« Trinités royales » et « quadrangle d’amour » : Claude de France, Marguerite de Navarre, François Ier, Louise de Savoie et la réforme fabriste de l’Église
p. 123-136
Texte intégral
1Il existe d’excellentes études consacrées à la « trinité royale » constituée par François Ier, sa mère Louise de Savoie et sa sœur Marguerite d’Alençon (de Navarre). Dès 1987, Anne-Marie Lecoq a reproduit le folio 2 des Orationes devotissime (BnF, ms. n. acq. Lat. 83, illustration 14), daté des années 1520, dont le verso porte l’inscription suivante : « Ô noble trinité du roi, de la mère et de la sœur, unique est votre désir. » Ainsi cette triade est-elle explicitement confondue avec le symbolisme trinitaire des armes du roi de France qui régissent sur l’axe central cette première image1. Cette épithète appliquée aux Valois/Angoulême semble remonter à François Du Moulin de Rochefort, auteur, entre autres, du manuscrit français 24 955 de la Bibliothèque nationale de France, un magnifique ouvrage qui a lancé la querelle de la Madeleine en 1517 et qui se trouvera au cœur même de cet essai2. Mais c’est un peu plus tard, dans son célèbre Petit Livret de sainte Anne (Arsenal ms. 4 009), adressé comme le ms. fr. 24 955 à la reine mère Louise de Savoie à la fin de 1518 ou au début de 1519, que Rochefort écrit :
« Le roy et vous, Et madame la duchesse [d’Alençon] n’aves riens parti ensemble. Et ce qui est bon pour lung, est bien faict pour lautre, dautant que v [ost] re volunte est unie parfaictement. Et combien qu’elle soyt dilatée et aulcunement divisee par personnes apparentes et sensibles, si y a il quelque similitude invisible, impalpable, et insensible. Qui vous rend si veritablement semblables que aulcunefoiz je foys [fais] de vous comme le sage Fabri a faict de la Magdalene. Car dune de voz personnes jen foys troys. Et puys de rechief de troys jen foys une co [m] me Fabri a faict des troys Maries, lesquelles il a reduytes a une fille de saincte Anne » (fol. 2 vo et 3 vo).
2Pour introduire ce petit livret, Rochefort s’est justement fait figurer en train de présenter à sa protectrice Louise, pour la toute première fois, « Fabri » – c’est-à-dire Jacques Lefèvre d’Étaples –, initiateur des querelles de la Madeleine et de la sainte Anne, et autre protagoniste majeur de notre étude3. Jusqu’ici, les faits que nous rapportons sont bien connus. Toutefois, Anne-Marie Lecoq a constaté que « les composantes de la “trinité royale” » étaient susceptibles de varier4.
3La présente contribution veut se démarquer de l’ensemble des études antérieures consacrées à ce thème en soutenant qu’avant 1518, déjà, François Du Moulin de Rochefort et Jacques Lefèvre d’Étaples agissaient de concert, en collusion avec d’autres protagonistes restés invisibles jusqu’ici, afin de tirer profit du fait que ce trio, en dépit des affirmations contraires, était en réalité loin de composer une union parfaite. Il s’agit de démontrer qu’un petit groupe d’hommes, travaillant alors tous à la réforme de l’Église, souhaitait agir sur Marguerite d’Alençon, parfois désignée explicitement par le vocable « Union ». Leur but était de consolider un « quadrangle d’amour » où la reine Claude de France prenait pleinement sa place à côté de son époux, sa belle-mère et sa belle-sœur. Nous montrerons que les contacts de Claude avec le cercle de Lefèvre d’Étaples étaient antérieurs à la présentation de ce dernier par Rochefort aux Valois/Angoulême. Et enfin – fait majeur passé jusqu’ici inaperçu –, que Claude, avec une discrétion tout à fait intentionnelle, a bien été (avant, puis sans doute, avec Marguerite d’Alençon) l’appui le plus solide des réformateurs à la Cour.
La piété exigeante de Claude de France
4Aujourd’hui encore, la persona de la reine Claude semble largement échapper aux historiens, qui trop souvent tendent à ne voir en elle que l’ombre de sa mère, la forte reine Anne de Bretagne5. Or, des images peintes pour Claude avant ou pendant les affaires de la Madeleine et de la sainte Anne, apportent des preuves incontestables de sa culture, très solide. Deux très beaux manuscrits sont produits pour la jeune reine, et ce, vraisemblablement dès 1517. L’un d’eux est un livre d’Heures, aujourd’hui propriété de Heribert Tenschert, contenant des inscriptions non seulement en latin mais aussi, fait non négligeable, en grec6. Les bordures de ce riche volume reprennent à satiété les devises de la jeune reine : Non mudera (« elle ne changera pas »), héritée de sa mère en même temps que leur cordelière partagée, omniprésente ; « Firmitaseternitatisspemduplicat » (La fermeté [de la foi] augmente doublement l’espoir de la vie éternelle), en latin mais souvent en grec aussi ; la « S fermesse » (que Daniel Russell fait remonter à une devise de la Milanaise Valentine Visconti)7 ; et l’emblème de la sphère armillaire (représentée trois fois, par exemple, sur les folios 87 et 87 vo), une allusion à la science des choses célestes souvent liée à la pensée néoplatonicienne8. Ces éléments révèlent non seulement la détermination de la jeune reine, mais aussi sa profonde piété multidimensionnelle, confirmée par le contenu de son superbe livre de prières, le Pierpont Morgan Library manuscrit M. 1 166. Alors qu’au folio 6 vo de ce minuscule ouvrage, un Christ enragé chasse avec véhémence les marchands du Temple, un clergé exemplaire et éduqué est représenté image après image (fol. 21 ro, 35 vo, 39 ro, 39 vo, 40 ro, 41 ro, 48 vo, 49 ro, 50 ro, 50 vo), accordant aux livres – à l’instar de la Trinité (fol. 24 vo), de Dieu le Père (fol. 25 ro), des Apôtres (fol. 23 ro) et de saint Pierre (fol. 29 vo) – un rôle majeur9.
