L’UNI (Union nationale interuniversitaire) : l’opposition de droite la plus virulente à la loi Faure (1968-1984)
p. 99-121
Texte intégral
1La loi d’orientation sur l’enseignement supérieur fut promulguée le 12 novembre 1968. Elle est plus connue sous le nom du ministre de l’Éducation nationale qui l’inspira : Edgar Faure. Avec cette loi, la majorité sortie renforcée des élections législatives du mois de juin faisait le pari de remettre très rapidement en état de marche des universités puissamment ébranlées par un mouvement de contestation inédit. Pour que la rentrée soit possible, il fallait s’attaquer à des questions brûlantes : était-il possible de démocratiser un enseignement supérieur confronté à la massification des cohortes étudiantes1 tout en le maintenant à un niveau élevé ? Comment résoudre la question des autorités universitaires, complètement déconsidérées par les événements de mai ? Comment réformer le contenu des cours et les modalités d’enseignement pour une meilleure prise en compte du public étudiant ? À l’université, fallait-il préférer la professionnalisation à l’érudition ? Votée à la quasi-unanimité2, la loi Faure tentait de répondre aux problèmes les plus urgents par le triptyque autonomie, pluridisciplinarité, participation. Avant cette loi, les universités correspondaient à la réunion des facultés d’une même académie. Avec la réforme, les facultés sont cassées et les universités deviennent des fédérations d’UER (Unités d’enseignement et de recherche), ouvertes à tous les bacheliers3. Les nouveaux établissements reçoivent une autonomie à de multiples niveaux, tant du point de vue de leurs statuts et de leurs structures internes, que de la pédagogie (même si les diplômes doivent toujours être validés par l’État) et de la répartition de leur crédit global de fonctionnement. L’organisation des études universitaires est révisée : la validation d’une année dépend de l’obtention d’UV (unités de valeur), ce qui inaugure un système d’études « à la carte », assez proche de celui en pratique aux États-Unis. Mais surtout, la loi Faure modifie considérablement la répartition des pouvoirs au sein de l’enseignement supérieur. Auparavant, le recteur présidait le conseil de l’université, qui était composé du doyen et de deux professeurs de chaque faculté. La loi Faure introduit une véritable gouvernance par la mise en place de conseils : les conseils d’UER élisent un conseil d’université, qui lui-même élit un président pour cinq ans. Le CNESER (Conseil national d’enseignement supérieur et de la recherche) vient couronner cette pyramide. La grande nouveauté tient à la composition de ces conseils, qui sont ouverts non seulement aux professeurs, mais aussi aux autres catégories d’enseignants (assistants et maîtres assistants) et aux autres usagers de l’université (étudiants, personnels administratifs et de service, personnalités extérieures). Alors que les professeurs occupaient une place hégémonique dans les anciens conseils d’université, ils ne disposent désormais plus que de 20 % des sièges. Ajoutées à la réduction considérable des prérogatives des recteurs, devenus des « chanceliers » de l’université, les modalités électorales prévues par la loi Faure provoquent un affaiblissement spectaculaire des anciens détenteurs du pouvoir.
2Créée après les événements de mai 68 dans les milieux gaullistes de droite, l’UNI est une association qui ne tarde pas à se prononcer sur la loi Faure : elle est « avec six mois de retard, une conquête de mai et elle permet au parti communiste de recueillir en toute légalité les fruits de son long travail et de sa patience stratégique4 ». C’est aussi en réaction aux conséquences engendrées par la loi d’orientation que l’UNI publie ses premières affiches dans les années 1970 (figure 1).
3L’UNI se retrouve alors dans la délicate position de soutenir les hommes politiques de la droite en général et les gaullistes en particulier tout en ne pouvant taire son hostilité à la loi.
4Pour comprendre le positionnement de l’UNI sur la loi Faure, il faut revenir sur les événements de mai 68. Il apparaîtra alors que pour l’UNI, cette loi est interprétée comme l’aggravation d’une « subversion marxiste » mise au jour en mai 68. Ce constat conditionne les formes de l’opposition de l’UNI durant toute la période d’application de la loi.
Les événements de mai 68 : la révélation au grand jour de l’existence d’une « subversion marxiste »
5C’est à l’aune d’une subversion marxiste révélée en mai 68 que les membres de l’UNI mesurent la dangerosité de la loi Faure. C’est d’ailleurs en réaction à cette menace que l’UNI a été créée. L’analyse des événements de mai 68 est donc cruciale pour expliquer à la fois la naissance de l’UNI et son opposition à la loi Faure. Mai 68 est un phénomène complexe, qui résulte de la convergence de multiples crises. La crise étudiante est celle qui est la plus manifeste. Elle a elle-même été générée par de multiples facteurs : l’inadéquation entre le nombre et la taille des facultés d’un côté et la massification du supérieur de l’autre, la crainte d’un nouveau chômage, de nature intellectuelle, la revendication de nouvelles méthodes pédagogiques et d’une refonte des structures pour une plus grande participation des étudiants et des enseignants non-professeurs au pouvoir de décision. Mai 68 revêt aussi une forte dimension sociale, perceptible dans les nombreuses grèves qui ont paralysé le pays. C’est aussi une crise politique qui a éclaté au printemps, le fameux slogan « Dix ans, ça suffit » étant l’expression par une partie de la population d’un rejet du gaullisme déjà mis en difficulté dans les urnes lors des présidentielles de 1965 et des législatives de 1967. Enfin, mai 68 correspond également à une crise de valeurs, visible dans la remise en question de la société de consommation des Trente glorieuses et dans la contestation d’un carcan moral dépassé. Or, pour l’UNI, toute cette interprétation de mai 68 correspondrait à une « vérité officielle5 », qui serait complaisamment resservie de commémoration en commémoration par les historiens, les sociologues et les médias. Cette grille de lecture « exclusive » des événements de mai 68 occulterait l’existence d’un complot fomenté par des « centrales subversives internationales6 » contre les structures démocratiques de notre société.
6Pour l’UNI, plusieurs indices viennent accréditer cette thèse. Tout d’abord, le caractère quasi-imprévisible de l’explosion de mai7, qui exclurait tout facteur explicatif endogène. De même, les émeutes que la France a connues ont agité simultanément de nombreux autres pays, des États-Unis au Japon8. Ce serait la preuve que les mouvements de contestation ne seraient pas spontanés mais qu’ils appartiendraient tous à un plan d’ensemble. De plus, la violence inédite de la révolte étudiante et sociale française pourrait laisser croire qu’elle est alimentée de l’extérieur. Enfin, les groupuscules gauchistes français ne dissimulent pas leur affiliation avec leurs homologues de l’étranger, qu’il s’agisse des techniques militantes ou de l’aide financière qu’ils reçoivent. Par exemple, les liens de la JCR (Jeunesse Communiste Révolutionnaire) d’Alain Krivine avec le SDS (Sozialisticher Deutscher Studentbund, Fédération des étudiants socialistes allemands, situé à l’extrême gauche de l’éventail politique) de l’Allemand Rudi Dutschke sont notoires. Non seulement des membres du SDS vivent à Paris, mais encore le SDS a initié la JCR à l’agit-prop lors des manifestations. Le 18 février 1968, le SDS organise à Berlin une grande manifestation contre la guerre du Vietnam, animée par quinze délégations étrangères. Celle envoyée par la France est essentiellement composée de militants de la Jeunesse communiste révolutionnaire, qui exploitent trois jours plus tard lors d’une manifestation française les « “trucs” appris à Berlin : slogans hachés, frappés dans les mains, sautillements sur place au rythme de “Che-Che !”, banderole en lettres de feu tendue à travers la chaussée9 »… De même, il est bien connu que de l’argent a été versé aux groupes révolutionnaires depuis l’extérieur, mais si l’on en croit Maurice Grimaud, le préfet de police de Paris lors des événements de mai 68, les sommes « ont surtout permis de combler les déficits chroniques de tous ces mouvements10 ». Cette lecture complotiste de mai 68, toujours assumée par les dirigeants et militants de l’UNI, n’est pas spécifique à l’association. Des responsables politiques, jusqu’au plus haut niveau de l’État, la partagent aussi. C’est le cas de Raymond Marcellin. Nommé fin mai ministre de l’Intérieur à la suite de Christian Fouchet, il croit lui aussi en une manipulation de la jeunesse française par des chefs d’orchestre clandestins et étrangers. Encore plus haut dans la hiérarchie politique, cette thèse d’un mai 68 téléguidé de l’étranger est aussi celle qu’adopte Charles de Gaulle dans son allocution radiotélévisée du 30 mai 68. Le général dénonce la paralysie qui touche le pays et désigne les responsables :
« Ces moyens, ce sont l’intimidation, l’intoxication et la tyrannie exercées par des groupes organisés de longue main en conséquence, et par un parti qui est une entreprise totalitaire. »
7Pour le pouvoir, identifier le parti communiste comme l’instrument d’un complot ourdi par l’Union soviétique permet à la fois de se rassurer, en accusant un ennemi bien connu depuis les débuts de la guerre froide, et de se disculper, après avoir été incapable de gérer une crise étudiante11. L’UNI retient surtout que mai 68 correspond à une rupture. Avant, la révolution paraît surtout possible dans les pays du tiers-monde, ce qui explique pourquoi de jeunes Français ont apporté leur aide à la révolution cubaine et aux combats vietnamien et palestinien. Les événements de mai changent radicalement la donne et prouvent que la révolution dans un État capitaliste avancé comme la France a un sens. L’effroi ressenti par les cadres de l’UNI est proportionnel à la confiance jusqu’alors accordée à la stabilité des nouvelles institutions de la Ve République. Mai 68 a permis de dévoiler qu’elles étaient la cible de tentatives de déstabilisation secrètes, insidieuses bref, subversives. La subversion occupe une place centrale dans le système de pensée et les stratégies politiques de l’UNI.
