Les déterminants des situations de travail en économie sociale et solidaire : y a-t-il des particularités ?
p. 127-144
Texte intégral
Introduction
1La question des conditions de travail en économie sociale et solidaire (ESS) fait l’objet d’un débat depuis la fin des années 1990, parallèlement à son déploiement dans de nouveaux domaines d’activité (aide à domicile, services de garde, environnement, développement local, entre autres). Dans l’espace public, on peut réduire ce débat à deux points de vue. D’un côté, on tente de démontrer que l’ESS « intègre dans ses statuts et ses façons de faire un processus de décision démocratique impliquant usagères et usagers, travailleuses et travailleurs » et « défend la primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition de ses surplus et revenus » (Groupe de travail sur l’économie sociale, 1996, p. 7). De l’autre côté, on se montre particulièrement critique à l’égard des conditions de travail en ESS. Dans ce type d’entreprises, l’emploi signifierait une faible rémunération confinant les salariés dans la pauvreté, l’élimination d’emplois de services dans la fonction publique qui incidemment étaient traditionnellement dévolus et assumés par des femmes, l’encouragement au workfare et la sacralisation du travail salarié (Boivin et Fortier, 1998).
2Dans ce texte, l’auteur souhaite apporter une contribution à ce débat du point de vue de la recherche. De fait, plusieurs chercheurs québécois ont été interpellés par la question des conditions de travail en ESS et ont réalisé des études empiriques sur le sujet (Paquet, Deslauriers et Sarrazin, 1999 ; Bourdon, Deschenaux et Coallier, 2000 ; Paquet et Favreau, 2000 ; Comeau, 2003a ; Comeau, Aubry, 2003 ; Aubry, Didier et Gervais, 2005 ; Comeau, 2009). La question est de savoir si l’emploi dans les entreprises de l’ESS comporte des particularités favorables ou non aux salariés. L’approche privilégiée ici consiste à identifier les phénomènes qui touchent toute forme d’entreprises, qu’elles soient privées, publiques ou d’ESS, d’une part, et ceux qui affectent spécifiquement l’ESS, d’autre part. Pour y arriver, le texte examine d’abord les phénomènes structurels et stratégiques statistiquement reliés à certains aspects des conditions de travail en ESS. Puis, des études réalisées sur les déterminants des conditions d’emploi dans les autres formes d’entreprises sont mises à contribution, afin d’établir les déterminants des conditions d’emploi propres aux entreprises de l’ESS. Le texte conclut sur quelques pistes stratégiques pour que les salariés en ESS puissent contribuer à la constitution d’un rapport salarial inclusif.
3Sur le plan théorique, le cadre d’analyse privilégié dépasse celui de l’examen des conditions de travail et choisit plutôt la perspective du rapport salarial. L’analyse des conditions de travail amène à considérer le salaire direct (rémunération) et indirect (avantages sociaux et divers régimes), le processus concret de production (travail, machines et outils), les qualifications et la mobilité des salariés (individuelle, géographique et entre entreprises). La perspective du rapport salarial suppose de considérer non seulement les conditions de travail telles qu’elles viennent d’être définies, mais également le degré d’inclusion des salariés dans la structure du pouvoir de l’entreprise, c’est-à-dire les rapports d’échange et de production (Aglietta, 1997, p. 65). Cette perspective permet d’introduire le volet politique de la condition salariale que l’on retrouve dans les règles législatives et internes aux organisations, et dans la dynamique relationnelle entre acteurs qui déploient des stratégies en fonction de leurs intérêts et de leurs idéaux.
Panorama rapide de l’ESS au Québec
Population du Québec |
7,8 millions en 2009. |
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Principaux secteurs manufacturiers |
Biens de production, produits métalliques, forestiers, papetiers et de télécommunications, matériel de transport, construction. |
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PIB |
205 milliards € en 2009. |
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Taux de chômage |
8,1 % (février 2010). |
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Part de l’ESS dans le PIB |
Environ 7 % en 2009. |
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Coopératives |
Nombre |
2 795 coopératives en 2005. |
Salariés |
82 566 salariés en 2005. |
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Principaux secteurs |
Finances, agriculture, habitation, commerce (alimentation, matériel scolaire, notamment), services personnels et aux entreprises. |
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Mutuelles |
Nombre |
39 mutuelles en 2005. |
Salariés |
4 895 salariés en 2005. |
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OBNL 1 de l’ESS |
Nombre |
Environ 4 000 OBNL en 2009. |
Salariés |
Environ 45 000 salariés en 2009. |
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Principaux secteurs |
Services de garde à la petite enfance, services aux personnes, arts et culture, loisirs et tourisme, médias communautaires, habitation, aide à domicile, récupération et recyclage |
1 OBNL : organisations à but non lucratif. Cette appellation correspond au statut juridique des compagnies à but non lucratif (partie 3 de la loi québécoise sur les compagnies).
Sources : Lepage, 2007 ; Chantier de l’économie sociale, 2010 (site Internet).
Les déterminants structurels des conditions de travail en économie sociale et solidaire
4Les études consultées permettent de considérer quatre variables structurelles qui influencent les conditions de travail en ESS. Il s’agit du territoire, du domaine d’activité, de la taille des organisations ainsi que des règles externes et internes.
