Chapitre V. Les comptes de la corvée
p. 161-191
Texte intégral
1En privilégiant les aspects strictement politiques et institutionnels, l’historiographie de la corvée a laissé de côté la dimension gestionnaire de son administration. Cette attention aux supports qui sous-tendent l’administration de la corvée est largement redevable à la réflexion sociologique sur les « outils de gouvernement » et les « dispositifs de gestion » qui a connu au cours de ces dernières années un évident regain d’intérêt dans les sciences sociales1. On a vu qu’avec l’institutionnalisation de la corvée au cours des années 1740-1750 s’opère une vaste collecte d’informations chiffrées : comme pour tout impôt, la monarchie avait fait inventorier localement les ressources en travail et mesurer les distances de réquisition. Les ingénieurs se livrèrent à de minutieux calculs pour calibrer les tâches imposées aux communautés corvéables. Réfléchir aux effets d’apprentissage et aux outils cognitifs à partir desquels l’administration de la corvée se fabrique, implique de s’intéresser non seulement aux procédures et aux instruments qui constituent des éléments de décision et qui participent puissamment à son organisation, mais aussi aux critères d’évaluation de l’action politique2. Compléments indispensables d’une correspondance pléthorique, toute une série d’outils de gestion se mettent progressivement en place pour apprécier l’utilité de la corvée et le suivi des travaux. Cette composante gestionnaire de la corvée représente une dimension fondamentale de la rationalisation de son administration dans le cadre de la réquisition en travail, et plus encore avec l’introduction des premières expérimentations de rachat. S’imposent alors des pratiques comptables ouvrant la voie à de nouvelles formes d’agrégation de données chiffrées. Cela confirme, s’il en était besoin, la pertinence de l’analyse des outils administratifs pour identifier les dynamiques institutionnelles. Ces dispositifs de gestion reflètent de nouvelles pratiques bureaucratiques en même temps qu’ils constituent un puissant facteur de leurs transformations.
2En interrogeant dans un même mouvement la mesure comme pratique administrative et comme corpus, comme convention et comme objet, il s’agit de penser à la fois ce qui est administré et les outils par lesquels se construisent cette gestion et les usages qui en sont faits. Les outils qui vont progressivement sous-tendre l’administration de la corvée permettent, en mettant à distance les discours idéologiques sur la corvée, d’étudier les critères d’appréciation retenus à l’époque par l’administration des Ponts et Chaussées pour mesurer l’efficacité de la réquisition de travail, et de comprendre à quelles conditions il est possible de les utiliser pour proposer des mesures de l’effort consenti au regard des moyens mis en œuvre. Cela suppose de créditer les données consignées d’une certaine véracité, même si, par exemple, une mention sur les pratiques administratives en Bourgogne a de quoi éveiller une certaine suspicion :
« Il étoit difficile avant les deux années dernières de parvenir à cette connoissance avec quelque exactitude, depuis plus de 25 ans on s’étoit fait donner par les directeurs des chemins, des états du travail des corvées, mais comme on ne pouvoit pas les vérifier bien exactement, les directeurs qui vouloient persuader qu’ils faisaient beaucoup de besogne augmentoient pour la plupart ces états ou du moins ils donnoient comme un ouvrage fait tant celui qui avoit été distribué aux communautés quoi qu’elles en fis [s]ent toujours beaucoup moins qu’il n’en étoit marqué dans les ordres qu’on leur donnait3. »
3Vignon désespérait de « rendre un compte exact, soit de la dépense effective correspondante au travail de la corvée, soit de la valeur réelle des ouvrages produits par ce travail4 ». Cependant, considérer que la mesure de la corvée est difficile ne signifie pas qu’elle ne doit pas être tentée. Apprécier son utilité, c’est aussi prendre en compte la part de l’approximation, et se résoudre à proposer des éclairages locaux et circonstanciels.
4Pour mesurer l’intérêt financier que représentait la corvée pour la monarchie, il est nécessaire d’abord de présenter les outils comptables qui permettent de l’apprécier, en les resituant dans la chronologie de leur apparition, dans les configurations administratives où ils s’inscrivent, et par rapport aux finalités qui leur sont assignées. À partir de ces documents qui renvoient à un ordre comptable distinct de celui adopté par la Trésorerie générale des Ponts et Chaussées, il importera de montrer dans quelle mesure ils rendent possible une appréciation du coût d’administration de la corvée en travail et une appréciation des ouvrages de corvée à partir des critères qu’ils intègrent.
Écritures administratives et procédures comptables
5La gestion de la corvée va s’appuyer sur des procédures dont il convient de saisir les conditions d’apparition, de scruter les usages et d’analyser les transformations. À partir des années 1760, à mesure que se rodent les mécanismes administratifs de la corvée va se systématiser toute une série d’outils de gestion. Nous avons déjà signalé la diffusion des états de défaillants ou encore des listes alphabétiques de communautés corvéables. Les pièces comptables destinées à contrôler les dépenses d’organisation et les ouvrages réalisés participent de cette inflation d’écritures administratives dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Éclairer les logiques de leur émergence et les modalités de leur diffusion permet de comprendre la place qu’elles tiennent dans l’administration de la corvée. La composition formelle de ces artefacts et les circuits administratifs qu’ils empruntent renseignent également sur les objectifs que les acteurs assignaient au contrôle des ouvrages de corvée.
6Ces outils de gestion sont d’abord à resituer dans l’architecture générale de la comptabilité des Ponts et Chaussées qui répond à une double exigence de reddition des comptes et de prévision budgétaire5. La politique routière décidée par la monarchie à partir des premières décennies du XVIIIe siècle, et l’augmentation corrélative des dépenses pour le versement des salaires des personnels et le paiement des entrepreneurs, imposent un contrôle plus étroit de l’emploi des fonds et une nécessaire rationalisation de gestion. Comme pour les ouvrages à prix d’argent, l’administration des travaux de corvée ressort de deux ordres comptables. Les archives révèlent en effet une partition entre les dépenses engagées pour l’organisation et l’encadrement du travail ainsi que la fourniture des outils d’une part, et l’emploi des forces corvéables d’autre part. La commutation de la corvée n’aura à cet égard aucun impact sur ce mode de gestion, les fonds du rachat et la dotation des Ponts et Chaussées relevant de deux circuits financiers distincts. Ce clivage comptable va perdurer après l’instauration de la contribution représentative en 1786 : seules les dépenses correspondant aux travaux proprement dits étaient couvertes par les fonds de la nouvelle imposition. Une semblable dichotomie prévalait dans les pays d’états alors même qu’ils jouissaient d’une relative autonomie en matière de financement des infrastructures.
Les dépenses de fonctionnement
7Si la corvée permet de s’assurer une main-d’œuvre gratuite, sa mise au travail présente toutefois un coût. Ces dépenses qui portent sur la rémunération des conducteurs et des piqueurs préposés à l’encadrement, et les frais liés à la fourniture et à l’entretien des outils, sont financées sur la dotation versée par le Contrôle général au titre des Ponts et Chaussées.
8Les fonds affectés aux appointements et aux salaires des agents des Ponts et Chaussées rémunéraient un travail qui ne concernait pas exclusivement les ouvrages de corvée. Les inspecteurs, les ingénieurs, voire les élèves de l’école se consacraient prioritairement aux infrastructures routières, leur action en matière de navigation fluviale ou d’aménagements portuaires dans les zones littorales restant assez limitée avant les années 1770. Une part significative de leur travail administratif portait également sur les ouvrages d’art (pavé et ponts) réalisés à prix d’argent. De la même façon, les conducteurs et les piqueurs dont la monarchie prenait en charge la rémunération sur la dotation des Ponts et Chaussées ne consacraient pas tout leur temps de service à l’encadrement et à la surveillance des ateliers de corvée. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit là de leur occupation principale, même si les piqueurs pouvaient être employés à des tâches annexes (nivellement, sondage de ruisseaux, recherche de matériaux …) et les conducteurs aidaient au toisé. S’y ajoutent les salaires consentis à des ouvriers occasionnels employés à la journée pour tracer les alignements et tendre des chaînes dans le cadre de la levée des plans. Le coût imputable à la corvée, et qui n’est d’ailleurs pas explicité comme tel dans les états de la dépense, se trouve donc amalgamé avec toute une série de frais engagés en amont du travail de corvée lors de la phase préparatoire du chantier routier.
9Alors que les rémunérations et les gratifications accordées aux ingénieurs en chef figurent dans un décompte particulier, les salaires des agents subalternes du corps des Ponts et Chaussées fait l’objet d’un relevé comptable distinct prévu dès l’institutionnalisation de la corvée en 1738 :
« Il sera envoyé au mois de janvier de chaque année, par Messieurs les intendans, un estat des sous-inspecteurs, sous-ingénieurs, inspecteurs particuliers, ou conducteurs en chef, qui auront présidé sur chaque route l’année précédente, avec le nombre de picqueurs qu’ils auront employez et le montant des salaires qu’il auront gagnez par leur exercice effectif ; lequel estat contiendra au surplus, les nom, surnom, demeure et profession desdits employez, et l’ancienneté de leur service dans les ponts et chaussées6. »
10Ce n’est toutefois qu’à compter de 1757 qu’apparaissent ces premiers états de dépenses, à l’occasion d’un changement des pratiques comptables dans l’administration des Ponts et Chaussées. L’arrêt du conseil du 31 mai 1757 prescrivait en effet d’établir un état distinct pour les appointements des conducteurs et des piqueurs. Avant 1757 cette dépense ne faisait pas l’objet d’un chapitre distinct. Dans la plupart des généralités, les salaires de ces employés préposés à l’encadrement des chantiers de corvée étaient versés à un adjudicataire qui se chargeait ensuite de les rémunérer. À partir de la réforme comptable de 1757, les états de dépense vont progressivement s’imposer dans les usages administratifs comme en atteste la généralisation des formulaires imprimés à compléter. Alors que le premier état de la dépense (1762) conservé dans la généralité de Tours est manuscrit, dès l’année suivante il est réalisé à partir d’un canevas typographié ; la transition s’opère en 1770 dans la généralité d’Alençon7. Il semble qu’un arrêt de règlement ait même eu vocation à uniformiser les pratiques bureaucratiques, mais il n’a pas été possible de le retrouver8.
