Chapitre VI. La corvée en débat
p. 193-228
Texte intégral
1Dans l’article « Corvée » que l’ingénieur des Ponts et Chaussées Boulanger rédigea pour l’Encyclopédie en 17541, l’auteur récusait l’idée de distribuer des tâches individuelles aux corvéables, sous prétexte que ce système leur permettrait de mieux concilier l’astreinte sur les chantiers routiers avec leurs occupations agricoles. Il promouvait au contraire le travail en brigades qui présentait selon lui l’avantage de garantir une meilleure discipline. Alors que cet article de l’Encyclopédie semblait conforter l’application de la corvée dans toute sa rigueur, le sujet va mobiliser les esprits éclairés dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Cette fermentation intellectuelle n’a pas échappé aux contemporains eux-mêmes, qui évoquent un « torrent de l’opinion2 », une « multitude d’ouvrages publiés depuis vingt ans3 », et « plusieurs écrivains [qui] ont présenté à cet égard des vues patriotiques4 ». À partir du XVIIIe siècle, ce sont en effet près d’une cinquantaine de textes en langue française qui ont été publiés sur la corvée. Ce vaste corpus, qui emprunte à des genres divers, et destiné à un public de lecteurs sinon spécialistes du moins éclairés (traités, articles de dictionnaires, comptes rendus de lecture…), est à resituer dans l’essor que connaît l’édition économique à partir des années 1750. Si certains de ces écrits ont joui d’une évidente notoriété à l’époque même de leur publication, d’autres sont restés plus confidentiels. Ces œuvres qui souvent dialoguent entre elles, participent à des degrés divers au débat savant. Se dégagent plusieurs profils d’écriture où se côtoient des essayistes polygraphes ayant manifesté un intérêt ponctuel pour un sujet d’actualité, ou des auteurs qui l’ont abordé incidemment dans le cadre d’une réflexion plus générale. Qu’ils soient administrateurs, nobles et hommes de lettres, ces auteurs présentent des compétences et des intentions diverses à s’emparer du dossier de la corvée.
2Cette littérature a été principalement étudiée pour montrer le rôle qu’elle a pu jouer dans la réforme engagée par Turgot en 1776 et dans la suppression de la corvée en travail5. Il importe aussi d’envisager ce corpus de textes dans ses logiques et ses significations propres. L’enjeu de ce chapitre est de montrer dans quelle mesure cette controverse a été un lieu de formalisation de la théorie physiocratique, une occasion d’élaboration de données empiriques pour apprécier les effets économiques induits par la corvée, et un foyer de réflexion qui a contribué à modifier la manière de penser et d’apprécier la corvée. Ce débat participe en outre plus largement des questions aussi essentielles qu’aborde l’économie politique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle concernant la production de richesses, la fiscalité et le travail. La reconstitution des configurations intellectuelles et l’identification des présupposés des auteurs constituent un préalable indispensable pour interroger l’arithmétique mise en œuvre par les Physiocrates afin de mesurer le coût de la corvée.
Un débat dominé par les Physiocrates
3Les Physiocrates ne sont pas, loin s’en faut, les seuls auteurs des Lumières à avoir écrit sur la corvée pour en critiquer l’injuste répartition et le caractère oppressif. Le nom de Rousseau a déjà été évoqué. Voltaire œuvra à l’abolition de la corvée dans le pays de Gex. Si cette question innerve en profondeur le champ intellectuel dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la réflexion physiocratique est toutefois déterminante, non seulement pour comprendre la politique engagée par Turgot quand il accède au Contrôle général en 1774, mais aussi parce qu’elle contribue à structurer le débat qui ébranle alors les logiques économiques de la corvée en travail. Pour rendre compte de la controverse que les Physiocrates ont animée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, il faut dégager les deux inflexions majeures qui opposent successivement Mirabeau et à un contradicteur qui serait Charles Pinot Duclos, puis Pierre-Samuel Du Pont et Guillaume Viallet, saisir les prises de position réciproques et les déplacements qui peuvent s’opérer à travers la polémique, afin d’en mesurer les enjeux6.
Mirabeau et l’esprit de controverse
4La polémique engagée par Mirabeau avant même sa rencontre avec Quesnay, va poser les fondements de la critique physiocratique contre la corvée. Déjà dans son Mémoire concernant l’utilité des États provinciaux (1750), Mirabeau s’était employé à démontrer la supériorité des pays d’états qui pour la plupart ne connaissaient pas la corvée7. C’est son ouvrage intitulé L’Ami des hommes ou Traité sur la population, publié en 1756 à Avignon, sans autorisation ni nom d’auteur, et remportant un succès éditorial considérable avec pas moins de vingt éditions entre 1756 et 1760, qui contribua à inscrire la corvée dans le débat savant8. Bien que le titre de l’ouvrage suggère une réflexion centrée sur les questions démographiques, le texte compte parmi des développements divers sur le primat de l’agriculture, la condamnation du luxe et la critique de la finance, quelques allusions à la corvée. Mirabeau dénonçait les « vampires errants, nommés porteurs de contrainte, archers de corvée » et les « voies forcées [jugées] comme détestable devant Dieu et les hommes9 ». Au travail de la corvée, il préconisait de substituer l’emploi des soldats et des prisonniers.
5La controverse s’engage quand paraît en septembre 1759 l’Essai sur les Ponts-et-Chaussées, la voirie et les corvées, ouvrage publié anonymement mais attribué à Ch. Pinot Duclos, maire de Dinan et député aux États de Bretagne, avant de devenir historiographe du roi et secrétaire perpétuel de l’Académie française depuis 175510. Tout au plus l’avertissement dessine-t-il le portrait d’un homme lettré goûtant aux charmes de la campagne. Bien qu’il soit proche du cercle de V. de Gournay que fréquentaient également les Trudaine père et fils, Duclos n’apparaît pas a priori comme la personne la plus qualifiée pour traiter de la corvée avec un tel renfort d’arguments techniques et financiers11. Par ailleurs, parmi les exemples développés dans l’ouvrage, la Bretagne n’est pas évoquée. Il semble plus vraisemblable de considérer que ce texte très informé comme l’œuvre d’un membre du corps des Ponts et Chaussées dont il défend la sage gestion. L’ouvrage s’ouvre sur une mise en cause de Mirabeau et du lobby des propriétaires, avant de dérouler un exposé historique, institutionnel et technique des Ponts et Chaussées. Mirabeau contre-attaqua non sans sarcasme dans une Réponse à l’essai sur les Ponts et Chaussées, la voierie et les corvées, publiée dans le sixième volume de L’Ami des hommes ou Traité sur la population qui parut en 1760. Sans jamais nommer l’auteur des Essais, il le dénigrait en le présentant comme « le nouveau législateur des corvées » ou l’« apologiste des corvées12 ». L’ouvrage de Mirabeau est par ailleurs composé sous la forme de commentaires et de réfutations de citations de l’Essai sur les Ponts et Chaussées.
6Dans le sillage de Mirabeau, auquel elles empruntaient d’ailleurs un certain nombre de postulats, furent publiées la même année des Lettres pour servir de suite à l’« Ami des hommes ». Paru anonymement mais attribué à C. Bourgelat13, cet opuscule est très informé sur la situation des ouvrages de corvée dans une généralité qui n’est jamais citée, mais qui pourrait être celle de Lyon. L’auteur, tout en citant l’auteur de l’Essai en post-scriptum, préconisait de confier l’exécution des travaux à des entrepreneurs et de remplacer la corvée en nature par une imposition d’une valeur équivalente14.
7L’auteur de l’Essai répliqua à son tour à la salve de Mirabeau dans ses Réflexions sur la corvée des chemins ou supplément à l’« Essai sur la voierie » pour servir de réponse à la critique de l’« Ami des hommes » (1762). Tout en compatissant aux récents démêlés judiciaires de Mirabeau qui lui valurent un exil de deux mois sur sa terre de Bignon, et en déplorant qu’« un tempérament vif15 » ait pris trop d’empire sur lui (allusion à peine voilée à François Quesnay), l’auteur de l’Essai dénonçait l’inconséquence du discours de son contradicteur. L’intérêt que Mirabeau va développer pour la corvée contraste d’ailleurs avec la relative indifférence de Quesnay qui dans les articles « Grains » et « Hommes » qu’il rédigea au même moment pour l’Encyclopédie (1757) se contenta d’allusions mouchetées, où la corvée était dénoncée pêle-mêle avec la milice et l’impôt, sans faire l’objet d’une réflexion autonome. On sait tout au plus que Quesnay relut la Réponse à l’Essai. C’est en outre Mirabeau qui transmit à Quesnay le mémoire publié par Fontette en 176016.
8En quoi la corvée peut-elle intéresser une figure éminente de la noblesse d’épée et un grand propriétaire foncier ? La question est d’autant plus légitime que, si la réquisition des paysans est pratiquée dans le Limousin où le marquis de Mirabeau possèdait la terre de Brignon, elle n’était pas en usage en Provence. Il n’hésita d’ailleurs pas à collecter des renseignements auprès de son frère, le chevalier de Mirabeau inspecteur général des milices de Picardie, Normandie et Bretagne17. Outre que la corvée flatte son image de réformateur, elle sert surtout de prétexte à Mirabeau pour développer toute une série de réflexions incidentes (sur la richesse, sur l’armée, sur l’impôt…) au moment de sa conversion aux thèses physiocratiques. Comme l’a justement souligné H. Ripert, le discours de Mirabeau sur la corvée présente une évolution qui le fait passer d’une attention à la misère paysanne exacerbée par les rigueurs de la réquisition, à la mise en cause d’une institution responsable selon lui du dérèglement de l’ordre politique, social et économique.
9La corvée participait selon Mirabeau à la décadence de l’agriculture, qu’il plaçait aux sources de la richesse, parce qu’elle la privait de moyens de production : « La corvée qui seule a servi à la construction de presque tous les chemins éloignés de la capitale, n’est propre qu’à ruiner la campagne, et à faire des routes qu’une médiocre colonie de taupes peut détruire en un an de temps18. » Alors que le développement de l’agriculture est au cœur de son raisonnement dès 1756, Mirabeau accuse directement en 1760 la corvée de « détourner par force les hommes et les animaux de la charrue19 ». Dans un texte intitulé « Sur la nécessité des encouragements pour l’agriculture » que Mirabeau rédigea à la même époque, il s’en prenait à « l’invention de nos jours, qui ne fut jamais dans l’ordre des vues du souverain et de son Conseil, et qui a été et sera poussée aux excès les plus rebutants par leur tyrannie et les plus cruels par leurs effets20 ». En 1760, quand il ne faisait pas parler un corvéable, Mirabeau s’associait dans un « nous » aux cultivateurs dont il entendait défendre la cause et s’érigeait en porte-parole de 60 000 de ses tenanciers21. La critique de Mirabeau, inscrite dans la logique d’un ordre naturel guidé par la Providence, articule des considérations morales sur la dignité des paysans et l’infamie de la servitude, à un argumentaire économique qui fait de la corvée une des causes de la ruine de l’agriculture et de l’appauvrissement de l’État.
10Au cœur de la dispute qui oppose Mirabeau et son contradicteur se pose la question du rôle à imputer à la corvée dans la dépopulation des campagnes, qui contribue selon les Physiocrates à la langueur de l’agriculture. L’auteur des Essais et des Réfutations expliquait les migrations en direction des villes par les progrès de l’instruction populaire et la soif du luxe22. Dans sa réplique de 1760, Mirabeau se défendit d’avoir considéré la corvée comme un facteur de la dépopulation du royaume, tout en ironisant sur l’argument de son détracteur qui lui reconnaissait une utilité dans la lutte contre l’oisiveté et le libertinage, et en ferait un moyen de « repeupler le monde en jettant des pierres par-dessus [les] têtes23 ». Des auteurs postérieurs poursuivront toutefois dans cette veine, en proposant de taxer prioritairement les paysans sans enfants24 et les célibataires ainsi que « tous les veufs et veuves de 34 à 46 ans, qui n’auraient jamais eu d’enfants25 ». Il est vrai que si les enjeux démographiques attachés à la corvée tendront à s’atténuer, celle-ci continue d’être présentée comme une cause majeure d’exode rural26.
11La question de la corvée pose plus largement le problème de l’articulation entre l’offre en infrastructures routières, tant du point de vue de leur densité que de leur dimensionnement, et la demande de transports déterminée par l’activité de production. Un des points de discorde entre les deux auteurs réside dans l’étendue à donner au réseau routier : alors que l’auteur de l’Essai et des Réfutations considérait l’aménagement de nouvelles voies comme un préalable à la croissance économique, Mirabeau estimait pour sa part qu’il convenait de proportionner la longueur des communications à la densité de population et à la quantité de richesses produites. Il dénonçait la magnificence démesurée de routes, dont il critiquait l’inutile largeur prise au détriment des terres agricoles, et dont l’entretien contribuait à alourdir la corvée. Avant de songer à la circulation des produits de l’agriculture, il importait selon lui d’œuvrer à la croissance de la production27. Ce qui oppose fondamentalement Mirabeau et son contradicteur, c’est donc le niveau d’investissements à consentir pour aménager des infrastructures de transport et leur fonction dans la croissance économique. Si des voies de communication peu étoffées et en mauvais état peuvent constituer un frein de la prospérité, inversement une politique d’équipement disproportionnée par rapport aux besoins peut engendrer des coûts sociaux et hypothéquer la production de richesse. La question de la corvée cristallise donc un choix politique dont elle apparaît comme l’un des points d’application.