5Parmi les nombreux protagonistes religieux représentés en train de lire, apparaissent des saintes (fol. 42 ro, 47 ro, 48 ro), dont deux en habit d’abbesse, sainte Marthe (fol. 43 ro) et sainte Geneviève (fol. 46 ro)10. Dans un autre livre de prières (autrefois Modena Biblioteca Estense Universitaria α. U. 2.28 = lat. 614), que Claude a sans doute commandé pour sa petite sœur Renée, peut-être vers 1517, et que Joni M. Hand a rapproché des pratiques d’Érasme, c’est sans intermédiaire que le Christ apparaît à Renée (fol. 9 vo), et que, de manière tout à fait insolite, une figure féminine habituellement identifiée à la Vierge, mais qui pourrait aussi être la Madeleine (fol. 6 vo), rédige un texte en même temps que les Apôtres11. Faut-il déduire de ces différentes manifestations d’une religion pratiquée avec exemplarité, où le rapport avec le divin peut être direct, que Claude était en contact avec le cercle et les idées de Lefèvre d’Étaples12 ? Une série de documents produits en 1517/1518, à ou autour de Milan, semble confirmer cette possibilité.
Lefèvre d’Étaples, la réforme en France et les relations franco-italiennes
6Remontons un peu dans le temps afin de consolider cette hypothèse. Dès 1492, Guillaume Briçonnet le fils est nommé grand aumônier d’Anne de Bretagne ; puis, vers 1494, Lefèvre d’Étaples devient précepteur de François, fils de Pierre Briçonnet, lui-même frère de Guillaume Briçonnet le père13. Une lettre confirme l’existence d’un lien entre le théologien et Guillaume le fils au début de 1504 ; et en 1505 le théologien dédie à l’ecclésiastique ses Livres hermétiques, une traduction de Marsile Ficin. En 1506, les deux hommes séjournent plusieurs mois ensemble à Bourges à proximité de la Cour ; et Michel Veissière estime que Lefèvre a accompagné Guillaume Briçonnet à Rome en 1507 pour défendre Louis XII auprès du pape Jules II14. Briçonnet installe Lefèvre dans l’hôtel abbatial de Saint-Germain-des-Prés en 1508 ou 1509, et celui-ci s’y trouve donc lorsque les parents de Claude et de Renée soutiennent tous deux manu militari la réforme de la communauté en 1513. Jean-Marie Le Gall voit en Lefèvre d’Étaples l’instigateur de cette réforme, tout en relevant le rôle joué par Geoffroy Boussard, le confesseur d’Anne de Bretagne15.
7L’histoire de cette célèbre tentative de réforme ainsi que la correspondance spirituelle de Guillaume le fils avec Marguerite d’Alençon, entamée à partir de 1521, ont souvent occulté l’importance de l’échange épistolaire antérieur de Denis Briçonnet, frère cadet de Guillaume, avec la « mystique inspirée » Arcangela Panigarola, abbesse du couvent des augustines réformées de Sainte-Marthe à Milan16. En 1512 déjà, au moment du concile de Pise/Milan et dans le sillon de Savonarole, Panigarola s’acharnait à convaincre Denis Briçonnet que la réforme de l’Église ne pouvait venir que de bons pasteurs s’étant voués à la pauvreté évangélique et adoptant un profil bas. Et sous l’influence du prophétique Apocalypsis Nova du pseudo-Amédée17, elle l’appelait à endosser le rôle du « pasteur angélique » devant réformer, « avec patience et prudence », l’Église18. En 1513, Denis Briçonnet, initié au grec ainsi qu’au latin (« ce qui n’était pas si commun », selon Bernard Chevalier), succède à son père comme évêque de Saint-Malo, dans les territoires bretons d’Anne19 ; et au cours de 1514 Lefèvre d’Étaples lui dédie un de ses écrits sur Nicolas de Cues20.
8Personne ne semble avoir accordé d’importance à la précocité de l’intérêt de la reine Claude pour la réforme des religieuses. C’est elle qui, dès le 5 septembre 1515, interpelle les conseillers du Parlement au sujet de la réforme des monastères d’Yerres et de Jarcy. Et lorsque Claude intervient à nouveau le 13 janvier 1516, sa belle-sœur Marguerite n’écrit que le lendemain pour l’appuyer, au nom de « la royne et Madame [s]a mere21 ». La même année, « la bonne reine Claude » porte à terme la difficile réforme du couvent dominicain de Saint-Pierre de Lyon, initiée en 1503 par ses parents, n’hésitant pas à y faire incarcérer deux sœurs particulièrement rebelles22. C’est d’ailleurs à Nantes, capitale du duché breton de Claude, que Denis Briçonnet finira par apposer sa signature en 1518 sur L’Instruction des curez pour instruire le simple peuple, une nouvelle publication du texte de Jean Gerson23.
9Que savons-nous des activités réformistes dans le duché de Milan, dominé à cette même époque par les Français ? Dès 1517, le dominicain Isidoro de Isolani dédie à Denis Briçonnet son De Imperio militantis Ecclesiae libri quattuor24. Surtout, en 1518, le même auteur publie une vie latine de la bienheureuse Veronica da Binasco, morte en 1497 au couvent de Sainte-Marthe. Le pape Léon X, suite à une intervention de Denis Briçonnet au nom de François Ier, vient d’y autoriser le culte de cette femme aux origines modestes. Cependant, l’auteur italien pro-français a dédié son ouvrage au couple royal et en a adressé deux copies sur vélin, l’une à François Ier, l’autre à son épouse Claude25. Il n’est sans doute pas anodin que seul le volume de Claude nous soit parvenu peint et commenté. Dans les belles images qui mettent en scène Veronica da Binasco, à l’origine analphabète, on décèle une préoccupation de l’écriture et de la lecture féminine, qui font partie intégrante de la réforme ecclésiastique.
10À cette époque, le confesseur de la reine Claude est Louis Chantereau, augustinien comme la bienheureuse Veronica da Binasco et l’abbesse Arcangela Panigarola, et bras droit en France de l’important réformateur Gilles de Viterbe qui, lui, opère depuis le Saint-Siège26. Or, Chantereau s’est donné pour tâche de traduire l’Inexplicabilis mysterii gesta beatae Veronicae en français à l’intention de la reine, « pour admonester et endoctriner le Sainct Siège apostolique, affin de pourvoir aulx périlz et dangers imminens a l’Eglise presente et militante ». Une familiarité avec les textes du Nouveau Testament est supposée :
« Nous ne suyvons pas a la lectre la forme plainne de l’hystoire, ainsy comme la saincte Resurrection de Nostre Seigneyr fut en esprit demonstree a seur Veronique, car les evangilles sainctes sont plainnes de celle narracion27. »
11En outre, si ce prologue de la traduction se termine avec une référence à « vostre bon et loyal espoux », ainsi qu’à « vous aussy, ma bonne et charitable dame et maistresse », Chantereau retranche en revanche « l’éloge vibrant » de François Ier qu’Isolani a inclus dans sa dédicace28. Ne faut-il pas y percevoir un autre signe ?