11La fonction de ces documents se révèle à travers leur circulation entre le département central des Ponts et Chaussées et les échelons de l’administration locale. Un état préliminaire des dépenses devait être adressé dans le courant du mois de novembre à l’intendant des finances en charge au sein du gouvernement de la politique routière, afin de préparer l’exercice comptable de l’année suivante. En fin d’exercice, il incombait à l’ingénieur en chef de dresser un état de la dépense ou état des paiements, qui sous des intitulés parfois variables selon les circonscriptions, détaillait les débours engagés par le travail des agents employés sur les routes, la fourniture et l’entretien des outils et d’autres dépenses (loyers de magasins pour entreposer les outils, sommations…). Y sont énumérés par route d’affectation, les noms et les fonctions des conducteurs et des piqueurs préposés à l’encadrement des ateliers de corvée, ainsi que la durée de leur service et le montant de leur salaire. Arrêté et contresigné par l’intendant, cet état de la dépense était affecté d’un numéro d’article renvoyant au volet « Dépenses » de l’État au vrai établi en fin d’exercice. Dans la généralité de Bordeaux la dépense pour les salaires des conducteurs et des piqueurs figurait ainsi à l’article 16 en 1764 et à l’article 21 l’année suivante9. La correspondance administrative confirme par ailleurs l’attention que prête le département des Ponts et Chaussées à ce poste de dépense. Dans les observations que Trudaine de Montigny prit l’habitude d’adresser à l’ingénieur en chef de chaque généralité sur l’avancement des ouvrages adjugés et l’emploi des fonds, il pouvait être brièvement question, généralement en fin de missive, du coût de l’encadrement des chantiers de corvée et des travaux réalisés.
L’investissement routier
12Les dépenses d’investissement font l’objet de comptes distincts des frais engagés pour la rémunération des agents préposés à l’encadrement du travail des communautés corvéables. Des états prévisionnels (État des ouvrages proposés à achever ou à continuer… par corvée ou… État général des ouvrages à faire par corvée sur les grandes routes et communication de la généralité de…) ont vocation à organiser le travail à réaliser. Établis en fin d’exercice, les états de situation, qui font partie des pratiques courantes de contrôle des ouvrages adjugés, présentent l’ensemble des ressources mises en œuvre et la façon dont elles ont été employées. Dès 1738, le Contrôle général avait explicitement formulé son besoin de disposer d’informations indispensables à la planification de la politique routière :
« Il sera envoyé chaque année, et au plus tard dans le cours du mois de novembre, un bref estat de situation des ouvrages faits la campagne précédente, tant à prix d’argent, que par corvée ; lequel estat sera joint à celuy des ouvrages proposez pour l’année suivante, avec les plans, devis, détails estimatifs10. »
13Ces états de situation sont conçus comme des instruments de connaissance et de cadrage en vue de l’orientation future des travaux. Or, autant les documents prescriptifs de répartition du travail, autrement appelés « états de distribution », sont nombreux, autant les états de situation qui rendent compte des ouvrages de corvée sont quasiment inexistants avant les années 1760. Les évaluations qui ont pu être produites localement et ponctuellement pour chiffrer la dépense des ouvrages de corvée s’ils devaient être exécutés par adjudication, supposent toutefois que des bilans aient été réalisés.
14L’introduction progressive de ces états de situation, marquée par une chronologie différenciée selon les circonscriptions, montre que la corvée obéit de plus en plus à des critères d’utilité. Dans la généralité de Riom où perdure le régime de la corvée en travail, c’est à partir de 1760 que pour chaque route sont établis non seulement des « états de distribution » et des listes de défaillants, mais aussi des « états de l’entretien » ou « états de la situation11 ». C’est dans les années 1750 qu’en Franche-Comté, les ingénieurs commencent à dresser chacun dans leur département un état de situation des nouveaux travaux de corvée12. Pour la généralité de Bordeaux, Vignon signale un bilan récapitulatif en 176813. Si l’original de ce tableau n’a pas pu être retrouvé, les principales informations qu’il contenait ont été retranscrites : y sont indiqués le nombre des forces corvéables (communautés concernées, journaliers sujets à la réquisition et bêtes de trait), le nombre de conducteurs et de piqueurs préposés à l’encadrement des chantiers, et la longueur des travaux routiers. Les pays d’élections qui relèvent de la compétence de l’administration des Ponts et Chaussées ne sont pas les seuls concernés. En Bretagne, où la corvée est indexée sur l’impôt, son administration donne lieu précocement à une connaissance chiffrée et formalisée. À partir de 1765, les États de Bretagne disposent d’états de situation établis par « département » des différents ingénieurs de la province, qui indiquent pour chacune des paroisses de leur ressort, le nom du syndic, l’éloignement par rapport à la ligne de route, le montant de la capitation, la longueur de la tâche et la réalisation des travaux14. En Bourgogne, les ingénieurs sont également sommés en 1768 de remettre à la chambre « un état de situation des routes contenant le nombre de corvéables, la quantité de voitures et le total de l’ouvrage fait sur chaque route », et d’envoyer avant le mois d’octobre « l’état détaillé des ouvrages qui auront été faits […] par chaque communauté avec la récapitulation générale15 ».
15Des états de situation semblent également avoir été réalisés dans plusieurs généralités au cours des années 1765-1766 pour chiffrer la dépense à engager si les ouvrages de corvée devaient être adjugés. Dans la généralité d’Alençon, l’ingénieur en chef fit ainsi procéder à un état des routes au premier janvier 1766 (« à l’entretien », « ébauchées » et « en terrain naturel non travaillé »), et un état des travaux réalisés au cours de l’exercice 176516. Seuls les états de trois départements sont conservés. De part et d’autre des informations relatives à la route (longueur, ouvrages d’art, répartition des financements respectifs entre les Ponts et Chaussées et les villes…) figurent à gauche des évaluations relatives aux forces mises en œuvre (nombre de communautés, d’hommes et de bêtes) ainsi que des précisions concernant la hiérarchie de l’encadrement des chantiers (noms du sous-ingénieur, des conducteurs et des piqueurs), et à droite des informations chiffrées sur les travaux exécutés.
16De tels états chiffrés apparaissent de façon régulière dans les généralités qui optent pour la corvée en argent et pour l’adjudication des travaux routiers. Pour la généralité de Caen, c’est à partir de 1758 qu’un état estimatif des ouvrages faits par corvées… organisé par route et structuré en deux parties (« Nouveaux ouvrages » et « entretien »), estime pour chaque paroisse la quantité de travail exigée (nombre de toises cubes à transporter et nombre de toises de chaussées à empierrer ou à entretenir), la distance entre l’atelier et le lieu d’approvisionnement des matériaux, et le prix des ouvrages en argent17. Une récapitulation générale des ouvrages réalisés clôt chacun de ces trois états. Au cours des trois exercices, la nomenclature de ce décompte final ne cesse de s’étoffer et de se préciser : à partir de 1759 les ouvrages sont répartis par types d’intervention (terrasses, voiture de déblais, empierrement, réparation…). En 1760, les types de matériaux (terres, pierre, pavés, sable) sont à leur tour détaillés. Cet état s’inscrit dans un ensemble documentaire plus large qui sous-tend l’introduction du rachat dans la généralité. L’état général des tâches (1758-1760) semble aussi être originellement un état de distribution des tâches, avec la mention des dates auxquelles ont été délivrés les certificats d’acompte et de réception18. Ce n’est qu’à partir de 1768 qu’apparaissent les premiers tableaux manuscrits qui compilent toute une série d’informations chiffrées dans une récapitulation générale, tant du nombre de communautés employées sur différentes routes de la généralité de Caen… que le montant de leurs tâches19. Ces documents, dressés jusqu’en 1773, précisent pour chaque entrepreneur, les tronçons de route qui leur ont été adjugés, le nombre de communautés concernées par leur financement et le montant des tâches. À travers cette logique gestionnaire se jouent de nouvelles exigences d’efficience et d’économie qui doivent permettre de rationaliser l’emploi des fonds. Au cours des décennies suivantes ces dispositifs de gestion vont progressivement se généraliser dans les pays d’élections sous l’intitulé d’état et appréciation des ouvrages faits par corvée. Ce n’est toutefois que dans les années 1780 qu’ils vont se systématiser dans les autres circonscriptions à mesure que le rachat gagne de nouvelles circonscriptions après 1776, et contribuer puissamment à standardiser les pratiques administratives20.