Le territoire
5Les caractères urbain et rural de même que l’économie d’un territoire déterminent bien des aspects de l’emploi en ESS. Ainsi, le territoire sélectionne des domaines d’activité. En milieu rural québécois, la création d’emplois en ESS peut se faire dans des secteurs particuliers tels que l’agriculture et la forêt. La formule coopérative y est également davantage répandue. En effet, 58 % des coopératives au Québec opèrent à l’extérieur des grandes agglomérations urbaines. Avec 27 % des coopératives québécoises, Montréal accueille une forte proportion de coopératives d’habitation qui embauchent, il est vrai, peu de personnel (Direction des coopératives, 2007). L’influence du territoire sur le domaine d’activité apparaît avec encore plus d’évidence lorsque l’on considère un territoire aussi atypique que le Grand Nord. Les organisations offrent plus souvent une gamme étendue de services et les salariés sont appelés à faire des tâches variées. C’est le cas des 13 coopératives au Nunavut (6 000 membres, 390 emplois et des actifs de 65 millions €) qui offrent, chacune, des services bancaires, de poste, de télécommunication, de tourisme et qui rendent disponibles diverses marchandises comme des produits pétroliers et des matériaux de construction (Arteau, Brassard et Malo, 2005, p. 7).
6À un territoire donné correspond également un bassin particulier de main-d’œuvre. Les analyses statistiques comparant les entreprises de l’ESS en fonction de leur proximité avec un centre urbain et en fonction de leur niveau de pauvreté, montrent des différences considérables en matière d’emploi. Dans les zones plutôt défavorisées et périphériques, les données d’études indiquent que les entreprises de l’ESS embauchent plus souvent du personnel ne détenant pas un diplôme universitaire. En outre, ces organisations recrutent un personnel de direction ayant relativement moins d’expérience en gestion et une scolarité plus faible qu’ailleurs (Comeau et al., 2002b ; Comeau, 2003b).
7La situation économique des territoires influence l’emploi en ESS de bien d’autres manières. Ainsi, dans les zones les moins favorisées, les entreprises de l’ESS créent davantage qu’ailleurs des emplois à partir de programmes d’insertion. Ce constat est compréhensible dans la mesure où les besoins d’insertion professionnelle sont relativement aigus dans les zones défavorisées, et également parce que ces programmes peuvent procurer de nouvelles ressources pour les organisations qui, dans ces zones, comptent relativement peu d’employés et des budgets plutôt restreints (Comeau, 2003b).
8Dans un autre ordre d’idées, il semble exister une culture de l’emploi en ESS propre à un territoire donné. Des comparaisons ont été faites entre des entreprises de l’ESS situées en Gaspésie (région périphérique défavorisée) et à Montréal (métropole ayant des quartiers variés sur le plan socio-économique). Dans ces deux territoires différents, les entreprises étudiées partagent la caractéristique d’avoir été soutenues par le Fonds de lutte contre la pauvreté, un programme gouvernemental temporaire de subvention salariale. On a constaté que plus souvent dans la métropole, les entreprises adoptent une politique écrite sur les conditions de travail1, elles embauchent une femme à la coordination et elles offrent un emploi à temps plein aux femmes (Comeau et al., 2002b). Pour comprendre cette situation, plusieurs explications peuvent être avancées. On peut évoquer le fait que dans la métropole, il existe davantage d’entreprises de l’ESS spécialisées dans des types particuliers de services aux personnes et recrutant en majorité des femmes. On peut également penser que la taille des entreprises est plus considérable dans la métropole qu’en périphérie ; on apprendra plus loin que la tendance à expliciter les conditions de travail dans une politique est plus forte dans les grandes entreprises. On peut en outre supposer qu’il existe une culture territoriale et même une culture sectorielle des entreprises de l’ESS qui influencent leur choix en matière de relations de travail.
Le domaine d’activité
9Le domaine d’activité détermine bien des aspects du rapport salarial en ESS, à commencer par le sexe des salariés. Toutes les études consultées montrent que globalement, la main-d’œuvre en ESS est largement féminine. Cependant, la situation varie passablement lorsque l’on considère le domaine d’activité. Ainsi, il existe des domaines où la main-d’œuvre est plutôt féminine et des domaines où elle est plutôt masculine2. Par ailleurs, il a été constaté que les femmes se retrouvent davantage salariées d’organisations de taille relativement petite, offrant des services aux personnes et dont le statut juridique est celui de compagnie à but non lucratif (Comité sectoriel de la main-d’œuvre, 2000 ; Comeau, 2003b).
10D’autres informations indiquent que l’on retrouve, en ESS, des personnes âgées de 35 ans et moins, et ce, dans une proportion plus forte que celle occupée par ces personnes dans la population en général (Comeau, 2003b). Il est possible que les domaines de l’environnement, des loisirs et de la culture, investis par l’ESS, attirent davantage les jeunes, ou encore, qu’en début de carrière, les jeunes recourent à la filière de l’ESS pour acquérir de l’expérience.
