Chapitre IV. Les premières expériences de rachat : une exigence d’équité
p. 127-160
Texte intégral
1Lecreulx situe entre 1750 et 1774 la période la plus active des travaux routiers, avec un net ralentissement des chantiers au plus fort de la guerre de Sept ans de 1759 à 17621. Or c’est précisément à partir des années 1760, soit à peine deux décennies après sa laborieuse mise en œuvre, que s’amorce dans plusieurs généralités la monétarisation de la corvée. L’alternative entre corvée en travail et corvée en argent s’était posée précocement. En 1737, Orry avait fait le choix d’une réquisition en travail qui présentait a priori moins de risque de détournement. Il importe donc comprendre pourquoi la monétarisation de la corvée, qui avait été délibérément écartée à cette époque, trouve grâce auprès de plusieurs intendants au début des années 1760. Le rachat de la corvée va alors s’imposer dans la généralité de Caen tandis qu’une contribution générale se substitue à la prestation de travail dans la généralité de Limoges. Dans les deux cas la commutation induit avec le recours à l’adjudication et au travail salarié, à un changement dans le mode de mobilisation de la main-d’œuvre.
2Ces initiatives locales sanctionnent moins les limites intrinsèques au système de réquisition qu’elles visent à corriger son caractère inégalitaire, la corvée en travail n’étant proportionnée ni aux facultés des contribuables, ni à l’avantage qu’ils peuvent retirer des routes. Si les dynamiques de réformes empruntent des voies différentes – le rachat et la fiscalisation – elles tendent toutes les deux à substituer à une répartition par tête ou au nombre de bêtes, une répartition en proportion de la richesse. En apparence simple, cette opération repose sur toute une série d’expertises destinées à établir les règles de proportionnalité, à calculer le quotient adéquat et à mesurer par anticipation l’équité escomptée.
3L’enjeu de ce chapitre n’est pas tant de décrire les modalités de ces deux expériences que d’en saisir les raisons et la portée du point de vue des autorités comme pour les corvéables. Cette séquence chronologique se révèle en effet déterminante pour comprendre pourquoi le choix de la corvée en travail qui a été fait deux décennies plus tôt, est alors remis en cause dans quelques généralités. Si des éléments de contexte, tels que le poids de la guerre sur la politique fiscale, l’amplification de la croissance économique et l’émergence de la corvée dans le débat savant, peuvent expliquer ce revirement, il tient en grande partie au rôle des deux intendants proches des cercles intellectuels. Plus largement, il importe de comprendre les ressorts d’une telle option, alors même que le rachat de services obligatoires est a priori peu rentable en période de hausse démographique et d’augmentation des salaires. La portée de ces deux expériences est tout aussi essentielle à dégager pour la rupture qu’elles introduisent, en plaçant la question de la répartition du financement routier au cœur des enjeux de la réforme.
4Parvenir à reconstituer cette synergie d’initiatives qui révèle la plasticité de la corvée n’est pas toujours chose aisée tant les sources sont inégales et lacunaires. Alors que la réforme que Turgot tenta de mettre en œuvre comme Contrôleur général en 1776 est abondamment documentée, celle qu’il engagea à partir de 1763 alors qu’il n’était encore qu’intendant en Limousin a laissé peu d’archives. Symétriquement en Normandie des séries comptables conservées pour la période 1758-1776 permettent d’entreprendre une étude approfondie de la politique de rachat menée par l’intendant F.-J. Orceau de Fontette.
5Après avoir retracé les logiques de ces deux initiatives menées respectivement en Normandie et en Limousin en les resituant dans un mouvement plus vaste d’exigences réformatrices, il s’agira de montrer comment la commutation en argent, qu’elle se fasse par le rachat ou la fiscalisation, exprime de nouveaux principes d’imposition inspirés par un esprit d’équité fiscale. La monétisation de la corvée implique enfin de voir dans quelle mesure la conversion répond effectivement à l’objectif de soulagement qui la motive très largement.
Les ressorts d’une réforme
6L’historiographie a retenu pour l’essentiel les seules initiatives de Fontette en Normandie2 et de Turgot en Limousin3, considérées comme les prémices du processus de réforme engagé à compter de 1776. Le discours physiocratique a aussi largement contribué à mettre en balance les deux modèles, afin d’affirmer sa préférence pour la solution préconisée par Turgot, proche de la « Secte ». Il importe cependant moins de déterminer dans quelle mesure ces expériences réformatrices ont pu inspirer la réforme de 1776, que de scruter une coïncidence de décisions et une synchronisation de changements qui donnent sens à une véritable inflexion politique. À rebours d’une approche téléologique de la commutation de la corvée qui prétendrait rechercher dans ces initiatives locales les prodromes de l’édit de 1776, il s’agit au contraire de souligner leur singularité qui prend sens dans le contexte même de leur décision. Ces deux initiatives sont à resituer dans une politique de soulagement voulue par le gouvernement et dans une exigence de réforme de la taille sur laquelle est adossée la corvée. Cette inflexion ne concerne d’ailleurs pas seulement les pays d’élections, l’intendant de Bretagne modifiant au même moment le mode de répartition de la corvée en l’indexant sur la capitation. Cette séquence temporelle se révèle donc tout à fait cruciale pour la compréhension de politiques de réforme qui repensent l’assiette de répartition de la corvée.
Directives centrales et initiatives locales
7L’alourdissement de la pression fiscale dicté par le coût de la guerre de Sept ans et les difficultés frumentaires vont motiver la décision politique d’alléger le poids de la corvée des routes. Ce contexte, parce qu’il contribue à cristalliser les abus et les dysfonctionnements du système d’imposition, va offrir l’opportunité de penser les problèmes, de faire émerger des propositions et de mettre en œuvre des solutions.
8Les initiatives locales qui fleurissent dans les années 1760 ne peuvent se comprendre indépendamment de l’orientation politique tracée par plusieurs décisions gouvernementales. Par une lettre circulaire du 4 décembre 1758, le Contrôleur général Jean de Boullongne invita les intendants à corriger les principaux abus liés à la corvée et à limiter son emploi au seul entretien des routes déjà construites :
« Il paraît indispensable d’entretenir les chemins déjà faits et de mettre ceux qui sont entrepris en état de ne pas dépérir mais il convient de n’entreprendre quant à présent aucuns nouveaux ouvrages et même de surseoir à l’exécution de ceux qui sont commencés lorsqu’on pourra le faire sans se mettre en risque de perdre ce qui aura été déjà fait4. »
9Priorité est accordée à la réhabilitation et à la viabilisation du réseau existant sur la construction de nouveaux ouvrages. Après la disgrâce de Boullongne en mars 1759, Étienne de Silhouette qui lui succéda au Contrôle général poursuivit cette politique d’allégement5. Dans le même esprit, il incitait les intendants à limiter autant que possible le nombre de jours de travail pour soulager des corvéables éprouvés par les difficultés de la conjoncture6. En janvier 1760, Henri Bertin, promu Contrôleur général depuis novembre 1759 après la démission de Silhouette, réitéra la recommandation de « borner le travail au pur entretien et à ce qui est absolument indispensable, sans entreprendre aucun nouvel ouvrage, en suspendant même ceux qui ont été entrepris, lorsque cela se pourra faire sans courir risque de perdre ce qui a été déjà fait7 ». À l’issue du conflit, une lettre circulaire de C.-C.-F. L’Averdy plafonna En mars 1764 le travail sur les routes à douze jours par an « dans les années où vous ferez exécuter quelque ouvrage nouveau dans votre généralité et de six dans celles où vous n’aurez que l’entretien des ouvrages déjà construits par corvées8 ». Plusieurs intendants se conformèrent aux directives du Contrôle général9. Cette réduction des exigences monarchiques au titre de la corvée, qui se double d’une diminution concomitante des crédits reversés au titre de l’état du roi pour les Ponts et Chaussées, participe plus généralement d’une compression des dépenses publiques en matière d’investissements routiers, alors que la guerre oblige la monarchie à surseoir aux travaux les moins pressés et à supprimer deux postes d’inspecteurs généraux. à son arrivée dans la généralité, Turgot dut ainsi composer avec une dotation au titre des Ponts et Chaussées amputée de moitié alors même que l’imposition versée par la généralité n’avait pas diminué pour autant : avec 30 000 Lt, il estimait qu’il lui était « presque impossible d’entreprendre d’ouvrages d’arts, attendu que les appointements d’employés, frais de corvée et entretien d’outils absorbent la plus grande partie de cette somme10 ». L’impératif politique de ménager les corvéables qui participaient par ailleurs à l’effort de guerre comme contribuables, va puissamment contribuer à redéfinir les modalités de la mise en œuvre de la corvée.
10Si la guerre avait convaincu le Contrôle général d’alléger la corvée dans les pays d’élections, les pays d’états n’étaient pas en reste. Depuis 1740, les États de Bretagne avaient inauguré une politique de soulagement, en votant des crédits prioritairement destinés à financer l’adjudication des travaux routiers dans les contrées où les corvéables se trouvaient en nombre insuffisant ou avaient déjà satisfait à leurs obligations, et accessoirement pouvait servir à payer le transport et l’épandage des matériaux11. Ce dispositif peina à se mettre en place. Les fonds alloués en 1740 ne furent pas dépensés. Sur les 200 000 Lt débloqués en 1744, un quart de la somme n’avait pas été utilisé. Le Contrôleur général Orry manifesta d’ailleurs sa désapprobation, considérant que cet argent ne profiterait pas aux pauvres12. En 1756, ce fonds fut toutefois porté à 300 000 Lt avant d’être ramené à 200 000 Lt deux ans plus tard. Au vu des pièces comptables qui ont été conservées, ce sont 285 699 Lt (soit 95 % des crédits prévus pour le soulagement des corvéables) qui furent ainsi dépensés sur les routes de la province en 1757-1758 et 192 548 Lt (96 %) en 1759-176013. Au total entre 1742 et 1769, les États déboursèrent ainsi 625 556 Lt pour soulager les corvéables, surtout au début de la guerre de Sept Ans. Principalement dépensés en adjudication de travaux dont la nature n’est généralement pas explicitée, les fonds servirent occasionnellement à l’entretien de ponts, au paiement de transport de matériaux et à l’achat d’outils. Les Élus de Bourgogne se préoccupèrent de la même façon d’alléger le poids de la corvée. En janvier 1759, les États décidèrent de plafonner à douze jours la prestation en travail sur les chemins, en même temps qu’ils faisaient procéder, à l’issue d’un recensement méthodique des corvéables, à une distribution des tâches proportionnée à l’éloignement relatif des communautés14.
11La convergence des aspirations politiques à travers le royaume confirme l’inflexion majeure que représente la guerre de Sept ans dans la volonté de modérer les exigences en travail. Deux généralités vont particulièrement se signaler comme laboratoires de la commutation de la corvée.
La Normandie et le Limousin, laboratoires de la commutation
12Si le Contrôle général joua un rôle déterminant dans l’impulsion d’une politique de soulagement, sa mise en œuvre révèle les déterminations particulières qui ont motivé certains administrateurs à répondre aux directives gouvernementales, voire à les outrepasser. Alors que de tels ménagements étaient censés s’appliquer dans tous les pays d’élections, pourquoi les généralités de Caen et de Limoges ont-elles été le creuset des premières expériences réformatrices ?
13Les généralités de Caen et de Limoges présentent en tout cas des profils assez différents en termes d’équipement routier15 : alors que la première jouit d’une confortable densité routière avec 0,640 km/10 km2, la seconde se révèle bien moins pourvue en infrastructures avec 0,245 km/10 km2. Quant à la nature des revêtements, la situation semble tout aussi contrastée entre les deux généralités, celle de Caen comptant davantage de routes pavées que le Limousin. La corvée aurait-elle suscité en Normandie et en Limousin des résistances et des contestations plus marquées qu’ailleurs qui aient pu justifier l’intervention précoce des deux intendants ? Rien en tout cas dans les archives locales ne permet de l’affirmer. Il faut rappeler tout au moins que la corvée s’imposa tardivement dans la généralité de Caen. La rationalité des réformes engagées est donc à apprécier en fonction des contraintes sur lesquelles elles sont censées agir et des fins en vue desquelles elles ont été impulsées. Cela suppose de prêter attention aux principes qui les guident, à commencer par l’équité fiscale, et à la définition des enjeux soulevés.