Humanistes et hommes d’Église à l’appui de Claude
12Revenons maintenant à deux autres images de trinité (et de « quadrangle ») analysées par Anne-Marie Lecoq, à commencer par le folio 2 du BnF manuscrit français 1993 (illustration 15), qui enlumine un petit traité « néo-platonicien » de Du Moulin de Rochefort sur le Bon – qui désigne Louise (Jupiter), le Beau (Mercure) – c’est-à-dire François, et le Juste (Saturne), Marguerite29. L’auteur affirme au tout début de ce texte non daté : « Ce qui est bon et juste ne peut estre let. Mais ce qui est beau n’est pas juste » (fol. 2 vo). Cette affirmation viserait-elle François Ier/le Beau/la Paix, au moment où Rochefort charge sa protectrice Louise, mais surtout sa fille Marguerite/l’Union, d’amener le roi à une position plus juste ? Et si oui, à quel sujet ? Le Saint-Esprit domine le haut de l’image, indiquant que la religion est au cœur des préoccupations de l’auteur, tandis que la référence au Paraclet fait appel à la notion d’intercesseur30. Si la cordelière reliant les neuf cercles est sans ambiguïté possible celle de Savoie, la complexité foisonnante des cordelières (sans nœud) qui établissent le lien entre le Saint-Esprit qui plane au-dessus et les cercles latéraux de François et de Marguerite, peut indiquer conjointement les Valois/Angoulême et Claude31.
13La deuxième image est extraite des Troys résolutions et sentences… (Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Codex 2645, fol. 2, illustration 16), ouvrage attribué au franciscain Jean Thenaud et récemment daté entre 1522-152432. En bas, l’auteur s’est fait représenter en pèlerin qui rêve en dormant en présence d’un astrologue brandissant la sphère armillaire chère à Claude. Simultanément, le cheval de l’auteur s’approche d’une salamandre tout en contrebalançant l’hermine – bien vigilante – de Claude. Dans l’image à écussons occupant le haut de la même page apparaissent des triangles « [d] esquelz résultoit le très parfaict, plus que pur et argenté quadrangle de pardurable amour et inséparable union royalle, lequel quadrangle estoit semencé de célestes hermynes… » Entre deux fleurs de lys – côté salamandre et côté hermine –, un triangle renversé aligne les écussons du roi et de sa mère au-dessus de celui de sa sœur, en faisant allusion à la trinité Valois/Angoulême. Pointant vers le haut, un deuxième triangle relie les armoiries d’une nouvelle et heureuse trinité : celle des trois fils du couple royal. La continuité dynastique ne pose plus de problème car le dauphin François est secondé désormais par ses frères Henri et Charles (ce dernier à l’écusson écartelé d’Orléans et Milan, bien que le duché milanais ait désormais échappé aux Français). Grâce à la présence de ses « célestes hermines », la reine occupe le centre névralgique de cette configuration, où prennent place les blasons du jeune dauphin, en haut, et de la sœur du roi, en bas. Ainsi, ensemble, le fils aîné, futur duc de Bretagne, et la sœur/belle-sœur sont-ils chargés de garantir ce « quadrangle » d’amour et d’union. La cohésion de ces individus préoccupe visiblement nos auteurs.
14C’est en se tournant vers le célèbre manuscrit de la Vie de la Magdalene de Rochefort que l’on trouvera ce que j’estime être la preuve définitive que des hommes tels que Thenaud, Rochefort, Denis Briçonnet et Lefèvre d’Étaples comptent d’abord sur la présence de Marguerite, puis sur la naissance du dauphin, pour consolider ce qui est perçu comme une union royale chancelante. Ce texte suggère que, face à la puissance politique du roi et de sa mère, l’entourage de la reine s’est inquiété dès 1517 du fait que la voix de Claude, active défenseur de la réforme ecclésiastique, peinait à se faire entendre33. Par la suite, en 1519, l’implication directe de Denis Briçonnet dans la querelle peut être prouvée : c’est à lui, alors ambassadeur du roi à Rome auprès de Léon X, que Lefèvre d’Étaples dédie son troisième et dernier texte (imprimé), De Tribus et Unica Magdalena Disceptatio secunda, avec, notons-le, une phrase en grec sur la page de titre34.
L’union de « quatre esperitz » pour écarter le péché de la division
15Penchons-nous sur une partie de ce complexe Paris BnF manuscrit français 24 955, fabriqué à l’intention de Louise de Savoie et dans lequel, selon l’expression de Marie Holban, « Rochefort eut soudain la révélation de la pensée contemporaine35 ». Les 218 rondeaux constituant l’ouvrage, systématiquement encadrés mais avec maintes variations, présentent tantôt du texte, tantôt des images, ces dernières, nombreuses, attribuées à Godefroy le Batave36. De toute petite taille (95 x 75 mm) et de grande qualité, le manuscrit n’est pas sans rappeler le (encore plus petit) livre de prières, le Pierpont Morgan Library manuscrit M. 1 166, de Claude (69 x 49 mm). Par ailleurs, ces deux volumes partagent, outre leur intérêt pour la Madeleine et sa sœur Marthe37, des écritures humanistiques (« littera humanistica rotunda38 ») minuscules très similaires. Le contraste est en revanche saisissant avec le BnF manuscrit français 2088, Dominus Illuminateo Mea, pourtant illustré par le même Godefroy le Batave et lié au même pèlerinage à la Sainte-Baume, dont l’écriture « de particulier et non de copiste » est attribuée par Anne-Marie Lecoq à Rochefort lui-même39. Quant au contenu, la Vie de la Magdalene vise à assurer « le triomphe de “l’amour parfait” » sur « “l’amour humain imparfait” décevant40 » ; et, bien sûr, l’amour de Dieu l’emporte sur l’amour sensuel des hommes. Un des buts de cette étude, pourtant, est de démontrer qu’il existe aussi un sous-texte comportant des allusions parallèles, intentionnelles, au comportement lascif déjà légendaire de l’époux de la reine de France d’une part, et à une Église perçue comme courant inéluctablement à sa perte d’autre part.