8Voici la définition que l’organisation propose :
« À l’origine de la tradition marxiste, on concevait la révolution comme un acte par lequel une partie de la population impose sa volonté à coup de fusils, de baïonnettes, de canons, selon les termes d’Engels. […] Mais les marxistes se sont aperçus que ce schéma avait peu de chances de se réaliser dans les sociétés occidentales de la deuxième moitié du xxe siècle. Sans renoncer totalement à ce genre de solutions, ils ont mis au point et appliqué le schéma de la subversion culturelle, qui consiste à créer délibérément […] les conditions psychologiques du renversement de la société bourgeoise12. »
9Autrement dit, « il s’agit de faire l’économie d’une Révolution en passant en douceur13 ». Nous serions donc sans le savoir impliqués dans « une guerre totale14 » et invisible, conduite par l’Union soviétique et relayée en France par son fidèle vassal : le parti communiste. Les responsables de l’UNI pensent donc avoir décrypté le plan de bataille adverse : la société serait l’infrastructure qu’il faudrait bouleverser pour révolutionner la superstructure politique.
10La subversion affecterait tous les domaines de notre société. Les médias, l’administration, la magistrature, la police et l’armée seraient tous atteints par la « gangrène » marxiste. Mais le secteur le plus corrompu serait celui de l’éducation : à tous les niveaux, les professeurs marxistes outrepasseraient leur devoir de formation pour usurper le droit de formater les esprits. Dans leur entreprise subversive, ils seraient rejoints par des élèves ou des étudiants complices. L’université occupe une place stratégique dans ce processus de conditionnement des esprits. Pour l’UNI, mai 68 a démontré que « pour le parti communiste, l’université est […] à la fois un vivier où il choisit et forme les cadres et agitateurs dont il a besoin, et un centre de diffusion à partir duquel il fait passer ses idées15 ». De fait, comme la plupart des enseignants sont formés dans les universités, il suffit d’endoctriner les étudiants pour atteindre les élèves les plus jeunes à l’issue d’une réaction en chaîne. Par la contamination de l’école primaire et secondaire, c’est finalement l’armature mentale de toute la société française qui se retrouve sapée. Tous les individus seraient alors préparés inconsciemment à une révolution des structures politiques, économiques et sociales, si bien que l’instauration d’un régime totalitaire à la soviétique passerait inaperçue. D’après l’UNI, l’université serait aussi « un laboratoire qui permet[trait au parti communiste] de mettre au point ses méthodes de conquête des esprits dans de bonnes conditions ». À ce titre, mai 68 serait bel et bien une « répétition générale16 ». L’UNI a justement été créée pour annuler la représentation tant attendue.
11Les statuts de l’Union nationale interuniversitaire ont été déposés à la préfecture de police de Paris le 12 février 1969. Mais l’association était déjà en gestation en mai 68. C’est pour répondre à ce qui « ne ressembl[e] à rien de répertorié en matière de désordre17 » que des enseignants et des étudiants ont décidé de mettre en place une nouvelle structure, sous l’égide de Jacques Foccart, secrétaire général de l’Élysée aux affaires africaines et malgaches, chef officieux des services de renseignement et parrain du SAC (Service d’action civique)18. Le noyau dur des fondateurs est formé de Frédéric Deloffre, professeur de littérature à la Sorbonne, Jacques Rougeot, assistant à la Sorbonne, Suzanne Marton, jeune élève à Sciences Po, Jacques Guggenheim, membre des CDR (Comités de défense de la République)19 et Gérard Daury, physicien centralien encarté au SAC. L’UNI n’est ni un syndicat, ni une corporation. De fait, en rassemblant en son sein « des enseignants, lycéens et étudiants [ainsi que d’] autres personnes intéressées à la vie de l’Université20 », l’UNI ne peut porter aucune revendication émanant de telle ou telle de ses composantes en particulier. De toute façon, ce n’est pas la raison pour laquelle elle a été créée. L’UNI se sent investie d’une mission anti-subversive : tant dans le domaine des idées que sur le terrain de l’action militante, l’organisation veut révéler à une opinion publique insouciante l’existence d’une guerre invisible et totale infligée par l’Union soviétique. L’UNI inscrit son action à l’intérieur du « pays réel », celui de la vie quotidienne, par opposition au « pays légal » des hommes politiques. En effet, pour l’association, les batailles politiques ne seraient que l’expression des prolongements visibles et atténués des vrais rapports de force, qui s’exerceraient à l’insu de tous à l’intérieur de la société. Le rôle de défenseur du monde libre qu’endosse l’UNI explique le choix du logo de l’organisation à l’époque de la guerre froide.
12Il s’agit d’un hexagone aux couleurs du drapeau français dans lequel sont écrites les initiales de l’organisation. Cette figure est traversée par une flèche semblable à l’aiguille d’une boussole, orientée vers le Nord-Est. Les initiales de l’organisation incrustées dans l’hexagone indiquent que l’UNI inscrit son action à l’échelle de la France tout entière. Les couleurs rappellent son attachement au drapeau : l’UNI entend préserver les valeurs et les traditions de la France. Enfin, l’organisation livre un combat anti-subversif : comme une boussole, elle désigne le danger à une opinion publique inconsciente. L’ennemi est clairement pointé du doigt : sur un planisphère, c’est l’Union soviétique qui se trouve au Nord-Est de la France. Mais comme l’indique le second adjectif épithète du sigle « UNI », l’association inscrit préférentiellement son action au sein de l’université, d’abord en raison de sa place stratégique dans le programme de subversion marxiste, mais aussi parce que c’est dans ce domaine que mai 68 a introduit des changements réels, par la loi Faure.
