De la finance alternative à la finance solidaire : quel degré de dépendance institutionnelle ?
p. 151-182
Texte intégral
1La finance solidaire1 s’est développée en France à partir du début des années 1980 (création des Cigales, de la SIDI et son fond de partage « faim et développement » en 1983) dans un contexte qualifié de capitalisme patrimonial2 (M. Aglietta, 1997) ou de « capitalisme actionnarial3 » (D. Plihon, 2001, 2003 ; F. Lordon, 2000, 2003).
2Si les fondateurs de ces activités les considèrent comme une manifestation « du réveil des citoyens » (Rouillé d’Orfeuil, 2002) faisant partie des « alternatives à la mondialisation libérale », il y a débat théorique sur le sens de ces activités. Pour certains auteurs, elles s’inscrivent dans le paradigme de l’économie solidaire au même titre que les systèmes d’échange locaux, les réseaux d’échanges de savoir, les pratiques de commerce équitable (J.-L. Laville, CRIDA, 2001, 124). Ces activités contribuent, pour ces auteurs, à « la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens » (Laville, 20015), démocratisation qui est selon eux la caractéristique essentielle de l’économie solidaire.
3Pour d’autres, en revanche (D. Bévant, 2003 ; G. Aznam, 2003) les structures de finance solidaire6, au même titre que certaines associations produisant des biens et services à des personnes en difficulté (banques alimentaires) seraient des « rouages » permettant l’amélioration de l’efficience de certaines filières marchandes (Bévant, 2003), pour nous financières. Dans la finance dite « solidaire », le défaut d’universalité du système de crédit (Bévant, 2003) et l’exclusion de l’accès à ce service de certains acteurs, ou « creux bancaire » (D. Vallat et I. Guérin, 2000 ; P. Glémain, 2004) conduisent à la création de structures, associatives ou non, qui assument les fonctions relevant traditionnellement des seules institutions de crédit telles que : l’accueil et la sélection des clientèles d’emprunteurs. Le développement de ces structures tient ici plutôt de dispositifs d’insertion visant à faire des chômeurs les acteurs de leur propre parcours d’intégration sociale (Vallat, 2002), des « agir volontaire » au sens de Enjolras (2006), dans un contexte marqué par un chômage chronique et un certain désengagement de l’État encourageant plutôt le « help yourself ». Se pose alors la question d’un financement spécifique à destination des pauvres (P. Amouroux, 2003) amorçant l’idée d’une prébancarisation, autrement dit d’un accès facilité aux services bancaires de base desquels ils sont exclus.
4Les tenants de l’économie solidaire eux-mêmes, s’ils insistent sur l’ancrage dans l’espace public, se demandent si ces institutions de finance solidaire ne sont pas soumises aux logiques financières dominantes à la source des exclusions (G. C. Da Franca, Laurent Fraisse, Laville, 2003) alors que pour eux le financement solidaire devrait s’inscrire dans une composante politique au service du développement humain et sociétal (Amouroux, 2003).
5Pour participer à ces débats, il nous semble important d’analyser l’évolution de cette activité en France, l’expression de finance solidaire supplantant progressivement celle de finance alternative. Il s’agira donc tout d’abord de montrer l’émergence d’une finance alternative marquée cependant par des paradoxes limitant son développement puis, ensuite, d’analyser son dépassement par la problématique de la finance solidaire à partir de la fin des années 1980. Ce renversement s’accompagne, enfin, d’une institutionnalisation de ce champ soulevant de nouveaux paradoxes amenant les acteurs de la finance solidaire à innover et à résister à de nouvelles formes d’isomorphisme institutionnel.
Le début des années 1980 : vers une formalisation
Des pionniers engagés pour une épargne alternative
6Le début des années 1980 a été marqué dans les pays industrialisés, en particulier en France, par un profond changement dans le secteur de la finance : nouvelles formes d’intermédiation financière et bancaire, augmentation du poids des investisseurs institutionnels, concurrence accrue entre ceux-ci, élargissement de la gamme des produits de placements, augmentation des revenus du capital plus importante que ceux du travail. Parallèlement à ces changements industriels, l’augmentation du chômage et l’inefficacité relative des politiques de lutte contre ce chômage d’hystérèse ont conduit certains militants à s’interroger sur la relation entre cette montée du chômage et le développement d’une économie financiarisée et, à proposer des innovations visant à la création des premières structures et produits d’épargne de l’autre finance.
7C’est dans ce contexte que l’on observe la création des premières structures s’inscrivant en résistance au capitalisme patrimonial : les clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne (Cigale) en 1983, la SIDI et le premier produit de partage7 « Faim et développement », ainsi que la société de capital-risque solidaire Garrigue en 1985 et, l’association Habitat et Humanisme la même année. Il s’agit pour les pionniers fondateurs de cette autre finance de lutter contre les effets négatifs de la logique capitaliste et sur ce qui leur semble être les causes de ce phénomène : l’accroissement des profits et le non-investissement de ceux-ci dans « l’économie réelle » (P. Manière et C. Bébéar, 20058). À la gestion purement financière de l’épargne, ils opposent une gestion alternative et locale de façon à maîtriser pleinement son affectation. La rationalité manifestée par ces acteurs devient une rationalité en valeur au sens de Max Weber ou axiologique (B. Enjolras, 2002), au nom d’un certain principe de justice (Glémain, 2004). À partir du constat d’un « monde injuste » (Boltanski, Chiapello, 19999), les acteurs manifestent la volonté et la possibilité de peser sur le système économique en place, de montrer par leur action que d’autres modes de financement sont possibles, s’inscrivant ainsi en résistance à « l’individualisme patrimonial ». En résistant aux tendances lourdes du marché, ces acteurs optent clairement pour la vision alternative de l’économie solidaire (J. Prades, 200110).
8Partant du postulat d’un monde injuste, se pose la question des outils permettant à la fois de sécuriser l’épargne des militants et d’affecter cette épargne à des projets dits d’utilité sociale. En effet, ces militants refusent la logique de don pour entrer dans une logique économique de prêt ou de prise de participation, comme ceux du CCFD qui refusent une logique qu’ils appellent « d’assistance » et, attendent à ce titre un retour sur investissement de leurs placements ou, tout au moins, la récupération des encours épargnés. Les différentes lois bancaires qui protègent l’épargnant, et notamment celle de 1984, imposent des règles relatives à l’exercice de l’activité financière et bancaire : capital minimum, règles de l’appel public à l’épargne, ratio Cooke, impossibilité jusqu’à la loi sur les nouvelles régulations économiques de 2001 de recourir à l’emprunt pour accorder des prêts. Elles contraignent les militants souhaitant affecter leur épargne aux financements de projets « alternatifs » à penser la formalisation de leurs opérations financières.
Des choix spécifiques de formalisation
9Cependant, la formalisation se fait à travers des voies spécifiques dont les premières concrétisations portent sur la structure et les produits. Ainsi, les acteurs de la finance alternative des années 1980 créent des structures et des produits alliant épargne de proximité et capital social, au sens de Putnam (1995) selon lequel : « les réseaux sociaux ont de la valeur ». Ces militants, pour atteindre leurs objectifs, cherchent alors des outils financiers existants qu’ils détournent de facto de leur finalité, à savoir : la rentabilité économique maximale. C’est donc au cœur du capitalisme patrimonial que ces militants vont trouver les moyens de leur action comme le montrent trois exemples significatifs.
Certains membres de l’Agence de liaison pour le développement d’une économie alternative (ALDEA) qui signifie « petit village » en espagnol, créée en 1981 par des militants autogestionnaires, inspirés par les « réseaux Espérance11 » revendiquant à la fois le fait que « l’argent n’est pas le maître mais l’instrument12 » et la nécessité « de savoir à qui et à quoi est destinée l’épargne » (P. Sauvage, 199513), vont ainsi examiner les différents outils susceptibles de satisfaire leurs objectifs. La faiblesse des capitaux disponibles va empêcher la création d’une société financière et conduire les acteurs à détourner la finalité des clubs d’investissement14 en les transformant en « clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne » en 1983. Ces clubs devaient en effet « être orientés non pas vers le profit, mais vers la création d’emplois de proximité » (J. Gautier, 198315). La première Cigale16 « le château d’eau », naît à Paris soutenue par des militants voulant participer à la création d’entreprises dites alternatives, fonctionnant selon d’autres critères que ceux avancés par les entreprises du secteur marchand17. De fait, plusieurs Cigales apparaissent au début des années 1980 en Île de France, mais aussi dans d’autres régions comme le Nord Pas de Calais ou la Bretagne (Rennes et Redon). S’il n’y a pas d’innovation financière à proprement parler, les cigaliers peuvent être qualifiés d’innovateurs militants dans la mesure où ils ont montré la capacité à se servir de certains instruments financiers à d’autres fins et, à être suivis par d’autres acteurs n’appartenant pas nécessairement aux mêmes réseaux. Ce processus va se poursuivre par la création de la fédération des Cigales en 198518 et celle de Garrigue société de capital-risque solidaire la même année dont l’objet était au départ de racheter les parts d’entreprises cigalées19 au bout de 5 ans.
Le CCFD20, organisation non gouvernementale catholique tournée vers le développement des pays du Sud, en créant avec la banque de l’économie sociale, le Crédit coopératif, le fonds commun de placement « Faim et développement » et, en affectant une partie des revenus de ce produit à la SIDI (société d’investissement de développement international), détourne lui aussi l’objet d’un des outils21 phare de la finance standard. Il n’y a donc pas véritablement d’innovation financière, mais plutôt occupation de la part de militants de certains interstices laissée libres par le capitalisme patrimonial. Si le CCFD est pionnier et si le FCP « Faim et développement » est aujourd’hui sur le marché le fonds le plus important par les encours et les revenus distribués, on a assisté au cours des années 1980 à une croissance de ces fonds le plus souvent à l’initiative des banques initialement rejetées par les financiers solidaires.