12Afin d’encourager la production agricole, l’idée de Mirabeau était de substituer à la corvée l’emploi des soldats, qui selon lui présentait des avantages à la fois en termes de moralité publique et de rationalité économique. C’est dans l’Histoire des grands chemins de l’empire romain publié en 1622 par un historien rémois, Nicolas Bergier, et réédité en 1728, que le marquis puise les matériaux historiques de son argumentaire. La corvée n’échappe pas à l’interprétation dont fait l’objet l’Antiquité dans le débat sur l’ordre politique et social au XVIIIe siècle. Fort de l’exemple des légionnaires romains, guerriers redoutables et cantonniers laborieux, Mirabeau proposait de substituer l’emploi des troupes à la corvée, estimant qu’un soldat aguerri peut réaliser la tâche de dix pionniers ou fournir un travail cent fois supérieur à celui d’un corvéable28. Dans le royaume idéal qu’il dessina, le roi établirait des routes :
« Mais comme les habitans de cette province ne sont pas en assez grand nombre pour pouvoir faire eux-mêmes ces chemins, et que d’ailleurs le roi pasteur regarderoit les corvées comme l’abomination de la désolation sur les campagnes, il emploieroit ses troupes à cette sorte d’ouvrage, et il en a tant de désœuvrées sur les frontières, que ce seroit l’affaire d’une campagne29. »
13L’auteur de l’Essai et des Réfutations était pour sa part farouchement hostile au travail des soldats qu’il n’envisageait que pour la construction des ponts, des canaux et des ports de mer, et qui est effectivement utilisé tout au moins pour les deux derniers types de chantiers. En ce qui concerne les routes, il considérait le travail de terrassement comme inconciliable avec l’honneur attaché au devoir militaire, tout en redoutant qu’ils ne se livrent à quelques exactions sur les populations civiles. Surtout un tel choix politique était sinon impraticable selon lui, en raison du risque de désertion, de l’arrêt des travaux en cas de conflit ou tout simplement du refus du ministre de la guerre, mais surtout d’un coût prohibitif. Mirabeau ne répondit pas explicitement à l’objection de son contradicteur qui chiffrait à trois millions le coût annuel de soldats salariés (sur la base de 50 000 hommes pendant quatre mois à raison de dix sols par jour). Au contraire selon lui, la dépense des soldes ne pourrait, en stimulant la consommation, que contribuer à l’enrichissement des campagnes. Sur cette question, Mirabeau semble avoir toutefois infléchi quelque peu l’opinion qu’il exprimait en 1756, sans doute après son rapprochement avec Quesnay, puisque en 1760 il ne conçoit le recours aux soldats que comme une force de travail venant en complément de l’adjudication des travaux routiers financée par l’imposition des propriétaires : « Le travail des chemins, tant de construction que d’entretien, devroit, comme tout autre, être payé et donné à l’entreprise par les communautés contribuables30. » Il n’en reste pas moins que l’idée d’employer les soldats est continuellement reprise dans les écrits postérieurs des Physiocrates, de Du Pont à l’abbé Baudeau.
14Sans nier les abus et l’inégalité de la corvée, le contradicteur de Mirabeau suggérait quant à lui de maintenir une corvée de douze jours de travail gratuit, et de salarier ensuite à raison de 20 sols par jour le temps employé à la construction et à l’entretien des infrastructures routières. Selon lui, le recours à la corvée était d’autant plus indispensable que les fonds alloués à l’administration des Ponts et Chaussées – environ 3-4 millions de Lt par an – étaient insuffisants pour pourvoir à toutes les dépenses31. Après avoir envisagé une contribution de la Ferme des Postes, il récusa également une tarification de l’usage des routes, car l’instauration d’un péage risquerait de ruiner le commerce. Lever une imposition spécialement affectée à la construction et à l’entretien des chemins paraît selon lui tout aussi impraticable, tant son montant serait élevé. Afin de démontrer qu’un financement par le seul biais de l’impôt est impensable, l’auteur des Réflexions sur la corvée s’attacha à chiffrer le montant de la contribution qu’il faudrait lever en remplacement de la corvée en Alsace et en Franche-Comté32. Pour donner encore plus de force à sa démonstration, il adopta les estimations les plus faibles : 20 Lt pour une toise de chaussée sur vingt pieds de largeur. En Alsace, alors que l’imposition levée sur la province se monte à 6 000 Lt, il faudrait la porter à 218 000 Lt pour espérer entreprendre à échéance de 36 ans les 100 lieues de routes qui restaient à construire et pourvoir à leur entretien. En Franche-Comté, pour mener à bien la construction et assurer l’entretien des 300 lieues de routes réalisées au cours des trente années écoulées, il faudrait lever chaque année une imposition de 544 000 Lt. Pour les 200 lieues de routes encore à perfectionner ou à refaire, la conversion de la corvée en travail entraînerait une augmentation fiscale de 390 000 Lt. À l’échelle de l’ensemble des pays d’élections, c’est une imposition de 26 millions qu’il faudrait lever en complément du fonds ordinaire de 4 millions. Tout bien calculé, une « contribution en service » se révélait selon lui moins onéreuse pour les contribuables, d’autant qu’il tablait sur le rachat des corvées seigneuriales ou leur abandon gracieux par leurs propriétaires. Il plaidait donc pour un système mixte alliant un fonds de 2 millions de Lt et le secours de la corvée, qui consistait à « joindre le secours du travail gratuit des communautés à celui de l’imposition des fonds destinés à cet objet33 ».
15La passe d’armes qui oppose Mirabeau à son contradicteur constitue le premier épisode de l’offensive physiocratique contre la corvée en travail. Pour Mirabeau, elle permet de poser les premiers jalons de la théorie fiscale de la Secte en l’inscrivant dans la conception générale qu’elle se fait du circuit de la richesse. Porte-voix de l’administration des Ponts et Chaussées, le contradicteur de Mirabeau plaide quant à lui pour un développement au moindre coût des infrastructures routières dans un contexte qui interdit une augmentation de l’impôt. Tandis que les abus de la corvée découlent selon cet auteur d’une mauvaise administration qu’il importe de corriger, ils tiennent d’après Mirabeau au principe même de l’institution. Les expériences réformatrices entreprises respectivement par deux intendants éclairés, Fontette et Turgot, vont précipiter la formalisation de la critique physiocratique.
Rachat ou impôt ?
16La controverse rebondit à la fin de la décennie 1760. Les deux initiatives réformatrices menées respectivement en Normandie et en Limousin vont contribuer à polariser le débat savant autour des deux méthodes pour en évaluer les mérites respectifs. Cette joute va donner l’occasion aux Physiocrates de plébisciter la solution choisie par un des leurs.
17La solution du rachat appliquée par Fontette dans la généralité de Caen avant de gagner les circonscriptions voisines, fut rapidement saluée comme une heureuse initiative. Il est célébré pour avoir été le premier à rompre avec l’arbitraire du travail requis. En octobre 1767, la Gazette d’agriculture publia deux lettres sur la corvée, celle de Julien Sabot d’abord, suivie en janvier 1768 de celle d’un certain Martin « surnommé bon ouvrier, aux auteurs de la Gazette, au sujet des sages mesures que M. de Fontette, intendant de Caen, a prises pour faire travailler aux grands chemins34 ». En décembre 1767 paraissaient dans le Journal de l’Agriculture, de Commerce et des finances, les « Observations d’un habitant corvéable de l’élection d’Avranches sur la manière dont se font les corvées pour les grands chemins, dans la généralité de Caen35 ». On retrouve des propos aussi louangeurs dans les « Réflexions d’un simple laboureur, sur la lettre de M. l’Abbé Roubaud à M. de Voltaire, insérée dans le Mercure d’octobre 176936 ». Qu’il s’agisse de correspondants effectifs ou de personnages fictifs, ils expriment une parole paysanne sur le poids de la corvée en travail et leur intérêt à sa conversion.
18C’est pour soutenir l’option choisie par Turgot que Du Pont publia en 1767 un texte intitulé L’Administration des Chemins qui parut simultanément dans les Éphémérides du citoyen et comme ouvrage distinct37. En 1769 est éditée une brochure anonyme intitulée Lettre à M. N*** ingénieur des Ponts et Chaussées, sur l’ouvrage de M. Du Pont, qui a pour titre, de l’Administration des Chemins. Son auteur n’est autre que Guillaume Viallet, ingénieur en chef de la généralité de Caen38. Dans son texte, il réagit ou feint de répondre à des lettres d’un mystérieux ingénieur N*** dont il n’aurait une connaissance qu’indirecte, et qu’il tente de convaincre des bienfaits de la conversion de la corvée39. Peu importe en fait qui est cet énigmatique correspondant ; l’intérêt de l’échange épistolaire entre les deux hommes réside dans le fait qu’il est le lieu ou le prétexte d’un plaidoyer en faveur de la solution du rachat mis en œuvre en Normandie. En 1769, Du Pont rendit compte de la lettre de Viallet, qu’il aurait lue dans sa version manuscrite, dans le journal physiocratique, les Éphémérides du citoyen, dont il a pris la direction en mai 1768, après le départ de l’abbé Baudeau pour la Pologne40. La recension qui permet à travers le commentaire critique d’un ouvrage de disqualifier la thèse qui y est défendue et d’en promouvoir une autre, fait partie intégrante des usages polémiques au siècle des Lumières. Du Pont s’en saisit, en faisant valoir son droit de réponse à l’égard de celui qu’il désigne comme l’« Anonyme ». Alors que selon Guillaumot « cette réponse de M. Du Pont est restée sans réplique41 », une seconde brochure intitulée Deuxième lettre à M. N***, ingénieur des Ponts et Chaussées, sur l’administration des chemins, est publiée, sans doute en 177042. Du Pont rendit compte à nouveau de ce second opuscule dans les Éphémérides du citoyen en 1771 en citant de larges extraits du texte de son contradicteur43. Cependant, loin des arènes publiques et de la scène éditoriale de la controverse, la sphère privée des échanges épistolaires se présente comme celui où se modèrent les élans polémiques avancés sur la scène publique44. Soucieux de ne pas heurter un de ses collègues, Turgot fit grief à son ami du débat qu’il avait engagé et alimenté45. Alors même qu’il présentait une double identité d’intendant réformateur et de théoricien, Turgot se garda d’intervenir ouvertement dans la discussion. Après la suppression des Éphémérides en 1772 et le départ de Du Pont pour le Margraviat de Bade, la controverse menée par les Physiocrates rebondit dans les années 1773-1775 suite à la mise en cause des calculs et du dogmatisme de Du Pont par Guillaumot46. L’abbé Baudeau intervint en 1775 dans le débat pour soutenir Du Pont et répondre à ces objections47.
19Si Du Pont et Viallet s’accordent sur le principe de la commutation et sur la mise à contribution des propriétaires, un des points de divergence entre les deux auteurs porte sur les avantages respectifs des deux solutions expérimentées dans les généralités de Caen et de Limoges. En publiant l’article de Du Pont dans les Éphémérides du citoyen en 1767, le directeur du journal, l’abbé Baudeau, le fit précéder d’un court préambule qui rendait hommage à Fontette et à Turgot pour avoir respectivement, dans leur action administrative, mise en œuvre la réforme de la corvée qu’avait demandée Mirabeau48. Révérence au premier disciple ou revendication d’une politique de réforme ? Ni Fontette, ni Turgot ne se réclamèrent pourtant de l’« Ami des hommes ». D’ailleurs, les choix politiques des deux intendants n’ont pas grand-chose à voir avec les propositions avancées par le marquis. Dans son article, Du Pont se livre à une analyse comparée des politiques de rachat mises en œuvre par Fontette et Turgot, tout en affirmant sa préférence pour l’option retenue par l’intendant du Limousin, qui permettait de faire supporter la dépense des travaux routiers à l’ensemble des contribuables de la généralité plutôt qu’aux seules communautés riveraines49. Il n’aura de cesse dans ses écrits ultérieurs de vanter les mérites d’une solution qui garantissait selon lui une équité réelle dans la prise en charge du financement des infrastructures routières. Il se démarque toutefois du choix fait par Turgot d’asseoir le rachat de la corvée sur la taille, en suggérant d’établir une imposition indexée sur la capitation, et à terme sur le vingtième50. Un article anonyme publié dans le Journal de l’Agriculture, du Commerce et des finances, périodique que Du Pont avait dirigé jusqu’en 1766, et qui après son départ a pris une orientation nettement anti-physiocratique, pointe le parti pris évident de Du Pont en faveur de la solution mise en œuvre par son ami Turgot51. L’auteur de cet article s’emploie à justifier la méthode Fontette sans pour autant disqualifier celle de Turgot, estimant que chacune est adaptée à la situation locale. Viallet pour sa part indique sans détour sa préférence pour la politique de rachat introduite par Fontette dont il en expose les principes fondamentaux à M. N***. Cette méthode présente selon lui le mérite de multiplier les ateliers à travers la généralité alors que le choix de Turgot de cibler les travaux routiers sur quelques axes structurants oblige les manouvriers à faire de longs déplacements pour se rendre sur les chantiers. À terme l’intendant du Limousin serait d’ailleurs conduit selon Viallet, à adopter la méthode Fontette dès lors qu’il faudrait entreprendre des travaux non plus sur quelques axes majeurs mais sur l’ensemble des liaisons de sa circonscription. Il n’en fut rien. Et en 1774, c’est la méthode qu’il avait expérimentée dans le Limousin que Turgot choisit de généraliser à l’ensemble des pays d’élections, considérant que le rachat optionnel contribue à fractionner les adjudications au préjudice d’une appréhension globale de l’infrastructure routière et à accroître les bénéfices des entrepreneurs au détriment des fonds investis dans les travaux.