16Dès le folio 3ro se déploie une courte généalogie. Lazare, Marie-Madeleine et Marthe y forment une petite trinité dont la noblesse sera soulignée ; et, fait intéressant, c’est Marthe qui occupe la position centrale. Au verso du même folio, la parenté de Marthe avec la Madeleine pécheresse est cependant contestée :
« Sirus de Eucharia sa femme, heut trois enfans. Le premyer fut le Lazare. Vray gentilhomme, Marthe fut la secunde. Et Marie la troiziesme. Saint Luc dist. Erat quaedam mulier in civitate peccatrix. Mais si ceste femme-pecheresse estoit seur de Marthe, jen ferois doubte & non sans cause. Si ce nestoit la determinacion de leglise. »
17Au folio suivant, Rochefort tient à préciser que l’histoire de la première série de rondeaux consacrée à cette fratrie sera racontée « selon la tradition de leglise41 ». Et l’on peut se demander si l’auteur (ou l’un de ses conseillers ?) n’a pas puisé non seulement dans l’écriture sainte et la Légende dorée, mais aussi dans la Vita di Santa Maria Maddalena de Domenico Cavalca. Dans ce texte dominicain du XIVe siècle, Marthe tient sa sœur informée des miracles du Christ tout en jouant un rôle majeur dans sa conversion42.
18Au folio 7 ro, Lazare et ses sœurs ont abandonné les sépultures de leurs géniteurs décédés et s’adonnent à des banquets afin de chasser « Tristesse penible & mortelle melencolie » (fol. 6 vo). La bordure contient une inscription en français où se côtoient « Larmes et plaisir ». Or, l’inutilité des larmes humaines est déjà évoquée dans le texte du folio 6 ro, qui soutient que « prier sert/pleurer est folie ». Au folio 7 vo intervient pour la première fois un nouveau type de bordure ornementale qui tranche avec le décor générique des précédentes (illustration 17). Des salamandres – emblème du roi – y surgissent, alors que le texte stipule que « Division se met partout. Car de ce qui deveroit estre commun, chescun veult faire le sien propre. pource les biens de Sirus & Eucharia unys par loyalle conjonction furent divisez en troyz partiez ».
19L’inscription en latin de la bordure du folio 9 ro illustration 18) – qu’on peut traduire par « [l] e cœur est amolli par les cithares, les flûtes [du bois de lotus], la lyre, le chant, les bras aux mouvements harmonieusement cadencés » – est puisée dans les Remèdes à l’amour d’Ovide43. Quant à l’image centrale, elle met en avant « la Pauvre Magdalene » qui « estoit bien trompee, car elle amoit les filz des hommes & dansoit avecques eulx », selon le texte du folio 8 vo lui faisant face. Toutefois, le regard du fou inséré au bas de l’image vise tout autant l’homme habillé à la mode de la cour de François Ier, à la braguette accentuée, et qui dispute à la Madeleine le centre de cette scène. Au folio 10 ro, on voit cette femme dissolue partir avec son amant chasser le plaisir44, tandis qu’au verso les salamandres reviennent encadrer, cette fois, un texte où le baiser coupable est comparé à celui de Judas. L’image du folio 11 ro (illustration 19) positionne à la droite héraldique de l’amant l’objet de son amour illicite45. Et le texte qui lui fait face proclame « Ha magdalene pour si brief plaisir grande tribulacion vous estoit ordonnee » (fol. 10 vo).
20De cet amour illicite doit découler la conversion du pécheur, assène le texte du folio 11 vo : « Magdalene Jesuschrist presche, il te fault convertir par consideracion de pechie, par crainte de paine & par esperance de pardon. » Or dans l’image en face (fol. 12 ro), le Christ tourne le dos à la Madeleine pour pointer du doigt un homme contrit. Mais surtout, cette série d’images se termine au folio 13 ro (illustration 20) avec un rondeau dans lequel les « sept espritz imundes » de la Madeleine sont expulsés46 face à un texte encerclé de fleurs de lis (fol. 12 vo). L’intercession de la sainte y est demandée :
« Pour troys esperitz & pour quatre, les troys sont Loyse, Francoys, & la petite Claude, & si vous y adioustez union vous en trouverez quatre, Savoir est Loyse, Françoys, Claude & Marguerite. Troys & quatre sont sept & soubz ce nombre est comprise la destruction des VII pechez mortelz. »
21Ainsi l’antériorité est-elle accordée à une trinité formée par la reine mère, le roi et la reine. À Union/Marguerite, donc, dès 1517, de consolider cette trinité de base.
Marie-Madeleine et sa sœur Marthe ou l’unité de la famille royale pour la réforme humaniste de l’Église
22Au folio 13 vo débute une seconde série d’images, liées, celles-ci, à « l’amoureuse contrition & veritable repantance » de la pécheresse des Évangiles qui « par sa foy […] fut sauvee » (14 vo). Mais dès le folio 16 ro, Marthe occupe une place cruciale à côté de sa sœur quand le Christ, suite à l’exorcisation des « sept esprits immondes » de Marie-Madeleine, et en fonction d’une tradition remontant au IVe siècle, guérit Marthe de son écoulement de sang47. Or, l’inscription de la bordure à la gloire de Dieu qui a pu arrêter ce flux de sang, glisse du latin à l’italien. Le contact de Denis Briçonnet avec le couvent de Sainte-Marthe de Milan et sa correspondance avec Arcangela Panigarola rendent d’autant plus remarquables ce rapprochement et cette image.
23Au folio 17 ro (illustration 21), le Christ donne sa bénédiction à Marthe, placée devant sa sœur et à nouveau associée au miracle du flux de sang par l’inscription en latin insérée (tout comme dans l’image précédente) à ses pieds. Au folio 18 ro (illustration 22), toujours de pair avec sa sœur, Marthe reçoit le Christ à son domicile clairement désigné. Dans le texte du folio 17 vo, situé en face, Rochefort établit un parallèle entre la « charite liberalle » de Marthe et la libéralité d’Abraham, puis il rapproche cet acte charitable des deux sœurs des bonnes œuvres qui permettent d’accéder à la grâce de Dieu. La bordure du même folio semble contenir des dragons à la queue se terminant en nœuds de Savoie qui font face à des serpents sortant de la cordelière commune à la trinité régnante. Cette tension renvoie-t-elle à la dernière phrase de la page, où est évoquée la crainte des peines éternelles ? La rédemption impliquerait, alors, que ce message de charité vise à consolider le rôle de Louise de Savoie et de son fils dans l’entreprise réformatrice en cours. L’inscription de la bordure du folio 18 ro – une traduction en latin du grec de l’Odyssée (6. 207 sq.) signifiant « C’est de Zeus que viennent tous les étrangers et tous les mendiants48 » – réitère avec érudition cet appel à la charité. Rochefort n’a-t-il pas bénéficié de soutiens intellectuels pour cette référence ?