14La difficulté à trouver de la main-d’œuvre mobilisable est un argument récurrent invoqué à la fois par Fontette et Turgot. En Normandie, à la faible densité de population dans le pays d’herbage vient s’ajouter la difficulté à trouver de la main-d’œuvre dans les zones côtières pour suppléer aux matelots et aux pêcheurs. En Limousin, Turgot, confronté aux mêmes contraintes, a dû distordre la réglementation sur la distance de réquisition pour trouver de la main-d’œuvre : « On s’est cru obligé en Limousin d’étendre la distance à laquelle les paroisses sont assujetties à la corvée jusqu’à 9 000 toises, c’est-à-dire à quatre lieues communes […] Malgré cela, il y a sur la route de Toulouse des parties d’un travail très difficile, où le pays ne fournit pas assez d’ouvriers16. » Cette pénurie était encore aggravée par les migrations saisonnières qui, pendant de longs mois privaient les villages de travailleurs partis s’employer sur des chantiers urbains ou à l’étranger. L’objectif que revendique d’ailleurs explicitement Turgot, en prônant l’adjudication des travaux routiers, est de transférer aux entrepreneurs le soin de recruter eux-mêmes la main-d’œuvre.
15L’argument selon lequel la commutation en argent de la réquisition en travail permettrait de corriger un certain nombre d’abus et de dysfonctionnements, que l’administration de la corvée avait révélés et qui nuiraient à son efficacité, ne saurait valoir que pour ces deux seules généralités. Fontette et Turgot pointaient le peu de fiabilité des listes de corvéables qui présidaient à la distribution des tâches, tenant à l’impéritie de syndics ne sachant ni lire ni écrire ou aux dispenses dont ils faisaient profiter leurs affidés. Dans tous les cas, il s’agit pour les deux intendants de pallier une sous-estimation chronique des forces corvéables qui entretenait l’injustice du système de réquisition : comme nombre de corvéables se dérobaient à leurs obligations en travail, par la dissimulation ou en alléguant des exemptions, la corvée était supportée par un nombre restreint de villageois.
16La corvée de harnais était-elle susceptible d’avoir des conséquences dommageables sur l’économie locale dans ces deux régions d’élevage ? Fontette évoque ses effets néfastes sur le commerce des chevaux. Quant à Turgot, il pointe les difficultés que pose la corvée dans une région où domine l’emploi des bovins pour les labours, l’élevage des chevaux fournissant prioritairement les maîtres de poste, les voituriers spécialisés dans le trafic de vin et de riches particuliers. La réquisition des bovins se révèle d’autant moins efficace qu’ils requièrent davantage d’hommes pour les conduire que les chevaux pour une productivité moindre17. Turgot signale en outre les dissimulations auxquelles se livreraient les paysans pour ne pas exposer leurs bovins aux risques d’accidents et de dépérissement. Les baux à cheptel conclus en nombre tout au long de l’année tendent toutefois à montrer que les exploitations n’étaient jamais dégarnies de bestiaux. L’augmentation de ces contrats s’explique surtout par la nécessité où se trouvait réduite une large fraction de paysans de vendre leurs bovins pour subvenir à leur subsistance et symétriquement d’en louer d’autres pour être en mesure d’exploiter leurs parcelles18. La misère expliquerait donc ces transactions, bien plus que les stratégies prêtées aux paysans, qui par calcul vendraient leurs bêtes avant la saison de la corvée pour y échapper ou la faire diminuer. De telles suspicions tiennent en fait à la complexe qualification des bêtes corvéables. On a vu qu’en principe la corvée de harnais ne devait pas compromettre l’activité productive et commerciale dans la mesure où le bétail destiné à l’élevage échappait normalement à la réquisition.
17La distinction fonctionnelle des bêtes se révèle toutefois délicate. Les vaches assuraient le renouvellement des troupeaux et étaient employées pour les travaux agricoles, avant d’être vendues à la boucherie locale, tandis que les mâles après avoir été utilisés comme reproducteurs, servaient comme animaux de trait – surtout pour les labours et secondairement pour les charrois – pendant quelques années avant d’être engraissés pour être commercialisés sur le marché parisien. Si les deux généralités de Caen et de Limoges présentent d’évidentes similitudes en termes d’économie rurale, l’argument qui consisterait à expliquer la commutation précoce de la corvée en travail par cette spécialisation productive mérite toutefois d’être relativisé. Hormis la Normandie et le Limousin, le mouvement de réforme de la corvée ne semble pas gagner aussi précocement les autres principales régions françaises d’élevage.
18Les deux généralités ne se signalent pas non plus par un taux d’imposition particulièrement élevé. Si l’on se fie aux résultats de l’enquête diligentée par le Contrôle général entre 1772 et 1775, la contribution par tête se monte à 21 Lt 4 s dans la généralité de Caen, tandis qu’avec 11 Lt 13 s la généralité de Limoges se situe parmi les circonscriptions les moins lourdement taxées19. En fait dans les deux cas, le rachat de la corvée est étroitement lié à la politique de réforme de la taille engagée au même moment par le gouvernement, pour corriger l’arbitraire de la répartition et introduire une meilleure proportionnalité du prélèvement grâce à une meilleure estimation des revenus sur la base des déclarations des contribuables et de l’établissement d’un cadastre. Après avoir songé en 1762 à mettre au concours de l’Académie royale des Belles Lettres un sujet sur la question de l’impôt, Fontette s’attela à compter de 1767 à introduire la taille tarifée dans sa généralité. Symétriquement, Turgot entreprenait dès 1762, de refondre le système d’imposition en Limousin en faisant procéder par des commissaires des tailles à l’actualisation des rôles des collectes et à la confection de plans parcellaires. Alors que le Contrôle général mûrissait le projet d’un cadastre général pour corriger les vices inhérents à la perception de la taille, Turgot composa en 1763 le Plan d’un mémoire sur les impositions (1763) où la question des corvées est explicitement posée dans un dialogue contradictoire avec Rousseau : « Examen de l’idée de Rousseau, que les corvées sont préférables : montrer combien elles sont coûteuses, moins équitablement réparties, impraticables dans une grande société20. »
19Les réformes engagées conjointement par les deux intendants à propos de la corvée des routes participent en réalité d’un mouvement plus vaste d’allégement des réquisitions. À peine un an après le rachat de la corvée, Fontette engageait conjointement la réforme de la milice : en septembre 1759 il créait une imposition générale au marc la livre de la taille pour pourvoir aux dépenses militaires21. Turgot entendait quant à lui mener de front la suppression des corvées exigées pour la construction et l’entretien des routes, et de celles imposées pour le compte de l’armée. En se réclamant de l’exemple de l’intendant de Franche-Comté, il proposait de s’affranchir du service de l’étape pour sous-traiter les convois à des entrepreneurs stipendiés sur les ressources de l’impôt. De la même façon que pour la commutation de la corvée des chemins, Turgot accorda aux communautés concernées des diminutions d’impôt calculées en fonction des prix pratiqués localement, de la distance des paroisses et de la longueur de l’étape. Leur montant était ensuite réparti sur tous les autres contribuables de la généralité22.
20La réflexion engagée par les deux intendants pose plus largement la question de la rationalité économique du rachat en termes d’incidence et d’allocation des ressources, alors que la corvée en travail est accusée de détourner et d’user de façon accélérée les moyens de production nécessaires au développement de l’agriculture. Selon Fontette, la diversité des terroirs et le relativisme des usages agricoles qui se révélait difficilement conciliable avec une norme uniforme de travail, impliquaient un traitement différencié des situations : en bord de mer « les terres y rapportent plusieurs récoltes, qui occupent d’autant plus leurs habitants [...]. Le pays de bocage est très stérile ; pour tirer quelques productions des terres, il faut les travailler quatre ou six fois plus que les autres ; ce qui exige des soins et du temps à proportion23 ». Dans tous les cas le rachat de la corvée est censé économiser le temps des paysans pour leur permettre de se consacrer activement au travail agricole.
21Le rachat de la corvée se voit également assigner des finalités sociales qui débordent le strict financement des infrastructures. Conçu comme un moyen de réduire la charge pesant sur les plus pauvres, en faisant supporter l’essentiel de la dépense aux plus riches, le rachat doit également produire des effets redistributifs en permettant aux premiers de s’embaucher sur les chantiers routiers, et jouer ainsi un rôle actif dans la politique d’assistance par l’emploi. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l’idée d’employer des pauvres aux travaux routiers se profile comme une solution au sous-emploi structurel et au chômage conjoncturel, susceptible d’économiser les structures charitables et de satisfaire la demande de main-d’œuvre. C’est une des finalités que Fontette assigne explicitement à son projet de réforme : « Dans les calamités publiques, au lieu de suspendre les travaux des chemins, plus on les augmentera et plus on soulagera les pauvres, en leur procurant des moyens de gagner leur vie24. » Les fonds de rachat, en subventionnant des emplois salariés, est aussi présenté comme un moyen d’activer la circulation monétaire dans les campagnes : les corvées en travail
« resserrent l’argent dans les coffres de ceux de la campagne qui en manquent le moins. Les corvées en argent au contraire le font circuler dans l’intérieur du pays où elles s’exécutent. Elles en rendent le mouvement plus vif, elles le multiplient en quelque sorte. Elles le font passer de la bourse des aisés dans celle des pauvres. Ils en tirent les choses nécessaires à leur subsistance, dont l’achat le remet dans celle d’où il étoit sorti25 ».
22Par la monétarisation de la corvée, il s’agit d’obliger les paysans à entrer dans une économie monétaire et salariale pour se procurer de l’argent. De la même manière pour Turgot, la commutation de la corvée est conçue comme un moyen d’éradiquer la misère en salariant des paysans fragilisés par le recul de la propriété paysanne et le spectre du sous-emploi. Son ambition était que les corvéables ne soient « plus obligés de travailler gratuitement mais […] [qu’] ils trouvent du travail à leur portée et [puissent] regagner par cette voie une partie de leurs impositions26 ». Ainsi en 1761-1762, quand il esquisse son plan de réforme pour la généralité de Limoges en proposant de rémunérer les corvéables, il se préoccupe de faire en sorte que son dispositif leur profite effectivement. C’est la raison pour laquelle il propose d’accorder au bouvier une gratification de deux sols mais se refuse à lui consentir un dégrèvement d’impôt qui bénéficierait à son maître.
23Ces deux premières expériences de rachat semblent donc moins ressortir d’éléments propres au contexte économique et fiscal des deux généralités dans lesquels il prend forme, que tenir à la personnalité des intendants éclairés qui en ont l’administration. La commutation va toutefois s’y opérer selon deux modalités différentes.
Deux modèles
24Dans la mesure où Turgot définit son projet en se référant à celui de son homologue pour s’en démarquer sur le fond, et puisque les deux réformes sont généralement évaluées l’une par rapport à l’autre par leurs contemporains, il convient de les étudier de façon croisée pour dégager les similitudes et les spécificités des enjeux qu’elles posent.
25Quelles que soient les raisons économiques et sociales qui l’ont motivé, le dispositif de rachat optionnel formé par Fontette s’explique largement par les difficultés auxquelles il fut confronté dans la mise en œuvre de la corvée en travail. À peine nommé intendant de la généralité de Caen, il décida en 1752 d’accorder un allégement fiscal aux communautés qui travaillaient pour la troisième année consécutive à la corvée de harnais, qui était alors la seule forme de réquisition exigée pour permettre aux entrepreneurs de faire l’économie du coût du transport des matériaux27. Symétriquement il alourdissait les exigences en travail en introduisant la corvée de bras28. À compter de 1755, le nombre de jours de corvée fut plafonné annuellement à 18 pour les voitures et à 8 pour le travail des manouvriers29. Au printemps 1757, il dut toutefois se résoudre à suspendre les corvées de bras en raison de la cherté des blés30.
26Même si la proposition de Fontette ne se réclame pas explicitement du modèle breton, il est indéniable que l’on retrouve dans les deux cas une même volonté d’indexer la corvée sur les revenus des contribuables. Perronet indique que lors de l’assemblée des Ponts et Chaussées du 27 février 1757, « il a été question d’une proposition faite par M. de Fontette, intendant de Caen, à l’imitation de la province voisine, la Bretagne, pour imposer les travaux en nature au prorata de la taille31 ». Au début de l’année 1754, les États de Bretagne avaient en effet demandé que les paroisses situées à plus de deux lieues de l’atelier soient exemptées de corvée et qu’elle devienne proportionnelle à la capitation32. L’ordonnance du 30 octobre 1757 vint sanctionner ce nouveau régime de répartition33. Celle-ci se faisait désormais non plus au nombre d’hommes que comptait la communauté, mais au prorata de la capitation des contribuables imposés pour un montant supérieur à vingt sols : un sol supplémentaire sur le rôle d’imposition équivalait à une majoration d’une toise de la tâche de corvée. Ce nouvel arrangement s’accompagnait d’une dissociation entre la tâche de corvée qui ne devait s’appliquer qu’à des travaux d’aplanissement et d’empierrement, et les servitudes d’entretien.