20Pour ménager les paysans et épargner l’agriculture, la mobilisation des soldats continue d’être présentée comme une alternative possible à la corvée. Dans le sillage de la proposition de Mirabeau, Du Pont préconisait ainsi l’emploi des soldats habitués à la discipline et qu’il était nécessaire d’aguerrir. Afin de compléter leur solde, les militaires les plus vaillants seraient préposés à la construction des chemins, tandis que les invalides seraient affectés à l’entretien courant. À la fin de son article, Du Pont annonçait la publication prochaine de l’ouvrage de Claude-Antoine comte de Thélis, censé prolonger et conforter ses propositions :
« Nous nous occuperons de ce soin le mois prochain. Nous aurons, pour nous en acquitter, de grands secours qui doivent nous être fournis par un seigneur fort éclairé et très bienfaisant qui a fait faire une assez grande étendue de chemins à prix d’argent, et qui sait parfaitement combien cette méthode est moins coûteuse et plus profitable que celle des corvées. On verra que ce seigneur, qui est un Militaire, pense absolument comme nous sur la nécessité et les avantages de l’emploi des troupes à la confection des chemins52. »
21Militaire de carrière et propriétaire foncier dans le Forez, Thélis, qui se référait à Mirabeau et à Du Pont, se livra à toute une série d’observations concernant le coût de la corvée sur la route Clermont-Lyon53. Il proposait de préposer les soldats aux opérations réclamant un certain savoir-faire, à l’encadrement et à la discipline de la main-d’œuvre paysanne, et à la formation d’enfants du pays ou d’orphelins. Ce système présentait, selon Thelis, le double avantage de former les soldats aux opérations de nivellement et aux travaux de terrassement, et de faire économiser à l’État les salaires des conducteurs et des piqueurs54. En 1777, ses Idées proposées au gouvernement sur l’administration des chemins, conformes à la ligne physiocratique, préconisaient l’emploi des soldats en complément des ressources de l’impôt55.
22Ce qui retient l’attention dans cette séquence de la controverse c’est le recours à une argumentation de plus en plus chiffrée. À partir des années 1760, l’usage des nombres s’impose en effet au cœur de la pratique savante et investit massivement les savoirs techniques et scientifiques qui se constituent sur de nouveaux critères de validité fondés sur le calcul. L’économie politique au siècle des Lumières n’échappe pas à cette exigence intellectuelle où la rationalité arithmétique inscrite dans un régime d’argumentation, de démonstration ou de persuasion, participe à l’affirmation de la discipline économique56. Comme l’indique J.-C. Perrot, « le dénombrement des faits, les mesures ordinales ou cardinales sont des opérations sous-jacentes à tout argument littéraire ou mathématisé57 ». Cet esprit de calcul innerve notamment le discours physiocratique où les rapports sociaux sont appréhendés comme un ensemble de relations quantifiables qui affectent la formation et la distribution des richesses. Indépendamment de la rigueur dans l’argumentation dont ces données chiffrées sont censées être le signe, la mathématisation du discours participe chez les Physiocrates d’une rhétorique de l’évidence58. C’est donc logiquement que le registre du calcul, qui prétend à une expertise fondée en raison, devient un élément structurant de la controverse sur la corvée, pour dénoncer en même temps qu’elle l’apprécie et le dramatise, le préjudice économique qu’elle représente59. Alors que Du Pont s’emploie à évaluer le coût économique de la corvée, Viallet conteste des calculs accusés de noircir à dessein son incidence. La polémique des chiffres qui se déploie sur la « vérité des coûts » joue un rôle décisif dans les arguments avancés, au point de constituer un registre rhétorique à part entière.
Les enjeux du débat
23La controverse sur la corvée est à resituer plus largement dans les pratiques intellectuelles qui au XVIIIe siècle structurent le débat savant autour des principaux sujets de l’économie politique (sur le luxe, les toiles peintes, la noblesse commerçante, la libéralisation du commerce des grains…), et qui œuvrent à la construction d’un savoir autonome. La corvée constitue moins un objet de querelle en soi qu’un argument pour aborder d’autres questions. Analyser ces textes pour leur seul contenu explicite reviendrait en tout cas à passer à côté des véritables enjeux qu’ils soulèvent.
24La polémique de la corvée s’inscrit d’abord dans une réflexion générale menée au siècle des Lumières sur le travail pour le sortir de son indignité, et le valoriser comme une source de richesse et un vecteur d’émancipation individuelle. Cette reconnaissance d’une valeur attachée au travail se mesure, comme on va le voir, à l’attention portée au coût du travail requis, à la productivité relative du travail contraint et salarié, ou encore à l’utilité du travail comme facteur de production. La corvée en argent est aussi pensée comme une solution à la pauvreté pour secourir des journaliers temporairement fragilisés par une conjoncture difficile. On retrouve un argument semblable chez les auteurs qui plaidaient pour une diminution du nombre de fêtes chômées, afin de lutter contre la pauvreté en augmentant le temps de travail. Jours de corvée et fêtes religieuses cumulés sont accusés de brider les possibilités d’embauche60. Les contraintes inhérentes au marché du travail agricole sous l’Ancien Régime, marqué par de fortes fluctuations saisonnières ou cycliques de l’activité et par un sous-emploi aggravé au XVIIIe siècle par la croissance démographique, expliquent cette valorisation du travail comme solution à la pauvreté et comme moyen d’économiser les systèmes d’assistance. On a vu que cette justification au rachat de la corvée était déjà présente dans les premières expériences de commutation. Viallet développa ainsi longuement l’image d’un lac alimenté par la contribution des riches, susceptible d’arroser les collines arides aux alentours qui évoquent les plus pauvres61. Comme les partisans du rachat, les Physiocrates voyaient dans l’imposition des propriétaires fonciers un moyen d’amener les paysans les plus pauvres à accepter librement de venir travailler sur les chantiers routiers.
25Le parallèle entre une des finalités assignée au rachat et l’institutionnalisation des ateliers de charité est à cet égard saisissant. Ils pouvaient consister en travaux de filature à domicile, mais ont aussi largement concerné la viabilisation des chemins vicinaux. Les rémunérations proposées se situaient délibérément en dessous des salaires agricoles de façon à inciter les travailleurs à rejoindre le marché du travail. Ces formes de secours fonctionnaient pendant les mois d’hiver où l’offre de travail se contractait avant d’être suspendues au printemps ou à l’été, quand les travaux des champs offraient de nouveau des moyens de subsistance. Étaient admis à ces travaux de secours tous ceux qui pouvaient justifier d’un certificat d’indigence délivré par le curé de leur paroisse d’origine. Conditionnée par la résidence, cette ressource d’un travail rémunéré permettait de maintenir sur place des individus qui auraient pu être tentés de migrer en ville en venant grossir le nombre de mendiants. En se démarquant des formes coercitives d’assistance, les chantiers routiers financés sur les fonds de corvée devaient de la même façon œuvrer à la valorisation de la liberté du travail, entendu comme un droit imprescriptible de l’individu sur la propriété de sa force de travail.
26La querelle de la corvée va surtout accompagner la structuration de la réflexion fiscale des Physiocrates, qui a fait l’objet de nombreuses études, sans que assez paradoxalement la question de la corvée y soit envisagée62. Les Physiocrates étaient d’accord avec les partisans du rachat optionnel sur l’intérêt de commuer la corvée en travail en une prestation en argent, mais leur préférence va à l’impôt foncier. Ont-ils trouvé là un moyen de traiter de sujets fiscaux en contournant l’interdiction faite en mars 1764 d’imprimer des écrits concernant les finances ? Rien ne permet de l’affirmer. La question de la corvée donne en tout cas aux Physiocrates l’occasion de formaliser leur théorie de l’impôt de façon à concevoir un système d’imposition adapté au redressement de l’économie agraire. Selon eux la structure des prélèvements n’était pas en l’état favorable à la croissance économique. Pour qu’elle le devienne, l’impôt ne devait porter que sur le produit net et non sur les personnes et leur travail. La réflexion physiocratique sur la corvée s’inscrit donc de plain-pied dans leur doctrine fiscale assise sur la conviction que l’agriculture est la seule activité à dégager un produit net. Au nom de ce postulat, seuls les propriétaires avaient à supporter le poids de l’impôt tandis que les fermiers devaient jouir d’une immunité fiscale leur permettant de réaliser de nouvelles avances et de garantir à terme une augmentation de la production agricole. Selon Mirabeau, la corvée, outre qu’elle taxait le travail de manœuvres qui n’avaient que leurs bras pour vivre au lieu de porter sur le revenu de leur travail, risquait en outre d’induire une augmentation des salaires qui ne manquerait pas de rogner le revenu du propriétaire63. Pour les Physiocrates la corvée en travail n’était pas seulement économiquement nuisible, elle était fondamentalement injuste. Les corvéables, paysans pour la plupart, parce qu’ils ne retiraient aucun avantage direct des routes, n’avaient pas à contribuer à leur construction et à leur entretien. Il appartenait aux propriétaires qui profitaient à des degrés divers de la valorisation de leurs fonds et de l’augmentation de leurs baux, de financer ces infrastructures. Loin d’être figées dans un corps achevé de doctrine, les propositions physiocratiques vont évoluer à mesure que le groupe va agréger de nouveaux membres. Après l’emploi des soldats promu par la voix de Mirabeau, Du Pont proposa de financer la construction des routes sur l’impôt foncier prélevé sur le produit net et payé par les seuls propriétaires. Thélis était pour sa part partisan d’un financement mixte, conjuguant une imposition des propriétaires au prorata du vingtième et une contribution des taillables en proportion de leurs revenus64.
27Combat privilégié de quelques-unes des figures majeures de la Physiocratie (alors même qu’assez paradoxalement Quesnay est resté en retrait sur cette question), la corvée est donc un sujet névralgique qui cristallise les principaux enjeux économiques de la refonte de la fiscalité. Les Physiocrates construisent progressivement leur réflexion au cours des années 1760 dans un système de pensée fondé sur la richesse exclusive de l’agriculture et la suprématie de la propriété. Il s’agit pour eux de refuser tout autant la corvée en travail que la solution du rachat.
L’incidence de la corvée
28La critique développée par les Physiocrates à propos de la corvée s’adosse aux principes de liberté, d’humanité et d’équité, affirmés par le siècle des Lumières pour dénoncer le caractère insupportable et injustifiable de la réquisition. Leur discours pose toutefois de façon plus aiguë la question des enjeux économiques de la corvée et de la mesure des pertes qu’elle fait subir au circuit de la richesse, en concurrençant le travail productif de l’agriculture. L’évaluation de la corvée ne saurait selon eux se réduire au coût de son remplacement calculé en multipliant le nombre de journées réquisitionnées par l’équivalent salarial auquel elles auraient été tarifées. Il s’agit moins d’apprécier le coût d’investissement pour les travaux routiers, que le coût d’opportunité correspondant aux pertes économiques imputables au choix de la réquisition, accusée de détourner les ressources en travail d’un emploi plus productif.
Une institution oppressive et inutile
29La critique de la corvée prend volontiers des accents pathétiques et compassionnels destinés à interpeller les consciences et à susciter l’indignation collective. Alors que l’évocation des grandes questions économiques du moment emprunte au registre poétique, Saint-Lambert, proche des milieux physiocratiques, consacra quelques vers aux ravages de la corvée, où il livre un tableau pathétique des corvéables propres à émouvoir le lecteur65. À l’exception de quelques allusions discrètes dans la littérature et du célèbre tableau de Joseph Vernet, la corvée constitue principalement un motif de contestation politique.
30Sous la plume des Physiocrates, elle se retrouve assimilée à la contrainte dans son expression la plus brutale et la plus arbitraire. Ils n’ont pas, loin s’en faut, le monopole de ce genre d’analogies, que l’on retrouve chez des auteurs qui ne sont pas d’obédience physiocratique66 et dans les remontrances des parlements67. Synonyme de privation de liberté, elle s’apparente à la servitude quelle qu’en soit la forme. L’analogie qui revient le plus fréquemment se fait avec le travail servile, notamment sous la plume d’auteurs engagés par ailleurs dans le discours anti-esclavagiste, tels que Mirabeau et Condorcet. Cette comparaison ne renvoie pas seulement à la violation d’un droit naturel mais s’inscrit aussi dans une réflexion économique : comme le travail de l’esclave serait plus coûteux que celui de l’homme libre, celui du corvéable le serait plus que celui du manœuvre salarié. La référence au servage sert également à dénoncer l’arbitraire de la corvée, à l’instar de Du Pont qui va jusqu’à comparer la condition des corvéables à celle des serfs de Pologne68. La corvée royale renvoie aussi à l’« asservissement féodal69 » dont subsistent les exigences seigneuriales70. Condorcet, dans ses Réflexions sur les corvées à Milord***, fait des corvées seigneuriales l’archétype des servitudes personnelles pour dénoncer l’oppression du régime féodal71. L’assimilation à une peine d’emprisonnement72 ou à une condamnation aux galères façonne une image de la corvée associée à un enfermement et à une privation de liberté, d’autant plus injustes que de tels châtiments ne viennent sanctionner aucun crime. Mirabeau compatissait ainsi au sort des « forçats de la voirie73 ». Thélis réclamait quant à lui la suppression de la corvée
« qui condamne l’agriculteur à des travaux publics, comme des criminels aux métaux, ou aux galères (encore ceux-ci reçoivent-ils une nourriture, que l’on refuse aux autres), par conséquent, c’est un outrage fait à des hommes qui ont un droit naturel à l’honneur, à la liberté, et même au salaire, puisqu’ils ne peuvent vivre qu’en travaillant, et qu’ils ne travaillent réellement que pour vivre74 ».
31La corvée, assimilée aux « travaux forcés », sert également à dénoncer une subversion de l’ordre naturel de la société75. Le joug de la servitude va jusqu’à faire perdre aux corvéables leur humanité, puisque des hommes se retrouvent « attelés comme des bêtes à des voitures76 ». Ces déclinaisons de la contrainte à laquelle la corvée se trouve associée, dessinent en creux l’horizon d’attente d’une revendication générale de la liberté. La relation salariale est clairement pensée comme le vecteur de cette émancipation. La subordination personnelle ne saurait en effet être légitime qu’à condition d’être consentie. Devenu objet d’échange, le travail permet à l’individu de vivre de l’exercice de ses facultés et d’échapper à toute forme de dépendance.