La société coopérative financière « La nouvelle économie fraternelle » (la NEF) dont l’objet est « d’organiser et de développer, dans un esprit de fraternité et à des fins d’utilité sociale les relations entre les membres… en rendant plus consciente la circulation de l’argent, notamment par la gestion de leur épargne et le moyen de prêts relais, prêts à court, moyen et long terme, prises de participations et cautionnements » (article 2 des statuts de la NEF, 1988), a été créée en 1988, par l’association du même nom qui se situe dans la mouvance du mouvement anthroposophique de R. Steiner22. Si les fondateurs souhaitaient la création d’une banque alternative sur le modèle de la banque Triodos aux Pays-Bas, les contraintes de la législation bancaire nationale et l’insuffisance des fonds propres des créateurs conduisirent à la création d’une coopérative financière affiliée au Crédit Coopératif. Il y a donc innovation non pas dans la structure, mais bien dans la médiation bancaire puisqu’il y a coproduction à la fois de produits d’épargne de partage et, de produits dont l’encours sera directement affecté à des projets correspondant aux valeurs défendues par la NEF. Ces produits expriment la volonté des membres de « participer à des projets marquant d’autres destins » (charte NEF). Les créateurs de la NEF font ainsi la différence entre « l’argent chaud » (Ph. Hugon, 1996, 34) qui est dédié, de proximité, porteur de sens et de valeur, symbolisé par une épargne pré affectée et, « l’argent froid » (Nouyrit 23, 1999, p. 495) caractéristique de l’individualisme patrimonial (Orléan, 199924). Le tableau n° 1 ci-dessous, synthétise les efforts de formalisation au cours de cette période.
Tableau 1 : Formalisation par création de structures et de produits au début des années 1980
Structure |
Acteurs |
Objet |
Types de produits |
Ressources |
Cigales : clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale 1983. |
Militants autogestionnaires. Mouvements Espérance ALDEA |
Financer des entreprises alternatives mais aussi autogérer son épargne, c’est-à-dire savoir où va son argent et en maîtriser la destination. |
Capital risque de proximité privilégiant les critères d’utilité sociale. Prises de participation, et comptes courants associés, apport associatif avec droit de reprise. |
Exclusivement épargne des personnes physiques. Bénévolat. Capital social. |
Garrigue coopérative financière de capital-risque 1985. |
Mouvement des Cigales. Militants de l’ALDEA (19 militants). |
Même objet que les Cigales. Pérenniser des entreprises qui ne peuvent racheter la part détenue par les Cigales (au bout de 5 ans). |
Prise de participation et compte courant associé entre 5 000 et 30 000 € dans des entreprises à forte plus value sociale et environnementale : insertion sociale, nouveaux rapports Nord-Sud, environnement. |
Épargne des personnes physiques mais aussi personnes morales dont France active, les clubs cigales, la Fondation Léopold. Bénévolat. Capital social élargi à certaines associations. |
Société coopérative économique pour le développement en 1975 devenue Oikocredit en 1989 aux Pays-Bas. |
Église réformée aux Pays-Bas. |
« Promouvoir le développement des régions pauvres du monde ». |
Prêts à des entreprises de pays en développement. |
Épargne des membres des Églises. Bénévolat |
SIDI : solidarité internationale pour l’investissement et le développement créée en 1983. |
CCFD (comité catholique contre la faim et pour le développement). Au départ réflexion sur le boycott des banques sud-africaines dans la décennie 1970. Chrétiens engagés. |
Financer des projets de développement. Favoriser le développement économique en créant un tissu de petites entreprises. « Donner un sens à son argent ». |
Prise de participation dans des institutions de micro-crédit et des entreprises des pays du Sud. |
Épargne des personnes physiques et morales souvent engagées dans l’église catholique. Bénévolat. |
Produit de partage Faim et développement 1983 |
CCFD Chrétiens engagés. Produit géré par le crédit coopératif |
Financer des projets de développement. Favoriser le développement économique. « Donner un sens à son argent » |
Abandon d’une partie du revenu du FCP et dons à des associations caritatives dont le CCFD (90 %). |
Épargne des personnes physiques et morales souvent engagées dans l’église catholique. |
Habitat et humanisme association : 1985 |
B. Dewert, prêtre et militants catholiques de la région de Lyon. |
Loger des personnes en situation difficile dans le centre des villes et par là lutter contre l’exclusion par le logement ; favoriser la mixité sociale. Donner un sens à son argent. |
Achat et réhabilitation de logements dans le centre des villes pour les mettre à disposition de personnes défavorisées. |
Épargne sous forme de participation au capital de la foncière et souscription au fonds de partage. Collectivités locales, État, CDC (20 à 30 % du coût). Bénévolat et capital social. |
Herrikoa société de capital-risque régionale créée au Pays Basque en 1983. |
Militants pays basque |
Favoriser le développement de l’emploi dans le pays basque. |
Prise de participation dans des sociétés du pays basque. |
Au départ capital détenu par des personnes physiques et morales du pays basque. Intervention CDC et région. |
NEF (nouvelle économie fraternelle). Société financière coopérative créée en 1986 mais qui a obtenu l’agrément Banque de France en 1988. |
Association nouvelle économie fraternelle liée au mouvement anthroposophique H. Nouyrit, J.-P. Bideau). Affiliée au Crédit coopératif |
Financement d’activités liées à la philosophie de la NEF : agriculture biologique, activités éducatives et culturelles, énergies renouvelables, logement social, commerce équitable. Insertion de publics en difficulté. |
Activités de prêt avec caution de l’entourage. |
Épargne sous forme de parts dans le capital de la NEF et de produits d’épargne solidaire : encours affectés et partage d’une partie des gains. Bénévolat et capital social. |
Source : Rapport à la DIES-2005, chapitre « Finances solidaires » M.-T. Taupin & P. Glémain.
10Cette période est bien caractérisée par la capacité de militants à utiliser les produits du capitalisme patrimonial, pour construire de nouvelles structures. Cependant, dans la mesure où pour les Cigales, la NEF et Garrigue, les métiers ne sont pas différenciés (pas de différence entre financement et accompagnement), la formalisation reste partielle, les services financiers n’étant pas distingués d’un service d’accompagnement. En effet, les épargnants sont tout autant prêteurs (ou apporteurs de parts-actionneurs) que conseillers. Pour autant, ils restent parfois éloignés des problématiques du monde de l’entreprise. Bénévoles, ils sont attachés d’abord à des valeurs. Il n’est pas possible de parler non plus de professionnalisation dans la mesure où la plupart des activités sont le fait de ces bénévoles, des citoyens engagés pour un autre monde fondé sur une autre économie : une économie solidaire. Pourtant la finance qu’ils défendent n’est pas toujours « purement » solidaire. En effet, ils sont parfois contraints à une gestion paradoxale de différents produits d’épargne, appuyés par une institution bancaire de l’économie sociale, du moins par son statut : le Crédit coopératif. Celui-ci devient alors un médiateur de finances solidaires dans une relation d’agence tout à fait standard (de type « principal-agent »), en particulier pour les produits affectés à la NEF et à la CCFD-SIDI. Ce constat nous amène à mettre l’accent sur plusieurs paradoxes et difficultés.
Paradoxes et difficultés
Le paradoxe de l’épargnant solidaire dans le capitalisme patrimonial
11Le développement des fonds de partage25 couramment assimilés à de l’épargne solidaire pose le paradoxe de l’épargnant solidaire dans le capitalisme patrimonial dans la mesure où ces fonds doivent dégager des rendements suffisamment importants de façon à générer un revenu lui-même conséquent, pour être affecté ensuite aux organismes bénéficiaires (CCFD et autres ONG). Il s’avère que ces militants manifestent pourtant une certaine méfiance vis-à-vis des marchés financiers, souvent dans le cadre de la doctrine sociale de l’Église. En outre, ils sont conscients des effets de la déconnexion entre la sphère réelle et la sphère financière et, en même temps, utilisent les innovations financières pour tenter de corriger les conséquences de ce divorce. Conscients de ce paradoxe, les différents acteurs conjuguent fonds dits éthiques26 et de partage, en excluant certaines valeurs et en incluant (et/ou en surpondérant) des titres correspondant aux critères du développement soutenable (au sens du rapport Bruntland de 1987), combinant les dimensions sociale, économique et environnementale. Ils créent également des produits d’épargne non pas de partage mais bien d’investissement, c’est-à-dire des produits où seulement une partie de l’encours est affectée à des projets dédiés. Dans ces produits le risque de l’épargnant est plus fort, la rentabilité est moins importante et la liquidité aussi plus faible. Pour ces produits on peut parler d’engagement au sens de Sen. Nous avons affaire ici à des épargnants de l’agir volontaire.
Le paradoxe de l’épargnant investisseur
12Le deuxième paradoxe se pose pour les structures qui à la fois collectent l’épargne et affectent celle-ci à certains projets (Cigales, NEF). La relation entre l’épargnant et le porteur de projet peut être analysée sur le modèle « principal-agent » (mandant-mandataire) où le mandataire (agent) effectue pour le mandant (principal), contre rétribution une ou plusieurs tâches. Ces modèles de la théorie néo-classique placent l’asymétrie d’information au cœur de la relation de crédit en insistant notamment sur l’aléa moral et la sélection adverse (Stiglitz et Weiss, 1981). En présence d’asymétries d’informations, la gestion des risques ne peut pas se faire par les taux d’intérêt car cette pratique générerait de la sélection adverse : les « mauvais risques » acceptant des taux d’intérêt élevés, les « bons risques » renonçant à leurs projets d’investissement. Face à cette défaillance du marché, les banques et autres organismes financiers sont amenés à adopter d’autres mécanismes de révélation de l’information comme les pratiques de screening et de scoring qui conduisent, dans un contexte de concurrence accrue, à éliminer certains porteurs de projets ne correspondant pas aux critères définis par ces organismes. Si cette théorie a fait l’objet d’aménagements et de critiques au sujet de la réduction de l’opportunisme supposé : modèles du « marché de clientèle », plaçant la « réputation » au cœur de la relation de crédit, de « la banque à l’engagement » (Rivaud-Danset et Salais, 1992 ; Rivaud-Danset, 1993, 1995) il nous importe d’insister ici sur le type d’informations pouvant être occultées par le porteur de projet. Alors que dans la finance standard l’asymétrie porte sur la capacité de remboursement, dans la finance dite solidaire elle porte sur celle-ci, bien sûr, mais surtout sur d’autres critères (type de projet, démocratie dans l’entreprise, processus utilisés, bienveillance vis-à-vis des inégalités et précarités subies). L’épargnant peut parfois être considéré comme le principal recevant certes une rétribution financière mais surtout, une rétribution a-monétaire, une sorte de rémunération sociale qui correspond au seul fait d’apporter sa contribution à la cohésion sociale attendue. Il se trouve alors en tant que principal face au porteur de projet, ce dernier (l’agent) entreprenant pour son propre compte mais aussi pour celui de l’épargnant qui, attend une valorisation à la fois monétaire (récupération des capitaux risqués) et sociale (satisfaction d’avoir maximisé une certaine utilité sociale grâce à son acte d’épargne solidaire). Comme le souligne un certain nombre de travaux pour les pays du Sud portant sur la finance solidaire (Servet, 1994, 1995, 1998 ; Servet et Vallat ; Vallat, 1998 Guérin, 1999 ; Guérin et Vallat, 1998, 1999 ; Guérin et Servet ; Glémain 2005), la construction de la confiance comme moyen de limiter l’aléa moral et d’éviter la sélection adverse distingue ces autres finances de la finance standard, par le caractère contractuel à dimension sociale de cette relation courte de crédit. En d’autres termes, l’épaisseur sociale de cette relation courte de crédit réduit la perception du risque et, valorise la confiance accordée à la personne dans le cadre de cette relation particulière. Pour analyser les modes de construction de cette confiance, il conviendrait d’étudier à la fois les positionnements des différents acteurs, la nature de leur rationalité ainsi que les logiques d’action qui lui sont inhérentes27.