La loi Faure : une aggravation de la subversion
13La loi Faure est vue par l’UNI comme une « trahison » des responsables politiques. De fait, elle serait un catalyseur de la subversion. De tous les aspects de la loi, c’est celui de la participation que les membres de l’association rejettent le plus vivement. En effet, en ayant le droit de participer aux nouveaux conseils et à l’élection du président, tous les membres de la communauté universitaire, et en particulier les étudiants, ont désormais un droit de regard sur la gestion de leur université. Or, les syndicats étudiants ainsi que ceux des personnels administratifs et de service sont pour la plupart proches de la gauche. Les faire participer au fonctionnement de l’université signifie donc politiser sa gestion au profit de la gauche et récompenser ceux qui ont pris part aux violences de mai, autrement dit, rendre légal ce qui ne peut être légitime aux yeux des membres de l’UNI. Les révolutionnaires de mai seraient donc récompensés par un État qui aurait finalement cédé, en dépit de son apparent renforcement en juin 1968. C’est avec l’entière bénédiction des responsables politiques que les communistes et les gauchistes, amalgamés dans l’esprit des membres de l’UNI, accéléreraient la transformation des universités françaises en « bases rouges » pour étendre la subversion à toute la société. De même, le remodelage de la structure universitaire (par l’éclatement des facultés en unités d’enseignement et de recherche) et de l’organisation des études (validation des années par obtention d’unités de valeur) viseraient à faire perdre aux étudiants leurs repères. L’objectif serait d’amoindrir leur vigilance et leur capacité de résistance à la subversion :
« Les plonger dans un monde en plein bouleversement, c’était leur ôter leurs points de repère, c’était les obliger à penser selon les schémas insolites et déroutants, c’était les inciter à s’agiter sans idées directrices, comme des hannetons dans un bocal de verre, c’était donc en faire une masse docile, se laissant conduire vers des objectifs qu’elle ne discernait pas clairement21. »
14Enfin, l’UNI s’insurge contre la casse de l’ordre hiérarchique à l’université, tant au niveau du corps enseignant (les assistants et maîtres assistants détiennent 60 % des sièges enseignants au conseil d’université) qu’entre enseignants et étudiants. En effet, la condamnation d’un enseignement purement magistral en mai 68 a débouché sur la multiplication des travaux dirigés, qui autorisent une nouvelle proximité entre étudiants et enseignants. Ce décryptage de la loi Faure selon l’UNI aboutit à la conclusion selon laquelle les « ennemis marxistes » s’empareraient en toute légalité de solides bases arrières à partir desquelles ils lanceraient leur « patiente marche [vers le] pouvoir22 ». Voilà pourquoi l’UNI se fait le détracteur le plus virulent de la loi et n’a de cesse de la dénoncer : loi d’orientation, « dommage qu’elle soit orientée !23 ».
15Dans sa dénonciation farouche de la loi d’orientation, l’UNI entre alors en opposition frontale avec celle qui émane comme elle du gaullisme, mais qui défend vigoureusement la loi : l’Union des Jeunes pour le Progrès, l’UJP24. Déjà, les hésitations de l’organisation à accorder un soutien sans faille au pouvoir en mai 68 avaient attiré les foudres de l’UNI. Le divorce est finalement prononcé en septembre 1974, lorsqu’une rencontre est organisée entre des délégations de l’UJP et du Mouvement de la Jeunesse Communiste de France. Le virage progressiste entrepris par l’équipe Fasseau à la tête de l’UJP apporte la confirmation pour l’UNI que l’UJP a rejoint les rangs de l’ennemi, au point de titrer l’un des articles de L’Action universitaire (le bulletin mensuel de l’UNI) : « UJPC25. » Finalement, l’opposition entre l’UNI et l’UJP illustre celle qui est perceptible plus généralement à l’échelle de tout le mouvement gaulliste : pensé dès les origines comme un rassemblement, il se marque par des lignes de faille de plus en plus actives entre gaullistes de gauche et gaullistes de droite. La loi d’orientation a justement été un sujet de tensions au sein de l’UDR (Union pour la Défense de la République) : la quasi-unanimité avec laquelle la loi a été votée à l’Assemblée nationale ne doit pas dissimuler le très grand scepticisme d’une partie des députés gaullistes.
16Pour l’UNI, la politisation des universités autorisée par la loi Faure a eu des conséquences incalculables. « L’une d’elles s’est produite le 10 mai 198126. » En clair, la victoire de François Mitterrand puis l’arrivée de ministres communistes au gouvernement illustreraient la victoire de la subversion : la stratégie de conquête du pouvoir légal par la prise en main du pouvoir réel aurait finalement fonctionné. Mais comment expliquer alors que les responsables politiques aient sciemment donné des gages aux « ennemis de la République » ? L’UNI estime que l’université a été abandonnée pour servir de « cordon sanitaire27 ». Quant à Edgar Faure, il est dépeint comme un « agent de la subversion ».
17Son habileté à apaiser un monde agricole bouleversé par la modernisation des structures convainc le général de Gaulle de le nommer au poste très difficile de ministre de l’Éducation nationale en remplacement d’Alain Peyrefitte28. L’UNI déteste Edgar Faure qui a permis la « consécration de l’esprit soixante-huitard29 ». Edgar Faure le reconnaît volontiers lui-même : fidèle aux traits d’humour qui le caractérisent, il se réjouit d’avoir fait voter « une loi PSU30 à une assemblée PSF31 »… Pour l’UNI, les « mobiles » d’Edgar Faure sont à chercher dans la « stratégie personnelle » du ministre.
18Edgar Faure serait parvenu à recevoir l’aval du général de Gaulle en posant fallacieusement la participation32 comme principe essentiel de son projet de loi. Pour Jacques Rougeot, président de l’UNI, le ministre aurait cherché à capitaliser tout à la fois la sympathie des communistes favorisés par la loi d’orientation et la bienveillance des gaullistes en se prévalant du patronage du général. Son objectif ultime aurait été de rassembler un électorat certes hétéroclite, mais nombreux, dans l’espoir d’accéder un jour à la présidence de la République. La candidature d’Edgar Faure en 1974 serait la preuve que l’UNI avait vu juste dans les manœuvres de l’homme politique. Cette interprétation de la stratégie supposée d’Edgar Faure est défendue assez tardivement par l’UNI : ce n’est qu’à partir du milieu des années 1970 que les cadres du mouvement découvrent des mobiles électoralistes chez le ministre de l’Éducation nationale en validant leur hypothèse par un fait postérieur.
19Pour le ministre, il s’agit avant tout de canaliser le mouvement étudiant en transférant la contestation sur le terrain des élections universitaires. Très habilement, il fait remarquer :
« Qu’il n’y a pas d’exemple dans l’histoire qu’une révolution ait été faite simplement par des révolutionnaires. Il faut donc que ces révolutionnaires entraînent avec eux des réformistes ; mais nous faisons tout ce qu’il faut pour qu’ils n’y parviennent pas33. »
20La loi d’orientation, plutôt habile, n’est pas un gage cédé par Edgar Faure aux agitateurs des amphis, qui sont d’ailleurs loin de tous vouloir remplacer leur activisme révolutionnaire par une opposition légaliste. La participation n’est pas non plus un prétexte utilisé pour s’attirer les faveurs des fidèles du général séduits par une lecture sociale du gaullisme. Edgar Faure y croit vraiment : en tant que ministre d’État chargé des Affaires sociales en 1972-1973, il impose l’extension de la participation à l’entreprise par l’intéressement des salariés. Enfin, sa candidature aux présidentielles de 1974 est moins l’aboutissement d’une stratégie personnelle que l’illustration de la profonde division des gaullistes devant la candidature de Jacques Chaban-Delmas. Pour l’UNI, qui fait de la loi d’orientation une manifestation supplémentaire de la subversion marxiste révélée en mai 68, il faut très vite se mobiliser pour résister et mener la contre-offensive. Dès sa création, l’UNI est un instrument de combat.
Les formes de l’opposition de l’UNI à l’application de la loi Faure
21En fait, c’est avant même l’adoption de la loi que les futurs dirigeants de l’UNI s’attaquent à la réforme de l’université. Jacques Rougeot se souvient d’avoir rencontré Robert Poujade, alors secrétaire général de l’UDR. Les deux hommes partageaient la même hostilité au projet de loi :
« Il nous a dit que de Gaulle lui avait d’abord proposé le ministère de l’éducation nationale et que c’est à la suite de son refus qu’il l’avait attribué à Edgar Faure. Le Général n’avait pas d’idée préconçue en matière universitaire et la politique fauriste n’a pas été menée à son instigation. Robert Poujade était très hostile à la loi. Je le revois ; il avait le projet sur son bureau, il le prend, il le laisse tomber en disant : “Regardez-moi cette loi, c’est tellement mauvais que c’est inamendable.” C’était effectivement un sentiment très répandu34. »
22Plus tard, quand la loi est finalement votée et promulguée, l’UNI continue de la combattre, à la fois par sa présence à l’université, mais aussi en jouant le rôle de groupe de pression auprès des hommes politiques de la droite.