32Reprenant un argument couramment mobilisé au même moment dans le procès de l’esclavage, les Physiocrates posent la question de l’efficacité économique du travail contraint. La corvée en travail, en enrôlant la main-d’œuvre par la contrainte, n’inciterait guère à la fourniture d’un effort intensif. La productivité d’une journée de corvée se trouve ainsi mesurée par rapport à une journée de travail salarié. Bourgelat estimait qu’« un ouvrier payé à tant par toise fait plus d’ouvrage dans un jour que six corvéables77 ». Selon Du Pont, « de pareilles journées ne valent pas une heure d’un homme payé78 » ; par rapport à une journée salariée de travail agricole, une journée de corvée était « perdue par la diminution de plus de la moitié dans leur durée79 ». Dans l’article « Corvée » qu’il composa pour l’Encyclopédie méthodique et qui reprend très largement le texte de Du Pont dont il était proche, sans pour autant le citer explicitement, G. Grivel insistait également sur la faible productivité journalière des corvéables :
« On sent combien peu d’heures, dans leur journée, de pareils travailleurs peuvent donner aux chemins. Le temps se perd, les hommes et les animaux se fatiguent, et les voitures essuient cent accidents par des chemins de traverse impraticables, avant d’être arrivés sur le lieu du travail. Il faut en repartir de bonne heure, afin de retourner chez soi, et, dans le court intervalle qui reste, l’ouvrage se fait avec la lenteur et le découragement inévitable chez des hommes qui n’attendent point de salaire. De pareilles journées ne valent pas une heure d’un homme payé, qui craint qu’un autre ne le supplante et ne lui enlève son gagne-pain ; pas une demi-heure d’un soldat bien nourri, qui travaille au milieu de ses camarades sous les yeux de son supérieur, et qui est jaloux de se distinguer. Cependant elles coûtent autant que des journées utilement employées, à ceux qui en font les frais et qui en souffrent de fatigue80. »
33La mesure relative de la journée de corvée par rapport à celle d’un manœuvre salarié devient donc un critère de référence pour quantifier la non-valeur des corvées, conformément au modèle de l’ordre productif construit par l’économie politique. Les administrateurs royaux en charge de la gestion de la corvée étaient eux-mêmes tout à fait conscients de la faible productivité des journées de corvée. Orry ne reconnaissait-il pas lui-même en instituant la corvée que la journée de travail d’un manœuvre comptait pour moitié de celle d’un ouvrier payé81 ? On a vu que la journée de corvée était généralement évaluée à un tiers d’une journée de travail salarié82. Ce sont les proportions que Perronet avait déjà avancées dans son mémoire du 18 octobre 1752 : selon lui le travail de corvée ne vaut guère que la moitié, voire le tiers du travail salarié83. Dans l’instruction qu’il rédigea en 1746, Trudaine considérait quant à lui qu’on ne devait pas exiger des corvéables plus de quinze jours par an, qui équivalaient à dix bonnes journées à prix d’argent. Alors que les ingénieurs des Ponts et Chaussées expliquent le manque de productivité par la paresse et l’insoumission, les Physiocrates l’imputent à la servitude, les paysans n’ayant pas d’intérêt à travailler gratuitement à des routes qui ne le concernaient pas directement.
34Les écrits physiocratiques, comme plus largement les critiques de la corvée, ne cessent par ailleurs de déplorer la mauvaise qualité des infrastructures. Ils l’attribuent d’abord au fait que les paysans ne présentent ni l’expérience, ni les qualifications requises pour travailler sur les chantiers routiers : « Le cultivateur est l’homme attaché à la glèbe, il ne sçait travailler la terre que pour la fertiliser, et son intelligence ne va pas au-delà de la chose rustique. En vain, lui donne-t-on des préceptes et des règles ; il ne peut les suivre, parce qu’elles lui sont étrangères84. » Le caractère improductif de la corvée tiendrait donc au fait que les paysans requis sur les chantiers routiers ne maîtrisaient pas les techniques de construction ou d’entretien. Or la corvée trouvait précisément une de ces justifications dans le fait qu’elle employait des hommes habitués au remuement et au charroi de la terre. Par ailleurs les tâches confiées aux corvéables restaient pour l’essentiel extrêmement rudimentaires. Thélis considérait par ailleurs que les paysans n’étaient pas forcément équipés des outils adéquats. La piètre qualité des ouvrages de corvée s’expliquait pour les Physiocrates surtout par le fait qu’ils étaient le fruit d’un travail non rémunéré qui prédisposait à l’apathie et à la négligence. Pour Du Pont :
« Les travaux faits par corvée sont moins solides, moins durables que les autres, car les ouvriers qui ne sont pas payés travaillent du plus mal qu’ils peuvent […] Pressé de retourner à son travail productif, le corvoyeur n’a et ne peut avoir d’autre vue que celle de s’acquitter promptement de la tâche onéreuse et stérile à laquelle il est assujetti, ce qu’il ne peut faire qu’au préjudice de la solidité85. »
35Ce sont des arguments que reprendra Turgot dans le préambule de l’édit de février 1776 remplaçant la corvée en travail par une contribution en argent : les défauts de la corvée portent autant sur la quantité de travail réellement accompli que sur la qualité de l’ouvrage à cause du défaut d’émulation et de l’inaptitude des corvéables. Toute la question est de savoir si l’adjudication des travaux à des entrepreneur peut garantir l’emploi d’une force de travail plus qualifiée.
36Par opposition à la corvée gratuite jugée à la fois injuste et faiblement productive, le recours au travail salarié est présenté comme le seul moyen capable de réaliser des gains de productivité et de garantir des ouvrages durables. Selon Du Pont, il permettrait de réduire de moitié le coût de l’ouvrage et de réaliser des chemins
« au moins quadruples en solidité ; parce que les entrepreneurs qui sont tenus de garantir les chemins qu’ils ont faits, ont un grand intérêt de les faire bien exécuter, afin que les frais d’entretien soient réduits presqu’à zéro ; et encore parce que les ouvriers qu’ils employent ont aussi grand intérêt à être attentifs, soigneux et intelligents, de peur d’être renvoyés et de perdre ce travail qui leur fait gagner leur vie86 ».
37Le lien que les Physiocrates postulent entre l’intérêt pécuniaire et le zèle au travail, l’incitation économique et la productivité du travailleur, est considéré comme de l’ordre de l’évidence.
38Le discours des Physiocrates s’inscrit donc dans une critique plus générale développée tant par les Lumières, contre la corvée en travail dénoncée à la fois comme oppressive, arbitraire et improductive. Ils vont toutefois proposer une analyse beaucoup plus originale qui a pour ambition de mesurer l’incidence de la corvée sur la production agricole.
L’évaluation des pertes économiques
39Les Physiocrates pointent le paradoxe d’un système de travail en apparence gratuit pour l’État mais qui se révèle fort coûteux pour la collectivité : « L’apparente économie qu’elles [les corvées] présentent, au premier coup d’œil des hommes ignorants, couvre une dépense, une dégradation et une destruction de richesse aussi réelles qu’excessives87. » Comme l’indiquait Condorcet : « L’État ressemblerait alors à un homme dérangé qui dépense d’autant plus que ne payant rien et prenant à un plus haut prix, mais à crédit, il n’est pas effrayé du tableau de ses prodigalités88. » Selon les Physiocrates, l’État, parce qu’il avait à sa disposition grâce à la corvée une main-d’œuvre gratuite, ne se préoccuperait pas de savoir ce qu’il lui en coûtait réellement. C’est la raison pour laquelle ils vont s’employer à chiffrer son incidence économique. La signification de cette mesure du préjudice imputable à la corvée est indissociable de l’objectif de l’École, qui est de promouvoir une réforme de l’imposition et une substitution du travail salarié jugé plus efficace.
40Le plus souvent les auteurs se contentent de considérations générales sur les « dommages incommensurables89 » ou les « pertes qui résultent nécessairement du système des corvées90 ». Condorcet soulignait les limites de la mesure quand il est question de chiffrer le prix de la liberté : « On peut calculer ce que cette suppression peut épargner d’argent au peuple, mais ce qu’elle lui épargnera du sentiment pénible de l’oppression et de l’injustice est au-dessus de nos méthodes de calcul91. » Pour Mirabeau, l’ampleur du préjudice défierait même le calcul : « Il est incalculable quelle perte ce peut être qu’une seule journée de ces hommes si nécessaires, détournée de son objet92. » Parce que précisément l’appréciation se révélerait impossible, certains surenchérissent en spéculations démesurées : selon Mirabeau, la corvée coûterait ainsi « 3, 10 et 100 fois davantage à l’État93 ». Thélis estimait que de la corvée « résulte un dommage total, dont la somme ne peut se déterminer que par approximation94 ». Du Pont, soucieux d’asseoir la critique de la corvée sur les bases rationnelles de l’arithmétique, va s’employer quant à lui à chiffrer les pertes économiques. Or, à la différence de Thélis qui s’appuyait sur des observations empiriques, il scella le cadre théorique ébauché chez Mirabeau.
41Le coût de la corvée se mesure d’abord au temps perdu pour l’agriculteur. Bourgelat se hasarda à évaluer, en tablant sur une année de 300 jours et douze jours de corvée, une « perte pour l’agriculture de la 24e partie des cultivateurs95 ». On retrouve une proportion semblable chez l’abbé Baudeau quelques années plus tard :
« Si mon attelier ne travaille pas à ma terre pendant 10 à 12 journées, qui font la 24e partie d’une année de culture ou des travaux quelconque (à cause des fêtes, ou des jours de fortes gelées, où l’on ne peut rien faire) ; qui est-ce qui remplacera tous les objets que ces journées doivent me payer, outre leur propre valeur ; la 24e partie de mes reprises, la 24e partie de la dîme, la 24e partie des rentes seigneuriales, la 24e partie de l’impôt, la 24e partie du revenu de mon propriétaire ? Voilà très évidemment, et très nécessairement ce que je perdrois à faire gratis d’autres ouvrages96. »
42Ce décompte du temps perdu à cause de la corvée, qui se répète d’un auteur à l’autre, repose sur un postulat pour le moins discutable qui tend à considérer qu’une journée de corvée se fait nécessairement au détriment du travail agricole. Or dans une économie agraire, le travail, en dehors des périodes de presse, reste disponible pour d’autres emplois pendant les saisons creuses. Si l’on en croit l’auteur des Réflexions sur les corvées, un manouvrier pouvait être occupé les trois quarts des jours ouvrables que comptait une année, soit 280 jours ; il restait donc 70 jours disponibles97.
43Le coût économique de la corvée est d’autant plus dommageable selon les Physiocrates, que la réquisition en travail résulte selon eux d’une méconnaissance du travail et de l’activité agricole. La levée de bouclier est ainsi unanime contre la notion de « morte saison », qui avait justifié l’emploi de la main-d’œuvre rurale sur les chantiers routiers en dehors des semis et de la moisson. À cela, les « Économistes » rétorquaient que lors des deux saisons de corvée, le printemps et l’automne, les paysans avaient largement de quoi s’occuper aux travaux des champs. Du Pont relevait ainsi l’absurdité de « ceux qui ont inventé cette expression [qui] croyaient sans doute que le travail de la terre se bornait à semer et à recueillir98 ». Il insistait sur la variété des sols et des cultures qui « demandent des attentions particulières, et un tems qui leur soit propre99 ». Thélis développa dans le même esprit une conception de l’agriculture qui occupait les paysans à temps plein et qui ne saurait souffrir la privation de quelques jours de travail100. Pour les Physiocrates, la corvée, loin d’être effectuée hors du temps de travail paysan comme le prétendaient ses partisans, prélèverait donc un temps précieux sur celui qui pourrait être consacré au travail productif de la terre. Celle-ci, parce qu’elle est au fondement de la richesse, requiert une attention de tous les instants et ne saurait souffrir aucune distraction de temps et de bras.
44Quant à l’abbé Baudeau, il raillait l’ignorance d’auteurs déformés par les mœurs citadines et éloignés des réalités de la vie rurale101. Pour dénoncer l’erreur économique que représentaient selon lui le recours à la corvée et l’emploi de paysans à d’autres tâches que les travaux agricoles, il soulignait l’absurdité qu’il y aurait à affecter des couturières à l’allumage des lanternes dans la capitale ou à utiliser les chevaux des cochers parisiens pour enlever les immondices de ses rues. En critiquant le détournement des emplois et des outils de travail, il insistait a contrario sur la nécessaire spécialisation des métiers dans le cadre de la division sociale du travail.
45Outre la privation de moyens de production et la dilapidation d’un temps précieux qui seraient utiles à l’exploitation agricole, les Physiocrates évoquent la nécessité de prendre en compte également dans le coût économique de la corvée la dépréciation des avances correspondant à la fatigue des bêtes et à l’usure des charrettes réquisitionnées. Selon Du Pont, la corvée de harnais, parce qu’elle « forme plus de neuf dixièmes de l’ouvrage », est « la plus redoutable à l’agriculture102 », l’immobilisation des attelages pénalisant la grande culture que les Physiocrates érigent en modèle d’exploitation. Alors qu’ils soulignent le poids de la corvée de harnais pour l’agriculture, assez paradoxalement ils n’envisagent pas les conséquences qu’elle peut avoir sur l’élevage qu’ils considèrent comme un secteur relativement secondaire. La corvée exposerait tout au moins les bêtes « à de grands accidents, à une fatigue et à une détérioration considérables103 ». Si Du Pont intégrait dans son procès à charge contre la corvée la perte de valeur d’usage des actifs, cette dépréciation reste difficile à estimer. Seul Guillaumot, dans une brève mention, prenait en compte le coût global du transport, en décomposant le prix de la prestation (3 Lt par pied cube) et le coût de la dépréciation (2 Lt pour l’usage des chevaux et des voitures)104. Dans son calcul Du Pont confessait ne pas prendre en compte la destruction des harnais. Il ne se hasardait pas plus à chiffrer le coût de l’immobilisation des attelages en évaluant ce que l’emploi de ces actifs (charrettes et bêtes) aurait permis de dégager comme valeur. Le détail des pertes imputables à la réquisition des bêtes va, au-delà de leur seul dépérissement, jusqu’à intégrer le coût de la fourniture en fourrage et la question de la valorisation des déjections animales. Alors que Thélis considérait ces fumures comme perdues pour l’agriculture, on sait par ailleurs que les laboureurs avaient la possibilité de les récupérer105.