13La constatation de l’existence du paradoxe de l’épargnant investisseur permet de soulever un certain nombre de questions : en cas d’échec des entreprises financées, les structures étudiées doivent-elles définitivement renoncer aux encours épargnés transformant ainsi l’épargne affectée en don ou quasi-don (à la Mauss), risquant ainsi de rester cantonnées à un cercle étroit de militants (cliques d’épargnants au sens de Glémain, 2004) et, de facto à un faible rayon d’action ? Sinon, quelles sont les procédures envisagées pour limiter les risques inhérents à l’activité financière (aléa moral et incertitude) tout en restant fidèles aux principes édictés notamment dans les chartes ? Comment vérifier l’utilité sociale des différents projets ? L’épargnant solidaire grâce aux seules ressources de la réciprocité (bénévolat, épargne) peut-il à la fois bénéficier d’un retour sur investissement et d’une rémunération a-monétaire qui lui conviennent ?
Difficultés rencontrées par les structures
14Les paradoxes soulevés plus haut se sont traduits par des difficultés importantes au niveau des structures analysées. À la fin des années 1980, le mouvement des Cigales se trouva face à plusieurs problèmes : échec des projets financés et non remboursement du capital, interprété comme étant dû à un manque de professionnalisme de la part des cigaliers souvent loin du monde de l’entreprise (Cigales de Redon en 1980) ; difficultés des cigaliers à s’entendre sur des critères permettant de sélectionner les projets susceptibles d’être financés « certaines Cigales devenant de fait des fourmis », difficultés financières du mouvement des Cigales en 1988, crise d’identité du fait de la confusion administrative entre l’Aldéa et les Cigales (même Président pour l’Aldéa et les Cigales) dénouée par la séparation entre ces deux structures, faible développement de ce mouvement (Glémain, Taupin, 2005). La NEF, quant à elle, tout en utilisant des produits de partage exige des taux d’intérêt qui sont au moins égaux à ceux du marché, ainsi que la création d’un cercle de caution autour du porteur de projet de façon à couvrir les frais de la structure, notamment les coûts d’étude, d’accueil sans recourir aux ressources de la redistribution ce qui l’amène à être beaucoup plus exigeante financièrement que les banques standards. On retrouve les mêmes exigences du côté de l’ADIE aujourd’hui. De plus, la NEF qui souhaitait devenir une véritable banque a échoué comme nous l’avons souligné et, par conséquent, est restée comme le mouvement des Cigales relativement confidentiel et peu en mesure de s’imposer face aux banques de l’économie sociale entrées dans une ère d’industrialisation de masse depuis les années 1990. Conjointement à ces difficultés, on a assisté au développement de la problématique de la finance dite « solidaire » c’est-à-dire orientée « vers les personnes marginalisées par le chômage dans une optique de création d’entreprises » (Guérin, Vallat, 1999) ou vers « les collectivités en déclin et les populations aux prises avec le cercle vicieux de la pauvreté et connaissant des difficultés d’accès au capital » (Bourque, Gendron, 2003). Cette finance est parfois qualifiée de finance à but social (S. Bayard, P. A. Muet, A. Pannier-Runacher, 2002) car tournée vers un certain idéal-type d’« indigents » c’est-à-dire « des individus distincts du reste de la population par rapport aux privations et à la dépendance vis-à-vis d’autrui qu’ils subissent » (de Tocqueville, 1835). Ces organismes s’inscrivent donc dans le creux bancaire créé par les pratiques bancaires de segmentation de la clientèle.
L’émergence et le développement de la problématique de la finance solidaire
15Alors que la finance solidaire aidée en cela par l’attribution en 2006 du Prix Nobel de la Paix à Muhammad Yunus, père du Grameen Bank semble sortir de la confidentialité dans laquelle elle évoluait jusqu’ici, nous assistons à un changement dans ses rapports avec l’État et le marché peut-être source d’une certaine formalisation des processus et d’une professionnalisation de ses structures.
Le développement de la finance solidaire
16L’avènement de la finance solidaire, comme champ d’activités et de compétences à part entière, passe par la transformation de ses structures, par la mobilisation de l’épargne et, par une organisation de plus en plus réticulaire (réseaux sociotechniques).
De nouvelles structures pour « une » finance solidaire
17La fin des années 1980 est marquée par la création de structures se définissant comme « solidaires » tant au niveau national que local car ayant comme objet la lutte contre le chômage et l’exclusion : l’ADIE28 et France active au niveau national et, des structures régionales ou infra régionales comme Autonomie et Solidarité dans le Nord Pas de Calais. Si la problématique d’une utilisation alternative de l’épargne appelée par ses acteurs, « alteractive » reste au cœur des préoccupations de ces structures, elle est progressivement supplantée par celle de la création d’emplois pour des chômeurs (micro-crédit solidaire professionnel, pour reprendre l’expression retenue par le Fonds de Cohésion Sociale du Plan Borloo). Si les fondateurs de ces organismes sont souvent des personnes charismatiques (M. Nowak pour l’ADIE) et/ou engagées (politiquement, religieusement, ou dans des associations) voire investies dans le mouvement des Cigales ou autres structures existantes, on doit noter un élargissement des réseaux de ces fondateurs. L’ADIE de Maria Nowak29 (1990) calquée sur le modèle de la Grameen-bank au Bangladesh, a pour objectif de favoriser la création de très petites entreprises par les chômeurs au moyen du microcrédit (prêts attribués par les banques et garantis par l’ADIE, ou prêts sur fonds propres). L’objet de l’ADIE est en effet de « promouvoir directement ou indirectement le droit à l’initiative économique des catégories de population les plus défavorisées porteurs de projets de création et de développement d’activité économique en les plaçant dans des conditions leur permettant d’exercer de droit par l’octroi de toute forme de concours et appui en particulier technique/ou financiers adaptés à leur situation ou à leurs besoins » (article 1 des statuts).
18La fondation France active, elle, a été créée en 1988 sous l’égide de la fondation de France par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), l’agence nationale pour la création d’entreprises (ANPCE), le Crédit coopératif, la Fondation MACIF, ainsi que par des organisations caritatives (CCFD, CIMADE). Si la création a été réalisée par des institutionnels, il faut noter que l’idée de cette structure avait déjà germé chez les militants à l’origine de la SIDI30. Selon J.-P. Vigier (2002) l’un des fondateurs, il s’agissait de créer une structure indépendante de l’État, incapable de résoudre le problème de l’emploi (failures State). L’association a pour objet « le retour à l’emploi par la création d’activités individuelles ou collectives, l’insertion économique étant à la fois un facteur de requalification sociale et professionnelle, de cohésion sociale et de développement économique local » (charte des fonds territoriaux de France active). L’activité de financement de France active dépasse donc l’aide à la création d’entreprises par des personnes en difficulté. En effet, les TPE (très petites entreprises) créées dans des territoires « sensibles » qu’ils soient ruraux ou urbains mais aussi les structures d’insertion par l’activité économique et, les entreprises mettant en œuvre des actions d’insertion économique à destination des publics en difficulté font partie du champ de France active. La solidarité est ainsi définie par ces deux structures non pas par la collecte d’une épargne dite solidaire ou alternative mais bien par leur finalité : lutter contre le chômage et favoriser l’insertion par l’activité économique. Cette finance solidaire peut donc parfaitement être assimilée à une finance à but social (Bayard, Muet, Pannier-Runacher), outil de cohésion sociale.
Tableau 2 : Principales structures créées à la fin des années quatre-vingt en France
Structure |
Acteurs |
Objet |
Types de produits |
Ressources |
Fondation France Active 1988 |
Au départ Fondation de France, CDC, Crédit coopératif, CCFD, CIMADE, mutualité, ACPE, personnes engagées : Vigier du CCFD, Courtois de la Fondation de France, et Saragoussi de la CDC, T. Jeantet (mutualité). Intervention de la CFDT pour le FCPIE. |
Favoriser l’insertion économique des personnes sans emploi. Financer les structures d’insertion par l’activité économique et la création d’entreprises par les chômeurs. |
Au départ micro prêts puis garantie et création de fonds territoriaux de garantie. |
Au départ fonds des organismes créateurs, puis collectivités locales (dans le fonctionnement et l’intervention) Bénévolat pour les CA et comités d’agrément. Capital social au niveau local. Création de fonds de placement en 1994 (FCPIE). |
Association pour le Droit à l’Initiative Économique. 1990 ADIE. |
Au départ M. Nowak sur le modèle de la Grameen Bank. Création d’un réseau |
Favoriser la création d’entreprise par des personnes au chômage. Favoriser l’initiative économique. |
Au départ prêts « solidaires » destinés aux chômeurs créateurs de leur emploi (500 à 10 000 € d’une durée de deux ans au taux d’intérêt du marché). Les prêts accordés par les banques (80 %) et sur fonds propres. Plusieurs catégories de prêts correspondants au profil des créateurs (progressifs, de développement, de matériel). |
A l’origine France active, CDC Ressources de redistribution pour le fonctionnement. Taux d’intérêt couvrant le coût du crédit. Conventions avec les banques en particulier le crédit mutuel, obtention de lignes de crédit depuis la loi NRE. Bénévolat pour l’accueil. |
Source : Rapport à la DIES, chapitre « Finances solidaires », M.-T. Taupin & P. Glémain, 2005.