23Pour convaincre les étudiants et le reste de l’opinion publique que l’université est la cible des assauts d’une subversion marxiste, l’UNI déploie une propagande intensive. Les supports que l’association utilise sont divers : mis à part les bulletins de L’Action universitaire et les brochures spécialisées publiées par la maison d’édition de l’UNI, les militants distribuent des tracts, collent des affiches et des autocollants en grand nombre. À l’occasion des présidentielles de 1974, l’UNI mène pour la première fois une campagne massive, durant laquelle plus d’un million d’autocollants sont posés. La variété des moyens employés permet d’atteindre toutes les franges de l’opinion : moins le public auquel s’adresse l’UNI lui est acquis, plus elle utilise des supports de propagande directs. Plus il lui est favorable, plus elle prend la peine de développer ses idées dans des textes étoffés et à l’argumentation étudiée. L’UNI se fait très vite connaître par son activisme : durant les premières années d’application de la loi Faure (1968-1972), des campagnes d’affichage et de tractage se déroulent chaque semaine et tous les tracts et journaux distribués comportent un bulletin d’adhésion de l’UNI35. Les tirages impressionnants du matériel de propagande de l’UNI trahissent une organisation qui vit bien largement au-dessus de ses moyens déclarés et laissent deviner le recours à des fonds occultes provenant du gouvernement, du parti gaulliste et du patronat36. Cette occupation du terrain universitaire dissimule des effectifs réduits, qui pallient leur faiblesse numérique par un militantisme intense37. Les problèmes de représentativité de l’UNI, imputables à une réputation extrémiste tenace, doivent néanmoins être relativisés en raison de la faible propension des étudiants à adhérer à un syndicat, quel qu’il soit, et de la moindre mobilisation des étudiants de droite par rapport à ceux de la gauche.
24Cette affiche, datant du début des années 1980, montre bien comment l’idée de la subversion dans les universités est lue à travers le prisme de la politique étrangère (figure 3).
25Le texte indique que l’UNI assimile son combat pour libérer l’université de l’emprise gauchiste à la lutte de l’Afghanistan (envahie en décembre 1979 par l’URSS) et des libéraux Polonais pour dégager leur pays du joug communiste.
26C’est globalement dans toutes les grandes villes universitaires que l’UNI mène son action anti-subversive. Un premier réseau de sections locales est constitué pendant l’hiver 1968-1969 par Frédéric Deloffre, à l’occasion d’un tour de France des universités. Ce noyau est ensuite étoffé jusqu’au milieu des années 1970 pour conférer à l’association une envergure nationale. Mais contrairement à l’idée généralement reçue, l’UNI est d’abord implantée dans des universités et des disciplines traditionnellement classées à gauche. L’existence d’une « dynamique » section de l’UNI à Nanterre dans la deuxième moitié des années 1970 vient l’illustrer38. De même, ce sont dans les disciplines de lettres et sciences humaines que l’UNI recrute la majorité de ses membres39. La présence de l’UNI en milieu hostile s’explique par la mission que s’est assignée l’UNI : l’objectif est de lutter contre la subversion là où elle se trouve. Le climat de très fortes tensions dans lequel se déroulent les campagnes de propagande de l’UNI explique le souci qu’a l’organisation de protéger ses membres par un militantisme discret. C’est de cet impératif que découle l’utilisation massive de l’autocollant par l’UNI, une première dans l’histoire des luttes syndicales. La propagande que déploie l’UNI lui permet aussi de se faire connaître de ses électeurs.
27Malgré les dénonciations incessantes de la loi Faure, l’UNI participe très paradoxalement aux élections universitaires mises en place. Se défendant de cautionner un système auquel elle s’oppose, l’UNI explique que l’objectif le plus pressant est avant tout d’« occuper ce qui peut rester de terrain40 ». Ne pas participer signifierait confier implicitement à l’ennemi des sièges aux conseils d’UER et d’université, autrement dit, des parcelles de pouvoir légal pour une subversion accrue, tacitement consentie.
« Pour ne pas laisser le champ libre à [ses] adversaires », l’UNI donne donc pour consigne à ses militants d’« occuper les postes, les fauteuils, les chaises et les strapontins que le “système” offre41. »
28Mais l’ancrage à gauche des universités dans lesquelles se trouve l’UNI plonge très vite les campagnes électorales dans une atmosphère de violence. Alain Guggenheim, le fils de l’un des fondateurs de l’UNI, se souvient des élections d’UER au campus de Jussieu en 1970-1971. À l’époque, il était le responsable de la section de l’UNI et se portait candidat en mathématiques. L’hostilité des communistes était très forte envers les militants de l’UNI. En tant que dirigeant local, Alain Guggenheim était particulièrement exposé. Il témoigne :
« Le jour de l’élection, je faisais la tournée des bureaux de vote quand un des ascenseurs s’est ouvert libérant une quinzaine de gars casqués, armés. Ils m’ont attrapé et emmené. Je me débattais, m’accrochais aux portes en espérant que quelque chose se passe mais rien, personne n’a bougé, pas même le secrétaire général de l’université qui était présent ! Ils m’ont traîné dans le couloir jusqu’à l’ascenseur, les portes se sont fermées et ils m’ont tabassé, photographié en me tenant la tête par les cheveux, m’ont volé mes papiers, mon carnet d’adresses, avec en prime les téléphones personnels de Jacques Chirac, Yves Rocard entre autres… Les plus excités voulaient me jeter du haut de la tour. Heureusement, sur le sujet les avis divergeaient et, finalement, ils m’ont rejeté complètement assommé au rez-de-chaussée. Ils m’avaient gardé environ quatre heures. Pendant ce temps quelqu’un avait appelé l’UNI, le ministère de l’intérieur, il y avait donc une certaine panique42. »
29Mais cette agression ne doit pas faire oublier que les groupuscules de gauche n’ont pas l’apanage de la violence : l’UNI n’hésite pas non plus à faire le coup de poing, ce qui motive cette mise en garde du président à ses jeunes recrues : il faut faire attention à
« l’image caricaturale qui les [fait] apparaître comme de dérisoires excités ou de dangereux extrémistes. Assurément, on ne peut empêcher personne de se livrer à ce genre de caricatures, mais on doit se garder de tout ce qui pourrait faire croire aux gens de bonne foi que la caricature est ressemblante43 ».
30Malgré cet usage réciproque de la violence, la faiblesse numérique de l’UNI dans les campus tenus par la gauche l’oblige à se tourner vers des alliés pour sécuriser ses opérations de propagande. Le SAC (Service d’Action Civique) accepte de donner du renfort aux étudiants de l’UNI. Le SAC est le service d’ordre gaulliste, fondé en décembre 1959 sur les cendres du service d’ordre du RPF (Rassemblement du Peuple Français). Il rassemblait des fidèles inconditionnels du général de Gaulle, chargés d’exécuter les tâches de propagande du parti avant qu’il ne rassemble les masses avec la création du RPR en décembre 1976 et d’assurer la sécurité des candidats lors des réunions électorales. C’est aussi la maison-mère de l’UNI44, qui partage le même anticommunisme radical et la même foi en l’existence d’une subversion marxiste. Le SAC joue le rôle de rabatteur pour le compte de la jeune association, en lui envoyant les jeunes gens qui se présentent rue de Solferino, il participe à la création de sections locales, comme à Lyon, protège l’UNI sur les campus, comme à Nancy le 2 juin 1972, lorsque des mineurs de Meurthe-et-Moselle encartés au SAC protègent la tenue d’une réunion publique de l’UNI sur le campus de la faculté des lettres45. Enfin, le SAC participe à l’effort militant de l’UNI en distribuant des tracts de l’association, en collant des affiches et en faisant la promotion des ouvrages des dirigeants. C’est aussi à l’extrême droite que l’UNI trouve des soutiens : dans les années 1970 à Nanterre, l’UNI est « encadrée du SO [service d’ordre] du GUD46 ». Le GUD ou Groupe-Union-Défense est un groupuscule nationaliste né de la dissolution d’Occident à l’automne 1968. Forte de tous ces appuis, quels sont les résultats de l’UNI aux élections universitaires ?