24Par la suite, les deux sœurs doivent affronter la mort de leur frère Lazare (fol. 21 ro, 22 ro et 23 ro) ; et au folio 22 vo, une mise en garde est lancée aux « Princes et princessez Damez et damoysellez en court. Et vous gentilz-hommes qui triumphez en court. Entendez… Il fault mourir ». Cette page, qui déploie à nouveau les couleurs de la royauté et un texte se concluant par une référence à la « loyalle compagnie » de Marthe & de Magdalene, est entourée non seulement de cœurs mais également de serpents inquiétants dont les queues se terminent à nouveau en nœuds de Savoie.
25Ce n’est qu’aux folios 23 vo et 24 ro (illustration 23) que Madeleine, confrontée à la mort de son frère tout en étant située à plus grande distance que sa sœur de sa sépulture, parvient enfin à « l’amour perfaict49 ». Or au folio suivant (fol. 24 vo), un rappel à l’ordre est lancé à des hommes de rang, essentiellement des ecclésiastiques :
« Pape blanc comme ne [i] ge. Cardinal rouge comme ung coc. Evesque doulx je nouse dire sot. Frere troteur bon triboulet. Toy general a hault collet. Chevalier soubz la cheminee. Toy nobilis. Toy joliet aussi tandre comme rousee, frere aussi froit comme gelee frere hypocrite manteur affable. Toy moyne noir comme ung dyable, ne panse tu qu’il fault mourir… »
26L’amour parfait de ces deux sœurs doit inciter, semble-t-il, à pleurer et à dénoncer une Église (et avec elle, des hommes de pouvoir) dévoyée. Quelques folios plus loin, Rochefort explique, tout à fait exceptionnellement, « qu’il a fallu en cest endroit paindre troys foiz une mesme hystoire affin de faire plus ample mention des parollez de jesuschrist & de la bonne Marthe » (fol. 30 vo). De surcroît, dans ces trois scènes consécutives où Marthe mène le jeu auprès du Christ, alors que la Madeleine ne sait que s’écrouler en pleurs, l’inscription passe à nouveau à l’italien.
27Le verso du folio 33 précise que Marthe entend mener son affaire secrètement, et selon l’intention de Jésus Christ – exactement comme Denis Briçonnet et Claude, en fonction des conseils d’Arcangela Panigarola si notre lecture est juste50. Cette fois, la bordure est remplie d’une cordelière foisonnante à nœuds plutôt que de serpents. En face, au folio 34 ro illustration 24), Marthe chuchote son message de vérité dans l’oreille de sa sœur en lui disant : « Le maître est là, il t’appelle » (Jean 11, 28). L’inscription, en français, lie explicitement la scène à François Ier et à Louise : « Venez au roy est ung gracieux mot ou Venez à Madame. » Les fleurs de lis dorées sur bleu de la bordure du folio 33 vo, en face, proclament l’unité retrouvée ; et la cordelière royale intègre quelques nœuds de Savoie. Madeleine se convertit alors et part « voyr son maistre son Dieu, son createur, son pere, son sauveur, son redempteur, son protecteur, son directeur et son amy. Et Marthe gracieusement comme bonne et honeste seur la conduysoit » (fol. 34 vo). Au moment où la résurrection de Lazare est programmée, tout porte à croire que Marthe désigne Claude qui (avec Marguerite ?) conduit ce « quadrangle d’amour » vers la résurrection de l’Église.
28« Jesus cognoissant son heure estre venue » laissera sa mère à Béthanie dans la maison de Marthe, « luy baillant pour compagnie le Lazare, Marthe et Magdalene » (fol. 45 vo). C’est par la suite que la mère de Jésus se met à chercher désespérément son fils à Jérusalem ; mais le texte du folio 46 vo précise : « Helas on ne faisait pas compte delle, ne de la belle Magdalene & les portiers de grands seigneurs la reboutoient, & luy vouloient fermer la porte sans lui répondre… » Or, en face, au folio 47 ro, est figuré l’unique personnage contemporain à faire irruption dans ces rondeaux : le « Bastart de Rouen ». Marie Holban a reconnu en lui le gardien de la porte de la chambre de François Ier ; et c’est donc lui, à la maison d’Hérode, qui empêche la Vierge de prendre des nouvelles de son fils51. L’inscription (traduite) s’adresse sans doute à Louise : « Quel amour [est] plus grand que [celui] d’une mère. » Louise doit-elle, comme la Vierge, partir à la recherche (de la rédemption ?) de son fils ?
29L’inquiétude de Rochefort et de ses conseillers se fait sentir jusqu’aux derniers folios du volume. Après avoir amené Louise à réciter une prière (en français) à la Madeleine pour que son fils « ayt esprit pour se saulver, & pour congnoistre bon & mauvaiz conseil affin que par luy seul plusieurs personnez ne soient en souffrance » (fol. 105 vo), et que sa « fille Claude soit grosse dung fils » et sa « fille Margarite pareillement », Louise doit demander que son désir lui soit octroyé « pour le bien de la chose publicque […] affin que [elle] puysse vivre en amour fiable avecquez [ses] enfans… » (fol. 106 ro et 106 vo). Puis, en fin de parcours, après avoir fait éclater l’identité traditionnelle de la Madeleine, Rochefort – au nom de Lefèvre d’Étaples – se justifie en affirmant que Louise, pour obtenir la grâce de Dieu, pourra demander l’intercession de trois saintes au lieu d’une (fol. 108 ro).
30Remarquons, enfin, que du folio 80 vo au folio 88 ro, il est question de la révélation faite à « Amadæus cordelier hermite de la duché de Milan », dont un passage, portant sur les « apoustrez » et sur « celle Magdalene disciple très amee de Jesuschrist [qui] na este sans le merite des apoustes & doit on celebrer sa feste solennellement comme dung apoustre », est transcrit d’abord en latin puis en français. Ainsi, dès 1517, la boucle Denis Briçonnet, Arcangela Panigarola, Rochefort, Lefèvre d’Étaples et Claude de France est bouclée. En 1521, la pression contre les idées de Lefèvre est telle que le maître et ses disciples doivent quitter Paris pour s’installer à Meaux52. À cette date, l’union du « quadrangle d’amour » soutenu vaillamment par Rochefort dans le BnF manuscrit français 24 955 – c’est-à-dire celle de la reine, du roi, de la reine mère et de Marguerite – est mise à mal, et la marginalisation politique de Claude est en grande partie un fait accompli. L’histoire connaît alors une suite logique : Marguerite d’Alençon entame sa célèbre correspondance avec l’évêque Guillaume Briçonnet, s’engageant pleinement du côté de la réforme de l’Église53. Désormais, nul doute n’est permis. Ce faisant, Marguerite/Union et Guillaume Briçonnet fils prennent la relève du « pasteur angélique » Denis Briçonnet et de Claude, reine de France, duchesse de Bretagne et, dans la préface de l’Inexplicabilis mysterii gesta beatae Veronicae d’Isolani, duchesse de Milan.