27Inspiré par un souci d’équité fiscale, le choix du rachat optionnel que fit Fontette pour sa généralité s’imposa de préférence à deux autres solutions envisagées. Partageant les vues des ingénieurs de sa circonscription34, il confessa avoir initialement songé à une contribution générale qui « augmenteroit ou diminueroit relativement aux autres charges de la province et suivant les circonstances de la paix ou de la guerre35 ». Il fut semble-t-il également tenté par l’instauration d’« une espèce de péage sur les voitures à deux roues passantes sur les chaussées faites et qui deviendroit volontaire par la liberté de mettre leurs charettes à quatre [roues] offriroit une ressource assés considérable36 ». Finalement Fontette ne retint aucune de ces deux propositions et décida de laisser aux communautés corvéables la possibilité de choisir entre une prestation en travail et son rachat par l’impôt.
28Un premier projet d’ordonnance en date du 30 juillet 1757 semble ne pas avoir été appliqué37. L’ordonnance du 10 mars 1758, qui introduit effectivement le rachat optionnel de la corvée dans la généralité de Caen, ne la mentionne d’ailleurs même pas38. Pour les communautés corvéables qui optaient pour l’adjudication de leurs tâches (la délibération engageait la collectivité dans son ensemble), le rachat était proportionné au principal de leur taille et en était plafonné au quart39. Le montant des travaux à la charge de la communauté était ensuite réparti au prorata des cotes d’imposition de chacun des contribuables. Quant à celles qui décidaient de s’acquitter elles-mêmes de leur tâche, un délai leur était prescrit pour les réaliser ; si les travaux n’étaient pas terminés dans le temps imparti, l’administration monarchique faisait procéder à leur adjudication.
29Alors que le rachat optionnel continue à faire peser le financement routier sur les seules communautés riveraines, la solution promue par Turgot s’affranchit radicalement du cadre territorial de la réquisition de la corvée. Quand il décida à son tour de rompre avec la corvée en travail, Turgot, fraîchement nommé intendant du Limousin, connaissait le dispositif mis en place dans la généralité de Caen. Dans la correspondance qu’il entretient avec Trudaine, il cite d’ailleurs explicitement la méthode suivie par son confrère pour s’en démarquer. Le système que Turgot mit finalement en place en Limousin à partir de 1763 pour remplacer la corvée en travail sur les routes diffère en effet radicalement de celui de Fontette : la contribution en argent était répartie sur l’ensemble des taillables de la généralité, afin que les paroisses situées à proximité des chantiers routiers ne fussent pas les seules à supporter la charge fiscale du rachat. Un tel dispositif s’inspire de la proposition faite Perronet, alors qu’il n’était encore qu’ingénieur dans la généralité d’Alençon, de « rejeter sur les paroisses éloignées et non sujettes à la corvée les diminutions d’impôts accordées en récompense aux paroisses chargées de corvée40 ». La solution retenue par Turgot imposait de procéder en deux temps. Les communautés riveraines devaient commencer par délibérer pour choisir d’exécuter par elles-mêmes les travaux ou de les faire faire en échange d’une remise fiscale équivalente au montant de celle-ci. Un rôle distinct était alors composé de façon à imposer le montant de l’adjudication au marc la livre de la cote de taille de chacune de ces communautés. Tous ces rôles particuliers étaient ensuite compilés de façon à constituer un rôle général des adjudications. La somme totale était ajoutée au département des tailles de la généralité. Les paroisses qui ne finançaient pas directement les adjudications étaient taxées pour une somme équivalente aux dégrèvements de taille accordés aux communautés riveraines. Turgot ne faisait en cela que systématiser une pratique assez répandue qui consistait à accorder un dégrèvement d’impôt aux communautés les plus zélées41. Pour former son projet, il s’inspira aussi explicitement du « moins imposé effectif » qui est une remise effectuée sur le montant de la taille à collecter dans chaque généralité en cas de mauvaises récoltes et de difficultés conjoncturelles.
30Si le principe de faire porter la charge des corvées sur l’ensemble de la généralité reste un objectif constant de Turgot, les modalités de son projet ont quant à elles singulièrement évolué entre les années 1761 et 1767, au gré des refus opposés par le Contrôle général comme le révèle la correspondance qu’il entretient alors avec Trudaine. C’est en 1761-1762 qu’il conçoit un système de dégrèvements fiscaux et de gratifications en numéraire pour les corvéables employés sur les routes, soit à la tâche soit à la journée en fonction du type de travail fourni.
Tableau 6. – Projet de corvée payée par Turgot (1761-1762).
Type de tâche | Mode de rémunération | |
1re classe | Tirage de la pierre | à la tâche |
2e classe | Voiturage depuis carrière | à la tâche |
3e classe | Travail des journaliers | à la journée |
4e classe | Travail des voitures et des bêtes de somme | à la journée |
5e classe | Entretien à la tâche | à la tâche |
31À une gratification fixe ou modulable de deux sols payable pour le seul fait d’être présent à l’appel du matin et du soir, s’ajouterait un salaire de trois sols par jour en hiver et de cinq sols en été (quand l’offre de main-d’œuvre se rétracte) versé par déduction sur la cote individuelle d’imposition. Un système de primes était également prévu pour stimuler l’émulation au travail : les brigades dont le travail fourni aurait outrepassé la tâche prescrite se verraient octroyer une gratification supplémentaire dont le montant serait calculé en fonction du nombre d’ouvriers et de jours de labeur ; une bonification particulière profiterait en outre à l’ouvrier le plus méritant, sous la forme d’un dégrèvement d’impôt équivalent à une ou deux journées de travail. Les bouviers, préposés au transport des matériaux, se verraient également accorder une gratification de deux sols par jour de présence. Tandis que les dégrèvements fiscaux des corvéables devaient être compensés par une augmentation de la taille sur les autres contribuables de la généralité, Turgot prévoyait, pour trouver les liquidités nécessaires au versement de ces gratifications en numéraire, de rogner sur des dépenses administratives et de ponctionner sur les excédents de capitation42.
32Dans les deux cas, les propositions de réforme portées par les deux intendants se heurtèrent à la réticence des instances gouvernementales. Le projet de Fontette suscita une certaine défiance de la part de l’assemblée des Ponts et Chaussées. Trudaine, pourtant plutôt favorable au remplacement de la corvée par une imposition, craignait « qu’une imposition de moitié de la taille ne devienne trop forte et ne tire à conséquence dans l’opinion du peuple qui aurait une mesure exacte de son imposition dont l’objet quoique aussi considérable présentement est cependant moins facile à apprécier et moins connu43 ». Même si elle est loin de faire consensus au sein de l’administration des Ponts et Chaussées, la question du rachat fut pourtant précocement envisagée par plusieurs ingénieurs à l’instar de Leblanc44. Dans la généralité de Moulins, l’ingénieur en chef Leclerc se prononça même pour l’instauration d’un impôt foncier45. La défiance du Contrôle général à l’égard du projet de Turgot fut bien plus tenace. À deux reprises, en 1762 puis l’année suivante, Bertin refusa de faire ratifier la réforme proposée par Turgot. Le Contrôleur général envisageait éventuellement, au retour de la paix, de financer les infrastructures routières par la tarification de leur usage au moyen de péages46. Il redoutait surtout que la contribution censée suppléer à la corvée en travail ne vienne s’ajouter à l’imposition ordinaire levée sur la généralité au titre des Ponts et Chaussées, alors même qu’il entreprenait une politique de diminution de la taille. À cette première fin de non-recevoir, Turgot opposa une nouvelle proposition en juillet 1762 : il suggéra alors à titre d’expérimentation, de faire adjuger les travaux sur un tronçon de la route de Bordeaux, en dédommageant ultérieurement les paroisses riveraines par une diminution proportionnée sur les impositions47. Bravant les réticences du Contrôle général, Turgot adressa finalement au début du mois d’octobre 1763 une lettre circulaire aux curés pour qu’ils se chargent de convaincre leurs ouailles de leur intérêt au rachat de la corvée48. Ce n’est finalement qu’en janvier 1766 qu’un arrêt du Conseil vint approuver a posteriori les délibérations prises par les seules paroisses corvéables en faveur de l’adjudication de leurs travaux49. Un tel arrêt fut dès lors rendu chaque année jusqu’en 1787, pour approuver les délibérations prises par les communautés villageoises et préciser pour chacune d’elles le montant de sa contribution.
33L’introduction du rachat dans les deux généralités selon des modalités différentes sanctionne un changement dans l’organisation des travaux. Les ouvrages routiers étaient désormais intégralement réalisés par entreprise, y compris les tâches sans qualification et les opérations de transport jusqu’alors assurées par corvée. En mars 1758 Fontette décida d’affermer pour trois ans l’entretien des routes de sa circonscription ; quant aux travaux de construction, ils ne furent pas adjugés au rabais mais confiés à des entrepreneurs qui s’engageaient à les réaliser pour la somme correspondant aux fonds du rachat. En Limousin, Turgot renonça également à adjuger les travaux routiers au rabais pour les attribuer à quelques entrepreneurs sélectionnés et assurés d’un bénéfice raisonnable. Pour l’entretien, il songea dans un premier temps laisser aux communautés le choix de le faire par corvée ou à prix d’argent. Il pensa également l’imposer aux propriétaires riverains qui étaient par ailleurs responsables de l’entretien des arbres plantés le long des grandes routes. Ce n’est qu’à partir de 1768 que l’entretien fut affermé, sur une idée de l’ingénieur en chef P.M.J. Trésaguet. Les entrepreneurs étaient tenus par leur marché de recruter des cantonniers et d’approvisionner en cailloux le tronçon routier dont ils étaient responsables. Il leur revenait de le diviser en cantons de façon qu’un cantonnier puisse le sillonner d’une extrémité à l’autre en une journée pour inspecter l’état de la chaussée et de ses abords, et intervenir en cas de besoin. L’entrepreneur devait établir la liste des cantonniers en indiquant leur domicile et les limites de leur canton, de façon à permettre à l’ingénieur lors de ses tournées de pointer les éventuels manquements de tel ou tel.
34Conçues comme deux alternatives possibles à la corvée en travail, les options choisies respectivement par Fontette et Turgot reposent sur des procédures décisionnelles différentes – l’ordonnance pour le premier, l’arrêt du Conseil pour le second – qui reflètent la distinction entre la conversion qui donne la possibilité de payer un impôt dans une autre unité en conservant l’assiette du prélèvement, et la commutation qui engage une modification profonde du mode de répartition. Alors que le rachat pratiqué dans la généralité de Caen, en ménageant le choix entre la prestation en travail et le versement d’un équivalent monétaire, se moule dans le périmètre de mobilisation de la main-d’œuvre, la solution retenue en Limousin, en imposant la commutation généralisée bouscule radicalement la logique qui avait été celle de la réquisition, et au nom d’une exigence de justice fiscale recompose le territoire de son exigibilité.
La consécration de la méthode Fontette
35Alors que la réforme engagée par Fontette fut sans doute inspirée du modèle breton et que Turgot a lui-même échafaudé son projet par rapport au système mis en place par son homologue normand, ces expériences vont à leur tour inspirer toute une série de projets ou d’initiatives qui remettent en cause l’emploi de la corvée en travail. Des deux alternatives possibles, c’est la méthode Fontette qui inspira jusqu’en 1786 la plupart des initiatives réformatrices. Cela tient sans doute au fait qu’elle présentait l’avantage de ménager une forme d’équité dans le cadre territorial de l’institution originelle, et qu’elle correspondait dans une large mesure à l’idée même que l’on se faisait de l’utilité économique d’une route.
