaire134, du promoteur du squadrisme du début des années 1920, du conquérant de la corne de l’Afrique, et du chef de la RSI. Il Secolo exalte d’ailleurs bien plus la figure mussolinienne que ne le fait Ordine Nuovo, qui lui offre une place somme toute relativement restreinte dans ses numéros135. Le Mussolini révolutionnaire, chemise noire, fondateur des fasci italiani di combattimento et instigateur de la Marche sur Rome est porté aux nues136. Il est présenté, grâce au rappel du thème de la « victoire mutilée », comme le défenseur de l’honneur de la patrie italienne et il devient par le verbe le défenseur de la nation italienne137. Sa nature de rebelle et de lutteur est exaltée, et Il Secolo célèbre le 1er mai celui qui fut « la terreur et la bête noire de l’Europe des socialistes, des démocrates, des lâches138 ».
55À la figure de Mussolini, sont en outre associés et quasiment identifiés les combattants de Salo’, que le Secolo d’Italia évoque conjointement, à l’occasion du « vingtième anniversaire du sacrifice de Mussolini et des combattants de la RSI139 ».
56Étonnamment, le passé fasciste italien, guerrier, colonial, se dit davantage dans les colonnes du Secolo que dans celles de revues émanant de groupes plus radicaux. Ce décalage s’explique sans doute par la volonté du MSI de se rattacher symboliquement au passé fasciste, alors que la politique menée par le parti, sous la direction de Michelini, vise à l’insertion dans le système politique républicain et l’éloigne de plus en plus de cet héritage.
57 Europe-Action insiste quant à elle sur « le génie personnel de Mussolini [qui] pouvait suffire à grouper une masse passionnée disponible et à conquérir un État incapable de se défendre140 » et souligne le rôle mobilisateur et rassembleur du chef. La revue fait ainsi la publicité d’un disque édité par la SERP141 de Jean-Marie Le Pen, intitulé « Mussolini et le fascisme (voix et chants) » et présenté en ces termes :
« La vie de Benito Mussolini se confond pendant deux décades avec l’histoire de l’Italie et avec celle du fascisme dont il est le fondateur et le Chef, le Duce. Avec lui, ce Mouvement s’est voulu relation de la Jeunesse. C’est elle que vous entendrez avec ses chants d’adolescents ou de guerriers, tandis qu’en contrepoint la voix du Duce caresse, exalte, menace142. »
58L’évocation de Mussolini est ici étroitement liée à la célébration de la jeunesse constitutive du patrimoine idéologique de l’extrême droite. Dans l’imaginaire de l’extrême droite européenne, Mussolini fut de ceux qui s’engagèrent jusqu’à la mort pour défendre leurs idées dans un contexte national hostile. Comme Mussolini, Codreanu et Primo de Riveira furent en outre assassinés par leurs compatriotes. Comble de la trahison, Codreanu, fondateur de la Garde de fer roumaine, le fut par des individus qui appartenaient à des milieux proches de l’extrême droite. Jose Antonio Primo de Riveira, assassiné par les milices marxistes, est qualifié par Europe-Action de théoricien de la révolution nationaliste dont la mort aurait changé le sort de l’Espagne et sans doute le sort de l’Europe. À travers ces personnages, c’est également la figure du révolutionnaire qui est exaltée et la leçon de José Antonio est ainsi résumée : il n’y a pas de mouvement révolutionnaire authentique « sans substance doctrinale et sans instrument143 ». Or, la nécessité d’élaborer un programme politique est considérée comme fondamentale pour les nationalistes d’Europe-Action. José Antonio Primo de Riveira apparaît également dans les périodiques d’extrême droite italiens et il fait l’unanimité, dans les milieux parlementaires et extra-parlementaires144. À travers ces personnages, la fidélité à la parole donnée et la totalité de l’engagement sont à nouveau célébrées et expliquent la pérennité de leur évocation.