Notes de bas de page
1 Mes remerciements très chaleureux à Eugénie Pascal et à Murielle Gaude-Ferragu pour leur relecture de ce texte. Pour le manuscrit et cette traduction, cf. Lecoq A.-M., François Ier imaginaire. Symbolique et politique à l’aube de la Renaissance française, Paris, 1987, p. 396 et 398, et figure 178 et 179, avec une datation de 1525-1527. Sur le livre d’Heures de Marguerite, dédié pourtant à sa mère Louise, cf. Orth M. D., « Manuscrits pour Marguerite », Cazauran N. et Dauphiné J. (dir.), Marguerite de Navarre 1492-1992. Actes du Colloque international de Pau (1992), Mont-de-Marsan, Éditions Inter Universitaires, 1995, I, p. 91, qui le situe en revanche vers 1522.
2 Cf. Holban M., « François Du Moulin de Rochefort et la querelle de la Madeleine », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, no II, 1935, p. 26-43 et 147-171 ; Orth M. D., « The Magdalen Shrine of la Sainte-Baume in 1516. A Series of Miniatures by Godefroy le Batave », Gazette des Beaux-Arts, déc. 1981, p. 201-214 (p. 210, n. 5 pour la datation) ; Orth M. D., « Madame Sainte Anne. The Holy Kinship, the Royal Trinity, and Louise of Savoy », Ashley K. et Sheingorn P. (dir.), Interpreting Cultural Symbols: Sainte Anne in Medieval Society, Athens et Londres, University of Georgia Press, 1990, p. 199-227; Porrer Sh. M. (éd.), Jacques Lefèvre d’Étaples and the Three Maries Debates, Genève, Droz, 2009. Ce travail proposera une lecture fort différente de celle de Johnston B. J., « The Magdalene and “Madame”: Piety, Politics, and Personal Agenda in Louise of Savoy’s Vie de la Magdalene », Erhardt M. A. et Morris A. M. (dir.), Mary Magdalene, Iconographic Studies from the Middle Ages to the Baroque, Leyde et Boston, Brill, 2012, p. 269-293.
3 Cf. Par exemple Graf Ch.-H., Essai sur la vie et les écrits de Jacques Lefèvre d’Étaples, Strasbourg, 1842 [Genève, Slatkine Reprints, 1970]. Rice E. F. Jr. (éd.), The Prefatory Epistles of Jacques Lefèvre d’Étaples and Related Texts, New York et Londres, Columbia University Press, 1972. Hughes Ph. E., Lefèvre. Pioneer of Ecclesiastical Renewal in France, Grand Rapids (MI), Eerdmans Publishing Company, 1984. Pernot J.-Fr. (dir.), Jacques Lefèvre d’Étaples (1450 ?-1536). Actes du colloque d’Étaples le 7 et 8 novembre 1992, Paris, Honoré Champion, 1995.
4 Lecocq A.-M., op. cit., p. 400.
5 Cf. Le début de ma contribution « Claude de France: In her Mother’s Likeness, a Queen with Symbolic Clout? », Brown C. J. (dir.), The Cultural and Political Legacy of Anne de Bretagne. Negotiating Convention in Books and Documents, Cambridge, D. S. Brewer, 2010, p. 123-144. L’appréciation traditionnelle perdure dans Wellman K., Queens and Mistresses of Renaissance France, New Haven et Londres, Yale University Press, 2013, e. g. p. 120-124.
6 Sterling Ch., The Master of Claude de France. A Newly Defined Miniaturist, New York, H. P. Kraus, 1975. König E., Das Stundenbuch der Claude de France – Königin von Frankreich, Ramsen (Suisse), H. Tenschert, Antiquariat Bibermühle, 2012. La datation plus tardive de 1521-1523, p. 131, n’est pas retenue non plus par Wieck R. S., Miracles in Miniature. The Art of the Master of Claude de France, New York, The Pierpont Morgan Library, 2014, p. 60, n. 1.
7 Russell D., Emblematic Structures in Renaissance French Culture, Toronto, Buffalo, Londres, University of Toronto Press, 1995, p. 186. Pour l’association de la lettre S (gothique) avec Anne de Bretagne et Charles VIII, cf. Brown C. J., The Queen’s Library. Image-Making at the Court of Anne of Brittany, 1477-1514, Philadelphie et Oxford, University of Pennsylvania Press, 2011, figure 3, p. 17 et p. 318, n. 3. Je remercie l’auteure qui m’a signalé ce passage.
8 Sterling Ch., op. cit., p. 8-10, et König E., op. cit., p. 39-45 pour les différentes devises et emblèmes. König a réussi à identifier les inscriptions ifman et iiason sur les sphères armillaires comme étant les premières lettres des mois de l’année. Tervarent G., Attributs et symboles dans l’art profane, Genève, Droz, 1997, p. 419. Ces deux folios sont reproduits, et le thème des choses célestes est développé plus longuement dans mon étude complémentaire à celle-ci, « Denis Briçonnet et Claude de France : L’évêque, les arts et une relation (fabriste) occultée », Ferguson G., Magnien C. (dir.), Les Evêques, les lettres et les arts, Seizième Siècle, no 11, 2015, p. 95-118.
9 Sur le manuscrit, Wieck R. S. et Brown C. J., The Prayer Book of Claude de France. MS M. 1166. The Pierpont Morgan Library, New York Commentary to the Facsimile Edition, Lucerne, Quaternio Verlag, 2010. On observe un phénomène parallèle dans les fresques réalisées par Bernardino Luini pour le cercle milanais philo-français sous Louis XII ; cf. Binaghi M. T., « L’immagine sacra in Luini e il circolo di Santa Marta », Chiara P., Dell’Acqua G. A., Mulazzani G., Binaghi M. T., Tognoli L. (dir.), Sacro e profano nella pittura di Bernardino Luini (catalogue d’exposition, Cinisello Balsamo), Milano, Silvana Editoriale d’Arte, 1975, p. 49-76 (ce fait deviendra pertinent dans la suite de notre étude).