11Le domaine d’activité exerce en outre une influence sur la rémunération, à cause du profil de la main-d’œuvre que l’on y retrouve. À titre d’illustration, prenons la situation de deux domaines féminins d’activité : l’aide à domicile et les services de garde à la petite enfance. Les salaires des préposées en aide à domicile et les avantages sociaux qu’elles touchent sont nettement inférieurs à ceux des éducatrices en garderie. Il existe vraisemblablement des variables intermédiaires qui agissent en faveur de ces différences notamment la syndicalisation qui est plus forte dans les services de garde à la petite enfance. Par ailleurs, dans le domaine de l’aide à domicile, la main-d’œuvre est féminine à près de 90 %, peu scolarisée et plus vieille que celle du mouvement communautaire et populaire en général (Comeau et Aubry, 2003).
12Le domaine d’activité suppose en outre, pour l’ESS, une position concurrentielle donnée et un niveau de profitabilité déterminants pour les conditions de travail. Afin de comprendre cette dynamique, examinons le domaine des services financiers. Au Québec, l’ESS occupe une position enviable dans ce domaine très lucratif. Effectivement, le Mouvement Desjardins occupe 39 % des parts de marché au Québec (Fédération des caisses Desjardins du Québec, 2004) ; en outre, on apprend qu’en 2007, au Québec, les revenus du Mouvement des caisses Desjardins s’élèvent à 2,017 milliards € (Presse Canadienne, 3 mars 2008). De leur côté, pendant la même année, les revenus des mutuelles atteignent 2,025 milliards € (Direction des coopératives, 2007) ; à titre d’exemple, le Groupe Promutuel est le 5e assureur de dommages au Québec (Arteau, Brassard et Malo, 2005, p. 4). On peut faire l’hypothèse que dans ces conditions, l’ESS peut offrir des salaires et des avantages sociaux équivalents à ceux de ses concurrents capitalistes ; de fait, ces entreprises offrent une assurance de groupe et un régime de retraite (Comeau, 2009). Toutefois, ce type d’avantages ne se retrouve que chez une infime partie des entreprises de l’ESS, lorsque l’on exclut les financières et les agricoles (Aubry, Didier et Gervais, 2005).
La taille des organisations
13La taille d’une organisation suppose un nombre donné de salariés et une certaine capacité financière. En ESS, les données montrent que les avantages particuliers pour le personnel croissent en fonction de la taille des organisations (Comeau, 2003b). Il est plausible d’imaginer qu’un nombre important de cotisants et un volume élevé du chiffre d’affaires augmentent les capacités financières des organisations pour offrir certains avantages sociaux. Ainsi, à l’instar des grandes entreprises de l’ESS des domaines financiers et agricoles, pratiquement tous les Centres de la petite enfance offrent des avantages particuliers à leurs salariés (assurance-groupe payée en partie par l’employeur et congés sans solde). Il faut savoir que les Centres de la petite enfance comptent, en moyenne, un nombre d’employés et des revenus parmi les plus considérables.
14La complexité liée à la grande taille d’une organisation représente une des raisons pour lesquelles ce sont les plus grandes entreprises de l’ESS qui permettent aux employés, selon différentes modalités, d’être présents dans leurs instances décisionnelles (Comeau, 2009). Il semble que l’on ait moins besoin de le faire dans les petites organisations, car il paraît plus facile pour les salariés de faire valoir spontanément leur point de vue.
15La taille des organisations intervient également dans l’adoption d’une politique écrite des conditions de travail. Les organisations les plus petites sont les moins nombreuses à se donner une politique écrite des conditions de travail, bien qu’une majorité d’entre elles le fasse, tandis que la tendance à écrire cette politique est de plus en plus forte à mesure que la taille des organisations augmente. Il est raisonnable de croire que la complexité des rapports salariaux, et les risques de conflits de travail qui s’accroissent dans les organisations les plus grandes, amènent la direction à établir des règles explicites en matière de conditions de travail. On peut également considérer, en cette matière, la capacité financière accrue d’une grande organisation. En effet, il a été observé statistiquement que plus est grande la proportion occupée par les revenus récurrents dans le budget des organisations (revenus assurés pour les trois prochaines années), plus est probable l’existence d’une politique écrite sur les conditions de travail (Comeau, 2003b). On comprend que la prévisibilité des revenus permet aux organisations d’officialiser les conditions de travail.
16En ce qui a trait à la formation en emploi dans l’ESS, les entreprises ayant 10 employés et plus consacrent les sommes les plus importantes à la formation et en offrent à un plus grand nombre de salariés. Il faut savoir que les organisations ayant une masse salariale dépassant 750 000 € sont contraintes par la loi à consacrer 1 % de cette somme à la formation de la main-d’œuvre.
Les dispositions législatives et les règles internes
17Comme on le sait, les entreprises de l’ESS sont régies par des règles externes et internes. Les règles externes se retrouvent, au Québec, dans les deux lois qui instituent légalement l’organisation : la Loi sur les compagnies (à but non lucratif) et la Loi sur les coopératives. En ce qui concerne la première loi, la partie 3 reconnaît le statut d’« organisation à but non lucratif » (OBNL) qui sied à environ la moitié des 8 000 entreprises de l’ESS. Comme c’est le cas dans les coopératives, la règle « une personne, une voix » prévaut dans ces organisations ; toutefois, il est fort possible que dans une OBNL, une catégorie d’acteurs comme celle des employés n’ait pas droit de vote ou qu’il soit limité.