19Au niveau régional et infra régional plusieurs structures vont être créées sous forme de société de capital-risque ou associative à la fois à l’initiative des collectivités locales, d’acteurs associatifs, syndicats locaux et institutionnels impliqués dans l’insertion par l’activité économique (voir annexe 1). La multiplication des structures a pour conséquence un développement notable de l’épargne solidaire.
Un développement de l’épargne solidaire
20Le développement de l’épargne solidaire va être marqué par la création de produits31 à l’initiative des structures de finance solidaire, en particulier : la NEF et Habitat & Humanisme ainsi que par l’implication des banques dans cette création : banques de l’économie sociale (Groupe Banques Populaires avec le Crédit coopératif et, Caisse d’épargne avec les PELS et le FCP emploi-insertion) et de l’économie solidaire (Crédits Municipaux avec Munisolidarité Placement) mais aussi certaines banques commerciales (Crédit Lyonnais avant son rachat par le Crédit agricole). Le nombre d’épargnants solidaires croît de façon sensible sur les cinq dernières années.
Figure 1 : Les épargnants solidaires en France (1999-2005)

Source : d’après Finansol, 2006 (P. Glémain, 2006, Rapport au Crédit Municipal de Nantes).
21Cependant, ce développement ainsi que les implications des banques commerciales conduisirent les acteurs financiers dits solidaires à s’interroger sur la confusion possible avec l’épargne éthique ou l’investissement dit socialement responsable et à définir l’épargne solidaire comme celle « orientée vers des activités d’utilité sociale qui ne sont généralement pas financées par le marché » (P. Grosso32, 2001) et se traduisant, pour l’épargnant, par « une rentabilité financière et une liquidité moindres ainsi qu’un risque accru par rapport à une épargne classique » (Grosso, 2001). Cette construction d’une définition permet ainsi de faire, pour les acteurs, la différence entre l’épargne éthique n’impliquant pas d’engagement de l’épargnant (A. Sen, 199333) et l’épargne solidaire34 impliquant cet engagement c’est-à-dire une perte de gain.
La création d’un réseau de la finance et de l’épargne solidaires
22Sur les vingt dernières années, les promoteurs des différentes structures et produits se sont progressivement organisés en réseau. Il a été construit autour d’organismes financiers se définissant comme solidaires parce que finançant leurs activités par la collecte de l’épargne auprès des personnes physiques et morales ou s’adressant à certains publics en difficulté, d’organismes et personnalités à l’origine de certaines de ces structures, de banques françaises et investisseurs institutionnels publics déjà engagés auprès de ces structures. Les fondateurs, dès 199235, avaient envisagé l’idée d’une banque « alternative » ou « solidaire » (Vigier, 1997, 2003 ; Rouillé d’Orfeuil, 2002), répondant aux besoins non satisfaits par le système financier standard à l’origine du « creux bancaire ». Ils optèrent finalement pour un outil « Finansol » en 1995 (Association pour la reconnaissance du financement solidaire) dont l’objet fut décliné en quatre points : promotion de l’épargne solidaire auprès des pouvoirs publics et du grand public, création d’un label, organisation d’une concertation entre acteurs, recherche de moyens de financement des entreprises36.
23Ce sont ces acteurs qui proposèrent une définition de l’épargne solidaire (Grosso, supra) faisant passer la solidarité comme production de lien social et de service financier à un soutien à la personne jugée en difficulté et reconnue comme telle.
24La création d’un comité du label indépendant, en 1997, chargé de reconnaître certains placements comme produits de partage ou d’investissement solidaire, selon les critères de solidarité et de transparence, aurait dû permettre d’éviter une auto-labellisation caractéristique des deux premières années de fonctionnement. Cependant, les membres de ce comité désignés par cooptation se sont retrouvés très proches du Président37 et des premiers membres de Finansol. Les institutions financières membres de Finansol se sont alors progressivement considérées comme « les acteurs financiers solidaires ». Cette donne est contestée aujourd’hui par le mouvement des Cigales qui reste membre-fondateur de Finansol mais refuse d’être labellisé par un comité instrumenté.
25On assiste donc à la création d’un véritable circuit des finances solidaires autour de quelques acteurs financiers dits solidaires par labellisation et, de quelques acteurs financiers « impliqués dans une démarche de solidarité » dans la mesure où ils proposent des produits dits solidaires et/ou nouent des partenariats avec les acteurs financiers solidaires, sans labellisation.
26Cette construction de réseau s’est affirmée en 2003 avec la création d’un observatoire publiant un baromètre des finances solidaires en France en lien avec La Croix et l’institut de sondage IPSOS. Ces mêmes acteurs ont élargi les frontières des finances solidaires à l’Union européenne en créant, en 2002, le réseau FEBEA (fédération des banques européennes éthiques et alternatives38). Ce dernier s’oppose au Réseau Européen de Microfinance présidé par M. Nowak, et engage des actions de lobbying auprès de la Commission européenne pour faire reconnaître le microcrédit professionnel à l’échelle de l’Union.
27À côté de ces outils de promotion et de cette construction de réseau il faut noter la publication de guides sur l’épargne solidaire, notamment celui publié par le magazine « Alternatives économiques », ou ceux d’Alsace Finances Solidaires et du Groupe des finances solidaires des Pays de la Loire (2006).
28Si on observe une progression quantitative des différentes activités de finance solidaire, il convient également d’étudier les différents changements qualitatifs de ce champ nous amenant à nous interroger sur le changement de sens de ces différentes activités.
Une institutionnalisation du secteur et une formalisation des processus
Une intervention croissante des pouvoirs publics
29Alors que les créateurs des premières structures manifestaient une certaine résistance par rapport au marché et à l’État, l’intervention des pouvoirs publics va se manifester dès la fin des années 1980 et devenir de plus en plus importante et polymorphe dans les années 2000 que ce soit à l’échelle européenne, nationale ou locale ou, par l’intermédiaire d’institutions telles que la Caisse des dépôts et consignations. Cette intervention est d’abord demandée par certaines structures comme les Cigales du Nord Pas de Calais qui, jusque-là méfiantes vis-à-vis de l’État, se sont trouvées face à des difficultés financières importantes39. En effet, les fonctions d’accueil, de suivi et d’accompagnement, habituellement assurées par des bénévoles (au sein des Cigales, de la NEF), nécessitent désormais un certain degré de professionnalisme, notamment en raison de populations de plus en plus disqualifiées, socio-économiquement parlant. Il en découle un recours à des ressources de redistribution, dans la mesure où les actionneurs refusent au nom de leurs valeurs de faire supporter le coût de la professionnalisation aux bénéficiaires. En outre, ces micro-structures de finances solidaires ont fini par se faire concurrence les unes aux autres, sauf cas de co-financement. Les frais de fonctionnement de la majeure partie d’entre elles sont désormais assurés par des subventions publiques qu’elles soient directes (90 % des dépenses de fonctionnement de l’ADIE en 2003) ou bien, sous forme de subventions à l’emploi (dispositifs nouveaux services, nouveaux emplois de 1997 à 2002). Les collectivités locales ainsi que la CDC40 dans le cadre de ses actions d’intérêt général participent aussi aux ressources d’intervention de ces structures (fonds de garantie, participation au capital). On observe même une délégation de certains dispositifs d’aide à la création d’entreprises comme EDEN41 ou le PCE42 ainsi qu’une spécialisation progressive de certaines d’entre elles comme France active dans la gestion de fonds de garantie dotés par l’État (transferts de la gestion de certains fonds comme FGIE, FGES43 de l’IDES vers France active en 2002 gestion du FGIF44 déléguée à France Active dès sa création en 2002). L’intervention des pouvoirs publics va être justifiée par la revendication d’une certaine « utilité sociale » ou plus-value sociale accordée à ces autres finances. La comparaison entre le coût d’un chômeur (mesuré à la fois par les allocations chômage versées, la perte de cotisations) et celui de la création d’entreprise par celui-ci va être le principal critère d’utilité sociale retenu par ces structures. Les estimations45 établissent à 6 000 euros par an la prise en charge d’un chômeur par les structures de finances solidaires, contre 18 000 euros si cette personne se trouve à la charge de la collectivité. La création d’entreprises par les chômeurs, comme l’insertion par l’activité économique, deviennent un axe majeur de la politique de l’emploi face à l’échec des politiques macroéconomiques de lutte contre le chômage d’hystérèse et les inégalités sociales. En raison de leur rôle et de leur positionnement, les structures de finance solidaire se voient ainsi attribuer des spécificités méritoires (Bloch-Laîné, Parodi, 2002). Elles vont arguer d’externalités positives, d’évitement de coûts : comparaison entre le financement d’un emploi créé par un chômeur et le coût du chômage46, de développement de capabilities (A. Sen, 1990), de cohésion sociale (D. Vallat, 2002). Au niveau local et régional, à côté de la lutte contre le chômage, c’est le développement local qui va être le principal justificatif de l’intervention des différentes collectivités. On peut ainsi valider l’hypothèse de J.-M. Servet d’un État « qui fait faire » (Servet, 2005) en l’occurrence ici, qui délègue certaines missions de la politique de l’emploi à des organismes de l’économie sociale qui semblent mieux placés pour intervenir.