17À mesure qu’ils se généralisent, ces documents comptables de la corvée vont faire l’objet d’une normalisation progressive. Ils empruntent aux dispositifs de gestion déjà en vigueur pour les ouvrages à prix d’argent, des matrices et des catégories qui président à l’emploi des fonds alloués par l’administration des Ponts et Chaussées. Ces états, qui de plus en plus prennent la forme de recueils pré-imprimés complétés par l’ingénieur en chef de la généralité à partir des informations transmises par ses subalternes, contribuent puissamment à cette standardisation documentaire. Dans la généralité de Caen, l’état général des tâches (1760-1762) se présente sous la forme de rubriques à renseigner21. En Bretagne, les états de situation sont également composés, à compter de 1773, à partir de formulaires imprimés prêts à être complétés. Malgré les spécificités locales de la corvée, le canevas des nomenclatures tend à se stabiliser et à s’unifier, quitte à se préciser au fil du temps. Ces évolutions formelles ont moins vocation à comparer les résultats de la corvée entre les différentes circonscriptions, qu’à construire un espace de commune mesure quel que soit le régime de corvée en vigueur. Ces dispositifs participent par ailleurs de la mise en place d’automatismes de gestion, qui deviennent possibles à partir du moment où l’administration dispose de données à peu près stabilisées (nombre de communautés corvéables, cotes d’imposition…). Même dans les circonscriptions où l’introduction de formulaires imprimés est plus tardive, les écritures manuscrites peuvent permettre cette simple mise à jour. Dans la généralité de Riom, ces états de situation pour les travaux d’entretien reproduisent inlassablement le nom des paroisses et la longueur de leur tâche ; seule la dernière colonne était à compléter au cours des tournées, pour indiquer l’état de la chaussée et le type d’intervention à prescrire aux communautés corvéables.
18La correspondance qu’entretient Trudaine de Montigny avec les ingénieurs en chef de plusieurs généralités pour suivre leur action locale éclaire les usages qui pouvaient être faits de ces états chiffrés. À la réception de l’état de situation, l’intendant des Ponts et Chaussées adressait à l’ingénieur une longue lettre d’observations sur la gestion des fonds et la progression des travaux ; un paragraphe, généralement placé en fin de missive, traitait spécifiquement de la corvée sous deux angles : l’avancement des chantiers et le coût de l’encadrement. Trudaine de Montigny s’attachait notamment à pointer le rapport entre le nombre de corvéables et la longueur de routes travaillées. En 1772, il félicita ainsi Cadet de Limay, l’ingénieur en chef de la généralité de Tours :
« Je vois avec une véritable satisfaction que vous avez fait exécuter pendant la campagne dernière beaucoup plus d’ouvrage par corvée qu’il n’en a été fait pendant les précédentes, puisque l’on a fait travailler 272 paroisses de plus qu’en 1770 ; qu’on a construit et perfectionné 8 lieues de longueur de chemin au lieu de 4, et qu’enfin l’estimation du travail fait par corvée qui n’étoit en 1770 que de 675 913 L monte pour 1771 à 1 261 884 L22. »
19L’objectif de l’administration des Ponts et Chaussées est donc double : il vise à contrôler le coût de l’organisation de la corvée, mais aussi à apprécier son utilité. Attaché à la qualité formelle des états de situation, Trudaine engageait ainsi l’ingénieur de la Bresse à se conformer à une présentation réglementaire qui le mette à même d’évaluer le coût-avantage de la corvée :
« L’employ des frais de salaires à l’exécution des ouvrages de corvée sera bien détaillé en tout genre de chacun de ces ouvrages dont vous marquerez à la dernière colonne l’appréciation en argent supposé qu’on les eût adjugé aux prix du pays, afin de me mettre à portée de juger de leur avancement et d’en comparer la mesure avec les frais de régie employés pour leur exécution23. »
20Le rapprochement des deux indicateurs revient d’une certaine façon à mesurer la rentabilité de la réquisition en travail. S’il est évident que ces instruments de gestion portent en eux une logique de contrôle, notamment pour maîtriser la dépense supportée par la monarchie pour l’encadrement des ateliers de corvée, ils constituent prioritairement des outils de programmation du travail d’une année sur l’autre.
21L’échelle à laquelle ces instruments sont construits renseigne sur le traitement géographique de la route qui sert de base fonctionnelle à la distribution des tâches et à la mesure du travail. Comme l’avait déjà signalé Bernard Lepetit, c’est une direction générale qui est indiquée, la route étant désignée sur un mode vectoriel par son point de départ et celui de sa destination (route de Caen à Paris, route de Bretagne à Paris…)24. Un jalon intermédiaire correspondant à une communauté desservie est parfois ajouté pour préciser le tracé de la route (route de Caen à Vire par Aulnay par exemple). La section de route peut être balisée entre deux points déterminés correspondant à des repères topographiques aisément reconnaissables comme la localisation d’un atelier ou la mention d’un pont. Cet éclatement des tronçons routiers bornés aux horizons de l’action administrative rend extrêmement difficile la totalisation à l’échelle d’une route entière. Progressivement la politique routière va imposer l’espace de la généralité comme cadre territorial de la gestion des ouvrages de corvée.
22Ces états vont intégrer timidement la logique de réseau fondée sur une connectivité et une hiérarchisation des liaisons dans le cadre d’un système de communications routières. L’« impensable » vision de réseau routier dont Bernard Lepetit crédite le corps des Ponts et Chaussées, en l’absence du terme même de « réseau » avant 1830 et en raison de l’action nécessairement circonscrite des ingénieurs, est remise en cause par des travaux récents qui développent des perspectives nouvelles sur l’émergence d’une conception et de formes de réseau dans la seconde moitié du XVIIIe siècle25. Alors qu’en 1738 la monarchie avait indexé l’emploi de la corvée sur un classement général des routes, cette différenciation des voies n’apparaît guère opératoire dans les dispositifs de gestion. Les états de distribution des tâches pour la généralité de Caen énumèrent ainsi des routes sans considération d’importance relative. L’ordre d’exposition qui varie d’une année sur l’autre ne suggère pas davantage de hiérarchie entre les axes : alors qu’en 1758 l’état débute par la route de Caen à Paris, ce sont celles de Caen en Bretagne et de Caen à Saint-Lô qui ouvrent respectivement les états de 1759 et de 176026. C’est progressivement que les outils d’administration de la corvée vont adopter une structuration hiérarchisée du système des communications locales. Dans la généralité de Tours à partir de 1767, le décompte des dépenses induites par la corvée, établi à partir du canevas géographique de l’inventaire des routes et chemins établis en 1765, puis réactualisé en 1769, et organisé par route affectée chacune d’un numéro et par « embranchement du n ° », signale ainsi le degré de connectivité du réseau routier local. Les états intitulés état et appréciation des ouvrages faits par corvée, qui à partir des années 1770 dans certaines généralités rendent compte des travaux réalisés, répertorient les routes par ordre décroissant d’importance, depuis les grandes routes jusqu’aux chemins27. L’introduction de telles indications laisse donc transparaître une conception réticulaire du système des communications routières.
23Même si l’ordre des rubriques et leur intitulé peuvent varier d’une circonscription à une autre, la structuration générale de ces états obéit globalement à un canevas commun. En formatant la gestion de la corvée, ces dispositifs intègrent les normes qui régissent le fonctionnement de la corvée, en même temps qu’ils reflètent l’outillage intellectuel des ingénieurs avec lequel ils pensent le travail à fournir ou fourni. Le gradient de la distance figure, quelle que soit la forme d’exigibilité de la corvée, en travail ou par rachat. L’organisation en deux saisons disparaît en revanche au profit d’un bilan de l’exercice annuel. Ces états renseignent également sur les critères d’appréciation et de mesure de l’utilité de la corvée, en mettant en balance une somme d’actifs (communautés, hommes et bêtes) avec le travail effectivement réalisé (longueur de routes travaillées et volume de matériaux déblayés ou transportés) et la valeur monétaire des ouvrages. À partir des années 1770, les tables générales placées au début des états de situation mentionnent les directions routières, et pour chacune d’elles des embranchements avec le renvoi aux pages. La structuration interne de ces documents obéit à un canevas de plus en plus normalisé. À droite de la désignation des routes sont consignées des informations sur l’organisation de la corvée (noms des sous-ingénieurs, conducteurs et piqueurs) et le volume de main-d’œuvre employée (nombre de communautés, de corvéables et de bêtes de trait ou de somme). À gauche figurent les rubriques relatives à l’évaluation du travail fourni, mesuré en longueurs de routes travaillées et en volumes de matériaux. Les ouvrages de « main-d’œuvre » et de « transport » sont ensuite évalués en argent pour permettre une évaluation de ce qu’ils auraient coûté par adjudication. À la fin de chaque état se trouve une « récapitulation générale des ouvrages faits par corvée ».
24L’émergence de ces outils de gestion et leur progressive formalisation à partir des années 1760 permettent de tracer les changements qui affectent alors la corvée elle-même, en sanctionnant le rachat ou en imposant une exigence d’utilité à la réquisition en travail, en même temps que l’évolution des pratiques de son administration. Le rôle que ces outils ont pu jouer dans la rationalisation de l’économie de la corvée, en termes d’allocation des ressources, d’accélération, d’extension ou d’amélioration du réseau routier reste toutefois impossible à démontrer. Resitués dans les conditions de leur émergence et de leur utilisation, ces documents produits dans le creuset même de l’administration de la corvée permettent toutefois d’objectiver ses logiques d’action et de penser sa commensurabilité.
Une mise en œuvre à l’économie
25Loin de se réduire à une prestation gracieuse de travail, la corvée royale engage des dépenses, que ce soit pour la planification des ouvrages, l’encadrement des chantiers, la fourniture d’outils ou la répression des manquements, incombant au roi dans les pays d’élections ou aux assemblées dans les pays d’états. Cette question des coûts a d’ailleurs constitué un argument avancé pour promouvoir la suppression de la corvée en travail. Au vu des états de dépenses, il est possible de les évaluer. Aux deux principaux postes de dépense que sont les salaires des personnels et la fourniture des outils (il n’est jamais question du coût des matériaux), viennent s’ajouter des facteurs de coûts supplémentaires.