31Il est difficile de donner une vue synthétique de l’évolution des résultats de l’UNI et des autres associations au cours de la période d’application de la loi Faure (1968-1984). En effet, force est de constater qu’il existe une très forte fragmentation des sources. Plusieurs raisons viennent l’expliquer : tout d’abord le foisonnement des données, relatif au nombre important d’universités et a fortiori d’UER, ensuite les mutations des services de l’État chargés d’être leurs interlocuteurs (ministère de l’Éducation nationale de 1968 à 1976, Secrétariat d’État aux universités de 1976 à 1978, puis ministère des Universités de 1978 à 1984), enfin le faible rôle centralisateur de ces services. Dans le cas de l’UNI, qui a la particularité de réunir en son sein à la fois des étudiants et des enseignants, la difficulté de réunir les archives est encore plus grande. Dans l’attente de rassembler un plus grand nombre de données qui nous permettront d’apprécier le poids de l’UNI aux conseils d’UER et d’universités dans les différents collèges où elle se présente47, nous proposons ici de présenter les résultats de l’association au CNESER. Le CNESER est le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Institué en 1971 pour chapeauter la pyramide de conseils créés par la loi Faure, il donne son avis sur la répartition entre les établissements du budget alloué à l’enseignement supérieur et il statue sur l’octroi du label national aux formations que ces établissements dispensent. Enfin, il est consulté sur la carte universitaire et sur le statut de ses différents pôles. Comme le CNESER est un organisme national, il présente l’avantage de résoudre le problème de la segmentation des sources. De plus, toute la période d’étude est couverte et les résultats de l’UNI à tous les collèges sont renseignés. Il faut distinguer trois catégories : celui des professeurs et des maîtres de conférences, celui des « autres enseignants » et enfin celui des étudiants. Il existe en réalité d’autres collèges mais seuls les premiers concernent l’UNI48. L’étude des résultats de l’UNI aux élections du CNESER est intéressante mais il faut préciser qu’il est difficile d’avoir une idée exacte de la représentativité de l’UNI à partir de ces seuls résultats : le taux d’abstention de 30 % environ dans les différentes catégories ne doit pas faire oublier que le CNESER est élu au troisième degré et que l’élection des conseils d’UER, au scrutin direct, présente des taux d’abstention records (70 % par exemple dans les premières années d’application de la loi Faure pour le collège des étudiants) (graphique 1).
32La FSA (Fédération des syndicats autonomes de l’enseignement supérieur), classée à droite, domine très largement les élections du CNESER pour le premier collège. Pour les deux premières élections, ses scores avoisinent les 40 % de suffrages exprimés. Après son éclipse de 1979, elle est toujours la première, même si son absence lui coûte un véritable effondrement électoral. La FSA attire alors entre 25 et 30 % des voix. La suprématie de la FSA s’explique par son image très mandarinale, qui correspond bien à l’électorat du premier collège. Il faut savoir que la FSA se démarque par une très forte assise parisienne : plus de 25 % des électeurs de ce syndicat viennent de Paris. Cette caractéristique entraîne des conséquences sociologiques : la part des enseignants masculins, plus âgés et situés au sommet de la hiérarchie universitaire est plus forte à la FSA qu’ailleurs. Ces derniers sont en général conservateurs, ce qui explique leur vote en faveur de la FSA.
33Le SNESUP (Syndicat national de l’enseignement supérieur) affilié à la FEN (Fédération de l’Éducation nationale) se place en deuxième position. Il reçoit entre 20 et 30 % des voix, avec une période faste en 1976-1979. Il existe certes un écart parfois important avec la FSA (plus de 17 % en 1976), mais la deuxième place du SNESUP illustre la bipolarité de l’électorat du premier collège, qui vote soit à droite, soit à gauche.
34L’UNI obtient des résultats très honorables. L’association réalise en temps normal des scores qui oscillent entre 10 et 15 %. Elle connaît une véritable envolée en 1979, lorsqu’elle profite de l’absence de la FSA avec laquelle elle a conclu un pacte électoral49. L’UNI est alors la première de toutes les organisations syndicales. Mais l’UNI ne reçoit pas le ralliement de tout l’électorat de la FSA. Si cela avait été le cas et compte tenu des scrutins antérieurs, elle aurait obtenu près de 50 % des voix en 1979. Or, elle n’en a eu que 35 %. L’UNI n’a donc attiré que la frange la plus radicale de la FSA. De toutes les organisations, c’est l’UNI qui a l’électorat le moins parisien. 25 % de ses électeurs enseignants viennent même de trois académies de province : Aix-Marseille, Amiens et Montpellier. S’il existe une certaine convergence entre la FSA et l’UNI dans les urnes, il n’en reste donc pas moins que leurs électeurs respectifs divergent, à la fois du point de vue géographique et aussi sans doute sociologique.
35Malgré l’effet « soufflé » de 1979-1983, l’UNI domine sur toute la période le SGEN (Syndicat général de l’Éducation nationale), allié de la CFDT. Les résultats de ce syndicat classé à gauche varient autour des 10 %. La situation dans le collège des autres enseignants est très différente.
36Cette fois-ci, c’est le SNESUP qui occupe la première position, de façon bien plus écrasante que la FSA dans le premier collège. Le SNESUP recueille toujours plus de 50 % des voix. Sa domination ressemble à une quasi-hégémonie. La FSA se situe toujours environ de 30 % à 40 % derrière et elle draine deux fois moins de votants que dans le premier collège. Ce renversement s’explique par les différences sociologiques qui existent entre le premier et le deuxième collège. Dans ce dernier, les enseignants sont moins aisés et plus progressistes que ceux du rang A.
37L’UNI est bonne dernière avec moins de 10 % des voix, excepté en 1979, où elle profite du retrait de la FSA. Là encore, elle n’obtient le ralliement que des éléments les plus radicaux. Comme pour la première catégorie d’enseignants, la FSA ne se remet pas de son absence de 1979. De même, l’UNI subit une retombée en 1983, preuve que son envolée n’a été qu’un feu de paille. À la différence du premier collège, le SGEN dépasse l’UNI sur toute la période, avec plus de 15 % des suffrages exprimés et même plus de 20 % en 1983. Dans cette catégorie, l’UNI commence à être vue comme une organisation violente appartenant à la droite dure.
38En comparaison avec les élections dans le collège des étudiants, celles dans la catégorie des enseignants tous confondus sont marquées par la stabilité des forces syndicales (graphique 3).