46Prendre la mesure des pertes économiques induites par le temps absorbé en corvées, suppose préalablement de déterminer la valeur que dégage une journée de travail pour la production de richesses. C’est précisément ce à quoi plusieurs Physiocrates vont s’employer pour objectiver la valeur du travail dilapidé au titre de la corvée. « Pour estimer la valeur d’un tel dommage, il faut savoir ce qui vaut une de ces précieuses journées de l’attelier d’un laboureur106 », comme le résumait Du Pont. Thélis estimait pour sa part impossible l’évaluation de la journée de travail agricole dont l’utilité était incommensurable :
« Les Mathématiques ont calculé le mouvement de la descente des corps libres ; mais qui pourra calculer tout l’avantage qui résulte de la journée d’un laboureur ? Un corps qui tombe, disent les Mathématiciens, acquiert en temps égaux, des degrés égaux de vitesse, et les espaces qu’il parcourt sont comme le quarré des temps ; en seroit-il de même de la manipulation du laboureur ? Acquiert-elle à chaque instant des degrés égaux d’utilité ? L’utilité totale est-elle comme le quarré de ces instans ? Ici, le calcul s’arrête, et cette utilité infinie n’est pas plus déterminable que le nombre des modifications de la matière107… »
47Mirabeau s’était toutefois hasardé à fixer la valeur de la journée de travail d’un laboureur ou d’un semeur à cent écus108. Du Pont reprit la même base, estimant que « telle journée de laboureur vaut la subsistance d’une famille et plus de 100 écus de revenus à l’État109 ». Ce chiffre semble avoir circulé dans l’espace savant comme une référence admise, puisque le laboureur interrogé par l’habitant d’Avranches dans son article publié dans le Journal d’Agriculture en 1767, expliquait qu’il donnerait « volontiers cent écus pour être dispensé de [s]a tâche110 ».
48Si les calculs physiocratiques s’attachent à apprécier le temps-valeur, celui qui mesure dans un registre économique la valeur du temps perdu en corvées, ils peuvent aussi prendre en considération la mesure du temps-contrainte, à savoir celui qui pèse sur les individus. Un argument supplémentaire avancé par les Physiocrates contre la corvée est qu’elle contraint les corvéables dans leur capacité à choisir les affectations de leur temps. Or selon eux seule la liberté, notamment dans l’allocation de son temps, permet à chacun en poursuivant son intérêt personnel, de contribuer par le développement de l’agriculture à l’enrichissement du royaume. La liberté dans le travail réside dès lors dans la possibilité donnée à chacun de choisir lui-même d’organiser ses activités comme il l’entend en fonction de ses contraintes et de ses ressources. Du Pont est un des rares auteurs à souligner l’« effet du contre-temps » : il faut, écrit-il, « ajouter la perte par défaut de tems, à celle qui résulte du défaut d’opportunité », faute pour le cultivateur de pouvoir disposer de son temps comme il l’entend au cours de l’année :
Valeur de 12 journées de travail du travail d’une charrue sur le pied que les paysans les payent aux Laboureurs | 60 Lt |
Privation de récolte par la perte de 12 jours de travail qui auroient mis en valeur au moins 4 arpents | 432 Lt |
Autre privation de récolte, par la perte des moments essentiels et pressans que le Cultivateur auroit saisis s’il avoit pu disposer de son temps111. | 864 Lt |
1 356 Lt |
49Non seulement les individus doivent être libres d’user du temps comme ils le veulent, mais la valeur qu’ils lui accordent et le prix qu’ils sont prêts à consentir pour gagner des journées de travail en échange d’une prestation en argent varie selon le coût d’opportunité de celles-ci, c’est-à-dire ce que rapporterait le temps hypothéqué par la corvée s’il était investi dans d’autres activités. De même qu’il n’existe pas de valeur unique du temps selon les agents économiques, le prix de celui-ci varie également en fonction d’autres paramètres. Du Pont rappellait ainsi que la valeur d’une journée n’est pas égale au cours de l’année, en raison du calendrier et de la nature des terres.
50Sur la base de la valeur d’une journée de travail, Du Pont va d’abord s’attacher à calculer les pertes que la corvée fait subir au paysan :
« Pendant ces douze jours un Laboureur, même fort médiocrement monté, auroit donné trois labours à quatre arpents. Sans la corvée il auroit donc pu avec les mêmes avances à voir sa ferme plus forte de douze arpens, ou chacune de ses soles de quatre arpents. Mais ces quatre arpens, à six septiers l’un dans l’autre, semence prélevée, auroient produit vingt quatre septiers de bled, qui sur le pied de dix-huit livres le septier, prix commun de la liberté, auroit valu quatre cents trente-deux livres ; ce qui partagé sur douze jours, donne pour la perte réelle du Laboureur, du Propriétaire, de la Nation, de l’espèce humaine en général, trente-six livres par jour112. »
51La corvée empêcherait donc le laboureur d’effectuer trois passages de charrue sur sa parcelle (les terres destinées au froment réclameraient plus de labours que celles préparées pour les menus grains et autres productions) voire lui interdirait d’accroître la surface de son exploitation113. Du Pont s’attacha ensuite à chiffrer le manque à gagner que représente le temps de corvée sur la base d’une parcelle plutôt fertile, comme en témoigne l’indication de rendement qui se situe dans une fourchette haute par rapport aux indications données par Quesnay ; celui-ci établit le rendement en grande culture à 5 setiers par arpent (soit 15 hl/ha) et à 2,5 setiers par arpent (7 hl/ha) en petite culture114. Pour prévenir toute suspicion à l’encontre d’une éventuelle exagération des dommages induits par la corvée, Du Pont consentait même à modifier les bases de son calcul :
« En supposant qu’il n’y en ait que six dans ce dernier cas, quatre qui perdent moitié, et deux pour lesquels le dommage soit nul ou peu considérable ; la perte seroit encore égale à celle de la récolte de huit arpents, qui auroit donné, semences prélevées quarante-huit septiers de bled, lesquels à dix-huit livres l’un dans l’autre, auroit valu huit cent soixante et quatre livres115. »
52Qu’elles soient rapportées à la surface labourée, à la quantité de blé récolté ou au prix de la récolte, la corvée, en prélevant quelques jours de travail par an, diminue donc non seulement la production agricole mais la richesse en général.
53Outre qu’elle limiterait les possibilités d’expansion agricole en hypothéquant du temps et en immobilisant des bras, la corvée est accusée de priver les paysans du revenu de journées salariées. Selon un des arguments les plus communément avancés par les Physiocrates, les jours de corvée feraient manquer aux modestes manouvriers des journées de travail indispensables à leur subsistance, et contribueraient à aggraver la misère :
« Une somme de 6 000 francs, en productions annuelles, aurait fait subsister dix familles, qui sont d’abord condamnées à la mendicité, à l’émigration ou au supplice, par l’interruption irrémédiable des travaux productifs auxquels on enlève les corvoyeurs, pour les envoyer sur les chemins, faire un travail stérile de la valeur de 100 francs116. »
54La suppression de la corvée est présentée a contrario comme un moyen d’économiser le temps des paysans afin de leur permettre de se consacrer activement à l’activité agricole. Cet argument sera d’ailleurs repris par Turgot dans le préambule de l’édit de février 1776 pour justifier la commutation de la corvée en nature par un impôt sur les propriétaires fonciers. La réflexion physiocratique sur les arbitrages à faire dans l’allocation du temps des paysans participe d’une logique productiviste au service de la croissance agricole. On peut néanmoins se demander si la corvée fait réellement perdre aux paysans l’opportunité de journées salariées comme le suggèrent les Physiocrates. Si les corvéables n’avaient pas été requis au travail des routes, il n’est pas sûr que le temps libéré aurait pu être employé à un travail rémunéré dans une économie rurale affectée par le sous-emploi, aggravé encore au XVIIIe siècle par la croissance démographique et le surplus de main-d’œuvre disponible qui en découle. Même si l’abolition de la corvée en travail permettait de gagner quelques jours supplémentaires, rien ne dit que les paysans ne préféreraient pas les employer à d’autres occupations, notamment artisanales dans le cadre de la proto-industrie ou sur les ateliers de charité.
55Du Pont propose dans un second temps une appréciation globale des pertes que la corvée occasionne sur le circuit de la richesse. Entre 1767 et 1769, il avance plusieurs évaluations chiffrées des dommages économiques causés par la corvée. Dans De l’Administration des chemins (1767), il estime que « l’État y fait une perte évidente de 6 000 % […] ; lorsque, par l’effet d’un travail de cent francs que l’on a fait faire par corvées aux cultivateurs, ce produit net se trouve diminué de 6 000 livres117 ». À en croire ce calcul, le coût de corvée représenterait donc une déperdition soixante fois supérieure sur le produit net. Si l’on reprend l’estimation du produit net avancée par Quesnay et Mirabeau dans la Philosophie rurale, la perte induite par la corvée se chiffrerait à 17 850 000 Lt. Dans le commentaire critique qu’il fit de la première lettre de l’ingénieur M. N*** en 1769, Du Pont s’explique plus précisément sur ses calculs, estimant que « le cas le plus favorable qu’on puisse supposer pour la corvée, donne évidemment plus de 1 600 % de perte118 ». Les calculs avancés par Du Pont révèlent donc une évaluation allant du simple au quadruple. Lui-même semble d’ailleurs invalider la certitude de son argumentation chiffrée quand il reconnaît qu’on peut rabattre les trois quarts de son estimation119. Plus que le coût réel que la corvée représente sur le produit net, ce qui intéresse Du Pont est de proportionner les pertes supportées en fonction des différents acteurs du circuit. La corvée priverait ainsi les cultivateurs d’un revenu annuel de 3 400 Lt120. Quant au manque à gagner pour l’État sur les recettes de l’impôt, il est directement lié à la diminution du revenu des propriétaires fonciers :
« Sur un anéantissement de 6 000 francs de produit net, causé par la perte du temps qu’auraient employé à la culture les colons, qu’on en détourne pour faire sur les chemins un travail de cent francs, il y a donc eu 1 700 L de perte pour le Roi, 3 400 L pour les propriétaires, et 850 L pour les décimateurs121. »
56Ces données chiffrées qui ne sauraient rendre compte objectivement de l’incidence de la corvée sur la production et la circulation de la richesse, trouvent leur cohérence dans le discours physiocratique lui-même.
57Pour les Physiocrates la corvée doit donc être abolie parce qu’elle n’est pas rentable et que, pire encore, elle hypothèque gravement la richesse du royaume agricole. En s’efforçant de chiffrer la déperdition de travail et le coût économique induits par un système de réquisition a priori gratuite, les Physiocrates ont indéniablement contribué à modifier la façon de penser la corvée en la présentant aussi humainement injustifiable que régressive sur le plan économique.
La corvée, un moindre mal ?
58Face à la charge du procès intenté contre la corvée et sa mise en œuvre, plusieurs ingénieurs des Ponts et Chaussées interviennent dans le débat, autant pour défendre l’administration qu’ils en font que pour dénoncer l’outrance de la critique physiocratique. Ils sont d’autant plus à même de répondre aux « Économistes » qu’ils peuvent se prévaloir de l’expérience des chantiers routiers et qu’ils disposent des informations administratives. Cette controverse présente donc l’intérêt d’interroger les modalités d’articulation du débat savant et de la pratique administrative.
La riposte des ingénieurs
59Les arguments et les calculs développés par la Physiocratie ont trouvé des contradicteurs parmi les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées. L’auteur de l’Essai sur les ponts et chaussées, la voirie et les corvées se prévaut de leur amitié, a eu semble-t-il accès à des informations de première main122. C’est fort de sa propre expérience dans la généralité de Caen, que Viallet était en mesure de polémiquer avec Du Pont, par la figure interposée du mystérieux ingénieur N., attaché à la réquisition en travail avant de se laisser convaincre par les avantages de la commutation. Quant à Guillaumot, en contact avec des membres du corps des Ponts et Chaussées, il ne se privait pas de dénoncer les positions partisanes et systématiques des Physiocrates. Il importe toutefois de noter que les ingénieurs s’attachent essentiellement à apprécier le coût des travaux routiers alors que les Physiocrates cherchent à mesurer l’incidence économique de la corvée.
60En filigrane de cette controverse sourd la défense de ceux qui sont en charge de l’administration de la corvée, à commencer par les ingénieurs des Ponts et Chaussées que les Physiocrates ne s’étaient pas privés de critiquer pour les ambitions démesurées de leurs projets routiers qui rognaient et stérilisaient une partie de la surface agricole. Guillaumot récuse ainsi le fait « que les intendans qui l’ordonnent, sous l’autorité du conseil, ou d’après le vœu des corvéables mêmes, ne sont pas, comme le dit M. de Saint Lambert, dans son Poème des Saisons, les esclaves de la cour et les ennemis du prince. Que les corvéables ne sont pas, ainsi que l’assure M. Dupont, dans le 8e tome des Éphémérides du Citoyen, année 1769, une des plus pernicieuses inventions qui seroient sorties de tête administrante » ; que la répartition de la corvée relève du « caprice de l’ingénieur ou du subdélégué123 ». C’est avec une verve semblable qu’il récuse les accusions de collusion entre l’administration royale et les entrepreneurs124. Dans le même esprit, il relève les erreurs et les contradictions que présente le récit d’un voyageur anglais – qui n’est autre que Grosley lui-même, homme de lettres originaire de Troyes – apitoyé par la misère de plusieurs corvéables réquisitionnés sur le chemin de Suzaincourt en Champagne (distance, amendes, type de bêtes…).