10 Nous verrons plus loin l’importance de l’abbesse du couvent augustinien de Sainte-Marthe à Milan, Arcangela Panigarola, et le rôle du confesseur de Claude, Louis Chantereau, chargé de la réforme des augustiniens de Paris, y compris le monastère royal de Sainte-Geneviève, Le Gall J.-M., Les Moines au temps des réformes en France (1480-1560), Seyssel, Champ Vallon, 2001, p. 44 et 104.
11 Pour l’identification avec la Vierge, Bini M., Les petites prières de Renée de France. Modena Biblioteca Estense Universitaria α. U. 2.28 = lat. 614, Milan, Il Bulino, 2004 (avec CD), p. 41. Aussi Wieck R. S., « The Primer of Claude de France and the Education of the Renaissance Child », Panayotova St. (dir.), The Cambridge Illuminations: The Conference Papers, Londres, Harvey Miller, 2007, p. 270-271. Hand J. M., Women, Manuscripts and Identity in Northern Europe, 1350-1550, Aldershot, Ashgate, 2013, p. 181-182. Cf. pourtant Jansen K. L., « Maria Magdalena: Apostolorum Apostola », Kienzle B. M. et Walker P. J. (dir.), Women Preachers and Prophets through Two Millenia of Christianity, Berkeley, Los Angeles et Londres, University of California Press, 1998, p. 57-96, pour la vocation de Marie Madeleine en tant qu’« apôtre des apôtres ».
12 Un lien hypothétique est évoqué dans Castelain M.-Fr., Au Pays de Claude de France, Romorantin-Lanthenay, Société d’Art, d’Histoire et d’Archéologie de Sologne, 1986, p. 12.
13 Chevalier B., Guillaume Briçonnet [v. 1445-1514]. Un cardinal-ministre au début de la Renaissance, Rennes, PUR, 2005, p. 301-302 et 324.
14 Veissière M., « Lefèvre d’Etaples et Guillaume Briçonnet », Pernot J.-Fr. (dir.), op. cit., p. 119-120.
15 Le Gall J.-M., « Les moines au temps de Lefèvre d’Etaples et Guillaume Briçonnet à Saint-Germain-des-Prés », Pernot J.-Fr. (dir.), op. cit., p. 139, et Le Gall J.-M., Les Moines, op. cit., p. 77. Pour l’auteur, « la vitalité des réformes a dépendu de l’intervention royale », ibid., p. 80.
16 Chevalier B., op. cit., p. 379. Aussi Zarri G., « Profezia politica e santità femminile in Santa Marta : un modello », Rocca A. et Vismara P. (dir.), « Prima di Carlo Borromeo. Istituzioni religiose e società agli inizi del Cinquecento », Studia Borromaica, no 26, 2012, p. 159-174, avec mes chaleureux remerciements à Gabriella Zarri, qui m’a transmis ce texte ; et Herzig T., Savonarola’s Women. Visions and Reform in Renaissance Italy, Chicago et Londres, The University of Chicago Press, 2008, p. 155-166.
17 Morisi A., Apocalypsis nova, ricerche sull’origine e la formazione del testo pseudo-Amadeo, Rome, Studi storici/Istituto storico italiano per il Medio Evo, no 77, 1970.
18 Chevalier B., op. cit., p. 390.
19 Ibid., p. 325 (pour la citation) et p. 390.
20 Rice E. F. Jr. (éd.), op. cit., no 109, p. 342-343, noté par Matz J.-M., « La “Vie” en français de la bienheureuse Véronique de Binasco († 1497). Sainteté, politique et dévotion au temps des guerres d’Italie », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, Temps modernes, t. 109, no 2, 1997, p. 609-610.
21 Renaudet A., Préréforme et humanisme à Paris pendant les premières guerres d’Italie, Paris, Librairie d’Argences, [1916] 1953, p. 586-587. Doucet R., Étude sur le Gouvernement de François Ier dans ses rapports avec le Parlement de Paris. 1re partie : 1515-1525, Paris, Honoré Champion, 1921, p. 329-330.
22 Le Gall J.-M., Les Moines, op. cit., p. 76.
23 Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Rés. 4 BB 239 INV 462.
24 Matz J.-M., op. cit., p. 615, qui le dit rédigé dès 1515 ; Zarri G., op. cit., p. 166-167.
25 Inexplicabilis mysterii gesta beatae Veronicae, virginis praeclarissimi monasterii Sanctae Marthae urbis Mediolani, sub observatione regulae divi Augustini, Milan, Gottardo da Ponte ; Paris, BnF, Rés. Vélins 2744 et 2743. Je remercie Mary Beth Winn, qui m’a signalé ces vélins. Matz J.-. M., op. cit., p. 612 ne mentionne pourtant que François Ier, puis il se trompe en identifiant la dédicataire de la traduction française de Louis Chantereau « la […] très honorée dame et royne de France » comme Louise de Savoie, p. 617, et non pas Claude.
26 Cf. ci-dessus, la note 10.
27 Transcrit par Matz J.-. M., op. cit., p. 620, n. 62. Par ailleurs il analyse la « désitalianisation » (p. 622) et l’« augustinianisation » (p. 624) du texte de l’Isolani par Chantereau, p. 622.
28 Matz J.-M., op. cit., p. 623 et 631.
29 Pour l’attribution, Lecoq A.-M., op. cit., p. 413-414 ; pour une relecture des écussons et cette nouvelle datation, cf. Parot Fr. et Fourrier Th., à paraître dans « Nouveaux regards sur l’emblématique de François Ier », Réforme Humanisme et Renaissance en 2015.
30 Cf. Brach J. P. et Zoccatelli P. L., « Courants renaissants de réforme spirituelle et leurs incidences », Politica Hermetica, 1997-11, « Pouvoir du symbole », p. 31-46, pour l’existence d’une Confrérie du Paraclet à laquelle auraient été liés les frères Briçonnet.
31 Cf. Par exemple la tapisserie emblématique des Angoulême au Museum of Fine Arts de Boston, Lecoq A.-M., op. cit., p. 418 et Fig. 192 et, pour Claude, les folios 17 et 17 vo (entre autres) de son livre d’Heures, où la cordelière foisonnante et sans nœud englobe son C couronné (reproduits dans König E., op. cit.). Lecoq A.-M., op. cit., p. 438-440, reproduit un texte liant l’extension de la cordelière utilisée par François Ier à Anne de Bretagne, sur demande de la reine Claude.