36À l’instar de l’expérience limousine, des projets de fiscalisation de la corvée furent toutefois envisagés dans plusieurs autres circonscriptions. En 1764, G.-L. Rouillé d’Orfeuil, à peine nommé intendant de Champagne, proposait, sans toutefois se réclamer de Fontette ou de Turgot, de remplacer la corvée en travail ainsi que l’imposition levée au titre des Ponts et Chaussées par un doublement de la capitation. Le montant de cette imposition, estimée à 1 130 000 Lt, devait diminuer à mesure que les travaux de construction avanceraient. L’objectif explicite de Rouillé d’Orfeuil était de soulager les paysans assujettis aux corvées militaires et routières en faisant contribuer les villes. C’est un décompte minutieux du nombre de forces corvéables, des frais d’encadrement et du travail fourni au cours de l’année 1764 sur les différents ateliers ouverts à travers la généralité, qui décida Rouillé d’Orfeuil à préférer l’adjudication des travaux à la réquisition50. Non seulement le recours au travail salarié permettrait selon lui de réaliser une économie de 79 436 Lt (soit 7 % de la dépense) à l’échelle de la généralité, mais il ménagerait les contribuables à titre individuel : « Vous y verrez, Monsieur, la différence qui en résulteroit pour le cultivateur et le manouvrier, et la preuve que chaque corvéable en payant une imposition gagneroit encore les deux tiers en sus de ce que la corvée lui coute51. » Malgré les espérances fondées par l’intendant dans son projet, celui-ci ne trouva pas d’application. Il en est de même en Bourgogne, où l’idée de substituer une imposition à la corvée en travail est soumise aux États dès 176952. En mai 1775, Belle-Isle, ingénieur en chef dans la généralité du Hainaut proposa également un système mixte qui prévoyait le maintien de deux journées de corvée à la charge des paroisses riveraines, et le remplacement de trois autres journées de travail par une imposition établie sur les communautés non corvéables53 ; cette seconde disposition s’inspirait directement de la péréquation fiscale introduite par Turgot en Limousin. Il n’y a guère qu’en Bresse que la corvée fut effectivement fiscalisée mais selon d’autres modalités. À partir de 1770, c’est une augmentation de 3 Lt par minot de sel débité dans les greniers de la province qui pourvoit au financement des infrastructures routières54.
37Les réformes réellement entreprises vont en fait consacrer le rachat optionnel qui après la généralité de Caen va essaimer dans d’autres circonscriptions. Le mémoire de Fontette fit d’ailleurs l’objet d’une large diffusion55. Participe-t-elle d’une stratégie de communication de la part d’un intendant réformateur désireux de médiatiser son action réformatrice ? Toujours est-il que des initiatives convergentes de rachat vont se développer dans d’autres généralités. En 1766-1767, Dupré de Saint-Maur fit procéder dans la généralité de Bourges à un inventaire des forces pour préparer une meilleure répartition du travail56. Symétriquement en Guyenne, l’intendant « persuadé qu’il est plus juste et plus utile que les tâches soient perfectionnées à prix d’argent » diligenta en août 1767 un dénombrement des communautés corvéables avec leurs tâches respectives en parallèle d’une enquête fiscale57. L’extension du rachat de la corvée fut même encouragée par une directive adressée aux intendants par le Contrôle général :
« Il est des circonstances où il convient mieux à tous égards, aux corvéables de se faire remplacer par d’autres ; vous ne pouvez trop faciliter ces arrangements soit pour les particuliers, soit pour les communautés mêmes lorsqu’elles le demanderont par des délibérations en bonne forme et qu’il vous paraîtra évident que c’est leur avantage58. »
38En 1769, le système du rachat fut d’abord adopté dans les généralités d’Alençon59, de Montauban60 et de Moulins61. La même année la pratique de l’abonnement fut également introduite en Auvergne62. Deux ans plus tard, l’intendant de Rouen, Louis Thiroux de Crosne, confronté à de nombreuses difficultés dans l’application de la corvée, dont rendent compte d’ailleurs les archives de la répression, se décidait, sur les conseils de Fontette, à promulguer le 1er juillet 1771 une instruction généralisant le rachat optionnel.
39Toute une série d’initiatives fleurirent ainsi simultanément au cours de la décennie 1760 pour indexer la corvée en travail sur l’impôt, voire la remplacer par une imposition pécuniaire (c’est le cas, avec des modalités différentes, dans les généralités de Caen et de Limoges). Certaines trouvèrent un terrain d’expérimentation, tandis que d’autres restèrent à l’état d’ambitions velléitaires. Ce mouvement de réforme ambitionnait quoiqu’il en soit de corriger l’inégale répartition de la corvée en travail.
Le sens de la proportion
40L’exigence d’équité qui inspire les deux intendants réformateurs va se traduire par la mise en œuvre d’une proportionnalité de l’impôt supplétif et d’une dégressivité territoriale. Les projets de réforme, qui exposent avec force détails les dispositifs institutionnels censés organiser le rachat, ne sauraient toutefois être étudiés sans prêter attention aux pratiques administratives qui le mettent effectivement en œuvre. Dans les deux cas, le rachat implique une nouvelle clé de répartition de la corvée : d’une répartition fondée sur le nombre de travailleurs définis par leur situation fiscale et réquisitionnés chacun pour un même nombre de jours, on passe à un impôt de quotité modulé selon la richesse des corvéables.
Corvée de répartition, corvée de quotité
41La commutation de la corvée est à resituer dans le contexte de son expérimentation, marquée par une grande effervescence en matière de politique fiscale. Comme pour la taille tarifée destinée à devenir un impôt de quotité, la commutation de la corvée engagée au milieu du XVIIIe siècle procède du même esprit d’équité. La nouveauté fondamentale qu’introduit le rachat est de rompre avec la distribution de la corvée selon les forces, qui pesait indistinctement sur le riche et le pauvre, pour promouvoir une répartition en fonction des capacités contributives. Il était d’ailleurs plus facile de moduler une contribution en argent selon les facultés qu’une prestation en travail. Ce n’est plus le nombre d’habitants ou de bêtes qui détermine désormais la quantité de travail imposée à une communauté, mais la richesse relative de ses habitants contribuables. Cette nouvelle façon de répartir la corvée se double par ailleurs d’un renversement dans la logique de financement des travaux routiers : il ne s’agit pas de « régler la contribution des paroisses sur la quantité de chemins qu’on juge à propos de faire ; mais au contraire il faut régler la quantité de chemins sur la force des paroisses et sur la contribution qu’on en peut exiger raisonnablement63 ». Le fait de conditionner la dépense des travaux aux recettes fiscales escomptées introduit une nouvelle façon de programmer les travaux routiers qui va perdurer jusqu’à l’instauration de la contribution supplétive de la corvée dans les dernières années de l’Ancien Régime.
42La décision de modifier la répartition de la corvée repose en amont sur une appréciation chiffrée des avantages comparatifs entre la corvée en travail et sa commutation en argent. Avant d’introduire le rachat optionnel des travaux de corvée, Fontette fit procéder à une évaluation du nombre de journées requises dans le cadre d’un chantier routier : « Je fis l’estimation de l’ouvrage qui avoit été fait par corvée sur la route de Caen à Villers, pendant l’année 1757, je fis faire en même tems la récapitulation du nombre de journées d’hommes et de chevaux qui y avoient été employés64. » Cette opération avait pour but d’évaluer en argent le prix des travaux et de chiffrer l’avantage que représenterait pour les communautés la conversion de la corvée par rapport à la réquisition en nature. Il n’a pas été possible de retrouver la trace archivistique de ce décompte, qui aurait permis de reconstituer la base de calcul de Fontette. Grâce au rachat, il prétendait pouvoir faire réaliser aux communautés corvéables une économie de moitié sur le montant de leur imposition65. De la même façon Turgot procéda à des évaluations afin de mûrir sa réforme :
« Je fonde cette fixation sur l’évaluation approchée que j’ai faite des journées d’hommes et de voitures qui travailloient dans la généralité lorsque le système de la corvée y étoit suivi, d’après les mêmes principes qu’avait suivis Mr de la Michodière pour évaluer en argent la charge des corvées dans les généralités d’Auvergne et de Lyon66. »
43Avec la fiscalisation de la corvée, Turgot tablait sur une diminution de moitié de la corvée en nature évaluée à un prélèvement équivalent à 200 000 Lt67. L’impôt sur lequel asseoir le rachat de la corvée, de façon à concilier l’exigence d’équité avec l’assurance d’un rendement suffisant pour le financement des infrastructures routières, revêt un enjeu déterminant. Comme l’indiquait Fontette :
« Il est de l’équité que la contribution à la corvée soit en proportion des facultés des contribuables ; pour établir cette différence, la règle la moins mauvaise que l’on puisse suivre, est la répartition de la taille qui à la vérité est souvent très mal faite, mais qui en général, l’est assez bien pour que le fermier et le propriétaire payent plus que le simple manouvrier68. »
44Ce n’est pas tant l’articulation originelle entre la taille et la corvée qui est invoquée, que le choix d’un impôt qui dégage l’essentiel des ressources fiscales de la monarchie, et qui, malgré ses imperfections, permet d’étalonner le rachat de la corvée. Turgot opta également bon gré mal gré pour une indexation du rachat de la corvée sur la taille69. Pourquoi ne pas avoir préféré la capitation comme base d’imposition ainsi que le proposaient certains70 ? Cet impôt, qui avait été majoré en 1747, concernait non seulement les taillables dans les pays de taille personnelle, mais s’appliquait également, à l’exception du clergé, aux contribuables exemptés de taille (titulaires d’offices, bourgeois des villes franches, membres des communautés de métiers, et nobles dont la capitation avait même été doublée en 1760). Entre 1760 et 1763, son taux avait été doublé sur les non taillables et triplé pour les officiers et les gens de finance. Réparti généralement au marc la livre de la taille (bien que juridiquement la capitation ne soit pas un accessoire de la taille) mais à un taux plus faible, cet impôt présentait néanmoins un intérêt financier moindre en termes de rentrées fiscales. Turgot envisageait alors tout au plus une majoration du vingtième qui permettrait de taxer les propriétaires fonciers directement intéressés au développement des infrastructures routières qui valorisaient leurs fonds et assuraient l’écoulement de leurs productions. Même si elle épargnait les deux ordres privilégiés et dans une large mesure les villes, la taille fut préférée par Turgot dans la mesure où elle permettait de taxer indirectement les propriétaires, en imposant leurs fermiers qui défalquaient du prix de leurs baux le poids de la corvée.
Le territoire de l’équité
45Le rachat de la corvée introduit non seulement une proportionnalité en fonction des revenus par l’indexation sur la taille, mais postule également une répartition territoriale plus équitable dans la prise en charge des coûts. Originellement, avec la délimitation d’un périmètre de mobilisation de la main-d’œuvre qui introduit une discrimination territoriale, l’appartenance à une communauté d’habitants géographiquement située créée une communauté de destin. On a vu que la délimitation de ce périmètre était moins dictée par une logique de rendements décroissants, qui voudrait que plus une communauté est proche de l’infrastructure, plus elle est censée bénéficier des retombées économiques induites de la route (en termes d’activité commerciale ou sous la forme d’une augmentation de la rente foncière notamment), que par des contraintes techniques d’acheminement des forces corvéables. La commutation en argent devait nécessairement (re)poser la question de l’incidence spatiale de la route et de ses effets structurants. Le clivage fondamental entre Fontette et Turgot réside en somme dans un choix politique de financement des communications routières : qui, des populations riveraines ou des contribuables, devait financer les infrastructures de transport ? Fallait-il considérer l’utilité économique de la route pour l’ensemble de la collectivité, qui bénéficierait notamment de la diminution des prix de transports, ou pour les seules communautés riveraines qui profitaient de la valorisation des productions locales ? Alors que la réforme de Fontette introduit une double règle de proportionnalité, à la fois fiscale et spatiale, dans le cadre du périmètre de réquisition en travail, la fiscalisation proposée par Turgot présente une autre rationalité territoriale.