61Les ingénieurs ont beau jeu de confronter les extrapolations arithmétiques des Physiocrates aux données objectives de l’administration de la corvée. Pour montrer que la substitution d’une imposition à la corvée en travail se révélerait extrêmement coûteuse, l’auteur de l’Essai sur les ponts et chaussées réplique à Mirabeau par un raisonnement chiffré assis sur des données précises quant à la dotation allouée à l’administration des Ponts et Chaussées et aux techniques routières (longueur des routes en Alsace et en Franche-Comté, estimation de la dépense d’une toise de chaussée en cailloutis sur vingt pieds de largeur, épaisseur des fondations en Champagne)125. Viallet s’appuie quant à lui sur l’expérience de l’ingénieur N. et de son « compte-rendu très scrupuleux qu’il a rendu pendant six années consécutives, des ouvrages qu’il faisoit faire par corvée126 ». Aux spéculations des Physiocrates qu’il juge sans fondement, Guillaumot opposait la réalité de la corvée au vu des pièces qu’il s’est procurées auprès du premier secrétaire de l’intendance de Champagne, qui avait été chef d’un bureau de l’intendance de Paris, ainsi que de Legendre ancien ingénieur en Champagne, et de M. de Coluel son successeur. Pour soutenir la contradiction avec les Physiocrates, il s’appuya ainsi sur un état de répartition du chemin pour l’année 1767, trois copies de lettres de Rouillé d’Orfeuil adressées aux sous-ingénieurs de la généralité entre 1766 et 1767 recommandant d’user avec parcimonie des amendes à l’encontre des corvéables réfractaires, le détail de la tâche imposée à la paroisse de Balagny (qui comptait 3 laboureurs, 9 journaliers et 16 chevaux), et le décompte des tombereaux effectués par Thomas Gallois, meunier et laboureur de cette paroisse entre avril et août 1770. À partir de ces exemples concrets, Guillaumot s’employa à montrer par le calcul que le coût de l’ouvrage serait, s’il devait être réalisé par un entrepreneur (en comptant son bénéfice, la fourniture des chevaux et des voitures et faux frais), le double de ce qu’il revient exécuté par corvée (sur la base du prix des journées réquisitionnées). Après avoir écarté deux alternatives à la corvée en travail – une imposition sur les taillables qu’il juge plus injuste qu’une répartition des tâches en fonction du nombre de bêtes, et une contribution des propriétaires –, Guillaumot peut sans mal dénoncer l’esprit de système des Physiocrates, « des opinions qui ne sont pas étayées de l’expérience127 ».
62C’est en effet en arguant de leur connaissance des chantiers routiers que les ingénieurs s’emploient à contester la partialité des allégations des Physiocrates. Viallet estimait ainsi que les travaux de charrois et d’empierrement revenaient grossièrement au même prix que s’ils avaient été exécutés par des ouvriers salariés. L’autorité de l’expérience de terrain vient contre-dire également l’affirmation qui postule une productivité plus faible du corvéable :
« M. N*** n’a jamais trouvé d’attelier sur lequel l’ouvrage, auquel il avoit été obligé d’employer beaucoup d’hommes et de chevaux très-foibles, n’ait monté à plus de trois quarts de ce qu’il auroit pu aller avec un pareil nombre d’ouvriers et de harnois ordinaires dont le tems auroit été employé comme il faut. Il ajoute même, que souvent il s’étoit trouvé au pair. Cela étonnera beaucoup si l’on veut bien faire attention, qu’un homme qui a sa tâche, et qui est certain d’avoir son congé sitôt qu’elle sera faite, travaille pour le moins autant qu’un homme payé128. »
63Viallet comme Guillaumot réfutent enfin l’argument selon lequel les chemins de corvée seraient moins bien construits que ceux à prix d’argent129.
64C’est précisément sur le terrain empirique que les Physiocrates orchestrèrent la riposte par la voix de Thélis et de l’abbé Baudeau. Les opérations menées par Thélis sur la route de Lyon à Clermont, et les exemples situés (avec le cas des paroisses de Breuil et de Clépé) qu’il mobilise pour comparer le coût d’une toise en Forez et en Bourgogne, tranchent avec l’abstraction mathématique développée par Du Pont. Thélis s’attache d’ailleurs moins à chiffrer le coût et l’impact économique de la corvée qu’à évaluer l’économie que permet de réaliser l’emploi de contingents mixtes de paysans et de soldats rémunérés. De la même façon, quand l’abbé Baudeau intervint à son tour dans le débat pour soutenir Du Pont, il discuta les pièces comptables produites par Guillaumot. En reprenant à son compte la Répartition du travail sur la route Senlis-Crépy-en-Valois établie par le sous-ingénieur Saint-Firmin (1767), il releva ainsi que sur les 22 (21 en réalité) paroisses mentionnées, trois seulement se trouvaient à proximité de la route, tandis que 13 se situaient à plus de deux lieues du chantier. L’abbé Baudeau a beau jeu de conclure que le déplacement de la main-d’œuvre et l’obligation pour les corvéables les plus éloignés de découcher constituent de fait une perte de temps considérable.
65Conscients du poids de la corvée et des abus auxquels elle a pu donner lieu, les ingénieurs s’emploient donc à démontrer que tout bien pesé ses inconvénients restent toutefois inférieurs aux avantages qu’elle présente au regard des contraintes budgétaires de la monarchie et du point de vue des communautés et des corvéables.
La démesure des calculs physiocratiques
66Les positions physiocratiques en général et les calculs de Du Pont en particulier pour démontrer le coût de la corvée ont suscité de vives critiques, principalement de la part des ingénieurs. Plusieurs d’entre eux vont s’employer à contester l’arithmétique spéculative des Physiocrates, estimant leur évaluation des dommages causés à l’agriculture par la corvée tout à fait exagérée.
67La discussion des évaluations mirobolantes avancées par les Physiocrates fournit à Guillaumot l’occasion d’écorner les « principes de la Science nouvelle », fondés sur la notion d’évidence citée à plusieurs reprises en italique. Les Physiocrates ne se sont-ils pas déconsidérés avec l’évaluation de la libéralisation du commerce des grains ? Pour appuyer la réforme de 1764, Du Pont avait en effet rédigé un opuscule intitulé De l’exportation et de l’importation des grains, dans lequel il s’était appliqué à chiffrer les avantages de la libéralisation du commerce des grains. Après que de mauvaises récoltes dont les conséquences furent amplifiées par la spéculation, eurent contribué à renchérir le prix du pain et entraîné des émeutes frumentaires durant les années 1768-1769, les critiques fusèrent à l’encontre des Physiocrates. Guillaumot peut ironiser sur les conséquences économiques que l’arithmétique de Du Pont n’avait su anticiper, en soulignant que ses calculs à propos de la corvée engagent le sort de 18 ou 20 millions de sujets et les revenus de l’État130.
68Viallet comme Guillaumot s’accordent à démontrer que les calculs physiocratiques reposent sur des conventions discutables qui les amènent à exagérer les dommages causés par la corvée. Viallet reprochait à Du Pont d’avoir faussé la réalité de la corvée en ne retenant que les ateliers les plus mal conduits131. Accusé par Viallet de commettre un « paralogisme132 » c’est-à-dire un faux raisonnement, Du Pont fut obligé de s’expliquer sur la vocation même de ses calculs qui, comme on l’a déjà évoqué, n’avaient pour ambition que d’« indiquer la masse et l’importance de l’objet, plutôt que pour se fixer à une exactitude minutieuse133 ». Il se défendit d’avoir voulu proposer des valeurs précises, son seul objectif étant d’indiquer des ordres de grandeur. Comme il s’était engagé, au cas où il se trouverait des contradicteurs, à publier les éléments de ses calculs, il se vit contraint de revenir sur les bases de ceux-ci pour les justifier.
69Viallet ne se contenta pas de mettre en cause les erreurs dans le raisonnement de Du Pont ; il en pointa les contradictions :
« Cette assertion si singulière que la corvée en nature donne 6 000 %, ou soixante pour un, de perte. S’il étoit vrai, dit M. N. que cette perte fut seulement de 45 pour un, et que la somme de 30L, à laquelle les ingénieurs des Ponts et Chaussées évaluent, dit-on, mal à propos la semaine d’un harnois, fit réellement tort au laboureur, de qui l’on exige 1356 L, il s’ensuivroit, tout égal d’ailleurs, que le laboureur qui a un pareil harnois exempt de corvée, comme cela n’est malheureusement que trop commun, causoit 1 356 L de revenu de plus, que chacun de ceux qui n’ont pas cette exemption ; et comme il s’en faut de beaucoup, ajoute M. N. que cela soit, il faut nécessairement que le calcul qui donne un pareil résultat, pèche en quelquechose134. »
70Viallet entend montrer que l’exemption de corvée n’induit pas un accroissement de la richesse proportionnel aux pertes qui lui sont imputées. Son argument consiste à dire que les bras et les harnais qui ne trouvent pas à s’employer à l’agriculture sont perdus de toute façon. Dans la réfutation qu’il fait des calculs développés par Du Pont, Guillaumot conclut pareillement que la corvée n’induisait aucune perte et ne saurait être considérée comme destructive de l’agriculture135. Viallet va encore plus loin : pour lui les calculs de Du Pont prêtent à la critique non seulement parce qu’ils sont faux, mais aussi à cause du renchérissement des prix de transport qu’ils sont susceptibles d’entraîner : « Si les laboureurs venoient jamais à se laisser séduire par ces calculs, on ne trouveroit plus de harnois, pour quelque chose que ce soit, à moins de deux cens vingt-cinq livres par jour136. »
71Si l’on s’en tient aux indicateurs conjoncturels, la croissance de la production agricole, qu’elle soit selon les estimations de 25-40 % (J. Goy) ou de 60 % (J.-C. Toutain) invaliderait, il est vrai, le discours alarmiste des Physiocrates. Aurait-elle pu être encore plus forte sans la corvée ? Alors même que les ressorts de cette croissance font l’objet d’interprétations divergentes de la part des historiens, apprécier l’impact de la corvée sur l’économie agraire relève de la gageure. Tout au plus est-il possible d’établir une corrélation entre le régime de corvée et l’intensité relative des manifestations de la croissance agricole. Dans une des régions les plus dynamiques qu’est le Bassin parisien, seuls les fermiers qui possédaient des attelages étaient assujettis à la corvée de harnais. En Normandie le rachat est également présenté comme un facteur de la croissance agricole : « L’on s’appercevra avec satisfaction qu’elle a rendu au commerce et à l’agriculture leur première vigueur, en procurant la liberté d’augmenter le nombre des bestiaux, sans craindre désormais les surcharges137. » Selon Esmangart qui remplaça Fontette en 1775 à l’intendance de Caen, la méthode de son prédécesseur
« a beaucoup contribué aux progrès de l’agriculture dans [l] a généralité, en laissant aux laboureurs la liberté de l’emploi de leur tems, et les rassurant contre la crainte de se voir arracher à leurs travaux dans la saison de l’année où il leur importe le plus de s’en occuper, et d’être forcés à excéder de fatigues leurs attelages dans le tems où ils avoient besoin de ménagement et de repos138 ».
72De fait, la plaine de Caen, pourtant très sollicitée au titre du rachat pour pourvoir à l’entretien de son dense maillage routier, enregistre une augmentation exponentielle de la production. L’exemple de l’Alsace qui connaît une importante croissance agricole, alors même que s’y applique la corvée en travail jusque dans la dernière décennie de l’Ancien Régime, tendrait à montrer que la réquisition en travail n’est pas incompatible avec l’essor de la production139. À l’exception de quelques régions capables de dégager des surplus, où les grandes exploitations peuvent réaliser une réduction de la main-d’œuvre (de l’ordre de 10-15 %) grâce à des gains de productivité, la production agricole dans l’immense majorité du royaume est acquise au prix d’une intensification du travail140. L’accroissement de la quantité de travail nécessaire pour la production des subsistances dans un contexte de pression démographique, contribuerait-elle donc à ébranler le système de la corvée en travail ? La question de la corvée interroge plus largement la mesure du travail effectivement utile à la production agricole. Si toutefois l’on en croit G. Grantham, le travail nécessaire à la production des subsistances peut être estimé à 40 % de la population potentiellement active. Il serait possible de faire sortir 5-10 % de la population active du secteur agricole sans menacer la production de subsistances141. Des réserves importantes de travail rural seraient donc disponibles pour la production de surplus commercialisables mais aussi pour d’autres activités, au nombre desquelles la fourniture d’infrastructures routières.
73Selon les ingénieurs, une des principales faiblesses de la critique développée par les Physiocrates réside dans le fait qu’ils ne considèrent la corvée que comme un coût sans prendre la mesure du bénéfice collectif qu’elle dégage. Or, mesurer le coût de la corvée n’a de sens que rapporté à son rôle dans l’aménagement d’infrastructures routières qui conditionnent, accompagnent ou amplifient la croissance des échanges. Guillaumot se plaint que « tout le monde déclame contre la tyrannie des corvées, et personne ne s’est donné la peine d’en examiner les détails, ni les avantages qui peuvent en résulter142 ». Pour les tenants de la corvée en travail, il s’agit de faire reconnaître à rebours de la dépréciation univoque des Physiocrates, son rôle comme levier essentiel pour l’équipement de routes utiles à l’organisation des débouchés et à l’activation des circulations.