39Il est très difficile de représenter les résultats électoraux des syndicats étudiants sur le long terme : les nombreuses dissidences internes qui les agitent ainsi que leur caractère très éphémère les rendent très instables. En particulier, il est presque impossible de représenter les autres mouvements étudiants de gauche que l’UNEF. Au CNESER, l’AMRU (Alliance des mouvements pour la réforme de l’université) et le MARC (Mouvement d’action et de recherche critique) n’apparaissent qu’en 1971, année où ils obtiennent chacun un siège. L’AMRU a été le paravent de l’UJP (Union des jeunes pour le progrès, des gaullistes à la sensibilité de gauche), soucieuse de soutenir la loi Faure de 1968. Quant au MARC, soutenu par la CFDT, il n’a jamais rassemblé plus d’une centaine d’étudiants, la plupart venus des courants autogestionnaires et des milieux chrétiens de gauche. En 1976, il cède la place au MAS (Mouvement d’action syndicale) créé par des membres issus de la CFDT, du PSU et des étudiants socialistes. Le COSEF (Comité d’organisation pour un syndicat des étudiants de France) est fondé à la même année par d’autres étudiants socialistes, d’obédience mitterrandiste, et ne fait que très peu parler de lui. La pérennité des syndicats étudiants de la droite modérée est tout aussi faible. Le CLERU (Comité de liaison étudiant pour la rénovation universitaire) obtient deux sièges en 1971 puis disparaît du CNESER. Le CLEF (Comité de liaison des étudiants de France) naît en 1975 du regroupement de plusieurs associations nationales. Il finit par pencher du côté du RPR. En 1982, il fusionne avec la FNEF (Fédération nationale des étudiants de France), créée en 1961 par des dissidents de l’UNEF qui n’approuvaient pas l’engagement politique de leur syndicat dans le contexte de la guerre d’Algérie. Le nouveau syndicat né de la fusion du CLEF et de la FNEF s’appelle la CNEF (Confédération nationale des étudiants de France), qui laisse le terrain des élections à la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes) à partir de sa fondation à la fin de l’année 1989. Quant au CELF (Collectif des étudiants libéraux de France), il est créé en 1978 par les giscardiens pour concurrencer le CLEF.
40L’UNEF est la reine incontestée des suffrages chez les étudiants. Elle survole les autres syndicats de très haut. Il faut noter le cas particulier de 1971 où l’UNEF ne recueille que 40 % des voix du fait d’un problème interne : l’UNEF se scinde en deux, entre l’UNEF-Renouveau (UNEF-Re) de tendance communiste et l’UNEF-Unité syndicale (UNEF-Us) d’obédience trotskiste. Seule la première UNEF accepte de jouer le jeu électoral50. En 1980, l’UNEF-Us devient l’UNEF-ID (Indépendante et démocratique), qui accepte finalement de participer aux élections à partir de 1982. Mais ce revirement modifie peu les résultats obtenus par l’UNEF-Re, devenue en 1982 UNEF-Se (Solidarité étudiante) : en 1983, le score des deux UNEF est à peu près équivalent à celui obtenu par la seule branche communiste en 1976 et 1979. Mais dans le détail, l’UNEF-ID enlève la moitié des suffrages à l’UNEF-Se. Il semblerait qu’après le choc de 1971, des étudiants politiquement proches de l’UNEF-Us aient tout de même voté pour l’UNEF-Re (d’où la remontée de 20 % entre 1971 et 1976), avant d’apporter leurs suffrages à l’UNEF-ID à partir de 1983.
41L’UNI démarre les luttes électorales à un niveau très bas. Il faut attendre 1979 pour qu’elle franchisse le seuil des 10 % de suffrages exprimés. Elle se maintient ensuite à cet ordre de grandeur. Certes, l’UNI pèse de bien peu de poids face à l’écrasante UNEF. Néanmoins, elle tire profit de sa persévérance : avec l’UNEF, elle est la seule organisation à perdurer sur toute la période d’étude et dès 1983, elle est la première de la droite (pour les élections au CNESER tout du moins). À cette date, le CELF découvre à peine le milieu des élections au CNESER et le CLEF ne tire même pas parti de sa fusion avec la FNEF car le score de la CNEF est inférieur aux résultats antérieurs du CLEF (le CLEF puis la CNEF pâtissent entre autres de la concurrence du CELF).
42En conclusion, plus l’électeur se situe en haut de la hiérarchie universitaire, plus il est susceptible d’accorder ses voix à l’UNI. L’image conservatrice de l’UNI explique ses scores importants dans le collège des enseignants de rang A. En revanche, elle obtient des résultats assez médiocres pour les autres enseignants. Chez les étudiants, l’UNI souffre de sa réputation extrémiste. Mais dans cette catégorie, elle est récompensée par sa ténacité : même si elle se situe très loin derrière l’UNEF avec des scores tout aussi faibles que pour le collège des autres enseignants, elle finit par devenir la première organisation de la droite. C’est également en tant que groupe de pression que l’UNI combat la loi d’orientation.
43L’UNI des années 1970-1980 n’est inféodée à aucun parti politique : elle est en contact avec tous les hommes politiques de droite susceptibles de l’aider à faire valoir ses idées. Les liens de l’UNI avec les responsables politiques sont presque originels : c’est Jacques Foccart en personne qui introduit l’UNI dans les cabinets ministériels, avec plus ou moins de succès. La rencontre qu’il organise le 8 mars 1972 avec le secrétaire d’État à l’Éducation nationale Pierre Billecocq ne tourne pas tout à fait à l’avantage des émissaires de l’UNI, qui sont vus comme des « gars […] vraiment fascistes51 ». En revanche, l’UNI parvient à influencer Joseph Fontanet, ministre de l’Éducation nationale de 1972 à 1974. En autorisant en 1973 la création des très conservatrices universités d’Aix-Marseille III et Lyon III, il accède aux revendications de l’UNI qui réclame une « politique des bastions52 ». C’est le deuxième volet de la lutte anti-gauchiste théorisée par l’UNI : d’une part, disputer à l’ennemi les sièges aux conseils d’UER et d’université ; d’autre part, se couper des universités rouges en créant des pôles universitaires conservateurs, sur le modèle de Paris IV, université née de la loi Faure par le décret du 23 décembre 1970. Après tout, « un bon divorce vaut quelquefois mieux qu’un mariage forcé, et qui du reste n’a jamais été consommé53 »… Il s’agit d’une mesure de prévention des futurs mouvements étudiants. En effet, les nouvelles universités doivent permettre aux bons étudiants de ne plus subir les blocages gauchistes et ainsi de travailler dans de bonnes conditions. La nouvelle carte universitaire permettra à terme de distinguer les bonnes universités des mauvaises. Le cas de la naissance de Lyon III est bien connu54. Des professeurs de Lyon II ont joué un rôle déterminant dans la scission : ce sont le juriste André Decocq, assesseur du doyen de la faculté de Droit et l’italianisant Jacques Goudet, professeur à la faculté des Lettres, tous deux membres du SAC et de l’UNI. Ce sont eux d’ailleurs qui ont été chargés en 1969 d’implanter l’UNI à Lyon dans leurs facultés respectives. Grâce à l’alliance de catholiques modérés qui ont l’oreille du ministre comme le juriste Maurice-René Simonnet, ils parviennent à obtenir la scission d’une université paralysée par de forts clivages idéologiques. Leur lobbying s’est révélé d’autant plus efficace que le président Georges Pompidou lui-même était inquiet de l’influence réelle ou supposée de l’extrême gauche dans les universités55. Mais il faut ajouter que dans le cas de la scission de Lyon II, d’autres facteurs ont joué, comme l’hypertrophie de l’université, qui comptait en 1973 19 000 étudiants, et l’échec de la pluridisciplinarité, les deux anciennes facultés de lettres et de droit se tournant le dos. Ces problèmes, moins sensibles que la très forte opposition politique qui sévissait au sein de l’université, ont été utilisés comme leviers par André Decocq et Jacques Goudet, qui deviennent respectivement après la scission doyen de l’UER de Droit (1974-1976) et directeur de l’Institut des Langues (1974-1978).
44Cette politique des bastions est poursuivie après l’arrivée au secrétariat d’État aux universités d’Alice Saunier-Séïté, une proche des dirigeants de l’UNI qui l’appellent amicalement « Alice56 ». L’agitation étudiante provoquée en 1976 par la réforme du second cycle des études universitaires lui prouve que l’UNI a raison. Elle procède tout d’abord à une désectorisation des études de droit de Nanterre. Désormais, les bacheliers des VIIIe, IXe, XVIe et XVIIe arrondissements de Paris, ainsi que ceux des communes du Nord des Hauts-de-Seine et des Yvelines souhaitant étudier le droit ne sont plus contraints de s’inscrire à Nanterre, en première ligne sur la liste des « universités rouges57 ». Ils ont dorénavant la possibilité de s’inscrire dans la toute nouvelle UER de droit à Malakoff, dans les Hauts-de-Seine. De la même façon, les études de sciences d’Orsay sont désectorisées, tout comme celles de droit privé d’Amiens et de sciences de Saint-Quentin (jusqu’alors sous tutelle de l’université de Picardie)58.