Tableau 3 : Les différentes formes d’intervention des pouvoirs publics selon les échelons
Ressources |
Intervention |
Dispositifs |
|
Union |
Subventions dans le cadre du FSE. |
Soutien au développement local sous objectifs 1, 3 et 5b. |
Financement de programmes : exemple le programme de capital local à but social délégué à France active. |
État |
Financement des emplois (emplois jeunes) puis dispositifs de pérennisation : programme SAUCE et DLA (dispositifs locaux d’accompagnement). |
Création et abondement de fonds de garantie et délégation de ceux-ci à des structures de finance solidaire FGIE, FGES, FGIF. |
EDEN ACCRE PCE. |
Collectivités
|
Subventions de fonctionnement des collectivités : Région, C-G, communes et EPCI. |
Financement par les Régions sous forme d’abondement aux fonds de garantie (France active), participation au capital (BCS). |
|
CDC |
Subventions au démarrage et au développement des grandes structures de finance solidaire : ADIE, France active. Pérennisation des emplois jeunes : programme SAUCE et DLA (dispositifs locaux d’accompagnement). |
Participation au capital de structures nationales (SIFA) et régionales (Herrikoa…), abondement à certains fonds de garantie. Création, gestion de produits d’épargne solidaire par des filiales de la CDC (IXIS management). Intervention auprès d’Habitat et Humanisme pour l’achat de logements. |
DLA. |
30À cette augmentation des ressources, il faut ajouter les incitations fiscales à l’épargne solidaire ainsi que la législation sur l’épargne salariale puis retraite, instituant la possibilité de Fonds commun de placements d’entreprises solidaires affectés à des entreprises dites solidaires. La loi sur l’épargne salariale de février 2001 dite « loi Fabius » votée le 19 février 2001, instaure ainsi le PPESV47 (plan partenarial d’épargne salariale volontaire) d’une durée de 10 ans. À côté de la constitution d’un comité intersyndical de l’épargne salariale48 (CIES) chargé d’examiner le caractère responsable des différents produits figurant dans ce PPESV, l’obligation est faite de la création de FCPES (fonds communs de placement d’entreprises solidaires49). Ces FCPES doivent être constitués de 5 à 10 % de titres d’entreprises solidaires Si le PPESV a été remplacé par le PERCO en 2003, dans le cadre de la loi Fillon, le principe du FCPES a été maintenu. Cette définition par les Pouvoirs publics, si elle reconnaît l’économie sociale traditionnelle telle qu’elle a été définie en 198250, entérine le fait que les fonds solidaires (donc les acteurs financiers solidaires) sont des fonds surtout tournés vers l’insertion par l’activité économique et/ou par le logement ce qui met fin au débat sur finance solidaire versus finance alternative. La loi de programmation pour la cohésion sociale promulguée le 18/02/05 corrobore aussi cette tendance puisqu’elle crée un fonds de cohésion sociale (dit « Plan Borloo ») doté par l’État d’un fonds de fonctionnement de 73 millions d’euros, avec pour « objectif de garantir à des fins sociales des prêts à des chômeurs ou titulaires de minima sociaux créant leur entreprise » définissant le caractère solidaire de l’économie en la centrant aussi sur l’insertion par l’activité économique.
Un rapprochement avec le secteur bancaire
31Si nous avons déjà mentionné l’obligation pour certaines structures d’être adossées au secteur bancaire standard, la fin des années 1980 va être marquée par la multiplication des partenariats entre finance solidaire et finance standard. Alors que la demande de partenariat provenait au départ des structures de finance solidaire, ce sont certains organismes bancaires qui progressivement vont être à l’origine de ceux-ci. Dans le cadre de ces partenariats, les opérations habituelles de banques, comme l’examen et la sélection des dossiers, sont déléguées aux structures de finance solidaire grâce aux ressources du bénévolat et de la redistribution, alors que les banques sont chargées d’accorder les crédits tout en externalisant le risque sur les structures de finance solidaire et la gestion de l’information sociale.
32Les Caisses d’épargne vont ainsi, après la réforme de 1999, dans le cadre de certains PELS (projets d’économie locale et sociale), signer des conventions avec les organismes de finance solidaire (M.-C. Malo et A. Lapoutte, 200251), mettant des fonds à disposition de ceux-ci et, déléguant ainsi les fonctions d’accueil, d’étude et de suivi tout en participant aux différents comités d’attribution52 (convention Caisses d’épargne d’Ille-et-Vilaine, BDI53 et PRES ; Caisses d’épargne et ADIE). Ce processus est en cours sur Angers dans le cadre des Crédits « Projet Personnel », avec un co-financement (Secours Catholique, CDC, Crédit Municipal et Caisses d’épargne) dans le cadre du Fonds de Cohésion sociale du « Plan Borloo ». Alors que seule l’ADIE avait des partenariats privilégiés avec le Crédit mutuel et certains Crédits Municipaux, on assiste aujourd’hui à une diversification des conventions où des banques hors économie sociale (banques commerciales54) pénètrent sur ce marché. On peut donc émettre l’hypothèse d’une stratégie de conquête d’un marché pour certains organismes bancaires de l’économie standard, même si certaines relations privilégiées semblent perdurer comme le montre le tableau suivant.
Tableau 4 : Liens entre établissements financiers et structures de finance solidaire
Établissement engagé dans une démarche de solidarité |
Crédit Lyonnais Crédit
|
Crédit |
Crédit
|
Caisses |
Caisse des dépôts et consignations |
Crédit |
ADIE |
Conventions pour prêts. Lignes de crédit à disposition de l’ADIE. |
Conventions pour prêts puis lignes de crédit. Livret Agir en partie affecté. |
Conventions pour prêts puis lignes de crédit PELS depuis 1999. |
Participations financières dans le fonctionnement. |
Conventions pour prêts solidaires puis lignes de crédit. |
|
France active |
Gestion de produits d’épargne en particulier d’épargne salariale (FCPES Unisolidaires) |
Gestion de produits d’épargne (France emploi) |
À l’origine Gestion de produits d’épargne à destination de France active. |
Conventions pour garantie. À l’origine du FCPIE PELS depuis 1999. Par via la filiale Ofivalmo gestion de FCPES. |
À l’origine de France active. Abondement des fonds territoriaux. À l’origine du FCPIE. |
À l’origine de certains fonds territoriaux comme le Fondes crée par le crédit municipal de Nantes. |
SIFA |
Participation au capital |
Participation au capital Ingénierie |
||||
NEF |
NEF affiliée Gestion de produits |
|||||
Habitat et humanisme |
Gestion de produits d’épargne. |
Prêts bonifiés lors
|
||||
Autonomie et solidarité |
Participation au capital. |
|||||
Caisse Nord Pas de Calais |
Caisse solidaire affiliée. Gestion de deux produits d’épargne solidaire. |
|||||
Femù qui |
Petite participation au capital Crédit agricole. |
Petite |
Participation au capital 13,4 % |
|||
SIDI |
Gestion de produits (Faim et développement). |
|||||
Habitats solidaires |
Participation au capital. |
Participation au capital. |
||||
Cigales |
Pas de liens particuliers. Les choix de banques se font au niveau de chaque club. |
|||||
CLEFES |
Pas de liens particuliers. Les choix de banques se font au niveau de chaque club. |
Source : Rapport à la DIES, chapitre « Finances solidaires », M.-T. Taupin & P. Glémain, 2005.
33Nous nous retrouvons ici dans l’hypothèse d’une coproduction « à la Bolivienne » (Glémain, 2006), entre les financiers solidaires (ici, sous forme de fonds financiers privés) qui s’institutionnalisent et les banques commerciales ou coopératives :
Figure 2 : Sociogramme des relations de « microfinance commercialisée » après industrialisation du secteur : solution problème à l’exclusion financière

Source : d’après P. Glémain (2006)/Colloque RULESCOOP-BREST (ARS et ICI).
34À la lecture de ce sociogramme, il apparaît clairement que la couverture des besoins de financement à la personne et à l’entreprise « solos » ne pourra se faire qu’en structurant un secteur des finances solidaires ou bien qu’en organisant une coproduction finance solidaire/banque de l’économie sociale. Il restera néanmoins de nouvelles poches d’exclusion bancaire que le secteur de la finance solidaire devra continuer à suivre.
35Alors que dans les premières structures historiques de finance solidaire, il y avait à la fois confusion de tous les métiers de la finance et recours aux ressources de la réciprocité, l’utilisation de fonds publics et la conclusion de partenariats avec les banques coopératives surtout, vont amener à terme à une formalisation et à une professionnalisation à la fois des processus et des structures, sources de paradoxes interrogeant les structures elles-mêmes dans leurs finalités.
Formalisation, professionnalisation et paradoxes de la « nouvelle » finance solidaire
Une formalisation des processus et une professionnalisation accrue
36Nous assistons en ce début de siècle à une mutation de la finance solidaire qui nous amène à évoquer la « nouvelle » finance solidaire. Nous proposons ici d’interroger cette novation afin d’en évaluer la portée au niveau des organisations elles-mêmes et, du secteur de cette autre finance.
Une segmentation de la filière et une formalisation des processus
37Nous pensons que la signature de conventions et l’allocation de ressources publiques vont être subordonnées à des résultats en termes d’emplois créés ou maintenus (indicateur d’impact), ce qui va amener ces structures de finance solidaire à prendre en compte de façon plus importante les fonctions situées en amont (accueil, conseil, étude du dossier, processus de sélection) et en aval du financement proprement dit (suivi). Nous devrions dès lors assister à la mise en place d’une division du travail de plus en plus accentuée (Gianfaldoni, Richez-Battesti, 2002, 2004, Schieb-Bienfait, Clergeau, Urbain 2005) :
L’accueil (écoute, aide à la formulation, information sur les démarches) et le conseil (l’apport de connaissances en comptabilité et en études commerciales) assurés par les structures de finance solidaire vont être progressivement délégués à des organismes publics, parapublics et associations de conseil et chambres consulaires (chèques conseils). Seules quelques structures comme les Cigales et la NEF vont conserver ces fonctions tout en mettant les porteurs de projet en lien avec les réseaux d’accompagnement à la création d’entreprise (Glémain, Taupin, 2005).
L’analyse du volet financier et le financement proprement dit vont être le fait des structures de finance solidaire et d’organismes bancaires qui leur dédient l’opérationnalité (exemple de lignes de crédits attribuées par le Crédit mutuel à l’ADIE depuis la loi sur les NRE de 2001).
Le suivi non seulement financier mais aussi technique (montage de dossiers, marketing, gestion…) et moral (aide à la rupture de l’isolement) lui aussi va être progressivement délégués à des organismes publics, parapublics et associations de conseil et chambres consulaires.