La discipline des chantiers
26Parmi ces postes de dépenses, le plus important concerne la masse salariale qui comptabilise l’ensemble des rémunérations allouées aux agents préposés à l’organisation et à la discipline du travail sur les chantiers de corvée. Les salaires des piqueurs et des conducteurs représentent un poste de dépense non négligeable qu’il est possible d’apprécier diversement. À partir des états conservés en série, il est aisé de retracer le mouvement de la dépense, comme dans le cas de la généralité de Tours.
27L’augmentation tendancielle de la dépense tient prioritairement à la multiplication des agents employés sur les ateliers routiers (la baisse de 1775 s’explique par la suspension des travaux de corvée ordonnée par Turgot). Ainsi sur une même section de la route de Paris à Nantes, les effectifs passent en 1762 de huit agents pour une longueur de 23 lieues entre [Cérans]-Foulletourte et Ingrandes, à douze en 1775 pour un tronçon moitié moindre entre Durtal et Ingrandes29. Un autre indicateur consiste à rapporter le montant de la dépense consentie pour les conducteurs et les piqueurs à l’ensemble des débours à la charge des Ponts et Chaussées (y compris les ouvrages à prix d’argent et les travaux de navigation). En 1759, le coût de l’encadrement des ateliers de corvée représentait ainsi pour la généralité de Bordeaux 17 % de la dépense sur la dotation des Ponts et Chaussées30. Le coût de la masse salariale constitue un élément d’appréciation d’autant plus pertinent qu’il peut être rapporté à la valeur des ouvrages réalisés par corvée. L’auteur d’un mémoire soumis à un concours à la fin du siècle estimait que « les frais de conduite ou le payement des inspecteurs, conducteurs, piqueurs sont à peu près le 40e de l’ouvrage exécuté31 ». Le cas de la généralité de Bordeaux montre que ce ratio varie sensiblement selon les années.
28Après déduction de la dépense pour les salaires versés aux piqueurs, la valeur nette des ouvrages de corvée donne une idée de l’économie que réalise la monarchie grâce à la réquisition en travail. Un tel calcul est d’ailleurs explicitement formulé : c’est en terme de « bénéfice pour le roi » que raisonne l’administration en mettant en balance pour l’année 1758 les 224 930 Lt auxquels ont été évalués les ouvrages de corvée, et les 11 818 Lt dépensés au titre des « gages et salaires des employés à la conduite de ces ouvrages, achat, entretien, fourniture d’outils et poudre33 ».
29Le département des Ponts et Chaussées n’eut d’ailleurs de cesse de vouloir comprimer ce poste de dépense, de façon à conserver à la corvée sa vocation essentielle qui était d’économiser les fonds alloués aux travaux des infrastructures routières. En 1758 Trudaine estimait la dépense excessive dans la généralité de Bordeaux « d’autant plus que tous ces ouvrages sont morcelés et qu’aucune grande route ne se trouve mise à la perfection34 ». En 1774 il attira l’attention de l’ingénieur en chef de la généralité de Tours pour lui signaler une dérive du poste de dépense des salaires des conducteurs et des piqueurs qui avait enregistré une majoration de 7 %35.
30Le coût de la discipline du travail est compris dans la dépense consentie pour l’organisation des chantiers et financée sur la dotation budgétaire des Ponts et Chaussées. Il en va autrement pour la prise en charge du coût de la répression à l’encontre des corvéables récalcitrants. Les dépenses correspondant au déplacement des brigadiers de la maréchaussée dans les communautés récalcitrantes ou rebelles étaient à la charge des corvéables. Seules figurent dans les écritures comptables des Ponts et Chaussées les gratifications accordées aux cavaliers et aux exempts et censées aiguillonner leur zèle à seconder l’intendant dans son administration de la corvée36. Des frais correspondant à des avertissements, à des sommations ou à des réquisitions sont par ailleurs consignés dans les états de la dépense parmi les fonds alloués au paiement des salaires et des outils (c’est le cas pour la généralité de Tours), mais ne représentent que des sommes modiques.
La fourniture et l’entretien des outils
31La corvée implique la réquisition de moyens de production au sens large, qu’il s’agisse de main-d’œuvre, de bêtes et de voitures, mais aussi d’outils. Les corvéables étaient en effet censés venir sur les chantiers munis de leurs outils ordinaires. C’est là d’ailleurs un motif de récriminations de la part des communautés, les habitants de Château-Gontier croyant « être dans la classe des soldats, ne devoir que leurs corps au roi pour exécuter ses volontés37 ». À la masse salariale qui constitue indéniablement le poste de dépense le plus lourd à financer sur la dotation des Ponts et Chaussées, viennent toutefois s’ajouter les frais liés à la fourniture et l’entretien d’outils. Les états de dépenses comprennent ainsi une rubrique subsidiaire intitulée « fourniture et entretien d’outils » placée après les rémunérations versées aux agents contractuels et aux journaliers employés sur les routes. La situation n’est pas différente dans les pays d’états : en Bourgogne, les Élus remboursaient aux directeurs des chemins les sommes qu’ils avaient avancées pour payer des outils38. Le mémoire de 1737 prévoyait en effet que l’achat et la réparation des outils fournis aux corvéables soient à la charge de la monarchie dans le cas « où les outils du pays ne suffisent pas » (art. 13). L’administration ne fournissait donc que les outils (pics, pelles, brouettes…) nécessaires pour équiper convenablement les paroisses les plus démunies. Quoique la poudre utilisée pour escarper des terrains rocheux soit comptabilisée avec les outils fournis aux corvéables, elle devait être manipulée par des ouvriers spécialisés. Elle représente du reste une dépense généralement assez modeste. Propriété de l’administration, ces outils étaient marqués d’une fleur de lys. À leur livraison le syndic devait fournir un récépissé ; il en avait par la suite la responsabilité. Dans tous les cas, la fourniture des outils se fait avec parcimonie. En mars 1765, les États de Bretagne décidèrent de fournir une masse par tronçon de 200 toises sur les seuls tracés où la pierre était reconnue dure à casser39. Dans le même esprit d’économie, le mémoire de 1737 prévoyait également une mutualisation de l’outillage : « Quand la route où les paroisses dépositaires auront été employées, se trouvera finie, elles seront tenues de voiturer les outils de proche en proche, aux paroisses qui devront leur succéder, et dont les syndics donneront leur reconnaissance à ceux qui les leur auront remis » (art. 13). La fourniture d’outils et leur réparation représentent un coût qui est loin d’être négligeable. Dans la généralité de Bordeaux pour l’année 1757, il représente 6 % des frais induits par la corvée, qui pour l’essentiel concernent la pose des piquets pour le tracé de la route et la surveillance des travaux40. C’est précisément par « crainte d’abîmer des fonds du Roy et aussi celle de représenter dans la comptabilité annuelle des frais incroyables d’outils » que l’inspecteur des Ponts et Chaussées du département de Laval se refusa à équiper tous les ateliers. Il évaluait la dépense à 36 000 Lt sans compter l’entretien annuel de 4 000 Lt. Aux dépenses liées à l’achat et à la réparation, il faut ajouter le coût du remplacement des outils volés ou brisés volontairement : « Il y aurait de [s] corvéables intéressés à casser leurs outils pour avoir le prétexte d’abandonner le travail41. » Afin d’éviter les vols, le syndic devait pouvoir produire les éléments brisés, et la communauté était « tenue de remplacer les outils cassés42 ».
Les dépenses annexes
32Des frais subsidiaires pouvaient venir s’ajouter, comme le dédommagement de dégâts causés par les corvéables dans les propriétés jouxtant les chantiers routiers, et surtout l’indemnisation des accidents du travail. Leur prise en charge s’opère au cas par cas au vu de la gravité des blessures et après examen de la situation familiale, notamment du nombre d’enfants à charge. Il revenait à l’intendant de décider une diminution de l’imposition des corvéables accidentés et d’une gratification dont le montant oscille entre 150 et 240 Lt43. Si l’on considère que le salaire journalier d’un manœuvre employé sur les routes était en moyenne 10 sols, l’allocation versée permettait tout au plus de subvenir à ses besoins de subsistance pour une année44. Rapporté au montant de la prestation en argent pour le financement des travaux routiers en 1787 (soit 465 625 Lt), le total du fonds d’aide, connu pour les années 1760 et 1777, apparaît tout à fait dérisoire. Si l’indemnisation des accidents du travail concerne prioritairement des hommes pour le préjudice corporel subi, elle semble rarement couvrir les dommages causés aux bêtes et aux voitures.
33Le coût de la corvée échappe à une objectivation rigoureuse, d’autant que la dépense consentie pour le travail du personnel des Ponts et Chaussées, depuis les ingénieurs jusqu’aux piqueurs, ne concerne pas exclusivement l’organisation et le suivi des ouvrages de corvée. Dans les quelques généralités qui optent pour le rachat avant 1776, ce poste de dépense ne semble par ailleurs pas enregistrer de diminution significative avec la mise à l’entreprise des ouvrages de corvée. La monarchie se trouve tout au plus dispensée de fournir les outils. Rapporté au coût d’encadrement des chantiers de corvée qui représente le principal poste de dépenses imputées sur la dotation des Ponts et Chaussées, la corvée en travail offrait assurément un système de financement très économique pour l’État. Elle ne présente toutefois un avantage qu’à condition de la rapporter aux ouvrages qu’elle permet de réaliser effectivement.