45C’est avec la complicité de la secrétaire d’État devenue ministre des universités en 1978 que l’UNI agit pour un retour à la situation d’avant 1968. De fait, la politique universitaire d’A. Saunier-Séïté vise à une recentralisation de la gestion des universités. Pour contrer la multiplication des universités au lendemain de la loi d’orientation, Alice Saunier-Séïté utilise la procédure des « habilitations ». Elle décide de l’attribution ou non du « label » national aux formations dispensées. Par décret, elle fait également en sorte que les carrières universitaires soient désormais gérées depuis Paris. Auparavant, les universités recrutaient les maîtres assistants et les professeurs sur des listes d’aptitudes établies au niveau national par le CCU (Comité consultatif universitaire). Avec le nouveau décret, les universités ne peuvent que proposer tandis que le CSCU seul décide (Conseil supérieur des corps universitaires)59. Alice Saunier-Séïté favorise également l’UNI en nommant recteurs certains de ses membres et en gonflant la subvention gouvernementale qui lui est due60. Mais l’UNI ne se satisfait pas entièrement des mesures prises par Alice Saunier-Séïté. Pour aller encore plus loin, elle publie une contre-loi d’orientation après les législatives de 197861. Dans ce texte, l’UNI expose les deux points qui fondent la matrice de sa politique universitaire depuis 1968. Il faut tout d’abord procéder à une sélection à l’entrée de l’université pour d’une part, faire coïncider le nombre de diplômés aux besoins économiques du pays, en particulier dans les filières surchargées des facultés de lettres, et d’autre part ne retenir que les étudiants les plus aptes à réussir, tout en orientant les élèves les moins doués vers des voies qui leur seront plus adaptées. Cette mesure est enfin le gage d’un rehaussement de la valeur des diplômes universitaires, qui s’est retrouvée affaissée par la massification du supérieur depuis les années 1960. Le second volet essentiel des propositions que formule l’UNI est la promotion d’une professionnalisation des filières, visant à concilier université et monde du travail et ainsi rompre avec la tradition de la transmission d’un savoir livresque sans possibilités concrètes d’application. La politique conservatrice d’Alice Saunier-Séïté obéit à la même logique que celle qui a débouché sur l’adoption de l’amendement Sauvage. Cet amendement, qui tire son nom du sénateur centriste Jean Sauvage, est adopté en juin 1980. Il bouleverse considérablement les modalités électorales prévues dans la loi d’orientation de 1968. Les professeurs de rang magistral disposent dorénavant de la majorité absolue dans les conseils d’université. Or, ce sont justement ces conseils qui élisent le président d’université. En réduisant la place des étudiants et du personnel, généralement proches de la gauche, cet amendement a pour conséquence l’élection de présidents davantage conservateurs.
46Après la victoire de François Mitterrand aux présidentielles de 1981, le lobbying de l’UNI subit une profonde inflexion : ses interlocuteurs de droite ne pèsent plus sur les destinées du pays. Une période difficile s’ouvre alors pour l’UNI, qui doit faire face à l’abrogation de la loi Sauvage le 9 novembre 1981 et à la préparation de la loi Savary sur l’enseignement supérieur, vue comme une « loi Faure aggravée62 ».
Conclusion
47Si l’UNI s’oppose avec autant de virulence à la loi Faure, c’est parce qu’elle ferait le jeu d’une subversion marxiste, destinée à détruire les fondements démocratiques de notre société via le secteur stratégique de l’université. Or, la lutte contre cet ennemi omniprésent et invisible forme justement la raison d’être de l’UNI. Certes, l’association reproche aux hommes politiques de droite d’avoir voté la loi Faure. Mais elle ne s’oppose pas à eux de façon frontale : l’UNI tâche de composer avec eux pour qu’ils reviennent dans la pratique sur les transformations induites par la loi. Cette politique d’influence trouvera son paroxysme au moment de l’élaboration de la loi Devaquet.
Notes de bas de page
1 En 1960-1961, le nombre d’étudiants est de 215 000. En 1967-1968, il est de 500 000. D. Fischer, L’histoire des étudiants en France de 1945 à nos jours, Paris, Flammarion, 2000, p. 267-269.
2 Le vote à l’Assemblée nationale s’est déroulé le 10 novembre 1968 : seules 39 abstentions ont été dénombrées (33 communistes et 6 de l’UDR, l’Union pour la Défense de la République).
3 En avril 1968, il était encore question d’introduire pour la rentrée une sélection à l’entrée des facultés, qui ne devaient admettre de plein droit que les bacheliers titulaires d’une mention.
4 F. Deloffre, J. Rougeot, L’Université, enjeu politique (1968-1983), CED (Centre d’étude et de diffusion), 1983, p. 29 (cette brochure, publiée aux presses de l’UNI sous la présidence de François Mitterrand, reprend des analyses plus anciennes sur la loi Faure). En réalité, le Parti communiste n’est pas responsable du déclenchement du mouvement de contestation, qui était animé par des groupuscules gauchistes (trotskistes, maoïstes, anarchistes…).
5 J. Rougeot, op. cit., p. 14.
6 F. Deloffre et J. Rougeot, L’Université, enjeu politique (1968-1983), op. cit., p. 8.
7 Le titre d’un article du journaliste du Monde, Pierre Viansson-Ponté, à quelques semaines du déclenchement des troubles à Nanterre, est resté célèbre : « Quand la France s’ennuie »… (Le Monde, 15 mars 1968). Il faut toutefois nuancer cette apparence d’imprévisibilité : déjà en 1967, des troubles éclataient dans les résidences universitaires de Nanterre et d’Antony.
8 L’agitation étudiante de l’année 1968 revêt en effet une forte dimension internationale et concerne les États-Unis, le Mexique, le Brésil, le Chili, la Bolivie, l’Uruguay, l’Allemagne fédérale, la Belgique, la Suisse, la Suède, la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Italie, l’Espagne, le Japon, ainsi que certains pays d’Afrique. Cf. Didier Fischer, op. cit., p. 388.
9 H. Hamon, P. Rotman, Génération, Paris, Éditions du Seuil, t. 1, Les années de rêve, 1987, p. 412-416.
10 M. Grimaud, En mai, fais ce qu’il te plaît, Paris, Stock, 1977.
11 F. Audigier, « Des gaullistes engagés contre la “subversion marxiste”, le cas des Comités pour la Défense de la République (CDR) en mai-juin 68 », dans F. Cochet, O. Dard (dir.), Subversion, anti-subversion, contre-subversion, Riveneuve éditions, 2010, p. 81-85.
12 F. Deloffre et J. Rougeot, L’Université, enjeu politique (1968-1983), op. cit., p. 35-36. Les variations typographiques reproduisent celles du document original.
13 Brochure à usage interne rédigée par l’UNI, 24 questions sur l’UNI, mars-avril 1971, p. 12.
14 Analyse extraite du mensuel de l’UNI : L’Action universitaire, no 39, avril 1974.
15 F. Deloffre et J. Rougeot, L’Université, enjeu politique (1968-1983), op. cit., p. 36-37.
16 C’est en tout cas l’intention des trotskistes Daniel Bensaïd et Henri Weber : Mai 68 : une répétition générale, Paris, Maspero, 1968.
17 H. Hamon, P. Rotman, Génération, op. cit., p. 430.
18 F. Audigier, Histoire du SAC, la part d’ombre du gaullisme, Paris, Stock, 2003.
19 Les CDR ont été lancés le 11 mai 1968 par Pierre Lefranc pour encadrer le sursaut de la majorité silencieuse face aux révolutionnaires. Cf. F. Audigier, « Des gaullistes engagés contre la “subversion marxiste”, le cas des Comités pour la Défense de la République (CDR) en mai-juin 1968 », op. cit.
