Introduction
p. 123-125
Texte intégral
1Mon intérêt pour les restructurations tient initialement au fait que j’ai rempli des fonctions de représentante du personnel au sein d’un grand groupe de l’énergie et des transports, le groupe Alstom, qui a connu de multiples restructurations et qui fait l’objet d’un chapitre dans cet ouvrage1.
2Les restructurations interviennent aujourd’hui dans un contexte général marqué par des discussions et des débats autour de trois sujets majeurs tant à l’échelle nationale, qu’à l’échelle européenne.
3Le premier sujet a trait à la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences (GPEC), pour laquelle des négociations sont actuellement en cours entre patronat et syndicats en France. Un des problèmes qui se pose dans ces négociations consiste à savoir comment arriver à un partage fiable et pertinent des informations. Il faut trouver des procédures pour arriver à un vrai partage de l’information. Un autre problème porte sur l’interprétation de l’obligation triennale de négocier sur la GPEC dans l’entreprise. Les négociations dans ce cas ne doivent pas être un moyen de contrecarrer une jurisprudence en construction imposant de négocier sur la GPEC avant tout plan de sauvegarde de l’emploi qui aboutit en général à la perte de nombreux emplois. Sur ce point, nous sommes aujourd’hui au milieu du gué et il n’est pas évident de savoir comment vont se terminer ces négociations. Il y a en effet de vrais sujets d’anticipation. Vont-ils être vraiment abordés ?
4Le deuxième sujet concerne la révision de la directive sur les comités d’entreprise européens, où il a été notamment question du rôle que ces comités peuvent jouer dans les processus de restructuration. On retrouve là encore une fois, les mêmes questions : est-ce qu’il est possible pour les représentants du personnel d’influer ou non sur les décisions ou sur les projets économiques des directions ? Et encore une fois quelle qualité de l’information, quelle qualité de la consultation pour les représentants du personnel ? La nouvelle directive a été adoptée le 6 mai 2009 après un cycle de discussions entre les partenaires sociaux européens et au Parlement Européen.
5Le troisième sujet est la tenue du forum restructuration organisé par la DG Emploi de la Commission Européenne. On ne peut pas imaginer l’entreprise comme une espèce d’OVNI au milieu d’un territoire. En particulier, s’il s’agit d’une grande entreprise, de multiples interactions interviennent. Les décisions prises au niveau de ces grandes entreprises ont des conséquences sur l’ensemble du tissu économique, que ce soit au niveau d’un bassin d’emploi, d’un département, voire d’une région. Il est temps vraiment que l’ensemble des décideurs réfléchissent au rôle que jouent les PME et aux conséquences qu’ont sur celles-ci les décisions stratégiques des grands groupes. Que ces décisions soient ou non largement anticipées, il faut s’interroger sur les nouveaux rôles que peuvent jouer les responsables syndicaux et politiques (au niveau des départements, des régions et plus généralement des collectivités territoriales). C’est un des sujets qu’aborde ce forum restructuration depuis maintenant quelques mois.
6Ces trois sujets de réflexion rejoignent les interrogations qui seront développées dans les contributions de cette partie.
7Quels sont les moyens d’intervention économiques des salariés et de leurs représentants dans la marche de l’entreprise face à un processus de restructuration ?
8Quel est le rôle des experts, quelle aide peuvent en attendre les salariés ?
9Est-ce que les employeurs sont prêts à remettre une information fiable, pertinente et en temps utile, comme on dit dans le jargon, pour qu’il soit possible d’arriver à un diagnostic réellement partagé de la situation d’une entreprise et des causes de cette situation ?
10Est-ce que les organisations syndicales et les représentants du personnel dans une entreprise sont prêts, éventuellement, à construire des propositions alternatives ?
11Quel sort sera réservé à ces propositions alternatives si elles ont la possibilité de voir le jour ?
12Ces questions trouvent un éclairage dans les trois contributions qui sont présentées dans cette partie.
13En premier lieu, la pratique des accords de méthode présentée par C. Didry et A. Jobert constitue un sujet de controverse important quant à leur existence, leur utilité et leur contenu. Il me semble que le contenu de ces accords revêt une importance primordiale dans l’évaluation qu’on peut en faire. L’analyse de ces accords doit apporter des éléments de réponse à la question de savoir si ces accords visent avant tout à faire passer en douceur des plans dits de sauvegarde de l’emploi ou s’ils ont d’autres ambitions, d’autres objectifs qui restent à identifier.
14La deuxième contribution, de P. Ferracci, PDG du Groupe Alpha, porte sur les rôles de l’expert économique auprès du comité d’entreprise. Qu’apporte l’expert dans la recherche et la production d’une information de qualité et l’élaboration de propositions alternatives telles qu’elles ont été évoquées ci-dessus ? Quelle possibilité réelle a-t-il d’intervenir dans une entreprise et de contribuer, avec les représentants des salariés, à influer sur la stratégie de l’entreprise et sur le cours des restructurations ? On voit émerger l’importance de l’anticipation dans des pratiques qui ont connu des évolutions importantes depuis les lois Auroux de 1982.
15La troisième contribution, de J.-L. Renoux, porte sur les restructurations au sein d’un grand groupe français des médias. Il met bien en évidence le rôle de la mobilisation collective dans l’affirmation d’une communauté de projet autour des régulations d’emploi dans l’entreprise. Quels sont les apports et les limites d’une mobilisation collective à l’échelle d’une entreprise dans un groupe tel que Lagardère ? On mesure ici la difficulté pour les représentants du personnel à sortir du cadre de l’entreprise et à appréhender les contours mouvants du groupe.
16Ces contributions soulignent l’importance centrale des questions d’anticipation. Mais est-ce qu’une restructuration traduit simplement l’absence d’anticipation ? Une restructuration n’est-elle pas plus simplement le résultat d’une décision stratégique de la direction d’entreprise que, de toute façon, elle a du mal, elle-même, à anticiper ?
Notes de bas de page
1 Cf. le chapitre écrit par Lefresne F. et Sauviat C. dans la cinquième partie de cet ouvrage.
Auteur
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