La mesure des ouvrages de corvée
34Les critiques de la corvée en travail n’ont eu de cesse de pointer les lenteurs du travail, les malfaçons et l’inachèvement des ouvrages. Quel serait dès lors l’intérêt de la corvée en travail, si ce que la monarchie économise en débours, elle le paie en retour par des ouvrages mal exécutés, des réparations fréquentes et la lenteur des chantiers ? Le contraste entre l’inefficacité prêtée au système de la corvée et le bilan de la politique routière qui peut se prévaloir en 1774 de 6 000 lieues (23 388 km) de routes construites (681 lieues de routes pavées et 5 300 de routes empierrées) mérite à cet égard d’être interrogé. Si la corvée présentait autant de difficultés que l’avançaient ses détracteurs, comment expliquer alors que la monarchie ait pu entreprendre un tel programme de construction et assurer l’entretien d’un réseau en continuelle extension ?
35Il semble illusoire de prétendre mesurer le kilométrage total des routes construites ou entretenues grâce à la corvée entre 1738 et 1776. La chronologie précise de l’équipement routier du royaume au cours de cette période reste encore à établir précisément. Il faut en outre composer avec des modifications de tracés, même si l’assemblée générale des Ponts et Chaussées s’est employée à les limiter. Une difficulté supplémentaire tient à la discontinuité de l’action de la corvée sur un itinéraire qui alterne des tronçons pavés, où seul le transport des matériaux est susceptible de réquisition, avec des sections empierrées ou en terrain naturel mobilisant corvée de bras et corvée de harnais. La segmentation des routes selon les logiques administratives rend par ailleurs difficile une reconstitution longitudinale à l’échelle d’un axe traversant plusieurs généralités. Indépendamment de toutes ces incertitudes, calculer le kilométrage cumulé de distances que la corvée aurait permis d’édifier ne présente guère de sens : loin de fonctionner par ajouts successifs et cumulatifs de tronçons, l’extension des liaisons routières procède d’un travail constant qui combine la viabilisation d’itinéraires existants et l’aménagement de nouveaux tracés.
36Jusqu’en 1775, date à laquelle les premières évaluations systématiques sont commandées par le Contrôle général, la corvée en travail échappe largement à l’appréciation de son utilité, sauf de façon partielle et localisée45. Si les documents de réquisition sont nombreux, ils ne sauraient pourtant rendre compte du travail effectivement réalisé. Quant aux états de situation, qui comme on l’a vu s’introduisent tardivement dans les usages administratifs, ils rendent difficile l’appréciation des ouvrages réalisés grâce à la corvée en travail avant les années 1770. Surtout ces états éclairent une situation des ouvrages à un moment donné, mais faute de périodicité ils permettent rarement des analyses diachroniques. Enfin, parce qu’ils sont généralement élaborés dans le cadre de la commutation de la corvée, ils ne fournissent pas ou peu d’éléments de comparaison susceptibles de mesurer l’efficience relative entre la corvée en travail et sa commutation. L’analyse des nomenclatures et des conventions qui organisent ces documents comptables, permet tout au moins de comprendre comment ces dispositifs de gestion mesurent et évaluent la corvée, et de saisir les présupposés tant techniques qu’économiques qui relient les données chiffrées entre elles. Ces états de situation permettent également d’entreprendre à partir d’échantillons localisés toute une série de mesures sur ses emplois et de considérer le travail de la corvée, non plus sous l’angle de l’activité, mais du point de vue de ses résultats en termes d’« ouvrages » réalisés.
Les critères d’appréciation
37La grammaire des nomenclatures qui ordonne les tableaux comptables permet de comprendre à la fois comment est conçu le travail routier et quels sont les éléments d’appréciation pour en rendre compte. La façon dont ces documents sont construits, l’ordre des rubriques et les subdivisions internes qui décident de la discrimination des données traduisent les choix techniques de l’action administrative. Les critères qui président à la mesure du travail se déclinent en unités physiques – de longueur (exprimées en toises courantes pour les sections de routes et pour les fossés), de superficie (toises carrées pour les ouvrages de pavage) et de cubage (toises cube pour les déblais, les remblais et les matériaux à transporter) –, en nombre d’hommes et de bêtes, et en valeur monétaire. Ces éléments d’appréciation sur la quantité de travail réalisée sont eux-mêmes déterminés par les affectations différenciées de la corvée.
38La longueur des routes travaillées au cours d’une campagne constitue le critère déterminant d’appréciation de l’utilité de la corvée en travail. De telles totalisations figurent déjà au détour de la correspondance administrative des intendants ou dans les mémoires récapitulatifs des ingénieurs. En 1765, Voglie déplorait ainsi que la corvée n’ait pas servi à construire plus de cinq lieues de routes et à réparer plus 48 lieues dans la généralité de Tours46. Les états de situation détaillent également les longueurs de routes « faites à neuf », « à l’entretien », « ébauchées » et « en terrain naturel non travaillé » au cours de l’année. Ce sont ainsi dix lieues de routes qui furent construites à neuf en Champagne au cours de l’année 1764, pour un réseau routier qui en comptait 39447. En six ans (1767-1772) ce sont 4,5 lieues neuves qui ont été construites chaque année dans la généralité d’Alençon, auxquelles vint s’ajouter l’entretien de 92 lieues de chaussées en cailloutis ou d’empierrement48.
39Si les ouvrages de corvée sont appréciés en termes de longueurs travaillées, la quantité de travail fourni pour les réaliser oblige de recourir à d’autres métrologies. Les états de situation décomposent ainsi les opérations techniques – le déblai, le remblai, le « tirage » (à savoir le ramassage et le chargement des matériaux), leur transport et leur emploi qui pour les routes empierrées consiste à régaler des pierres concassées sur le bombement et les bordures) – qui correspondent à la division des tâches et au processus de travail à l’œuvre sur les chantiers routiers, et les mesurent en unités de volume (toises cubes). Dans l’état estimatif des ouvrages faits par corvées établi chaque année entre 1758 et 1760 pour la généralité de Caen sont précisés la nature des opérations auxquelles étaient affectées chacune des communautés riveraines, et le volume de travail pour lequel elles étaient réquisitionnées (nombre de toises cubes de terres déblayées et voiturées, nombre de toises cubes de terres tirées, voiturées et arrangées dans l’encaissement des chaussées empierrées)49. Pour la construction d’ouvrages neufs sont décomptées tantôt les quantités de matériaux déblayées, puis voiturées et régalées (1758 pour l’élection de Caen), tantôt les trois opérations sont comptabilisées ensemble (1758 pour l’élection de Carentan). En 1760, la récapitulation des ouvrages, placée en fin de document, distingue ce qui relève du seul transport (« qui ont été voiturés seulement ») de tâches groupées (« qui ont été fouillés et voiturés » ou « qui ont été tirés, voiturés et employés »). Ce sont globalement des qualifications techniques assez semblables qui se retrouvent dans les états des autres généralités : « déblayés et escarpés », « tirées ou ramassés », « mis en œuvre » et « restant en approvisionnement ».
40Il apparaît que les corvéables étaient préposés pour l’essentiel à des tâches de fouille et que la majeure partie des matériaux étaient employés pour les ouvrages réalisés au cours de l’exercice annuel.
41Ces nomenclatures techniques sont elles-mêmes décomposées selon les types de matériaux (sable, pierre, moellons et pavés) qui ne commandent pas le même investissement en travail. Dans la généralité d’Alençon, la rubrique « déblayés et escarpés » ne concerne que la terre, le sable, la craie et le roc, tandis que les trois autres sont elles-mêmes subdivisées en « pierre dure, cailloux et autres matériaux durs », « matériaux tendres » et « sable, grève chalin [sic] ». Les types de matériaux sont codés au moyen d’une initiale en majuscule (T pour terre, S pour sable…) de façon à pouvoir préciser la mention chiffrée dans le corps du tableau.
42Ces appréciations chiffrées des ouvrages de corvée servent surtout à contrôler le degré d’avancement des chantiers routiers et à mesurer l’utilité du travail fourni ou de l’argent investi. Les délais approximatifs d’exécution que définissaient les ingénieurs dans la phase de prescription du travail étaient souvent mis à mal par la durée effective des travaux. Pour la construction d’une route, au temps de la décision administrative de lancer les travaux, qui peut prendre plusieurs années, vient s’ajouter la durée du chantier proprement dit. Or, celui-ci peut se poursuivre, comme l’attestent de nombreux exemples, sur de longues années. Ainsi le tronçon de route entre Couches et Montcenis qui ne compte que trois lieues (soit 11,6 km) sur lequel les travaux ont commencé en 1764 avec force de main-d’œuvre corvéable à chaque saison, n’est pas encore achevé vingt ans plus tard51. Les outils administratifs qui sous-tendent la gestion de la corvée à partir des années 1760 vont progressivement intégrer une mesure du travail effectivement réalisé par rapport aux objectifs prescrits. C’est le cas par exemple en Bresse, où la corvée est loin d’avoir réalisé les ouvrages programmés pour l’exercice annuel.
Tableau 8. – Longueur (en toises) des ouvrages de corvée en Bresse en 176252.
Ouvrages à faire | Ouvrages restant à faire | ||
Cailloutis | 113769 | 66077 | 41 % |
Déblais | 244210 | 89107 | 63 % |
Remblais | 190442 | 79859 | 58 % |
43Les documents intitulés état et appréciation des ouvrages faits par corvée qui se généralisent au cours de la décennie, fonctionnent selon une logique semblable : on retrouve la distinction entre les deux rubriques « ouvrages faits par corvée… pendant l’année » et la « situation des routes au 1er janvier ».