59Bien que numériquement réduit, l’exil politique d’activistes de l’OAS marque la vie politique de l’Italie de la première moitié des années 1960. La surévaluation largement partagée de la dangerosité du phénomène, l’implication de personnalités de premier plan de l’État italien, des services de renseignements et de la curie romaine dans le soutien aux « ultras », constituent en effet des marqueurs politiques forts qui influent indéniablement sur les relations interétatiques franco-italiennes. La présence d’activistes sur le territoire italien met au jour et accentue le différend entre les tendances qui composent le MSI dans les années 1960, tandis qu’elle permet à des groupes extra-parlementaires comme Ordine Nuovo de s’essayer aux actions terroristes et au trafic d’armes145, constituant ainsi un tournant majeur dans la radicalisation de l’action politique de l’extrême droite. La présence d’activistes français sur le territoire italien alimente la création d’un « mythe OAS » qui participe de la construction identitaire et d’une communauté mémorielle commune aux extrêmes droites françaises et italiennes. Les circulations et transferts de modèles culturels et politiques, de figures tutélaires, qui constituent autant d’éléments d’une culture politique franco-italienne se voient favorisés par l’installation d’« ultras » en Italie. Si le combat OAS se pose en matrice du combat nationaliste dans les années 1960, c’est qu’il permet, à l’échelle européenne, la mise en place de réseaux d’extrême droite transnationaux.
Notes de bas de page
1 Bantigny Ludivine, Baubérot Arnaud (dir.), Hériter en politique…, op. cit., p. 2.
2 Cette rivalité naît en 1881, lors de la signature du Traité du Bardo qui fait de la Tunisie un protectorat français, malgré la forte présence italienne sur le territoire tunisien. Cette rivalité est en outre alimentée périodiquement, dans l’entre-deux-guerres, par les discours de Mussolini et l’activisme des services italiens en Tunisie pendant la Seconde Guerre mondiale en particulier par la propagande via la radio La voix des Arabes.
3 « La verità sulla rivolta di Algeri », Numéro spécial de L’Italiano, II, 11, novembre 1960 ; Di Risio Carlo, « Il Grande Maghreb », L’Italiano, III, 3, mars1961.
4 Pour Ordine Nuovo, la notion d’impérialisme fait référence à la « forme classique, traditionnelle, romaine, de l’expansion dans des terres à moitié peuplées, peu cultivées et dotées d’une culture sociale embryonnaire ». Le colonialisme, en revanche, correspondrait au « phénomène d’exploitation commerciale ploutocratique ». Cette distinction permet de différencier la politique coloniale, « impérialiste » fasciste, de celle d’autres pays européens « colonisateurs » et exploiteurs.
5 La Somalie est sous domination italienne depuis 1889.
6 Rauti Pino, « Un Impero per l’Europa », Ordine Nuovo, X, 1-2, janvier-février 1964, p. 1-7 ; p. 5.
7 AN, F7/15253, Pochette « Vérité et Liberté », lettre du directeur des renseignements généraux au commissaire divisionnaire, chef des RG de Nice, 29 janvier 1964.
8 AN, F7/15253, Pochette « Vérité et Liberté », document du 16 juillet 1965, tract de décembre 1964. ACS, MI, Gabinetto partiti politici 1944-1986, Busta 90, fasc. « Giovane Nazione », tract 1963.
9 Mollicone Nazzareno, « La tragedia degli harkis », Ordine Nuovo, IX, 1, février 1963, p. 48-49.
10 Weber Eugen, « Vie et mort de l’honneur », Le Débat, 1996/5, no 92, p. 169.
11 Gauvard Claude, « De grace especial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2010 (1re ed : 1991), p. 706.
12 Dard Olivier, « L’armée française face à l’organisation armée secrète (OAS) » in Forcade Olivier, Duhamel Éric, Vial Philippe (dir.), Militaires en République 1870-1962, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999, p. 687-699 ; p. 690.
13 Boulouque Sylvain, Girard Pascal (dir.), Traîtres et trahison. Guerres, imaginaires sociaux et constructions politiques, Paris, éditions Séli Arslan, 2007, p. 13.
14 Aristote,Éthique à Nicomaque, III, 8 cité in Halkin Léon-E., « Pour une histoire de l’honneur », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 4e année, no 4, 1949, p. 434.
15 Pitt-Rivers Julian, Anthropologie de l’honneur, Paris, Hachette, 1997 (1re ed : Cambridge University press, 1977), p. 28-30.
16 Mollicone Nazzareno, « La tragedia degli harkis », Ordine Nuovo, IX, 1, février 1963, p. 48-52 ; p. 49.
17 Pavone Claudio, Une guerre civile. Essai historique sur l’éthique de la Résistance italienne, Paris, Seuil, « Univers historique », 2005 (1re édition italienne : 1991), De Felice Renzo, Les noirs et les rouges, Mussolini, la République de Salo’et la résistance 1943-1945, Genève, Georg, 1999.