38Cette segmentation, si elle se traduit par une industrialisation du service d’accompagnement (P. Gianfaldoni et N. Richez-Battesti, 2002 et 2004), et par la création d’un marché (N. Schieb Bienfait et alii, 2005) n’est pas complètement formalisée dans la mesure où les structures de finance solidaire tiennent parfois à contrôler ce processus d’accompagnement. Elles distinguent en leur sein le financement du projet proprement dit qui doit être du ressort de la structure de finance solidaire (ressources de l’épargne affectée ou ressources bancaires) et l’accompagnement qui doit être entièrement financé sur fonds publics car considéré comme la condition de la réussite du porteur de projet et la source d’une certaine cohésion sociale.
Une professionnalisation accrue de la filière et des structures
39Les structures de finance solidaire sont considérées comme fournissant un service moins industrialisé (Gadrey, 1996 ; Gianfaldoni et Battesti, 2004) que les associations d’accompagnement. Cependant l’évolution de ce champ traduit une certaine industrialisation marquée dans l’organisation du travail par la coexistence d’une certaine rationalisation industrielle (standardisation des procédés, spécialisation des tâches) et professionnelle (construction de routines individuelles et collectives, apprentissages collectifs renforcés) permettant d’atteindre des objectifs tels que le nombre d’emplois créés mais aussi pérennes.
40On constate une baisse de la part du bénévolat et son confinement aux fonctions politiques telles que la participation au conseil d’administration, comités de crédit (ou d’attribution). La fonction d’étude du dossier (financière et technique) est toujours du ressort de personnes salariées dotées d’un degré de qualification élevé (le plus souvent niveau I) alors que les fonctions d’accompagnement peuvent être partagées par les bénévoles et les salariés, les bénévoles assurant l’écoute, l’accompagnement dit moral alors que l’accompagnement technique lui relève des salariés et obéit à une certaine normalisation. Les bénévoles assurent plutôt une fonction de parrainage que d’accompagnement (association EGEE, fondation de la deuxième chance pour PRES). De plus cette fonction de parrainage est le fait de bénévoles qui sont le plus souvent proches du monde de l’entreprise, avec un intérêt pour l’accompagnement. Si la coproduction du service est plus importante que dans les structures d’accompagnement proprement dit, on peut parler d’une semi-professionnalisation. Cette professionnalisation des structures et des processus soulève plusieurs paradoxes.
Paradoxes et innovations de la finance solidaire contemporaine
Un découplage finance solidaire/épargne solidaire
41Alors que les créateurs des structures de la première génération revendiquaient une gestion alternative, locale de l’épargne on assiste à un découplage de plus important entre finance solidaire et épargne solidaire. Les structures nationales de finance solidaire comme l’ADIE ou France Active ne sont que très peu financées par l’épargne des personnes physiques alors que cette dernière avait créé des outils d’épargne sécurisés permettant une affectation solidaire de celle-ci. Or, la SIFA et le FCPIE outils de France active sont surtout alimentés par des investisseurs institutionnels et des personnes morales (poids des Caisses d’épargne, de la Caisse des dépôts et Consignation pour la SIFA). Le recours à l’épargne des ménages n’était pas une priorité de l’ADIE orientée surtout vers le micro-crédit même si un livret CODEVI de partage « le COD’ADIE » a été créé en mars 2006 avec le Crédit coopératif.
42Au niveau régional et infra régional, on observe également cette inadéquation entre épargne « citoyenne » et finance solidaire. Les principales sociétés de capital-risque solidaire régionales voient de plus en plus leurs appels publics à l’épargne bouclés par les collectivités locales en particulier les Régions (Bretagne capital solidaire en 2003, mais aussi Herrikoa, Autonomie et Solidarité, Femu qui), les associations de finance solidaire locales ont échoué à créer des fonds de mutualisation abondés par des produits de partage (Pays de Rennes emplois solidaires) et certaines Régions créent de fait des fonds solidaires alimentés par les ressources de la redistribution (Pays de la Loire) et gérés ici par le FONDES, délégation régionale de France Active.
43Si l’épargne dite solidaire s’est développée depuis les années 2000, cette expansion tient pour partie au développement de l’épargne salariale dite « solidaire » (loi Fabius de 2001 instituant le PPESV et, Fillon lui substituant le PERCO en 2003). Si le nombre d’épargnants solidaires est évalué à 130 000 par Finansol en 2004 (Baromètre Finansol-La Croix IPSOS) il faut noter que seuls 61 000 d’entre eux sont des personnes physiques les autres épargnant dans le cadre des dispositifs d’épargne salariale (FCPES). L’épargne solidaire des personnes physiques se trouve ainsi collectée par des organismes bancaires standards, dont les banques de l’économie sociale comme le Crédit coopératif, pour être de plus en plus orientée vers des associations situées dans la sphère caritative et/ou dans la lutte contre l’exclusion (CCFD, Habitat & Humanisme). Seules quelques structures restent financées par le recours exclusif à l’épargne des ménages (Cigales, NEF). Ce recours doit, de plus, être relativisé dans la mesure où les épargnants peuvent déduire une partie de leurs placements ou de leurs dons (produits de partage) de leur revenu imposable. Il y a donc bien rendement indirect de cette épargne dite « solidaire » même si l’étude des épargnants solidaires de BCS et du Crédit Municipal de Nantes révèle un impact limité de l’avantage fiscal relativement aux autres motivations à l’épargne citoyenne (lutte contre les inégalités, promotion de l’utilité sociale) (Glémain, 2005 & 2006).
44La question se pose alors de la structuration d’un « vrai » secteur de finance solidaire à partir de certaines banques coopératives et établissements bancaires publics qui sont têtes de proues de la mise en œuvre des crédits solidaires individuels ou professionnels dans le cadre du dispositif de lutte contre l’exclusion bancaire et financière du Secours catholique, volet expérimental du plan Borloo.
Une déconnexion finance solidaire et économie sociale et solidaire
45Ce découplage entre finance solidaire et épargne solidaire entraîne une absence d’interface entre économie solidaire et finance solidaire.
46Si certaines structures comme l’ADIE ou des structures régionales de finance solidaire ont clairement pour objet le financement de créateurs individuels se trouvant situés dans la sphère de la petite production marchande (Storper, Salais, 1993) validant ainsi l’hypothèse de « help-yourself » suggérée par D. Vallat (2002) c’est l’absence d’interface entre des structures dédiées au financement de l’économie sociale et solidaire et cette économie qui nous paraît ici le plus important à souligner. Cette absence d’interface a été analysée par J. René Marsac un des fondateurs du COORACE (Marsac, 2002) et par l’AVISE dans l’étude des SIAE en Pays de la Loire. Le réseau France Active par l’intermédiaire des fonds territoriaux régionaux a comme principale activité la garantie et l’attribution de prêts d’honneur. Les deux outils que sont le FCPIE et la SIFA interviennent très peu dans ce domaine. Cette absence d’interface est à interpréter comme une mauvaise construction de l’offre et de la demande : du côté de la demande surtout une demande de fonds de trésorerie et fonds propres correspondant à des investissements immatériels (formation) alors que les opérateurs de finance solidaire ont une offre susceptible de favoriser les investissements matériels. Cette absence est aussi analysée à un niveau plus local notamment pour les Cigales qui jouent de plus en plus un rôle de SAMU social (Dughera, 2004).
47Alors que les organismes de finance solidaire avaient pour objet la lutte contre l’exclusion les différents critères utilisés, les dispositifs publics créés (FGIF, PCE) ont tendance à concerner des acteurs ne se situant pas dans le creux bancaire mais à faire plutôt un effet levier sur les banques. La confusion est accrue quand des organismes comme les plates formes d’initiative locales du réseau FIR (France Initiative Réseau) ayant comme activité les prêts d’honneur destinés à des créateurs de très petites entreprises (quel que soit le profil sociodémographique du créateur) reçoivent une délégation de gestion de certains dispositifs publics comme le dispositif EDEN et de fait s’autodéfinissent comme structures de finance solidaire.
Conclusion : Un certain isomorphisme institutionnel
48L’intervention des pouvoirs publics ainsi que la place de plus en importante des banques de l’économie sociale conduisent à valider les hypothèses de l’instrumentation des acteurs de l’économie sociale et de l’isomorphisme institutionnel induit, c’est-à-dire, pour B. Enjolras (2001, 200255) : la « tendance pour des organisations développant leur activité dans un même champ à se ressembler et à se conformer à un modèle dominant ». En effet, l’obtention de subventions par les pouvoirs publics va être subordonnée à une obligation de résultats en termes d’emplois créés par des personnes en difficulté, comme nous l’avons souligné, alors que les structures revendiquent d’autres critères comme le nombre de dossiers étudiés, de personnes accueillies, la qualité de l’accompagnement, la réintégration dans des réseaux, bref : une mission et une rentabilité « sociales ». On assiste à l’opposition de deux logiques, une logique solidaire portée par celles que nous avons qualifiées de « vraies » structures de finance solidaire et, une logique administrative et industrielle portée par les pouvoirs publics pour les autres : baisse des chiffres du chômage mais aussi développement d’un type d’entrepreneuriat comme l’entrepreneuriat féminin (FGIG56 géré par France active sur fonds publics et dédié aux femmes qui entreprennent).
49La signature de conventions annuelles conditionnant l’attribution de subventions de fonctionnement est le moment où se manifestent les conflits entre ces logiques. La plupart des structures en particulier régionales, peuvent être considérées comme des outils au service de la politique des Régions (exemple de BCS pour la Bretagne qui revendique l’aide à la reprise d’entreprises, ou, le Fondès en Pays de la Loire). Si la gouvernance des structures de finance solidaire caractérisée notamment par la présence de comités de crédit57, composés d’une pluralité d’acteurs (acteurs de la création d’entreprise et de la banque, institutionnels mais aussi syndicalistes et membres d’associations), devrait permettre une confrontation de logiques et, devrait nuancer cet isomorphisme institutionnel, l’observation de plusieurs structures montre que la présélection des dossiers se fait surtout sur des critères de rentabilité classiques et qu’une part importante des projets n’arrive pas au stade du comité (BCS). Il en résulte un décourageant de fait les membres des différents comités de crédit qui se sentent dépossédés de leur capacité décisionnelle. Ce constat est accentué par le fait que certains organismes dits de finance solidaire, comme l’ADIE, utilisent le taux d’intérêt (similaire à celui du marché) pour couvrir le financement du suivi technique des dossiers de crédit et vont jusqu’à demander un déplafonnement du taux d’usure58.