18En tant qu’ensemble de règles externes, la Loi sur les coopératives comporte différentes dispositions selon le type de coopératives. Ainsi, dans les coopératives de travail, les membres sont le plus souvent des salariés. Chaque membre a droit à une voix dans l’assemblée générale ; il peut s’exprimer librement et voter sur les salaires, les parts sociales, l’embauche des travailleurs, l’acceptation de nouveaux membres, etc.. Il élit ses collègues salariés au conseil d’administration et il peut lui-même être mis en nomination pour y siéger.
19En ce qui concerne les caisses populaires, elles partagent toutes la même structure d’association, la même structure de gouvernance démocratique (un membre = un vote) par un groupement de personnes, en l’occurrence, un groupement d’usagers. C’est donc une logique de consommation qui s’exprime à travers ces règles, et non une logique de production comme c’est le cas dans les coopératives de travail. On peut alors comprendre en partie pourquoi les caisses populaires ont compté, pendant certaines années, un nombre considérable de journées de grève (Lévesque, 1991).
20Légalement instituées depuis juin 1997, les coopératives de solidarité forment le type de coopératives le plus récent. En quelques années, 255 coopératives de solidarité ont été constituées, principalement dans le secteur tertiaire (223 coopératives, soit 87,4 % des constitutions) et hors des grands centres urbains que sont Montréal et Québec (Chagnon, 2004). Les coopératives de solidarité visent à répondre aux besoins spécifiques des communautés en permettant l’établissement d’un sociétariat élargi regroupant des personnes et des organisations ayant un intérêt commun et des besoins variés. Elles regroupent au moins deux catégories de membres parmi les suivantes : des membres utilisateurs qui utilisent les services offerts par la coopérative, des membres travailleurs et des membres de soutien qui ont un intérêt économique, social ou culturel dans l’atteinte de l’objet de la coopérative. Ce statut juridique est donc susceptible de favoriser l’inclusion politique des salariés, tout comme les coopératives de travailleurs actionnaires.
21Reconnues juridiquement en 1983, les coopératives de travailleurs actionnaires regroupent des travailleurs qui possèdent collectivement un certain nombre d’actions dans l’entreprise où ils travaillent dans des proportions variant généralement de 10 à 40 %. En se regroupant à l’intérieur d’une association coopérative, les travailleurs peuvent s’exprimer comme collectif et désigner leurs représentants au conseil d’administration de l’entreprise (le nombre de représentants de la coopérative étant déterminé par une convention d’actionnaires entre la coopérative et l’entreprise privée) (Lévesque, 1994).
22Il existe, par ailleurs, des règles externes ne relevant pas du cadre législatif fondateur de l’organisation, mais qui peuvent limiter les décisions de gestion et imposer, d’une certaine manière, des manières de produire ou des caractéristiques de la main-d’œuvre. Ce phénomène est perceptible dans une coopérative de travail qui bénéficie du programme de centre de travail adapté, à condition d’intégrer des personnes handicapées qui présentent des capacités variables d’autonomie au travail. Cette main-d’œuvre nécessite des arrangements particuliers dans l’organisation du travail et limite, dans certaines situations, les possibilités d’autonomie au travail (Comeau et al., 2002a).
23Les règles internes d’une organisation d’économie peuvent permettre d’aller au-delà des prescriptions légales et favoriser l’inclusion des salariés, ou au contraire, la limiter. Ainsi, les cas étudiés de coopératives de travail montrent qu’elles s’en tiennent généralement aux règles prévues dans la loi sur les coopératives de travail. Toutefois, certaines coopératives font exception et éprouvent des pannes durables de démocratie. Ces carences tiennent le plus souvent à une limitation des droits d’une partie des salariés (par exemple, barrières pour devenir membre à cause d’une part sociale exagérément élevée) (Comeau et al., 2002a). Il peut également se produire une faiblesse plus ou moins prolongée de l’assemblée générale ou du conseil d’administration qui entraîne parfois un pouvoir relativement favorable aux cadres. Ceci étant dit et dans l’autre sens, une entreprise de l’ESS sur quatre donne un droit de vote à ses salariés à son assemblée générale et une sur huit le permet au conseil d’administration (Comeau, 2009, p. 116). Bien que l’on ne puisse pas les dénombrer, une partie de ces entreprises vont au-delà des règles prévues dans la loi pour favoriser l’inclusion des salariés.
Les effets des stratégies des acteurs
24Les informations disponibles permettent de repérer trois phénomènes stratégiques susceptibles d’avoir des conséquences significatives sur les conditions de travail en ESS. Ce sont les logiques de gestion, la mobilité professionnelle des salariés et leur capacité collective d’agir.