44Ce double registre temporel d’évaluation – un état des routes en fin d’exercice (variables de stock qui mesurent la quantité d’ouvrages à un point dans le temps) et un état des ouvrages réalisés au cours de l’exercice (variables de flux qui mesurent la quantité de travail sur une période donnée) – permet à l’administration des Pont et Chaussées d’évaluer au fil des ans la progression des travaux de construction.
45La piètre qualité des ouvrages de corvée constitue un argument récurrent contre la réquisition de travail. Les états de situation qui reposent quasi exclusivement sur des critères d’appréciation quantitatifs, semblent évacuer les considérations relatives à la qualité des ouvrages. En 1738, il avait pourtant été prescrit aux ingénieurs de dresser un état des routes mises à l’entretien :
« Pour faire connoitre au Conseil le nombre, l’estendue et la qualité des chaussées de toutes espèces, faites et à faire sur les routes et chemins publics, il en sera dressé successivement un inventaire exact, suivant le modelle cy-joint […] les ingénieurs auroient soin de mettre en marge de chaque article, les mots de bon, mauvais, ruiné, ou tels autres qui en pourront mieux marquer la situation ; comme ils mettront aux vuides, ceux de terrain solide, fond de sable, bourbier, pressant, impraticable, et tels autres pareils53. »
46Cette cartographie routière, si elle a été réalisée, n’a pas laissé de traces. Il ne semble pas non plus qu’il y ait eu de procès-verbaux de reddition de travaux aussi formels que ce que prévoyaient les règlements ; les rapports de tournée, s’ils contiennent quelques appréciations générales sur le travail des communautés, indiquent plutôt les ouvrages qui sont à entreprendre au cours de la saison suivante. Outre que les appréciations se révèlent diverses, selon que l’on se place du point de vue des usagers, des ingénieurs, des administrateurs ou des « économistes », la définition de la qualité d’une infrastructure routière présente en soi une forte incertitude. Elle est nécessairement un attribut relatif par rapport à l’usage qui en est fait, à son état antérieur, au travail fourni ou à l’argent dépensé ou encore à la difficulté de la tâche. Des considérations sur l’état de la route ne préjugent pas d’ailleurs de la qualité du travail fourni par les corvéables. Quant aux états de situation qui se développent à partir des 1760, ils intègrent faiblement et diversement une appréciation en termes de qualité de l’infrastructure. Il n’y a guère que pour la généralité de Riom qu’il est possible de suivre sur plusieurs années l’état des chaussées tel qu’il est consigné par les ingénieurs au cours de leur tournée54. La liste des communautés corvéables et la longueur du tronçon qu’il revient à chacune d’entretenir restent inchangées au fil des années. Seule la dernière colonne indique l’état de la chaussée et le type d’interventions éventuelles qu’elle requiert (« rien à faire »/« un peu à faire », « à faire », « ravines à combler »…). à l’état constaté de la chaussée et aux prescriptions techniques, se trouvent parfois mêlées des appréciations sur la quantité de travail fourni (« n’a point travaillé », « aucunes réparations faites », « très peu de réparations faites »…), la qualité du travail (« réparations assez bien faites », « passablement bien réparé », « quelques réparations assez mal faites »…) et l’état d’esprit des corvéables (« paroisse mutine ») pour expliquer l’absence de travail depuis plusieurs années.
47La valeur monétaire des ouvrages routiers constitue en dernier lieu un élément essentiel d’appréciation. Pour les ouvrages réalisés sur fonds de rachat, la référence monétaire figure dans la rubrique « montant des ouvrages en argent » dans l’état estimatif des ouvrages faits par corvée (généralité de Caen 1758-1760) ou « montant de ce que lesdits ouvrages ont coûté par adjudication » dans l’état et appréciation des ouvrages faits par corvée (généralité d’Alençon 1772 et 1774). Le montant des ouvrages est calculé sur la base forfaitaire du « prix de la toise ». Quand la corvée est exécutée en travail, l’équivalent monétaire est donné pour évaluer le coût des travaux s’ils avaient été réalisés par entreprise. La principale objection à laquelle s’expose une telle méthode réside dans le fait qu’elle suppose implicitement que la corvée et le travail salarié sont deux modes substituables de réalisation des mêmes tâches.
48Rares sont les généralités pour lesquelles on dispose de données sérielles sur plusieurs exercices. C’est le cas de la généralité de Bordeaux. En 1774, Trudaine de Montigny demanda un bilan des travaux effectués par corvée sur les routes de la généralité depuis 174455.
49Outre la baisse tendancielle de la valeur du travail fourni au titre de la corvée, calculée sur la base de l’équivalent en journées de travailleurs salariés, la courbe indique ici une évidente irrégularité selon les années. Au cours des années antérieures pour lesquelles on ne dispose malheureusement pas de données chiffrées, la conjoncture de l’emploi de la corvée se révèle tout aussi inégale dans le temps. Dès la fin de l’année 1737 Orry recommandait à Boucher de limiter les corvées à deux routes57. En 1739, la misère obligea l’intendant à alléger la corvée ; seule la réquisition de harnais continua d’être exigée pour seconder les entreprises attachées à la réfection des ponts58. Lors de la famine de 1747-1748, il fallut à nouveau se résoudre à alléger le poids de la corvée59. En 1758 à cause de la cherté il ne fut exigé que trois jours de corvée60. Après un effort accru en 1761-1762, les exigences en travail au titre de la corvée enregistrèrent une baisse tendancielle quoiqu’irrégulière. Un grand nombre de travaux furent réalisés à prix d’argent en 1772-1773 à cause de la misère, avant qu’une épizootie ne vienne désorganiser la réquisition des corvéables et n’oblige à la suspendre jusqu’en 177461. L’évaluation monétaire du travail de la corvée prend encore davantage de sens une fois rapportée à la dotation budgétaire allouée symétriquement à la généralité de Bordeaux au titre de l’état du roi des Ponts et Chaussées pour financer, outre les rémunérations des personnels, les ouvrages routiers faits à prix d’argent (chaussées en pavés et ponts principalement) mais aussi les travaux de navigation et ceux relatifs aux ports maritimes.
50À la lecture de ce graphique, on mesure combien la corvée constitue effectivement un levier indispensable de la politique routière tout en épargnant les finances royales.
L’allocation des ressources
51Mesurer l’efficacité de la corvée impose de rendre compte de ses emplois différenciés. Préposée essentiellement au travail sur les chaussées empierrées, elle profite aussi aux ouvrages pavés. Elle doit assurer l’entretien d’un parc routier de plus en plus étendu à mesure qu’elle œuvre à la construction de nouveaux tronçons.
52Dans l’ordre comptable des Ponts et Chaussées, il existe une partition nette entre les ouvrages d’art et les ouvrages de corvée qui fait prévaloir une logique financière sur des considérations techniques. Les contrats passés par les entrepreneurs avec la monarchie ou les autorités provinciales prévoient en effet, comme on l’a déjà évoqué, qu’une partie des prestations soit assurée par corvée. Principalement employés à la construction et à l’entretien des routes empierrées, les corvéables sont aussi préposés au transport des pavés et du sable nécessaires à la confection ou à la réparation des chaussées pavées. Alors que le pavage requiert des ouvriers qualifiés, l’acheminement des matériaux n’exige que des moyens logistiques mais aucune compétence particulière. C’est donc un poste de dépense sur lequel il est possible de réaliser des économies. Dans la généralité de Paris où les routes pavées étaient les plus nombreuses, les corvéables étaient précisément affectés à cette tâche.
53En moyenne la corvée de transport dans la généralité de Paris représente 9 000 à 10 000 journées. de voitures par an, soit l’économie d’une dépense de 60 000-70 000 Lt. Dans les autres généralités, il faut faire le départ entre la réquisition de travail sur les chaussées d’empierrement et le transport assuré par corvée au profit des entrepreneurs de pavage. Les états de situation établis pour la généralité de Caen pour préparer le rachat de la corvée permettent précisément de le faire64. Dans l’élection de Caen en 1758, ce renfort de la corvée aux ouvrages pavés concerne principalement les réparations d’une section de la route de Caen à Saint-Lô (située entre Biesville et Anisy), auxquelles viennent s’ajouter de courts tronçons sur les routes de Caen à Rennes (45 toises carrées), de Caen à Paris (6 toises), de Caen à Falaise et de Caen à Bayeux. Sur ces chaussées pavées, les corvéables travaillaient généralement à la fouille de l’encaissement, et au transport des pavés. Pour l’année 1760 sont également comptabilisés des « relevés à bout » de chaussées pavées (c’est-à-dire la démolition complète d’une partie de chaussée dégradée et son repavement) dans l’élection de Vire. Faut-il en déduire que ce travail a été confié à des corvéables de préférence à des paveurs ?