32 Jean Thenaud ( ?), Troys résolutions et sentences, c’est assavoir de l’astrologue, du poète, et du théologue, sur les grandes conjonctions … Ibid., p. 405-409, et Parot Fr. et Thibaud Th., op. cit.
33 Pour la datation de ce manuscrit après février et avant novembre 1517, puis du premier De Maria Magdalena … imprimé de Lefèvre d’Étaples fin 1517, cf. Porrer Sh., op. cit, p. 33-34 et 48 ; pour les trois éditions imprimées, p. 491.
34 Ibid., p. 121 et 396-397.
35 Holban M., op. cit., p. 33.
36 Orth M. D., « The Magdalene Shrine », loc. cit.
37 De manière peu commune, ces deux saintes figurent en face à face sur les folios 42 vo et 43 ro du livre de prières de Claude, le Pierpont Morgan Library Manuscrit M. 1 166.
38 Selon Wieck R. S. et Brown C. J., op. cit., p. 281.
39 Ibid., p. 316.
40 Holban M., op. cit., p. 37.
41 Pour un résumé du récit traditionnel de la vie de Marie-Madeleine liée à ce manuscrit, Porrer Sh., op. cit., p. 34-48.
42 Anderson J. W., « Mary Magdalene and Her Dear Sister: Innovation in the Late Medieval Mural Cycle of Santa Maddalena in Rencio (Bolzano) », Erhardt M. A. et Morris A. M. (dir.), op. cit, p. 62-64.
43 Ovide, Les Remèdes à l’amour, Bornecque H. (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1930, t. ll, p. 753-754. Je remercie chaleureusement ma collègue Jula Wildberger pour l’aide qu’elle m’a apportée avec le latin de ces textes et son identification de cette source.
44 L’inscription signifie « Sans dignité l’on ne doit pas chasser le plaisir ».
45 L’inscription signifie « Rare est la concorde entre beauté et chasteté ».
46 L’inscription signifie « Qui vous est semblable parmi les forts, Dieu, [vous qui êtes] terrifiant, louable et faiseur de miracle ».
47 L’origine biblique de l’histoire de la femme hémorroïsse se trouve dans Matthieu 9, 20-2, Marc 5, 25-34 et Luc 8, 43-48. Pour la tradition la confondant avec Marthe, cf. Kuryluk E., Veronica and Her Cloth. History, Symbolism, and Structure of a « True » Image, Cambridge, Basil Blackwell, 1991, p. 98-101. Je remercie Peggy McCracken pour cette référence.
48 Homère, L’Odyssée, Dufour M. et Raison J. (éd.), Paris, Classiques Garnier, 1988, p. 88 pour la traduction. Le texte continue : « Et si minime que soit notre offrande, elle leur est chère. Donnez donc, suivantes, à l’étranger leur nourriture et boisson. » Cf. aussi 14.57 sq., p. 204.
49 L’inscription signifie « Tout ceci est mort, poussière, ombre, rosée, souffle, plume, vapeur, rêve ».
50 Dans sa traduction entreprise à l’intention de Claude, Louis Chantereau met l’accent sur la connaissance directe du Nouveau Testament pour appréhender « le segret » de l’intention de Dieu : « Pour parler doncques des revelacions, il est necessite premierement de visiter la saincte escripture pour congnoystre a quelle maniere et quelle condicion de gens et de persones Dieu le Createur a de coustume communiquer par revelacion son voulloir et le segret de son intencion » (cité par Matz J.-M., op. cit., p. 620, n. 61).
51 Holban M., op. cit., p. 41, n. 1 a retrouvé ce personnage « violent et fier » dans un texte d’Antoine le Ferron († 1563), qui raconte une anecdote selon laquelle le portier du roi aurait fermé la porte sur les talons du seigneur de Lautrec, après quoi les deux hommes se seraient battus ; et Louise de Savoie se serait plainte du comportement de Lautrec. Odet de Foix, seigneur de Lautrec, est le frère de Françoise de Foix, dame de Châteaubriant et dame d’honneur de Claude de France. Pour Robert Knecht, Renaissance Warrior and Patron. The Reign of Francis I, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 116, c’est dès 1516 que Françoise devient la maîtresse du roi. Comme François lui-même, elle peut être sous-entendue dans les images de la Madeleine pécheresse. Par ailleurs, pour les liens entre Lautrec, le groupe de Panigarola et la réforme de monastères, cf. Giommi E., La monaca Arcangela Panigarola, madre spirituale di Denis Briçonnet (1512-1520). L’attesa del « pastore angelico » annunciato dell’« Apocalypsis Nova » del Beato Amedeo fra il 1514 et il 1520, tesi di laurea, Università degli Studi di Firenze, Facoltà di Lettere e Filosofia, 1968, p. 103 et 117 ; p. 129, une lettre du 10 mars 1518 témoigne de problèmes entre Denis (« calomnié ») et Louise de Savoie. S’il est difficile de comprendre la nature exacte de l’allusion au Bâtard de Rouen, elle paraît toutefois critique à l’égard du roi.
52 Pour un récit récent de ces années, cf. Reid J. A., King’s Sister-Queen of Dissent. Marguerite of Navarre (1491-1549) and her Evangelical Network, Leyde et Boston, Brill, 2009, vol. 1, p. 115-149. Toutefois, l’auteur est toujours d’avis que « the royal family did not know Lefèvre personally or even by reputation before the Magdalene affair » (p. 144).
53 Ibid., p. 151-247.
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Un constructeur de la France du xxe siècle
La Société Auxiliaire d'Entreprises (SAE) et la naissance de la grande entreprise française de bâtiment (1924-1974)
Pierre Jambard
2008
Ouvriers bretons
Conflits d'usines, conflits identitaires en Bretagne dans les années 1968
Vincent Porhel
2008
L'intrusion balnéaire
Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945)
Johan Vincent
2008
L'individu dans la famille à Rome au ive siècle
D'après l'œuvre d'Ambroise de Milan
Dominique Lhuillier-Martinetti
2008
L'éveil politique de la Savoie
Conflits ordinaires et rivalités nouvelles (1848-1853)
Sylvain Milbach
2008
L'évangélisation des Indiens du Mexique
Impact et réalité de la conquête spirituelle (xvie siècle)
Éric Roulet
2008
Les miroirs du silence
L'éducation des jeunes sourds dans l'Ouest, 1800-1934
Patrick Bourgalais
2008