46Dans la méthode Fontette, le territoire est conçu comme un instrument puissant d’équité fiscale. Dans son ordonnance de 1758 l’intendant de Caen décida de rendre la tâche à réaliser ou à financer inversement proportionnelle à la distance qui séparait les communautés de la route : celles situées à proximité devaient une prestation entière, tandis que celles plus éloignés était dégressive à mesure que l’on s’écartait de l’atelier. Afin d’établir ce barème décroissant, les communautés riveraines devaient être réparties en quatre classes :
« Dans la première toutes les communautés comprises entre la route et une lieue inclusivement. 2e classe toutes celles depuis une lieue exclusivement jusque et compris deux lieues. 3e classe depuis deux lieues exclusivement jusque et compris trois lieues. 4e et dernière classe depuis 3 lieues exclusivement jusque et compris 4 lieues71. »
47L’unité qui préside à la distinction de chacune de ces classes de réquisition correspond à une distance effective de deux lieues aller-et-retour, soit approximativement trois heures de marche. En vertu d’une exigence d’équité territoriale, la méthode Fontette intègre en effet le temps des déplacements des corvéables pour moduler la charge de travail : « Celuy qui est près du chemin dès qu’il verra la corvée ouverte s’empressera de faire ses huit toises et il pourra les faire en huit jours, au lieu que celui qui est à deux lieues, et étant obligé de faire le chemin pendant l’hiver ne pourra faire qu’un tiers de jour et il sera obligé de mettre 24 jours72. » La quantité de travail ou le montant du rachat dans le cadre de l’option laissée aux communautés étaient ainsi dégressifs à mesure que l’on s’éloignait de la route :
« La proportion sera telle, que la tâche de la quatrième classe sera de trois dixièmes, celle de la troisième classe de deux dixièmes moins forte que celle de la deuxième ; et celle de la deuxième classe, d’un dixième moins forte que de la première classe, et la tâche de première classe, quand même elle seroit employée sur plusieurs grands chemins qui se trouveroient dans l’arrondissement de quatre lieues, sera toujours plus foible que la tâche jusqu’à présent en usage ; en sorte que l’estimation de la tâche la plus forte, qui ait été donnée jusqu’à ce jour aux paroisses sur les différentes routes, comparées avec le principal de leur taille, se trouvera au moins plus forte d’un quart que l’estimation de la tâche, qui sera donnée dorénavant aux paroisses de la première classe, comparée aussi avec le principal de leur taille73. »
48Si le territoire est conçu comme une catégorie d’action susceptible d’asseoir une répartition plus équitable de la corvée, il reste à déterminer dans quelle mesure de telles modulations ont effectivement été mises en pratique dans la distribution des tâches. La ventilation des communautés corvéables en classes n’apparaît pas dans les archives. En revanche, la distance entre le centre de la communauté et la ligne de route, et celle pour le transport des matériaux, sont systématiquement indiquées dans les outils de répartition qui se généralisent dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ce n’est qu’en calculant le rapport entre le montant de la taille imposée aux communautés et la somme pour laquelle elles sont taxées au titre du rachat, corrélé par le quotient de la distance, qu’il devient possible de confirmer la mise en œuvre de cette modulation géographique. Ce souci de proportionner rigoureusement la corvée à la distance s’imposa également dans les pays d’états qui conservaient la réquisition en travail74.
49Alors que la solution du rachat promue par Fontette se moule dans le périmètre réglementaire de réquisition, en y introduisant une dénivellation proportionnelle en fonction de la distance, la politique expérimentée par Turgot s’affranchit de ce découpage fonctionnel dicté par les possibilités d’acheminement des travailleurs. En élargissant le financement routier à l’échelle de la généralité, par une majoration d’impôt pour les communautés non corvéables et symétriquement par un dégrèvement fiscal pour celles qui financent l’adjudication des travaux, Turgot entend précisément corriger l’inégalité de la répartition intrinsèque à la corvée en travail, « en ce que c’est une charge qui ne tombe que sur un certain nombre de paroisses que le hasard rend voisines des grands chemins75 ». C’est la même raison qui l’engage à refuser les réquisitions militaires. Cette exigence de justice fiscale repose toutefois sur une appréhension différente des intérêts agrégés par la route et de la répartition du coût de son financement. Avec la solution optionnelle du rachat, seules les communautés riveraines, qui étaient censées retirer un bénéfice immédiat des infrastructures routières, contribuaient par leur travail ou en argent à leur aménagement. Avec le système expérimenté par Turgot, la répartition des investissements rompait radicalement avec l’esprit de l’institution originelle :
« Toute la généralité et même tout le royaume profitent des facilités que donnent les grands chemins pour le commerce, et il paroit d’autant moins juste que toute la charge en été [oit] supportée par un petit nombre de paroisses, que cette charge est extrêmement forte par la quantité d’ouvrage qu’on a été forcé d’assigner à chacune76. »
50La solution retenue en Limousin postule un intéressement général de la circonscription au désenclavement et aspire à faire contribuer les villes qui profitent du développement des communications routières pour leur dynamisme commercial.
51Dans les deux modèles – discrimation de la prestation selon la distance avec l’option retenue par Fontette, ou péréquation fiscale avec compensation des charges dans le cas de Turgot – le rachat vise assurément à corriger les inégalités de la corvée en travail.
L’évaluation d’une politique de soulagement
52Étudier les expériences réformatrices engagées au cours de la décennie 1760 pose immanquablement le problème de leur évaluation, en cherchant à dépasser les éléments rhétoriques de légitimation politique. La réforme est censée prioritairement rendre la corvée plus équitable en allégeant la charge qu’elle faisait peser sur les contribuables les plus pauvres. La commutation devait être aussi un moyen de réaliser à moindre coût les travaux routiers. Avec le rachat, l’administration, en s’appuyant sur les rôles d’imposition existants, allait également pouvoir faire l’économie de recensements à la fois peu fiables et difficiles à réactualiser. Il importe donc de mettre en regard les effets et les résultats de ces politiques, pour autant qu’ils puissent être appréhendés77, avec les objectifs assignés. Alors que le spectre d’une augmentation fiscale devient un enjeu de crispation politique supplémentaire entre la monarchie et les parlements, les deux initiatives se traduisirent de fait par une augmentation continue des sommes collectées, mais aussi par une redistribution du financement routier qui permit d’alléger relativement la contribution des plus pauvres.
La contrainte fiscale : un enjeu politique
53Dans un contexte de vives tensions alimentées par les augmentations fiscales décidées par la monarchie pour financer la guerre de Sept Ans (second vingtième en 1756, subvention générale en 1759, majoration de la capitation et troisième vingtième en 1760), le projet de faire racheter la corvée pour en modérer le poids, comme le suggérait le Contrôle général, ne pouvait qu’aviver les critiques des cours souveraines. La portée politique de ces deux premières expériences de rachat est importante à souligner pour comprendre dans quels termes se posent les enjeux de la commutation de la corvée en travail, alors même qu’elle ne remet pas alors en cause le privilège fiscal des deux premiers ordres.
54En Normandie, la réforme de la corvée intervint dans un conflit latent depuis plusieurs mois entre la monarchie et les cours souveraines locales à propos des questions fiscales78. La cour des aides et la chambre des comptes de Rouen, rapidement suivie par le parlement de Rouen, décrétèrent l’annulation de l’ordonnance rendue par Fontette, l’accusant de braver l’ordre donné de faire cesser les travaux pendant la guerre. Ce que contestaient les cours souveraines, c’est la légalité même de cette mesure qui, selon elles, inscrivait la corvée dans le registre de la fiscalité. Elles rappelèrent qu’une imposition ne pouvait procéder que d’un édit ou d’un arrêt du conseil revêtu de Lettres Patentes. Les remontrances parlementaires furent cassées par la monarchie qui confirma l’intendant dans ses prérogatives. Dans les remontrances itératives que la cour des Comptes présenta quelques jours plus tard, elle dénonçait un « impôt de nouvelle fabrique » qui venait grossir les fonds déjà levés au titre des Ponts et Chaussées79. Reprenant en cela un argument récurrent dans leurs remontrances contre la politique fiscale de la monarchie, les cours souveraines estimaient que plutôt que d’ajouter une perception supplémentaire, il convenait de mieux gérer les impositions existantes. Le procureur général du parlement de Rouen semble même avoir diligenté une consultation des corvéables pour s’informer des vexations et des exactions imputables au rachat80. Se présentant comme les défenseurs des intérêts des sujets, les cours souveraines invoquèrent le droit de « crier comme le peuple » : « N’avons-nous pas dû être indignés de voir qu’on percevait indûment pour un seul objet une somme équivalente au quart de la taille81 ? »
55La surcharge fiscale serait d’autant plus lourde que l’adjudication des travaux contribuerait à renchérir la dépense. C’est d’ailleurs pour justifier sa décision de faire racheter les tâches de corvée face à l’hostilité des cours souveraines que Fontette publia la même année son mémoire. En Bretagne, l’indexation de la corvée sur la capitation ne s’était pas faite pas non plus sans difficultés. Dans un contexte de crispation entre le parlement et le duc d’Aiguillon, ce dernier confia à la fin du mois d’octobre 1764 à la commission des grands chemins le soin de faire procéder à une vaste enquête. Un questionnaire fut envoyé à tous les syndics82. Sur les 167 lettres que reçut la commission en retour, 31 relayaient des critiques à l’encontre de la corvée, portant principalement sur la disproportion entre les tâches imposées et le rôle de capitation. Ces oppositions ne pouvaient que convaincre Turgot de la nécessité de se prémunir légalement par un arrêt du Conseil d’autant plus nécessaire que sa méthode engageait la répartition globale de la taille83. Trudaine s’inquiétait pour sa part de la réaction de la cour des aides de Clermont qui avait déjà contesté le travail des commissaires des tailles84.
56Les crispations des cours souveraines portent tout autant sur la charge fiscale du rachat que sur les enjeux politiques qu’il pose. Toute la question est de savoir si le remplacement de la corvée en travail par une prestation pécuniaire proportionnelle aux facultés des contribuables, est comme le prétendent les cours souveraines, un impôt qui dénature l’institution originelle de la réquisition. En 1756 déjà, les remontrances du parlement de Toulouse contre le second vingtième avaient souligné la similitude de la corvée avec l’impôt. L’argument des pressions exercées sur les communautés villageoises pour les inciter à racheter leurs tâches est par ailleurs une manière de placer la conversion dans le registre d’une contrainte fiscale qui ne veut pas dire son nom. À partir du moment où la corvée devenait exigible tous les ans, il y avait surtout le risque qu’elle ne devienne une imposition permanente. Le choix des termes de « rachat » ou de « contribution » employés par les deux intendants pour justifier leur réforme permettent de mesurer les enjeux associés aux qualifications fiscales. Dans le mémoire qu’il composa en août 1760 pour justifier son action, Fontette récusait formellement toute assimilation entre la contribution qu’il proposait et une imposition : « cette contribution en argent n’étant que la peine légitime du refus du travail en nature, ne peut être regardée comme une imposition85 » ; « ce n’est point un impôt, puisqu’il y a des paroisses qui font leur tâche en nature86 ». Turgot s’employa de la même façon à réfuter l’idée d’une nouvelle imposition, invoquant une contribution locale sur le modèle de celle levée pour financer les réparations des églises et des presbytères :
« On ne fait par la même raison aucune mention dans le brevet de la taille des impositions relatives aux réparations d’églises ou de presbytères. Ce seroit une chose au moins insolite et peut-être irrégulière que de faire mention de l’imposition dont il s’agit dans le brevet de la taille. Tout ce qui est compris dans le brevet de la taille est imposé au nom de l’autorité du Roy. Les impositions faites en conséquence de leurs délibérations et pour acquitter une charge qui leur est particulière87. »
57S’inspirer de la contribution des paroissiens à l’édification du presbytère, qui découle de l’obligation faite par l’édit de 1695 d’assurer le logement de leur curé, et qui est ratifiée par un arrêt de finance, [c’est…] conditionner la levée de fonds à l’exécution de travaux, mais encore se prémunir d’un éventuel détournement dans l’affectation de la dépense, les sommes collectées appartenant en fonds propres aux communautés88. Turgot ne pouvait toutefois ignorer les nombreux contentieux auxquels ces perceptions donnaient lieu. Comme le montrent les états des ouvrages en rachat ou encore le mémoire de Trésaguet pour le Limousin, la pratique administrative consacra le terme de rachat, conçu comme un choix volontairement consenti par les communautés et qui à ce titre ne pouvait être assimilé à un prélèvement obligatoire.
L’augmentation des recettes
58Alors même que la monétisation était motivée par une volonté de diminuer le poids fiscal et économique de la corvée, le montant du rachat dans la généralité de Caen ou de l’impôt en Limousin connaît paradoxalement une augmentation constante. Celle-ci ne saurait être imputable à l’accroissement de la taille qui sert de base de référence. À compter de 1768 le brevet de la taille fut divisé en deux parties dans les pays d’élections. En vertu de cette réforme instaurée par la déclaration du 29 juin 1767, le premier qui comprenait le principal de la taille était immuable. Seul le second était susceptible d’éventuelles fluctuations, et donnait à la monarchie la possibilité de majorer ses exigences fiscales89. Dans le cas de la généralité de Caen, l’augmentation continue des recettes du rachat, calculé sur le principal de la taille, s’explique d’abord par le nombre croissant de communautés qui optent pour l’adjudication. Le nombre de communautés corvéables tend également à s’accroître à mesure que le réseau routier s’étoffe. À compter de 1769 Fontette introduisit par ailleurs des anticipations d’ouvrages. Une partie des tâches étaient engagées par avance sur l’exercice suivant, voire pour plusieurs années consécutives, ce qui permettait d’opérer des levées de fonds plus importantes pour financer des travaux urgents et dispendieux.