54Pour les chaussées d’empierrement, le travail de la corvée est comme on l’a vu généralement découplé entre des tâches construction et celles d’entretien. Cette distinction est avant tout dictée par la logique technique du processus d’aménagement de la route. L’une et l’autre de ces affectations correspondent par ailleurs à un investissement inégal en travail. Sur le terrain, les tâches d’entretien et celles liées à la construction ne sont pas toutefois toujours faciles à distinguer. L’entretien courant, qu’il est possible d’organiser systématiquement, a vocation en principe à maintenir les capacités fonctionnelles des routes, tandis que les réparations, au caractère imprévisible, correspondent à des travaux de perfectionnement ou de remise en état de l’infrastructure, qui peuvent s’apparenter à une véritable reconstruction. De même la notion de route considérée comme achevée et bonne à mettre à l’entretien se révèle assez relative : en Bourgogne par exemple, des tronçons se retrouvent classés dans la rubrique « entretien » alors même qu’ils ne sont pas parfaitement carrossables65. Une même route pouvait par ailleurs juxtaposer des sections à l’entretien avec des tronçons en construction. Quelles que soient les limites de ces catégories administratives, elles permettent tout au moins de déterminer dans quelle proportion la corvée était affectée à l’une ou l’autre des interventions. De nos jours, il est admis que la dépense pour l’entretien courant doit représenter entre 2 % et 3 % de la valeur de remplacement du parc routier pour préserver l’état de l’ensemble du réseau66. Au milieu du XVIIIe siècle, un auteur particulièrement bien renseigné sur l’ordonnancement des travaux, estimait l’entretien à 10 % de la construction67. Dans le cas de la généralité de Caen, où les archives permettent de proposer une mesure diachronique du rapport entre les dépenses de construction et celles d’entretien, celui-ci évolue sensiblement selon les années. Les dépenses de construction quadruplent en une décennie. Entre 1769 et 1773, période au cours de laquelle culminent les investissements routiers, les frais d’entretien et de réparation représente environ un quart des sommes affectées aux nouveaux ouvrages.
55Le nombre de communautés affectées à l’un ou l’autre type d’intervention, même s’il ne dit rien de la contribution relative de chacune aux opérations, confirme l’affectation privilégiée des ressources à la construction de nouveaux ouvrages.
Tableau 9. – Nombre des communautés employées à la corvée dans la généralité de Caen (1768-1769)69.
1768 | 1769 | |
Nouveaux ouvrages | 870 | 995 |
Entretien et réparations | 260 | 233 |
56Entre 1768 et 1769 c’est même un nombre croissant de communautés dont le montant du rachat sert au financement des ateliers de construction. La ventilation des fonds de rachat ne prend toutefois véritablement de sens que rapportée aux coûts unitaires de la construction et de l’entretien, qui sont sans commune mesure.
57Alors même que les directives du Contrôle général étaient au même moment de suspendre au moins provisoirement les chantiers de construction et de préserver par un entretien a minima les infrastructures existantes, les états de la généralité de Caen montrent que la corvée en travail œuvra puissamment mais inégalement selon les années à l’édification de nouveaux ouvrages.
58En Limousin, l’objectif de Turgot était de privilégier les axes commencés et de mener à terme les chantiers en entreprenant moins de travaux, plutôt que de multiplier les ateliers de corvée qui une fois écoulé le temps de réquisition restaient en déshérence jusqu’à la saison suivante :
« S’il le faut porter tout le travail d’une route sur une seule partie, et ne l’abandonner pour passer à une autre que lorsqu’elle sera totalement terminée. M. le Contrôleur général pourroit même faire entreprendre à la fois dans une province toute une route intéressante pour le commerce général du royaume71. »
59La fiscalisation offrait l’avantage de rompre avec la dispersion des travaux de corvée sur l’ensemble des infrastructures, induite par le système de réquisition des communautés riveraines :
« Il paraît que l’esprit de l’instruction [de 1737] est de donner la préférence aux tâches morcelées […] mais j’ai peine à croire qu’on puisse, par ce moyen, faire de bon ouvrage et que les paysans, répandus ça et là sur une longueur de route immense, creusant chacun leur trou, ou élevant leur petite butte sans que personne les conduise, puissent former des chaussées dont les parties se raccordent les unes aux autres72. »
60Turgot avait dans l’idée de cibler les interventions sur les quatre axes majeurs qui sillonnaient la généralité de Limoges : Paris-Bordeaux par Angoulême, Paris-Toulouse par Limoges, Lyon-Limoges et Limoges-Bordeaux73. Les bribes d’archives conservées concernant les travaux engagés localement tendent à montrer que l’effort fut effectivement placé sur ces grandes voies, notamment la route de Lyon à Limoges.
61Ce tableau confirme que l’essentiel des fonds a été affecté à la construction des axes structurants de la généralité, à commencer par l’axe Paris-Toulouse.
62À l’image tenace d’une corvée à la fois dispendieuse et inopérante, l’analyse des dispositifs de gestion oppose une réalité bien différente. L’introduction de ces outils et leur systématisation, qui marquent à partir des années 1760 un tournant majeur dans la conduite de la corvée, sont à relier plus largement aux changements dans la structure comptable des Ponts et Chaussées. Ils rendent compte d’un clivage immuable entre les coûts induits par l’organisation de la corvée (personnel et outils principalement), et les résultats de son emploi. Outils de programmation de la dépense pour les uns et instruments de pilotage des travaux routiers pour les seconds, ils participent d’une rationalisation concomitante des premières expériences de rachat. Ces nouvelles méthodes de gestion instituent une transformation dans la gestion des actifs et dans l’allocation des ressources fiscales. C’est l’utilité même de la corvée qui se retrouve au cœur de ces dispositifs, en rendant mesurable son action. Malgré des variantes inévitables dans un royaume de France aussi pluriel qu’il l’était encore au XVIIIe siècle, ces dispositifs de gestion vont progressivement adopter un langage commun en stabilisant les nomenclatures qui recueillent les données chiffrées et en définissant des actions techniquement normalisées. Ces écritures administratives censées constituer des instruments pour la politique routière sont à considérer autant comme des objets d’études que comme des sources susceptibles de mesurer l’efficacité de la corvée. Ces outils, qui soulignent l’utilité de la corvée et de son rachat, font ressortir d’autant plus les enjeux idéologiques à l’œuvre dans le débat savant qui se déroule en parallèle.
Notes de bas de page
1 Cf. Du politique dans les organisations : sociologies des dispositifs de gestion, V. Boussard et S. Maugeri (dir.), Paris, L’Harmattan, 2003. Écrire, compter, mesurer. Vers une histoire des rationalités pratiques, Paris, éd. rue d’Ulm, 2006 ; Godelier E., « Histoire des historiens, histoire des gestionnaires », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 2000, 25 [http://ccrh.revues.org/1812 ; DOI : 10.4000/ccrh.1812].
2 Cf. Des savoirs en action, contributions de la recherche en gestion, F. Charue-Duboc (dir.), Paris, L’Harmattan, 1995. Gouverner par les instruments, P. Lascoumes et P. Le Galès (dir.), Paris, Presses de Sciences-Po, 2004.
3 A.N. F14 149. Mémoire sur la suppression de la corvée en Bourgogne (1789 ?).
4 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 2, p. 149.
5 Condette-Marcant A.-S., « De la gestion aux sacrifices : le difficile équilibre du budget des Ponts et Chaussées », Les Modalités de paiement de l’État moderne. Adaptation et blocage d’un système comptable. Actes de la journée d’étude du 3 décembre 2004, Paris, CHEFF, 2007, p. 81-106. Blond S., « Les états du roi des Ponts et Chaussées pendant l’administration des Trudaine : 1743-1777 », Comptabilités, 3 | 2012 [http://comptabilites. revues.org/721].
6 Mémoire (1738) art. XI. Dans une lettre adressée à L. F. Lallemant de Levignen le 30 novembre 1776, P. Trudaine de Montigny rappelle que le compte des dépenses occasionnées par les travaux de corvée est à rendre dans le courant du mois de janvier (A.D. Orne C 134).
7 A.D. Orne C 139.
8 A.D. Orne C 127. Lettre de D.-C. Trudaine (24 décembre 1757).
9 A.D. Gironde C 1882.
10 Mémoire (1738), art. XX.
11 A.D. Puy-de-Dôme C 6585-6588.
12 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 2, p. 340-341.
13 A.D. Doubs 1C 2312-1C 2321.
14 A.D. Ille-et-Vilaine C 4738.
15 A.D. Cote d’Or C 3860. Délibération des Élus généraux pour la perfection du travail des grands chemins par corvée (12 janvier 1768).
16 A.D. Orne C 134.
17 A.D. Calvados C 3393, 3395 et 3396.
18 A.D. Calvados C 3397-3399.
19 A.D. Calvados C 3389. Récapitulation générale tant du nombre de communautés employées sur les différentes routes de la généralité de Caen pour les années 1768 et 1769, que du montant de leurs tâches en argent (1768-1777).
20 Le premier État de situation des corvées connu pour la généralité de Bordeaux date de 1780 (A.D. Gironde C 1921 et C 2004). Il faut attendre 1783 pour trouver trace d’états généraux à l’échelle de la généralité de Riom (A.D. Puy-de-Dôme C 6616). Pour la généralité de Tours, un premier état de situation fut réalisé en 1779 (A.D. Haute-Vienne C 682) et un second pour l’exercice 1786 (A.D. Indre-et-Loire C 164). Pour la généralité d’Amiens, il existe deux états de situation, respectivement pour les années 1784 et 1786 (A.D. Aisne C 430 et 511).
21 A.D. Calvados C 3397-3399.
22 A.D. Indre-et-Loire C 158. Observations de M. de Trudaine à M. de Limay, ingénieur, sur les états de situation des ouvrages faits tant à prix d’argent que par corvée dans la généralité (1er avril 1772).
23 A.D. Ain C 626. Lettre de P. Trudaine de Montigny (31 juillet 1773). De la même façon, celui-ci invite l’ingénieur de la généralité d’Alençon à se conformer aux normes de présentation en vigueur dans les autres généralités (A.D. Orne C 140. Copie de la lettre d’observations sur les états de situation de P. Trudaine de Montigny [4 mai 1775]) : pour mesurer précisément l’efficacité de la corvée, il lui demande de « désigner clairement la situation dans laquelle se trouvait chaque route au commencement de l’année, de même que la quantité de chaque nature d’ouvrage fait à neuf et les lieux où il auroit été exécuté ».