18 Mollicone Nazzareno, « La tragedia degli harkis », Ordine Nuovo, IX, 1, février 1963, p. 48-52 ; p. 49.
19 Mosse George L., L’image de l’homme…., op. cit., p. 11 ; p. 61.
20 Graziani Clemente, « La guerra rivoluzionaria », Ordine Nuovo, IX, 2, avril 1963, p. 11-27.
21 Girardet Raoul, Mythes et mythologies politiques, Paris, Le Seuil, « Points », 1986, p. 13-14.
22 Aryas, « Giorno per giorno », Ordine Nuovo, IX, 2, avril 1963, p. 62. Les hommes cités, membres de l’OAS, furent condamnés à mort par de Gaulle : Claude Piegts et Bobby Dovecar, anciens delta, furent fusillés le 7 juin 1962. Roger Degueldre, ancien du 1er REP, dirigeant des commandos delta, fut fusillé le 6 juillet 1962. Jean-Marie Bastien-Thiry fut fusillé le 11 mars 1963.
23 CdM, Dossier de procédure pénale no 91/97 mod. 21, ADCPP, fasc. « formazioni nazionali giovanili », lettre « réservée » de la Préfecture de police de Rome au ministère de l’intérieur, DGPS, div. AA RR. et AA. GG., 18 mars 1963.
24 Mosse Georges L., L’image de l’homme…, op. cit., p. 183.
25 CdM, Dossier de procédure pénale no 91/97 mod. 21, ADCPP, fasc. « formazioni nazionali giovanili », tract du FNG « Nuova Europa », 18 mars 1963.
26 Europe-Action hebdomadaire, 61, 15 mars 1965, p. 1.
27 Rauti Pino, « L’Europa e il terzo mondo », Ordine Nuovo, X, 5-6, juin-juillet 1964, p. 1-11.
28 CdM, Rapport d’expertise d’Aldo Giannuli du 12 mars 1997, annexe 86, APP-Mi, fasc. « UMI », Ronga Lino, « Rapport sur le néofascisme en Italie », adressé à M. Hubert Halin, président du comité des experts de l’Union internationale de la Résistance et de la déportation (UIRD), 18 janvier 1963.
29 CdM, Dossier de procédure pénale no 91/97, mod. 21, Rapport d’expertise no 5 de Aldo Giannuli commandité le 20 février 1998, annexe 78, note d’Aristo, 25 novembre 1963 et annexe 319, note « secrète », 1er août 1968.
30 Le groupe Avanguardia Nazionale est créé en 1959 par Stefano Delle Chiaie. Il s’auto-dissout en 1965, se reconstitue en 1970 puis est dissout officiellement par le gouvernement en 1976. L’organisation en appelle à « l’opposition globale aux systèmes politiques démo-libéraux et marxistes et aux idées qui en sont fondamentalement constitutives ».
31 En novembre 1969, la tendance majoritaire d’Ordine Nuovo dirigée par Pino Rauti rentre dans le MSI. En réaction, le courant minoritaire dirigé par Clemente Graziani scissionne et crée le Movimento Politico Ordine Nuovo.
32 CdM, lettre de la Préfecture de Rome, bureau politique, au procureur de la République, Tribunal civil et pénal, Rome, 1er juin 1973. Tract d’Avanguardia Nazionale, Trente, 15 octobre 1971.
33 Desbuissons Ghislaine, Itinéraire d’un intellectuel fasciste : Maurice Bardèche, thèse d’histoire, IEP Paris, octobre 1990, 3 tomes ; Igounet Valérie, Histoire du négationnisme, Paris, Seuil, 2000.
34 Bardèche Maurice, Qu’est ce que le fascisme ?, Paris, Les Sept Couleurs, 1961.
35 Alain de Benoist écrit sous le pseudonyme de Fabrice Laroche et Amaury de Chaunac-Lanzac, sous celui de François d’Orcival.
36 Éditorial « Faut-il tuer de Gaulle ? », Europe-Action, 3, mars 1963, p. 9-10.