50Nous assistons donc à la formation d’un isomorphisme institutionnel dont le degré varie selon les structures.
51Au terme de ces développements on peut se demander quelle est la capacité de résistance des finances solidaires pour recréer le lien entre finance et épargne solidaire, mais aussi entre ces nouvelles finances solidaires non institutionnalisées et l’économie solidaire elle-même. Nous observons que la capacité d’innovation des acteurs des finances solidaires perdure à travers de nouveaux partenariats les rapprochant de l’économie sociale et solidaire tant au niveau national que local, et, par des coproductions avec de nouveaux partenaires. Il en est ainsi de la création en 2005 de la SOFINEI (société de financement des entreprises d’insertion) par le CNEI59, le Crédit Coopératif et l’IDES60. Cette création répond à l’insatisfaction des SIAE vis-à-vis des structures comme France active, insuffisamment réactives aux besoins en fonds propres des SIAE. Il en est de même de la signature d’une convention en novembre 2005 entre Garrigue, la fédération des Cigales, et le réseau de coopératives d’activité et d’emploi « Coopérer pour entreprendre ». Est-ce là l’avenir de la « nouvelle » finance solidaire ?
Figure 3 : Le nouveau paysage des finances solidaires : degré d’isomorphisme de quelques structures

Annexe
Tableau 5 : Les acteurs locaux des finances solidaires
Organismes |
Acteurs |
Objet |
Activité |
Ressources |
Autonomie et Solidarité, société de capital-risque régionale 1990 mais initiée en 1986. |
Acteurs créateurs : C. Tytgat militant fondateur du groupement pour l’initiative et l’élaboration de projets professionnels. M. Raillard PDG d’une entreprise textile ayant licencié et engagé dans l’URCEAS (union régionale des centres d’études et d’action sociale). Cigales. |
Intervenir dans des entreprises « alteractives » créant de l’emploi et ayant certaines pratiques de solidarité. Utiliser l’épargne de façon active et ne pas faire acte de générosité. Mutualiser cette épargne afin de financer la création d’entreprises employant des jeunes et des chômeurs de longue durée. |
Prises de participation dans des entreprises alteractives de la Région Nord Pas de Calais. |
Au départ « actionneurs » : militants, syndicalistes, patrons « sociaux », élus. Beaucoup d’actionneurs sont marqués par le christianisme social. |
Caisse Solidaire Nord Pas de Calais société anonyme coopérative de crédit créée en 1997. |
Autonomie et solidarité. Acteurs politiques : Conseil Régional, associatifs, syndicaux mais aussi secteur de l’économie sociale. Soutien à des entreprises démocratiques. Crédit coopératif. |
Favoriser le développement d’activités dans une région très touchée par le chômage. Création d’emplois pour des personnes en difficulté et dans certaines zones rurales désertifiées. Favoriser l’insertion par l’économique et l’innovation. |
Prêts d’une durée de deux à cinq ans à des entreprises industrielles, artisanales de service, entreprises en milieu rural et associations d’utilité sociale. |
Souscription au capital par l’achat de parts et affectation de produits d’épargne Compte épargne solidaire et Livret solidaire liquide affecté aux projets depuis début 2000. Importance des personnes morales à but lucratif et à but non lucratif dans les souscripteurs : banques de l’économie sociale, Autonomie et Solidarité, Cigales, mais aussi des associations sans but lucratif, des syndicats comme la C.F.D.T et l’Université catholique. |
Ardèche participation société anonyme de capital-risque créée en 1993. A disparu. |
Personnes physiques originaires de l’Ardèche ayant émigré. |
Revitaliser le tissu économique local. |
Participation dans des entreprises en création ou en développement susceptible des emplois. |
Épargne de personnes physiques par souscription de parts dans le capital. |
Femu Qui, société de capital-risque créée en 1992. |
Importance des collectivités locales corses et de la CDC. Quelques personnes physiques. |
Développer l’activité économique et la création d’emplois en Corse. |
Participation au capital d’entreprises en développement ou en création ; possibilité de comptes courants associés. Accueil et diagnostic. |
La majeure partie des souscripteurs est constituée de personnes physiques résidant en Corse. Les personnes morales sont minoritaires en nombre. Importance de la CDC. |
Initiatives pour l’économie solidaire société de capital-risque régionale fondée en Haute-Garonne. Créée en 1998. |
Au départ « association pour le développement et la promotion de l’économie solidaire ». Comités d’entreprise, Autonomie et solidarité. Personnes physiques insérées dans des associations. |
Favoriser la création d’emplois stables mais aussi les entreprises à forte utilité sociale (écologie, aide à la personne) et innovation sociale. Financer l’économie solidaire. Mobiliser l’épargne des particuliers. |
Prise de participation minoritaire dans des entreprises dites solidaires et intervention en comptes courants d’associés. Sélection et suivi des projets. |
Épargne des personnes physiques et morales. Bénévolat. Capital social. |
Pays de Rennes emplois solidaires, créée en 1994 sous le nom de Rennes emplois solidaires puis transformée en 2002. |
District de Rennes, PLIE pour la création. Associations insérées dans le territoire du district de Rennes. Salariés cadres |
Mobiliser l’épargne de proximité et les dons au moyen d’un fonds de mutualisation. Favoriser la création d’emplois pérennes Développer l’économie solidaire. |
Avances remboursables pour des entreprises créées par des personnes au chômage ainsi qu’à des entreprises d’économie sociale. |
Dons, produits d’épargne pour le fonds de mutualisation. Subventions surtout en provenance des collectivités locales pour le fonctionnement. Bénévolat et capital social territorial. |
Caisse sociale de développement local, association créée en 1998. |
Municipalité de Bordeaux et crédit municipal puis communauté urbaine de Bordeaux, CDC et caisses d’épargne. |
Financer les entreprises en développement ou en création n’obtenant pas de crédits quelle que soit l’activité. |
Prêts d’honneur. |
Subventions des collectivités locales. |
Alsace finance solidaire 2002. Association. |
Diverses associations de droit local. |
Financer la réalisation de projets portés par une structure de l’économie sociale et solidaire, à caractère socio-économique et écologique ou culturel, dans une démarche de développement durable local en faveur de la cohésion sociale. |
Avances remboursables et fonds associatifs à destination de structures d’économie sociale et solidaire. |
Produits de livrets d’épargne solidaires en partenariat avec la Caisse d’Épargne d’Alsace. |
Caisse solidaire de Franche-Comté. Association 2003, après étude de faisabilité. |
Région Franche-Comté, Ville de Besançon ; État. |
Création d’activités, développement de l’emploi ; Réalisation de logements. Accès par le particulier à des prêts personnalisés. Collecte d’épargne : bon de caisse du Crédit municipal ; convention crédit coopératif |
Fonction de garantie mais aussi accueil et conseil. |
Convention avec des banques de l’économie sociale. Dotations publiques et privées du
fonds |
Source : Rapport à la DIES, chapitre « Finances Solidaires », M.-T. Taupin et P. Glémain (2005).
Notes de bas de page
1 Définie comme « un ensemble d’opérations financières visant à répondre à la difficulté pour les collectivités en déclin et les populations aux prises avec le cercle de vicieux de la pauvreté, d’accéder au capital » (Bourque, Gendron, 2003) ou comme « un continuum d’activités allant de l’accueil et du conseil aux porteurs de projets jusqu’au suivi de leur entreprise en passant par la collecte d’une épargne éthique et la phase de financement proprement dite » (Vallat, 1999 p. 501) ou bien encore comme un ensemble englobant « les opérations d’épargne, de crédit, mais aussi de capital-risque, d’accompagnement et de suivi en direction de personnes marginalisées par le chômage, dans une perspective de création d’entreprises » (I. Guerin, D. Vallat, 1999). Notons que nous choisissons dans cet article de ne pas faire état de la distinction entre « la » finance solidaire et « les » finances solidaires, dans la mesure où nous nous attachons à comprendre les logiques d’acteurs et non le champ scientifique lui-même.
2 Selon Aglietta (1997, 1998, 1999, 2000), le capitalisme patrimonial correspond à un nouveau régime de croissance renvoyant à une nouvelle phase de la société salariale. Les transformations observées concernent les relations entre la finance et les évolutions socio-démographiques. Les caractéristiques essentielles résident dans des changements dans la finance : comportements d’épargne tournés vers l’acquisition d’une richesse financière et non plus immobilière, poids des investisseurs institutionnels, valorisation de la valeur actionnariale, nouveau mode de gouvernance caractérisé par la transparence, l’intéressement des managers et le poids de l’audit. Dans la relation salariale : moindre importance de la négociation collective, changement dans le mode de répartition de la valeur ajoutée.
3 Le capitalisme actionnarial est caractérisé par « un nouveau partage de la valeur ajoutée, un rôle primordial des marchés d’actions et des investisseurs institutionnels, le pouvoir des actionnaires engendrant de nouvelles formes de gouvernement d’entreprise, de nouveaux comportements financiers de la part des entreprises et des salariés, la perte d’autonomie des politiques économiques face aux marchés financiers » (Plihon, 2001, p. 62).
4 Centre de recherche et d’information sur la démocratie et l’autonomie, Document de travail « Projet de recherche action sur l’économie solidaire », 2001.
5 J.-L. Laville (2001), « Vers une économie sociale et solidaire », RECMA, Économie sociale et/ou solidaire, n° 281, p. 39-54, juillet.
6 Les structures de finance solidaire ne sont pas toutes des associations. En effet on observe des clubs d’investisseurs comme les Cigales ou les CLEFE (Comités d’épargne pour les femmes qui entreprennent), des sociétés de capital risque comme Garrigue, des sociétés financières comme la Nouvelle Économie Fraternelle (NEF). Par contre leur fonctionnement s’apparente à celui d’une association et le statut choisi n’est qu’un outil correspondant à un respect des différentes lois bancaires protégeant l’épargnant (loi de 1984 modifiée en 2002).
7 Un produit de partage se caractérise par le fait que tout ou partie du rendement du produit (bancaire ou non) est distribué à une structure choisie par l’épargnant. Pour Faim et développement les destinataires sont surtout le CCFD mais aussi d’autres ONG comme Terre des hommes.