24 Lepetit B., Chemins de terre et voies d’eau… op. cit., p. 20.
25 Lepetit B., « L’impensable réseau. Les routes françaises avant les chemins de fer », Cahiers Groupe Réseaux, no 5, 1986, p. 11-29, p. 27. Verdier N., « Le réseau technique est-il un impensé au XVIIIe siècle : le cas de la poste aux chevaux », Flux, 2007/3, no 68, p. 7-21. Szulman E., op. cit., p. 17-19.
26 A.D. Calvados C 3393-3396.
27 A.D. Orne C 139. Généralité d’Alençon. Ponts et Chaussées. État et appréciation des ouvrages faits par corvée dans ladite généralité pendant l’année 1772. Des états similaires ont été composés en 1774 (C 140) et 1778 (C 142).
28 A.D. Indre-et-Loire C 158-C159. État de la dépense faite pour salaires de conducteurs, piqueurs et autres employés à la journée, achat et entretien d’outils (1761-1776).
29 A.D. Tours C 158. Id. (1762) et (1775).
30 A.D. Gironde C 1870. État des ouvrages proposés à continuer et autres dépenses à faire dans la généralité de Bordeaux pendant l’année 1760 sur les fonds de l’année 1759.
31 Bibl. ENPC Ms 2483. Examen du mémoire no 7.
32 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 2, p. 342. A.D. Gironde C 1882. États des sommes employées en frais de corvées aux réparations des routes et chemins de la généralité de Bordeaux (1764-1769). A.D. Gironde C 1869. Extrait de l’État des payemens faits pour apointemens d’un sous-ingénieur, gages et salaires de conducteurs, piqueurs, mineurs et autres employés aux ouvrages par corvées dans la généralité de Bordeaux, ensemble pour fournitures et réparations d’outils, et autres frais pendant l’année 1757. A.D. Gironde C 1870. Lettre à Trudaine (29 mai 1759).
33 Ibid. Ouvrages faits par les communautés sur les routes et chemins de la généralité de Bordeaux pendant l’année mil sept cent cinquante huit.
34 A.D. Gironde C 1869. Lettre de Trudaine à Tourny (15 juin 1758).
35 A.D. Indre-et-Loire C 159. Lettre de Trudaine à De Limay (30 avril 1775).
36 A.D. Tours C 158. État des brigades de maréchaussée qui ont été employées aux travaux faits par corvée dans la généralité de Tours pendant l’année 1770. A.D. Orne C 122. État de l’indemnité due aux brigades qui ont servi sur les routes de Laigle et de Lizieux pour contenir les corvoyeurs (1753).
37 A.D Indre-et-Loire C 166. Requête des habitants de Château-Gontier (1773).
38 A.D. Côte d’Or C 3859. Extrait des registres des délibérations de la chambre de Messieurs les Élus généraux des États du duché de Bourgogne 27 juin 1758, 13 mars 1758 et 10 mai 1758.
39 A.D. Ille-et-Vilaine C 4899.
40 A.D. Gironde C 1869. Extrait de l’État des payemens faits pour apointemens d’un sous-ingénieur, gages et salaires de conducteurs, piqueurs, mineurs et autres employés aux ouvrages par corvées dans la généralité de Bordeaux, ensemble pour fournitures et réparations d’outils, et autres frais pendant l’année 1757. Le ratio est quasiment semblable dans la généralité de Tours pour l’année 1773 (6,4 %).
41 A.D. Indre-et-Loire C 1666. Réponse à la requête de messieurs de Château-Gonthier (2 avril 1773).
42 Mémoire de 1737 (art. 13).
43 A.D. Indre-et-Loire C166. Lettre de Trudaine (8 novembre 1769).
44 Pommereul F.-R.-J. de, Des Chemins…, op. cit., p. 33.
45 En mai 1775 déjà, Turgot avait demandé aux intendants de lui transmettre des états de situation afin de définir les priorités et de planifier les investissements : « vous voudrez bien en conséquence vous faire donner par l’ingénieur des Ponts et Chaussées qui sert près de vous les états exacts de ces ouvrages, à commencer par les plus indispensables » (Lettre circulaire de Turgot (6 mai 1775), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 105, p. 92-93). Pour la première fois, le Contrôle général commandait une enquête synoptique sur les travaux de corvée. Seuls quelques-uns de ces états ont été conservés. A.D. Calvados C 3117. État général des routes de ladite généralité tendant à faire apparaître l’étendue de chacune, la longueur et le genre de construction des parties faites ; celles seulement ouvertes ou ébauchées, et celles qui restent à faire ; comme aussi l’objet de la dépense, tant de leur entretien annuel que de nouveaux ouvrages qui restent à faire pour les mettre à leur entière perfection ; et les fonds qu’il sera nécessaire d’y appliquer (1776).
46 A.D. Indre-et-Loire C 336. Mémoire sur la généralité.
47 A.N. H1 1460. État des ouvrages faits par corvées sur les différentes routes de la province et frontière de Champagne, pendant l’année 1764, avec l’estimation de ce que les dits ouvrages auroient couté, s’ils eussent été faits à prix d’argent.
48 A.D. Orne C 139. Récapitulation des ouvrages de corvée exécutés dans la généralité d’Alençon depuis le 1er mars 1767 jusqu’au 1er janvier 1773.
49 A.D. Calvados C 3393.
50 A.N. H1 1460. État des ouvrages faits par corvées sur les différentes routes de la province et frontière de Champagne, pendant l’année 1764, avec l’estimation de ce que les dits ouvrages auroient couté, s’ils eussent étré faits à prix d’argent.
51 A.N. F14 149.
52 A.D. Ain C 1066. Généralité de Dijon. Province de Bugey. Ponts et Chaussées. État général des communautés qui travaillent ou doivent travailler par corvées sur les routes ouvertes et à ouvrir dans les provinces de Bugey et de Valromey suivant les ordres de M. l’intendant, et situation des ouvrages faits par corvée jusqu’au 31 décembre 1762.
53 Mémoire (1738), art. XXII.
54 A.D. Puy-de-Dôme C 6585-6588.
55 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 2, p. 341-342.
56 Extrait du mémoire dressé relativement à la lettre de M. de Chambine du 17 juin 1774, par laquelle M. de Trudaine désire qu’on lui fasse connaître tous les ouvrages faits à prix d’argent et ceux faits par corvées depuis 1743 […] jusqu’en 1774, Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 2, P.J. L, p. 341-342. A.D. Gironde C 1870. Ouvrages faits par les communautés sur les routes et chemins de la généralité de Bordeaux pendant l’année 1758.
57 A.D. Gironde C 1935. Lettre (3 décembre 1737).
58 A.D. Gironde C 1992. Lettre à M. Daussac subdélégué (1er juin 1739).
59 A.D. Gironde C 1869. Mémoire pour servir de réponse à la lettre de M. le Contrôleur général (1758). Cf. Marion M., « Une famine en Guyenne (1747-48) », Revue Historique, juillet-août 1891, p. 241-287.
60 A.D. Gironde C 1869. Mémoire pour servir de réponse à la lecture de M. le Contrôleur général 1758.
61 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 158, p. 210.
62 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 2, p. 341-342.
63 A.N. H2 2116. États des matériaux à voiturer par corvée dans la généralité de Paris pour les ouvrages des Ponts et Chaussées (1757-1775). Les premiers états (1756-1760) font la distinction entre les journées de voiture et celles des bêtes et des hommes. Pour les années suivantes, seul est indiqué le nombre global de journées de corvée. Comme on peut le constater sur le graphique, les exigences en travail diminuent significativement au cours de la guerre de Sept ans et avec l’arrivée au pouvoir de Turgot.
64 A.D. Calvados C 3393, 3395 et 3396. États estimatifs des ouvrages faits par corvées (1758-1760).
65 A.D. Côte d’Or C 3880. Table de l’évaluation de la dépense à faire pour l’entretien des routes du Département du Sud (1785). La route d’Array le Duc à l’allée de Saint-Marin d’Autun inachevée sur une demi-lieue est comptée comme entièrement à l’entretien. Il en est de même pour la route de Bourbon à Digoin jusqu’à l’Arroux : elle n’est pas encore entièrement en état de perfection mais comme il s’en faut peu, elle peut être considérée comme à l’entretien courant.
66 Cf. Tarification des infrastructures et dimensionnement de la capacité. L’autofinancement de l’entretien et de la construction des routes, éd. OCDE, 2007.
67 Pinot Duclos C. ( ?), Réflexions sur la corvée des chemins… op. cit., p. 81. Dans les exemples qu’il cite ce pourcentage se révèle toutefois inférieur de moitié : en Alsace, ce sont 320 000 Lt qui sont dépensées annuellement pour des travaux de construction et 16 000 Lt qui sont affectées à l’entretien ; en Franche-Comté les sommes déboursées en trente ans s’élèvent à 14 400 000 Lt pour la construction et à 720 000 pour l’entretien.
68 A.D. Calvados C 3389. Il faut rappeler que ces documents intitulés « Récapitulation générale tant du nombre de communautés employées sur les différentes routes de la généralité de Caen […] que du montant de leurs tâches en argent » comprennent des anticipations sur des exercices ultérieurs.
69 A.D. Calvados C 3389. Récapitulation générale tant du nombre de communautés employées sur les différentes routes de la généralité de Caen pour les années 1769 et 1770, que du montant de leurs tâches.
70 A.D. Calvados C 3393-3399.
71 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre de Turgot à L’Averdy (30 juillet 1765).
72 Lettre de Turgot à Trudaine (1762), Œuvres de Turgot, op. cit., p. 207.
73 Note sur les Travaux-Publics, Ibid., p. 211.
74 A.D. Haute-Vienne 303.
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