37 Sur l’Affaire Leroy-Villars, on consultera Dard Olivier, Voyage…, op. cit., p. 210-212.
38 « Honneur », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 29.
39 « Le dossier noir des prisons », Europe-Action, 11, novembre 1963, p. 69-71.
40 Bousquet Georges, « Correspondance », Europe-Action, 2, février 1963, p. 30-34 ; « Un sous-lieutenant qui rachète les généraux : Pierre Delhomme », Europe-Action, 10, octobre 1963, p. 69.
41 « Parachutiste », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 29 (numéro spécial « Qu’est ce que le nationalisme », Tribune Libre, éditions Saint-Just), p. 73.
42 Caesar, « Romanità e germanesimo », Ordine Nuovo, II, 9, septembre 1956, p. 14-15.
43 Nora Pierre, « La génération », Les lieux de mémoire, t. 2, Paris, Gallimard, Quarto, 2007 (1991), p. 2992.
44 Girardet Raoul, Mythes…, op. cit., p. 181.
45 Rousso Henry, inSirinelli Jean-François (dir.), Histoire des droites, t. 2, « Cultures », Paris, Gallimard, Tel, 2006, p. 561.
46 Birnbaum Jean, « Transmission révolutionnaire et pédagogie de la jeunesse. L’exemple des trotskismes français », Histoire@politique 1/2008 (no 04), p. 6.
47 Birnbaum Jean, Leur jeunesse et la nôtre, L’espérance révolutionnaire au fil des générations, Paris, Stock, 2005, p. 17.
48 Europeus, « Bandiera per l’Europa », Ordine Nuovo, IX, 3, juin 1963, p. 26-28.
49 Thiriart Jean, Un Empire de 400 millions d’hommes. L’Europe, Bruxelles, 1964, p. 19.
50 « Les Européens », Europe-Action, 1, janvier 1963, p. 7.
51 La technocratie est ainsi définie : « Phase actuelle de l’évolution des sociétés capitalistes et communistes fondées sur un même concept matérialiste de la technologie et sur une même philosophie de l’indifférenciation », « Technocratie », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 79 ; Venner Dominique, Europe-Action, 16, avril 1964, p. 5.
52 Bardèche Maurice, Qu’est ce que le fascisme ?, Paris, Les Sept Couleurs, 1961, p. 112-113.
53 Rousso Henry, inSirinelli Jean-François (dir.), Histoire des droites, t. 2, op. cit., p. 549-550.
54 Romualdi Adriano, « L’Occidente e i limiti dell’occidentalismo », Ordine Nuovo, I, 2 (nouvelle série), 1970, p. 49-54.
55 « Antiracisme et Occident », Europe-Action, 10, octobre 1963, p. 5-6.
56 Lamotte Pierre, « L’Occident au combat », Europe-Action, 31-32, juillet-août 1965, p. 23.
57 Nora Pierre, « Génération », Les lieux de mémoire, t. II, La Nation, op. cit., p. 3001.
58 Bantigny Ludivine, Baubérot Arnaud (dir.), Hériter en politique, op. cit., p. 3.
59 Rauti Pino, « Riprendiamo il discorso », Ordine Nuovo, IX, 1, février 1963, p. 1-5 ; « Il momento della scelta », Ordine Nuovo, XI, 1-2, janvier-février 1965.
60 L’expression désigne les vingt ans de pouvoir du régime fasciste à la tête de l’État italien.
61 Germinario Francesco, Da Salo’al governo. Immaginario e cultura politica della destra italiana, Turin, Bollati Boringhieri, 2005, p. 19.
62 Ibid., p. 22.
63 Europe-Action, 5, mai 1963 ; « L’opposition nationale et la succession », Europe-Action, 11, novembre 1963, p. 5.
64 Fergola Gabriele, « Possibilità e prospettive per la “controrivoluzione” », Ordine Nuovo, IV, 4-5, novembre 1960, p. 66-80.
65 Mainardi Marcello, « La rivolta ideale », Ordine Nuovo, juin 1963, p. 13-20.
66 « Nationaliste », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 71.
67 Mabire Jean, « Notre nationalisme européen », Europe-Action, 31-32, juillet-août 1965, p. 13.
68 La notion d’« homme différencié » est développée dans l’ouvrage de Julius Evola, Chevaucher le tigre, Paris, La Colombe, 1964 (1re édition italienne : 1961).