74La querelle suscitée par la corvée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle constitue donc un observatoire privilégié pour interroger les enjeux intellectuels et économiques dont elle fait l’objet. Au cœur d’une tension entre liberté et servitude et d’une réflexion sur la valeur du travail et la réforme de l’impôt, elle se trouve aussi mise en cause pour sa rationalité économique et fiscale. Les Physiocrates, en plaçant la question de son coût et de son utilité au centre du débat, se sont attachés, en exprimant en unités de compte monétaires une réalité qui échappait au cadre marchand, à la rendre commensurable. Par la voix de Du Pont, ils se sont employés à calculer la déperdition de travail productif que la corvée ferait peser sur le circuit économique. C’est pour économiser les forces au profit du développement agricole qu’ils placent aux sources de la richesse que les Physiocrates vont promouvoir le travail salarié qui présente selon eux l’avantage sur la corvée de construire et d’entretenir les infrastructures routières à moindre coût et de meilleure qualité. Le discours physiocratique n’est pourtant pas dénué d’ambiguïté : le travail salarié qu’ils appellent de leurs vœux ne saurait être assuré par les cultivateurs dont ils réclament l’emploi au seul profit de la production agricole. On comprend mieux dès lors l’attention qu’ils portent aux renforts de l’armée. Parce que la corvée articule plusieurs enjeux relatifs à la production agricole et à la question fiscale, elle constitue un élément essentiel dans l’élaboration théorique et la formalisation méthodologique du discours physiocratique. Elle fournit notamment à Du Pont l’occasion de poser les bases du coût d’opportunité : la commutation est justifiée par une évaluation de ce qu’un paysan corvéable pourrait gagner, si au lieu d’être employé gratuitement sur les ateliers routiers, son temps était affecté à une activité salariée et utile à la production agricole. Au-delà de ses enjeux intellectuels et économiques, cette controverse est à apprécier pour sa portée politique. Le débat est un terrain d’affrontement où se joue le choix d’une réforme, à savoir la fiscalisation à la charge des seuls propriétaires contre le rachat optionnel indexé sur la taille ; il engage les termes de la réflexion sur le financement des infrastructures à partir de 1776 en faisant primer l’exigence d’équité sur des considérations relatives à l’incidence économique.
Notes de bas de page
1 Après avoir accompagné le baron de Thiers en qualité d’ingénieur particulier pendant près de deux ans jusqu’au siège de Fribourg, N. Boulanger intégra en 1745 le corps des Ponts et Chaussées et exerça dans plusieurs généralités notamment celle de Châlons. En 1753, il aurait adressé un mémoire sur les corvées à R. Perronet qui, comme collaborateur de l’Encyclopédie, aurait suggéré à Diderot de le publier. Diderot et Boulanger furent-ils mis en relation par Jean-Gabriel Legendre, ingénieur des Ponts et Chaussées comme lui et auteur d’un mémoire sur la corvée (1758) et beau-frère de Sophie Volland ? Rien ne permet toutefois de l’assurer.
2 Le Scène-Desmaisons J., Essai sur les travaux publics, Londres, 1786, p. 10. « On a vu éclore un système nouveau annoncé par des écrits et des dissertations aussi peu exactes sur les faits que sur les principes » (Remontrances du parlement de Paris (4 mars 1776), Vignon E.-J.-M., op. cit.., t. 3, P. J. 127, p. 148).
3 Mémoire sur les corvées, 1785, p. 6.
4 Tifaut de la Noue J., Réflexions philosophiques sur l’impôt, où l’on discute les principes des économistes, et où l’on indique un plan de perception patriotique, Londres, 1775, p. 215.
5 Cf. Goger J.-M., op. cit.., t. 1, p. 252-282. Etner F., Histoire du calcul économique en France, Paris, Economica, 1987, p. 47-sq.
6 Cf. Prochasson C. et Rasmussen A., « Du bon usage de la dispute. Introduction », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 25, 2007, p. 5-12. Espaces publics mosaïques. Acteurs, arènes et rhétoriques des débats publics contemporains, B. François et E. Neveu (éd.), PUR, Rennes, 1999, p. 185-208.
7 Mémoire concernant l’utilité des États Provinciaux, 1750, p. 42-43 : « L’on force en mille manières le pauvre paysan et le laboureur à donner pour rien la sueur et le travail de ses bestiaux. Ici tous les bœufs seront dans les temps même du labour attelés à des charrettes ; ils vont tout suants dans les rivières chercher du gravier et périssent au retour. Là les fermiers sont taxés à des corvées en proportion de leur bail et obligés à faire ramasser des pierres dans leurs champs pour les aller jeter dans le chemin… »
8 Lucien Brocard (Les Doctrines économiques et sociales du marquis de Mirabeau dans l’Ami des hommes, Paris, V. Giard et E. Brière, 1902) n’évoque pas la question de la corvée. Cf. Ripert H., Le Marquis de Mirabeau (l’Ami des hommes), ses théories politiques et économiques, Paris, A. Rousseau, 1901, p. 234-247. Steinhauer A., Le « Parti » physiocratique et la formation de l’opinion publique dans la France pré-révolutionnaire 1756-1776, thèse de doctorat, université Paris I, 1997, p. 243-246.
9 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes, Avignon, 1756, p. 82.
10 Si Paul Meister (Charles Duclos (1704-1772), Genève, Droz, 1956) ne fait aucunement mention aux deux textes que Duclos composa sur les corvées, ils lui sont attribués par les abbés d’Hébrail et La Porte (La France littéraire, 1769-1784, t. 3, p. 65). Ils sont compilés dans ses œuvres éditées en 1821 (p. XXI-XXIV) et cités par Léo Le Bourgo, Un homme de lettres au XVIIIe siècle. Duclos, sa vie et ses œuvres, Bordeaux, 1902, réimp. Sltakine (1971), p. 130-136. Il établit cette attribution sur la base du témoignage de M.-G.-T. Villenave qui édita les œuvres de Duclos et « qui avait en sa possession l’exemplaire de Marmontel qui avait écrit sur la feuille de garde du volume : “par Duclos secrétaire de l’Académie” ». G. Schelle qui édita les œuvres de Turgot estimait pour sa part que ces textes étaient faussement attribués à Duclos (op. cit.., t. 2, p. 33). L. de Loménie (Les Mirabeau, nouvelles études sur la société française au XVIIIe siècle, Paris, 1879, t. 2, p. 206) considérait que ce texte était l’œuvre d’un ingénieur des Ponts et Chaussées. Ni la correspondance littéraire de F.M. Grimm (1762, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, t. IX, 2014, p. 168), ni le compte rendu publié dans l’Année littéraire, (1759, t. VI, p. 120-128) ne permettent d’identifier le contradicteur de Mirabeau.
11 Charles L., « Le cercle de Gournay : usages culturels et pratiques savantes », Le cercle de Vincent de Gournay. Savoirs économiques et pratiques administratives en France au milieu du XVIIIe siècle, Paris, INED, 2011, p. 76.
12 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit.., p. 3 et p. 159.
13 La publication de cette lettre ainsi que celle sur la milice a vocation à promouvoir des vues réformatrices. Cf. Lettre de J.-B. de la Michodière intendant de Lyon à M. de Malesherbes (22 juillet 1759) : « Monsieur, J’ai imaginé d’employer la plume de M. Bourgelat à un ouvrage qui peut être utile à mon métier d’Intendant. Je lui ai fait part de quelques vues et réflexions que j’avais faites, suivant les différentes affaires dans lesquelles j’ai eu à travailler ; elles roulent principalement sur la milice, les corvées et les répartitions des impositions. M. Bourgelat a mis la main à l’œuvre et il a composé un ouvrage qui peut faire une brochure raisonnable, et qui aura pour titre “Réflexions sur la milice et les corvées” […] M. Bourgelat pourra bien donner quelques leçons aux intendants, dont chacun, et moi le premier, seront dans le cas de faire leur profit. Mais il ne s’écartera pas des bienséances et des égards qui peuvent être dus aux gens en place, et cet ouvrage sera sûrement mieux traité qu’un grand nombre de ceux qui ont paru sur les mêmes matières. » Si le premier titre choisi pour la brochure « Réflexions sur la milice et les corvées » est devenu un an plus tard « Lettres pour servir de suite à l’Ami des Hommes », c’est sans doute pour donner à cette brochure une certaine publicité en spéculant sur le succès éditorial de l’ouvrage éponyme de Mirabeau (P. Jeanjot-Emery, « Bourgelat en dehors des écoles vétérinaires », Bulletin de la société française d’histoire de la médecine et des sciences vétérinaires, 2002, p. 12).
14 Bourgelat C., op. cit.., p. 85-86.
15 Pinot Duclos C. ( ?), Réflexions sur la corvée des chemins… op. cit.., p. 43.
16 Quesnay F., Œuvres économiques complètes et autres textes, éd. par C. Théré, L. Charles et J.-C. Perrot, Paris, INED, 2005, t. 2, p. 1385 et p. 1190.
17 Les Voyages en Bretagne du chevalier de Mirabeau 1758-1760, éd. par C. Laurent, J. Floch éd., 1983.
18 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1756), op. cit.., p. 183-184.
19 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit.., p. 45.
20 Les Manuscrits économiques de François Quesnay et du marquis de de Mirabeau aux archives Nationales (M. 778 à M. 785), éd. par G. Weulersse, Paris, P. Geuthner, 1910, p. 49, M 784, no 38. Ce texte est probablement destiné au Contrôleur général Silhouette.
21 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit.., p. 92 et p. 171.
22 Pinot Duclos C. ( ?), Essai sur les ponts et chaussées…, op. cit.., p. 245-247.
23 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit.., p. 195. Quelques pages avant, il considérait néanmoins que le maintien de la corvée « ne fera qu’un vaste cimetière de tout le territoire de l’État » (p 110). Il reprend en cela l’argument déjà développé par François Quesnay dans l’article « Hommes » (1757) composé pour l’Encyclopédie. Il ironise d’ailleurs sur le titre qui aurait pu être choisi pour l’ouvrage de Duclos, « Manière d’encourager les mariages et l’agriculture par le moyen de la corvée » (p. 197).
24 Thélis C.-A. de, Idées proposées au gouvernement sur l’administration des chemins ; suivies d’un détail de ceux qu’il a fait faire à prix d’argent par des soldats et des paysans…, s. l., 1777, p. 7-8.
25 Toustain C. G. de, op. cit.., p. 29 et p. 55.
26 Menon Turbilly L.-F.-H. de, Mémoire sur les défrichements, Paris, Vve d’Houry, 1760, p. 300. Thelis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, s. l. 1771, p. 15.
27 Quesnay dans la troisième édition du Tableau économique (1759) considérait de la même façon qu’il fallait graduer l’investissement dans les infrastructures de transport sauf à hypothéquer gravement l’enrichissement du royaume.
28 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit.., p. 94.
29 Mirabeau V. Riquetti marquis de, L’Ami des hommes (1756), op. cit.., p. 56.
30 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit.., p. 106.
31 Pinot Duclos C. ( ?), Essai sur les ponts et chaussées…, op. cit.., p. 209-210. On retrouvera le même argument dans l’ouvrage de 1762 (p. 55, p. 62-63, p. 76-77…).
32 Pinot Duclos C. ( ?), Réflexions sur la corvée des chemins…, op. cit.., p. 78-86 et p. 87-93.
33 Pinot Duclos C. ( ?), Réflexions sur la corvée des chemins…, op. cit.., p. 3-4.
34 Gazette d’agriculture, 27 octobre 1767, p. 851a-b et 9 janvier 1768, p. 21a-22a.
35 Journal de l’agriculture, de commerce et des finances, décembre 1767, p. 28-64.
36 Journal économique, février 1770, p. 65.
37 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins, Paris-Pékin, 1767 et « De l’Administration des chemins », Éphémérides du citoyen, 1767, t. V, p. 135-213. En 1768 ce texte fit l’objet d’un compte rendu assez louangeur dans le Journal économique (p. 306-311). Des passages sont également repris dans le recueil Physiocratie ou constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain (1768) édité par Du Pont et qui compilait les textes majeurs de Quesnay. Quelques années auparavant, Du Pont avait présenté à Choiseul un mémoire où il proposait d’établir la liberté du commerce et de supprimer les aides, les gabelles, les milices et les corvées (Weulersse g., Le Mouvement physiocratique en France de 1756 à 1770, Paris-La Haye, Mouton-Johnson, 1968, 2 vol. ; 1re éd., Alcan, 1910, p. 87 et Schelle G., Dupont de Nemours et l’école physiocratique, Paris, Guillaumin, 1888, p. 8-9). Cf. McLain J.J., The Economic writings of Du Pont de Nemours, Newark, University of Delaware Press, 1977, p. 113-117. Saricks A., Pierre Samuel Du Pont de Nemours, Lawrence, University of Kansas Press, 1965.
38 Ami de Perronet, il suivit en 1765 Legendre quand ce dernier fut nommé inspecteur de la généralité de Caen et devint ingénieur en chef pour les Ponts et Chaussées et les ports maritimes. À ce poste, il se lia d’amitié avec Fontette.
39 Ce n’est que dans sa deuxième lettre qu’il lève quelque peu le voile sur les liens qu’il entretient avec M. N***. Présenté comme un ami de l’intendant, ce dernier aurait composé des lettres que Viallet n’a pas pu se procurer : « Nous y avons suppléé par des Notes que nous a fournies un de ses amis, lequel nous a paru lui-même très versé dans les matières qui sont l’objet de la lettre que nous donnons aujourd’hui au public » Deuxième lettre à M. N***, ingénieur des Ponts et Chaussées sur l’administration des chemins, Paris, 1770, p. 3). Cet ingénieur aurait par ailleurs composé un Projet d’ordonnance, en forme d’instruction, sur le fait des corvées publique dans lequel il s’est livré à une comparaison des différents usages pratiqués dans le royaume (Viallet (1770), p. 43). Nous n’avons pas trouvé trace d’un certain Nepveux que J.-M. Goger identifie comme étant l’ingénieur N*** (op. cit.., p. 260).
40 « Lettre à M. N*** ingénieur des ponts et Chaussées, sur l’ouvrage de M. Du Pont, qui a pour titre, de l’Administration des Chemins », Éphémérides du Citoyen, ou Chronique de l’esprit national, 1769, t. VIII, p. 91-135. « Analyse critique de la “Deuxième lettre à M. N*** sur l’administration des chemins” ». Cf. Sauvy A., op. cit.., p. 203. Perrot J.-C., Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle, Lille, Service de reproduction des thèses de l’université, p. 286-287.