La philosophie de gestion des dirigeants
25La conception des relations de travail et de la place des salariés dans la structure politique des entreprises varie considérablement en ESS. Selon l’orientation prise, les salariés auront ou non accès aux lieux d’expression et de décision. À cet égard, le mécanisme le plus répandu de représentation des employés réside dans le droit de vote à l’assemblée générale (25,4 % des entreprises), suivi par le droit de vote au conseil d’administration (13,5 % de l’ensemble) (Comeau, 2009). En revanche, dans 28,5 % des entreprises de l’ESS, il n’existe aucun de ces mécanismes, ni d’ailleurs un syndicat ou un comité quelconque. Il apparaît que sur la question de la représentation des différentes catégories d’acteurs, la logique de consommation des services semble avoir préséance dans une bonne partie des entreprises de l’ESS. D’ailleurs, il ressort des études que les entreprises de l’ESS accordent davantage le droit de vote aux usagers et aux bénévoles qu’aux employés3. Plus rarement encore, la direction ou la coordination peut exercer un droit de vote à l’assemblée générale.
26La logique est évidemment toute autre dans les coopératives de travail. Comparativement aux entreprises capitalistes des mêmes secteurs, les travailleurs y sont davantage satisfaits, et pour cause (Greenberg, 1980 ; Rhodes et Steers, 1981). Le contrôle qu’ils ont sur leur travail et le pouvoir qu’ils peuvent exercer dans leur entreprise constituent les principales sources de satisfaction, avec le fait d’avoir un emploi dans un domaine choisi et le climat de camaraderie (Comeau, 1993).
La mobilité professionnelle des salariés
27Les salariés peuvent modifier individuellement leurs conditions de travail en assumant d’autres fonctions et en acquérant une formation. En effet, la rémunération varie de manière significative dans les entreprises de l’ESS selon la fonction occupée. Ainsi, sans surprise, le personnel de direction est le mieux rémunéré (Comeau, 2009). La rémunération varie également en fonction de la scolarisation des salariés, les personnes détenant un diplôme universitaire recevant la meilleure rémunération, tandis que les salariés n’ayant pas de diplôme secondaire sont les moins bien payés (Comeau, 2003b). On reconnaît ici les tendances qui prévalent sur le marché du travail où les personnes ayant les compétences les plus rares sont généralement les mieux rémunérées. Dans certains secteurs où la professionnalisation et un certain niveau de scolarité sont exigibles, les conditions de travail peuvent s’avérer parmi les plus intéressantes. Ainsi, les règles en vigueur dans le ministère qui contractualise avec les Centres de la petite enfance obligent ces derniers à embaucher une main-d’œuvre ayant un diplôme d’études collégiales pour la fonction d’éducatrice.
28Pouvoir prendre la parole dans une entreprise de l’ESS peut conduire à occuper une autre fonction. Or, il a été observé dans les entreprises de l’ESS d’aide à domicile, que les salariées éprouvent des difficultés à s’affirmer et à saisir les occasions de prendre la parole, pour des raisons relevant de leurs caractéristiques sociales (faible scolarité et période antérieure d’exclusion plus ou moins grande), même lorsque l’occasion leur est offerte (Comeau et Aubry, 2003, p. 210-213).
La capacité collective d’agir
29En sociologie, il est bien établi que le rapport de force entre acteurs sociaux (syndicat et patronat, sans oublier l’État) s’avère un mécanisme social puissant pour déterminer le niveau des salaires (De Coster et Pichault, 1994). On croit que ce processus explique les avantages des salariés des Centres de la petite enfance. À cause d’un taux de syndicalisation relativement élevé (Aubry, Didier et Gervais, 2005, p. 23), les salaires dépassent ceux octroyés dans d’autres secteurs. Les effets de la capacité collective des salariés d’agir ne s’arrêtent pas là. Plus souvent qu’ailleurs (une garderie sur deux), on permet à une ou un représentant des employés de siéger au Conseil d’administration. Qui plus est, la tendance à adopter une politique écrite des conditions de travail est la plus forte dans les Centres de la petite enfance (Comeau et al., 2001b).
30L’implication des mouvements sociaux en ESS peut produire d’autres effets sur les conditions de travail dans ce secteur. On attribue au militantisme des femmes et des syndicalistes le fait que la rémunération soit équitable en ESS. En effet, les analyses statistiques réalisées dans quatre études différentes n’ont pas permis de confirmer l’hypothèse d’une structure inégalitaire des salaires entre les femmes et les hommes dans les organisations de l’ESS (Comeau et al., 2001, 2002b, 2003 et 2009). Toutefois, malgré la présence de mouvements sociaux en son sein, l’ESS n’est pas imperméable aux tendances que l’on peut observer dans la société en matière de division sexuelle du travail, par exemple. En effet, on constate qu’en proportion, les hommes assument plus souvent les tâches de coordination ou de direction que les femmes, et que ceux-là occupent proportionnellement moins souvent que celles-ci la fonction de production4. En outre, toute proportion gardée, les femmes exercent plus souvent les tâches de bureau que les hommes (Comeau, 2003b).
L’originalité du rapport salarial en économie sociale et solidaire
31Suite à cette présentation des phénomènes structurels et stratégiques qui influencent les conditions de travail en ESS, nous amorçons une discussion sur les aspects spécifiques à l’ESS en la matière. La proposition centrale soutenue ici est que l’ESS connaît des processus analogues à ceux que l’on rencontre dans les entreprises privées et publiques en matière de détermination des conditions de travail, quoique les règles qui y prévalent et les stratégies des acteurs se présentent de manière singulière. D’emblée, on peut rappeler qu’il est établi que la rémunération dans les entreprises en général dépend du sexe, de la race, de l’âge, du niveau de formation, de la qualification, de la syndicalisation, de la taille de l’entreprise et de la région (De Coster et Pichault, 1994, p. 303). Voyons d’un peu plus près comment ces variables peuvent correspondre aux phénomènes identifiés dans l’exposé précédent.