69 « Antiracisme et Occident », Europe-Action, 10, octobre 1963, p. 5-6.
70 Centre d’Archives de Sciences Po, EN1, Pochette no 1, Fédération des Étudiants Nationalistes. Méthodes et organisation, 1963.
71 Laroche Fabrice, « Qu’est ce qu’un militant ? », Europe-Action, 8, août 1963, p. 43.
72 Rauti Pino, « MSI : continua il discorso », Ordine Nuovo, IV, 2, avril 1963, p. 1-7.
73 La Decima Mas est une unité de nageurs de combat de la marine italienne. Créée en 1939, elle fut dirigée par Junio Valerio Borghese comme « sa compagnie personnelle » et put se soustraire au commandement allemand. Elle fit figure de modèle dans la structure militaire volontaire de la RSI. Ganapini Luigi, La repubblica delle camicie nere, Rome, Garzanti, 1999, p. 59 sq. ; Parlato Giuseppe, Fascisti senza Mussolini. Le origini del neofascismo in Italia, 1943-1948, Bologne, Il Mulino, 2006, p. 83 sq. ; Lepre Aurelio, La storia della Repubblica di Mussolini. Salo’ : il tempo dell’odio e della violenza, Milan, Mondadori, 1999, p. 173 sq.
74 Germinario Francesco, Da Salo’…, op. cit., p. 22.
75 Von Salomon Ernst, Les Réprouvés, Paris, Plon, 1931.
76 Bardèche Maurice, Qu’est ce que le fascisme ?, op. cit., p. 99.
77 Chapoutot Johann, Le national-socialisme et l’Antiquité, Paris, PUF, 2008, p. 466.
78 Chapoutot Johann, « Comment meurt un Empire : le nazisme, l’Antiquité et le mythe », Revue historique 3/2008 (no 647), p. 657-676.
79 Chapoutot Johann, Le national-socialisme…, op. cit., p. 458.
80 Rauti Pino, « Sulla via della rinuncia », Ordine Nuovo, I, 7, octobre 1955, p. 1-2.
81 Bellantoni Adolfo, « Un ideale per le battaglie della nostra generazione », Ordine Nuovo, I, 6, septembre 1955, p. 6.
82 Chapoutot Johann, « Comment meurt un Empire : le nazisme, l’Antiquité et le mythe », art. cit., p. 662.
83 Braud Philippe, L’émotion en politique, Paris, Presses de Sciences Po, 1996, p. 95.
84 Voir Ventrone Angelo, Il nemico interno. Immagini, parole e simboli della lotta politica nell’Italia del Novecento, Rome, Donzelli, 2005.
85 Boulouque Sylvain, Girard Pascal (dir.), Traîtres et trahisons…, op. cit., p. 15.
86 Fiumara M. A., « Il razzismo nel ventennio », Ordine Nuovo, IX, 3, juin 1963, p. 29-35. Voir Matard-Bonucci Marie-Anne, L’Italie fasciste et la persécution des juifs, Paris, Perrin, 2007.
87 L’expression désigne la propension à présenter les Italiens comme collectivement exempts de toute responsabilité dans la persécution antisémite du fait de leur prétendu humanisme naturel. Mis en place dès la Libération, ce mythe n’a été véritablement remis en question qu’à partir de la fin des années 1980 en Italie. Voir Bidussa Davide, Il mito del bravo italiano, Milan, Il Saggiatore, 1993.
88 Europeus, « Bandiera per l’Europa », art. cit., p. 27.
89 Il s’agit du pseudonyme de Marc Augier.
90 Lancelot Guy, « Saint-Loup a choisi de penser librement », Europe-Action, 28, avril 1965, p. 20.
91 Lancelot Guy, « Entretien avec Saint-Loup, “Les Volontaires” », Europe-Action, 11, novembre 1963, p. 61 ; Saint-Paulien, « Pourquoi j’ai écrit l’histoire de la collaboration », Europe-Action, 17, mai 1964, p. 21-22 ; Thuron Claude, « Adieu aux illusions », Europe-Action, 23, novembre 1964, p. 22 ; Lancelot Guy, « Saint-Loup a choisi de penser librement », art. cit., p. 20.