8 Ils vont tuer le capitalisme, Paris, Plon.
9 L. Boltanski, E. Chiapello (1999), Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, Paris, 843 p.
10 J. Prades (2001), « Quel est l’avenir de l’économie sociale et solidaire, Pour une approche économique », Revue des études coopératives, mutualistes et associatives, n° 281, juillet, p. 20-29.
11 Ces réseaux regroupaient des personnes venues des milieux libertaires, de mouvements non violents et de chrétiens qualifiés de « progressistes ». Ils sont plus ou moins héritiers de Fourier, autogérant des entreprises tournées vers des biens « socialement utiles » et manifestant une solidarité avec les exclus du Nord et du Sud (Russo, 1995).
12 Charte de l’Aldéa reprise dans H. Rouillé d’Orfeuil (2002), Économie, le réveil des citoyens, les alternatives à la mondialisation libérale, Paris, La découverte, alternatives économiques et dans P. D. Russo (1995), Cigales, des clubs d’épargnants solidaires pour investir autrement, Fondation pour le progrès de l’homme.
13 Cette phrase est extraite de P. D. Russo et R. Verley (1995), Cigales, des clubs locaux d’épargnants solidaires pour investir autrement, Éd. Charles Léopold Mayer.
14 Les clubs d’investissement avaient été crées aux États-Unis à Dallas en 1898. Il faudra attendre les années 1960 pour qu’ils traversent l’Atlantique et 1968 pour que le premier club soit ouvert en France. L’objectif consistait alors à éduquer le public aux valeurs mobilières (P. Gauthier [1995], Épargne de proximité. Investir en fonds propres dans les PME, Le Nouvel Économiste ed., 143 p.)
15 Les adhérents à un club d’investissement en indivision bénéficient d’une déduction fiscale égale à 25 %.
16 L’ajout du S signifiant solidaire en 2000 traduit une réorientation de cet outil.
17 Pour les exemples voir P. D. Russo, Cigales « clubs d’épargnants solidaires pour investir autrement », op. cit., p. 23 (entreprise de location de voiture d’occasion ACAR employant des jeunes en difficulté, restaurant d’insertion la table de Cana).
18 Les clubs cotisent à la fédération et respectent la charte des Cigales pour pouvoir obtenir le titre de Cigale.
19 Le statut des Cigales oblige les entreprises cigalées à racheter leurs parts au bout de 5 ans. Se pose donc la question de la pérennité des entreprises cigalées n’étant pas en mesure de racheter leurs parts.
20 Le comité catholique pour la faim et le développement créé en 1963 regroupe tous les mouvements et services reconnus de l’Église catholique.
21 On distingue deux types d’OPCVM (organismes de placement collectifs des valeurs mobilières). Les SICAV (société d’investissement en capital variable) et FCP (fonds de commun de placement). Certaines de ces valeurs sont monétaires d’autres obligataires. La création de ces titres permet à l’épargnant une diversification des risques tout en garantissant une certaine liquidité et un taux de rendement élevé.
22 R. Steiner (1861-1925) est le fondateur du mouvement anthroposophique. Celui-ci discerne trois types d’activités humaines autonomes et interdépendantes : la sphère « de la vie de l’esprit » où le principe directeur est la liberté ; la sphère du droit dont le principe directeur est l’égalité ; la sphère de l’économie dont la règle selon Steiner doit être celle de la fraternité ou réciprocité volontaire (voir J. P. Vigier, 2003, p. 54). Le mouvement Steiner est surtout important aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne et en Suisse. Il est à l’origine de mouvements pédagogiques et du développement de l’agriculture dite biodynamique.
23 H. Nouyrit (1998), La NEF : « La solidarité au prix de la transparence », Rapport moral sur l’argent dans le Monde. H. Nouyrit a été le fondateur de l’association, président de celle ci et vice président de la société financière.
24 A. Orléan (1999), Le pouvoir de la finance, O. Jacob.
25 Ce sont des produits d’épargne dont une partie du rendement, au moins 25 %, est abandonnée par l’épargnant au profit d’une organisation de l’économie sociale et solidaire.
26 Ces fonds dits éthiques ou le plus souvent socialement responsables ne seront pas étudiés ici. Ils imposent de ne pas soutenir l’industrie des armes, celle de l’alcool, celle du tabac, celle impliquée dans la narcoéconomie, celle « utilisant » le travail des enfants et celui des femmes.
27 M.-T. Taupin & P. Glémain (2006), « Les Cigales, quelle inscription dans l’économie sociale et solidaire ? ».
28 Association pour le Droit à l’Initiative Économique.
29 M. Nowak a été membre du directoire de la SIDI.
30 J.-P. Vigier (2003), Lettre ouverte à ceux qui veulent rendre leur argent intelligent et solidaire, E. Charles Léopold Mayer.
31 Ces produits sont de deux sortes : produits de partage dont une partie du rendement est abandonnée et encours solidaires dont tout ou partie du placement est affecté à une structure ou un projet « solidaire ».
32 P. Grosso a été secrétaire générale de Finansol de 1997 à 2002.
33 Sen définit l’engagement comme le fait « qu’une personne choisit une action qui, pense-t-elle, lui apportera un degré de bien-être personnel inférieur à celui que lui procurerait une autre action qu’elle pourrait aussi mener » (Sen, Éthique et économie, 1993).
34 Les produits de partage sont ceux où une partie du rendement généré par l’épargne est distribuée sous forme de don à des organismes solidaires (au moins 25 % des intérêts reçus doivent être versés à des organismes solidaires) et les produits d’investissement solidaire sont ceux où au moins 10 % des encours sont destinés au financement de projets solidaires.
35 Voir J.-P. Vigier (1997), « FINANSOL, association pour financement solidaire, ou la promotion de l’économie solidaire », Exclusion et liens financiers, rapport de l’association d’économie financière, Montchrestien, p. 221-224.
36 Statuts repris dans Vigier, 1997, p. 224.
37 Outre J.-P. Vigier, les premiers membres sont F. Crouigneau (les Échos), B. Ginisty (Témoi-gnage chrétien), J.-P. Liard (CFDT), P. Arrondel (CFTC), D. Clerc (Alternatives économiques), J.-B. De Foucault (Solidarités nouvelles face au chômage), V. Vandedelebrouke (INAISE).
38 J.-P. Vigier premier Président de la SIDI est actuellement président de FEBEA.
39 Lire à ce sujet P. Glémain, « Les difficultés de financement des organisations d’économie sociale et solidaire : les défis des finances solidaires », Communication près du Conseil Régional des Pays de La Loire. Commission 32 « Économie sociale et solidaire », avril 2005.
40 Pour les missions de la CDC voir A. Ollivier (2001), « L’action de la Caisse des dépôts en faveur de la création d’activité et de l’insertion ». Exclusion et liens financiers, Rapport du centre Walras, p. 101-104.
41 Encouragement au Développement d’Entreprises Nouvelles, dispositif initialement réservé aux jeunes de -26 ans (2000).
42 Prêt à la Création d’Entreprises (2000).
43 Fonds de Garantie à l’Initiative Économique, Fonds de Garantie des Entreprises Solidaires.
44 Fonds de Garantie pour l’Initiative des Femmes.
45 Qu’il conviendra à terme de mesurer réellement !
46 Voir différents rapports de l’ADIE et écrits de M. Nowak.
47 La loi Fillon d’août 2003 remplace le PPESV par le PERCO mais conserve le dispositif des FCPES. La circulaire d’avril 2005 abroge le PPESV mais garde le dispositif d’épargne salariale solidaire.
48 Le CIES est composé des cinq confédérations syndicales françaises sauf Force ouvrière. Il a été créé en 1999.
49 Le législateur retient comme entreprises solidaires : « toutes les entreprises dont les titres de capital, s’ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui : – ou bien emploient des salariés dont un tiers au moins a été recruté dans le cadre des contrats de travail visés à l’article L. 322-4-20 ou parmi des personnes mentionnées au premier alinéa de l’article L.322-4-2 ou pouvant invoquer une décision les classant, en application de l’article L.323-11, dans la catégorie correspondant aux handicaps graves ou les déclarant relever soit d’un atelier protégé, soit d’un centre d’aide par le travail ; dans le cas d’une entreprise individuelle, les conditions précitées s’appliquent à la personne de l’entrepreneur individuel ; – ou bien sont constituées sous formes d’associations, de coopératives, de mutuelles, d’institutions de prévoyance ou de sociétés dont les dirigeants sont élus par les adhérents ou les sociétaires à condition que les sommes perçues de l’entreprise par l’un d’entre eux, à l’exception des remboursements de frais dûment justifiés, n’excède pas, au titre de l’année pour un emploi à temps complet, quarante-huit fois la rémunération mensuelle perçue par un salarié à temps plein sur la base du salaire minimum de croissance ».
50 L’économie sociale comprend les coopératives, les mutuelles, les associations et les fondations. Le CES de Bretagne (2006) la qualifie d’économie sociale institutionnelle.
51 M.-C. Malo, A. Lapoutte (2002), « Caisse d’épargne et ADIE : une configuration partenariale innovatrice », RECMA, Revue internationale d’économie sociale, n° 286, novembre, p. 12-23.
52 Suivant les structures on note les expressions comité de crédit (ADIE), d’attribution (France active) ou d’intervention.
53 Bretagne développement Insertion, fonds territorial de France active.
54 Pour une typologie des firmes bancaires en France et en Europe, voir P. Glémain (2000), Financement, croissance endogène, régionalisation et développement, Thèse pour le doctorat de sciences économiques, LEN-Université de Nantes, 341 p, non publiée dans son entièreté à ce jour.
55 B. Enjolras, Associations et isomorphisme institutionnel, RECMA n° 261, vol. 75, p. 68-75. B. Enjolras (2002), L’économie solidaire et le marché, Paris, L’Harmattan, collection Logiques sociales, 201 p.
56 Fonds de Garantie à l’Initiative des Femmes.
57 Ou d’attribution, d’intervention selon la structure.
58 Ce que refuse France Active.
59 Conseil National des Entreprises d’Insertion.
60 Institut de Développement de l’Économie Sociale.
Auteurs
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