Tableau 7. – Montant des anticipations dans la généralité de Caen (1769-1773)91.
Année de perception | Exercices anticipés | Nombre de paroisses contribuant aux anticipations | Montant des ouvrages ordonnés par anticipation (en Lt) |
1769 | 1770 | 263 | 110263 |
1770 | 1771 | 278 | 112431 |
1772 | 58 | 13123 | |
1771 | 1772 | 592 | 226314 |
1773 | 141 | 49802 | |
1772 | 1773 | 586 | 217839 |
1774 | 21 | ||
1775 | 13 | ||
1773 | 1774 | 547 | 223989 |
59En 1774, Fontette mit un terme à cette pratique en raison des risques de confusion comptable qui pourraient amener les communautés à préférer la prestation de la corvée en travail92.
60Dans la généralité de Limoges, les sommes collectées au titre de l’impôt supplétif à la corvée en travail enregistre aussi une hausse continue, passant de 118 520 Lt en 1765 à 311 250 Lt en 177693. L’augmentation des travaux routiers adjugés commande l’accroissement de ces exigences fiscales. À la différence du rachat décidé par Fontette dans la généralité de Caen, dont les recettes se trouvaient limitées par le nombre des communautés situées dans le périmètre de réquisition, l’élargissement de l’assiette de l’impôt à tous les contribuables de la généralité avait permis d’accroître les ressources financières. Ce n’est toutefois que progressivement que le système Turgot monta en puissance. En raison des contraintes financières imposées par la guerre, il ne fit entreprendre en 1763 que pour 40 000 Lt de travaux, « c’est-à-dire que le nombre d’ouvriers salariés n’était que les 15 centièmes de l’ensemble des corvoyeurs disponibles94 ». Alors que les fonds affectés aux travaux routiers ne dépassent pas 48 000-60 000 Lt à l’issue de la guerre Sept Ans, les sommes imposées sur la généralité pour le financement des routes enregistre une augmentation continue et rapide jusqu’en 1776 (l’impôt a été multiplié par six entre 1763 et 1776).
61Une autre façon de mesurer ce que représente le rachat de corvée est de rapporter les fonds collectés aux recettes des autres impôts auxquelles elle vient s’ajouter.
62Si, comme le prétend Turgot, le rachat devait être plafonné à 100 000 Lt, rapporté au brevet de la taille de la généralité de Limoges à la même époque, qui est d’un peu plus de deux millions de livres chaque année, la corvée en argent devait représenter une majoration de 5 % du brevet de la taille. Turgot estimait lui-même que « cette somme de 100 000 L est aussi à peu près la vingtième partie du principal de la taille de la généralité97 ». Si en 1766, ce rapport est de fait de 4 %, il passe à 7,9 % en 1771. La progression du rachat est encore plus significative à l’aune de la quasi-stagnation que connaît au même moment l’allocation prélevée sur la taille au titre des Ponts et Chaussées dans les deux généralités pour financer les dépenses en personnel et les ouvrages d’art.
La redistribution de la charge fiscale
63Selon deux modalités différentes, la commutation fut un moyen d’opérer une répartition plus équitable. En Normandie, le rachat en proportion de la cote de taille devait faire supporter l’essentiel de la dépense aux habitants les plus riches de la communauté et épargner relativement les plus pauvres. Dans la réforme de Turgot, la modification de l’assiette de répartition et l’augmentation du nombre de contribuables étaient censées alléger relativement la contribution des communautés riveraines pour faire supporter à l’ensemble des taillables de la généralité le financement des routes. Cette majoration fiscale, Turgot la voulait aussi modérée que possible : il estimait que quand bien même il ferait « faire à la fois pour cent mille francs de chemin, elle n’iroit pas à six deniers pour livre des impositions taillables98 ». Turgot s’employa à prévenir les inquiétudes des communautés riveraines, promptes à suspecter un accroissement de leur cote d’imposition. Afin de convaincre les curés – et par leur truchement ses administrés – que sa mesure ne dissimulait aucun surcoût, il s’appuya sur un exemple concret tiré des documents fiscaux conservés au greffe de l’élection d’Angoulême. Sur les quatre collectes qui composaient la communauté de Champniers, la seule localité – celle de Vizille – à avoir opté pour la commutation, n’avait enregistré aucune majoration de sa quote-part. Les seules communautés à être concernées par une augmentation fiscale étaient celles situées au-delà du périmètre de réquisition de la route, et qui jusque-là n’avaient pas été assujetties au travail requis.
64Un moyen de mesurer l’économie que pouvait représenter le rachat consiste à se placer du point de vue des préférences exprimées par les communautés corvéables. Loin de s’imposer facilement, le rachat optionnel mis en œuvre par Fontette et la fiscalisation décidée par Turgot ont fait l’objet de résistances locales, les corvéables redoutant une augmentation déguisée de la corvée. Fontette reconnaissait quelques réticences parmi ses administrés :
« Il est vrai […] que depuis six mois quelques herbagers qui n’avoient point de chevaux et quelques fermiers considérables, qui dans l’ancienne méthode abusoient du crédit de leurs maîtres ou de leur argent auprès des piqueurs et syndics de paroisses, ont cru le temps favorable pour murmurer, et sans doute dans la vue d’avoir un prétexte pour mal payer leur maître, ils ont hazardé de dire que le prix de la tâche en argent étoit trop cher, que si tout le monde étoit admis à être entrepreneur, on en trouveroit à meilleur marché99. »
65La réforme de Turgot se heurta de même à des réticences, notamment en Angoumois100. Si la commutation éveilla quelques craintes, les communautés semblent y avoir largement souscrit, et pas seulement pour les plus éloignées de la route. Fontette se félicitait d’ailleurs du succès de sa réforme : « la plus grande partie des paroisses m’ont présenté des requêtes portant consentement de l’abonnement101 » ; « Une douzaine de paroisses tout au plus ont voulu faire les tâches en nature depuis 1758102 ». Ce nombre se vérifie dans l’État général des tâches qui précise dans la rubrique des observations l’option retenue par les communautés. Trois ans plus tard, ce sont en effet seize communautés, soit 3 % des 531 paroisses corvéables mentionnées, qui ont opté pour une prestation en travail, 66 pour un marché de gré à gré, et les autres pour l’adjudication103. Dans la généralité d’Alençon, ce sont également 98,6 % des 1269 communautés qui ont préféré faire adjuger leur tâche en 1772104. En 1776, seules six communautés dans la généralité de Montauban effectuaient encore leur tâche en nature105. Alors que dans la généralité de Limoges la préférence des communautés va s’affirmer progressivement en faveur de la commutation, ce sont encore 64 paroisses, sur la seule route de Limoges à Angoulême qui optèrent en 1764, pour une prestation en travail106.
66Si globalement le rachat optionnel s’impose, c’est que les communautés villageoises ou du moins les membres de l’assemblée délibérative associés au processus de décision y trouvent un avantage. Au sein d’une même communauté coexistent cependant des intérêts différenciés et des préférences qui ne sauraient être uniformes. Dans le cadre de la réquisition en travail, la distinction entre corvée de bras et corvée de harnais correspond à une division technique du travail routier, mais reproduit aussi très largement les clivages de fortune au sein de la communauté. La corvée de harnais à laquelle étaient assujettis les laboureurs était nécessairement plus lourde : à la mise à disposition des bêtes et d’un bouvier ou d’un conducteur, il fallait encore ajouter la fourniture du fourrage. Plutôt que d’immobiliser leurs bêtes et leurs attelages sur les chantiers routiers, les laboureurs pouvaient avoir intérêt à les utiliser pour la valorisation de leurs propres fonds ou à les louer à d’autres exploitants au prix du marché pour des travaux agricoles. Le revenu ainsi dégagé était susceptible de compenser la somme déboursée au titre du rachat. Il s’avère toutefois difficile de confirmer de telles anticipations. De leur côté, les journaliers pouvaient préférer donner un peu de leur temps plutôt que de voir leur cote de taille majorée de quelques sols. Dans une économie rurale largement marquée par le caractère saisonnier de l’emploi, il était plus facile pour nombre de manouvriers de fournir du temps que de l’argent. Le versement d’un impôt en argent pouvait se révéler plus contraignant dans des contrées où la circulation monétaire était moins active et où le sous-emploi aggravé par la croissance démographique ne permettait pas de trouver des ressources complémentaires par le travail. Il semble que lors des délibérations villageoises, les laboureurs qui dominaient l’assemblée aient donc fait prévaloir leurs intérêts pour imposer la commutation, préférant s’acquitter d’un supplément d’impôt pour pouvoir disposer de leurs voitures et de leurs bêtes.
67Avec ce système de répartition, la commutation entraînait mécaniquement un transfert de charges au détriment des contribuables les plus imposés. Toute une série d’appréciations semble le confirmer. Un habitant corvoyable de l’élection d’Avranches tout acquis à la réforme de Fontette met ainsi en balance deux exemples : celui d’un riche fermier du Bocage dont la cote de taille se monte à 60 Lt, et un pauvre journalier imposé à hauteur de 20 à 40 sols. Pour douze Lt, le premier sera quitte d’une corvée de harnais réquisitionnant ses quatre chevaux et ses six bœufs (soit une majoration de 16,6 %). Le second, qui serait taxé pour une somme équivalente à 3-8 sols (soit une augmentation de 13 % à 16,6 %), peut gagner un complément de revenu sur les ateliers routiers107. L’offre de travail salarié sur les routes est ainsi conçue comme un moyen d’amortir ce supplément d’imposition. Un correspondant du Journal économique estimait pour sa part que le rachat permet dans la généralité de Caen de diminuer « les charges pour les laboureurs de 5/6e, et celles du journalier qui mérite d’autant plus de ménagement qu’il est plus pauvre, sont réduites presqu’à rien108 ». Esmangart, qui succéda à Fontette en 1775 comme intendant de la généralité de Caen, se hasarda même à chiffrer l’avantage comparatif qu’en retirait un contribuable normand par comparaison avec le corvéable d’autres circonscriptions :
« Dans les provinces où la corvée en nature a lieu, en n’évaluant qu’à dix sols la journée du journalier qui paie vingt sols de taille, huit jours de service donne une contribution de quatre livres que ce malheureux journalier perd. En Normandie, au contraire, où le rachat des corvées a lieu, ces mêmes journaliers imposés à vingt sols de taille ne contribuent que d’environ huit sols109. »
68Le rapport serait donc de un à dix.
69La séquence qui s’ouvre au milieu du XVIIIe siècle confirme bien l’importance de la césure de la guerre de Sept Ans, qui lie le sort de la corvée à la réforme fiscale. Alors que la réformation de la taille achoppe face à l’opposition parlementaire, la corvée connaît quant à elle une mue effective dans les modalités de sa répartition en Normandie et en Limousin. Ces deux initiatives, impulsées localement, en bravant parfois la défiance même du gouvernement, proposent des formes différentes de commutation. Ces expériences localisées, inspirées par une même volonté de rendre la corvée plus équitable, montrent combien les institutions portent en elles-mêmes des possibilités diversifiées de changement. Ce choix de la commutation interroge plus largement la rationalité économique et fiscale d’une telle décision. Le rachat, outre le fait qu’il autorise une redistribution plus équitable de la charge de la corvée, est conçu comme un moyen de réaliser une meilleure allocation des ressources, en stimulant la croissance de la production agricole et en offrant des opportunités d’emploi salarié à une main-d’œuvre désœuvrée, sans sacrifier pour autant les investissements routiers. La commutation va en effet permettre, pour les intendants qui en ont le fait choix avant 1776, de lever des fonds en constante augmentation. Leur dépense ne s’opère toutefois pas de la même façon dans les deux généralités : dans celle de Caen, les travaux à entreprendre sont étroitement déterminés par la localisation des communautés qui contribuent en travail ou par une majoration de leur cote d’imposition à l’entretien ou à la confection de nouveaux ouvrages. Alors qu’avec ce procédé subsiste une interdépendance tangible entre la prestation et son affectation, la fiscalisation mise en place par Turgot dématérialise ce rapport. Ces expériences, qui modifient profondément la répartition de la corvée et les modalités de son exigibilité, vont fixer les termes du débat savant que va animer la controverse physiocratique et engager le choix de la réforme à partir de 1776. Ces initiatives se révèlent déterminantes également dans la mesure où elles vont s’appuyer sur des outils de gestion inventés pour affecter les fonds collectés et contrôler l’utilité de leur emploi.