92 Rubrique « Orientamenti culturali », Ordine Nuovo, II, 4 (nouvelle série), décembre 1971, p. 74-75.
93 Braud Philippe, L’émotion en politique, op. cit., p. 89.
94 « Saint-Paulien ne croit pas à la nostalgie », Europe-Action, 23, novembre 1964, p. 21.
95 Lamotte Pierre, « Le bombardement de Dresde », Europe-Action, 14, février 1964, p. 14-15.
96 Voir Igounet Valérie, Histoire du négationnisme en France, op. cit., p. 37-60.
97 Lamotte Pierre, « Le bombardement de Dresde », art. cit., p. 14-15. Hofstetter Pierre, Marbach Hugo, Seehase Harald, Laroche Fabrice, « Qui a déclenché la guerre ? », Europe-Action, 23, novembre 1964, p. 13.
98 « La méthode nationaliste », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 29.
99 « Fascisme », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 65.
100 Venner Dominique, « Mythes et faits », Europe-Action, 39, mars 1966, p. 11. Le camp militaire de Saint-Maurice l’Ardoise, dans le Gard fut, pendant la Seconde Guerre mondiale, un camp de prisonniers utilisé par les nazis avant d’être transformé, en 1957, en centre d’assignation à résidence surveillée. Destiné, au début des années 1960, aux militants OAS et FLN, il devient par la suite un camp de transit et de reclassement destiné aux harkis. Dominique Venner passe sous silence, à dessein, la distinction entre camp de concentration et camp d’extermination.
101 La division « Totenkopf » avait pour origine les unités de garde des camps de concentration.
102 « Histoire de la Gestapo du commissaire Jacques Delarue », Europe-Action, 6, juin 1963, p. 59.
103 Mabire s’engage au sein du Parti Populaire français de Jacques Doriot en 1936 et entre au bureau de ce parti en 1939.
104 « Saint-Paulien ne croit pas à la nostalgie », art. cit., p. 21.
105 Il s’agit du pseudonyme de Maurice-Yvan Sicard.
106 Hofstetter Pierre, « Qui était McCarthy », Europe-Action, 7, juillet 1963, p. 50-53.
107 Mabire Jean, La division Charlemagne, Paris, Fayard, 1974 ; Landemer Henri, Les Waffen SS, Paris, Balland, 1974 ; Mabire Jean, Mourir à Berlin, Paris, Fayard, 1975.
108 L’expression est notamment utilisée par Fabrice Laroche, dans un entretien qu’il donne à Ordine Nuovo. « Un’intervista con Laroche. Uomini e idee per la Nuova Europa », Ordine Nuovo, XI, 1-2, janvier-février 1965, p. 17-25 ; Mabire Jean, « Notre nationalisme européen », Europe-Action, 31-32, juillet-août 1965, p. 13.
109 Rauti Pino, « Un Impero per l’Europa », art. cit., p. 3-5 ; Rauti Pino, « L’Europa e il terzo mondo », art. cit., p. 1-11.
110 Lamotte Pierre, « L’Occident au combat », art. cit., p. 23.
111 Voir notice biographique en annexe.
112 « Saint-Paulien ne croit pas à la nostalgie », art. cit., p. 21.
113 De Villemarest Pierre, « La guerre tuait les idées », Europe-Action, 23, novembre 1964, p. 19-20.
114 Auteur à succès du pamphlet antisémite La France juive en 1886, Drumont fonde le quotidien La Libre parole en 1892. Selon Grégoire Kauffman, Drumont « invente l’antisémitisme moderne en associant la République aux Juifs et les Juifs à l’argent ». Voir Kauffmann Grégoire, Édouard Drumont, Paris, Perrin, 2008.
115 Birnbaum Pierre, « La France aux Français ». Histoire des haines nationalistes, Paris, Seuil, 1993, p. 54.
116 De Villemarest Pierre, « La guerre tuait les idées », Europe-Action, 23, novembre 1964, p. 19-20.
117 Wieviorka Olivier, « Francisque ou Croix de Lorraine : les années sombres entre histoire, mémoire et mythologie », inBlanchard Pascal, Veyrat-Masson Isabelle (dir.), Les guerres de mémoires. La France et son histoire, Paris, La Découverte, 2008, p. 102.