41 Guillaumot C.-A., op. cit.., p. 92.
42 Viallet s’y félicite notamment que l’ingénieur N*** se soit finalement rallié au rachat de la corvée en travail.
43 Du Pont P.-S, « Deuxième lettre à M. N*** ingénieur des Ponts et Chaussées sur l’administration des chemins », Éphémérides du citoyen, 1771, t. IV, p. 72-115.
44 Correspondance inédite de Condorcet et de Turgot, éd. par Ch. Henry, Genève, Slatkine reprints, 1970.
45 « J’ai vu, mon cher Dupont, une lettre dans le Journal du Commerce, dans laquelle un zélateur de M. de Fontette s’attache à prouver contre vous que sa manière de répartir l’imposition qui supplée à la corvée vaut mieux que la mienne. J’ai à ce sujet une chose à vous demander, c’est de ne point répondre à cette lettre. J’aime beaucoup mieux laisser dire que mon système est le moins bon que d’avoir une querelle avec un de mes confrères » (Lettre de Turgot à Dupont (22 octobre 1767), Œuvres de Turgot, op. cit.., t. 2, p. 675). Dupont ne tint aucun compte de l’avertissement de Turgot, qui ne cachait pas son agacement : « J’ai encore une autre observation à vous faire sur l’article de votre journal où vous avez inséré ma note. Je vous avais bien prié de ne plus disputer sur ma méthode et celle de M. Fontette. Ne voyez-vous pas que puisque l’on a entamé cette dispute sur un ton très léger que vous en aviez dit à mon grand regret, l’amour-propre de M. de Fontette a été choqué de la préférence et que, par conséquence, cette dispute en se prolongeant ne peut que l’aigrir contre moi plus encore que contre vous » (Lettre de Turgot à Dupont (17 octobre 1769), Œuvres de Turgot, op. cit.., t. 3, p. 66).
46 La correspondance administrative conservée aux A.N. sous la cote H2 2117 atteste de son action dans la mise en œuvre de la corvée.
47 Baudeau N., Mémoire sur les corvées, servant de réplique à leurs apologistes, s. l., 1775.
48 « Essais de réforme dans l’administration des chemins », Éphémérides du citoyen ou Bibliothèque raisonnée des sciences morales et politiques, 1767, t. V, p. 131-133.
49 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins …, op. cit.., p. 60-61.
50 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins …, op. cit.., p. 68.
51 « Lettre à M. Dupont, des sociétés royales d’agriculture de Soissons et d’Orléans », Journal de l’agriculture, du commerce et des finances, 1767, p. 180-191.
52 Du Pont P.-S, « Deuxième lettre à M. N*** », art. cit., p. 114-115.
53 Thélis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, s. l., 1771.
54 L’abbé Roubaud rend compte de cet livre de façon très louangeuse dans le dixième volume du Journal de l’Agriculture en 1772. M. de Poncins cite aussi l’exemple du comte de Thélis qui, vers 1778, a fait construire par un corps de soldats, de pionniers et d’orphelins la route de Montbrison à Feurs, en trois mois et à beaucoup meilleur marché que par corvée (Le Grand œuvre de l’agriculture, 1779, p. 165).
55 Id., Idées proposées au gouvernement sur l’administration des chemins…, op. cit.., p. 9.
56 Cf. F. Etner F., Histoire du calcul économique en France, Paris, Economica, 1987. Johannisson K., « Society in numbers: The debate over Quantification in 18th century Political Economy », The Quantifying Spirit in the Eighteenth Century, T. Frängsmyr, J. L. Heilbron and R. E. Rider. ed., Berkeley, Oxford, University of California Press, 1990, p. 343-361.
57 Perrot J.-C., Pour une histoire intellectuelle de l’économie politique, Paris, éd. EHESS, 1992, p 19.
58 Cf. Larrère C., « L’arithmétique des Physiocrates : la mesure de l’évidence », Histoire et Mesure, 1992, 7 (1-2), p. 5-24.
59 Cf. Durand J., « Rhétorique du nombre », Communications, 1970, 16, p. 125-132.
60 Ainsi dans le mémoire composé par la société royale d’agriculture de la généralité de La Rochelle en 1763 pour demander la suppression de jours chômés, les revenus du colon aunisien qui sert de support à l’argumentation sont amputés non seulement des dimanches, des fêtes religieuses, des jours de maladie, mais aussi de « dix jours de corvée ordinaires pour la réparation des grands chemins sans y comprendre les corvées extraordinaires » (en temps de guerre). Au final il pouvait compter tout au plus sur 245 journées de travail (Morineau M., « Budgets populaires en France au XVIIIe siècle », Pour une histoire économique vraie, Lille, PUL, 1985, p. 214-215).
61 Viallet G., Lettre à M. N***…, op. cit.., p. 3.
62 Cf. Conan J., « Les débuts de l’école physiocratique. Un faux départ : l’échec de la réforme fiscale », RHES, 1958, p. 45-63. Delmas B., « Les Physiocrates, Turgot et le “grand secret de la science fiscale” », RHMC, avril-juin 2009, 56 (2), p. 79-103. Einaudi L., « The Physiocratic Theory of taxation », in Essays in honor of G. Cassel, London, Allen and Unwin, 1933, p. 129-142. Harsin P., « La théorie fiscale des Physiocrates », RHES, 1958, vol. 36, p. 7-17. Tsoufildis L., « The Physiocratic Theory of tax incidence », Scottish Journal of Political Economy, 1988, 36, (3), p. 301-310.
63 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760) op. cit.., p. 27, p. 37 et p. 206.
64 Thelis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit.., p. 13.
65 L’ingénieur Guillaumot s’en prend à ce genre de procédé : « L’Épisode de M. de Saint-Lambert contre les corvées, est un tableau romanesque, capable d’exciter la révolte dans les campagnes, comme le dit très bien M. Linguat [Linguet], dans ses lettres sur la Théorie des Loix, si des paysans pouvoient lire ce poème » (Guillaumot C.-A., op. cit.., p. 82).
66 « Je n’entrerai point ici dans le détail des vexations, des injustices, des violences inhumaines, qui rendent la condition des corvoyeurs pire que celle des esclaves et des galériens », « Réflexions d’un simple laboureur, sur la lettre de M. l’Abbé Roubaud à M. de Voltaire », insérée dans le Mercure d’octobre 1769, Journal économique, février 1770, p. 65.
67 En 1756, le parlement de Toulouse évoque dans ses remontrances le sort de corvéables « traités plus impitoyablement que des forçats » (Vignon E.-J.-M., op. cit.., t. 3, P. J. 38, p. 24-25). Les remontrances du parlement de Caen (10 mai 1758) condamnent la corvée assimilée au « travail d’esclaves qui met la condition des hommes au-dessous de celle des animaux domestiques, qu’on nourrit au moins pour les services qu’on en tire » (Vignon E.-J.-M., op. cit.., t. 3, P.J. 65, p. 48).
68 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins …, op. cit., Note, p. 16.
69 Isnard A.-N., Traité des richesses, 1781, Londres-Lausanne, F. Grasset, vol. 1, p. 117.
70 Grivel G., « Corvée », art. cit., p. 691.
71 Condorcet J.-A.-N. Caritat, marquis de, « Réflexions sur les corvées » (1775), Œuvres, Brunswick (Vieweg) et Paris (Heinrichs), 1804, t. XIX, p. 101-137.
72 Isnard A.-N., op. cit., vol. 1, p. 118-119.
73 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit., p. 85.
74 Thélis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit., p. 15.
75 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit., p. 146. Grivel G., « Corvée », art. cit., p. 692.
76 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit., p. 108.
77 Bourgelat C., op. cit., p. 30.
78 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins …, op. cit., p. 24.
79 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 102.
80 Grivel G., « Corvée », art. cit., p. 696.
81 Mémoire sur la conduite du travail par corvées (1737), p. 3
82 À la fin du siècle la proportion est toujours la même : « que chaque corvéable n’ait pas plus de journées de travail, en observant que ces journées doivent être estimées à un tiers de moins que celles que l’on fait faire à prix d’argent ce qui doit revenir à huit jours » (A.D. Haute-Vienne C 296, Chaumont de la Millière, Mémoire sur les corvées, 1782).
83 « Tel soin que l’on puisse se donner pour bien conduire les corvées, l’on sait, en général, d’l’expérience, que l’on ne peut guère évaluer la journée de corvée, pour le progrès de l’ouvrage, qu’à la moitié ou même au tiers de celle que l’on ferait à prix d’argent » (Mémoire sur les corvées pour la construction des chemins, Vignon E.-J.-M., op. ci., t. 3, P.J. 24, p. 16).
84 Thélis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit., p.
85 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins…, op. cit., p. 66
86 Ibid., op. cit., p. 64-65.
87 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 130-131
88 Condorcet J.-A.-N. Caritat, marquis de, Bénissons le ministre…, 1775, p. 5
89 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 111
90 Baudeau N., Mémoire sur les corvées, op. cit., p. 8
91 Correspondance inédite de Condorcet et de Turgot, éd. par Ch. Henry, Genève, Slatkine reprints, CXLVIII (1774), p. 198.
92 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit., p. 81
93 Ibid., p. 214.
94 Thélis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit, p. 16
95 Bourgelat C., op. cit., p. 32.
96 Baudeau N., Mémoire sur les corvées, op. cit., p. 14.
97 Pinot Duclos C. ( ?), Réflexions sur la corvée des chemins…, op. cit., p. 181 et 184.
98 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins…, op. cit., p. 156.
99 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 103-106.
100 Thélis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit., p. 16-17.
101 Baudeau N., Mémoire sur les corvées, op. cit., p. 30.
102 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 96.
103 Du Pont, P.-S., loc. cit.
104 Guillaumot C.-A., op. cit., p. 21.
105 Thélis C.-A., Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit., p. 16.
106 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 96-97.
107 Thélis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit., p. 17.
108 Mirabeau V. Riquetti de, L’Ami des hommes (1760), op. cit., p. 81.
109 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins … op. cit., p. 697.
110 « Observations d’un habitant corvoyable de l’élection d’Avranches, sur la manière dont se font les corvées pour les grands chemins dans la généralité de Caen », Journal d’agriculture (décembre 1767), p. 33.
111 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 107-109.
112 Ibid., p. 101.
113 On retrouve ces trois labours pour les blés nota dans le Traité de la culture des terres de Duhamel du Monceau (1754, t. III, p. XLIV).
114 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., note p. 100-101.
115 Ibid., p. 107. Thélis reprit les bases de calcul de Dupont : « la corvée prive la terre de douze jours de travail par chaque charrue, pendant lesquels le Laboureur eût confié à sa fécondité de quoi rapporter au moins 24 septiers de bled dont le produit est perdu pour le propriétaire, l’État et lui » (Thélis C.-A. de, Idées d’un citoyen sur les chemins, op. cit., p. 16).
116 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins …, op. cit., p. 30.
117 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins … op. cit., p. 27-29. Ce pourcentage exorbitant sera repris tel quel par Grivel dans l’article « corvée » qu’il compose pour l’Encyclopédie méthodique (op. cit., p. 697).
118 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la Lettre à M. N***… », art. cit., p. 103.
119 Ibid., p. 112.
120 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins … op. cit., p. 48-49.
121 Du Pont P.-S., De l’Administration des chemins … op. cit., p. 58 (note) et p. 29.
122 Pinot Duclos C. ( ?), Essai sur les ponts et chaussées…, op. cit., p. 109.
123 Guillaumot C.-A., op. cit., p. 80.
124 Ibid., p. 86.
125 Pinot Duclos C. ( ?), Réflexions sur la corvée des chemins… op. cit., p. 81-93 et p. 275-281.
126 Viallet G., Deuxième lettre à M. N***…, op. cit., p. 40-41.
127 Guillaumot C.-A., op. cit., p. 109.
128 Vialet G., Deuxième lettre à M. N***…, op. cit., p. 41.
129 Ibid., p. 40, et Guillaumot C.-A., op. cit., p. 96-114.
130 Guillaumot C.-A., op. cit., p. 43-45.
131 Viallet G., Lettre à M. N***…, op. cit., p. 1.
132 Viallet G., Deuxième lettre à M. N***…, op. cit., p. 32.
133 Du Pont P.-S., « Analyse critique de la lettre à M. N.***… », art. cit., p. 114.
134 Viallet G., Deuxième lettre à M. N***…, op. cit., p. 33-34.
135 Guillaumot C.-A., op. cit., p. 107
136 Viallet G., Deuxième lettre à M. N***…, op. cit., p. 34.
137 A.D. Calvados C 3372, Mémoire concernant la manutention des corvées dans la généralité de Caen (1762 ?), p. 24.
138 A.D. Calvados C 3375. Lettre de M. Esmangart (23 juin 1776).
139 Werner R., Les Ponts et Chaussées d’Alsace, op. cit., p. 70-71. Un nouveau mode de répartition est adopté dans les années 1770 pour moduler les exigences en travail en fonction du nombre des chevaux recensés dans les communautés et de la distance de celle-ci par rapport aux routes.
140 Cf. Béaur G., Histoire agraire de la France au XVIIIe siècle, Paris, Sedes, 2000.
141 Cf. Grantham George W., « The growth of Labour productivity in the production of wheat in the Cinq Grosses fermes of France 1750-1929 », Land, Labour and Livestock: Historical Studies European Agricultural productivity, B.M. Capbell et M. Overton (dir.), Manchester, MUP, 1991, p. 340-363. Id, « Division of Labour : Agricultural productivity and Occupation Specialization in Pre-Industrial France », Economic History Review, 1993, 46 (3), p. 478-502.
142 Guillaumot C.-A., op. cit., p. 35.
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