Notes de bas de page
1 Lecreulx, F.-M., Mémoire sur la construction des chemins publics…, op. cit., p. 22.
2 Cf. Mourlot F., Un intendant de Caen au XVIIIe siècle. L’intendant Fontette (1752-1775), Notes biographiques, Paris, Impr. Nat., 1905. Le Page A., « Les Travaux Publics dans la généralité de Caen au XVIIIe siècle », Bulletin de la société des antiquaires de Normandie, no 26, 1908-1909, p. 265-296. Place C., op. cit.
3 Cathelineau J., « Les idées fiscales de Turgot », C. Bordes et J. Morange éd., Turgot économiste et administrateur, Paris, PUF, 1982, p. 181-182. Kiener M.-C. et Peyronnet J.-C., Quand Turgot régnait en Limousin : un tremplin vers le pouvoir, Paris, Fayard, 1979, p. 150-158 et p. 231-242. Lentz J.-C., Les Travaux publics dans la généralité de Limoges sous Turgot 1771-1774, maîtrise, MM. Egret et Tarrade (dir.), université de Poitiers, 1969.
4 Lettre circulaire de J. de Boullongne (4 décembre 1758), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 53 p. 39. Un exemplaire de cette lettre sont conservés respectivement aux A.D. de Seine-Maritime (C 888), aux A.D. de Gironde (C 1869) et aux A.D. des Pyrénées orientales (1C 1192).
5 En réponse aux recommandations du Contrôle général, Tourny, alors intendant de la généralité de Bordeaux, proposa non seulement de plafonner les travaux de façon à ce qu’ils n’excèdent pas 40 000 Lt, mais plaida aussi pour une rémunération des corvéables (A.D. Gironde C 1869. Réponse de Tourny au Contrôleur général [28 janvier 1759]. Alors qu’il réduisait les fonds alloués au titre des Ponts et Chaussées, le ministre encourageait Tourny à gratifier les communautés corvéables les plus diligentes [A.D. Gironde C 1870]. Lettre de Silhouette à Tourny intendant de la généralité de Bordeaux, 2 avril 1759).
6 A.D. Seine-Maritime C 888. Lettre de Silhouette à Antoine-Paul-Joseph Feydeau de Brou intendant de la généralité de Rouen (17 avril 1759). A.D. Gironde C 1869. Lettre de Silhouette à Tourny intendant de Guyenne (13 novembre 1759). A.D. Pyrénées-Orientales 1C1192. Lettre de Silhouette à Louis Guillaume Bon, intendant de la généralité du Roussillon (2 avril 1759).
7 Lettre circulaire de Bertin (17 janvier 1760), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 58, p. 42. Un exemplaire de cette missive est conservé aux A.D. de Seine-Maritime (C 888).
8 A.D. Indre-et-Loire C 166. Lettre de L’Averdy à L’Escalopier (13 mars 1764). A.D. Puy-de-Dôme, 1 C 6513. Lettre de l’intendant (20 mars 1769) rappelant qu’on ne peut exiger des corvéables que douze journées de corvées par an pour la construction des nouveaux chemins et six journées lorsqu’il ne s’agit que de simples réparations d’entretien. A.D. Marne C 1546. A.N. H2 2116. Lettre de L’Averdy à L.-J. Bertier de Sauvigny (27 mars 1764).
9 C’est le cas notamment de Rouillé d’Orfeuil qui le 20 février 1765 promulgua une ordonnance allant dans ce sens. Cf. Illaire M., op. cit., p. 108.
10 « Note sur l’état des travaux publics dans la généralité », Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 121.
11 A.D. Ille-et-Vilaine C 4882. Mémoire concernant le soulagement accordé par les États en leur dernière assemblée (s. d./1758 ?) Compte des sommes actuellement en caisse et restantes du fond de 300 000L fait aux États de 1756 et de celuy de 200 000Lt fait aux États de 1758 pour le soulagement de la corvée.
12 A.D. Ille-et-Vilaine C 2264. Copie de la lettre de P. Orry contrôleur général des finances à J.-B. de Pontcarré de Viarmes, intendant de Bretagne (22 mai 1745) et Observations pour servir de réponse à la lettre ci-contre.
13 A.D. Ille-et-Vilaine C 2284. Adjudication de 1888 toises sur la route de Dol à Dinan pour 18 900 Lt (1759). C 4734. Tableau des travaux sur les routes (1732-1769) en soulagement de corvée. Résumé de la recette et dépense par année des fonds faits par les États pour les Ponts et Chaussées à compter du 1er janvier 1733 jusques et compris 1762. Récapitulation de la dépense faite sur les fonds ordonné pour le soulagement de la corvée en 1757 et 1758. Idem en 1759-1760.
14 A.N. F14 149. T. Dumorey, Mémoire concernant les grands chemins du duché de Bourgogne dans lequel on examine la dépense que les corvéables occasionnent aux communautés et celle que l’on feroit pour entretenir ces routes à prix d’argent.
15 Goger J.-M., op. cit., p. 107. Quoique ces indications concernent la fin de l’Ancien Régime, elles donnent tout au moins une idée de la situation relative des deux généralités. B. Lepetit avait en effet montré une stabilité des écarts régionaux dans le temps.
16 Lettre de Turgot à D.-C. Trudaine (10 juillet 1762), Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 214. Le même argument est repris dans la lettre que Turgot adresse aux curés en octobre 1764 : « Le peu d’habitants qui se trouvent dans quelques cantons, et surtout dans la partie du Limousin, a forcé de commander aux corvées des paroisses dont le clocher est éloigné de la route de trois lieues et de fixer ces lieues à 3 000 toises » (A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre aux curés de paroisses sujettes à la corvée pour leur faire sentir les avantages d’un nouveau plan et les prier d’exhorter leurs paroissiens à délibérer pour se rédimer du fardeau de la corvée, 4 octobre 1763). A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre à L’Averdy (30 juillet 1765).
17 Le même argument est avancé par Turgot à propos des corvées militaires (Première lettre, sur l’abolition de la corvée pour les transports militaires (1763), Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 103).
18 Delhoume J.-P., Les Campagnes limousines au XVIIIe siècle, Limoges, PUL, 2009, p. 214.
19 A.N. H * 1 1588/1. Les données fournies par l’enquête de Necker en 1784 établissent sensiblement la même proportion : la charge fiscale par tête est de 18 Lt dans la généralité de Caen et de 13 Lt 15 s dans celle de Limoges (J. Necker, De l’administration des finances de la France, Paris, 1784, t. 1, p. 221-297).
20 Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 295.
21 Placé C., op. cit., p. 72-73.
22 Lafarge R., L’Agriculture en Limousin au XVIIIe siècle et l’intendance de Turgot, Paris, A. Chevalier-Marescq, 1902, p. 166.
23 Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 155.
24 Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 22. « Si le journalier ne trouve point d’ouvrage chez lui, si le laboureur manque d’argent pour payer sa contribution, ils peuvent l’un et l’autre se transporter aux ateliers ; ils y trouvent toujours de l’occupation et des salaires à gagner, le journalier reçoit chaque jour le prix de ses journées qui lui procure la subsistance, il peut ménager de quoi fournir du pain à sa famille » (« Observations d’un habitant corvoyable de l’Élection d’Avranches, sur la manière dont se font les corvées pour les grands chemins dans la généralité de Caen », Journal de l’agriculture, du commerce et des finances, décembre 1767, p. 40). A.D. Calvados C 3391. Observations sur la manière dont se font les corvées pour les grands chemins dans la généralité (s. d.). « Le second [avantage] était d’établir partout des ateliers où les pauvres trouveraient leur subsistance aux dépens des riches » (A.D. Calvados C 6320. Lettre de Fontette à M. le Paulmier 27 septembre 1774).
25 A.D. Calvados C 3391. Observations sur la manière dont se font les corvées pour les grands chemins dans la généralité (s. d.). Une tournure semblable figure dans les « Observations d’un habitant corvoyable… », op. cit., p. 44 : « les corvées en essence […] resserrent l’argent dans les coffres, elles répandent dans les campagnes la terreur, la misère et la désolation. Les corvées en argent au contraire, le font circuler dans l’intérieur du pays où elles s’exécutent ; elles en rendent le mouvement plus vif et le multiplient en quelques sorte ; elles le font passer de la bourse des riches laboureurs, dans celles des pauvres journaliers ».
26 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre aux curés pour leur annoncer que leur paroisse a obtenu sur leurs impositions ordinaires une diminution égale au montant du rôle de rachat de corvées (s. d.).
27 A.D. Calvados C 3075. Ordonnance (6 novembre 1752).
28 Ibid. Ordonnance (25 avril 1753) et Instruction (20 septembre 1753).
29 A.D. Calvados C 3373. Ordonnance (30 janvier 1755).
30 A.D. Calvados C 3377. Lettre de Fontette (27 mai 1757).
31 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, p. 38.
32 En 1736, J.-B. de Pontcarré de Viarmes avait substitué à la répartition au prorata des forces, une distribution proportionnelle à la cote d’imposition collective, à raison d’une toise par livre de la capitation imposée à la communauté. La répartition entre les habitants stipulait « que chaque corvoyeur ne soit chargé que d’une toise de chemin à raison de vingt sols de capitation » A.D. Ille-et-Vilaine, C 4723. Règlement pour les grands chemins (22 janvier 1757, art. 13) En marge figure la mention « approuvée ».
33 A.D. Ille-et-Vilaine C 2263.
34 Bibl. ENPC Ms 2036. Copie de la lettre de M. Bayeux à D.-C. Trudaine (22 octobre 1754). Loguet, ingénieur en chef de la généralité de Caen, proposait également de limiter la corvée au seul transport des matériaux et de généraliser le travail salarié pour la confection des ouvrages routiers « dont on feroit payer le quart ou tiers par le Roy et le surplus réparti sur tous les biens fonds comme cela se pratique pour la construction des presbitère, cela feroit très peu de chose pour chacun des possédants fonds » (Extrait de la lettre de M. Loguet à D.-C. Trudaine [29 décembre 1754]).
35 « Si ce système eut été adopté, il eut fallu nécessairement un arrêt du Conseil tous les ans ; mais on m’objecta avec raison qu’il étoit à craindre que l’imposition faite pour les chemins ne fut appliquée à un autre objet et qu’en ce cas on pourroit rétablir les corvées » (Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 17).
36 Bibl. ENPC Ms 2036. Copie de la lettre de M. Bayeux à D.-C. Trudaine (22 octobre 1754).
37 BnF F 5018 (69). Ordonnance (30 juillet 1757) pour diminuer la charge des corvées tant pour la construction que pour l’entretien des grands chemins sans retarder leur avancement.
38 A.D. Calvados C 3075.
39 Une modulation du barème était prévue par Fontette selon les élections : « Il en coûte dans l’élection de Caen 5 sols pour livre de la taille, parce que toutes les routes y sont faites et qu’il y a en beaucoup à entretenir ; mais dans les autres élections il n’en coûte que 2, 3 et 4 sols » (Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 18).
40 « Remarques de l’ingénieur d’Alençon par supplément au mémoire proposé en forme d’instruction concernant les travaux à corvée pour la construction des grands chemins (1746), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 33, p. 22.
41 Trudaine, alors qu’il était intendant d’Auvergne, avait déjà songé à user de telles remises d’impôt (A.D. Puy-de-Dôme 1 C 6473. Instruction sur la continuation des ouvrages des grands chemins, 1733). En Poitou, l’ordonnance de 1758 prévoyait de telles remises pour les communautés qui avaient terminé leurs tâches dans les délais ou qui, au vu des certificats délivrés par les ingénieurs des Ponts et Chaussées, ne comptaient pas de défaillants : les deux tiers du dégrèvement devaient profiter aux laboureurs tandis que le tiers restant revenait aux journaliers en diminution de leurs impositions. L’intendant se réservait en outre la possibilité de faire distribuer aux corvéables les plus diligents le produit des amendes dont étaient passibles les défaillants (Clément F.-P., op. cit., p. 77-78).
42 Lettre de Turgot à D.-C. Trudaine (10 juillet 1762), Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 196.
43 Habault G., op. cit., n. p. 75. Fontette lui-même évoque les réticences de Trudaine dans son mémoire de 1760 : « J’en ai conféré auparavant avec M. de Trudaine, qui m’a fait des difficultés seulement sur les plaintes que le public pourroit porter ; mais je les ai levées ces difficultés, en consultant dans la province toutes les personnes raisonnables dans tous les ordres » (Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 24). Déjà en 1755, Trudaine avait exprimé sa défiance à l’égard d’une imposition sur les biens-fonds (ENPC Ms 2036. Lettre de D.-C. Trudaine, 15 février 1755).