20 Formule par laquelle l’UNI se présente dans le bulletin d’adhésion placé à la fin de L’Action universitaire.
21 F. Deloffre et J. Rougeot, L’université, enjeu politique (1968-1983), op. cit., p. 22-23.
22 Ibid., p. 24.
23 L’Action universitaire, no 53, novembre 1975.
24 Nous renvoyons à la thèse et à l’article de F. Audigier : Génération gaulliste. L’Union des Jeunes pour le Progrès, une école de formation politique, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2005, p. 280 et « UJP et UNI : une jeunesse gaulliste divisée face à la réforme Faure », dans Fondation Charles de Gaulle (dir.), De Gaulle et la Jeunesse, Paris, Plon, 2005.
25 L’Action universitaire, no 42, juillet-août-septembre 1974. Il faut toutefois relativiser cette opposition : le ralliement de certains cadets gaullistes à l’association de Jacques Rougeot vient démontrer qu’une fraction de l’UJP était séduite par les idées et le style militant de l’UNI.
26 F. Deloffre et J. Rougeot, L’Université, enjeu politique (1968-1983), op. cit., p. 43.
27 Ibid., p. 37.
28 Notice « Edgar Faure » écrite par Serge Berstein dans le Dictionnaire de Gaulle, 2006.
29 F. Deloffre et J. Rougeot, L’Université, enjeu politique (1968-1983), op. cit., p. 30.
30 Le PSU est le Parti socialiste unifié, fondé en 1960 par des dissidents de la SFIO et du parti communiste.
31 Le PSF est le Parti social français, fondé en 1936 par François de la Rocque à la suite de la dissolution des Croix-de-Feu qu’il dirigeait. Surtout actif dans les années 1930, une filiation peut être observée entre le PSF et le premier parti gaulliste, le RPF (Rassemblement du peuple français). La petite phrase d’Edgar Faure fait référence à la composition de l’Assemblée nationale élue en juin 1968, dans laquelle les députés UDR disposent de la majorité absolue des sièges.
32 La participation est une idée ancienne du gaullisme, inspirée des idées sociales de la Résistance puis développée par le RPF dans le champ économique et social avec la notion d’association capitaltravail. Cf. M. Sadoun, J.-F. Sirinelli et R. Vandenbussche (dir.), La Politique sociale du général de Gaulle, Lille, PUL, 1990.
33 Edgar Faure, Philosophie d’une réforme, Paris, Plon, 1969, p. 108-109.
34 J. Rougeot, « Mai 68 vu d’en face », Conflits actuels, no 2, printemps-été 1998, p. 113-114.
35 A. Guggenheim et S. Marton, « L’autre mai 68 », Conflits actuels, op. cit., p. 95.
36 Interview de Frédéric Deloffre et Jacques Rougeot le 13 novembre 2007. Il faut ajouter que l’UNI aurait bénéficié du financement du gouvernement des États-Unis via une officine créée par R. Reagan pour soutenir les mouvements luttant contre le communisme dans le monde. D’après Libération (27 novembre 1985), l’UNI aurait ainsi reçu 575 000 $ entre avril 1984 et avril 1985. Le syndicat FO aurait lui aussi émargé à ces fonds secrets. Le quotidien Le Monde (29 novembre 1985) a confirmé ces hypothèses.
37 Jacques Rougeot situe les troupes de l’UNI entre 10 000 et 15 000 personnes pour les années 1970-1980, ce qui est vraisemblablement exagéré (interview du 13 novembre 2007).
38 L’Action universitaire, no 77, mars-avril 1978.
39 En 1980, des journalistes de L’Express font le constat que l’UNI est essentiellement présente en « philosophie, langues anciennes et vivantes, histoire et français » (L’Express, 5-11 juillet 1980). Cette observation est confirmée par l’étude des disciplines auxquelles appartiennent les candidats de l’UNI aux élections du CNESER en 1976 (L’Action universitaire, no 56, février 1976).
40 L’Action universitaire, no 45, janvier 1975.
41 Témoignage (épistolaire) d’un ancien de l’UNI, Jean-Yves Châtillon, le 10 janvier 2008.
42 A. Guggenheim et S. Marton, « L’autre mai 68 », op. cit., p. 96.
43 Mise en garde de Jacques Rougeot à l’approche des présidentielles de 1981, L’Action universitaire, no 104, septembre-octobre-novembre 1981.
44 Rapport de la Commission d’enquête sur les activités du Service d’Action Civique, Éditions Alain Moreau, 1982, t. 1, p. 220. Témoignage de Suzanne Marton dans le numéro 2 de Conflits actuels déjà cité (p. 88).
45 Témoignage d’Eugène Faucher, fondateur de l’UNI de Nancy, le 12 novembre 2007.
46 Propos de Philippe Péninque, un ancien militant du GUD, rapportés par Xavier Renou, Le groupeunion-défense (GUD) : Contribution à l’étude d’un mouvement politique de jeunes, Mémoire de DEA de Sciences politiques (dir. Hugues Portelli), université Panthéon-Assas, 1996, p. 76.
47 Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui a été sollicité renvoie vers les universités. Une première enquête a donc été lancée auprès d’une vingtaine d’universités parisiennes et de province, toutes choisies de façon à couvrir le territoire métropolitain et à donner une vue équilibrée entre universités classées à gauche (comme Nanterre) et à droite (comme Lyon III par exemple). Les premiers résultats nous parviennent seulement. En outre, il est toujours possible de consulter les travaux pionniers effectués par Isabel Boussard à la fin des années 1970 et au début des années 1980 sur la participation étudiante, afin de connaître les résultats de l’UNI dans le collège étudiant : de 1970 à 1973 au niveau national et de 1973 à 1977 pour une ventilation entre universités parisiennes et de province (données difficilement utilisables pour une synthèse). Cf. I. Boussard, « La participation des étudiants aux élections universitaires en France (1970-1973) », Revue française de science politique, 1974, vol. 24, no 5, p. 944 et « Les étudiants et la participation. Les élections aux conseils d’UER et d’universités », Revue française de sociologie, 1980, vol. 21, no 21, p. 83.
48 Les graphiques ci-dessous ont été réalisés à partir des archives fournies par la Délégation générale de l’enseignement supérieur. Elles ont été complétées par un article, J.-Y. Mérindol, « Les universitaires et les élections professionnelles », Actes de la recherche en sciences sociales, 1991, vol. 86, no 86-87.
49 Interview de Jacques Rougeot, 13 novembre 2007.
50 D. Fischer, L’histoire des étudiants en France de 1945 à nos jours, op. cit., p. 440-441.
51 J. Foccart, Journal de l’Élysée, t. 4, La France pompidolienne, 1971-1972, 2000, p. 262 ; cité par F. Audigier, « Le SAC : un groupe de pression du gaullisme conservateur dans les années post 68 », dans D. Rolland, D. Georgakakis et Y. Deloye (dir.), Les Républiques en propagande, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 364.
52 F. Deloffre et J. Rougeot, L’université, enjeu politique (1968-1983), op. cit., p. 44.
53 L’Action universitaire, no 61, août-septembre 1976.
54 Rapport Rousso sur le racisme et le négationnisme à Lyon III (remis en septembre 2004 au Premier ministre) [http://www.educpros.fr/uploads/media/16774_Rapport_H-Rousso.pdf], p. 19-33.
55 Témoignage de Jean-Claude Casanova, ancien conseiller technique au cabinet de Joseph Fontanet, recueilli par la mission d’enquête sur Lyon III (10 octobre 2003).
56 Interview de Frédéric Deloffre et Jacques Rougeot le 13 novembre 2007.
57 Le Monde, 18 juin 1976.
58 Le Monde, 21 septembre 1976.
59 L’Express, art. cit.
60 Le Point, 15 décembre 1980. Alors que l’UNI perçoit 290 000 francs en 1976 (Le Monde, 30 novembre 1977), elle bénéficie sans raison apparente de 315 000 F en 1978 (L’Express, art. cit.).
61 L’Action universitaire, mars-avril 1978.
62 L’Action universitaire, no 112 bis, mars 1983.
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