32En ce qui concerne le territoire, nous avons vu divers processus influençant le rapport salarial en ESS. Aux fins de généralisation, on peut citer l’étude récente de Beach et Costigliola (2004) sur les travailleuses des garderies au Canada, à partir des données du recensement national de 2001, qui montre bien que les conditions de travail (salaires et régime de travail) varient considérablement d’une province à l’autre. Les exigences provinciales en matière de formation et la hauteur du financement public représentent les variables analysées dans cette étude. C’est au Québec que le financement public est le plus élevé, qu’il y a le plus de places en garderies pour les enfants et que les salaires versés aux éducatrices sont parmi les meilleurs.
33C’est donc dire que le territoire représente un cadre global et complexe qui s’avère déterminant pour le rapport salarial dans toute organisation. Il comprend les dimensions économique, politique, sociale et culturelle d’une société, regroupe plusieurs communautés et conditionne plusieurs aspects de la vie quotidienne. Un territoire est marqué non seulement par un mode national de régulation, mais également par un mode régional qui suppose une forme de coordination entre les entreprises, un type de relations de travail, un profil socioculturel des acteurs régionaux et des mécanismes singuliers de régulation politique (Krätke, 1997).
34Pour ce qui est du domaine d’activité, les données présentées plus haut indiquent qu’il s’avère déterminant pour plusieurs aspects du rapport salarial en ESS. Ce processus vaut également pour d’autres formes d’entreprises, comme le montre l’étude de Finnie (1998) sur la rémunération des bacheliers au Canada. L’analyse économétrique de l’auteur établit que la rémunération varie selon le domaine dans lequel œuvrent ces salariés partageant un même niveau de formation.
35Le domaine d’activité influence grandement le rapport salarial dans une entreprise, parce qu’il comporte, d’une part, un univers technoscientifique qui contraint une entreprise à produire selon les procédés disponibles en un lieu et à une époque donnée. L’examen de monographies d’entreprises en ESS5 montre que les procédés de production n’ont rien de vraiment original et qu’elles ne sont pas particulièrement innovantes en matière d’organisation du travail (Comeau et Lévesque, 1994). D’autre part, dans un domaine d’activité donné, il existe des rapports sociaux de consommation qui s’ajoutent aux rapports sociaux de production (Bélanger et Lévesque, 1991) et qui déterminent en grande partie la demande et le marché pour le service ou le bien produit par une entreprise. Or, l’ESS se déploie parfois dans des domaines peu lucratifs et délaissés par les entreprises capitalistes (Vienney, 1994), en particulier lorsqu’il s’agit de services utiles, mais pour lesquels la demande n’est pas solvable ou pour des services d’intérêt général plus ou moins reconnus par l’État.
36En ce qui concerne les effets de la taille des organisations sur le rapport salarial, l’ESS ne fait pas exception. Il est établi depuis longtemps que la taille d’une entreprise représente un phénomène important de différenciation (Blau, 1970). Les données portant sur les entreprises canadiennes démontrent que la taille représente une caractéristique fondamentale ayant des incidences considérables et variées notamment sur les horaires de travail, les régimes de retraite, les avantages sociaux et la rémunération (Drolet et Morisset, 1998). Sur ce plan, comparativement aux entreprises privées et publiques, celles de l’ESS sont plus souvent de petite taille, comme l’affirme l’étude de McMullen et Schellenberg (2003). Il convient d’ailleurs de s’attarder à cette étude puisqu’elle offre une comparaison entre des entreprises des secteurs parapublic, à but lucratif et à but non lucratif.
37L’étude de McMullen et Schellenberg (2003) reprend les informations portant sur 6 320 établissements et 23 500 employés, et consignées dans l’Enquête sur le lieu de travail et les employés faite en 1999 par Statistique Canada. Le secteur à but non lucratif regroupe 463 organisations comprenant au moins une personne salariée et œuvrant dans les domaines de la culture, des loisirs, de la santé, de l’éducation, des services sociaux et « autres industries à but non lucratif ». L’intérêt de cette étude repose moins sur la correspondance entre le secteur à but non lucratif et l’ESS que sur la possibilité d’identifier des processus de détermination des conditions de travail6. Les meilleurs salaires sont versés dans le secteur parapublic, puis dans le secteur à but lucratif et, enfin, dans le secteur à but non lucratif. Les raisons de ces écarts sont les suivantes et elles confirment les observations faites jusqu’ici sur les effets induits par la taille des entreprises, la formation et le domaine d’activité. Premièrement, la vaste majorité des milieux de travail dans le secteur à but non lucratif sont de petite taille, puisqu’ils emploient généralement moins de 10 salariés. Deuxièmement, c’est dans le secteur parapublic que le pourcentage des employés ayant fait des études postsecondaires est le plus élevé. Les différences entre les secteurs sont davantage prononcées pour les emplois de cadres et de professionnels que pour les emplois de bureau, de techniciens et de représentants ; d’ailleurs, sur une base horaire, le salaire versé aux employés de bureau du secteur à but non lucratif et du secteur à but lucratif est à peu près le même. Troisièmement, la rémunération varie considérablement lorsque l’on ne considère que les domaines d’activité7.