44 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 30, p. 20.
45 Blin L., « Les adjudications des travaux publics en Nivernais à la fin de l’Ancien Régime de l’intendance de Moulins à l’Assemblée provinciale », Actes du 94e congrès national des sociétés savantes (Pau, 1969), Paris, Bibliothèque nationale, 1971, Section d’histoire moderne et contemporaine, t. 2, p. 28.
46 Lettre de Turgot à D.-C. Trudaine (7 septembre 1762), Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 218-219.
47 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 71, p. 62.
48 A.D. Haute-Vienne C 299.
49 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 81, p. 73. A.D. Haute-Vienne C 321-322. Délibérations (1762-1763).
50 A.N. H1 1460. État des ouvrages faits par corvées sur les différentes routes de la province et frontière de Champagne, pendant l’année 1764, avec l’estimation de ce que les dits ouvrages auroient couté, s’ils eussent été faits à prix d’argent.
51 A.N. H1 1460. Lettre de Rouillé d’Orfeuil au contrôleur général (30 janvier 1767).
52 A.D. Côte d’Or C 3008. États du duché de Bourgogne. Registre des décrets (1769) fol. 59.
53 Mémoire sur la manutention des corvées dans la généralité du Hainaut, Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 104, p. 91-92.
54 A.D. Ain C 1043. Requête des syndics généraux de la province de Bresse à l’intendant (s. d.).
55 Dans la lettre qui accompagne l’envoi de son mémoire à l’intendant de Dijon, Fontette indique l’adresser sous le sceau du secret (A.D. Ain C1106. Lettre de Fontette à l’intendant de Dijon, 16 février 1761). On en retrouve des exemplaires notamment aux A.D. de Gironde (C 1993), de l’Hérault (C 4033) et des Pyrénées-Orientales (C 1192).
56 Seuls quelques tableaux furent retournés à l’intendance (Baron de Girardot, Essai sur les assemblées provinciales, et en particulier sur celle du Berry, 1778-1790, Bourges, Vermeil, 1845, p. 144).
57 A.D. Gironde C 4663. Circulaire aux subdélégués (15 août 1767). A.D. Gironde C 4661. Dénombrement par subdélégations et état récapitulatif pour l’ensemble de la généralité (1767).
58 A.D. Indre-et-Loire C 166. Lettre de Maynon d’Invau, Contrôleur général, à l’intendant de la généralité de Tours M. du Cluzel (14 mars 1769). Une lettre semblable de Maynon d’Invau à l’intendant de la généralité de Rouen M. de Crosne, conservée aux A.D. Seine-Maritime (C 890).
59 B.N.F. Joly de Fleury 1644, fol. 92. Ordonnance de Jullien (1er octobre 1769). à propos de la déclaration royale du 6 novembre 1786, Jullien indiquait par ailleurs : « cette forme que l’on veut rendre générale est en vigueur dans ma province depuis dix-huit ans, la loi qui l’établit dans tout le royaume ne doit en rien changer à ma généralité » (A.D. Orne C 137. Lettre de Jullien à Vergennes, 2 janvier 1787). Le taux de rachat est fixé à un quart de la taille (lettre de Jullien à Turgot (1775), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P. J. 107, p. 96). B. N. F. Joly de Fleury 1464 fol. 37 : « L’imposition a été faite a raison de cinq sols pour livre du corps de la taille. Le produit est immense pour toute la généralité ».
60 Ordonnance de l’intendant de Gourgues (31 juillet 1769), citée par l’arrêt du Conseil du 10 novembre 1776 (Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P. J. 139, p. 174). Pommereul mentionne la généralité de Montauban avec les expériences menées en Calvados et en Limousin (1787, p. 25).
61 Lettre de Jean-Samuel Depont, intendant de la généralité de Moulins à ses subdélégués (15 novembre 1769), mentionnée par E.-J.-M Vignon, op. cit., t. 3, P.J. 97, p. 84.
62 A.D. Puy-de-Dôme 1C 6582-6584.
63 Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 18.
64 Ibid., p. 14-15.
65 « En supposant qu’on les eut payés le prix commun, il résulta de la comparaison que la corvée en nature, non compris les frais de garnison, coûtait à chaque paroisse 20 sols pour livre du principal de la taille, et que le même ouvrage mieux fait, sans vexation sur les paysans, sans les détourner de la culture, n’aurait coûté à chaque paroisse que dix sols pour livre » (Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 15).
66 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre de Turgot à L’Averdy (30 juillet 1765). C’est au cours de l’année 1760 que Turgot se forma au travail administratif et aux dénombrements sous la houlette de l’intendant de Lyon J.-B. de la Michodière.
67 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre de Turgot à L’Averdy (30 juillet 1764).
68 Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 17-18.
69 Lettre de Turgot à D.-C. Trudaine (10 juillet 1762), Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 204. Turgot exprima rapidement sa réticence à asseoir sur la taille l’imposition qui suppléait à la corvée en travail (Lettre de Turgot à P. Trudaine de Montigny (20 septembre 1764), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P. J. 71, p. 69) pour proposer de répartir la contribution supplétive sur l’impôt territorial que le Contrôle général envisageait de substituer au vingtième.
70 « Cela eût rendu la répatition plus légère attendu que beaucoup de personnes sont exemptes de taille, et multiplient tous les jours les exemptions par des charges qu’ils acheptent tandis qu’il n’ya point d’exempt de capitation ; ensuitte cette forme eut plus approché de l’ordre naturel parce que les exempts de tailles sont principalement des propriétaires et de grands propriétaires qui sont les plus intéressés de tous à la construction des chemins » (Bibl. ENPC Ms 2156. Mémoire et observations aux différents moyens de suppléer à la corvée, cahier in-4, s. l.). C’était aussi l’avis de Du Pont (cf. chapitre 6).
71 A.D. Calvados C 3391. Observations sur le projet d’ordonnance concernant la construction et l’entretien des routes de la généralité de Caen (Viallet, 8 janvier 1766).
72 A.D. Calvados C 3372. Mémoire concernant la manutention des corvées dans la généralité de Caen (1762 ?).
73 A.D. Calvados C 3075. Ordonnance (10 mars 1758). Il fut question de refondre l’article 2 en accordant une tâche dégressive à raison d’une diminution d’1/20e par lieue : « les communautés de la première classe auront tâche complette, qu’on diminuera 1/20 à celles de la seconde, 2/20 à celles de la troisième et enfin 3/20 à celles de la quatrième » (A.D. Calvados C 3372, Mémoire concernant la manutention des corvées dans la généralité de Caen (1762 ?) art. 9). « Les paroisses dans la distance de deux lieues de l’endroit où les travaux sont ouverts payent 4 sols pour livre de taille ; celles qui sont à trois lieues payent 3 sols 6 deniers ; celles qui sont à quatre lieues ne payent que 3 sols » « Observations d’un habitant corvoyable… », op. cit., p. 38.
74 A.N. F14 149. Thomas Dumorey. Mémoire concernant les grands chemins du duché de Bourgogne dans lequel on examine la dépense que les corvées occasionnent aux communautés et celle que l’on feroit pour entretenir ces routes à prix d’argent, s. d.. A.D. Côte d’Or C 3860. Instructions pour le cantonnement en Bourgogne (1780). Il était prévu qu’une communauté éloignée d’une lieue du chemin ait une tâche d’un cinquième moins forte que celle qui serait sur le chemin… En Bretagne, il était également prévu une diminution d’1/5e de la tâche pour les communautés situées à plus de deux lieues (A.D. Ille-et-Vilaine C 4723. Copie de la délibération des États concernant l’administration des grands chemins, 19 mars 1765).
75 Lettre de Turgot à P. Trudaine de Montigny (20 septembre 1764), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 71, p. 69. A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre de Turgot aux curés (4 octobre 1764) : « Sur environ 900 paroisses dont elle [la généralité de Limoges] est composée, il n’y en a guère que deux cent qui travaillent habituellement aux chemins. »
76 A.D. Haute-Vienne C 299.
77 La comparaison établie par P. Trudaine de Montigny pour évaluer les opérations de rachat entreprises respectivement dans les deux généralités aurait été tout à fait précieuse pour entreprendre cette analyse (Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 102, p. 90). À défaut d’avoir pu retrouver ce document, il faut se résoudre à composer avec des sources disparates et souvent lacunaires.
78 Cf. Levinger M., « La rhétorique protestataire du parlement de Rouen », Annales ESC, 1990, 45 (3), p. 589-613. Correspondance politique et administrative de Mirosménil premier présent du parlement de Normandie 1757-1771, Rouen, A. Lestringant, 1899-1903, vol. 1, p. 101.
79 Remontrances itératives de la cour des comptes et des aides de Normandie (26 juillet 1760), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 65, p. 47.
80 Arrêt du parlement de Rouen (19 juillet 1760) : « il sera informé à la requête du Procureur général du Roi, des levées de deniers indûment faites et autres abus et malversations qui auraient pu se commettre dans ladite généralité de Caen ».
81 Remontrances itératives… op. cit. (26 juillet 1760), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 65, p. 48.
82 Marion M., Le Duc d’Aiguillon et la Bretagne, Paris, Fontemoing, 1898, p. 268-270.
83 Lettre de Turgot à D.-C. Trudaine (10 juillet 1762), Œuvres de Turgot, op. cit., t. 2, p. 216.
84 Lettre de D.-C. Trudaine à Turgot (25 décembre 1761), Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 71, p. 59. Une déclaration du 13 avril 1761 avait en effet confié aux cours des aides les contentieux relatifs à taille, avant de rétablir la compétence de l’intendant en décembre de la même année.
85 Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 21.
86 Ibid., p. 35.
87 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre de Turgot à L’Averdy (30 juillet 1765).
88 Vernus M., Le Presbytère et la chaumière. Curés et villageois dans l’ancienne France, XVIIe et XVIIIe siècles, Cromary, Togirix, 1986, p. 144 et p. 154-157. Follain A., « Fiscalité et religion : les travaux aux églises et presbytères dans les paroisses normandes du XVIe au XVIIIe siècle », Revue d’Histoire de l’Église de France, 1996, 82 (208), p. 41-61.
89 Selon un mémoire lu au bureau d’agriculture de Brive en 1765, la taille aurait été multipliée par trois (R. Lafarge, op. cit., p. 121). A.N. P 5238-5243. États de finances pour la généralité de Caen (1758-1763).
90 A.D. Calvados C 3389.
91 A.D. Calvados C 3389.
92 A.D. Calvados C 6320. Lettre de Fontette à l’ingénieur M. le Paulmier (27 septembre 1774), et C 3375. Lettre de Fontette à Turgot (9 mai 1775).
93 A.N. F14 155.
94 Kiener M.-C. et Peyronnet J.-C., op. cit., p. 236.
95 A.N. F14 155. Kiener M.-C. et Peyronnet J.-C., op. cit., p. 234. Lafarge R., op. cit., p. 245.
96 A.N. P 5396-5408. Les données postérieures à 1771, parce qu’elles sont lacunaires, sont difficilement exploitables.
97 A.D. Haute-Vienne C 299. Lettre de Turgot à L’Averdy (30 juillet 1764).
98 Ibid. Lettre de Turgot aux curés (4 octobre 1763).
99 Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 26-27.
100 Cf. Du Pont, De l’Administration des chemins, Paris-Pékin, 1767, p. 58-59.
101 « Ces 639 paroisses sont plus des deux tiers de celles qui ont à travailler dans la généralité, composé de 1230 » (Fontette F.-J. Orceau de, op. cit., p. 25).
102 A.D. Calvados C 3383. Réponses aux observations du Contrôleur général L’Averdy du 25 avril 1765.
103 A.D. Calvados C 3398. État général des tâches données en 1761 sur différentes routes dans l’étendue de la généralité de Caen.
104 A.D. Orne C 139.
105 Vignon E.-J.-M., op. cit., t. 3, P.J. 149, p. 187.
106 A.D. Haute-Vienne C 323. État des paroisses qui ont travaillé par corvée sur la grande route de Limoges à Angoulême (6 décembre 1764).
107 « Observations d’un habitant corvoyable… », op. cit., p. 39-40.
108 « Réflexions d’un simple laboureur, sur la lettre de M. l’Abbé Roubaud à M. de Voltaire, insérée dans le Mercure d’octobre 1769 », Journal économique, février 1770, p. 66.
109 A.D. Calvados C 3418. Mémoire (d’Esmangart) pour servir de réponse aux questions contenues dans la lettre de M. Necker (8 septembre 1777).
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