118 Les « nationaux » sont accusés d’être « paralysés par des formules et des gestes d’un autre âge ». Ce terme générique désigne, indifféremment, les militants d’extrême droite contre-révolutionnaires, maurrassiens, « intégristes », « autoritaires », militaires, « arrivistes » et prêts à des compromissions avec le régime pour faire carrière. Les nationalistes ne seraient « pas de simples partisans […] mais des militants entièrement voués à la révolution ». « Les “nationaux” », Europe-Action, 17, mai 1964, p. 24 ; « La méthode nationaliste », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 30.
119 Rauti Pino, « Appunti per una tattica e una strategia degli anni 70 », Ordine Nuovo, I, 1 (nouvelle série), 1970, p. 5-17.
120 Ganapini Luigi, La repubblica delle camicie nere, Rome, Garzanti, 1999, p. 111.
121 Rauti Pino, « L’Europa che fugge », Ordine Nuovo, VI, 3, juin 1960, p. 129-131.
122 « Appuntamento alla storia », Ordine Nuovo, IV, 4-5, novembre 1960, p. 1-7.
123 Romani Pino, « Il tempo degli assassini », L’Italiano, I, 3, avril 1959, p. 39-45.
124 Romualdi Pino, « Il bisogno della menzogna », L’Italiano, III, 3, mars 1961, p. 17-21.
125 C’est notamment le cas de Rutilio Sermonti : né à Rome le 18 août 1918, il fut officier au sein de la « Division San Marco » de la RSI.
126 Bardèche Maurice, « Vingtième anniversaire », Défense de l’Occident, 45, janvier 1965.
127 « Les Européens », Europe-Action, 1, janvier 1963, p. 7-8.
128 Birnbaum Jean, Leur jeunesse et la nôtre, op. cit., p. 112.
129 Chapoutot Johann, Le national-socialisme…, op. cit., p. 486.
130 Rebérioux Madeleine, « Le mur des fédérés », in Nora Pierre (dir.), Les Lieux de mémoire, t. 1, op. cit., p. 535-558.
131 Morlan Michel, « La Commune de Paris », Europe-Action, 3, mars 1963, p. 49-55.
132 « Commune de Paris », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 56.
133 BDIC, Fonds Delarue, Rapport de Jacques Delarue. 1966, Activité des mouvements en France. Leurs liaisons internationales.
134 « Per una grande battaglia », Ordine Nuovo, V, 3-4, mars-avril 1959, p. 129-132.
135 Cette affirmation ne vaut que pour les numéros du Secolo que nous avons dépouillés systématiquement (de janvier 1961 à décembre 1968 puis juillet-décembre 1969 ; janvier-mars 1970 ; octobre-mars 1972 ; janvier-avril 1973).
136 « 23 marzo 1919 : fondazione dei fasci italiani di combattimento », Il Secolo d’Italia, 23 mars 1968, p. 3. Les faisceaux italiens de combat sont fondés à Milan le 23 mars 1919 par Mussolini.
137 « La vittoria mutilata : Mussolini attacca duramente l’opera di Orlando », Il Secolo d’Italia, 22 octobre 1964 ; « XXVIII ottobre », Il Secolo d’Italia, 27 octobre 1963, p. 3.
138 Il Secolo d’Italia, 1er mai 1965.
139 « Cerimonia in Italia per il ventennale del sacrificio di Benito Mussolini e dei caduti della RSI », Il Secolo d’Italia, 29 avril 1965, p. 5.
140 « Théorie de la Révolution », Europe-Action, 5, mai 1963, p. 32 (numéro spécial « Qu’est ce que le nationalisme », Tribune Libre, éditions Saint-Just).
141 Il s’agit de la Société d’Études et de relations publiques, société d’éditions phonographiques fondée en mars 1963 par Jean-Marie Le Pen.
142 « Mussolini et le fascisme (voix et chants) », Europe-Action, 47, novembre 1966, p. 43.
143 Ploncard D’Assac Jacques, « Jose Antonio le peuple et sa révolution », Europe-Action, 2, février 1963, p. 43-46.
144 Pensabene Giuseppe, « Il processo e l’assassinio di José Antonio Primo de Riveira. Analogie con la storia di trent’anni or sono », Il Secolo d’Italia, 10 février 1968, p. 3.
145 Voir CdM, Dossier de procédure pénale no 91/97 mod. 21, Rapport d’expertise d’Aldo Giannuli commandité le 20 juillet 2009.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008