38En ce qui concerne les règles, nous avons vu que les entreprises de l’ESS sont soumises, au Québec, à deux principaux cadres législatifs particuliers que sont le troisième chapitre de la Loi sur les compagnies et la Loi sur les coopératives. Ces lois ne prescrivent pas toutes les mêmes avancées sur le plan de l’inclusion politique des salariés, mais plusieurs d’entre elles (lois sur les coopératives de travail, sur les coopératives de travailleurs actionnaires et sur les coopératives de solidarité) donnent des droits plus considérables sur ce plan, que ceux consentis par la plupart des compagnies privées et des établissements publics. Il s’agit là, à notre avis, d’une caractéristique spécifique de l’ESS permettant de comprendre pourquoi, dans les mêmes domaines d’activité, les coopératives de travail offrent une performance économique comparable aux entreprises privées tout en rémunérant mieux les producteurs (Defourny, 1990).
39Malgré cette avancée sur le plan des principes législatifs, rien n’est pour autant garanti, dans la pratique, pour l’inclusion des salariés. De fait, il est possible de rencontrer trois cas de figure. Dans le premier cas, l’inclusion politique des salariés suit les règles prescrites par la loi et par les ententes contractées à l’extérieur des organisations, dans le cadre d’une participation à un programme gouvernemental particulier, par exemple. Dans le second cas, la pratique correspond dans les faits à une limitation des droits touchant les salariés ou une partie d’entre eux ; on peut également retrouver l’existence de restrictions ou d’iniquités dans les règles, et diverses situations témoignant de la faiblesse d’une instance ou des représentants des salariés. Dans le troisième cas, on assiste à un élargissement de la démocratie dans l’entreprise. Des règles prévoient alors la présence d’acteurs variés dans les instances décisionnelles, la mise en place de lieux spécifiques d’expression et de décision pour les salariés, tel que leur regroupement autonome en syndicat.
40Comparativement aux entreprises privées et publiques, dans les limites des contraintes posées par les phénomènes structurels, il est davantage probable en ESS d’instituer des règles internes favorables à l’inclusion politique de groupes spécifiques, dont celui des salariés, et à la définition d’un contrat de travail relativement équitable. La principale raison est que la règle générale prévoit que le processus de prise de décision repose sur le principe « une personne, une voix ». Ce principe démocratique étant connu, observé et la plupart du temps valorisé en ESS, il peut servir d’inspiration pour le groupe des salariés, afin de promouvoir sa propre inclusion politique. Cependant, au cœur du rapport salarial se trouve la dynamique de la relation entre la direction (cadres et administrateurs) et les salariés, et dans laquelle peuvent intervenir d’autres acteurs dont les sociétaires, les usagers ou clients, et l’État. Du côté de la direction dans les entreprises de l’ESS, la culture politique et les logiques apparaissent à l’observation passablement variées, mais tout indique une présence relativement importante de mouvements sociaux, dont le mouvement syndical, qui a été d’ailleurs à l’origine de plusieurs coopératives de travail au Québec. Du côté des salariés, l’action collective visant la promotion de leur propre intérêt se heurte parfois à une forte identification à la mission sociale de l’organisation et à une logique assimilant le travail salarié à une forme de dévouement aux personnes usagères des services produits par l’organisation (Paquet, Deslauriers et Sarrazin, 1999 ; Deslauriers et Paquet, 2003).
41En tout état de cause, il s’avère qu’il existe des phénomènes structurels qui exercent une influence considérable sur les conditions de travail dans les entreprises de l’ESS à l’instar d’autres types d’entreprises. De plus, parmi les phénomènes considérés dans cette analyse et qui agissent sur les conditions de travail en ESS, les règles et les stratégies des acteurs s’avèrent sans doute les plus spécifiques au rapport salarial dans ces entreprises. Comme tout phénomène social, le rapport salarial en ESS est soumis à l’influence de phénomènes structurels et de comportements réflexifs dans la perspective d’une dualité entre eux (Giddens, 1997). En ce sens, les règles ne déterminent qu’en partie le rapport salarial en ESS et elles peuvent être modifiées par l’action collective des salariés.
Conclusion
42Ce texte a tenté d’identifier les éléments de spécificité du rapport salarial en ESS. Nous avons vu qu’il existe des phénomènes communs à d’autres types d’entreprises en matière de détermination des conditions de travail, à savoir le territoire, le domaine d’activité et la taille exprimée en nombre de salariés. Ainsi, lorsque les entreprises de l’ESS se situent dans des zones périphériques et défavorisées, produisent dans des domaines d’activité peu lucratifs et possèdent une taille réduite, il y a de fortes chances que les conditions de travail soient désavantageuses. Les conditions de travail sont également influencées par les dispositions institutionnelles (les règles du jeu) et les stratégies des groupes qui constituent le rapport salarial. Si ces phénomènes surviennent dans toutes les entreprises, il demeure qu’ils prennent une forme particulière en ESS. Les dispositions législatives faisant une place à l’inclusion politique des salariés, les règles internes de fonctionnement influencées par le principe « une personne, une voix » et les caractéristiques des acteurs qui s’investissent dans les entreprises de l’ESS produisent un rapport salarial original.
43Si cette interprétation était valable, il faudrait alors accepter que les stratégies des salariés en ESS soient particulières et moins conflictuelles que dans les entreprises où le rapport salarial est produit par des groupes résolument différents. Les stratégies qui suivent ne sont sans doute pas nouvelles pour les lecteurs informés (Chantier de l’économie sociale, 2006), mais leur rappel permet de les considérer dans la perspective de l’analyse proposée. Une première stratégie consiste à rehausser les capacités réflexives des acteurs de l’ESS. Cette stratégie concerne les différents acteurs en ESS et doit s’adapter à leur familiarité avec l’ESS ; elle mise sur la formation en faveur d’une meilleure connaissance des processus inclusifs de gestion (Davister, 2006), de la nature de l’ESS et de son fonctionnement interne. Une seconde stratégie consiste en un recadrage touchant plusieurs aspects de l’ESS. Le salariat en ESS mérite certainement d’être mieux connu et de faire l’objet d’une réflexion approfondie par les salariés eux-mêmes. Même si l’État représente un acheteur important des services produits par l’ESS, ses rétributions sont d’ordre contractuel. Les salariés devraient réaliser qu’ils fournissent véritablement un travail et qu’ils partagent le même statut que leurs collègues des entreprises publiques et privées qui contractualisent avec l’État (Fortin, 2007). Il n’y a pas de raison que les services produits ne soient pas achetés au coût du marché, dont une partie est soumise, il est vrai, à la dynamique des rapports sociaux. À ce propos, les intérêts des salariés de l’entreprise peuvent rejoindre ceux des autres acteurs dans l’entreprise, qui subissent les contrecoups du paiement le plus souvent insuffisant, par l’État, pour les services fournis. Il en est ainsi du programme gouvernemental en aide à domicile, dont les sommes sont gelées depuis 1997 et qui prive des milliers d’usagers de service, qui maintient les salaires à un niveau très bas et qui cause bien des soucis aux administrateurs (Vaillancourt et Jetté, 2010). Une troisième stratégie prévoit que les entreprises de l’ESS s’inspirent du principe de la mutualité pour donner accès à leurs salariés à des régimes d’assurances collectives et de retraite. Enfin, une quatrième stratégie concerne la syndicalisation qui devrait elle aussi être recadrée, puisque les entreprises de l’ESS se distinguent sur plusieurs aspects. En effet, il n’y a pas une appropriation privée d’un profit, puisque l’employeur est une association où prévalent les mêmes formes démocratiques qui caractérisent les syndicats (Mayné, 1999), l’appartenance de classe de la direction est souvent la même que celle des salariés et une partie substantielle du financement est publique. Ces considérations font que les centrales syndicales doivent développer des manières adaptées de transiger avec ces entreprises et établir des protocoles inédits de négociation avec l’État qui est certes un client important pour l’ESS, mais également puissant.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 L’explicitation des conditions de travail dans un document écrit signifie qu’une organisation tend à rendre publiques les ententes contractuelles et à éviter l’arbitraire qui risque de prévaloir dans les contrats individuels.
2 Ainsi, les femmes représentent 97 % des salariés dans les Centres de la petite enfance (les garderies), alors qu’elles ne constituent que 25 % des salariés du secteur regroupant les Centres de travail adapté et les entreprises de l’ESS en aménagement forestier (Comeau et al., 2001).
3 En moyenne, ces entreprises attribuent 12 % des sièges du conseil d’administration au personnel qui se positionne loin derrière les membres individuels (68 % des sièges) et les personnes usagères ou clientes (28 %) (Comité sectoriel de la main-d’œuvre, 2000).
4 Rappelons qu’en 1998, 37 % des postes d’administrateur au Canada sont occupés par des femmes (Hughes, 2000).
5 Il est possible de consulter en ligne les nombreuses monographies portant sur des entreprises de l’ESS, éditées depuis le début des années 1990 par le Centre de recherche sur les innovations sociales (CRISES) (http://www.crises.uquam.ca) et par le Laboratoire de recherche sur les pratiques et les politiques sociales (LAREPPS) [http://www.larepps.uqam.ca/].
6 On y retrouve effectivement une acception large du secteur à but non lucratif, puisqu’il inclut, par exemple, des musées, des syndicats, des fondations philanthropiques, les cliniques communautaires. Il s’agit, dans tous les cas, d’organisations légalement constituées, séparées du gouvernement et ainsi nommées non gouvernementales, autonomes, à but non lucratif et volontaires. L’étude porte également sur 358 organisations parapubliques à but non lucratif (écoles primaires et secondaires, collèges et universités, hôpitaux et infrastructure publique) et 5 501 entreprises à but lucratif.
7 Il arrive d’ailleurs que comparativement à certains domaines du secteur privé, les emplois du secteur à but non lucratif soient mieux rémunérés que ceux du secteur à but lucratif sur une base horaire, notamment dans le commerce de détail (McMullen et Schellenberg, 2003, p. 32-33)
Auteur
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